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Corps & Coeur Ecorchés
Liveig Fjorleif
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Corps & coeur écorchés

Adrian Mayr & Liveig Fjorleif
Entre jour & nuit |  Claircombe | Quartier Amaranthis | An 81, 2ème mois d'Ete, Jour 20
Corps & Coeur Ecorchés  Bann11



Des heures pleines de minutes. Des minutes pleines de secondes. Et dans chacune d’elle, l’éternité du passé immuable que la souffrance rejoue pour que l’on s’y habitue, qu’on s’endurcisse. Mais en vain. A chaque fois, de nouveaux détails reviennent. Des choses qu’on s’était dites, sourire aux lèvres, alors que le cœur battait comme un petit soleil à l’intérieur, juste en y pensant. « Le dernier jour de sa vie d’avant ». Cet instant-là, cet instant précis où on était bien, où on avait encore un visage et une âme, et un corps qui nous appartenait. Qui ne faisait pas souffrir. Qui n’était pas la serpillière des pires souillures. On n’en voulait plus de ce corps. Brûlez-le. Ne laissez pas cet homme voir ce que l’on a fait de ça. Moins que rien, pire que tout. Laissez-le chérir un temps le souvenir d’une belle jeune femme qui l’a aimé, mais brûlez tout espoir de la retrouver. Brûlez tout. Rendez cette charogne aux cendres, cette vie brisée au néant et cette âme abîmée aux braises de Njörd.

Des journées pleines de visages emprunts de pitié. De dégoût parfois. On ne le voit pas, mais on le sent comme l’odeur insoutenable d’une plaie purulente. Ne dites rien à ces parents, leur fille est déjà morte depuis longtemps. Vos soins n’y feront rien, ça s’envolera à la première occasion. Ca s’en va déjà. Ca divague, ça court à travers champs. Ca fuit loin de tous ceux qui ont connu ça, ça disparaît. Ca n’existe plus que dans leurs souvenirs, tel que c’était, tel que ça aurait dû rester. Ils oublieront les mauvais moments, ils oublieront la douleur. Dans leur mémoire, ce visage sera éternel, jeune, beau, innocent. Plus ils oublieront, plus ils auront un souvenir idéalisé de ça. Quelque part, celle que ça aurait dû être existera encore.

Des nuits pleines d’ombres aux contours cauchemardesques. Et par chacune d’elle, la souffrance rejoue sans jamais que l’on s’y habitue. A chaque fois, de nouveaux détails reviennent plus terrifiants les uns que les autres. Il arrive même que les délires fiévreux se mélangent à la réalité. Crie-t-on vraiment ? Pleure-t-on en rêve ? Eveillé ou dans le sommeil, on reste bloqué dans le coin d’une pièce en proie au même tourment. D’aucun aurait vu là un aperçu de la torture que les titans réservent aux mortels qui n’auraient pas été protégés par la Promesse de Njörd. Et sa Promesse à elle alors ? A quel moment n’avait-elle pas vu le signe que le Maître Forgeron maudissait son union avec Eredin ? Leur ruban, avait-il bien brûlé comme il l’aurait dû ? La prêtresse, l’avait-elle vraiment mis dans le brasier ? Les flammes ont-elles changé de couleur pour signifier le refus du Dieu des dieux ? Elle ne se souvenait pas. Elle ne se souvenait que du bonheur illusoire qu’elle croyait détenir jusqu’à sa mort. En un sens oui. Jusqu’à ce qu’elle meurt de l’intérieur, elle avait été heureuse.

L’envie de vomir la tenait depuis plusieurs jours. On lui répétait que c’était probablement les tisanes qui avaient cet effet. On la forçait à boire ces horribles infusions toutes plus amères les unes que les autres, alors qu’elle voulait juste laisser sa carcasse ici, et partir. Les guérisseuses changeaient ses bandages, l’auscultaient de partout, s’échangeaient de drôles de regards, parlaient d’elle comme si elle n’existait pas, ce qui en soit n’était pas si faux. Elle n’était plus vraiment libre de ses mouvements, de ses pensées. Elle n’avait pas cessé d’être un objet depuis qu’elle avait été utilisée. On la déplaçait, bougeait, déshabillait, rhabillait, bandait, nettoyait, gavait d’eau et d’herbes dégueulasses. Elle voulait tout vomir jusqu’à ses tripes. Elle voulait vomir ses pensées, sa douleur, son sang. Plusieurs fois, elle avait espérait s’étouffer dans son sang ou son vomi, mais toujours, quelqu’un la veillait et elle n’avait pas la force de lutter pour mourir plus vite. Elle était condamnée à agoniser là pour toujours. Mais qui sont ces gens qui s’amusent à prolonger son supplice, ces gens en qui elle croyait pouvoir avoir confiance : Aslaug, l’Hurlskson, Torstein. Elle ne voulait voir personne, parler à personne. Son silence était son bouclier. Hors de question qu’on voit son visage se distordre et se fendre pour émettre des sons bestiaux. Personne ne l’entendrait. Elle donnerait raison à tous ceux qui avait vu sa timidité comme un retard mental. Tout le monde avait défilé, mais le pire restait encore les visites d’Eredin. Impossible de se soustraire à son regard, à sa pitié. Encore une fois, elle se sentait acculée dans une position où elle ne pouvait pas fuir. Le plus facile restait encore de faire semblant de dormir.

Jusqu’à ce moment où elle s’était réveillée seule avec un seul but : disparaître. Vite. Quelqu’un pouvait revenir à tout moment, refermer la porte de sa dernière chance. C’était une chaude nuit d’été, pourtant avec sa tunique en lin, elle avait froid et tremblait, ses jambes la portaient à peine. Tous ces jours, alité, à boire du bouillon, n’étaient pas pour la rendre plus énergique. Elle délogea la couverture grossièrement tissée de son lit pour s’en draper. Ses gestes semblaient lents et faibles. Elle crut qu’elle ne parviendrait pas à pousser la grosse porte en bois qui donnait sur l’extérieur. Ses pensées étaient cotonneuses et insaisissables, mais elle se raccrochait à sa volonté implacable de partir. Il devait être très tôt le matin ou très tard le soir, elle ne croisa que quelques badauds. Elle-même ne savait pas vraiment où elle allait, seulement qu’elle devait s’éloigner du quartier Utgardien dans un premier temps, puis de Claircombe ensuite. La tension s’accumulait à chaque coin de rue. A chaque sursaut, quand une silhouette floue se découpait dans son champ de vision trouble. A chaque bruit d’objet qu’on bougeait dans une bâtisse du rez de chaussée. A chaque caillou qui roulait sous les pieds d’un passant pressé. La panique accélérait son pas, ses pieds s’écorchaient sur le pavé rugueux. Lorsque son agitation atteint son paroxysme, elle s’adossa à une porte pour s’y appuyer et reprendre son souffle. Tous ses membres étaient en proie à un tremblement incontrôlable de quelqu’un sur le point de faire une crise d’angoisse.

Aussi quand la porte s’ouvrit derrière elle, elle bascula sans parvenir à se raccrocher à quoi que ce soit d’autre qu’une silhouette où elle colla le visage d’un agresseur. Sa bouche s’ouvrit faisant craquer la chair enflée, rouvrant la plaie, la douleur lui fit serrer les mâchoires et retint un cri d’horreur tandis qu’elle utilisait le peu d’énergie qu’elle avait pour essayer de s’écarter de l’individu que son délire rendait monstrueux.

— ..a..rochez pas ! parvint-elle à cracher en s’écartant pour se rattraper à une étagère derrière elle, un bocal tomba au sol dans un fracas. Une odeur étrange se rajouta à celle de toutes les herbes médicinales qui embaumaient déjà l’air de la boutique. Elle secoua la tête pour chasser le vertige et essayer de rendre audible ce qu’on essayait de lui dire. Peut-être qu’on lui demandait si elle avait besoin d’aide, quel était son nom. Plus de nom. Plus rien. Tout redevenait flou, peut-être parce qu’elle était trop faible, peut-être parce qu’elle avait les larmes aux yeux. Il ne fallait surtout pas qu’on la cherche, il ne fallait surtout pas qu’on la retrouve. On allait encore la traîner sur ce lit de malade pour essayer de la réparer au lieu de la laisser s’en aller.

 ...non… non-non-nonnn… fit-elle suppliante. Non-non... Cache-moi, cache-moi, pitié…


Dernière édition par Liveig Fjorleif le Mer 7 Avr - 23:46, édité 1 fois
Adrian Mayr
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Métier : Apothicaire
Lun 15 Fév - 1:10
L'aube n'avait pas encore daigné se montrer lorsque l'apothicaire avait été réveillé en sursaut, haletant et saisi de tremblement dans ses deux bras pendant de longues et pénibles minutes. Bien qu'éreintante, cette crise d'angoisse avait au moins le mérite de l'extraire de cette prison nocturne dans laquelle il ne voyait depuis quelques temps rien d'autre que des horreurs, toutes centrées sur le même sujet, irrémédiablement. Des que ses yeux lui permettaient de détailler à nouveau la réalité, son regard tournait toujours sur sa gauche, vers ce grand espace vide au sein de sa couche, source de tout ses tracas. Ses yeux finissaient par glisser doucement vers le petit vase contenant trois Lys d'une douce couleur argentée qu'il avait installé là, peu de temps après sa disparition. Voila maintenant un petit mois qu'Adrian s'était brusquement retrouvé seul, résultante d'une tragique mésaventure de sa trop curieuse compagne. Au début, l'apothicaire avait semblé détaché de toute émotion à l'égard de la situation, déroutante neutralité qui avait fait parler de lui auprès de son cercle de connaissance. En son fort intérieur, il avait lui même eu du mal à comprendre ce qu'il ressentait, était-il triste ou bien en colère? Possiblement un peu des deux. Il n'en parlait pas cependant, et lorsque quelqu'un lui adressait des condoléances ou souhaitait honorer la mémoire de sa compagne, il changeait de sujet comme s'il n'avait même pas entendu les mots qu'on lui adressait. Le plus dur avait été de devoir reprendre la place de Ludmilla en tant que médecin, car certains patients avaient besoin de ses soins, conduisant l'apothicaire sur les traces d'un passé qu'il aurai préféré laisser de coté. Bien que détaché de l'attrait pour les relations humaine, il avait construit une partie de sa vie avec cette femme et sans s'en rendre compte le couple avait crée une forme d'équilibre, aujourd'hui brusquement disparu.

Brisant le reflet de son visage fatigué en plongeant ses mains dans la bassine, Adrian s'aspergea le visage de cette eau légèrement rafraîchie par la nuit touchant à sa fin. Le contact brut du liquide contre sa peau tiraillée par un sommeil trop peu réparateur eut raison des dernières tentation de retourner se coucher. A quoi bon s'essayer à explorer le pays des rêves lorsque l'on n'y trouve qu'un amas d'obscures réalités déformées par un inconscient bien trop ancré dans les émotions négatives. Il s'appliqua dans une toilette nocturne vivifiante pour évacuer la transpiration d'un réveil un peu trop soudain. Une fois terminé, il resta un petit moment immobile devant le bac. Voyant la surface du liquide redevenir plate, son regard s'égara sur la réflexion distordue par les ondulation que lui offrait l'eau à nouveau. D'un petit geste de la main ponctué d’un soupire, il perturba la surface lisse de l'eau d’un petit coup sec, brouillant à nouveau son image, avant de quitter la salle de bain pour s’habiller d’une tenue vert sombre typique de son style vestimentaire habituel.

L’apothicaire voyait au moins un avantage à se lever bien avant l’aurore, il allait bénéficier d’un peu de temps libre pour s’adonner à l’étude de divers manuscrit qu’il commençait à trop empiler faute de temps. Il prit sous l’épaule une petite pile de parchemins ainsi qu’un ouvrage à reliure de cuir sombre qui semblait plus vieux que lui et descendit l’escalier pour se retrouver dans ce qui constituait son lieu de travail, la boutique. Il ajusta minutieusement l’éclairage de la pièce pour ne pas peiner à lire. Une fois assis, il commença à feuilleter les écrits de manière succincte avant de s’attarder sur les passages qu’il jugeait les plus intéressant. Il se rendit cependant bien vite compte que son esprit n’avait de cesse de divaguer, ressassant encore et encore ces angoisses nocturnes à la seconde ou sa concentration vacillait. Soupirant de frustration, il reposa les documents soigneusement empilés et se leva pour mettre de l’ordre dans l’échoppe. A vrai dire, il n’y avait pas grand chose à faire, car Adrian aimait garder les choses bien en place et le rangement était une chose auquel il apportait toujours un soin très particulier. Au moins, se mouvoir était un meilleurs exutoire que la lecture.

Après avoir de placé, replacé, ajusté et trié plusieurs fois des éléments déjà impeccablement rangés, Adrian s’accorda une pause pendant laquelle il constata que la nuit était encore bien en place dans les rues de Claircombe. Son réveil avait décidément été très prématuré. S’accordant une petite pause, il se décida à prendre l’air pendant quelques minutes afin de profiter de la douce chaleur nocturne avant que les rues ne se réveillent et deviennent bruyantes. Ruminant ses pensées et son emploi du temps de la journée à venir, il ouvrit la porte machinalement. La suite des événement lui échappa complètement. En quelques secondes, une silhouette plus petite que lui le percuta, manquant de les entraîner tout les deux dans sa chute. L’apothicaire renforça par réflexe ses appuis pour amortir la chute anarchique de cette mystérieuse personne. Il baissa la tête vers l’inconnue et son esprit le ramena dans une tout autre réalité.

Cheveux blond longs...Taille moyenne pour une femme...teint pâle...Une image nette et ancrée dans sa tête depuis des jours le heurta. L’espace d’un instant, il cru même reconnaître une senteur parfumée qu’il n’avait que trop connu, et bien que cela soit impossible, il ne put s’empêcher de commencer sa phrase.


"Ludm..."

Fort heureusement pour lui, il fut interrompu et tiré de sa rêverie par un geste violent de recul de la part de la jeune femme, ponctué d’un cri dont il n’avait guère entendu les mots, bien qu’il ait compris l’idée. Lorsque celle-ci recula, percutant violemment un bocal qui se brisa au sol, son esprit sembla revenir bel et bien sur terre et il put enfin détailler la véritable apparence de l'inconnue, qui n'était bien évidemment pas celle qu'il avait cru voir. C’est alors seulement à cet instant qu’il remarqua le visage de la jeune femme,  livide, une expression de peur figée dans ses yeux voilés par la fatigue. On lisait toute sorte d’émotions négative rien qu’a la vue de son visage. Bien évidemment, ce n’était pas le plus notable, car la plaie dorénavant moitié réouverte qui serpentait de sa lèvre à sa joue témoignait d’une horrible souffrance et venait défigurer la malheureuse.

Dorénavant plus lucide, Adrian s'enveloppa de calme en se concentrant rapidement sur l'analyse de la situation. Cette femme était terrorisée et blessée, en état de choc et donc possiblement incapable de réfléchir calmement. D’un très bref examen, Adrian voyait bien que cette plaie menaçait de se rouvrir complètement et que la jeune femme avait besoin de soins. Les yeux embués de larme qu’elle posait sur lui neutralisèrent toute envie de la chasser, elle avait besoin d’aide. Avant qu’il eut prit la parole, elle sembla revenir en partie à la réalité, le suppliant maintenant de la cacher ? La cacher de qui, pourquoi? Était-elle poursuivie? De toute façon, qu’elle soit en danger ou non, il ne pouvait se résoudre à jeter dehors une personne ayant besoin d’intervention médicale. Sans tarder et quittant des yeux la malheureuse, Adrian se dirigea vers la porte encore entrebâillée et jeta un coup d’œil à l’extérieur. Rien n’avait bougé, le carrefour était désert et encore endormi. Il poussa un petit soupir et referma doucement la porte, passant le verrou dans son loquet, par sécurité. Adrian se campa alors très calmement à une distance respectable de la jeune femme, une distance ou il n’avait pas la portée pour l’atteindre physiquement. Dans ce genre de situations, il valait mieux ne pas se presser, même s’il y avait urgence, car une personne en état de choc était capable de faire un geste aléatoire et dangereux. Il planta son regard émeraude dans celui de la jeune femme, évitant volontairement de regarder l’horrible blessure.

Son expression était neutre, l n’exprimait aucune pitié et n’esquissait pas de sourire non plus. Rien ne pouvait être mal interprété, il était un médecin qui s’adresse à une patiente.


"La porte est fermée, et personne ne semble vous avoir vu rentrer. Si vous souhaitiez être cachée, c’est chose faite. Cependant, si vous voulez rester ici, vous allez devoir me laisser vous aider avec cette blessure. Je suis médecin, je me fiche de savoir pourquoi vous vous cachez, mais je n’accèderai à votre requête que si vous me laissez vous assister. Surtout, si vous voulez parlez, faites le dans le calme et serrez les dents, ne faites pas empirer les choses."

Sa voix était calme, presque monocorde et il ne passait pas par quatre chemins pour tirer la situation au clair. Il ne se montrait pas plus amical qu’hostile car il jaugeait que la jeune femme n’avait les idées claires. Qu’aurait-il fait si elle avait prit un ton amical comme un piège tendu et par conséquent cédée à la panique. Non, le plus important était de rester détaché. Il ne montrait pas non plus de compassion, la pitié n’avait pas sa place lorsque l’on devait soigner quelqu’un, et ce même si on avait la vocation d’aider, rare était ceux qui supportaient qu'on leur adresse un regard plein d'empathie pour leurs malheurs. Durant tout son discours, l’apothicaire n’avait pas décroché le regard de la jeune femme, même lorsqu’il avait mentionné cette terrible blessure. Il tendit doucement une main en avant, toujours à bonne distance, puis il reprit la parole.


"Si vous souhaitez que je vous aide pour avancer vers le fond de la boutique, prenez ma main, si vous voulez vous débrouiller, faites simplement non de la tête. Nous aurons loisir de parler plus tard, pour l’instant allons nous installer un peu mieux que sur le pas de la porte. Commencez également si vous le pouvez à vous concentrer sur votre respiration, rien ne presse"

Bien qu’il y ait quand même, Adrian jaugea important de laisser à la jeune femme le contrôle et le temps. Si elle avait besoin d’aide, il serai la pour l’appuyer, mais si elle voulait s’en sortir d’elle même, il ne la forcerai à rien. Se précipiter dans la situation actuelle n’aurai fait qu’empirer les choses et mener les protagonistes à un scénario catastrophe.
Liveig Fjorleif
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Mer 17 Fév - 19:56


Amaranthis. De tous les habitants de Claircombe, il fallait qu’elle tombe sur un Amaranthis. Liveig ne s’était même pas aperçue qu’elle avait traversé les points de contrôles qui quadrillaient la ville jusqu’à arriver dans ce quartier-ci. Elle se pensait près de la Porte de l’Orée mais, apparemment, elle avait déambulé beaucoup trop au sud. Idiote qu’elle était, elle avait demandé au premier venu de la cacher, sans rien savoir de lui ou de ses intentions, sans se rendre compte qu’elle  venait, à nouveau, de se faire piéger dans une pièce à la porte verrouillée avec un inconnu. En apnée, son corps se souvenait mieux que son cerveau, son rythme cardiaque se mit à sauter des battements, à s’accélérer. Ses yeux exorbités refusaient de battre des cils, car qui sait ce qu’il pouvait se passer pendant ce laps de temps ? Une fraction de seconde, c’était bien assez pour mourir, ou pire, bien assez pour survivre à d’autres horreurs en toute impuissance. Sans perdre l’homme de vue, elle reculait en faisant en sorte de mettre un maximum d’obstacles entre elle et lui. Il se prétendait médecin, peut-être bien qu’il l’était. Il avait cet air détaché de commerçant qui connaît son affaire et qui ne va pas laisser la pitié entrer en compte dans ses négociations. De fait, il ne cherchait pas à l’approcher ou à l’amadouer avec des sourires, ou des mots réconfortants.Un prix, il y avait toujours un prix à tout pour les Amaranthis, c’était bien connu. De fait, s’il n’était pas encore question d’argent, le prix était là : à combien estimait-elle la valeur de sa confiance ? Un hoquet brisa la suffocation qu’elle s’imposait depuis que le loquet avait scellé l’entrée, haletante, elle réfléchissait encore alors que sa vision s’embuait.

Combien coûtait sa confiance ? En réalité, il n’y avait pas grande matière à réflexion : rien. Sa confiance ne valait plus rien, elle n’avait plus rien à perdre, sa dignité, sa santé, sa vie, rien. Alors si c’était sa confiance qu’il voulait, il l’avait si ça lui faisait plaisir, il ne pourrait plus rien tirer d’elle. Quand il s’apercevrait qu’elle ne pourrait pas payer ses soins, il la livrerait à la garde, et si elle se débattait suffisamment bien, elle pourrait peut-être être exécutée et enfin en terminer. Ses délires étaient bien loin de la réalité, il faut dire : il n’y avait aucune chance pour qu’une telle sanction s’applique au vu du danger qu’elle pouvait représenter. Mais elle trouvait du réconfort à savoir que quelque part, elle avait une chance de fuir, qu’importe le moyen.

...rester calme... serrer les dents. L’utgardienne se rendit compte que la contraction des muscles de ses joues tirait sur la plaie, empirant la douleur. Cette simple prise de conscience décrispa sa mâchoire, allégeant sa souffrance. Peut-être était-il vraiment docteur, peut-être ne voulait-il que l’aider ?

Non, non. Personne ne veut t’aider. Tu fais pitié, tu dégoûtes, tu écœures, tu fais peur. Cache-toi. Va-t-en. Disparais.

D’un mouvement lent, il tendit la main pour l’inviter à le suivre, et, aussi doux que fut le geste, elle ne put s’empêcher de rabattre ses deux poignets contre sa poitrine, comme si par ce geste, elle pouvait empêcher tout contact physique.

Disparais !

Un hoquet la prit à nouveau, l’apnée n’aidait pas son vertige ...Respiration… Elle força l’air dans ses poumons, les força à se vider lentement. L’homme l’observait, il attendait peut-être sa réponse, elle déclina l’offre de la tête. Depuis un moment déjà, le goût âcre du fer emplissait la bouche. Le liquide suintait de la plaie à grosse goutte et coulait le long de son visage jusque dans son cou. L’adrénaline de sa fuite retombait doucement. Se sentant faible à nouveau, elle obtempéra et le suivi à l’arrière de la boutique. Toujours, elle faisait en sorte de le garder dans son champ de vision : elle appréhendait le moment où il devrait s’approcher pour « l’assister ». Sa respiration reprit un rythme irrégulier quand l’évidence la frappa à nouveau : il n’était pas médecin, c’était un menteur. Il y avait des herbes en tout genre dans la boutique, il était peut-être herboriste, mais rien ne faisait penser qu’il était médecin. Si la plupart des guérisseurs utgardiens s’y connaissait effectivement en plante autant qu’en premier soin, qu’en était-il des Amaranthis ? Elle savait que leur science était différente et qu’ils avaient pour habitude de se spécialiser dans leur domaine. Menteur. Le regard qu’elle lui adressait n’était pas franchement amical.

— T’es pas médecin, siffla-t-elle entre ses dents. Elle avait beaucoup de mal à réprimer l’hostilité qu’il lui inspirait. La paranoïa lui donnait un air aliéné et pourtant, avec tous les objets qu’elle aurait pu lui jeter à la face pour faire diversion et tenter de s’échapper, elle resta droite et immobile. Même agité, elle n’était pas d’un tempérament belliqueux ou impulsif. Elle ne savait pas se battre, son arme, c’était sa beauté froide et sa langue, et on avait réussi à détruire l’une et amputer l’autre. Elle était sans défense, mais gardait quand même un stoïcisme qui aurait pu s’apparenter à un désespoir profond ou à la folie autodestructrice.


Adrian Mayr
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Sam 20 Fév - 12:05
Le fait qu'elle n'accepte pas son aide pour marcher, Adrian s'en doutait, mais au moins elle avait prit la décision de tout de même le suivre dans la boutique et c'était une bonne chose. Il y avait fort à parier qu'elle n'aurai pu déambuler bien plus longtemps dans les rues avant de s'effondrer lamentablement au milieu d'une avenue pour ensuite se retrouver au dispensaire. Alors qu'Adrian allait se tourner pour se retrouver face à la jeune femme, il entendit la voix de celle-ci exprimer à nouveau son hostilité. Marquant une petite pause pour digérer l'affront au gré d'un soupire, il pivota sur lui même doucement, plantant son regard toujours neutre dans celui de la blessée. Le regard sombre qu'elle lui adressait avait de quoi en faire pâlir plus d'un, malgré son état. Ne faisant montre d'aucun changement de comportement, Adrian restait très calme, ni souriant, ni en colère, il se campait sur cette volonté de ne rien exprimer en regardant son interlocutrice, déjà bien assez paranoïaque comme ça. Comment n'avait-elle pas pu voir tout l'équipement de médecine juste derrière elle? Avait-elle peur de le quitter des yeux au point de briser toute vision périphérique? Possible..

Elle redoutait un mauvais geste de sa part? Très bien, Adrian se saisit calmement de la chaise la plus proche de lui et s'assit toujours à une distance raisonnable de la jeune femme. Il releva ensuite le regard pour à nouveaux se fixer dans celui de la jeune femme, avant de prendre la parole.

"Faites attention à ne pas vous blesser avec le matériel médical si vous reculez, je pense que vous avez déjà bien assez souffert. Mais vous avez raison, officiellement je n'étais plus médecin."

Il ponctua sa phrase d'un petit silence. Pourquoi venait-il de dire ça? pourquoi diable avait-il abordé le sujet, même de loin? Qu'est ce qui faisait que, pour la première fois depuis l'incident, il eut envie de dire explicitement et à haute voix des mots qu'il occultait en toute situation? Était-ce la réminiscence provoqué par la rencontre soudaine ou bien simplement un besoin d'être entièrement honnête avec cette femme qui avait probablement souffert plus que de raison? Toutes ces question fusaient dans la tête de l'Amaranthis, il se maudissait d'avoir laissé ses mots déborder de sa lucidité. D'autant plus qu'il ne connaissait absolument pas cette personne qui avait fait irruption chez lui, lui demandant de la cacher, lardée d'une blessure que l'on ne récolte pas par un simple accident. Il resta assis et commença à jouer distraitement avec sa barbe taillée de sa main droite, signe de concentration chez lui.  la mine légèrement plus sombre qu'il y a quelques secondes. Une petite lueur de tristesse passa même dans ses yeux. Bien que pestant contre lui-même intérieurement, il ne put s'empêcher de continuer à parler.

"J'ai été formé toute ma vie à l'être, dès lors que j'était apte à faire usage de ma mémoire. J'ai également longtemps pratiqué, mais je m'en suis volontairement écarté. Aujourd'hui, c'est ma compagne aurai du prendre en charge vos soins, si elle n'était pas morte il y a de cela un mois. Par devoir, j'ai repris son travail, trop de patients comptaient sur elle pour que je les envoie froidement au dispensaire. Croyez-le ou non, libre à vous, vous avez le choix de vous installer sur la chaise prévue à cet effet derrière vous et d'accepter que je vous aide, sinon, vous savez ou se trouve la sortie. Prenez votre temps, j'estime que vous avec encore un peu de temps avant de manquer de sang et de vous effondrer. Mais sachez une chose, si je me suis engagé à vous aider, c'est que je le peux, je ne triche jamais sur mes compétences médicales."

Finalement, il avait brutalement et explicitement parlé de la disparition de celle qui partageait sa vie il y a encore quelques temps. Des jours durant ses connaissances avaient essayé de lui en parler, redoutant un choc traumatique important, et voila qu'il balançait tout cela à une illustre inconnue qui n'en avait surement rien à faire de surcroit. Son poing s'était serré pendant son élocution, blanchissant ses phalange, mais son visage était resté de marbre, les yeux toujours rivés sur ceux de la jeune femme. Il n'avait pas grand chose à ajouter, elle avait prétendu qu'il n'était pas médecin et elle avait presque raison, mais maintenant qu'elle savait la vérité, il n'y avait plus qu'a attendre de savoir si elle allait obtempérer ou se décider à prendre la fuite. Adrian savait que la plaie réouverte la faisait souffrir, il était même probable que le sang se déversait doucement dans sa bouche alors qu'ils patientaient, une situation qui n'avait rien de rassurant en général. Malgré tout, il ne prenait pas de risque en attendant qu'elle se décide. Le sang s'écoulait certes, mais forcer la main de la jeune femme aurait eu pour simple résultat d'empirer tout le procédé, et il n'avait aucune envie de l'obliger à quoi que ce soit, même s'il espérait qu'elle ne s'en aille pas bêtement pour s'effondrer dans la nuit.

"Et surtout n'oubliez pas calmer votre respiration." Dit-il comme pour rediriger le sujet sur le cœur du problème, avant de finalement attendre la réaction de la jeune femme.
Liveig Fjorleif
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Sam 27 Fév - 0:06


Les yeux de son interlocuteur se posèrent derrière elle lorsqu’il l’avertit de ne pas se blesser avec le matériel médical en reculant, aussitôt, elle fit volte-face comme si un ennemi mortel se tenait dans son dos. De curieux objets étaient soigneusement rangés dans un commode vitrée. A travers le verre, on pouvait distinguer toute sorte de choses : des livres, bien sûr, des fioles, des bandages propres enroulés et mis côte à côte, des turbines de fil, des trousses en cuir, des pots d’onguents ou de baumes. Des instruments moins plaisants aussi, un marteau, une scie.

Et là, elle les vit. Partout. Cette succession de lame alignées méticuleusement qui renvoyaient toutes le même reflet. Leur métal froid contre sa joue. Instinctivement, elle avait ramené ses mains à elle, sous son menton. Ses ongles étaient sales, ses poignets gardaient les stigmates violacés, estompés par endroits. Ses pieds devaient être la partie la moins abîmée de son corps, mais c’était difficile à dire étant donné qu’elle avait traversé les quartiers pieds-nus. On aurait pu la prendre pour une maudite, c’était même incroyable que personne ne l’ait interceptée aux herses. La voix du faux-docteur était posée et calme, sur un timbre qui inspirait la confiance et l’apaisement. Tout ce qui importait Liveig, c’était que même alors qu’elle ne lui faisait plus totalement face, elle pouvait s’assurer de sa position dans la pièce. Malgré son manque d’observation quant à son environnement, elle avait vu juste : il n’était pas médecin. Sa compagne, elle, l’était. Ou plutôt l’avait été.

— Que Njörd la garde… elle agita sa tête, comprenant sa méprise alors qu’elle ne s’adressait pas à un Utgardien. Ne trouvant de meilleurs mots, elle se contenta d’ajouter : Désolée…

L’homme, bien que plus mûr qu’elle, n’était pas en âge d’être veuf. Sa femme, était-elle morte en couche ? Avait-elle été la victime d’un accident malencontreux comme ça arrivait parfois ? Etait-elle partie en paix, ou avait-elle vu sa vie se faire arracher à son corps avec violence ? Avait-elle souffert ? S’était-elle battu pour défendre la seule chose qui comptait ? Ou s’était abandonné au sort malheureux, comme elle, comme une lâche. Probablement pas. Les vaillants rejoignent le Maître Forgeron. Les couards qui attendent leur fin doivent vivre en connaissant leur vraie nature, avec l’indignité pour seule compagnie. Il n’y avait pas pire châtiment.

L’homme attendait qu’elle prenne place sur le siège indiqué, pourtant la blonde restait debout. Le sang sur son visage coagulait par endroits, s’encroûtait, la grattait. Elle voulut porter ses doigts à la blessure pour soulager la démangeaison et la douleur peut-être, en pressant contre la plaie qui la faisait souffrir. L’herboriste dut voir le geste venir pour si bien l’anticiper, il lui recommanda de ne pas toucher la chair à vif pour éviter l’infection. Elle laissa retomber ses mains le long de son corps, en même temps que sa tête retombait de honte, en regardant le sol. Quelle bassesse que de demander la charité à un Amaranthis. C’était le meilleur moyen de se créer une dette ad vitam æternam. Puis, elle se rappela qu’elle n’avait plus de famille, plus de vie, plus de visage, plus de toit, plus de dignité. Cette simple réalisation la laissait avec une des seules choses qui lui restait encore une rage froide à peine diluée dans de l’amertume. Elle tourna ses yeux délavés et rougies vers lui, comme le défiant de ne pas détourner le regard. Il faudrait bien qu’elle s’habitue à voir le dégoût et la pitié sur tous les visages qui la croiseraient.

— Je ne peux pas payer. Personne ne les payera pour moi. Vous vous en doutez. s'appliqua-t-elle à articuler en bougeant les lèvres le moins possible, les dents toujours serrées.

Sans vraiment attendre la réponse à une question qui n'en était pas une, elle consentit enfin à s'asseoir sur le siège. Tant pis pour lui s’il avait quelque espoir qu’elle fut issue d’une famille qui la considérait suffisamment pour pouvoir payer des soins. Après tout, il voulait jouer le bon samaritain, peu importait donc la récompense. Puisqu'elle n'avait plus qu'un visage monstrueux, à quoi pouvait bien servir la bienséance, la politesse ou même la gratitude. Qu’importe ce qu’il disait, elle gardait à l’oeil le verre de l’armoire et la possibilité de le briser pour s’armer si le gentil médecin n’était pas aussi bon qu’il voulait le faire paraître.

Adrian Mayr
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Lun 1 Mar - 14:45
Adrian maintenait son regard bloqué sur celui de la jeune femme dès lors qu'elle reporta son attention sur lui. La balafre qui zébrait la joue de la blonde n'avait rien de ragoutant, certains l'aurai même qualifié de répugnante ou d'abjecte, mais pour l'apothicaire, une blessure était une blessure et non un handicap esthétique. Lorsque les patients venaient pour des soins, il n'était pas rare en tant que médecin d'être témoin d'horrible choses, si bien que l'on s'habituait en développant une forme de détachement entre le blessé et ses maux, se libérant ainsi des excès d'empathie, au moins le temps de prendre en charge le blessé. Adrian n'avait donc aucun mal à regarder dans les yeux la convalescente qui le dévisageait toujours d'un regard brillant de souffrances, une expression neutre presque figée sur le visage. Il écouta les dires de la jeune femme et s'étonna que dans une situation si précaire que la sienne, l'idée du paiement des soins lui soit venu à l'esprit. Malgré qu'il soit Amaranthis et que les apriori sur son peuple ne soit pas toujours des idées reçues, Adrian n'avait pas pensé une seule seconde au moyen de paiement dont disposait son interlocutrice, il s'était concentré sur le fait qu'elle avait besoin de soins. Il n'eut guère loisir de lui répondre dans un premier temps car la jeune femme s'installa sans plus attendre sur le siège...Voila enfin une bonne nouvelle.

L'apothicaire se leva doucement, sans un mot et se dirigea vers un recoin de la pièce pour commencer à préparer du matériel en tout genre, récupérant notamment fil, aiguilles et bandes de lin qu'il posa sur une petite tablette près du siège sur lequel reposait la jeune femme. Il posa minutieusement chaque ustensile dans un ordre précis et continua à tout préparer dans un silence absolu. Il vint alors à s'approcher de sa patiente, à coté de laquelle il resta un instant, vérifiant du regard qu'il n'avait rien oublié de préparer. Son regard se posa sur l'Utgardienne dont il analysa brièvement la blessure.


"Ma dame, je vais commencer à m'occuper de votre blessure, il faudra que vous minimisiez les mouvements au maximum pour ne pas compliquer les choses. Si vous avez besoin d'une pause car la douleur est trop forte et que serrer les dents ne suffit pas, tapez doucement mon bras et j'attendrai que vous soyez prête à nouveau."

Il n'était pas forcement habituel pour Adrian se laisser le choix à un ou une patiente de demander une pause, mais ici, c'était différent. La jeune femme était traumatisée par ce qui lui était arrivé et avait longuement hésité avant de concéder à s'en remettre aux soins de l'apothicaire, si bien que forcer les choses n'aurai amené rien de bon. Le bref acquiescement de la tête venant de la jeune femme sembla signifier qu'elle était prête. Humidifiant une compresse avec de l'eau mélangée à quelques extraits de plante, il entama les soins par le nettoyage de la plaie. Avec douceur, Adrian dégagea la blessure de tout écoulement de sang séché pour détailler finalement de plus près la balafre. Il veillait à ne pas brusquer la jeune femme par un geste trop appuyé. Il reposa doucement la compresse désormais imbibée de sang pour se munir de fil et d'aiguille.

"Le mauvais moment à passer commence maintenant."

Les soins durèrent un bon moment, bien que la jeune femme fut remarquablement calme et disciplinée pendant toute l'opération. Une seule petite pause avait suffit à calmer l'excès de douleur et Adrian put travailler assez sereinement, toujours avec une attention particulière accordée à ne pas brusquer sa patiente. L'apothicaire ne vit pas le temps passer, totalement concentré par ce qu'il faisait, il ne se laissait déborder par aucune distraction. Qui plus est, il était impossible pour la jeune femme de parler, si tant est que l'envie de faire la conversation lui avait traversé l'esprit, chose dont Adrian doutait fortement. Point après point la blessure se referma, stoppant enfin les écoulements de sang qu'Adrian devait nettoyer épisodiquement tout au long de l'opération. Il procéda au même nettoyage qu'au début dès lors qu'il eut finit de recoudre la plaie, ne laissant aucune autre trace que celle de la blessure encore rougie et boursouflée par les tribulations de sa porteuse en ce début de nuit. Adrian s'écarta du siège pour aller ranger les ustensiles, toujours dans le calme. Il poussa un petit soupire de soulagement discret avant de prendre la parole, dos à la jeune femme.

"Essayez de ne pas vous relever d'un coup, vous allez devoir parler en gardant les dents serrées pendant un moment j'en ait bien peur, mais au moins, vous n'allez pas vous vider de votre sang au détour d'une rue.Il marqua une petite pause puis reprit en se tournant vers la jeune femme. - Je ne vous chasse pas, vous parliez de vous cacher, alors si vous souhaitez patienter ici...Libre à vous de le faire. Également, si vous avez besoin d'autre chose de ma part, faites le moi savoir."

L'apothicaire s'en retourna au rangement des divers ustensile qu'il avait utilisé, nettoyant méticuleusement tout ce qui devait l'être dans un petit bac d'eau posé sur un plan de travail. Voila qui était peu commun venant d'Adrian, ou même venant d'un Amaranthis tout court. En temps normal, l'herboriste aurai prit les précautions pour que sa patiente puisse repartir en bonne santé et sans risque, mais il avait bien entendu ce qu'elle lui avait dit, le visage déformé par la peur, "Cache moi". Adrian ne pouvait se résoudre à chasser cette image de sa tête, si bien qu'il laisserai le choix à la jeune femme de partir tout de suite ou non. Une partie de lui espérait tout de même qu'il ne faisait pas erreur en portant assistance à cette femme qu'il n'avait jamais vu avant. Il ne lui avait d'ailleurs même pas demandé son nom...
Liveig Fjorleif
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Lun 8 Mar - 23:24


Comme un couteau dans la plaie, un peu de sel sur les chaires à vif, un petit mot si mal placé.

— Liv. Jamais « Madame », avertit-elle en lui lançant un regard en biais. Jamais. Il fallait que ça rentre, et qu’elle s’y fasse. Bientôt, tout serait définitivement terminé, d’une manière ou d’une autre. Elle était morte, et ce qui restait d’elle ne pouvait plus rien espérer de ce qu’elle avait un jour convoité : ni le nom de son amant, ni son enfant, ni la boutique de ses parents, ni jamais rien. Il fallait que toute graine d’espoir soit détruite, que toute racine de ses rêves soit arrachée et brûlée sur l’autel de l’oubli. L’Amaranthis acquiesça puis la prévint du début de l’acte médical. S’il fallait encore laisser un étranger la toucher, alors elle mourrait. Là tout de suite. Elle meurt, noyée dans l’absence, le regard vide dans le néant alors que, doucement, on désinfectait l’hideuse blessure qui fendait sa joue. Nul besoin de la voir pour en sentir la laideur, les dents et les gencives visibles par endroits, le visage d’un maudit. Même les murs la trouvaient écoeurante, même la compresse rechignait à la débarrasser de son sang une bonne fois pour toute.

Et puis voilà encore, la suite. Alors elle mourrait mieux que ça. Qu’est-ce qu’une aiguille qui se plante dans les chaires à vif, à présent que la vie n’était qu’une douleur sans fin ? Elle s’évadait, et plus rien n’existait. Elle courrait près du Tentacle, poursuivie par une silhouette qui cherchait à l’attraper pour la jeter à l’eau. Cheveux aux vents, elle courrait en soulevant le devant de sa robe pour ne pas marcher dessus. Ses rires amusés étaient sans doute la cause de ce point de côté, mais de toute façon, elle savait bien qu’elle serait rattrapée. Ses pieds décollèrent du sol, la gravité n’avait plus court, Eredin la faisait tournoyer, faisant mine de la lancer dans l’eau, et elle se raccrochait plus fort que jamais à son cou, en poussant des cris aigus de protestation.

Il aurait été plus juste de dire que le mauvais moment à passer continuerait jusqu’à la libération de l’âme. Des larmes roulèrent sur ses joues sans même que son visage ne se crispe. C’était la douleur du coeur, celle qui anesthésie tout, qui annihile tout, qui avale le monde, l’envie de vivre et qui ne met en lumière que l’absence de sens de toute existence, l’inéluctabilité du malheur, de la solitude et du tourment.

— Et quel est le nom de la personne chez qui je me cache ?

— Pourquoi quelqu'un voulant disparaître souhaite connaître mon nom ?


Il n’en fallut pas plus pour qu’elle lui lance un regard assassin, redoublant d’efforts pour garder mâchoire et mandibule scellées.

— Car si tu parles, je…

— Adrian Mayr
, soupira-t-il avant même de la laisser proférer la suite de ses menaces. Sa curiosité avait parlé plus vite que sa raison, et sa nuit n’avait pas l’air de lui avoir apporté tout le repos dont il aurait eu besoin. Clairement, sa patiente ne l’aidait pas à minimiser l’impacte de sa fatigue sur l’irritabilité. Avec l’angle de la lumière, elle distinguait nettement les cernes qui pouvaient en témoigner. Elle ne pouvait pas comprendre ce que c’était de perdre une personne avec qui on avait partagé sa vie, elle ne le comprendrait certainement jamais à présent.

Une muraille impénétrable s’éleva entre eux deux, un bouclier d’émotion contre cet autre être qui souffrait d’aimer une morte, alors qu’elle-même souhaitait mourir pour échapper à l’amour d’un vivant. Elle trancha net ce sentiment de compassion naissant pour s’en détacher totalement. Cette douleur ne lui appartenait pas, elle n’était pas à elle, ce n’était pas à elle de l’endurer, elle était physiquement et moralement incapable de le faire. En donnant son nom, toutefois, il avait fait retombé la tension comme un soufflé sorti du four trop tôt. Mayr faisait passer le bien de tous avant le sien, était-ce le cas de tous les médecins ? Chercher à apporter aux autres ce qu’on ne pouvait s’offrir à soit ? A trop donner, le médecin se tuerait : mais s’il le faisait, qui était-elle pour le lui refuser ?

— J’ai besoin d’autre chose.

Elle n’avait plus une once de dignité, ou de fierté, alors à quoi bon se gêner à quémander ? S’il ne lui accordait pas ça, tout ce qu’il aurait fait jusqu’ici n’aurait servit à rien d’autre qu’à rafistoler un cadavre à venir. Puisqu’il en parlait, puisqu’il le proposait, et peut-être le faisait-il par pur politesse sans vraiment le penser, et bien il apprendrait à peser ses mots, comme elle apprenait à contenir toute cette haine et cette souffrance.

— Tu t’y connais en plantes, fit-elle en observant les bocaux autour d’elle. Elle était toujours assise sur le siège, comme si toute cette boucherie n’était que le début de leur conversation. J’ai besoin que tu déracines une mauvaise graine. A l’infusion ou au scalpel. Si tu ne le fais pas, je le ferai moi-même.

Adrian Mayr
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Ven 19 Mar - 20:52
Adrian plongea ses mains silencieusement dans un petit bol préalablement rempli d'eau froide dans laquelle il frotta méticuleusement ses mains l'une contre l'autre pour se débarrasser des maigres trace de sang persistantes sur sa peau. Soigneux dans tout ce qu'il faisait, ses mains sortirent impeccable de ces ablutions, ne laissant paraitre aucune réminiscence de l'opération. Il poussa un petit soupire tout en restant dos à sa patiente improvisée, fermant les yeux un instant. La fatigue commençait à lui jouer des tours, si bien qu'il s'évada un instant de toutes ces péripéties en se focalisant sur la totale obscurité de ses paupières closes. Les images revinrent bien vite au devant de la scène, ne permettant qu'un maigre répit à l'apothicaire. Ludmilla lui apparut de nouveau en pensée, son visage, ses cheveux, sa voix. Il serra les dents, rouvrit les yeux tout en cherchant du regard quelque chose de précis.

Sa cible toute désignée, il se dirigea vers une petite étagère munie notamment d'un placard à porte de petite taille. Sans éveiller l'attention, il l'ouvrit pour en sortir une petite fiole au liquide sombre et sirupeux. Débouchant la décoction, il l'ingéra d'une traite avant de reposer la fiole vide exactement à l'endroit ou il l'avait ramassé pour rabattre la porte aussi sec. Il continua à mettre de l'ordre dans ses affaires, les yeux brulant de fatigue lorsqu'il entendit qu'elle exprimait un besoin, il ne se détourna pas, ralentissant seulement son rangement pour rester attentif aux dires de sa patiente.


- J’ai besoin que tu déracines une mauvaise graine. A l’infusion ou au scalpel. Si tu ne le fais pas, je le ferai moi-même.

Il poussa un long soupire, l'allusion était claire. Le scenario des évènements récent se dessina dans la tête d'Adrian qui n'eut peu de mal à se projeter sur les origines de ces blessures. Il s'en épargna tout de même les tracas, détaché au mieux de la situation comme il savait si bien le faire en temps normal. Mais cette fatigue persistante n'avait de cesse de le torturer, mettant ses nerf à rude épreuve. Il se massa les tempes quelques secondes, jaugeant en silence la demande de la jeune femme. Toujours dos à elle, il parla d'une voix claire et distincte.

- Donnez moi une petite heure. Prenez le temps de vous reposer un peu, ou de marcher, comme vous le souhaitez.

Sans attendre de réponse, Adrian s'en alla dans un coin de la pièce, emportant dans la foulée un petit chandelier à main qui lui apporta plus de clarté lorsqu'il sonda du regard un vaste espace rempli d'ustensiles et de fioles. Bien que méticuleusement rangés, la méthode de classement de tout ces objets était propre à Adrian et en aurai rendu confus plus d'un. Il ne toucha rien au hasard, se saisissant uniquement d'objet qu'il emportera avec lui par la suite. Une fois satisfait de tout ce qu'il venait de récupérer, il s'installa en silence à son bureau, déposant soigneusement chaque outil. Fiole, couteau, extraits de plantes, pilon, tout un tas d'objet jonchait le bureau autour de l'apothicaire. Il déposa le chandelier à ses cotés et commença à effectuer ses mélanges.

Confectionner une telle décoction ne demandait pas tant d'effort que ça à Adrian, habitué à fournir pour les représentant les plus lubrique de son peuple une grande quantité de ces mélanges. Il n'avait cependant jamais de stock, réalisant les produits à la commande uniquement, peu désireux de garder en réserve trop de ces mélanges pas forcement conventionnels chez l'ensemble des peuples de Claircombe. Loin d'être illégaux, ces remèdes n'étaient pas vu d'un bon œil chez tout le monde et beaucoup souhaitaient rester discret sur la consommation du dit produit. Perdu dans ses pensées, lunettes sur les yeux, Adrian ne manifestait pas extérieurement sa fatigue, pourtant lisible sur ses traits cernés amplifiés par les ombres dansantes du chandelier. Il se leva pour faire chauffer une petite marmite au dessus d'un brasero, posant le mélange au fond du contenant pour le laisser chauffer sous un couvercle. Il se tourna vers la jeune femme pour la première fois depuis longtemps, alors que l'heure d'attente touchait presque à sa fin.


- Vous avez l'air déterminée, Liv, alors je ne vais pas vous faire tout ce sermon procédurier, je tiens juste à vous prévenir que cela ne laissera aucune perspective de retour arrière et que vous allez passer un très mauvais moment à l'ingestion de ce mélange.

Toujours dans cet effroyable froideur encore renforcée par la fatigue, Adrian sentait cette maladive curiosité le pousser à poser plus de question, à étudier les raisons d'un tel choix, voir même à proposer un examen complet pour étoffer l'étude de sa patiente. Il s'en retint, car ce jour n'avait rien à voir avec une consultation classique, il le savait très bien. Il restait malgré tout attentif à l'état instable de la jeune femme. Aussi décidé qu'elle l'était, Adrian n'était pas à l'abri de la voir vriller complètement et changer d'état d'esprit d'une seconde à l'autre, tant le traumatisme qui l'accablait exhalait de tout les pores de sa peau. Il se garda donc de toute réflexion ou observation laissant supposer qu'il essayait de décider à sa place, elle était prévenue des risques, voila tout.

S'en retournant à sa marmite, il la délogea soigneusement du brasier pour en verser le contenu dans un récipient froid qui crépita très légèrement à l'accueil du liquide. Adrian s'empara de fioles à fond rond qu'il déposa sur un petit support prévu à cet effet. Alors que le liquide refroidissait, il transvasa la préparation dans les trois contenant vide avec soins, n'en reversant pas une goutte. Lorsqu'il eut fini, les trois fioles étaient remplies en quantité égale, bouchées par un petit cylindre de liège et plus une goutte ne restait dans l'ancien contenant. Il décrocha un des remèdes de son support pour le poser vers le bord du bureau à l'opposé de lui, avant de se relever doucement. Tenu debout par son fond plat, la fiole reposait isolée sur le plan de travail, loin de tout les ustensiles utilisés par l'apothicaire lors de sa confection.

Il dirigea son regard vers la jeune femme, silencieux, attendant sa réaction.
Liveig Fjorleif
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Ven 19 Mar - 22:26


Eût-elle été dans une situation différente, Liv’ aurait été sensible au mal-être qu’exhalait cet homme. De la fatigue qui l’accablait à ces révélations soudaines sur son récent veuvage, ses soupires répétés, rien ne l’aurait laissé indifférente quelques semaines auparavant. Un jour, elle avait été une femme douce, pleine d’empathie malgré sa timidité, particulièrement sensible aux non-dits de par ces années passées retranchées dans son mutisme à observer les êtres humains et leurs comportements en société.

Mais elle n’était plus cette femme, douce, calme, muette, timide, attentionnée, sensible et patiente. Les multiples reflets que renvoyaient les objets métalliques et les verrières forçaient en elle la vision de son présent détruit et de son avenir inexistant. Son nouveau visage avait défiguré sa personnalité en une mégère suspicieuse, paranoïaque, agitée, sans-gêne, égoïste, froide presque impulsive.

Et voilà qu’il lui fallait attendre une heure entière. Seule mais pas vraiment. Entre quatre murs. Pendant de longues minutes, elle resta aux aguets, convaincue que l’apothicaire cherchait une occasion de fausser-compagnie pour prévenir la garde, ou pire, les Utgardiens. La créativité de Liveig avait rarement été aussi prolifique en terme d’objets qu’elle pouvait utiliser pour se défendre. Son esprit malade l’imaginait déjà forcée à briser une vitre ou un bocal pour s’armer d’un instrument chirurgical ou d’un débris de verre.  Son pouls prenait un rythme effréné, à force d’imaginer toutes ces situations où elle devait agir dans l’urgence, et en réaction à sa démence, son organisme la dopait en adrénaline. Toute sa cage thoracique était écrasée par une pression incommensurable rendant sa respiration laborieuse. Le besoin de sortir devint impérieux, comme si sa vie en dépendait. Ses yeux bondissait d’un coin à l’autre de la pièce, prêts à déloger des agresseurs qui se cacheraient derrière les meubles pour se jeter sur elle. Trop affaiblie physiquement et émotionnellement, sa tête se mit à tourner, elle dut se rasseoir dans le siège, au bord de la crise de nerfs. Chacun de ses membres était pris de tremblements incontrôlables. Elle devait disparaître. Elle devait partir. Son espoir se raccrocha un instant à la fenêtre, elle se voyait s’y jeter pour échapper enfin à cette pièce verrouillée.

Soudain, la voix de l’Amaranthis l’arracha à ses évasions imaginaires, la faisant sursauter si violemment que ses ongles se plantèrent dans les accoudoirs au point qu’ils se cassèrent sur la structure qui le constituait. La vive douleur qui la fit serrer les dents plus fort encore. Aucun retour en arrière ? Un très mauvais moment ? Courbée dans l’assise, ses mèches de cheveux blonds poisseuses de transpiration pendaient de partes et d’autres de son visage.  Elle ne pouvait déjà plus faire marche arrière, et aucune douleur ne pouvait être aussi insupportable que celle qu’elle avait déjà vécue. Aussi définitive que pût être la sentence, elle sonnait comme une libération à ses oreilles. Un rire à glacer le sang s’éleva entre ses mâchoires crispées. Brusquement, elle quitta son siège, comme si elle prenait le médecin à parti :

— Regarde-moi bien, Adrian ! ordonna-t-elle en tournant un regard provocateur vers lui. Le blanc de ses yeux injectés de sang contrastait vivement avec ses iris d’un bleu délavé aux pupilles totalement dilatés. Tu crois qu’les mots « aucune perspective », « mauvais moment » peuvent m’effrayer à présent ?

L’hystérie qui la prenait faisait ressortir les veines de son front et celles de son cou. La nervosité de ses gestes jurait avec la petite ossature fragile qui faisait sa silhouette. On aurait dit une possédée, un maudit, à la vélocité décuplée. Elle haletait comme si elle courrait depuis plusieurs minutes, complètement démente. Elle n’avait de cesse de vérifier autour d’elle, comme si elle était persuadée que des attaquants pouvaient surgirent de n’importe où. Lorsqu’elle aperçut les fioles, sa respiration se fit plus profonde.

— Juste ça.

C’était une question, c’était un constat, c’était une révélation. Elle n’avait qu’à boire quelques gorgées et tout serait terminé. Plus rien n’existerait de ce qu’elle avait vécu, de ce qu’elle avait été, de ce qu’elle avait aimé. A présent, son regard ne s’en détachait plus. Elle tendit la main pour se saisir du précieux liquide, de la liberté, de sa délivrance.

L’échappatoire à portée de main semblait la calmer. L’avoir enfin un pouvoir sur ce qui lui arrivait lui semblait inespérée. Entre ses doigts, le flacon était encore chaud. Elle ne cilla pas une seule fois, fixant le liquide, comme si sa puissance mystique se révélerait à force de concentration. Quelque chose aurait dû se passer, n’importe quoi qui lui indiquerait qu’elle y trouverait son salut. Mais rien. Aucun retour en arrière. Ses yeux clignèrent plusieurs fois, tandis que le doute s’immisçait en elle pour prendre la forme d’une peur catalysant toute sa volonté sans qu’elle ne parvienne à en comprendre l’origine.

— Si je n’ai vraiment plus rien, pourquoi j’ai si peur tout à coup...

Sa main s’écarta pour reposer la fiole sur le comptoir. En l’exposant à voix haute, elle comprenait l’origine de son effroi. Voilà plusieurs jours qu’elle se persuadait qu’aucune issue n’était possible, qu’elle n’avait et n’était plus rien. En en venait à une tout autre réalisation maintenant qu’elle devait choisir entre Charybde et Scylla : tout détruire de son passé pour renaître ailleurs, ou bien, créer un être qu’elle aimerait et qui l’aimerait inconditionnellement, peu importe son visage, ses erreurs ou ses faiblesses.

— Comment on sait qu’on a plus rien ? Qu’est-ce qui a vraiment de la valeur ? Toi qui sait tant, est-ce que tu sais ça ?

Adrian Mayr
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Sam 20 Mar - 19:03
Un véritable torrent d'émotions négatives se déversait des yeux de la jeune femme qui dévisageait Adrian, provoquante, colérique, désespérée. Fatigué à l'excès, l'Amaranthis envisagea un instant de lui rétorquer une réplique assassine quant au fait qu'elle lui avançait ne plus avoir quoi que ce soit à perdre dans ce qu'allait être son existence, maintenant que son visage meurtri la tourmenterait. Il se garda de le faire, encaissant les dires de sa patiente, sans émettre une once de réaction face à elle, d'une froideur presque déroutante, la mine sombre, renfermé sur lui-même. Lorsqu'elle avisa le flacon, le calme sembla se présenter à nouveau.

Jouant distraitement avec sa barbe, soutenant son bras en plantant son coude dans l'autre main, Adrian observait la scène sans vraiment répondre. La force de ce qui se jouait dans l'esprit de Liv ne lui échappa pas cependant, tantôt déterminée, tantôt en proie au doute, elle étudiait la fiole sous toute ses coutures, cherchant les réponses au fond du liquide médical qui s'agitait sous les mouvements de sa porteuse. Lorsqu'elle exprima sa soudaine crainte, la crispation disparut peu à peu du regard d'Adrian, laissant uniquement place à la mine fatigué mais patiente de l'apothicaire qui écoutait les dires de sa patiente. Les questions qu'elle lui posa étaient tout à coup lourde de sens, voir presque personnelles, des interrogations d'une vie entière lancée comme cela au gré d'une conversation aux humeurs changeante. Adrian poussa un petit soupire, se saisissant par la même occasion de la fiole pour la replacer à l'endroit ou il l'avait laissé la première fois plutôt que là ou elle l'avait laissé.


- Vous me surestimez quelque peu. Mon savoir, aussi étendu qu'il puisse l'être, est surtout basé sur des connaissances pragmatiques du corps humain et de ses afflictions ainsi que des plantes...
Il marqua une petite pause, puis reprit, soudain envieux d'en dire plus.
- La valeur des choses ne dépend selon moi d'aucun critère, aucun code, aucune morale. Nous attribuons en tant que peuple une importances aux choses. L'argent, les croyances, le savoir, la politique, aucun de ses critères ne considère le ressentit que l'on à face à quelqu'un ou quelque chose auquel on tient. Il y a encore quelques mois, je vous aurai maintenu que la valeur réside dans la connaissance, l'argent et le prestige, mais dans ce cas je ne pourrai m'expliquer ce sentiment de vide lorsque...
Une nouvelle pause fit mourir sa phrase avant d'en connaitre la fin. La fatigue sur le visage d'Adrian semblait prendre des proportions presque inquiétante.
- Peut-on vraiment le savoir, Liv? Peut-on savoir si nous ne sommes plus qu'une coque vide ou essayons-nous de nous en persuader lorsque les maux nous accable? Ou doit-on choisir de vivre en faisant ce qu'il faut pour se reconstruire...

Son regard émeraude s'était figé dans celui de son interlocutrice, il ne regardait pas cette affreuse balafre qui défigurait la jeune femme. Non...Il ne la voyait pas. Il avait en face de lui une personne, quel que soit son apparence et ses troubles, hors de question pour Adrian de faire une différenciation. Rares étaient les fois ou l'apothicaire s'exprimait sur de tel sujets, inexistantes étaient ces occasions lorsqu'il conversait avec un ou une patiente. La chevelure dorée et la peau laiteuse surmontée d'yeux clairs de la jeune femme n'était pas sans lui rappeler à nouveau Ludmilla, faisant remonter ses sombres rêveries à la surface et le poussant à ne pas se comporter comme avec tout autre personne mandant son aide. Quelle étrange sentiment que de se confronter à ce qu'il occultait depuis maintenant des semaines, chaque fois qu'on lui demandait des nouvelles. Contrairement à beaucoup d'autre, elle ne lui avait rien dit, rien demandé et n'avait pas étalé le sujet alors qu'il était de lui-même passé aux aveux, alors pourquoi se sentait-il le besoin d'aider cette femme à trouver sa voix ? Est-ce à cause de cette simple ressemblance?

Revenant au fil de la réalité, quelques secondes seulement s'était écoulée depuis sa dernière phrase. Son regard se posa sur la fiole à nouveau, avant de retourner chercher le regard de son interlocutrice.


- Ce choix est vôtre, Liv. Personne ne doit vous le dicter, il vous appartient de décider de votre avenir.
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Mer 24 Mar - 20:44


Qu’était-ce qu’un visage ? Un homme peut-il contempler toute sa vie la preuve qu’il avait failli à son devoir de protection ? Un homme peut-il encore prétendre aimer quand on voit la pitié poindre dans ses yeux. Il ne savait rien, il était comme tous les autres. Personne ne savait. Personne ne pouvait comprendre. Toute sa vie, elle avait été spectatrice, elle avait regardé les gens agir pour eux, agir pour elle. Toute sa vie, elle avait été impuissante à exprimer ce qui lui pesait, impuissante aussi à défendre une opinion quelle qu’elle fût. Voilà qu’elle se retrouvait devant un choix décisif : l’apothicaire lui parlait se reconstruire et de son avenir, mais rien de tout cela n’avait de sens pour elle.

— On ne peut pas reconstruire une charpente quand les fondations ont brûlé… C’est un faux-choix, Adrian. Ma vie entière semble avoir été bâtie sur ces fausses libertés. J’étais aveugle et maintenant je vois. Je ne peux plus accepter mon sort calmement. Je ne supporterai pas de voir la pitié et la culpabilité dans les yeux de celui que j’aime, alors comment pourrais-je élever un enfant qui me rappellera tout ce que j’ai perdu ?  Comment pourrais-je l’aimer s’il ressemble à ceux qui…

Sa mémoire la gifla si fort qu’elle s’interrompit brusquement, les yeux écarquillés par l’horreur. Impensable, non, ça, non, elle ne le permettrait pas ! D’un geste vif, elle attrapa la fiole, arracha son bouchon et la vida cul-sec.

Elle ne le permettrait jamais.

Corps & Coeur Ecorchés  W69b



On aurait pu vieillir ensemble. C’est bien ça l’amour ?

Je ne te laisserai jamais me regarder l’air coupable, persuadé que tu aurais pu y faire quelque chose. J’aurais trop peur de commencer à te croire et de finir par te haïr de n’avoir rien fait. Je ne te laisserai jamais confondre pitié et amour.

Ce n’est pas de l’amour, c’est une prise d’otage.

J’ai deux grands regrets dans ma vie. Le premier, c’est de m’être laissée détruire par mes émotions. Le deuxième, c’est d’avoir détruit mes émotions. Je me suis dit que s’il ne restait rien, plus rien de nous, il serait facile de t’oublier et d’oublier mes rêves de nous. Je n’ai pas compris tout de suite qu’en tuant je tuerai une partie de moi, pour toujours. Toujours, c’est très long quand on est seule, et c’est tout ce que je suis maintenant. Seule. Et morte. Y a-t-il pire douleur que la souffrance viscérale d’un amour qu’on arrache à la racine. Le coeur lui-même serait tenté d’y céder. Ne me laisse pas me relever, ne me laisse pas nous survivre. Je ne sais pas quel monstre se relèverait, ne le laisse surtout pas vivre.

Je ne te laisserai jamais confondre pitié et amour,
Mais je te ferai me haïr au point de non-retour.


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Les jours et les nuits se fondaient en une ligne temporelle indistinct. Entre la douleur et la fièvre, les décoctions anesthésiantes qui lui embrumaient l’esprit. Elle flottait dans les limbes, les bribes qui lui échappaient n’avaient ni queue ni tête. Une silhouette floue vint à son chevet pour lui donner de quoi boire.

— Eredin ?…

S’il lui répondit, elle ne l’entendit pas, replongeant presque aussitôt dans un demi-sommeil emplis de cauchemars bien trop réelle pour elle.

Corps & Coeur Ecorchés  W69b


Vide. Complètement vide. Comment peut-on se sentir si vide et avoir le coeur si lourd. Dans le vide aussi, son regard. A chaque fois que rien ne la rappelait au réel, elle était absorbée dans le néant. Vide, le regard. Incapable de verser une larme de douleur ou de remords. Ses yeux étaient secs. Secs comme sa gorge. Nouée. Nouée, comme son estomac. Corrodé par la bile de haine envers elle-même, envers tout le monde. Sauf peut-être l’Amaranthis. La tornade d’émotions toxiques qu’elle avait pu être à son arrivée n’était plus qu’une faible brise désormais. La patience et le calme du médecin lui avaient valu d’être épargné. Sa bienveillance aussi, car il l’avait gardé à l’oeil au cours de ces horribles jours et ces terribles nuits. Il aurait pu se débarrasser d’elle en tant d’occasion, sachant qu’elle était dans l’impossibilité de régler ses soins. Pourquoi ? A voir son air, quelque chose le rongeait lui aussi, mais était-ce vraiment à elle d’engager cette conversation ? Il faisait tout pour que rien n’y paraisse, pourtant le sentiment était persistant sur son visage. Alors quand il sortit une robe sombre de la penderie et la lui proposa elle l’observa interdite. Le pire était passé, elle se sentait mieux, mais ce geste la percuta. Elle imagina Eredin, conservant ses affaires dans l’espoir qu’elle revienne, la vision lui fit horreur.

— Que… ? Adrian…

Ses yeux s’écarquillèrent et se mirent à parcourir la chambre comme si elle la voyait pour la première fois. Des objets de femmes traînaient partout, tout laissait penser que deux personnes vivaient ici. Pourtant, Adrian Mayr était veuf depuis un mois. Il aurait fallu que les parents de la défunte les récupèrent. Comment pouvait-il voir toutes ces choses ayant appartenu à sa femme sans en souffrir ? Semblable à la cicatrice sur son visage qu’Eredin aurait pu voir chaque jour de sa vie, l’Amaranthis vivait dans un présent où sa femme était encore en vie.

— Je n’ai aucun droit de te dire ça, mais je vais me l’arroger...

Liv’ s’entendait dire des choses qu’elle n’aurait jamais pu dire, pas même à quelqu’un qu’elle connaissait depuis toujours. Murée dans un silence protecteur, comme si ça avait pu la protéger du monde. Eh bien, ça ne l’avait pas protégée. Elle n’avait plus de forteresse, alors à quoi lui servirait de garder les apparences ? Et de quelles apparences parlait-on ? De ce sourire mesquin que la vie lui arrachait jusqu’à sa mort ? Elle avait passé sa vie à essayer de devenir invisible malgré sa beauté froide, maintenant sa laideur la mettait directement sous les projecteurs. Maintenant qu’on la voyait, on serait bien forcée de l’entendre. Son regard bleu courait encore sur la brosse à cheveux près d’un petit miroir.  

— Tu ne peux pas continuer de vivre comme ça...Quelqu’un doit récupérer toutes ces… tout ça ! Dit-elle en le confrontant d’un regard franc qu’elle n’avait jamais eu jusqu’ici.



Dernière édition par Liveig Fjorleif le Mar 30 Mar - 21:13, édité 1 fois
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Sam 27 Mar - 0:38


"On ne peut pas reconstruire une charpente quand les fondations ont brûlé… C’est un faux-choix, Adrian"

Raisonnante et obstinée au fond de l'esprit de l'apothicaire, cette phrase à laquelle il n'avait eu le temps d'apporter une réponse n'avait de cesse de torturer l'esprit déjà fatigué de l'apothicaire. In extremis avant que le corps frêle de Liv ne s'écrase au sol, terrassée par l'épuisement physique et émotionnel, Adrian l'avait soutenue pour lui éviter une blessure supplémentaire. Haletante et fiévreuse dès l'ingestion du liquide, il la conduisit avec peine à l'étage, ne pouvant décemment pas la laisser alitée sur la chaise de soins du rez de chaussée. Sans siller une seule fois, il parvint à l'installer sur son propre lit, seul endroit convenable à la convalescence de la malheureuse. Hors de question pour Adrian de commanditer un transfert vers le dispensaire comme il l'aurai fait à l'accoutumé. Elle ne l'aurai pas voulu, et lui non plus.

Les jours et les nuit se confondaient pour l'apothicaire comme pour sa patiente. Concentré sur la tâche qui l'incombait, Adrian produisait le service minimum pour sa boutique, renvoyant vers des confrères la plupart de ses patients en justifiant son absence par des problèmes de santé l'intimant au repos. Aux vues de son visage creusé par la fatigue, personne n'osait réellement poser de question et s'en remettaient à son jugement. Au chevet de la jeune femme une bonne partie de la journée et de la nuit, ses pensées ne parvenaient plus à filer droit et la survie de sa patiente prenait dès lors le pas sur toute autre motivation. Il l'entendait délirer, haleter, exprimer sa souffrance., aux portes de l'inconscience. Le nom "Eredin" lui était parvenu aux oreilles plusieurs fois, laissant comprendre à Adrian que cette personne comptait grandement pour elle. Lorsqu'elle l'appelait par le prénom de celui qui semblait être son aimé, en proie aux hallucinations et rêveries semi lucide, il ne disait rien pouvant altérer ou perturber ses illusions et l'exposer à une détresse inutile.

L'Amaranthis n'étai pas dupe, le douloureux effet du médicament n'était pas le facteur principal provoquant cette dépression corporelle qu'éprouvait Liv...Non, ce n'était qu'un élément aggravant. La jeune femme luttait pour vivre, luttait contre et pour ses choix à la fois, luttait pour ne pas sombrer dans une folie, face à ses démons, confrontés à des choix qu'elle n'aurai probablement jamais envisagé il y a encore quelque temps. Adrian lui adressait une attention toute particulière, au détriment de son propre sommeil. Toujours aux aguets du moindre changement de comportement chez la blonde qui reposait dans la chambre, l'apothicaire ne dormait que d'un demi sommeil, adossé à une chaise du salon, affaissé sur la table en bois massif, les yeux rivé sur la porte ouverte de la chambre. D'où il se tenait la plupart du temps, il ne pouvait voir sa patiente, mais il pouvait l'entendre et cela était amplement suffisant, car l'observer trop longtemps ne faisait qu'animer d'étranges ressentit chez Adrian. Au fil des heures, le parallèle que faisait son esprit entre Liv et Ludmilla s'était amplifié, si bien qu'à chaque fois que son regard se posait sur sa patiente reposant dans le lit, une vague de réminiscence lui revenait en mémoire, torturant toujours un peu plus l'apothicaire.

Lorsqu'il se retrouvait seul et que les décoctions anesthésiante faisaient son effet, donnant un répit à la jeune femme, l'apothicaire se retrouvait à nouveau attablé, somnolant et incapable de s'installer plus confortablement, littéralement terrorisé à l'idée de s'endormir trop profondément et de laisser Liv sombrer vers d'obscurs horizons. "Si Ludmilla n'a pas pu vivre, alors au moins elle le pourra". Quel était cet étrange retranscription que faisait l'apothicaire? Il ne pouvait se l'expliquer. Bien loin d'avoir des sentiments pour la jeune Utgardienne, l'histoire et la détresse de celle-ci avaient en quelque sorte éveillé en Adrian un besoin de porter assistance à cette âme en peine, du mieux qu'il ne le pouvait. En plus de cette ressemblance quelque peu troublante, L'Amaranthis s'imaginait que sa défunte épouse aurai fait exactement la même chose si elle avait encore été de ce monde, elle se serai refusé à congédier Liv ou à la dénoncer aux autorités, impossible.

Seul à sa table, Adrian se trouvait face à une bouteille à peine ouverte ainsi qu'un verre à demi repli. Inédite situation pour lui, il ne lui était jamais arrivé de consommer de l'alcool en dehors de repas ou célébrations. Pourtant aujourd'hui, tenté de se consoler de son état de nerf plus qu'instable, il s'autorisa un verre…

Juste un seul verre...Une seule fois...


Corps & Coeur Ecorchés  W69b12

Tu ne peux pas continuer de vivre comme ça...Quelqu’un doit récupérer toutes ces… tout ça ! Dit-elle en le confrontant d’un regard franc qu’elle n’avait jamais eu jusqu’ici.

Tenant la robe soigneusement sur son avant bras, Adrian avait planté son regard épuisé dans celui de Liv, dès lors réveillée et dans de bien meilleurs dispositions de coopération. Face aux propos de la jeune femme, l'apothicaire n'avait pas vraiment son mot à dire, elle parlait d'or et il le savait très bien. Depuis ce jour funeste, elle avait été la seule personne à l'entendre parler de son épouse et également la seule à réaliser que rien n'avait changé depuis qu'Adrian était veuf. Cette observation qu'elle lui avait adressé avait déjà traversé son esprit , disparaissant aussi sec dans un torrent de résistance au propos. Il avait essayé de faire fi du passé, de se débarrasser de ses affaires, de mettre le feu à cette maudite robe, mais aucun de ses gestes n'avait trouvé aboutissement, le laissant à chaque fois dans une confusion toujours plus grande.

Interdit face à la jeune femme, Adrian resta inerte pendant de longues secondes avant de s'avancer d'un pas vers le lit pour déposer avec une grande attention la robe sur le bout du matelas, veillant à ne pas la froisser. Il se redressa, fit lentement volte-face et  s'avança vers un petit meuble qui siégeait entre la porte d'entrée et la salle de bain. Il posa doucement ses mains dessus, frôlant la surface de ses doigts.


A quoi bon se soucier de l'état des fondations lorsque l'on erre sans but dans une terre brulée?

Un accès de rage s'emparait de lui, une colère qu'il n'avait su exprimer depuis ce fameux jour. Les poings serrés à s'en blanchir les phalanges, il leva en même temps ses deux mains et les écrasa violemment sur le plateau en bois du meuble, provoquant un craquement sinistre de bois en souffrance. Le corps tremblant et parcouru de spasme musculaires, Adrian ne bougeait pas de sa position, dos à sa patiente, les poings fermement ancrés contre la commode. Il reprit la parole d'une voix chevrotante et pleine de colère qu'on ne lui connaissait pas.

Pourquoi devrai-je me débarrasser de tout ça, pour enfoncer le clou? Accepter une bonne fois pour toute que mon épouse à été tuée par des sauvages et que je n'ai rien put faire? Passer à autre chose? Refaire ma vie? effacer sa mémoire? Faire comme si je n'éprouvais rien à l'égard de cette injustice? Que dois-je faire?! Que dois-je faire?! Je....

Puis plus rien...Le silence retomba lourdement sur la pièce. Adrian se retourna à nouveau, laissant apparaitre ses yeux rougis d'épuisement et de colère. Il bascula en arrière, trouvant appui sur ce fameux meuble maintenant derrière lui et se laissa glisser lentement au sol, le corps accablé par cette overdose d'inquiétude, de ressentiment et de fatigue. Son regard à moitié dissimulé derrière les mèches indiscipliné de sa chevelure habituellement soignée, il reprit la parole sur un ton de nouveau calme. Son regard passa un instant de Liv à la robe sombre toujours posée sur le lit.

Que vous souhaitiez la porter ou non, le jour ou vous quitterez cet endroit, emportez la avec vous...S'il vous plait.

Plus aucune colère le vibrait dans sa voix, seulement son ton neutre habituel avec quelques pointes de fatigues en supplément. L'apothicaire semblait avoir complètement verrouillé l'accès de colère dans un coin de son esprit pour reprendre sa contenance, bien que son épuisement moral ne pouvait tout dissimuler.

Son désespoir colérique passé, une vague de réconfort l'habita peu à peu maintenant qu'il réalisait que Liv était hors de danger.
Liveig Fjorleif
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Dim 4 Avr - 22:50

Au cours de sa courte carrière à l’orfèvrerie de son père, Liveig avait eu l’occasion de rencontrer des clients Amaranthis. Tous avaient fait montre de leur éducation tant par leurs goûts d’esthètes que par leur aisance à manipuler les mots et à mener les négociations. Toute cette courtoisie et ces politesses excessives étaient autant de masques qui leur permettaient de ne pas se retrouver à nu devant une situation inconfortable. Mais voilà, quand une fois seul chez soi, chacun peut déposer les apparats qu’il porte en public, Adrian Mayr n’avait pas eu cette occasion depuis qu’elle s’était invitée ici. Elle était chez lui, dans son intimité, au milieu des derniers souvenirs de ce qui avait été sa vie commune à lui et à son épouse, les dernières preuves qu’ils s’étaient aimés.

S’étaient aimés.

Ne seraient plus jamais en mesure de s’aimer à nouveau.

Jamais.

Ils s’observèrent interdits, lui parce qu’il savait qu’elle avait cruellement raison. Elle parce que sa propre cruauté la surprenait d’autant plus qu’elle comprenait. Ici, à Claircombe, elle se trouvait au milieu de souvenirs de ce qui avait été. Les murs de cette ville avaient entendus tous leurs mots d’amour, les volets fermés les avaient cachés des regards indiscrets, le fleuve avait emporté leurs rires.

Ils ne s’aimeraient plus jamais.

Adrian s’avançait vers le lit pour y déposer la robe, elle se rendit compte qu’elle était en apnée depuis plusieurs secondes déjà, comme pour forcer son corps à ravaler l’humidité naissante qui commençait à lui brouiller la vue.

Jamais.

Le soin avec lequel il étala le vêtement en veillant à ne pas froisser le tissu avait quelque chose d’exagéré. C’était presque comme si la robe contenait encore l’âme de son épouse. Il avait certainement été un mari attentionné et doux. Le mauvais sort n’épargne personne. En une phrase, il déposa sur une commode un peu plus loin le masque qui commençait à lui dévorer le visage et la sanité de son esprit. Il arrive parfois que nos sentiments irradient tout autour de nous : c’était le cas pour le jeune veuf. Sa colère fit vibrer l’air d’une tension palpable avant qu’il ne cogne brutalement sur le meuble. Cette manifestation de sa rage ne le soulagea pourtant pas, tout son corps restait tendu au point de provoquer des tremblements saccadés. Ce n’était pas seulement la colère, c’était l’impuissance face au malheur, c’était l’incapacité d’assouvir une vengeance qui lui revenait de droit, c’était la culpabilité du survivant, c’était la peur de l’oubli.

Pendant qu’elle avait passé quelques jours à guérir, il avait passé trop de nuits à pourrir. Il s’était surmené, n’avait pas cessé son activité d’herboriste mais s’était en plus s’arroger le devoir de poursuivre la profession de sa femme. Ces nombreuses occupations lui avaient permis d’échapper à la solitude de son veuvage, alors la réalité avait trouvé une drôle de manière de le rappeler à l’ordre en s’introduisant dans l’illusion qu’il s’était créé.

Parfaitement immobile, la réalité observait son œuvre à travers les yeux de Liveig : Adrian se laissa glisser au sol, à bout de nerf, au bord de l’exténuement. Il lui demanda de le débarrasser de cette robe comme si elle était la matérialisation d’un moment important de sa vie passée.

— C’est une belle robe… Je la porterai pour me rappeler qu’une femme a donné la force à un homme de sauver des vies, même quand elle ne pourrait plus le faire elle-même.

Elle ne s’était pas senti aussi calme depuis l’attaque. L’empathie qu’elle éprouvait envers cet homme qui souffrait d’un mal tout à fait identique à celui qu’elle avait elle-même infligé à un autre n’avait rien à voir avec la pitié. C’était en fait le soulagement de voir que l’on peut simplement y survivre. On ne meurt pas subitement d’être seul du jour au lendemain. On apprend à vivre, difficilement, mais c’est possible. Elle eut l’impression qu’un énorme fardeau venait de libérer sa conscience. Doucement, elle s’avança vers l’homme à terre, et à son tour, se laissa glisser tout à côté de lui.

— Nous vivons sur une terre volcanique… Une terre brûlée finit par redevenir luxuriante. Même s’il lui faut du temps…

Elle passa sa main sous le bras du médecin, assis par terre, la pièce semblait immense et sombre. Fallait-il oublier ? Tout oublier ? Peut-on vivre heureux et dans le déni ? S’il fallait vraiment répondre à ça en toute honnêteté, elle aurait dit que c’était impossible.

— Il ne faut pas oublier les personnes qui nous ont rendues heureux. Il faut juste accepter que ces moments ne sont pas éternels. Si on parle d’eux, on ne les oublie pas. Parle-moi d’elle… Comment s’appelait-elle ?
Adrian Mayr
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Mar 6 Avr - 1:15



L'obscurité de la pièce prenait de l'ampleur aux yeux injectés de sang d'Adrian, muré dans sa forteresse d'inexpressivité à nouveau, volontairement enfermé dans cette réconfortante prison qu'était son esprit en perdition. Toujours attentif malgré tout, l'apothicaire observait et écoutait sa patiente qui ne manqua pas de mettre en valeur l'épouse de l'Amaranthis dans ses propos. Une quiétude presque rassurante semblait avoir prit le pas sur la détresse de la malheureuse qui semblait avoir laissé derrière elle tout animosité envers lui. Un poids s'ôta des épaules d'Adrian à l'idée de ne pas avoir à faire face à quelconque haine, méfiance ou colère à nouveau, plus vraiment apte à y répondre correctement. au travers des quelques mèches de cheveux brouillant sa vue, Adrian contemplait le pied du lit, perdu au loin dans ses pensées, ruminant mille et une choses dans son esprit tourmenté.

Il ne la vit pas se lever ni se déplacer vers lui. Ce fut lorsqu'elle se laissa glisser contre le mur à sa gauche qu'il remarqua enfin sa présence. Fermant les yeux un instant, il pencha sa tête en arrière pour venir au contact de la paroi contre laquelle il se tenait, relâchant la tension de son cou, accumulée par une crispation à l'excès. Il rouvrit les yeux pour contempler le plafond, uniquement concentré sur les dires de sa patiente auquel il n'eut réagit qu'en son fort intérieur. Laisser le temps aux terres brulées de retrouver leur gloire d'antan...une bien belle façon de rebondir une nouvelle fois sur cette métaphore qui semblait avoir du crédit auprès des deux protagonistes. Le regard toujours perdu dans le vide, il n'eut pas la force de répondre, laissant mourir cet échange dans un silence qui aurait put rapidement devenir pesant. Respirant le plus lentement possible pour calmer les spasme de sa poitrine, Adrian ramena son genoux droit vers lui et y laissa reposer son bras.

A cet instant, un frisson lui parcourut l'échine, la jeune femme venait de passer une main sous son bras, le prenant quelque peu au dépourvu. Il tourna lentement la tête vers Liv, passant successivement de la pâle main témoignant d'une soudaine affection insoupçonnée au visage bien plus apaisé de la blonde. Il n'apercevait pas la cicatrice qui déformait le visage de sa patiente, le laissant témoin de la grande beauté que la jeune femme pensait avoir perdu et dont les traits angéliques avaient conquis le coeur d'une personne aujourd'hui probablement bien seul. Au fond, Adrian avait toujours fais fi de cette balafre, ne la voyant pas comme une tare ou quelque chose d'horrible. Une contraction de son bras vint bloquer au maximum les tremblement qui persistaient au travers de son système nerveux, ne laissant que quelques spasmes s'apaiser doucement sous le contact de la main de l'Utgardienne. Son regard s'égara sur le lit désormais vide, de nouveau attentifs aux dires de la jeune femme. Une nouvelle fois, il ne put qu'admette qu'elle visait juste.

Un long soupire vint précéder sa réponse alors que l'image de son épouse se dessina distinctement dans son esprit.


- Ludmilla...Elle s'appelait Ludmilla...

Une pause dans sa très courte élocution laissa suggérer que l'Amaranthis hésitait à aller plus loin. Les poings de nouveau serré, il lutta en son fort intérieur pour décider s'il devait continuer à parler ou simplement se taire et attendre que Liv ne lui pose des questions auquel il répondrait par automatisme, se préservant en grande partie de la douleur que lui évoquait l'initiative de parler de son aimée disparue à jamais. Comme ramené à la réalité par une force inexplicable, Adrian soupira à nouveau alors que son coeur lui sembla se mouvoir avec régularité, lui provoquant une éphémère sensation d'aisance, luciole salvatrice sur le tableau de noirceur de son âme. Un besoin impérieux d'en dire plus s'empara de son esprit.

- Nous nous sommes rencontrés à l'enfance, nos familles se fréquentaient régulièrement et nous nous évitions l'ennui de repas d'adulte en vivant quelques bribes d'une vie d'enfant trop souvent occulté par notre éducation stricte. Elle était d'ailleurs ma seule amie...La seule âme pour qui il m'était autorisé de partager quelque chose.

Il marqua une première pause, son souffle était redevenu régulier, ses tremblements se muèrent en simple spasmes éparses à mesure qu'il parlait.

- A force de tout partager, nous avons fini par nous retrouver ensemble, marié sous le prétexte d'une union d'intérêt, nous avions chacun trouvé en l'autre la promesse d'une vie plus joyeuse...

Il s'attarda sur quelques détails qui au fond n'avait aucune importance, passant d'une narration très généraliste à de minuscules détails d'évènements bien particuliers, toujours en plaçant son épouse et leur union au centre de l'histoire.

- ...Elle ne s'énervait jamais, toujours prompte à aider son prochain, qu'il ait ou non les moyens de mander son aide...Capable de faire disparaitre un problème d'un simple sourire...

Comme il ne l'avait jamais été avant, le coeur d'Adrian était à présent ouvert, il ne parlait plus que d'elle, occultant même sa propre existence dans son récit pour ne laisser de place que pour son aimée. Une image extrêmement positive et valorisante.

- ...Toujours en quête de savoir, enjoué de la moindre curiosité de la vie...

Du sourire à la peine, de la peine au rire, Adrian laissait ses émotions parler, presque inconscient de ses propres dires. Il ne tournait que très peu la tête, les yeux perdus dans le vide alors que dans son esprit se succédait de douces et douloureuses réminiscences. A force de parler, il ne se rendait même pas compte que des larmes s'écoulaient lentement sur ses joues et que sa voix se faisait tremblante par moment, vibrante d'émotions forte et trop longtemps retenues derrière une cage mentale. Il s'étala bien plus longuement qu'il ne l'aurai imaginé, écouté attentivement par la jeune femme qui le laissait se relancer tout seul dans cette longue énumération de ce qu'avait été son épouse.

Le silence retomba lentement alors qu'Adrian termina son élocution, incapable d'esquisser un mouvement pour sécher ses larmes que l'épuisement lui avait interdit de retenir une seconde de plus enfouie en lui. Si on lui avait demandé de répéter ce qu'il venait de dire, l'apothicaire en aurai été simplement incapable. Sans même s'en rendre compte, il avait plusieurs fois cherché le contact de la rassurante main de la jeune femme en bougeant succinctement son bras. Il ne put exprimer un mot de plus, prenant de grande inspirations pour maitriser les pulsions saccadées de son souffle.
Liveig Fjorleif
Liveig Fjorleif
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Mer 7 Avr - 2:15
Ludmilla. Un bien joli nom. Adrian avait saisi l’opportunité de parler enfin d’elle. Avait-il eu l’occasion d’en parler vraiment à quelqu’un depuis sa disparition ? Peut-être, mais on sentait que ça ne lui avait pas suffi, qu’il avait encore beaucoup de choses à partager mais surtout à dire à haute voix. Il faut savoir mettre des mots sur les maux pour leur donner leur limite et peut-être même mieux les contrôler. Lorsqu’il évoqua sa rencontre avec son épouse, Liv’ ne put s’empêcher de sourire en revoyant une scène de sa propre enfance avec Eredin. Son oreille restait attentive aux détails d’Adrian, elle s’imaginait Ludmilla comme une femme Amaranthis : droite, avec un langage éduqué, sans aller dans la pédanterie. Calme, si calme quelle devait sans doute peser ses mots avec minutie pour contenir sans débordement son expression. Douce aussi, il fallait être douce pour faire preuve d’altruisme envers son prochain, et de bonté. Quelque part dans son imagination, Ludmilla prenait un visage, une allure, une silhouette. Sa main gauche vint se poser par dessus son autre main, serrant doucement le bras de l’apothicaire comme pour lui transmettre un peu de compassion.

— C’était certainement une femme extra-ordinaire. Tu as beaucoup de chance d’avoir vécu à ses côtés tout au long de sa vie, murmura-t-elle en penchant la tête avec un sourire emprunt d’une nostalgie qu’elle ressentait sincèrement.

— Beaucoup de chance… Oui, tu as raison, admit-il avec sourire d’une profonde tristesse. Cet homme retrouverait-il un jour la joie de vivre ? Est-ce qu’il retrouverait un jour son humour et son aura de gaieté ? L’avait-il perdu ? Impensable.

— Tu l'as appelé...Tu lui à parlé dans ta torpeur...Eredin, qui est-il?

Son sourire se figea. Comme si il avait lu dans ses pensées, il prononça ce nom. Liveig sentit son coeur manquer un battement, ses mains se crispèrent légèrement sur le bras qu’elles enserraient un instant. Ses lèvres se pincèrent. Si ses conseils étaient si jutes pour les autres, pourquoi ne pouvait-elle jamais les appliquer ?Les murailles de silence qu’elle érigeait étaient son bouclier à elle. Son regard glacial était sa lance. Son visage impassible était son armure. Mais aujourd’hui son « armure » était lacérée jusqu’à ses lèvres qu’elle avait encore du mal à sceller. Une exclamation amusée lui échappa alors qu’elle baissait la tête : elle était condamnée à ne plus jamais fermer la bouche, pourquoi s’y entêter ? Quel bien en avait-elle tiré jusqu’ici ? Et surtout, elle avait encouragé Adrian à se confier pour le soulager, pourquoi ne se permettait-elle cette délivrance. Elle prit une longue inspiration.

—  C’était un petit garçon aux yeux bleu ciel qui venait embêter la muette. Il s’amusait à lui poser des questions: est-ce que c’est vrai que t’es muette et bête ? Est-ce que c’est vrai que t’as mangé ta langue ? Est-ce que c’est vrai que t’es Ascanienne ? elle fit une pause, avant de tourner la tête vers Adrian avec un sourire fataliste, lui laissant voir les trois-quart de son visage, comme pour appuyer la suite de son récit. La muette, c’était moi.

Cette image d’elle enfant la força à rabattre ses genoux vers elle, comme pour se protéger d’une menace qui planait au dessus d’elle, maintenant qu’elle ne pouvait plus se taire. Sa main gauche lâcha le médecin pour enserrer ses jambes.

— J’étais très timide. Je ne supportais pas le bruit. Je n’aimais pas parler aux gens. La foule me terrifiait. Ne pas parler, c’était le seul contrôle que j’avais sur la situation. Je pouvais m’enfermer et ne plus entendre le bruit ou les moqueries.

Sa tempe gauche s’appuya contre ses rotules laissant sa cicatrice dans l’ombre.

— Eredin avait cherché les questions les plus blessantes et les plus farfelues, juste pour me provoquer, pour que je lui parle à lui, un jour. Quand d’autres enfants étaient méchants, il me défendait, sans trop que je ne sache pourquoi. Il avait l’impression de devoir défendre quelqu’un qui ne pouvait pas le faire. C’était le cas, dans un sens. Puis un jour, à force de faire l’imbécile et de dire des âneries, je n’ai pas pu retenir mon rire. Je l’ai rarement vu aussi victorieux, avoua-t-elle les yeux pétillants. C’est un très bon guerrier, très loyal aussi. Il a toujours été très populaire, arrogant aussi. Son sourire s’élargit encore. Il aime les défis, et il aime les remporter. Alors quand il a découvert qu’on m’avait promise à un autre, il a relevé le défi. Avant que la promesse ne soit faite devant Njörd, il m’a fait la sienne lors d'une cérémonie, sur l'Autel de Sacrifice. Nous devions nous marier le jour de ….

Elle s’interrompit et ferma les yeux pour chasser les flashs de ses pires cauchemars. Puis, elle reprit :

— Tous les défis ne sont pas bons à gagner. En reniant la parole de mon père, j’ai perdu ma famille mais j’avais espoir de fonder la mienne avec quelqu’un que j’aime vraiment. Il m’a toujours défendu de tout. Ce jour-là, il n’a rien pu faire. A chaque fois qu’il me verra, il verra son échec, et je verrai sa pitié. Quand les autres me regarderont, je sentirai sa honte de n’avoir rien pu faire. Chez nous, Utgardiens, porter une cicatrice au visage est la preuve que l’on est incapable de se défendre par soi-même ; c’est la marque des faibles. Une femme défigurée, c’est la preuve de l’incapacité de son époux à la protéger. Je ne le laisserai pas salir son honneur, ni celui de sa famille. Tant que je serai ici, je l’empêcherai d’aller de l’avant. C’est pour ça que je dois partir, Adrian. D’une manière ou d’une autre je dois disparaître. Claircombe est trop petite pour une vie à s’éviter.

Elle soupira devant cette misérable réalisation. Elle n’avait pas d’autres choix. Mourir ou partir. Partir où ? Dans les faubourgs ? Pas assez loin. Eredin faisait parti du groupe de chasse, ils seraient amenés à se revoir.

— Il faut que je parte pour Port-aux-Echoués, conclut-elle.
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