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Claircombe  :: Titre :: Les alentours de Claircombe :: Qui lutte contre le destin est infailliblement vaincu ::
Qui lutte contre le destin est infailliblement vaincu
Meryl
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Qui lutte contre le destin est

infailliblement vaincu


Nyxie & Meryl


Matinée | Alentours de Claircombe, près des Faubourgs | Début d'Automne, an 83

Qui lutte contre le destin est infailliblement vaincu 8636dc10



Pour quiconque cherchait à fuir l’agitation de la ville sans pour autant se couper totalement du reste du monde, les fermes les plus reculées des faubourgs étaient un bon compromis entre nature et civilisation. La vie y était plus simple, les gens également. On ne faisait jamais de vieux os après une longue journée de labeur ; les fermiers n’avaient ni le temps ni l’énergie d’aller noyer leurs soucis dans la première taverne venue, tout juste s’autorisaient-ils une partie de cartes avant de rejoindre le confort de leur lit. Et une fois le soir tombé, il n’y avait nulle échappatoire, il n’y avait plus qu’à attendre que les premiers rayons du soleil percent l’obscurité pour recommencer la même journée que la veille ; une routine salvatrice pour quelqu’un comme Meryl dont la vie dissolue avait fini par la mener au bord d’un précipice dont elle avait beaucoup de mal à se détourner.

Comme souvent lorsqu’elle avait la sensation de ne plus avoir de prise sur son destin, elle venait ici. Les fermiers ne rechignaient jamais à un peu d’aide, surtout lorsqu’on ne leur demandait qu’un repas et un endroit où dormir en échange. Débrouillarde et pleine de bons conseils lorsqu’il s’agissait d’éloigner les prédateurs un peu trop audacieux, Meryl n’avait jamais eu de mal à se faire accepter, d’autant qu’elle insistait toujours pour dormir un peu à l’écart. Une part d’elle se sentait toujours trop proche de la ville et de ses nombreuses tentations, et si elle n’avait pas été aussi affaiblie par ses récentes blessures, sans doute aurait-elle accepté n’importe quel contrat qui l’aurait emmenée aux confins du monde. Une autre part d’elle – et elle ne savait pas encore très bien quelle place elle était prête à lui donner – voulait abandonner l’idée de fuir et réclamer enfin une petite part de bonheur permanente.

Hélas, chaque fois qu’elle s’imaginait revenir en arrière, la culpabilité, comme un poison dans ses veines, la paralysait. Elle n’avait rien à réclamer, elle n’avait rien à espérer ; c’était ce qu’elle se répétait toujours, comme si l’isolement qu’elle s’imposait n’était pas déjà un châtiment assez lourd. La journée, elle faisait face. La nuit… La nuit elle se réveillait parfois dans l’obscurité, avec pour seule compagnie ses souvenirs et l’écho de sa douleur, tandis que ses bras ne rencontraient qu’un grand vide à ses côtés. Sa solitude ne lui avait jamais paru si pesante. Ses démons lui chuchotaient parfois encore à l’oreille combien tout serait plus simple si elle renonçait, si elle abandonnait la lutte, mais chaque fois elle se souvenait de ce qu’elle avait sacrifié pour s’en sortir. Elle ne voulait pas devenir cette personne, prisonnière de ses addictions. L’image que lui renvoyait le miroir tous les matins commençait seulement à devenir supportable.

Son corps avait retrouvé de sa force, ses muscles se redessinaient doucement sous sa peau encore trop blanche mais elle n’était plus aussi endurante que d’ordinaire et les longues courses lui étaient interdites ; ainsi elle ne s’éloignait jamais trop des faubourgs, tout juste explorait-elle le bois près de sa ferme d’accueil pour chasser un peu de gibier. Meryl n’avait jamais beaucoup aimé les pièges, elle chassait toujours sa proie dans les règles, l’arc à la main. Plus aussi concentrée sur ce qu’elle faisait, elle ratait souvent sa cible, mais elle appréciait de sentir la tension dans ses bras lorsqu’elle maintenait l’arc bandé. Souvent, elle se posait simplement au milieu de la végétation et fermait les yeux en se focalisant uniquement sur sa respiration. Dans ces moments là, elle se laissait aller à l’oubli, et pendant quelques heures tout lui semblait beaucoup plus tolérable.

Ce jour-là en revanche, quelque chose était venu troubler la quiétude de sa retraite et cette fois les rouages de sa destiné se matérialisaient sous la forme de bottes de cuir souple foulant le sol juste derrière elle. Attentive à son environnement comme elle l’était toujours lorsqu’elle ne faisait qu’un avec la nature, Meryl s’était presque aussitôt redressée, bien avant de voir le visage de l’importun dont elle percevait déjà les effluves – il portait un parfum bien trop prononcé pour chercher à passer inaperçu, ce qui la rassura presque : qui qu’il soit, il ne cherchait pas à la prendre en traître et il n’était pas en terrain familier ici. Lorsqu’il sortit de derrière un fourré, elle se tint néanmoins prête à fuir au moindre geste suspect de sa part.

- Enfin je te trouve.

Elle fronça brièvement les sourcils.

- T’es qui ?

Son visage lui était étrangement familier. Blond au cheveux longs, son nez proéminent lui donnait un charme curieux tandis que ses lèvres dévoilaient une rangée de dents blanches et parfaitement alignées. D’aucuns l’auraient trouvé séduisant s’il ne paraissait pas aussi arrogant. Meryl nota surtout qu'il était drôlement bien équipé lorsqu'elle vit qu'il tenait une arbalète armée et dirigée droit sur elle.

- Tu n’imagines pas le nombre de personnes que j’ai dû interroger pour retrouver ta trace. Heureusement, les fermiers qui t’hébergent m’ont dit où te trouver sans faire d’histoires, contrairement à tous tes amis de la Guilde.

Il n’avait pas répondu à sa question, comme si elle n’avait pas le moindre intérêt. En d’autres circonstances, cette simple phrase aurait dû déclencher son instinct de conservation, à la place, elle se retrouva bêtement clouée au sol avec juste davantage de questions à lui poser.

- Pourquoi tu me cherches, qu’est-ce que tu me veux ?

- C’est pas moi qui te cherche, c’est mon client. Il paraît que tu lui dois de l’argent, beaucoup d’argent. Je crois qu’il est temps pour toi de rentrer pour payer tes dettes, tu n’allais pas pouvoir te cacher ici éternellement.

Elle ne se cachait pas. Pas vraiment.

- Pour qui tu travailles ?

- Un certain Khalid, un Amaranthis. Tu dois le connaître, non ?

Oui, bien sûr qu’elle le connaissait. C’était l’un des plus gros fournisseurs de Lotus Noir du quartier Amaranthis et elle lui devait effectivement beaucoup d’argent. Les dealers dans son genre étaient toujours disposés à faire crédit à leurs nouveaux clients dans un premier temps, et un jour, tout était fini, il fallait tout rembourser rubis sur l’ongle sous peine de représailles désagréables. Meryl avait su qu’elle faisait une erreur au moment même où elle avait traité avec lui, mais l’appel de la drogue avait plus fort que le reste. Aujourd’hui, et avec les intérêts, elle osait à peine demander le montant exact de la dette qu’elle avait contracté auprès de lui.

- T’es un chasseur de primes, finit-elle par dire, presque résignée.
- Ouais, et toi t’es une très jolie prime que je vais ramener immédiatement à mon client. Il sera content, ça fait un moment qu’il aimerait mettre la main sur toi.
- J’ai… j’ai besoin de temps pour réunir l’argent que je lui dois, je ne vais pas pouvoir…
- Stop. Je connais la chanson. Évidemment que tu n’as pas d’argent, les gens qui dilapident tout ce qu’ils ont dans le Lotus Noir sont incapables de mettre quoi que ce soit de côté. Khalid te proposera de rembourser ta dette autrement, ne t’inquiète pas. D’habitude, les filles finissent dans son bordel, mais toi… Il lui lança un regard appréciateur. Toi, tu sais faire d’autres choses, non ? Le travail qu’il te demandera ne devrait pas trop te répugner.

Son visage s’était fermé et elle ne répondit rien. Dos au mur, elle réfléchissait déjà à ce qu’elle allait devoir lui faire pour qu’il la laisse en paix. Il finit par soupirer.

- Écoute, on m’a demandé de ne pas te faire de mal si ce n’est pas nécessaire, fille de Shoggoth.
- Fille de Shoggoth ? Elle fronça les sourcils avant de comprendre ce qu’il bavait. C’est Sang de Shog, rectifia t-elle lorsqu’elle comprit que l’homme qui lui faisait face connaissait ses origines.
- M’ouais, je préfère fille de Shoggoth.

Elle pourrait accepter de le suivre, donner le change juste le temps de trouver une option pour lui échapper. Au lieu de ça, elle s'entendit répondre :

- Je ne retournerai pas en ville, pas maintenant. Je suis pas prête. Je dois… je suis pas prête.
- Prête à quoi ? T'es qu'un contrat pour moi. Ça peut se passer de façon très cordiale, ou je peux t'en mettre une et te ramener avec moi de force. C'est toi qui choisis.

Et elle avait déjà choisi. Pas la ville, pas maintenant, pas après tout ce qu'elle avait traversé. Il avait l'ordre de la ramener en vie, ça elle en était sûre, il ne prendrait jamais le risque de tirer ce carreau d'arbalète et de la clouer à un arbre, si ? Elle n'avait pas l'intention de se poser trop de question, car la réflexion tuait l'instinct et son instinct était tout ce qui l'avait maintenue en vie jusqu'à présent. Rapide comme un félon, elle se déporta vivement sur la droite avant de prendre la fuite dans les bois, à l'opposé des fermes environnantes. Elle était certes affaiblie, mais au moins ici elle était sur son terrain, contrairement à lui. Elle n'espérait pas vraiment le semer, juste l'attirer dans un piège qu'il serait incapable de voir venir, tout habitué à la ville qu'il était.


Dernière édition par Meryl le Ven 12 Aoû - 14:07, édité 5 fois
Nyxie
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Mer 22 Sep - 1:27
Plus que jamais, ses yeux étaient enfoncés sous ses arcades sourcilières. Ses cernes et son sommeil irrégulier avaient assombri son regard plus encore. Ses cheveux avaient repoussé depuis son retour au camp, mais de manière tout à fait anarchique, et les tatouages qui ornait son scalp commençaient à être dissimulé par l’épaisseur drue de sa chevelure. Il avait vieilli depuis la dernière fois, elle n’aurait su dire si c’était son air fatigué, la rude traversée qu’il s’était imposé au cours de cette année ou quelque préoccupation qui avait parsemé de sel ses tempes. Quand elle était éveillée, elle le convoquait, et il se présentait, à chaque fois un peu plus renfrogné.

— Anauroch te guide, salua-t-il avec une grimace, apparemment incommodé par les volutes d’encens qui régnaient dans la tente. Pas de chance pour lui, sa haute stature l’obligeait à respirer l’air le plus concentré en drogue. Il n’avait qu’une envie: défaire l’ouverture centrale de la tente pour l’aérer, mais il s’abstint.

— En effet. Raconte-moi encore.

— J’ai déjà… commença-t-il comme si cette fois ses protestations seraient entendues.

— Raconte-moi encore, coupa-t-elle avec intransigeance.

La tête d’Eccho bascula en arrière, alors qu’il s’en remettait aux cieux pour acquérir plus de patience. Il prit une longue inspiration malgré les lourds effluves qui encombraient l’air, et une nouvelle fois, il répéta ce qu’elle considérait comme sa prophétie, comme si cette fois, il allait révéler un nouvel élément. Les bras croisés, elle se mit à faire les cent pas, silencieusement. Pendant un moment, il se surprit à divaguer, complètement ailleurs. Ces herbes n’étaient pas bonnes pour lui, il le savait.

— Ces entrevues ne mènent nulle part. Ca ne sert à rien, constata-t-il en se dirigeant vers la sortie.

— Pourquoi.

Le mot siffla comme une flèche décochée à l’aveuglette. Incertain d’avoir été touché, il vacilla, ou peut-être que les fumées lui montaient à la tête.

— Je répète la même chose. Rien ne change.

— Pourquoi m’avoir ramenée, précisa-t-elle. Elle avait voulu croire que ce sauvetage inespéré avait un sens, que les Dieux lui en donneraient un, mais un cycle entier de saison était passé, et rien n’avait appuyé cette hypothèse. Lorsqu’elle avait entendu l’Appel au printemps, elle avait cru que tout s’alignait. Mais rien n’avait suivi. Quelque part, le retour d’Eccho avait ravivé son espoir, comme s’il était la clé.

— Je ne sais pas… Tes plumes.

Une réponse inattendue. Lui-même, il se rendit bien compte que cette réponse n’avait aucun sens, il vint se masser la tempe du bout des doigts. C’est vrai qu’il y avait un truc, avec ces babioles dans les cheveux. Il ne pouvait nier que Jezabelle l’avait intrigué avec ces mêmes atours.

— Je suis un protecteur. C’est mon rôle de ramener les blessés au camp.

— Tu n’étais pourtant pas obligé de mémoriser la prophétie. Mais tu l’as fait.

— La pro…balbutia-t-il désarçonné. Il avait mémorisé ses paroles, oui, mais pour mieux les répéter à la matriarche. Il n’avait jamais songé qu’elles aient pu avoir une quelconque valeur, autre que celle de permettre l’identification de la blessée. Il n’avait jamais songé un jour entendre une prophétie.

— Tais-toi, l’interrompit-elle une nouvelle fois. Il passa outre ces pulsions d’autorité. Si effectivement, elle avait fait une prophétie, alors il n’avait de toute façon pas d’autre choix. Maintenant, les engrenages s’ébranlaient les uns après les autres dans son esprit : la présence de Phoenyx était un danger pour la Chamane Hina et sa fille, et elle était en train de faire de lui un complice. Elle dût sentir les conclusions qu’il commençait à tirer, car elle l’attrapa par le col.

— Sans moi, ils la tueront dès que tu auras le dos tourné, Eccho.

Elle n’eut pas besoin de préciser de qui elle parler, le regard du chasseur s’enflamma aussitôt, prêt à détruire tout ennemi qui se mettrait en travers de son chemin. La prise autour de son col se resserra.

— Je vais la mettre à mon service. Je la protégerai. Je vais éduquer et éprouver ta Sang-de-Shog si la Tridéité veut bien de son âme, elle aura sa place dans ma tribu. Tout comme toi. Mais avant ça, tu vas me ramener Meryl.

— La Sang-de-Shog Vaar Orée… ?

Meryl était un nom assez peu répandu parmi les indigènes. Le fait qu’elle l’évoque, elle, une Vaar Orée, ne laissait que peu de place à l’erreur. Toutefois, elle acquiesça. Son air combattif et dur était soudain devenu presque implorant.

— Ramène-moi Meryl. J’ai besoin de Meryl. Meryl doit revenir. Elle est celle par qui tout a commencé, elle doit assister à la purification. J’ai besoin de Meryl.

— Et si elle ne veut pas.

Elle ne le permettrait pas ! Son visage se referma pour se rhabiller de détermination.

— Sa volonté n’a pas à interférer avec la volonté des Dieux, décréta-t-elle d’un ton définitif. Elle lui tourna le dos, et il sut qu’il était enfin congédié. Il sut aussi que le pire était à venir.
Qui lutte contre le destin est infailliblement vaincu W69b

Il n’aurait jamais dû revenir, il n’aurait jamais dû revenir. C’était la seule pensée cohérente qu’il parvenait à avoir après avoir respiré ces putains de fumées. Il n’était plus maître de ses pensées, il ne les entendait même plus, il ne sentait même plus son corps se mouvoir dans les ombres de la forêt. Son coeur n’était pas là, son esprit était ailleurs. Inlassablement, à toute heure du jour et de la nuit, il avait été arraché à sa compagne, comme si même lorsqu’il était près de Jezabelle, on faisait en sorte de l’écarter aussitôt. Alors, pour elle, pour sa vie, peut-être pour leur vie future, il avait fini par obtempérer.

Ce jour-là, un grand groupe de sentinelles devait être déployé pour longer le Tentacle. Naturellement, Evie s’était spontanément levée pour prendre leur tête, toutefois, elle était résolue, elle n’emmènerait pas le traître. Le traître ? C’était lui bien sûr. Elle ne daignait même pas lui adresser un regard, encore moins prononcer son nom. Depuis qu’il était rentré avec Jezabelle, Evie ne lui avait pas adressé la moindre parole. Après tout, le temps qu’ils avaient passé l’un au côté de l’autre, à chasser, à rentrer bredouille, à passer le temps, comment pouvait-elle agir ainsi ? Comment pouvait-elle le mépriser de la sorte ? Le « traître ». Oui. C’était lui. Il n’en revenait toujours pas. Mais ce n’était pas le plus surprenant encore. Il ne fut pas le seul d’ailleurs à s’étonner quand on rappela fermement à Evie que ce n’était pas à elle de décider de la Voie des Dieux, et que si sa tâche lui était trop incommodante, alors elle devrait songer à se porter volontaire lors de la prochaine cérémonie sacrificielle. La violence avec laquelle elle avait été renvoyée à sa condition de protectrice, et non de décideuse, avait laissé un grand silence. Pour la première fois, Eccho vit la chasseresse baisser les yeux, rongeant son frein. Depuis toujours, les matriarches l’écoutaient et allaient dans son sens, souvent car Evie était de bon conseil en ce qui concernait la chasse. Pas cette fois. Les oracles craignaient qu’un groupe de maudits ne remonte la rivière ; Nyxie les avait encouragées en ce sens, saisissant l’opportunité pour envoyer Eccho accomplir sa mission aux abords de Claircombe. Alors il était là, risquant sa vie pour une femme qui était soit la Prophétesse de leur temps, soit complètement folle. Si la deuxième option s’avérait, elle tomberait en l’emportant lui et Jezabelle.

Il s’était tellement enfoncé dans les bois, qu’il n’entendait même plus le bruit du fleuve. C’était parfait. Pareil à une créature sauvage partie en chasse, il ne se posait aucune question quant à sa mission : son instinct prévalait sur tout. Quand il entendit des voix, il s’immobilisa, l’oeil attentif aux mouvements, l’oreille tendue, la lame sortie. Les bruits de pas battant le sol de manière inégale lui indiquèrent une course-poursuite entre deux individus. La fuyarde détalait habilement entre les arbres, un carreau d’arbalète se ficha à sa suite. Une gerbe de jurons suivit le tir manqué, l’homme renonça à s’arrêter pour recharger l’engin et se précipita sur les traces de la proie avant qu’elle ne le sème, mais lorsqu’il dépassa l’arbre derrière lequel Eccho se trouvait, il prit un violent coup de poing dans la mâchoire. Le sinistre craquement qui en résulta, ainsi que les gémissements satisfaisants qui s’en accompagnèrent alors que l’homme roulait au sol, le crâne fendu par la douleur, indiquèrent la fin de cette course poursuite, ma foi, plutôt courte.

L’ennui avec les Shogs, c’était leur ingratitude. Tuer celui-ci était tentant, mais rien ne garantissait que la victime ne témoignerait pas d’une attaque de nomade contre le gouverneur. S'il tuait le bourreau, il devrait aussi retrouver et tuer la personne qu’il pourchassait. Il releva les yeux et vit que la femme en question avait renoncé à fuir et s’était retourné pour s’assurer que son agresseur était hors d’état de nuire. Il ne fallut pas longtemps à Eccho pour la reconnaître : avec ses cheveux blonds polaire et ses yeux caramel, elle n’avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois. Un sourire moqueur la narguait alors qu'il la détaillait de haut en bas. En tout cas, ce qui était sûr, c’est qu’elle n’avait pas grandi.

— Anauroch me guide, salua-t-il, incertain de s’il était heureux d’avoir trouvé la jeune femme aussi facilement ou de s’il devait se méfier d’autant de facilité. Au sol, l’autre tenait à deux mains sa mandibule branlante. Il gémissait toujours et se traînait au sol comme pour essayer de s’éloigner du sauvage. Ce dernier lui envoya un coup de pied dans l’abdomen.

— Ferme-la, ou je t’aide, menaça-t-il. Je vois que tu changes pas tes bonnes habitudes, remarqua-t-il d’un ton sarcastique en se reprenant.A n’en pas douter, il faisait certainement référence à leur première rencontre où elle était déjà assez mal accompagnée.
Meryl
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Ven 24 Sep - 23:27
Combien de fois l’avait-on traquée comme un animal ? Elle aurait juré avoir vécu cette scène un milliard de fois ; le décor n’était jamais le même, les raisons pour laquelle on la poursuivait non plus, et pourtant cette course-poursuite ressemblait à toutes les autres. Pourquoi luttait-elle ? Pour la même raison que le milliard de fois qui l’avait précédé : elle ne savait rien faire d’autre. Comme tous les gens qui avaient passé leur vie à courir, elle avait peur de ne plus savoir quoi faire d’elle-même lorsqu’elle arrêterait.

Un bruit sourd suivi d’un gémissement la poussa à regarder en arrière et elle arrêta sa course presque aussitôt. Son poursuivant était à terre mais ce ne fut pas ce qui la figea sur place ; ce fut le visage de l’homme qui avait mis un terme à cette folle cavalcade au milieu des arbres, un autre souvenir du passé qui resurgissait maintenant, sans crier gare. Elle avait cru à tort que son destin avait pris les traits de ce benêt au nez proéminent pour la forcer à reprendre le cours de son existence là où elle l’avait laissé un mois plus tôt. Elle s’était trompé. Son destin, c’était lui. Elle pouvait presque entendre les rouages de ce dernier se remettre en route rien qu’en l’observant.

Elle grimaça lorsque le nomade asséna un puissant coup de botte à son assaillant, tandis que ce dernier tentait encore de maintenir les morceaux de sa mâchoire fracturée en place. Une si belle dentition si parfaitement alignée, quelle dommage…

- Je vois que tu changes pas tes bonnes habitudes.

Elle faillit rétorquer qu’elle n’avait rien chercher cette fois avant de ravaler ses justifications : elle avait d’autres préoccupations à l’esprit. La première fois qu’elle avait rencontré Eccho, il l’avait sortie d’une situation assez délicate après qu’elle ait été trahie et blessée par des chasseurs peu scrupuleux. Déjà à l’époque il l’avait vertement sermonnée sur ses fréquentations douteuses, ainsi que sur les connaissances nomades qu’elle semblait partager librement avec des Shogs.

- Je crois qu’il a eu son compte, finit-elle par dire alors qu’il dardait encore quelques regards menaçants dans la direction de l’homme à ses pieds. Puis elle croisa son regard, la seule chose qui trahissait le Sang de Shog qu’il était. T’es bien loin de chez toi Ana Griffe Eccho.

Il était loin, le temps où il partait à travers l'Avalone à la recherche de son père. Et même maintenant qu'il avait eu des réponses, il ne parvenait pas à en tirer une quelconque satisfaction. Il eut une grimace à l'évocation de son vieux matronyme.

- Vaar Lac Eccho. Enfin, «Traître» ces derniers temps, soupira-t-il.

Elle haussa les sourcils. Lorsque votre clan se mettait à vous appeler ainsi dans votre dos – ou pire, en face de vous – c’est qu’il était peut-être temps de partir voir ailleurs.

- Toi aussi tu viens t'installer à Claircombe ? répliqua t-elle alors qu’un sourire espiègle vint courber ses lèvres.

Il éclata de rire, surpris. Voilà des semaines qu'il n'avait pas ri, et solliciter ces muscles avait quelque chose de curieux. Il frotta les joues cachées sous sa barbe.

- Pourquoi, besoin de compagnie ? proposa-t-il généreusement en s'avançant vers elle. Ses yeux aguerris ne manquèrent pas de remarquer la blessure à sa jambe qui modifiait toute sa posture. Comme si elle avait perçu où son regard s’était porté, elle fit l’effort de se tenir encore plus droite avant de relever le menton.

- Qu’est-ce que tu fais là ? demanda t-elle alors que tout trace de sarcasme avait déserté le ton de sa voix. J’ai envie de croire que nos chemins se croisent à nouveau sans raison mais… au fond j’ai jamais vraiment cru au hasard.

Par une étrange contagion, Meryl avait repris un ton sérieux, et le repoussait aussitôt au cœur de son tourment. S'il n'arrivait pas à la convaincre, « sa volonté n'avait pas à interférer avec la volonté des Dieux ». Les vaisseaux éclatés dans le blanc de ses yeux contrastaient avec le vert clair de ses iris.  Son visage aussi avait pris un air grave.

- Je viens te chercher.
- Tu viens me chercher, répéta t-elle bêtement comme si cette phrase aurait plus de sens si elle la formulait elle-même.

Il se tourna vers le Sang-maudit non-loin d'eux.

- Il va parler ? demanda-t-il. De toute évidence, la réponse qui en découlerait forgerait du même coup le destin de l'homme. À son tour, le regard de Meryl se posa sur l’homme au sol qui crachait une bile sanglante sur le tapis chatoyant de feuilles mortes.
- Si tu le tues, tout le monde pensera qu’il a été abattu par sa cible et je vais avoir de gros ennuis. Si tu le laisses en vie, il va juste ramasser ses dents, soigner son orgueil blessé et, avec un peu de chance, abandonner cette prime à un autre.

Il avisa l'homme d'un air plein de mépris et cracha vers lui pour témoigner de tout ce qu'il lui inspirait.

- C'est lui qui t'a fait ça ? D'un mouvement du menton, il indiqua la jambe blessée.
- Non, ça c’est une vieille blessure qui se réveille quand je dois fuir des idiots qui tentent de me dégommer à l’arbalète.

Ses yeux se plissèrent. Il n'était clairement pas convaincu.

- Ne traînons pas.

Alors, quoi, vraiment ? Il était vraiment là pour elle, et il était convaincu qu’elle allait le suivre ? Malgré son air bougon, cet homme était de la trempe des optimistes, ou des naïfs !

- Et je peux savoir où tu comptes m’emmener ou c’est trop demander ?


Le ton était léger mais quelque chose s’était imperceptiblement tendu dans sa posture. Elle n’avait visiblement pas l’intention de le suivre sans discuter. La tête du nomade bascula en arrière pour regarder les branchages qui les surplombaient. La forêt était si dense de ce côté qu'on ne voyait qu'un bout de ciel gris. Évidemment, qu'elle n'allait pas lui faciliter la tâche. Mais il allait profiter de son ton taquin pour se moquer d'elle.

- Je te l'ai dit, Anauroch me guide.

Il sentait bien qu'elle n'avancerait pas tant qu'elle n'aurait pas de réponse, et en ça, elle était bien une foutu femme nomade, et elle allait elle aussi l'emmerder jusqu'au bout.

- Tu ressembles à une Shog, habillée comme ça. Son regard s'égara ça et là. La tribu raide le long du fleuve. Soit je t'emmène, soit ils t'emmènent. Et ils ne sont pas tous aussi charmants que moi, fit-il avec un sourire goguenard.

- Mais qu’est-ce que tu veux de moi, à la fin ? Tu penses que je vais accepter de te suivre comme ça, sans poser de question ?
- Oui.

Sa seule réaction fut un franc éclat de rire qui fit s’envoler une corneille outrée un peu plus loin. C’était la première fois qu’elle riait depuis un très long moment. Ce n’était pas de la joie, c’est de l’incrédulité mêlé d’amusement. Eccho ne doutait jamais de rien, et encore moins de lui-même, tout bouffi d’arrogance qu’il était. Elle avait oublié ce trait de caractère, il l’avait amusé à une époque mais elle n’était plus certaine d’avoir encore de la patience pour cela. Peut-être que lui aussi avait oublié une ou deux choses sur elle, oublier à quel point elle pouvait jouer les emmerdeuses lorsqu’elle y mettait du cœur. Elle allait lui rafraîchir la mémoire.

Il ne voulait pas lui donner de réponses satisfaisantes ? Soit. Elle remit correctement l’arc en place sur son épaule.

- Eh bien, je tente ma chance. Contente de t’avoir revu Eccho, et merci pour le coup de main ! lui envoya t-elle joyeusement au visage avant de faire volte-face.

- Meryl.

Il se mit en travers de sa route.

- Si tu ne viens pas, je vais devoir te faire venir. Il ne souriait plus, il était fatigué. Il n'avait même pas envie de poursuivre les provocations tendancieuses auxquelles il était accoutumé. Personne ne domptait cette femme, lui comme les autres ne parviendrait pas à la raisonner. Il se frotta le cou, manifestement mal à l'aise. Il n'y a que toi qui pourras la raisonner.

Meryl dut relever le visage pour attraper son regard. Quelque chose au fond de ses prunelles la dissuada de continuer leur échange sur le même ton qu’au début. Elle mit du temps avant de s’en apercevoir mais son cœur avait fait une embardée dans sa poitrine. Comme si elle savait déjà.

Et d’ailleurs, elle savait depuis le début, n’est-ce pas ?

- Raisonner qui ?

Elle voulait juste l’entendre le lui dire.

- Phoenyx.

Comme chaque fois qu’elle repensait à Elle, deux sentiments opposés mais indissociables vinrent la percuter de plein fouet : l’affection et la rancœur. Quant à savoir si l’un finissait par prendre le pas sur l’autre… Elle sentit la bile remonter dans son estomac. Définitivement la rancœur.

- Non.

Elle n’avait plus tout à fait l’air de s’adresser à Eccho qui se garda bien de répondre quoi que ce soit. Il avait prononcé le seul nom qui remettait tout en question. Elle ne le regardait plus, elle regardait partout ailleurs, comme si son regard n’était plus capable de se fixer sur quoi que ce soit. Elle se passa les mains sur le visage une fois, deux fois, trois fois. C’était comme s’il avait dressé une cage invisible autour d’elle, elle voulait partir mais ne le pouvait plus.

- Qu’est-ce qu’elle a fait encore ?
s’entendit-elle demander non sans une pointe d’agacement. Non, réponds pas, je m’en fous.

Agitée, elle se mit à faire les cents pas, son cerveau bouillonnait sous son cuir chevelu. Elle ne le regardait toujours pas.

- Ça me concerne plus. Ça fait des années que ça ne me concerne plus. Onze ans, pour être exacte. Ça m’étonnerait qu’elle ait besoin de moi, elle a jamais eu besoin de personne. Anauroch la guide après tout. Elle eut un éclat de rire sans joie. Anauroch vous guide tous.

Elle repassa ses mains sur son visage, resta silencieuse un long moment avant de finalement consentir à un regard dans sa direction.

- Moi, Anauroch ne me guide plus. Je sais même pas s’il sait encore que j’existe. Dis lui que je suis morte. Oui, dis lui ça, parce que je viendrais pas avec toi Eccho.


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Mer 29 Sep - 22:55
L’évocation de Nyxie n’avait pas convaincu la blonde, au contraire. Son corps tout entier semblait en proie à un tourment qui la dépassait. Mais quand elle se moqua de la Tridéité, c’en fut trop. Le nomade se crispa et sa voix caverneuse gronda entre ses dents serrées.

— Ne ris pas des Dieux !

Il prit une grande inspiration. Pourquoi prenait-il encore la peine de parler à une femelle ? Elles étaient des créatures que rien n’enchaînait vraiment. Elles n’étaient domptées ni par la raison, ni par la miséricorde. Meryl pouvait bien porter les vêtements des Sang-maudits, elle était comme toutes les femmes nomades. Excepté qu’elle n’était pas de son clan, et qu’elle n’avait par conséquent, aucun pouvoir sur lui.

— On ne s’est pas compris. Je ne te laisse pas le choix.

Il n’en fallut pas plus à la sauvageonne pour comprendre ce qu’il se tramait. Elle n’allait pas se laisser embarquer comme ça. De nombreuses fois, elle avait dû fuir un agresseur, elle était bien rodée à cet exercice. Sans hésiter, elle lança un coup bas qu’il fût paré, eut le mérite de lui faire gagner quelques précieuses secondes. C’était peine perdue, avec ou sans blessure, Eccho n’était pas le genre de poursuivant qu’on semait aussi facilement que les petits Claircombois. En quelques secondes, il s’était jeté sur elle, la plaquait au sol de tout son poids. Le poing de Meryl frappa sa mâchoire. Loin d’être assez puissant pour arriver à quoi que ce soit, c’était surtout une autre diversion. Un éclat argenté attira l’attention du nomade, la lame d’un couteau de chasse fendit l’air. Il eut tout juste le temps d’interposer son avant-bras gauche pour dévier la lame qui vola plus loin, au prix d’une longue estafilade. Cette fois, il n’allait pas lui laisser l’occasion de tenter autre chose.

— Je suis désolé.

Il coinça les deux mains de la jeune femme dans la sienne, et s’affaira à sortir quelque chose d’une de ses sacoches.

— Je ne peux pas te laisser tous nous faire tuer.
— Je sais pas ce qu'elle t'a raconté... mais tu fais une grave err…

Il plaqua la paume de sa main libre sur la bouche encore ouverte pour y coincer des Asmones séchées, empêchant Meryl de les recracher. Comme elle s’efforçait de respirer par le nez en ruant et en se débattant, il le pinça pour qu’elle prenne les somnifères. Mais elle tenait bon la bougresse, elle allait se laisser crever. Il songea qu’il aurait dû l’assommer comme un animal.

— Ne rends pas ça plus difficile ! Avale, par les Trois ! Gronda-t-il alors que le visage de la blonde rougissait, au bord de l’asphyxie. Enfin, après un long déglutissement, elle rendit les armes. Il la laissa alors respirer.

— Je pensais que je pouvais te compter parmi mes amis... « Traître » te va plutôt bien finalement... je peux t’appeler comme ça moi aussi ?

De toutes les piques qu’il avait pu recevoir dans sa vie, c’était sans doute l’une des plus douloureuses. Pas seulement parce qu’elle tapait dans ce qui était fondamental pour les nomades : la loyauté, la meute. Mais surtout parce qu’il s’en voulait d’en être arrivé là, il s’en voulait de forcer Meryl à retourner dans un passé douloureux. Il n’avait pas d’autre choix que d’obéir, au moins il pouvait garder un œil sur elle. C’était injuste pour elle, mais c’était aussi injuste pour lui.

— Peu importe le nom que tu me donnes… mentit-il. Déteste-moi si ça te chante, mais tu sais qu’il vaut mieux que ce soit moi qui t’amène. Au moins, je suis sûr que tu restes en vie.

Il s’écarta d’elle. Il ne faudrait plus beaucoup de temps avant que Meryl ne sombre dans les limbes.

Qui lutte contre le destin est infailliblement vaincu W69b

En sac à patate sur son épaule, Meryl était toujours inconsciente, bras ballants, à priori tout du moins. Eviter le groupe en remontant jusqu’au camp avait été impossible, et quand plusieurs personnes l’avait interrogé sur la prise qu’il transportait sur son dos, il était parvenu à les renvoyer à leurs propres occupations. Evie, en revanche, ne le lâcha pas ; torse bombé, elle lui bloqua carrément le passage, le regard empli de dégoût, la main fermement serrée sur sa lance.

— Tu crois que je vais te laisser ramener une autre Shog dans notre camp ?

Interrompu dans sa marche alors qu’il était déjà éreinté, il rajusta Meryl sur sa clavicule. Elle avait beau être un poids plume, elle commençait à sérieusement peser. Comme il ne baisserait pas la tête pour rejoindre son regard, il forçait son interlocutrice à relever la tête.

— Tiens, tu t’adresses à moi, maintenant ? Si tu ne sais pas pourquoi je la ramène aux oracles, j’imagine que personne ne t’a mise au courant de ma mission, la nargua-t-il. Il lui sembla voir la vapeur sortir des deux oreilles de la chasseresse. Il retrouva un air satisfait alors qu’il la contournait pour poursuivre son chemin. Il contourna le campement, comme s’il cherchait à éviter une personne en particulier, et se fraya un chemin jusqu’à la tente de la chamane. Il écarta la toile.

— Qu’est-ce que c’est, homme ! Tu foules la tente de la chamane ! Qui est cette femme ?

— C’est la femme que j’ai vu dans ma prophétie, intervint Nyxie.

— Prophétie ? Hiina éclata de rire. Tu as fait des cauchemars après avoir bu du poison, et tu veux nous faire croire qu’il s’agit d’une prophétie.

— Comment oses-tu remettre en doute une vision donnée par les dieux lors de l’Epreuve d’Anauroch ? N’as-tu jamais eu de rêve-qui-voit ? J’ai passé deux épreuves, peux-tu en dire autant ?

— Qui est ton témoin de ces épreuves ?

— Elle l’est !

— Tu veux que nous croyions sur parole une Sang-de-Shog ? Je ne lancerai pas ma tribu dans une guérilla nomade parce qu’une égarée l’a vu et qu’elle a pour témoin une exilée !

— Assez ! Rugit Phoenyx en envoyant valser le peu de choses qui pouvaient orner la table de fortune d’une tente nomade. Les contenant en bois, les bols, les coupes, roulèrent sur le sol battu en s’entrechoquant.

— Deux saisons. Nous aurions dû attaquer il y a deux saisons, quand l’Appel a retenti. Vous aussi vous l’avez entendu, lança-t-elle en pointant un doigt accusateur sur la chamane et ses oracles. Un long silence suivit, pendant lequel les femmes échangèrent tour à tour des regards craintifs. La chamane des Vaar Lac s’avança. Bien que son Aînée soit sur le point d’entamer sa chasse, rite de passage à l’âge adulte, Hina était encore une femme fertile qui aurait dû être à même de guider la tribu en prêchant les préceptes de la Trinité. Alors pourquoi avait-elle insisté pour contenir le cri hurlant des Dieux ? Pourquoi repoussait-elle indéfiniment cette échéance ?

— Il n’y a que toi qui l’a entendu, admit-elle enfin.

L’agacement de Phoenyx se cristallisa soudainement, comme si cette révélation venait d’anéantir la base de tout son plan. Son effarement était une voile que la fureur vint gonfler jusqu’à la déchirer, faisant exploser aux visages des incapables qui l’entouraient les éclats tranchants de son indignation. Comment avaient-elles osé ? Hérésie !

— Nous, nous avons entendu ton appel à toi, déclara la seule femme prête à essuyer la colère. C’est toi que nous avons entendu crier. Et tu n’es ni Chamane, ni même Aînée.

— Qu’est-ce que tu dis… siffla-t-elle entre ses dents, les yeux sortant de leurs orbites tant elle peinait à se contrôler.

— Si nous t’avons recueillie et écoutée, c’est par respect pour Jenn…

Cette peine, elle ne s’en embarrassa pas plus longtemps. Chamane Hina n’eut pas le temps d’achever sa plaidoirie, Phoenyx s’était jetée à sa gorge sans qu’elle n’ait le temps de sortir sa lame.

— LES FOURVOYEUSES N’ONT PAS DE NOM ! s’écria-t-elle alors que ses ongles fouraillaient la peau fine de la gorge de sa victime. Les femmes se précipitèrent sur Nyxie pour la séparer de la chamane. Cette dernière tentait de reprendre son souffle.

— LE TIEN SERA OUBLIE DE MÊME ! Hurla-t-elle en crachant aux pieds de l’apostate. Elle sortit de la tente et prit à partie les gens présents. J’accuse la Chamane Vaar Lac Hina de fourvoyer les âmes de sa tribu en omettant la Voie des Dieux pour satisfaire son propre orgueil, je l’accuse d’ignorer les Rêves-qui-voient par crainte de la mort. Je l’accuse d’hérésie. Je demande un défi.

— Tu n’as pas le droit !

— De quoi as-tu peur ? Si tu es l’élue des dieux, et si je mens, alors ils te sauveront, fit-elle avec un rictus carnassier. Je suis guérisseuse, fille de chamane. J’ai fait un rêve-qui-voit, j’ai vu une femme noyée au coeur corrompu par la Malédiction de Vaarkarsh. Je l’ai vu remonter le Tentacle pour se nourrir des âmes fourvoyeuses et fourvoyées. Prendrez-vous le risque d’attirer la Malédiction sur votre tribu, parce que cette femme refuse un défi ?!

Un long silence suivit la déclaration de Phoenyx. Maintenant tout le monde était au courant du défi, s’y soustraire, c’était se discréditer aux yeux de la tribu. La cérémonie aurait lieu à la nouvelle lune, d’ici là. Eccho déposa Meryl dans la tente de Nyxie, en tant que témoin, elle ne pouvait pas se permettre de la laisser sans protection. Elle l’avait fait amener ici en croyant qu’elle pourrait la protéger de la guerre qu’elle s’apprêtait à déclarer. Maintenant, elle se rendait compte que ceux qui auraient dû l’aider dans sa quête étaient aussi fourvoyés que ceux qu’elle essayer de sauver. Assise, la tête entre ses mains, rien n’allait comme prévu.
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Mar 12 Oct - 0:31
« Traître. »

La dernière fois qu’un nomade lui avait fait avaler quelque chose de force, c’était pour l’empêcher de sombrer dans l’inconscience et se soustraire à l’innommable souffrance de son châtiment ; si elle n’avait pas été si occupée à lutter contre son destin, peut-être que Meryl aurait apprécié l’ironie de la situation. Bientôt elle sombrerait dans les limbes, bientôt elle n’aurait plus l’occasion de s’inquiéter de quoi que ce soit, au moins jusqu’à son réveil. Et à son réveil, elle aurait bien d’autres personnes à blâmer que le traître. Car ce n’était pas Anauroch qui guidait ses pas et sa main, c’était une personne faite d’os et de chair, une personne dont la volonté pouvait parfois surpasser celle des Trois.

Sous l’influence des asmones, son sommeil fut agité de songes cauchemardesques dans lesquels elle était offerte en sacrifice à une déesse parée de plumes au regard implacable. Et alors que plus rien n’entravait ses mouvements et qu’elle avait enfin l’occasion de s’enfuir retrouver la sécurité de la ville maudite, Meryl restait au pied de cette idole à attendre le coup de grâce, presque avec soulagement. Il lui semblait parfois entendre des voix chuchoter dans sa tête, des voix qui ne s’adressaient pas à elle, comme un écho de ce qui se passait dans le monde réel. Puis les voix devinrent de plus en plus fortes, bien loin du chuchotement qu’elle parvenait à peine à discerner au départ.

Comme si elle avait été plongée dans l’obscurité des jours durant, les faibles rayons du soleil qui filtraient à travers la toile tendue au dessus d’elle l’aveuglèrent lorsqu’elle ouvrit enfin les paupières. Ses sens se remirent en marche presque en même temps et elle fut soudain assaillie de sons et d’odeurs. Elle n’avait pas besoin de voir pour comprendre ; elle était revenue. Elle n’était peut-être pas revenue là où tout avait commencé, mais d’une certaine façon elle était revenue chez elle. Car elle avait entendu Sa voix.

« J’accuse la Chamane Vaar Lac Hina de fourvoyer les âmes de sa tribu en omettant la Voie des Dieux pour satisfaire son propre orgueil, je l’accuse d’ignorer les Rêves-qui-voient par crainte de la mort. Je l’accuse d’hérésie. Je demande un défi. »

Dans quelle réalité parallèle son fantôme lançait un défi à une chamane qui n’était même pas de son clan ? Elle délirait encore.

« Je suis guérisseuse, fille de chamane. J’ai fait un rêve-qui-voit, j’ai vu une femme noyée au cœur corrompu par la Malédiction de Vaarkarsh. Je l’ai vu remonter le Tentacle pour se nourrir des âmes fourvoyeuses et fourvoyées. Prendrez-vous le risque d’attirer la Malédiction sur votre tribu, parce que cette femme refuse un défi ?! »

Elle dut se faire violence pour ne pas se redresser sur sa paillasse, pour rester parfaitement immobile. Dans sa poitrine, son cœur semblait ralentir et accélérer tout à la fois. Elle n’avait plus son couteau de chasse sur elle - elle revoyait Eccho l’envoyer voler quelques mètres plus loin après l’avoir maîtrisé - autrement, elle aurait probablement éventré la toile de ce cocon oppressant tout autour d’elle et couru à en perdre haleine loin d’ici. Ou alors c’était encore une histoire qu’elle se racontait alors qu’avec ou sans lui, elle serait restée inexorablement au pied de cette implacable divinité dont l’écho de la voix hantait chaque fibre de son être.

À la périphérie de son regard qu’elle s’obstinait à braquer droit devant elle, Meryl la vit entrer sous la tente et s’asseoir un peu plus loin avant de se prendre la tête entre ses mains. Elle aurait pu refermer les yeux, elle aurait pu simuler l’inconscience jusqu’à ce que cette idole de chair et de sang disparaisse, elle aurait pu tenter de fuir la réalité comme elle s’évertuait si souvent à le faire ces derniers temps. À la place, elle se surprit à se redresser lentement pour s’asseoir en tailleur face à son fantôme qui n’avait pas encore réalisé qu’elle était totalement éveillée.

- Tu sais, il y a des façons plus simples de nous faire tuer toutes les deux Nyxie…

Plonger ses yeux dans les siens après tout ce temps, c’était comme rentrer chez soi après un long voyage. Pourtant un goût âpre lui envahit aussitôt la bouche dès que leurs regards se croisèrent ; elle n’avait rien oublié de leur dernière rencontre, même si elle avait mis beaucoup d’énergie à tenter de le faire.

- Personne ne te tuera.

Implacable, comme à son habitude. Meryl aurait pu rétorquer qu’elle n’en savait rien, mais au fond, les événements passés tendaient à lui donner raison.

- Non, en effet. Ils n’ont pas réussi la première fois. Et même toi… Elle baissa les yeux. Il était compliqué de ne pas donner à sa voix des inflexions de reproche. C’est pas faute d’avoir essayé pourtant.

- Tu ne serais jamais morte.
- Peut-être. Peut-être pas. Et je me demande bien ce que tu aurais fait si Shoggoth m’avait jugée indigne. Tu serais restée là, les bras ballants ? Avant qu’elle n’ait le temps de répondre quoi que ce soit, elle ajouta : Mais c’est inutile de nous poser la question maintenant, n’est-ce pas ? Pourtant, est-ce que tu ne penses pas que la façon dont les choses se passent est parfois plus importante que la façon dont elles se finissent ?

Une question rhétorique qui avait déjà trouvé sa réponse : Nyxie ne se remettait jamais en question car Nyxie avait toujours raison. C’était drôlement pratique d’ailleurs d’avoir réussi à se convaincre d’une telle absurdité. Meryl se remit prestement sur ses deux jambes avant de faire les cents pas, comme elle avait pu faire face à Eccho dès que le nom de Phoenyx avait été prononcé. De nouveau, elle était enfermée dans cette cage invisible, et son fantôme le savait très bien ; peut-être même qu’il se délectait de la voir ainsi, tourmentée par son incapacité à se soustraire à sa volonté.

- Si tu avais tant besoin de me voir, il fallait venir à Claircombe. Je te dois toujours un verre.

Elle stoppa son manège et la regarda franchement cette fois.

- Bon d’accord, j’aurais peut-être pas accepté de te payer un verre. Peut-être que oui, si t’avais demandé gentiment. Mais t’es pas du genre à demander gentiment, hein ? T’es même pas du genre à demander tout court. Tu pouvais pas me laisser en dehors de tes histoires ? Tu me devais bien ça !

Elle ne s’était pas rendu compte que le ton avait fini par monter bien malgré elle, trahissant la colère qu’elle se donnait tant de mal à cacher. Et comme souvent lorsqu’il s’agissait de cette insupportable harpie des herbes, ses sentiments étaient plein d’ambivalence. À sa colère d’avoir été traînée ici contre son gré s’ajoutait l’inquiétude de la perdre pour toujours cette fois.

- Un défi, Nyxie… un défi ! Tu sais ce que ça implique ! Est-ce que t’es devenue folle ?


Dernière édition par Meryl le Ven 12 Aoû - 14:06, édité 3 fois
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Mer 13 Oct - 21:59
Meryl. C’est elle. Qu'aurait-elle fait si l'eau ne s'était pas vidée des poumons de Meryl ? Muirgheal.. Aurait-elle défié les dieux pour la sauver ? Fille de Shoggoth… S'etait-elle seulement posé la question ? 

Non. Elle ne se l'était pas posée et même à cet instant, alors que Meryl évoqua cette éventualité, elle ne se la posait pour la même raison qu'elle ne se demandait pas pourquoi le ciel était bleu ni pourquoi l'herbe était verte : c'était ainsi, ça n'aurait jamais pu être autrement. Il eût été inconcevable que Meryl fût indigne de Shoggoth tout comme il eût été inconcevable qu'elle-même fût forcée de se parjurer pour sauver son âme-soeur. Si les mortels ont un libre arbitre, ils ont aussi un destin. En cela, Meryl ne pouvait échapper ni au sien, ni aux desseins de la Tridéité. Elle pouvait essayer, bien sûr, mais elle ne pourrait pas ignorer éternellement toutes ces coïncidences, toutes ces pensées étrangères, toutes ces apparitions fortuites, toutes ces rencontres, toutes ces intuitions, autant de signes envoyés par les dieux pour la guider vers sa destinée. Qu'importe le chemin, les méandres, les obstacles, elle aurait fini par se trouver exactement là où elle devait être, car au fond d'elle, son âme se battait encore pour trouver l'éveil. Son essence n'était pas assez corrompue pour se laisser aller à l'égarement. C'est pour cela que Meryl était sortie de Claircombe, pour cela aussi qu'elle avait été suivie, pour ça encore que Nyxie avait envoyé Eccho la chercher, pour ça toujours que le chasseur était arrivé à temps. Certes, Phoenyx avait craint que l'homme échouât dans sa tâche. Non pas qu'il eût été un incapable, mais plutôt parce que Meryl — c’est elle, c’est la clé ! — n'était pas une proie sans défense comme le gibier qu'il avait l'habitude de chasser.

Leurs regards se rencontrèrent enfin et au fond de ces yeux dorés, — la clé ! — Nyxie vit quelque chose qui, pour une fois, la blessa : de la colère mais surtout de la rancœur. Loin de se remettre en question sur ses actions passées, elle en déduit naturellement que c’était la manière dont elle l’avait traînée ici qui l’avait autant contrariée. L’orgueil de Phoenyx était drapé dans un stoïcisme quotidien qui tomba au sol lorsque l’inquiétude perça dans la voix de la blonde et finit par butter sur un mot. Folle. Folle, folle, folle. Folle, folle, folle. Elle entendait ce mot trop souvent ces derniers temps, elle ne pouvait pas s’empêcher de faire le lien avec…

Sa main droite couvrit une scarification encore rouge qui évoquait l’emprunte d’une patte d’ours. Corbeau. Voilà des années qu’elle n’avait pas revu Baldhramn. Par les corbeaux mangés.Jour après jour, sa folie avait grignoté sa réalité. Il avait toujours été une ombre, l’aîné mâle d’une chamane, il avait toujours été un problème. Il n’avait jamais été aimé comme un fils, toujours regardé comme le corbeau de malheur qui avait rapporté le corps de son géniteur, le corbeau de malheur dont les ailes noirs altéraient la connexion de Jenna avec les dieux. Elle le savait car depuis sa naissance, elle n’avait plus vu comme auparavant. Alors Baldhramn, avait-il un jour été fou ? Ou est-ce que le priver de l’apprentissage chamanique l’avait laissé seul avec des entités trop fortes pour son âme inexpérimentée ? Avait-il réussi à faire taire ses rêves, ou avait-il réussi à les ignorer sans en souffrir, lui ? Une vague de tristesse l’envahit.

— Peut-être. Comme Patte d’Ours, peut-être que moi aussi, je suis folle. Mais je n’ai pas sa force, je ne peux pas accepter l’exil, vivre parmi les sang-maudits. Si ce n’est pas les dieux que j’entends, que je vois, même éveillée, je dois mourir. Je n’arrive plus à vivre ainsi.

Elle s’approchait. Et maintenant qu’elle le disait, il semblait que son visage était fatigué, que des cernes noircissaient son regard humide. On aurait pu la sentir au bord d’un gouffre qu’elle avait creusé des mois durant à la force de ses bras.

— Meryl, elle l’attrapa doucement par les épaules, sans la lâcher des yeux. Je n’ai pas besoin de te voir. J’ai besoin de toi. Je n’y arriverai pas seule. J’ai besoin de toi à mes côtés.

Maintenant qu’elle la voyait devant elle, qu’elle la sentait dans ses mains, il lui semblait qu’elle recouvrait une énergie dont on l’avait dépourvue depuis longtemps. Elle l’attira contre elle pour la serrer dans ses bras.Purifier ! Maintenant que Meryl était avec elle, tout irait bien. Elle guiderait les Vaar Lac, ramènerait Baldhramn dans sa nouvelle tribu, et ils marcheront sur les Vaar Orée pour les purifier.
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Jeu 14 Oct - 10:54
Meryl n’avait pas bougé d’un pouce, même sa peau avait à peine osé un frisson à son contact. Nyxie était-elle semblable à ces créatures de légendes qui pétrifiaient leurs ennemis d’un simple regard ? Quelque chose dans son visage l’avait dissuadée de se soustraire, et cette fois, ce n’était pas son arrogance, son regard autoritaire ou son impétuosité. Non, pour la première fois, Nyxie montrait une faiblesse, une vision aussi inédite que terrifiante. Elle semblait lasse et épuisée, trop épuisée pour quelqu’un de son jeune âge, et Meryl réalisa qu’elle n’avait peut-être pas été la seule que le destin avait malmenée ces derniers temps.

Tout aurait été plus simple pour Nyxie si elle avait accepté de fuir avec elle il y a deux ans mais l’évocation de ce souvenir ne franchit jamais ses lèvres. À quoi bon ? Elle avait fini par se convaincre que c’était pour le mieux. Et maintenant elle était coincée ici, enchaînée à sa foi et à cette stupide idée de défi. La solution lui semblait toute trouvée : renoncer au défi, se parjurer devant les Dieux. une idée que Nyxie n’accepterait jamais. Tout le monde n’était pas fait du même bois que Meryl, à fuir au moindre obstacle ; cela, elle l’avait compris et accepté.

Non, Nyxie allait remettre sa vie entre les mains des Dieux à la nouvelle lune et rien ne pourrait l’en empêcher.

Comme elle aurait aimé être indifférente, comme elle aurait aimé cesser de l’aimer dès l’instant où ses poumons s’étaient douloureusement remplis d’eau ce jour-là. De sa main, elle avait écrasé son cœur, ses espoirs et même ce qu’il restait de son âme ; existait-il quelque chose que Nyxie n’était pas déterminée à broyer au nom de sa foi ? En l’ayant fait venir ici de force, elle prouvait une fois encore que seule sa volonté à elle avait de l’importance, pas celles des autres, même celles de ceux qu’elle prétendait aimer.

« J’ai besoin de toi. Je n’y arriverai pas seule. J’ai besoin de toi à mes côtés. »

Ces mots étaient les seuls que Meryl avait besoin d’entendre. Car si Nyxie avait la pureté de sa foi pour elle, Meryl avait celle de son amour ; il résistait aux affres du temps, à l’éloignement, même à la souffrance qu’on pouvait parfois lui infliger. Sa blessure récente à la cuisse en témoignait, elle avait tout risqué pour aider quelqu’un qu’elle avait continué à aimer des années durant alors même qu’il ne voulait plus d’elle ni de son amitié.

Figée telle une statue de sel dans cette étreinte imposée, Meryl resta les bras le long du corps un bon moment avant de finalement venir poser sa main sur le dos de Nyxie. La faible pression de ses doigts trahissait une certaine hésitation. Captive, elle était captive. L’était-elle vraiment ? Elle ferma les yeux et se laissa aller à doucement poser sa tête contre celle de son amie d’enfance. Une image fugace de leurs deux paumes entaillées et mêlées entre elles pour sceller un pacte secret traversa son esprit.

- Je suis là.

Ce n’était rien de plus qu’un murmure à peine audible, pourtant Nyxie devait l’avoir entendu car quelque chose sembla se détendre dans tout son corps. Puisque fuir n’était pas une option, Nyxie allait devoir gagner son défi, ou au moins s’en tirer vivante. Meryl ne laisserait jamais rien lui arriver, même si ça impliquait de cracher à la face des Dieux.

Lorsqu’elles s’écartèrent, Meryl évita soigneusement le regard de la harpie des herbes. Elle n’avait pas envie que cette dernière voit à quel point elle pouvait être facilement déstabilisée, à quel point quelques paroles avaient le pouvoir de chambouler son âme. Nul doute qu’elle le savait déjà, au fond. Nul doute qu’elle finirait par s’en servir à son avantage. Nyxie restait Nyxie après tout.

- Je… J’ai besoin de respirer.

Courageuse mais pas téméraire. Rester ici avec elle, c’était prendre le risque de ressasser de vieux souvenirs qu’il valait mieux mettre sous le tapis pour le moment. Dans le camp, tous les regards se posèrent sur elle, la Sang de Shog aux cheveux d’argent ; elle savait qu’elle n’était pas la bienvenue ici mais qu’on ne pouvait rien contre elle pour l’instant, pas tant que le défi n’aurait pas lieu. Et pourtant, Meryl espérait presque qu’on vienne lui chercher querelle, qu’on vienne lui glisser une parole malheureuse à l’oreille qui déclencherait automatiquement son hostilité. Très vite, on se remit à faire comme si elle n’existait pas et elle se résigna à s’asseoir près du feu pour ruminer ses pensées.

Elle aperçut Eccho au loin ; avait-il toujours eu l’air aussi sombre ou est-ce que le destin se riait de lui également ? Il y avait toujours une multitude de questions qui n’avaient pas encore trouvé de réponse. La première d’entre elle était de savoir comment Nyxie s’était retrouvé à vivre avec les Vaar Lac. La deuxième… qu’est-ce qui liait vraiment Eccho à la harpie des herbes et pourquoi satisfaisait-il ses caprices comme si elle était sa chamane ? La troisième – et sûrement la plus importante d’entre elles au final – est-ce que cet idiot avait ramassé son couteau et son arc ou les avait-il abandonné dans le bois, la laissant désarmée ?

Son regard se perdit dans le ballet des flammes.

Demain.

Demain tout changerait.


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Nyxie
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Dim 9 Jan - 14:23
Meryl franchit les toiles fendues de la tente, les peaux retombèrent faisant disparaître sa silhouette. L’angoisse referma les rideaux de son théâtre, laissant peser sur Nyxie seule l’appréhension de ce qui allait suivre. Elle fit aussitôt volte-face, comme si elle refusait ce départ, pour se tourner vers sa seule source d’évasion. Quelques coups de silex, la paille de l’encensoir prit feu. Une épaisse fumée au parfum entêtant s’éleva lentement et finirait par remplir totalement la tente. Déjà, elle pouvait sentir son âme se décorporer pour explorer d’autres vérités. Ailleurs, les limbes ? Peut-être en un autre temps ? Une terre entièrement brûlée. Des corps calcinés qui marchent, insensibles à toute douleurs à la recherche de ce qu’ils ont perdu…

Perdue. Elle avait l’air un peu perdue. Difficile de passer inaperçu lorsqu’on atterrissait au coeur d’une tribu où tout le monde se connaissait, encore moins lorsqu’on portait les traces d’une ascendance hybride. Cette chevelure blonde polaire intriguait certains hommes. Dans le campement, le ragoût qui mijotait depuis plusieurs heures déjà exhalait un fumet qui se répandait partout dans le campement. Une marmite fut retiré du feu et emporté directement dans la tente des matriarches puis dans celle de la chamane. Le reste du campement n’avait qu’à faire la queue pour faire remplir leur bol et prendre une galette de céréales, généralement ils venaient en petit groupe sans se presser. Phoenyx n’était toujours pas venu chercher sa part. Meryl était encore perdue dans ses pensées quand on s’arrêta à sa hauteur. La présence d’Eccho semblait faire office de para-tonnerre. Soit par ce qu’il était encore moins fréquentable que la nouvelle arrivée, soit parce que sa carrure dissuadait quiconque de s’approcher d’elle. Il eut un regard mauvais en direction de deux hommes qui fixaient Meryl depuis un bon moment. Cet échange tacite leur fit détourner les yeux avant de partir. Ce n’est qu’alors que le chasseur lui rendit son arc, puis son couteau ne lâchant prise sur la lame qu’après l’avoir avertie :

— Garde-le toujours sur toi.

Son regard vert-pomme tranchait toujours avec le blanc de ses yeux injectés de sang. Au vu du ton de leur dernière conversation et compte tenu du fait qu’il était celui qui l’avait traînée jusqu’ici, il ne tenait pas spécialement à s’attarder au risque de se prendre une lame dans les côtes ou pire des reproches bien mérités dans la face. Du reste, c’était une grande fille, elle n’avait pas besoin de lui tant qu’elle ne faisait pas de vague. Un grand sentiment de solitude s’imposa à lui. L’appartenance au groupe lui manquait, il se sentait à découvert, il peinait à accomplir son devoir de protecteur, il ne pouvait pas être de partout, il craignait d’avoir le dos tourner au mauvais moment. Malgré tout, il n’avait pas d’autre choix que de le tourner à quelqu’un. Subitement, sa mâchoire se serra, ses sourcils se froncèrent de soucis, comme s’il venait de se rappeler de quelque chose de très important. Il s’éloigna.

Au cours de la journée, il sembla que Echo et une jeune femme aux cheveux longs, une Sang-de-Shog elle-aussi, avaient déplacé leurs biens dans une petite tente qui jouxtait celle de Nyxie. De ce que compris Meryl, Echo s’efforçaient de l’instruire sur les mœurs et les croyances nomades. Pour une curieuse raison, le nomade allait et venait régulièrement dans la tente de la harpie des herbes, ce qui exaspérait Jezabelle au plus haut point. Pourquoi ne pouvait-elle pas se trouver un autre protecteur ? Pourquoi ne pouvait-elle pas être tranquille avec lui ? Leur vie était déjà assez compliqué dans cette tribu, cette femme n’allait pas arranger leur sort. Les réponses de la voix grave qu’on peinait à entendre à travers les peaux tendues révélaient qu’il avait fait un Pacte de Sang qu’il ne pouvait pas renier et qu’il devait renouveler à chaque fois que la lune ne montrait plus que son dernier croissant. Il ne mentionna pas ce qu’il comptait en tirer. Toutefois, pour quelqu’un né dans une tribu, il était assez facile d’imaginer des raisons pour lesquels d’aucun serait poussé à faire un pacte de sang : soit pour acquérir une protection, un pouvoir, une réputation ou le droit de rejoindre une tribu. Jezabelle était-elle au courant des projets de l’homme ? Se doutait-elle de ce qu’elle allait devoir endurer pour être acceptée dans une tribu nomade ? Meryl brûlait d’en apprendre plus sur toutes les malversations dans lesquelles Phoenyx trempait, d’autant que plus le temps passé, plus elles semblaient être nombreuses. Quelque chose d’étrange avait poussé la guérisseuse à voir grand, trop grand peut-être pour ce qu’elle pouvait supporter seule. Malgré tout, elle semblait mener de front toutes ces intrigues, dont l’une d’elles risquait de lui coûter la vie. Dans deux levers de soleil, la nouvelle lune scellerait leurs destins à elles mais aussi à eux tous. D’ici là, mieux valait laisser l’aspirante se préparer pour le duel. Mais si cette dernière passait son temps à méditer sans jamais se nourrir ni même se préparer physiquement, elle serait trop faible pour faire face à Hina...
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Jeu 17 Mar - 22:17
« Garde-le toujours sur toi. » Comme si elle allait s’en séparer ici, au milieu de toutes ces paires d’yeux aussi curieuses qu’hostiles. Au moins avait-il eu la présence d’esprit de ne pas laisser ses armes pourrir sur le sol recouvert de feuilles mortes, là-bas, dans ce bois. Elle le laissa repartir comme il était venu, sans un mot pour lui, encore moins un remerciement ; il valait mieux le silence au fiel qu’elle sentait picoter le bout de sa langue. Elle avait choisi de l’ignorer pour ne pas lui faire le plaisir de le conforter dans l’idée que toutes les femelles étaient naturellement irascibles et hystériques – les Trois savaient pourtant à quel point il aurait mérité son ire.

Meryl resta un long moment assise devant le feu du camp, les jointures blanchies à force de serrer le manche de son arme qui taillait impitoyablement un morceau de bois qu’elle avait ramassé par terre ; il finit par être assez affûté pour être planté sans trop d’effort dans la jugulaire d’un ennemi. Elle releva les yeux avant de se faire la réflexion qu’il n’y avait que ça autour d’elle et qu’il lui faudrait tailler beaucoup plus de pieux si tuer tout ce petit monde devenait la seule façon de se sortir de ce merdier. Et on la criblerait de flèches avant que le premier nomade expire dans son propre fluide vital…

Non, mieux valait tout brûler. Tout ce bois, toutes ces peaux de bêtes, cela ferait un feu de joie assez impressionnant de loin, peut-être même assez pour être aperçu des plus hautes tours de la cité que les sauvages se plaisaient tant à mépriser. Les nomades ne craignaient plus vraiment de voir leur camp réduit en cendre par le souffle d’un dieu, et cela se voyait. Même elle, elle n’avait jamais vraiment connu la menace que représentait Vaarkaarsh, et pourtant les vieilles avaient fait de leur mieux pour lui transmettre cette peur ancestrale.

Ses yeux mordorés balayaient les environs tandis qu’elle se laissait aller à l’occupation morbide d’imaginer tout ce qu’il avait autour d’elle s’embraser dans un concert de hurlement. Et la colère commença petit à petit à la quitter, pour ne laisser en elle que la résignation.

D’autres se chargeaient déjà de faire des concerts de mines renfrognées, de froncements de sourcils et de grimaces - Eccho et Nyxie en tête, ces deux-là s’étaient bien trouvés – elle n’allait pas en rajouter. Elle passa d’ailleurs le reste de sa journée à rôder près de leurs tentes, et les bribes de conversation qui lui parvinrent aux oreilles confirmèrent ce qu’elle suspectait déjà : Eccho était un imbécile et Nyxie avait perdu tout sens commun. Avec un duo pareil, il n’était pas étonnant que les Dieux aient décidé de l’ajouter à l’équation, parce qu’il n’y avait sûrement qu’elle qui oserait leur mettre autant de coup de pied aux fesses que nécessaire.

Le soir venu, Nyxie resta dans sa tente sans prendre la peine d’aller chercher son repas – apparemment jeûner une journée entière était la nouvelle recommandation pour se préparer à un combat à mort. C’est dans un soupir que la blonde franchit le seuil de son abri, deux bols de ragoût généreusement servis dans les mains. L’atmosphère dans la tente était irrespirable mais elle résista à l’envie de lui faire une remarque sarcastique à ce sujet, tout comme elle s’interdit de la traîner hors d’ici pour qu’elle gonfle ses poumons avec autre chose que du poison.

- Tu devrais manger quelque chose, récita t-elle placidement en posant l’un des bols sur la seule table de la pièce avant d’aller s’installer sur la paillasse où elle s’était réveillée le matin-même.

L’appétit n’était pas vraiment revenu mais elle se forçait toujours à manger. Exception faite du midi où elle avait d’abord dû digérer ce qui lui arrivait, Meryl ne sautait plus jamais un seul repas. Son corps commençait timidement à retrouver la vigueur qu’il avait perdu et son reflet à ne plus lui causer autant de dégoût.

- T’es prête à lui en mettre plein la tête à cette chamane ? J’espère que tu te débrouilles mieux avec une lance que quand t’étais petite…

Tentative pitoyable d’alléger l’atmosphère. Aussi rancunière qu’elle pouvait l’être, Meryl se refusait à persécuter la harpie avec des reproches, même s’ils auraient été justifiés. Elle lui avait promis son soutien et elle ne reviendrait pas sur sa parole. Il serait toujours temps de discuter des sujets fâcheux plus tard…

- Qu’est-ce qu’on va faire, Nyxie ? Je veux dire, une fois que tu auras remporté ce duel haut la main... C’est quoi la suite ?

Pour la première fois depuis qu’elles s’étaient retrouvées, le regard de Meryl exprimait plus d’incompréhension et de doutes que de colère.


Dernière édition par Meryl le Ven 12 Aoû - 14:05, édité 2 fois
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Lun 8 Aoû - 18:39
Le regard de désintérêt que Nyxie lança à son bol en disait long sur son appétit. Elle resta un moment ainsi, les yeux rivés sur sa pitance, se demandant combien de temps s’était écoulé depuis la dernière fois qu’elle avait vu Meryl franchir le seuil de sa tente pour prendre l’air. Elle ne parvint même pas à distinguer les exhalaisons de sa propre nourriture tant les fumées rendaient l’air lourd, mais pas que. Les prunelles noisette de la nomade suivirent le déplacement de la blonde jusqu’à sa paillasse où elle s’installa. Ses paroles n’attendaient pas de réelle réponse, elles étaient seulement destinées à briser le silence.

Aucun souvenir n’était fidèle à la réalité. Peu importe l’infinité de détails et d’informations qu’elle recueillait chaque fois qu’elle voyait Meryl, rien ne suffisait. Jamais rien, ni personne, ne serait pleinement capable de comprendre et d’entièrement capturer tout ce qu’était Meryl. Elle n’était pas seulement belle, unique en son genre, brave et indomptable, elle avait une incroyable intelligence du coeur qui faisait cruellement défaut à bon nombre d’humains. Mais surtout, elle était le catalyseur des Dieux, l’incarnation de leur volonté d’unir tous les peuples d’Avalaone sous une seule et même égide ; celle qu’avait dictée la Tridéité. C’était vers elle et par elle que les peuples, les cultures et les prophéties convergeaient pour instaurer l’ère nouvelle. Elle serait le second souffle de Vaarkarsh car seule une âme incorruptible et libre pouvait l’être. Elle n’était pas de ceux qui vivent pour le pouvoir, ni de ceux qui cherchent à accumuler des biens qui n’appartiennent qu’aux Dieux. Elle était l’esprit du feu ; dans les cendres, il émergerait à nouveau.

Alors que tout semblait tomber sous le sens, une lame froide se glissait dans les nœuds du destin et menaçait de couper tous les liens qui pouvait permettre l’accomplissement des prophéties ; Meryl n’était pas venue d’elle-même, elle n’était pas là de son propre choix. Nyxie l’avait littéralement fait traîner jusqu’ici pour accomplir ce qu’elle pensait être « La Volonté des Dieux ». Et si, celle qui se croyait chamane se trompait ? Si elle avait effectivement perdu la raison, comme tout le monde ici semblait le penser ? Cette pensée ne l’avait pas effleurée une seule fois. Tout ce temps passé à préparer la venue de son catalyseur, voilà qu’il était en face d’elle, avait accepté ses méfaits sans broncher, prêt à s’engager à ses côtés dans une guerre sans précédant sans aucune assurance ni aucune promesse ; et voilà que c’était maintenant qu’elle doutait. Si elle mourrait lors du duel après avoir détourné une faiseuse de prophétie de la voie que les Dieux lui avait destinée, alors elle subirait le pire de tous les châtiments, celui qui était réservé aux Fourvoyeuses et aux Sang-Maudits ; l’Abandon d’Anauroch. Jamais elle ne retrouveraient ses aïeuls, jamais elle ne renaîtrait pour voir le nouveau règne de Vaarkarsh. Et Meryl…

Elle sentit ses épaules se crisper. Elle n’avait aucune idée du danger qu’elle faisait courir à Meryl. Peu importe leur sang, les nomades restaient dans le cycle. Mais Meryl avait été abandonné aux Shog, avait vécu selon leur us et coutumes. Que risquait son âme ? D’être Egarée ? Déchue ? Ou serait-elle cruellement Maudite ?

Le visage de Nyxie se referma derrière une masque froid et lisse. Si elle n’était qu’une Fourvoyeuse, elle devait laisser à Meryl l’opportunité de lui échapper.

— Dis-moi la vérité, Meryl.

L’air interrogateur qu’afficha la concernée était empli de doutes, mais surtout de confusion.

— Est-ce que tu crois en moi ? Ou est-ce que toi aussi, tu penses que je suis folle ?

Ces mots qu’elle prononçait, elle se souvenait les avoir entendus dans la bouche de son frère aîné, Baldhramm, après qu’il lui a raconté un de ses rêves. Peut-être qu’elle aussi, elle était maudite, ou peut-être qu’ignorés, les dieux avaient tout fait pour faire entendre leur voix, fût-ce par la bouche d’un homme. Lentement, elle déploya ses membres pour se lever et venir s’agenouiller près de la blonde. Ses mains se posèrent sur ses épaules, et son regard se raffermit.

— Si tu penses que j’ai tort, tu dois partir Meryl. Tu dois partir maintenant, avant d’être Fourvoyée.

Elle vit son amie sur le point de répondre, elle lui coupa la parole ; Meryl devait savoir avant de choisir.

— Quand j’aurais remporté le duel, nous réunifierons la Vallée. Les Vaar Lac marcheront sur Bois d’Orée pour rallier la tribu. Leurs Fourvoyeuses seront sacrifiées à Vaarkarsh pour répondre à son appel du printemps dernier.

Comme elle prononçait ces derniers mots, elle réalisa qu’une pièce importante du puzzle manquait pour que son interlocutrice comprenne. Elle se releva et pointa le haut de la tente comme si elle désignait l’astre que les peaux cachaient.

— Depuis le troisième jour printemps, le soleil au zénith, j’entends l’Appel. Parfois, quand je prie, il m’arrive d’en entendre l’écho. Mais ici, personne d’autre ne l’a entendu.

L’air de Nyxie s’assombrit tandis que l’hypothèse de la folie était de plus en plus plausible, surtout quand on connaissait ses précédents familiaux. L’espoir naquit soudain, elle se releva comme si elle détenait la preuve de sa lucidité.

— Meryl ! Est-ce que tu as parlé à Baldhramn ? T’a-t-il parlé d’un appel ? Si quelqu’un d'autre l’a entendu, c’est lui. Nous devons aller le chercher...
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Ven 12 Aoû - 18:12
« Tu dois partir maintenant, avant d’être Fourvoyée. »

Mais elle était déjà maudite, comme tous ceux qui s’écartaient de la voie des Trois depuis aussi longtemps qu’elle. Meryl avait fini par s’y résigner, elle qui avait inconsciemment continué de respecter les préceptes nomades en guidant les suicidaires sur les sentiers d’Avalone et en réduisant au minimum le temps qu’elle passait enfermée entre quatre murs. Si les Shogs pouvaient vivre avec l’idée qu’à leur mort leurs corps se relèveraient pour s’en prendre aux vivants alors elle le pouvait aussi. Elle leur était bien plus semblable maintenant qu’elle avait passé autant de temps auprès d’eux qu’auprès de ceux qu’elle avait jadis considéré comme son peuple, mais cela, Nyxie ne voulait pas le voir, elle ne voulait même pas l’entendre. Pourtant, si elle avait été un peu plus honnête avec elle-même, Meryl aurait admis qu’elle puisait du réconfort dans l’idée qu’il restait une personne en ce monde qui se souciait du sort de son âme encore plus qu’elle.

Les dernières interrogations de Nyxie se dispersèrent dans le silence de sa réponse. Elle avait été lâche de pas lui dire la première fois, elle ne pouvait prétendre ne pas avoir entendu ses questions la seconde fois. Baldhramn. Son frère. La seule personne dont Nyxie s’était réellement senti proche dans l’enfance. Pouvait-elle lui mentir en la regardant droit dans les yeux ? Elle n’allait pas tarder à le découvrir, car il était impensable de lui livrer la vérité entière, pour une raison qu’elle refusait de s’avouer.

- Je ne lui ai pas parlé, articula t-elle lentement. Mais je l’ai vu.

Meryl attrapa soudainement les poignets de la nomade pour les serrer fort entre ses doigts, sans s’inquiéter de savoir si elle lui faisait mal ou non.

- Nyxie. Entendre un ton si grave, si sérieux venant d’elle, c’était presque suffisant pour que la harpie comprenne. Et pourtant, elle poursuivit. Il y a deux saisons, il s’est passé quelque chose dans la cité. C’était comme si la terre s’était fendue en deux pour y vomir des maudits, ils se sont répandus comme un feu de forêt, il y a eu tellement de morts…

Un nœud se forma dans son estomac. Dans l’esprit d’un nomade, un tel chaos ne pouvait être que l’œuvre d’une puissance supérieure. La vérité était que beaucoup des siens attendaient avec impatience le jour où l’humanité retranchée entre les murs de la cité tomberait enfin. Meryl n’avait pas autant d’enthousiasme à voir ce jour arriver.

- Ils ont dit qu’ils s’étaient échappé d’un laboratoire, un endroit où ils étudiaient la malédiction pour la contrer. Et évidemment, quelque chose a mal tourné. Ses yeux dans les siens, elle finit par glisser ses deux mains dans les siennes. Tu me demandais si je te croyais folle, je pense que c’est ce monde qui est devenu fou.

Elle n’avait toujours pas parlé de Baldhramn et elle savait qu’elle devrait choisir ses prochains mots avec soin.

- Je l’ai vu. Je suis désolée. Elle ferma les yeux. Je suis tellement désolée. Baldhramn ne reviendra pas, Nyxie.

Elle penserait qu’il avait péri avec les autres, la vérité était bien plus cruelle, mais elle ne pouvait lui dire quel rôle avaient joué les autorités de la ville dans la mort de son frère. Pas maintenant que Nyxie semblait aussi fragile et instable à la fois.

- Je vais rester avec toi, finit-elle par ajouter, comme un baume que l’on tenterait d’étaler sur une plaie purulente. Est-ce que sa seule présence apaiserait quoi que ce soit dans le tourment qu’elle voyait naître dans ses prunelles noisettes ? Je vais rester avec toi jusqu’à ce que tu sois en sécurité quelque part.
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