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Claircombe  :: Titre :: Quartier Amaranthis :: La nuit les langues se délient :: Page 3 sur 3 Précédent  1, 2, 3
La nuit les langues se délient
Daren Van Baelsar
Daren Van Baelsar
https://claircomberpg.forumactif.com/t225-daren-van-baelsar
Date d'inscription : 07/01/2022
Messages : 24
Jeu 31 Mar - 1:50
Passer le moins de temps possible dans cet endroit, tel avait été l'idée de base de Daren, avant qu'il réalise que leur recherche les avait conduit vers une personne dont le portrait n'avait en rien été exagéré par la danseuse. Un chef de gang, purement et simplement. Voilà ce qu'était cet homme au regard de glace et à la balafre proéminente. L'histoire derrière cette marque avait d'ailleurs dû être transformée, il y avait même fort à parier que chacun y allait de sa petite légende locale à propos des évènements ayant mené à défigurer l'homme qui s'imposait ici en maître. Tout était minutieusement posé comme il se devait, à commencer par les deux gardes lui ayant subtilisé son couteau. Il ne broncha pas une seconde face à cette fouille, l'envie d'enfoncer son coude dans la tempe de l'un des deux ne vint qu'au moment où il mentionna l'absence de sous-vêtements de sa coéquipière. Cette démangeaison ne resta malheureusement qu'un fantasme et les deux purent finalement passer sans plus d'encombre.

Au premier regard, il n'était pas difficile de remarquer qui commandait. Personne ici ne devait en douter, et tout était mis en œuvre pour que ça soit le cas. D'un bref aller retour du regard à demi voilé par son chapeau, Daren observa l'assemblée. Les deux hommes sur le côté - Deux frères possiblement- ne lui inspiraient pas confiance, mais son attention s'était retenue un instant supplémentaire face à celle qui n'avait pas daigné leur accorder un regard. Prendre soin de ses ongles était une chose, le faire avec un poignard en était une autre. Cette femme, nullement inquiétée par les visiteurs, n'était pas si inattentive qu'elle voulait le laisser croire, une attitude qui devait cela dit rudement bien marcher face aux plus impétueux bougres pas capable de voir plus loin que le bout de leur nez. Habitué à fréquenter notamment une femme qui était sans peine son égale dans son métier, Daren avait également apprit à faire fi de certains préjugés sur la faiblesse de la gente féminine qui persistait en ce bas monde. A n'en point douter, cette femme presque aussi dangereuse que le fameux Marek, voir peut-être un peu plus encore.  

- La soirée n’était pas très intéressante, vous venez y remédier ?  Je veux bien la baiser mais j’ai pas l’intention de payer quoi que ce soit, je préfère prévenir.

Beaucoup de choses dans son attitude rendait propice la montée en tension de la discussion, à commencer par le rappel direct à la condition professionnelle de Lyhn. Avant de s'agacer inutilement, Daren se rappela des dires de la jeune femme qui leur avait permis de rentrer. Pour lui, Daren était un mac et il jouait le rôle d'un simple collecteur. Se voir soudainement affublé d'un tel métier n'avait pas manqué de surprendre le loup, qui trouvait cette position inconfortable, bien que nécessaire au bon déroulement de leur soirée.

L'air étant assez suffoquant comme ça, Daren n'alluma pas sa pipe, pour une fois. Ses yeux se braquèrent sur Marek et il afficha un léger sourire, toujours emprunt à cette même assurance.

- Je vois que tu as le sens des négociations. Avant que nous parlions de tout ça, j'aimerai parler d'une autre affaire.

Marek afficha à son tour un sourire, bien différent de celui de Daren, encore plus gonflé d'assurance, celle d’un homme en position de force. Sans un mot, il fit signe à l'Ascanien de continuer.

- Il semblerait que quelqu'un se soit permis de subtiliser quelques...affaires à la demoiselle qui m'accompagne, quelqu'un qui serait un habitué des lieux. Je suis à sa recherche, et tu est vraisemblablement celui qui en sait le plus ici.
- La demoiselle qui t'accompagne, c'est la pute de Dario.  Elle devrait pas être ici.

Ce fut finalement la jeune femme aux cotés du chef qui parla en premier, sans pour autant tourner la tête vers eux. La danseuse quant à elle demeura silencieuse face à l'accusation, un bref coup d'œil indiqua cependant à Daren que son visage était désormais fermé. Le sourire de l'Ascanien s'était fané lui aussi, mais cela pouvait s'expliquer par la teneur de la conversation sans révéler que les propos de l’inconnue y étaient pour quelque chose. Comme il se devait, le loup rentra dans le "jeu" de son interlocutrice et ne lui adressa pas un regard, même lorsqu'il prit la parole ensuite, toujours très calme malgré le fait que le nom de Dario avait le don de le crisper.

- Je vois que le petit grogneur clame ses fantasmes à qui veut les entendre. Il paye, comme tout le monde, mais elle n'a jamais été à lui.

Lyhn s'était sûrement rendu compte de la pointe d'amertume qui était venue souligner cette seconde phrase, mais elle était la seule à pouvoir passer outre le masque qui voilait le visage de l'Ascanien, désormais bien dans son rôle.

- Allons, me prends pas pour un lapin de six semaines. Cette fois, ce fut Marek qui répondit, tout ce qu'elle verra et entendra ici sera probablement répété. C'est même à se demander si cette histoire de vol n'a pas été inventée de toute pièce pour justifier sa présence.
- Harding. C'est Harding qui a été vu le soir du vol. Dit la danseuse, désireuse d'en finir vite avec cette conversation.
- Mes hommes ont interdiction de s'approcher de la Belle-de-Nuit, tu devrais le savoir.
- Alors il n'a pas agi sous ton ordre, me voilà rassurée.

Cette information était effectivement importante, car si un doute subsistait encore quant au lien entre Harding et son chef, il n'y en avait plus désormais, aux vues des dires de celui-ci. Marek se leva finalement de son royal divan. Légèrement plus petit que Daren, comme la plupart des gens, son attitude ne semblait guère belliqueuse, on pouvait presque s'imaginer qu'il était désarmé. Lorsqu'il se planta devant la danseuse, elle se raidit par réflexe, et le poing du loup se resserra discrètement. Il connaissait trop bien ce genre d'attitude pour ne pas s'en méfier.

- Je te fais pas confiance. Tu bosses peut-être pas officiellement pour lui mais tu lui astiques la queue, c'est pareil pour moi. Dit-il en la détaillant de haut en bas, sans faire montre d'aucune concupiscence. Je me souviens de la jeune fille à peine formée qui mendiait du pain rassis sous la pluie, je vois qu'elle a bien changé. Mais je devrais pas être aussi étonné : telle mère, telle fille.

A cet instant, le loup voulu s'interposer verbalement dans la conversation, pour s'éviter à lui-même d'intervenir physiquement, mais visiblement s'en était déjà trop pour la danseuse. Sans qu'il n'ait le temps de réagir, le poing de la jeune femme vint se loger en plein dans le visage du chef de gang, éclatant sur son nez qui le força à reculer en se tenant une main sur le visage. Le sang de Daren ne fit qu'un tour, et celui de la jeune femme dont il ignorait le nom aussi, à en juger par le bond en avant qu'elle exécuta, le poignard en avant, les yeux rivés sur la danseuse.

Malheureusement pour elle, la majeure partie de l'attention que Daren avait accordée aux personnes présentes dans l'alcôve lui était dédiée. Il n'aurait su dire si elle avait l'habitude de se jouer d'un grand nombre de macho grâce à son indifférence et son apparence, mais l'Ascanien n'était pas dupe, et encore moins du genre à sous estimer une femme. Avec une précision redoutable, le loup passa à l'action, glissant habilement son bras sous celui de la jeune femme avant qu'elle ne puisse atteindre la danseuse. En repliant le coude, il força un pli à la limite de la cassure sur l'articulation de la forcenée, la forçant à stopper sa charge. Il ne s'arrêta pas à ça en revanche, car son autre main s'était déjà affairée à saisir le poignard. Continuant son mouvement dans une ultime manœuvre totalement instinctive, Daren parvint à se placer derrière son ennemie et à lui plaquer la lame sous la gorge.

Tout cela se passa en quelques secondes à peine, ne laissant à personne d'autre que les deux combattants le soin de réagir. A en juger par la grimace de douleur et la forme de l'épaule de la jeune femme, il paraissait assez évident que l’os de l’articulation était sortit de son logement, incapacitant encore un peu plus la personne la plus dangereuse. En revanche, cela ne l'empêcha pas de tenter un redoutable coup bas, visant de son talon la partie la plus sensible chez un homme. Le plat du pied de Daren vint arrêter cette vaine action comme s'il était évident qu'une telle tentative arriverait. Intérieurement, l'Ascanien remercia Providence de lui avoir déjà offert l'occasion de s'entrainer à combattre contre une femme. Voyant qu'elle forçait encore, Daren enfonça sa main fermement sur l'épaule démise de son adversaire, lui arrachant un cri de douleur, puis il releva la lame un peu plus encore, frôlant du tranchant la peau de la jeune femme.

- Dis donc, t'es plus chiante qu'un chat de gouttière affamé on te l'a jamais dit ?

La jeune femme tenta une nouvelle fois de se débattre, mais la conviction déserta son esprit lorsqu'elle s'entailla elle-même contre son poignard, bien plus proche qu'elle ne l'imaginait.

- Maintenant calme toi, ou tu vas me forcer à te tuer maintenant, et une seconde fois quand tu seras transformée.

Il lui murmura cette ultime phrase, juste pour elle, sur un ton qui ne relevait d'aucune plaisanterie, la forçant au calme et à la résiliation. Le regard du loup était noir, celui d'un prédateur prêt à se défendre, mais surtout à défendre celle qui l'accompagnait.

Profitant de ce semblant d'accalmie, Daren jaugea la situation du regard. Marek saignait du nez - une maigre mais juste rétribution -, mais il ne manifestait aucune envie d'agir sur le moment. Les deux prétendus frères avaient la main sur leurs armes, mais eux non plus n'agissaient pas, attendant de voir comment tout cela allait se passer. Sans ménagement, le loup se tourna à demi pour constater que les deux gardes étaient dans la même situation, prêt à agir mais pas encore passé à l'action. Après s'être placé ainsi, Daren priva à tout agresseur la possibilité de le prendre en traître et de libérer son otage. Il fallait à tout prix éviter que la situation tourne encore plus au vinaigre. Certes, le loup n'était pas forcément contre un coup de dents ou deux dans les chairs d'un trublion en mal d'attention, mais le risque était trop grand.

Une seule option semblait s'offrir à eux, ici et maintenant.

- Bon, maintenant qu'on s'est bien reniflé le derrière, est-ce qu'on pourrait agir comme des gens civilisés? On voit bien que tout ce cirque mène à rien.

Marek lui adressa un regard. Il ne se montra que peu expressif à la vue de l'otage, pourtant quelque chose l'avait trahi. Daren l’avait vu, cette éphémère inquiétude dans les yeux de glace du chef de gang. Tenait-il à cette jeune femme plus qu'il ne voulait se l'avouer ? A en juger par les réflexes de celle-ci et sa réactivité dans la défense de son supérieur, il était fort probable que ça soit le cas.

A l'inverse, le regard de Daren témoignait d'une sérénité presque affolante. Pire encore, il semblait n'avoir aucunement perdu de son assurance, du moins en apparence. Cette faculté à garder ses airs intacts était un sacré point fort dans ce genre de situation, un talent qui lui avait beaucoup servi, par le passé. Malgré tout, les yeux de l'Ascanien étaient toujours sombres, teintés d’un air menaçant qui indiquait clairement qu’il ne plaisantait pas.

Comme un ultime répit dans son rôle de prédateur, il adressa un regard à la danseuse, ce genre de regard qui lui sous-entendait que tout allait bien se passer. Il se remit en condition suffisamment vite pour que tout cela soit presque imperceptible.

- Bordel, il suffit qu'on mentionne ce connard de Dario pour que tout parte en vrille, tout le temps. Je propose qu'on oublie ce gars qui me pose autant de soucis qu'à vous pour revenir à nos moutons. Un gars à toi fait du zèle, ça devrait plus t'inquiéter que ça non? On est là pour ça, pas pour toi, ni pour te chercher des poux.

Cette fois, ces yeux se figèrent sur le chef de gang, et la lame ne bougea pas d'un pouce. Tant qu'il n'était pas assuré que la situation redescendrait en pression, la lame ne bougera pas. Hors de question de prendre un quelconque risque. Toujours très concentré, le loup restait surtout prêt à tout moment à envoyer son otage contre le mur pour s'interposer dans une possible rixe, avec n'importe lequel de ces individus. Une chose était sûre, personne ne s'en prendrait à la danseuse impunément ici et maintenant sans avoir à se frotter aux crocs du loup désormais dévoilés.
Lyhn
Lyhn
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Âge du personnage : 20 ans
Métier : Fille de joie
Ven 1 Avr - 0:31
Stupide, c’était stupide et ça ne lui ressemblait pas. Elle avait appris à serrer les dents, à ne pas riposter, encore moins lorsqu’elle n’était pas en position de le faire. C’était comme si la colère l’avait empoisonnée et tué toute trace de discernement ; peut-être était-ce l’insulte de trop ou peut-être la seule insulte qu’elle ne parvenait pas à entendre. Elle avait serré le poing instinctivement et ses ongles s’étaient plantés dans sa paume ; une claque retentissante aurait fait l’affaire mais elle n’était pas parvenue à le desserrer à temps. À la place, elle ne put que se regarder frapper l’un des hommes les plus dangereux de ce côté du quartier, comme on assistait parfois à une scène en se tenant à l’extérieur de son corps.

Et sa stupidité ne lui offrit pas le moindre apaisement, pas le moindre soulagement. Son sang bouillonnait tellement dans ses veines qu’elle avait l’impression d’être un volcan prêt à entrer en éruption. Elle vit à peine la jeune Amaranthis bondir sur elle comme une chatte sauvage et son cerveau n’eut pas le temps de lui envoyer l’ordre de fuir. Plus alerte qu’elle ne l’aurait jamais été, le loup s’était interposé et elle aperçut l’éclat d’une lame avant que leur altercation ne la pousse à s’écarter d’eux, jusqu’à ce que son dos touche le mur de l’alcôve derrière elle.

Son regard se posa sur le chapeau désormais au sol. Elle le fixa un long moment, tandis que le silence était miraculeusement tombé sur la scène, où chacun des protagonistes se regardaient en chien de faïence. Et ce fut à cet instant qu’elle la submergea. La culpabilité…

Elle avait failli les faire tuer tous les deux.

- Ça suffit, lâche-la, finit par ordonner Marek au loup d’une voix plus lasse que menaçante.

Lui non plus ne semblait pas vouloir envenimer la situation. Une trace de regret passa dans la glace de ses yeux quand il observa le bras démis de la jeune femme que l’Ascanien tenait toujours fermement, presque comme s’il n’avait que trop l’habitude de constater les conséquences de son impulsivité. Il sortit un mouchoir de sa poche avant d’essuyer le sang qui lui échappait des narines.

- Quand tes gars auront décroché la main de leur arme, répondit l’Ascanien calmement en jetant un regard à ses sbires, prêts à intervenir. La mâchoire de Marek se contracta.
- Sois pas con. Ils baisseront pas leurs armes tant que tu l’auras pas lâchée, tenta de raisonner le balafré. Elle va se tenir tranquille, tu as ma parole.

Le regard qu’il lança à la jeune femme ressemblait à un ordre tacite et le loup poussa un grognement avant d’éloigner la lame de sa gorge. D’un geste, il la poussa légèrement en avant, en direction de son chef, afin de l’éloigner d’eux.

- Je vais garder ça pour le moment, tu m'en veux pas, dit-il en désignant la lame qu’il ne semblait pas disposé à voir revenir entre les mains du chat sauvage.

Sa main valide tenant le bras qui pendait mollement à côté d’elle, la jeune femme avança de quelques pas, sans trop se presser, avant de tourner brusquement la tête dans la direction de Daren ; l’expression mauvaise dans son visage fit craindre à Lyhn une fraction de seconde qu’elle puisse être assez folle pour se jeter sur lui à nouveau. Finalement, elle cracha simplement à ses pieds avant de retourner près de son chef et les sbires éloignèrent immédiatement leurs mains de leurs armes.

- Va voir Lambert, il va te remettre ça en place en deux secondes, lui dit Marek lorsqu’elle passa près de lui.
- J’ai pas besoin de Lambert, je peux m’en charger toute seule.

Marek se retint de lever les yeux au ciel. Il avait visiblement l’habitude la voir jouer les dures à cuire, mais cette attitude semblait l’agacer.

- Comme tu veux. Dis juste à Harding de nous rejoindre alors, je crois qu’il a des choses à nous dire.

Le chat sauvage ne discuta pas l’ordre mais s’autorisa un dernier regard chargé d’animosité dans la direction du loup, un regard qu’il était difficile d’interpréter autrement que comme une promesse sanglante. Marek attendit qu’elle disparaisse derrière les tentures pour se réinstaller confortablement sur son divan, presque comme si l’altercation n’avait jamais eu lieu. L’ombre d’un sourire s’esquissa sur ses lèvres.

- Si tu la recroises un jour dans une ruelle sombre, un conseil : évite de lui tourner le dos.
- J'aurais pu le deviner, en effet, rétorqua Daren qui ne trahissait rien de ce qui ressemblait de près ou de loin à de l’inquiétude.

Sans détourner son attention des hommes qui leur faisaient face, le loup recula lui aussi légèrement pour se rapprocher de la danseuse. Elle s’était penchée en avant pour attraper le chapeau sur le sol lorsque ses muscles avaient bien voulu lui répondre, elle l’avait épousseté soigneusement et lorsqu’elle l’avait senti revenir tout près d’elle, elle avait tout doucement saisi son poignet, une esquisse des remerciements qu’elle n’était pas capable de formuler. Tout s’était passé si vite qu’il aurait pu avoir été blessé sans qu’elle ne le remarque. Une bile acide lui torturait l’estomac quand elle y pensait.

- Excuse-moi.

C’était presque un murmure car ses excuses n’étaient destinés qu’à lui seul. Si Marek en avait exigé de semblables, nul doute qu’elles n’auraient jamais semblé aussi sincères. La main du loup se saisit du bord de son chapeau mais il ne lui ôta des mains que lorsqu’elle eut enfin le courage de le regarder droit dans les yeux. Doucement, il hocha simplement la tête avant de murmure à son tour :

- Joli coup, danseuse.

Si elle avait été capable de remonter dans le temps, rien de tout ceci ne serait arrivé. Aussi joli ou mérité qu’avait été le coup, il les avait mis en danger.

- Elle aussi, elle devrait aller voir quelqu’un
, intervint Marek, interrompant leurs messes basses. Quand les os craquent comme ça c’est jamais bon signe.

Pour la première fois depuis qu’elle l’avait frappé au visage, elle osa regarder l’état de sa main. Elle aussi l’avait entendu, ce craquement sinistre, mais faute de ressentir une douleur fulgurante sur l’instant, elle avait préféré l’ignorer. Maintenant que l’adrénaline retombait doucement, elle se sentait presque nauséeuse rien qu’à l’idée de serrer ou desserrer les doigts de sa main, et la teinte violacée qu’avaient pris ses phalanges n’était pas pour la rassurer.

- Va falloir apprendre à serrer correctement ton poing la prochaine fois que tu voudras en coller une à quelqu’un, ajouta le balafré d’un ton presque badin. À croire qu’il ne semblait pas vraiment lui tenir rigueur de son coup de sang, contrairement au chat sauvage. D’une certaine façon, il était déjà vengé, car elle en souffrirait probablement plus longtemps que lui.

Le loup lui saisit très délicatement le poignet pour observer l’étendu des dégâts, avant de déclarer d’un ton et d’un air qui acheva de rendre la bile de son estomac parfaitement insupportable :

- En effet, il va falloir soigner ça rapidement…, murmura t-il avant d’ajouter à haute voix. Ton gars là, Lambert, c'est un médecin ?
- Disons qu’il a appris sur le tas. Faut pas être trop regardant sur le résultat final, répondit Marek en pointant la cicatrice qu’il avait au visage.

Lyhn sentit ses entrailles se contracter davantage avant d’ôter sa main précipitamment de celle du loup. Que tous ces prophètes de l’Apocalypse cessent d’observer sa main comme si elle était porteuse d’une maladie grave et incurable et que sa seule planche de salut était l’amputation. Est-ce qu’on l’accepterait encore à la Belle-de-Nuit avec une main en moins ? Elle se laissa mollement retomber sur le mur.

- Je t’ai jamais vu avant, et je connais tout le monde dans les bas-fonds, finit par remarquer Marik, son attention braquée sur l’Ascanien dont il semblait vouloir percer les secrets. Je me demande pourquoi un type comme toi est impliqué dans une banale affaire de vol.

Lui et le loup échangèrent un regard, comme s’ils voulaient se jauger l’un l’autre. Après un silence, il répondit finalement :

- Je suis là pour aider, voilà tout.
- Humhm, c’est bien gentil de ta part…
- Chef, tu m’as appelé, chef ?

L’homme qui venait d’apparaître n’était sûrement pas le plus impressionnant des sbires de Marek, le genre à commettre des larcins en tout genre et à courir vite quand les gardes étaient lâchés sur lui. Son attention s’était porté sur eux lorsqu’il était entré mais nulle émotion ne transparut sur son visage lorsqu’il aperçut la danseuse, il semblait tout bonnement ignorer ce qu’on pouvait bien vouloir de lui et une sorte d’impatience gagna bientôt ses yeux malicieux.

- Harding ! Tu vas peut-être pouvoir m’éclairer sur une histoire que j’ai entendue et qui me semble parfaitement ridicule. On t’aurait vu traîner à la Belle-de-Nuit il y a pas longtemps, mais c’est pas possible, pas vrai ? Parce que tu sais bien que t’as pas le droit d’aller là-bas.
- Euh…

Harding sembla flairer le piège.

- C’est pas tout à fait ce que t’as dit, chef. Si mes souvenirs sont bons, t’as dit « vous approchez pas des filles de la Belle-de-Nuit » mais t’as pas dit qu’on pouvait pas aller là-bas.
- T’es crétin au point de vouloir jouer sur les mots avec moi ?
- Mais chef… J’ai pas parlé aux filles. Enfin si, d’accord, une seule. Mais je lui ai dit le strict minimum, tu sais, bonjour, au revoir, s’il vous plaît. J’ai pas passé la nuit avec elle, je voulais juste qu’elle me fasse monter à l’étage, moi. Et elle l’a fait. Elle m’a dit que j’avais de beaux yeux aussi, mais hé, tu sais ce que c’est, on sait jamais si elles disent ça parce que c’est vrai ou parce qu’elles veulent un pourboire. Remarque, ma mère m’a toujours dit que j’avais de beaux…
- Ferme ta putain de gueule Harding et réponds juste aux questions. T’es allé là-bas oui ou non ?
- C’est… possible, chef. C’était pour le travail, chef. Je suis quelqu’un de sérieux.
- Il me semble pas t’avoir envoyé là-bas pourtant.
- C’était pas un travail pour toi, chef.
- De mieux en mieux...
- On m’a fait une proposition que j’ai pas pu refuser. Un petit contrat mais très bien payé. Je voyais pas l’intérêt de t’ennuyer avec ça. Un petit bourgeois du quartier voulait que je lui ramène les culottes de sa belle. Il avait une relation avec elle depuis un moment et il l’a demandé en mariage mais elle a refusé et elle a rompu avec lui. Ça l’a fait vriller, chef… Il arrêtait pas de dire qu’elle était folle de ne pas tout quitter pour être avec lui. Je sais pas trop s’il voulait que je lui ramène ses culottes pour avoir un souvenir ou juste pour la faire chier. Peut-être les deux.
- Attends, quoi ?

Marek se tourna vers Lyhn.

- Qu’est-ce qu’on t’a volé, au juste ?

Lyhn fit semblant de ne pas avoir entendu et d’être trop occupée à compter les lattes du plancher.

- T’es venue jusqu’ici pour retrouver des culottes ?
- Elles sont très jolies, écoute…
- Eh bien, tu sais où elles sont maintenant.
- Le problème c’est que je n’ai rompu avec aucun bourgeois des beaux quartiers qui m'aurait demandé en mariage. Tu es sûre que tu as volé les bonnes culottes ? demanda Lyhn en s’adressant cette fois directement à Harding.
- C’est bien ça le problème, il a dit que ça ressemblait pas du tout aux culottes que portait sa douce. Quel détraqué est capable de distinguer une culotte d’une autre ? Il m’a presque insulté, il m’a pas payé et il m’a foutu à la porte.
- Donc, laisse-moi résumer un peu… T’as accepté un contrat sans m’en parler, ledit contrat te faisait désobéir à un ordre direct, t’as été assez tanche pour te faire griller et en plus t'as pas été foutu de remplir correctement le contrat. J’ai bon ?
- C’est exactement ça, chef ! T’es le plus intelligent parmi nous, c’est pour ça que t’es le chef !

Marek se pinça l’arrête du nez - soudain aux prises avec ce qui ressemblait à une vilaine migraine - avant de s'adresser au loup et la danseuse.

- Si vous avez une dernière question à lui poser, c’est maintenant ou jamais. Il sera sûrement plus en état de le faire plus tard.
Daren Van Baelsar
Daren Van Baelsar
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Ven 1 Avr - 15:43
Au grand étonnement de Daren, la situation sembla se calmer bien plus vite qu'il ne l'aurait imaginé. Toujours sur ses gardes malgré tout, il prenait soin d'examiner chaque acteur de la scène régulièrement, se satisfaisant de voir les deux supposés frères se détendre et les gardes reprendre leur poste. L'Ascanien remercia intérieurement Providence pour lui avoir offert ce réflexe qui avait évité de faire de toute cette histoire un potentiel drame. La tempête passée, il était désormais plus inquiet par l'état de la main de la danseuse que par toute autre chose. Il se rassura de voir arriver le supposé Harding, sur ordre de Marek. Visiblement, le chef de gang n'aimait pas s'ennuyer, mais il aimait encore moins les problèmes indépendants de sa volonté. Il ne restait plus pour eux qu'à espérer qu'il ne soit pas en train de surveiller la moindre baisse de vigilance.

La scène qui s'ensuivit eut au moins le don de tempérer les ardeurs de chacun. Il ne fallut que quelques secondes au duo d'enquêteurs pour constater une évidence : Harding était un parfait crétin. Qui plus est, le thème de l'enquête en addition à la stupidité de l'homme ne faisait que réduire encore un peu plus la gravité de l'affaire. Sans un mot, Daren écouta les dires du nouveau venu, se massant l'arrête du nez -presque exactement comme Marek le fit quelques secondes plus tard -,comme pour se forcer à tolérer la bêtise du voleur, qui ne semblait même pas comprendre à quel point il allait regretter ses actes. Le silence suivant la dernière phrase du sous fifre était d'ailleurs assez lourd de sens. Au moins, les aveux étaient clairs et la piste semblait maintenant n'avoir plus qu'une seule direction, bien qu'elle soit encore un peu floue au goût de l'Ascanien.

- Si vous avez une dernière question à lui poser, c’est maintenant ou jamais. Il sera sûrement plus en état de le faire plus tard.

Comme s'il attendait ça depuis le début de la conversation entre le chef et son subordonné, Daren hocha simplement la tête, marquant un léger silence tandis que ses yeux presque inquisiteurs se posaient sur Harding.

- J'ai deux questions en une. Qui est ce gars qui t'as payé, et où vit-il ? Répondit-il simplement

Harding planta son regard dans celui du loup, pensant visiblement être en position de force aux vues du nombre d'alliés qu'il avait autour de lui. Pire encore, il osa même bomber le torse et se redresser de toute sa hauteur, n'atteignant toujours pas la taille de Daren.

- Je vois pas pourquoi je te le dirai, et puis d'abord t'es qui toi?

Du coin de l'œil, Daren vit Marek prendre une grande inspiration et fermer les yeux, un signe évident de l'exaspération que lui évoquait son sous fifre.

- Réponds à la question Harding, vite.

Aussi calme qu'ait été l'élocution de Marek, tout le monde se doutait qu'Harding venait d'atteindre le seuil de patience de son chef. Il s'affaissa presque aussi sec, ravalant par la même occasion sa salive et son amour propre pour lorgner les lattes du plancher maltraité.

- Il...Il s'appelle Milon, c'est un riche Amaranthis, mais j'en sais pas plus sur lui, je le jure ! Enfin si, je sais qu'il travaille dans les affaires mais ce que je veux dire c'est que je sais pas forcément précisém...

Harding s'interrompit en réalisant que tout le monde l'assassinait du regard. Un lourd silence retomba avant qu'il ne prenne une nouvelle fois la parole.

- Il habite sur juste au nord du bazar, c'est un gars connu, facile à trouver.

Daren soupira discrètement de soulagement, se demandant si Harding n'allait pas finir avec plus aucune dent dans sa mâchoire avant d'avoir divulgué l'information. L'Ascanien réinstalla son chapeau sur sa tête, et se tourna vers Marek.

- Je pense que vous avez beaucoup de choses à vous dire lui et toi, et que nous sommes désormais de trop. Je vous souhaite une excellente soirée, ravi de voir que les choses s'arrangent sans trop de problèmes. Son regard se tourna vers la danseuse, à qui il adressa un sourire, après toi.

Les deux protagonistes ne trainèrent pas plus longtemps dans l'alcôve. En sortant, les gardes n'osèrent décrocher un mot ni faire une seule remarque à la danseuse. Daren en interpella un avant de partir pour échanger son couteau contre celui de la jeune femme. Il faillit demander à l'homme d'adresser une salutation ironique au "chat de gouttière", mais il se rappela qu'elle l'avait déjà probablement inscrit dans sa liste des ennemis mortel, inutile d'en rajouter une couche sans raisons, d'autant qu'il n'était pas seul dans cette histoire.

L'air frais fut une nouvelle fois accueilli avec un certain réconfort par la danseuse et le loup, malgré l'odeur pestilentielle de la place dans laquelle ils se trouvaient encore. Un consensus se fit naturellement entre les deux enquêteurs, qui décidèrent de d'abord s'éloigner de cette partie nauséabonde du quartier avant de s'autoriser une pause.

Après de longues minutes à arpenter les rues en silence, les pavés sous leurs pieds se firent plus réguliers et les éclairages plus fréquents. A mesure qu'ils approchaient des beaux quartiers, les façades et devantures devenaient peu à peu plus reluisantes. Autour d'eux, plus rien ne semblait sur le point de s'effondrer et les coupe-gorge se faisaient plus rares. Après avoir définitivement quitté les bas-fond du quartier Amaranthis, ils s'installèrent le long d'un garde-corps en bois qui séparait une terrasse déserte d'une taverne pourtant remplie de la rue. Le silence leur ayant permis de laisser redescendre la pression, Daren prit finalement la parole, toujours très calme.

- Comment tu te sens ?
- Vraiment très stupide. Répondit-elle en continuant de regarder ses pieds, comme elle avait tendance à le faire depuis qu'ils étaient sortis.
- Il a mérité de se faire remettre les idées en place, soit pas trop dure avec toi-même.
- Je me suis mise en danger, je t'ai mis en danger aussi... Les choses auraient pu se passer vraiment différemment. J'espère que tu ne regrettes pas trop de m'avoir emmenée avec toi.

Un silence s'installa, la danseuse semblait délibérément éviter le regard de Daren, gênée par son accès de colère. L'Ascanien, à l'inverse, était plutôt détendu. Il poussa finalement un soupire tout en souriant.

- Elles auraient pu oui, mais c'est pas le cas. Qui te dis qu'il aurait pas simplement voulu t'humilier bien plus devant tout le monde si t'avais pas fait ça? Crois moi, on s'en tire bien et t'y es pas pour rien. Son regard se dirigea vers la main de la danseuse,  en revanche, il va falloir apprendre à serrer correctement ton poing pour la prochaine fois.

Le visage de la danseuse s'illumina finalement d'un sourire.

- La prochaine fois ? Tu penses que je vais devoir frapper celui qui retient mes culottes en otage ?
- Qui sait, il va peut-être te demander en mariage à ton tour. Après un léger silence, ses yeux se posèrent à nouveau sur la main de la jeune femme, on va t'emmener voir un médecin quand même avant, c'est pas ça qui manque par ici.
- Un médecin ? Par ici ? Oh, non, vraiment, ce sera pas nécessaire ! Je t'assure que ça va, je ne sens même plus mes doigts. Réalisant ce qu'elle venait de dire, elle se reprit, Non ! C'est pas ce que je voulais dire ! Je les sens très bien au contraire.

Le loup fronça les sourcils et son sourire s'estompa.

- C'était pas une question, ni une proposition à vrai dire...Après une brève pause, il reprit. Ta blessure n'est pas forcément grave, même si tu as mal et que tu as bien entendu un craquement. Le seul problème, c'est que sans se faire examiner, on ne peut être sur de rien, et il se peut qu'une simple négligence te rende la vie infernale.

Daren avait volontairement occulté l'aspect financier ayant été sous entendu par la danseuse, bien qu'il l'ait très bien compris. Conscient que cette pause restait malgré tout salvatrice pour l'un comme pour l'autre, l'Ascanien sortit sa pipe de sa poche et la vida pour y installer un foyer de tabac tout neuf. Tout le procédé ne lui prit que quelques secondes avant qu'il prenne une grande bouffée, soufflant la fumée à l'opposé de la danseuse. Les yeux en l'air, il reprit une seconde fois la parole, abordant finalement le sujet qui posait réellement problème.

- T'occupe pas du prix, il y a toujours moyen de trouver un médecin qui accepte de traiter les urgences, même chez les Amaranthis. De toute façon, il y en a pas mal, là où on doit aller, alors autant faire d'une pierre deux coups.

Apaisé et apaisant, il n'en restait pas moins ferme sur sa décision, sous-entendant dans le même temps que le passage chez un médecin faisait désormais partie intégrante de leur emploi du temps de la nuit. Néanmoins, le loup resta adossé au garde corps, les yeux levés vers le ciel, attendant patiemment que la danseuse se sente elle aussi calmée.
Lyhn
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Dim 3 Avr - 1:37
Plus elle écoutait le loup, moins les reproches qu’elle s’adressait depuis l’altercation n’avaient d’écho dans son esprit. Il dégageait une telle force tranquille qu’elle était tentée de croire que tout se passerait bien tant qu’il était à ses côtés. Ce n’était pas la première fois que sa simple présence avait cet effet sur elle ; elle se souvenait de la façon dont elle avait tenu tête à Dario le soir de leur rencontre. Il réveillait en elle un feu intérieur qu’elle avait toute sa vie voulut garder à l’état d’étincelle, parce qu’elle savait que la témérité n’était pas toujours très bien récompensée, surtout pour les jeunes filles comme elles. La danseuse n’avait rien en commun avec le chat sauvage mais elle souhaitait parfois qu’il en soit autrement et prouver que même un agneau pouvait mordre.

Lui avait le nez dans les étoiles, elle observait son profil se découper dans la nuit. La brise automnale lui fit resserrer les pans de son manteau autour d’elle à quelques reprises mais elle ne manifesta aucune envie de reprendre la route. Flâner dans les beaux quartiers Amaranthis était plus agréable que de se frayer un chemin dans les bas-fonds - ici on n’avait pas besoin de s’inquiéter de pouvoir reporter ou non sa paire de talons favorites après une petite escapade nocturne – mais elle préférait profiter encore de quelques minutes de calme. Le loup ne semblait pas être pressé non plus.

Même si elle n’avait pas réellement envie de quérir les soins d’un médecin hors de prix, elle sentait qu’il était inutile de discuter avec le loup à ce sujet. Il avait raison sur un point, l’argent n’était pas toujours un problème. Après tout, même les médecins de beaux quartiers avaient des besoins et des désirs comme chaque être humain ; difficile cependant d’imaginer qu’il n’était pas possible pour eux de les combler avec des demoiselles plus élégantes et sophistiquées qu’elle ne le serait jamais. Mais peut-être que ce n’était pas ce qu’il avait voulu sous entendre en lui disant de pas s’occuper du prix que cela coûterait ?

Après quelques minutes de silence pendant lequel elle se laissa hypnotiser par les volutes de fumée qu’il crachait dans l’encre du ciel nocturne, elle finit par se détourner légèrement, comme elle le faisait chaque fois qu’elle s’apprêtait à parler de quelque chose avec lequel elle n’était pas tout à fait à l’aise.

- Ma mère… Ce n’était pas quelqu’un à qui j’ai envie de ressembler.

Elle s’était bien gardé de dire que sa mère n’était pas quelqu’un de bien, car plus que jamais c’était une réalité qu’elle avait encore besoin d’atténuer. C’était pourtant la vérité. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle ressentait le besoin d’en parler ici et maintenant, et surtout à lui ; peut-être pour justifier le coup de sang dont il avait été témoin ? Il y avait un peu de ça, mais ce n’était probablement pas la seule raison.

- Je crois que j’ai toujours su ce qu’elle était, ce qu’elle faisait pour gagner sa vie ; tout le monde le savait dans le quartier, et je n’étais pas sourde. Pourtant… j’ai toujours fait semblant de ne pas le savoir. Je ne sais pas si c’était pour la protéger elle, ou juste moi.


Elle prit un temps pour elle, pour se remémorer des choses qu’elle avait longtemps gardé sous le tapis. Elle avala un peu difficilement sa salive avant de reprendre, comme si ce qu’elle s’apprêtait à dire ne lui était pas agréable du tout.

- Ce n’était pas une très bonne mère. Elle buvait beaucoup, elle prenait d’autres choses aussi. Et tout ça, ça coûtait beaucoup d’argent. On n’avait jamais rien dans notre assiette parce qu’elle préférait… s’oublier ailleurs. Alors on mendiait, on volait aussi. Et tous les jours on se demandait si on allait la revoir ou si elle passait le pas de la porte pour la dernière fois. Et quand elle revenait finalement… on ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose.

Lyhn n’était pas capable de se souvenir d’un seul moment de tendresse avec sa mère, heureusement elle n’était pas capable de se souvenir non plus des quelques moments de violence qui avaient émaillé leur relation. Un seul souvenir persistait, totalement indélébile dans sa mémoire : le jour où elle s’en était pris à Rhys, alors qu’il n’avait que cinq ou six ans. De tous ses enfants, Rhys était celui qui avait ouvertement subi son manque d’amour, peut-être parce qu’il était la preuve vivante de ses manquements en tant que mère. Si elle et Victor ne s’étaient pas interposé avec véhémence ce jour-là, leur mère aurait probablement commis l’irréparable et ce n’était pas quelque chose qu’ils étaient parvenus à pardonner, l’un comme l’autre.

- J’ai quatre frères et sœurs, tous plus jeune que moi. C’est moi qui ai pris soin d’eux quand elle n’était plus capable de le faire.

Et en plus, il avait fallu veiller sur elle aussi, la rouler sur le côté chaque fois qu’elle manquait de s’étouffer après une nuit d’excès, chaque fois qu’elle se blessait après une violente crise de manque. Un fardeau, elle avait été un fardeau que Lyhn s’était traîné des années durant mais qu’elle n’avait jamais voulu abandonner pour une raison aussi simple que stupide : c’était leur mère, sa mère.

- Quand elle est morte, je crois que j’étais simplement… soulagée. Soulagée pour elle mais aussi pour moi. Et ensuite j’ai culpabilisé de ressentir ça, ajouta t-elle avec un petit rire sans joie. Ça n’a presque rien changé pour moi, j’avais déjà l’habitude de m’occuper de tout mais ça m’a ôté un poids dans la poitrine : je n’avais plus besoin de la regarder souffrir et se tuer à petit feu.

La danseuse regarda enfin le loup, et loin de la mine abattue qu’on aurait pu s’attendre à voir après un tel discours, elle affichait au contraire un air résolu.

- Je sais ce que je suis, ce que je fais, mais je sais aussi pourquoi. Tout ce que je gagne, c’est pour eux, mes frères et sœurs. Ça m’est égal qu’on me traite de catin, après tout c’est ce que je suis ; mais je ne ressemble pas à ma mère, je ne lui ressemblerai jamais.

Mais aussi résolue qu’elle puisse sembler, ne cherchait-elle pas juste à se convaincre elle-même ? Peut-être qu’à son âge, sa mère n’était pas un monstre d’égoïsme abîmée par l’alcool et la drogue. Peut-être qu’elle aussi avait des rêves qu’elle avait vu se briser les uns après les autres. Et peut-être qu’elle finirait par prendre le même chemin, inexorablement. Ne lui avait-elle pas prophétisé cet avenir ?

« Arrête de me regarder comme si j’étais une merde. Un jour, ce sera toi à ma place. Et alors là, on va bien rigoler ma fille ! »

Cette phrase la hantait encore.
Daren Van Baelsar
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Dim 3 Avr - 22:45
Dans un premier temps, Daren avait été tenté de croire que la danseuse cherchait à justifier son geste. Les yeux posés sur elle dès lors qu'elle avait commencé à parler, il s'était très vite rendu compte que le fond du propos n'était pas seulement lié à l'altercation avec Marek. Ce bref coup de sang en devenait même anecdotique à mesure qu'elle lui dessinait des esquisses de son passé. Le loup observa un silence religieux à nouveau, habitué à ne pas s'interposer inutilement pendant une élocution. Au fond, en apprendre un peu plus sur la danseuse n'était pas sans intérêt pour lui. Bien que les deux semblaient d'ores et déjà capables de partager la scène le temps d’un duo , il en restait qu'ils ignoraient pratiquement tout l'un de l'autre.

Au détour du récit, Daren eut l'impression qu'elle confirmait certaines théories qu'il avait sur elle. Sans qu'il ne se torture en permanence la tête avec tout ça, le loup s'était plusieurs fois posé la question de savoir pourquoi il la trouvait différente des autres fille de la Belle-de-Nuit. Dans un premier temps, il s'était dit que sa jeunesse et l’innocence qui pouvait en découler était le facteur majeur, mais rapidement quelque chose d'inexplicable était venu infirmer cette idée. L'entendre parler de sa mère et de la façon dont elle était passée dans sa vie apporta finalement lumière à ses songes. La danseuse souhaitait à tout prix faire mieux que sa génitrice, pour son propre bien mais aussi et surtout visiblement pour le bien de ses frères et sœurs.

“Elle vend son corps pour faire vivre sa famille”. Cette pensée qui vint à l'esprit du loup lui pesa un instant sur l'estomac. Lui aussi travaillait pour nourrir sa famille, mais à la différence de la danseuse, il était simplement né du bon côté de la barrière. Sa famille n'avait jamais compté parmi les plus riches, mais il n'avait jamais manqué de rien, s'offrant même le luxe d'un travail officiel pouvant impliquer de belles compensations financières. La seule différence entre eux deux se situait finalement dans la chance de naître au sein de tel ou tel foyer. Se tordre la tête avec ces pensées lui fit même regretter de ne pas avoir plus insisté pour qu'elle garde l'argent, la dernière fois...

Malgré ces quelques ruminations, le loup fut attentif à l'entièreté du récit. Lorsqu'elle croisa finalement son regard, il fut rassuré d'y lire de la détermination. Après qu'elle eût prononcé sa dernière phrase, il laissa s’installer le silence, le temps de prendre une dernière bouffée dont il souffla les volutes sur le côté. Le sourire qu'il adressa alors à la danseuse venait presque trancher avec son allure, car une certaine tendresse s'y lisait, jusqu'à ce qu'il se mue en un rictus plus classique chez lui. Se dégageant de son appui, il prit finalement la parole.

- La vie n'a pas été tendre à avec toi, ni avec tes frères et sœurs. Malgré ça, tu prends le peu qu'il t'a été donné d'avoir et tu arrives à en faire quelque chose de beau. Pour moi, c'est ça ta plus grande force, celle qui fait que tu ne t'égareras pas sur les même chemins que ta mère.

Il ne pouvait rien garantir de tout ce qu'il avançait. Il est souvent plus facile de sombrer que de trouver le chemin vers la lumière. Pourtant, la flamme vive qui animait le regard de la danseuse lorsque leurs yeux se croisaient semblait lui assurer qu'elle finirait par suivre son propre chemin, celui qu'elle aurait choisi, ou qui la sortirait d'une existence de misère..

“Et si tu manques de tomber, je te rattraperais” fut une nouvelle pensée qu’il garda pour lui, se rappelant au souvenir de cette affirmation qu’il lui avait fait, quelques jours plus tôt, affirmation qui devenait de plus en plus proche d’une promesse, à chaque heure qu’il passait en sa compagnie.

Après avoir marqué une pause, il reprit finalement la parole, d'une voix toujours apaisée, se fendant cette fois d’un sourire plus taquin.

- Et puis, c'est pas plus mal parfois de rappeler aux gens la valeur de tes convictions, même si c'est au prix d'une ou deux phalanges. En parlant de ça, allons le voir, ce fameux médecin.

Bien qu'il aurait aimé lui poser quelques questions et parler un peu de pour découvrir qui la danseuse était vraiment, il savait que cette élocution n'avait pas pour but de s'étaler tout de suite sur le sujet. La jeune femme avait du se rendre compte de l'attention qu'il avait porté à son récit, comme en témoignait d'ailleurs sa réponse. Au fond de lui, le loup avait apprécié qu'elle lui ouvre une porte différente de celle de sa chambre à la Belle-de-Nuit, un peu comme s'ils se sortaient symboliquement de cette relation de courtisane à client. Dans un autre contexte, autour d'un verre par exemple, peut-être serait-il capable de lui parler un peu plus de sa vie, si elle en suggérait l'intérêt.

La danseuse ne contesta pas l'idée de se rendre chez le médecin. De toute façon, Daren était catégorique et rien n'aurait pu lui faire changer d'avis. De nouveau en route, les deux protagonistes se sentirent bien moins menacé dans leur progression. Les regards qui se posaient sur eux se faisaient plus rares malgré les détails de la tenue de la danseuse visible entre les pans de son manteau. Les Amaranthis avaient beau être très portés sur le paraître, il était à l'inverse facile de passer inaperçu, encore plus le soir, lorsque l'extravagance était de mise. C'est ainsi qu'ils progressèrent sans encombre vers la pointe nord du bazar, comme leur avait indiqué ce benêt de Harding.

Par précaution, Daren s'était arrêté pour interroger quelques personnes sur le fameux Milon. Grace à une élocution impeccable pour l'occasion et une attitude tout à fait engageante, il avait rapidement eu les indications quant à la demeure de leur voleur de sous-vêtements. Une phrase avait retenu son attention cependant.

"...ça alors, il ne donne même plus l'adresse de sa demeure à ses invités lors de ses réceptions, il ne se bonifie pas avec l'âge."

Apparemment connu dans son quartier, l'homme donnait visiblement une soirée aujourd'hui même, un événement qui pouvait leur simplifier les choses comme les compliquer davantage. Mais l'heure n'était pas à l'enquête, et c'est au détour de plusieurs bifurcations qu'ils arrivèrent sur une place où quatre maisons identiques occupaient les angles d'un carrefour passant. Dépourvu de tavernes, les habitants circulaient sans s'arrêter en ce lieux à l'architecture raffinée et équilibrée. Daren guida la jeune femme vers l'une de ses quartes maisons, bien qu'il eut vaguement l'impression qu'elle savait déjà où il souhaitait se rendre. Pressé par l'envie de la voir recevoir des soins décents, l'Ascanien ne posa pas la question.

Arrivé devant la porte massive en bois finement sculptée et entretenue, le loup frappa à la porte de la tranche du poing, faisant raisonner le battant à l'intérieur de la bâtisse comme à l'extérieur. En attendant que quelqu'un ne réponde, Daren fit un petit commentaire.

- A cette heure de la soirée, il n'y a quasiment aucune chance pour qu'il soit déjà couché.

En guise de réponse, le bruit d'un verrou tinta de l'autre côté de la porte, quelques secondes à peine après son affirmation. Le battant pivota finalement pour révéler dans l'encadrement le propriétaire des lieux. De taille raisonnable et au physique élancé, Adrian Mayr était bien loin de l'extravagance que l'on voulait bien prêter à son peuple. En revanche, sa droiture et son allure impeccable, à l'image de sa barbe parfaitement taillée, ne laissait que peu de doutes concernant son appartenance ethnique. Derrière ses lunettes, les yeux vert du médecin se posèrent successivement sur les deux protagonistes. Habitué à recevoir des visiteurs nocturnes, il ne sembla pas s’offusquer de leur présence. Sa main gauche se porta cependant à sa barbe avec laquelle il joua distraitement. Daren prit la parole avant que l'Amaranthis ne le fasse.

- Excusez-nous de vous déranger à cette heure docteur, mais nous aurions besoin de votre savoir faire.

L'Amaranthis prit quelques secondes avant de répondre. Son regard croisa celui du Daren dans une expression toujours aussi neutre, bien que pas désagréable pour autant.

- Sans aller jusqu'à dire que j'ai l'habitude de vous voir arriver tardivement, cela ne me surprend plus vraiment, Daren.

Le médecin connaissait le vrai nom de Daren, à raison. Lorsqu'il était venu le voir lors de ces fameuses arrivées tardives, l'Ascanien s'était présenté à lui à titre officiel, notamment pour lui indiquer qu'il recevrait un dédommagement conséquent en échanges des soins que lui demandait le loup et qu’il ne s’agissait pas là d’un traquenard. Même s'il ne se sentait pas le besoin de cacher des choses à la danseuse, Daren fut satisfait de voir que l'Amaranthis n'utilisait plus son nom de famille pour le désigner, comme il le lui avait demandé à leur dernière entrevue. A vrai dire, c'était plus parce qu'il trouvait que ça le vieillissait plutôt que pour garder le secret de son identité...

- Une fois n'est pas coutume, nous ne venons pas pour moi.

Joignant le geste à la parole, Daren s'écarta légèrement pour révéler à Adrian la main meurtrie de la jeune femme.

- Mon amie ici présente à eu un...incident fâcheux, et j'aimerais qu'elle puisse être examinée pour éviter toute aggravation.

Le médecin dirigea son regard vers la main de la jeune femme et fronça légèrement les sourcil. Même de loin et à la faible lueur des lumières intérieures, la teinte violacée restait largement visible. L'Amaranthis ajusta machinalement ses lunettes avant de pivoter légèrement tout en ouvrant la porte plus en grand.

- Entrez, je vais examiner votre blessure.

Les deux protagonistes ne se firent pas prier et pénétrèrent dans cette bâtisse qui répondait au nom du Lys d'Argent. Dès les premier pas dans la pièce principale, un mélange d'odeurs végétales vint presque assaillir les nouveaux arrivants. Apothicaire de profession, Adrian avait reprit ses fonctions initiales de médecin depuis quelques temps, une fonction autrefois occupé par sa femme, qui n'était plus de ce monde. Daren avait déjà ces informations, mais il ne s'était jamais permis de converser d'autre chose que de sa propre blessure avec le médecin Amaranthis, qui devait sûrement avoir autre chose à faire que de discutailler.

Après quelques mètres dans la pièce, une boule de poil surmontée d'oreilles pointue sortit de l'obscurité. Partagé entre la méfiance et la curiosité, l'animal restait à demi dans l'ombre, remuant malgré tout la queue. Daren observa l'animal qui se dirigea instinctivement vers la danseuse, visiblement plus engageante socialement que lui. Il n'aurait pu en vouloir au petit animal d'avoir fait ce choix qu'il trouvait lui aussi justifié.

Adrian, qui était parti on ne sait où dans un recoin de la pièce, revint finalement vers eux. Pour la première fois, il esquissa un sourire cordial lorsque ses yeux émeraude se posèrent sur la jeune femme et sur le chiot.

- Il n'est pas méchant, mais il est sourd, ne vous étonnez pas s'il ne réagit pas à un appel.

Marquant une petite pause, il attendit que la danseuse relève la tête vers lui pour reprendre.

- Alors dites-moi, j'espère que l'état de votre main n'est pas le résultat d'une punition de Madame Vivianne? Elle semble sévère, mais pas au point de vous maltraiter de la sorte, n'est-ce-pas?

Daren ne prit pas le temps d'essayer d'identifier s'il s'agissait d'humour Amaranthis où si Adrian était parfaitement sérieux. En revanche, il écarquilla les yeux de surprise en entendant le médecin prononcer le nom de la mère maquerelle. Il demeura silencieux, le temps que son cerveau ne démêle cette information. Puis finalement, la question qui lui brûlait les lèvres finit par sortir d'elle-même.

- Vous vous connaissez, tout les deux?
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Mer 6 Avr - 23:39
Même si elle n’y passait pas beaucoup de temps – elle flânait surtout du côté du bazar – les beaux quartiers ne lui étaient pas totalement étrangers. Les patrouilles de garde étaient plus nombreuses de ce côté que dans les coupe-gorges des bas-fonds car la protection des nantis semblait plus importante que celle des moins aisés ; qui irait pleurer quelques traîne-misères fauchés par un maudit après tout ? Lyhn appréciait ce changement d’ambiance, même si elle imaginait toujours son frère Victor lui citer toutes les raisons qui mériteraient selon lui de détester cette partie de la ville – et tous ceux qui y vivaient.

Ce ne fut qu’une fois devant la façade de Lys d’Argent qu’elle réalisa où le loup les avait menés. Elle était déjà venue ici une fois, mais loin de l’effervescence et de l’activité bouillonnante des rues en pleine journée, elle avait à peine reconnu l’endroit. Rassurée de savoir qu’elle aurait affaire à quelqu’un qu’elle connaissait déjà, la danseuse passa le seuil de la boutique sans hésitation et adressa un sourire chaleureux – quoique teinté de timidité – à son propriétaire. Qu’il soit ou non habitué à recevoir ce genre de visite à toute heure du jour ou de la nuit, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu gênée de le déranger pour une blessure qu’elle tentait encore de minimiser.

Si elle fut attentive au début de l’échange entre les deux hommes, elle les oublia bien vite lorsqu’une boule de poils vint réclamer son attention, collant sa truffe humide sur ses mollets en quête de toutes les odeurs intrigantes qu’elle amenait avec elle. Dans un sourire, elle s’accroupit pour lui offrir une caresse en guise de salutation, salutation qui le fit basculer sur le dos presque instantanément.

- Alors dites-moi, j'espère que l'état de votre main n'est pas le résultat d'une punition de Madame Vivianne ? Elle semble sévère, mais pas au point de vous maltraiter de la sorte, n'est-ce-pas ?

À l’instar du loup, Lyhn ne sut pas s’il s’agissait là d’une plaisanterie ou non. Adrian ne lui faisait pas vraiment l’effet d’un homme porté sur les blagues, ou alors il maîtrisait l’humour pince-sans-rire comme personne. Heureusement, pendant qu’elle choisissait encore le ton de sa réponse, le loup la devança :

- Vous vous connaissez, tous les deux ?

Elle releva le visage vers lui tandis que sa main valide caressait toujours le ventre du jeune chien à ses pieds.

- On dirait que vous aussi, répliqua t-elle en éludant sans vraiment le vouloir sa question.

Elle n’avait rencontré Adrian qu’une seule fois, ici même, dans cette boutique. Seule résidente disponible ce jour-là, Madame Vivianne l’avait mandaté pour une course urgente ; apparemment, Adrian était devenu le fournisseur plus ou moins officieux de la Belle-de-Nuit en herbes contraceptives, après que l’herboriste où elle s’approvisionnait avant ait pris sa retraite. Initialement, l’homme qui avait été désigné pour le remplacer officiait lui-aussi dans les bas quartiers, mais Madame Vivianne – et une résidente qui ne travaillait plus à la Belle-de-Nuit – avait découvert que ce n’était rien d’autre qu’un charlatant qui vendaient de simples mauvaises herbes sous forme de décoctions miracles.

Lyhn ignorait tout de l’arrangement entre la maquerelle et le médecin, si arrangement il y avait bel et bien ; la seule chose qu’elle savait, c’est qu’Adrian était la seule personne dont elle ne remettait pas en cause le sérieux et qu’aucunes filles n’avaient rencontré de problèmes depuis qu’elle s’approvisionnait chez lui.

- Il n’était pas là la dernière fois, fit remarquer la danseuse en désignant le chien qui releva le museau d’un air déçu lorsqu’il la vit se redresser soudain. Adrian sourit discrètement en observant son chien.
- En effet. Il m'a été confié il y a peu, le temps de lui trouver une famille. Il ajouta peu après, presque pour lui-même. Je crois que je commence à espérer qu'il doive rester ici.

À sa place, Lyhn n’aurait pas non plus voulu le voir partir. Elle avait toujours beaucoup aimé les chiens, mais c’était un luxe que ne pouvaient se payer que les bandits ou les médecins, visiblement. Elle aurait pourtant aimé savoir qu’un énorme molosse gardait l’entrée de son taudis dans les bas quartiers pendant qu’elle allait travailler. Mais ç’aurait été une gueule de plus à nourrir – et pas des moindres – et une inquiétude de le voir finir en ragoût s’il était attrapé à flâner dans les rues. Les animaux de compagnie ne pouvaient pas espérer vivre une longue et heureuse vie quand la famine sévissait.

Le médecin invita Lyhn à le suivre pour s’occuper des soins. Le jeune chien les suivit, intrigué, et la danseuse focalisa toute son attention sur lui pour se distraire des inquiétudes qui commençaient à lui tordre l’estomac. Et s’il lui annonçait qu’elle s’était bêtement fracturé la main sur cet imbécile de Marek ? Finalement, cette histoire de vol finirait peut-être pas lui coûter bien plus que ce qu’elle avait imaginé…

Elle le laissa examiner sa main – elle nota que cette dernière avait un peu gonflé depuis tout à l’heure, ce qui accentua ses craintes. Comme s’il avait perçu son mal être, le chien vint poser sa tête sur l’une de ses cuisses ; elle lui offrit un sourire attendri pendant qu’elle le grattait doucement dernière les oreilles.

- Vous lui avez donné un nom ?
- Whisper, un nom qui ne lui sert pas à grand chose vu sa surdité, mais je me voyais mal le laisser sans identité, répondit Adrian tout en vérifiant qu’elle était bien capable d’ouvrir et de fermer la main.
- C’est un bon assistant. Je suis certaine que les enfants ne pleurent plus pendant les soins maintenant qu’il est là.

Et pas que les enfants. Elle se retenait de faire la grimace pendant l’auscultation pour ne pas passer pour une petite chose fragile mais elle n’en menait pas large.

- En effet, il a l'art et la manière de détourner l'attention.


Après quelques minutes, le verdict tomba : elle n’avait rien de cassé. La danseuse soupira de soulagement et parut beaucoup plus apaisée pendant le reste des soins. Adrian appliqua une fine pâte argileuse sur toute sa main avant de la bander. ; elle ne savait pas si c’était le fait de savoir que rien n’était cassé ou si tout le mérite en revenait aux gestes précautionneux de l’apothicaire, mais elle avait l’impression d’avoir déjà un peu moins mal. Elle savait cependant que ce genre de blessure était beaucoup plus douloureuse après une nuit de sommeil.

- Est-ce que vous connaissez un certain Milon ? demanda t-elle soudain, comme si la disparition de ses inquiétudes lui permettait enfin de se concentrer à nouveau sur l’enquête.

Adrian eut l’air étonné par sa question et mit quelques instants à répondre. Bien qu’elle ne le voyait pas tout à fait de là où elle était, elle avait la sensation que l’attention du loup venait de s’éveiller.

- Oui, tout le monde le connaît par ici. Il donne une réception à laquelle j'étais convié ce soir chez lui. Pourquoi cette question ?
- Je dois aller lui parler de… d’une affaire privée. Je voulais savoir quel genre d’homme il était avant d’aller le voir, s’il était assez conciliant ou… pas du tout.
- C'est un extravagant et un homme d'affaires, répondit Adrian en fronçant les sourcils - visiblement il ne portait pas Milon dans son coeur, il aime plaire aux gens et que l'on aille dans son sens. Le brosser dans le sens du poil est un bon moyen de converser, il n'écoutera de toute façon aucun avis contraire à ses croyances.
- Je vois…

Brosser les gens dans le sens du poil, elle savait faire, c’était même une seconde nature. Il ne restait plus qu’à espérer qu’elle en retirerait quelque chose, car il n’était jamais agréable de flatter quelqu’un gratuitement. Au pire, elle avait une deuxième main à briser sur le visage d’un imbécile… Les soins terminés, Lyhn parût gênée d’aborder enfin la question qu’ils avaient tous mis de côté.

- Au sujet du paiement… Est-ce que je pourrais vous l’apporter lors de ma prochaine visite ?

Le regard d’Adrian se tourna vers le loup pendant quelques secondes et ce dernier hocha simplement la tête.

- Considérez que tout est déjà réglé.

Elle aurait dû se douter qu’il dirait quelque chose de la sorte. Après tout, elle imaginait mal l’Ascanien l’amener à un médecin qui exigerait d’elle un montant exorbitant, voire pire. Lyhn lui adressa un sourire reconnaissant, même si l’échange muet dont elle avait été témoin lui suggérait que le loup en aurait mérité un lui aussi.

- Alors acceptez au moins que je vous apporte quelques-uns de mes gâteaux à la cannelle. Sans vouloir me vanter, tout le monde dit qu’ils sont délicieux.

C’était une façon pour elle d’avoir l’impression de ne pas juste accepter la charité de quelqu’un. Et puis c’était quelque chose que l’on faisait beaucoup dans les bas quartiers ; à défaut d’avoir de l’argent à dépenser, on se rendait de petits services, on s’offrait des petits cadeaux qui étaient parfois plus appréciés que quelques pièces. Adrian lui adressa un sourire cordial et son air taciturne s’effrita l’espace d’un instant.

- Le genre d'offre qui ne se refuse pas, j'accepte cette condition supplémentaire.

Comme s’il avait senti son départ imminent, Whisper tenta d’attirer son attention pour quelques caresses supplémentaires. Lui aussi aurait droit à son gâteau à la cannelle, elle y veillerait personnellement.

- Vous devriez le garder, il a l’air heureux d’être avec vous, et vous… vous semblez plus heureux aussi, lui dit-elle finalement, même si elle était persuadée au fond que son choix était déjà fait. Avant de quitter la boutique, elle leur adressa à tous deux un grand sourire. Docteur. Assistant Whisper.

Elle attendit à peine quelques secondes devant la devanture que le loup la rejoigne, resserrant les pans de son manteau sur elle. Plus les heures passaient et plus l’air se refroidissait, si bien qu’elle se maudit de ne pas avoir enfilé une tenue plus confortable et chaude avant de courir les rues de cette ville. Dire que tout ceci ne devait être qu’une question de minutes… Elle observa le loup discrètement. Le froid semblait être le cadet de ses soucis, le temps que durait cette enquête également. Une question que lui avait posé Marek lui revint en tête. C’est vrai qu’il se donnait beaucoup de mal pour une banale histoire de vol et qu’on ne pouvait que s’interroger sur ses vraies motivations. Elle n’avait pas envie de se lancer dans un interrogatoire en revanche ; ce n’était pas la première fois qu’il lui offrait son aide de façon totalement désintéressée après tout.

- Il était adorable, n’est-ce pas ?
lui dit-elle alors qu’un petit sourire rêveur se dessinait sur ses lèvres.

Elle parlait du chien, bien évidemment.
Daren Van Baelsar
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Jeu 7 Avr - 23:06
Presque tapi dans l'ombre, le loup avait préféré ne pas déconcentrer le médecin lors de son intervention, à la fois parce qu'il le savait peu loquace, mais aussi parce qu'il ne préférait pas se risquer à ce qu'il y ait un raté. Visiblement, lui ne fut pas réticent à converser avec la danseuse, qui était quant à elle disposée à faire également la conversation à l'Amaranthis. D'ailleurs, elle paraissait plutôt souriante, en comparaison à l'inquiétude qui se lisait sur son visage avant qu'ils ne s'installent pour les soins. L'Ascanien resta malgré tout attentif lorsque Lyhn demanda de plus amples informations sur leur prochaine destination, voilà qui devrait écourter la fin de cette traque aux sous vêtements.

- Alors acceptez au moins que je vous apporte quelques-uns de mes gâteaux à la cannelle. Sans vouloir me vanter, tout le monde dit qu’ils sont délicieux.

Le loup fronça les sourcils pour deux raisons distinctes. La première fut lorsqu'il réalisa qu'il venait d'obtenir une réponse à l'une des nombreuses questions qu'il s'était posé au sujet de la danseuse, à savoir quel était l'origine de cette odeur de cannelle qu'elle semblait transporter avec elle, et qui avait le don d'ajouter une note de douceur supplémentaire à sa personne. La seconde raison était quant à elle moins reluisante, bien qu'elle eût été instinctive. Voir la danseuse proposer ces fameux gâteaux à la cannelle à l'Amaranthis le crispa quelque peu. Le sourire que le médecin lui adressa en retour avant d'accepter sa proposition en rajouta une couche. A les voir agir ainsi, l'Ascanien eut l'impression d'assister à ce qui s'approchait d'un flirt. Le fait qu'Adrian paraissait bien plus guilleret que d'accoutumée n'aida en rien à ce ressenti...

Tiré de ses ruminations par la danseuse qui quittait la demeure du médecin, Daren reprit le fil de la réalité et sortit à son tour, non sans saluer brièvement - mais poliment - le médecin Amaranthis. Toujours un peu concentré sur ce qui l'avait travaillé quelques secondes auparavant, il ne s'offusqua guère du froid et s'affaira à allumer sa pipe à nouveau.

- Il était adorable, n’est-ce pas ?

Le loup tourna la tête vers elle pour finalement constater que ce flirt n'était visiblement pas si anodin que ça. Les yeux pétillants et un sourire apparaissant naturellement sur son visage, la danseuse semblait presque ailleurs. Allons bon, le ténébreux Amaranthis avait-il été si redoutablement séduisant? Poussant un soupire plus discret qu'à son habitude, Daren prit quelques secondes avant de répondre, hésitant presque.

- Adorable adorable...Il était avenant disons.
- Oui... j'imagine que je ne suis pas la seule à avoir eu droit à cet accueil chaleureux.

Jusqu'à preuve du contraire, Daren lui n'avait jamais été témoin d'un accueil réellement chaleureux de l'Amaranthis, aussi compétent soit-il dans son domaine. Le regard fuyant celui de la danseuse, le loup tira une nouvelle longue bouffée sur sa pipe.

- Hm...Il avait l'air quand même de t'avoir à la bonne.
- Il a sans doute senti mon inquiétude. Dit-elle, toujours sur le ton de la conversation et sans se défaire de son sourire.
- C'est son côté attentionné sûrement. Il t'as bien aidé au moins.

Intérieurement, Daren s'injuria lui-même d'avoir employé ce ton laissant penser qu'il était en train de râler. L'était-il d'ailleurs ?

- Allons, tu ne serais pas jaloux parce qu'il n'est pas venu te voir, n'est-ce pas ? Répondit-elle sur un ton taquin.

La surprise se lut un instant sur le visage du loup dont les yeux fuyaient toujours ceux de la danseuse. Sur le coup, il ne comprit pas pourquoi Adrian aurait été tenté d'aller voir Daren, si ce n'est pour faire la conversation...Ce qui n'était pas du tout à l'ordre du jour. Désemparé par cette remarque, il resta modérément neutre, tentant tant bien que mal de cacher sa crispation.

- Allons allons, c'est toi qui étais dans le besoin, pas moi, il n'est pas aveugle, il l'a remarqué dès notre arrivée.

- Ou alors il a juste préféré réclamer des caresses à la jolie danseuse plutôt qu'à l'intimidant gaillard qui grommèle sans arrêt dans sa barbe.

Tout en disant cela, la danseuse chercha à capter le regard du loup, comme pour lui souligner qu'elle était en train de se moquer de lui, arborant un sourire qui, cette fois, lui était clairement destiné. Lorsqu'il leva finalement la tête vers elle, croisant son regard, ses yeux s'écarquillèrent de surprise. Avait-il bien entendu? venait-elle ouvertement de dire que le médecin lui aurait réclamé des caresses ? Si c'était ça, Daren s'était alors sûrement bien plus égaré dans ses pensées qu'il ne l'aurait cru, car il n'eut aucun souvenir de tout ça...Pris de court, il s'essaya à une réponse.

- Attend...réclamer des...Quoi ? Qu'est ce que tu viens de....Il s'interrompit finalement semblant tout à coup réaliser quelque chose. Tu ne parlais pas du médecin, c'est ça...?

La danseuse fronça les sourcils, accentuant quelque peu la soudaine bouffée de chaleur malaisante qui s'était emparé de Daren depuis que les bonnes connexions s'étaient faites dans sa tête.

- De son chien... elle sembla réaliser à son tour qu'ils ne parlaient pas de la même chose, renouvelant son sourire taquin à la compréhension de cette nouvelle information.  Mais le médecin n'est pas mal non plus cela dit !

Le soulagement s'empara de Daren dans un premier temps, un sentiment qu'il n'aurait guère pu expliquer tant il n'avait pas identifié sa précédente frustration. Instinctivement, il poussa un grognement de son cru lorsqu'il l'entendit mentionner le médecin cette fois.

- J'imagine qu'il fait son petit effet auprès de la gente féminine. Et je parle du médecin...

Un sourire finit par se dessiner timidement sur son visage, soulignant qu'il avait - enfin - comprit la taquinerie. Quelques secondes plus tard, le loup ôta son manteau et le tendit à la jeune femme, son regard soudainement lui aussi quelque peu malicieux.

-  Tu vas geler avant qu'on arrive, quelle idée de sortir en robe et sans sous-vêtements. Comment a-t-il à son tour sur un ton taquin.

Elle ne refusa pas l'offrande et ne se fit pas prier pour installer le manteau sur ses épaules, donnant l'impression de par la différence de taille entre elle et le vêtement qu'elle venait de rapetisser de quelques centimètres, une impression qui fit sourire l'Ascanien discrètement. Après un léger silence, Lyhn reprit la parole.

- Tu sais ce qu'il y a d'encore plus adorable que les chiens ? Les grands gaillards intimidants qui grommèlent dans leur barbe chaque fois qu'ils sont contrariés.
- Je ne suis pas contrarié...disons plutôt que j'étais sceptique et...

Il s'interrompit une nouvelle fois, réalisant un peu trop tard qu'il était en train de complètement lui donner raison en se justifiant aussi vite. Après une grande inspiration, il leva les yeux au ciel, feignant l'exaspération et s'avouant dans le même temps à demi vaincu.

- Et si on allait finalement coincer ce voleur ? Une réception n'attend plus que nous.


Voilà, changer de sujet était peut-être encore la meilleure des solutions pour s'éviter le ridicule encore un peu plus. La danseuse lui sourit à nouveau avant de passer son bras autour de celui du loup pour se rapprocher de lui.

- Je vais enfin savoir si tu sais danser.

Il ne préféra pas répondre, se contentant de faire le fier tout en faisant mine de s'être de nouveau concentré sur leur mission. Il ne lui lâcha pas le bras cependant et tous deux se mirent en marche vers la demeure de ce fameux Milon. Une chose était sûre, avec le malaise qui s'était emparé de lui lorsqu'il avait compris que sa contrariété eût relevé d'une évidence, l'Ascanien ne risquait pas de ressentir le froid. Fort heureusement, le rouge qui lui était monté au joues se dissimulait assez bien sous l'ombre de son chapeau. Et puis, sa soudaine proximité avec la jeune femme laissa finalement divaguer son malaise au gré d’un confort non négligeable.

La demeure du notable Amaranthis n'était pas loin du Lys d'Argent, si bien qu'ils se retrouvèrent devant cette nouvelle portes en moins d'une dizaine de minutes. Daren jaugea l'entrée un instant en silence. D'un regard, il n'était pas difficile d'imaginer l'opulence qui régnait dans l'enceinte de cette bâtisse dont tout semblait être fait pour que le monde soit témoin de l'aisance de son propriétaire. Les fenêtres en verre fumée du rez-de-chaussée ne laissaient apparaître que les teintes chaudes des lumières éclairant les pièces. De l'extérieur, un roulement sonore atténué par les épais matériaux de la bâtisse laissait présager que la réception battait son plein.

Pendant ce court trajet, il s'était imaginé plusieurs angles d'approche pour leur permettre d'entrer sans encombre dans une réception de la haute bourgeoisie Amaranthis, notamment au cas où ils devraient feindre à nouveau des rôles pour qu'on les laisse entrer. Pour des raisons qui n'engageaient que lui, il était prêt à proposer à la danseuse de ne pas utiliser le même scénario qu'elle avait employé chez Marek, à savoir celui de la prostituée et de son mac. Ironiquement, l'idée de la laisser une nouvelle fois jouer le rôle d'une courtisane le dérangeait, après tout, ils n'étaient pas à la Belle-De-Nuit.

Il tourna la tête vers elle pour lui proposer sa version des faits lorsque la porte s'ouvrit à la volée, laissant filtrer le bruissement de nombreuses voix provenant de l'intérieur de la maison en même temps qu'un courant d'air chaud. Une silhouette se détacha de l'encadrement de la porte pour descendre les quatre marches qui séparaient encore les protagonistes de la demeure. Souple mais avec une démarche aléatoire, l'homme qui venait de sortir était de corpulence fine. Ses cheveux longs et noirs comme la nuit proprement figés sur sa tête s'accordaient parfaitement avec son chemisier à jabot bleu nuit et brodé d'or. L'homme qui se tenait devant eux était à n'en point douter un Amaranthis. Serré d'une boucle elle aussi dorée, une cape sombre fine cascadait dans son dos, ajoutant naturellement de l'élégance à l'individu. Quelques secondes après lui, une femme elle aussi brune aux traits tout aussi fins et à la tenue tout aussi chère sortit à son tour. Vêtue d'une longue robe en soie blanche au décolleté outrageusement plongeant, la femme avait recouvert ses épaules d'une fourrure avant de rejoindre son compagnon de soirée. Pendant un bon moment, ils ne prêtèrent pas un regard en direction des deux protagonistes.

- Un peu d'air frais me fera le plus grand bien ma chère ! S'exclama l'homme en faisant de grands gestes maniérés.
- Nous pouvions aller dans le jardin vous savez...
- Et supporter les longues tirades élogieuses d'Orianna, non merci ! Cette fille est un amour mais dès qu'elle se met à parler d'...

L'Amaranthis s'interrompit, soudain conscient qu'ils n'étaient pas seuls sur le palier de cette porte. D'abord suspicieux, il se fendit d'un large sourire aimable et s'approcha du duo en quelques pas sautillant.

- Je suis un rustre, pardonnez mon impolitesse ! Vous aussi vous profitez d'une pause au clair de lune ? Il fait une de ces chaleur là dedans n'est-ce-pas?

Après un léger silence, il ne laissa guère le temps à quiconque de reprendre. Pendant ce court instant, l'homme ne s'était pas privé pour détailler du regard ses deux interlocuteurs.

- Ou alors...Vous venez seulement d'arriver.

Soudainement interrogateur, il ne parla pas plus. Daren jaugea l'individu à son tour, plus discrètement. Pupille extrêmement dilaté, démarche chaloupée mal assurée et surexcitation. Pas de doute possible, cet homme était sous l'effet de drogues, et sûrement d'alcool. Un regard fugace vers la femme qui l'accompagnait lui laissait présager qu'il n'était pas le seul. Il remarqua cependant qu'elle lui adressa un sourire lorsqu'il croisa son regard. Daren esquissa alors un sourire poli et ôta son chapeau.

- Nous venons d'arriver oui. Le travail me fait finir tard parfois...Je n'ai même pas eu le temps de me changer à vrai dire, mais je compte sur l'accueil de Milon pour ne pas m'en tenir rigueur.

L'Amaranthis émit un rire sonore qui, étonnement, paraissait spontané.

- Vous savez, vu le nombre de personnes n'ayant déjà plus aucun vêtements sur eux à cette heure, je doute que quiconque ne vous en tienne rigueur !

Daren eut un petit sourire à cette réponse et la femme quant à elle accompagna l'hilarité de son compagnon, se demandant soudainement si Providence le pardonnerait de ce dont il serait témoin. Lorsqu'il croisa à nouveau le regard de la femme Amaranthis, il eut l'impression qu'elle tentait déjà depuis de longue seconde de capter son attention

- Moi je vous trouve très beau, ainsi vêtu... Son regard se tourna vers la danseuse, à qui elle adressa une expression encore plus langoureuse, si tant est que cela était possible. Et je suis sûre que ce que vous cachez derrière cet épais manteau est tout aussi délicieux.
- Allons ma chère, vous allez les mettre mal à l'aise ! Dit l'homme sur un ton qui soulignait l'absence de sérieux, j'imagine que ces braves gens aimeraient d'abord avoir le temps de prendre leurs marques dans la soirée un peu.

Son regard se porta sur les deux nouveaux venus successivement et un nouveau sourire se dessina sur son visage.

- Entrez-donc, je vous retrouverai un peu plus tard dans la soirée ! Il me tarde de faire votre connaissance et d'en apprendre un peu plus sur vous !
- Tout le plaisir est pour nous...Répondit Daren avec une cordialité exemplaire.
- J'ai hâte également. Ajouta la jeune femme avant qu'ils ne se dirigent vers la porte

Désireux de se sortir de cette étrange conversation pendant laquelle il avait eu l'impression que l'homme brun était capable de faire les questions et réponses, Daren s'engagea vers les marches, incitant la danseuse à faire de même. Lorsqu'ils pénétrèrent dans la pièce, la chaleur les accabla encore plus que dans une taverne bondée. Le loup aida la jeune femme à quitter ses deux couches de manteau avant qu'elle ne suffoque sous le contraste de température et tout deux observèrent en silence l'endroit pendant un temps. Dorures, tapis, boiseries moulées et autres fioritures de marbres habillaient en tout sens l'endroit. Ce simple hall devait probablement être plus grand que le bureau de Daren, et autrement plus cher. Bien qu'il fût habitué à être témoin de ce qu'était la richesse dans ce monde, il n'en resta pas moins impressionné par l'endroit. Tout était excessif, à l'image des Amaranthis les plus aisés et extravagants. Des éclats de voix, rires et cris émanaient de partout où se prolongeait un couloir. Dans un coin du hall, un petit groupe de quatre personnes discutait sans accorder un regard vers eux.

L'Ascanien se rappela instinctivement les informations que leur avait donné Adrian, dont la description de leur cible collait parfaitement à l'endroit. Aucun doute, ils étaient arrivés à destination. A sa grande surprise cependant, personne ne veillait à l'entrée de la demeure. Certes, il aurait été audacieux de pénétrer dans une telle demeure sans y être invité, mais après tout, n'est-ce-pas ce que venaient de faire les deux enquêteurs d'un soir? Ce fut seulement après quelques pas en avant qu'un majordome s'intéressa à eux, avançant rapidement dans leur direction.

Sans un mot à leur égard, l'homme se saisit de leurs manteaux et se fendit d'une révérence impeccable. Les valets avaient-il pour consigne de ne pas adresser un mot aux convives ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, Daren avait déjà été témoin d'un tel comportement dans la haute noblesse Ascanienne. Finalement arrangé d'être débarrassé de leurs affaires, le loup se tourna vers sa partenaire, redécouvrant presque - non sans un certain plaisir - la ravissante tenue qu'elle portait.

- Moi qui croyait qu'on allait devoir forcer le passage...Nous voilà entrés comme si de rien était. Par sécurité, je te propose que l'on respecte des rôles au cas où des curieux comme celui de dehors nous questionnent. Je pense que je peux me présenter comme un notaire...

Le loup esquissa finalement un sourire, à la fois amusé et tendre.

- Et toi, tu pourrais être danseuse professionnelle.
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Mar 12 Avr - 12:19
Elle essuya discrètement ses talons sur le tapis dans l’entrée mais s’empressa d’inventer une histoire rocambolesque dans les jardins de la demeure si d’aventure on la questionnait sur l’état de ses semelles. Si elle avait su qu’il était aussi facile de s’inviter dans une soirée mondaine, elle aurait peut-être tenté l’expérience bien avant ce soir. Elle savait que les habitants de ce côté du quartier vivaient plutôt confortablement, mais même ici certains semblaient encore plus privilégiés que d’autres. L’hôte des lieux avait vraiment eu une aventure avec l’une des filles de la Belle-de-Nuit ? Cela paraissait tellement difficile à croire.

- Je pense que je peux me présenter comme un notaire… […] Et toi, tu pourrais être danseuse professionnelle.

Lyhn releva les yeux vers lui et lui sourit.

- C’est un rôle que je peux endosser. Et j’ai une très bonne excuse pour ne pas éblouir tout le monde de mes talents ce soir, ajouta t-elle en désignant sa main bandée.

Au moins son rôle justifiait quelque peu sa tenue et le manque de raffinement du tissu qui lui couvrait le corps. Difficile de ne pas se comparer à toutes les jolies jeunes – et moins jeunes – filles qu’elle apercevait au loin, mais elle savait aussi qu’adopter une attitude confiante faisait souvent oublier ce que l’on avait sur le dos. Heureusement pour elle, la soirée dans laquelle ils avaient atterri semblait plus propice aux échanges dans des espaces feutrés et faiblement éclairés plutôt qu’à un défilé dans une grande salle de bal.

- Et on est venus à cette soirée ensemble ou… ?

Même si elle exerçait une profession un peu plus noble dans ce nouveau scénario, peut-être que le loup n’avait aucune envie de se montrer avec une jeune femme à son bras à ce genre de réception. Il fit mine de réfléchir avant de répondre.

- On a été vu ensemble avant même d'entrer donc… J'imagine que oui.

Rassurée de ne pas avoir à affronter la haute bourgeoisie Amaranthis toute seule, elle lui adressa un charmant sourire avant d’attraper son bras. S’il ne semblait pas tout à fait à son aise ici, elle avait la curieuse sensation que ce n’était pas la toute première fois qu’il était confronté à ce genre de milieu. Une fois n’est pas coutume, elle le laisserait mener la danse, le temps pour elle d’apprendre quelques pas afin de ne pas se trahir dès qu’elle ouvrirait la bouche.

Elle ne savait pas bien si toutes les soirées Amaranthis étaient à l’image de celle-ci ou si l’excentricité du maître des lieux y était pour beaucoup mais elle qui s’attendait à devoir faire son entrée dans une grande salle de réception fut étonnée de voir que la fête avait l’air d’avoir lieu à la fois partout et nulle part. La demeure se composait d’une succession de pièces et de longs couloirs, un dédale dans lequel aucun invité ne semblait se perdre mais qui lui donnait le tournis chaque fois qu’elle s’essayait à dresser un plan sommaire des lieux dans sa tête. Quant aux invités, soit il était malpoli dans la société Amaranthis d’accorder trop d’attention à ceux qui n’avaient pas encore pris leurs marques, soit l’alcool et le Lotus Noir les avaient rendu totalement sourds et aveugles à ce qui se passait autour d’eux.

Enfin, peut-être pas tous… Une femme d’âge mûr passa tout près d’eux, un châle de plumes noires nonchalamment posé sur ses épaules décharnées, et ne résista pas à la tentation de poser sa main sur les fesses du loup que la danseuse sentit se tendre à côté d’elle. Un clin d’œil ravageur plus tard et la vieille dame était déjà loin, ne laissant à l’Ascanien que le loisir de pousser son grognement habituel. Lyhn dut se mordre les joues pour éviter de sourire, de rire ou, pire encore, d’émettre le moindre commentaire ; qu’il était rafraîchissant de ne pas être la cible de ce genre d’attention, pour une fois. Ils ne tardèrent pas à réaliser que les vieilles veuves qui arpentaient les couloirs étaient probablement les invitées les plus fourbes et sans-gêne de la soirée lorsqu’une deuxième osa le même comportement, toujours avec ce flegme déconcertant. Cette fois, Lyhn éclata de rire et mit plusieurs minutes à contenir son hilarité.

Soit, ils avaient identifié l’ennemi mais pas ce qui les intéressait le plus : Milon, l’hôte des lieux et leur cible. Chaque fois qu’ils demandaient aux invités s’ils savaient où le trouver, on leur répondait la même chose : Milon n’avait pas été aperçu depuis un moment, ce qui ne lui ressemblait pas vraiment, lui qui aimait tant être le centre de l’attention. Personne ne semblait s’en inquiéter, en revanche. Après un certain temps, ils décidèrent de se séparer pour optimiser leurs chances de trouver leur cible.

Même si la danseuse prenait leur mission à cœur, elle se perdit plusieurs fois dans la contemplation des lieux ; jamais de sa vie elle n’avait pu voir pareille débauche de richesse et elle était presque certaine qu’elle n’en aurait plus vraiment l’occasion après ce soir. Pourtant, cette opulence finit par lui donner des aigreurs d’estomac, tant elle réalisait à quel point ces gens avaient tout alors qu’elle et sa famille n’avaient rien. Comment justifier un tel train de vie à quelques rues de distance où vivaient des gens entassés dans des taudis sans rien à manger ? Si son frère Victor avait été là, il aurait probablement émis l’idée de brûler cet endroit – juste après avoir pillé tout ce qui était possible.

Des éclats de rire dans un couloir la ramenèrent brusquement à la réalité. Pour revenir sur ses pas, il y avait deux couloirs différents : le couloir nord et le couloir sud. Le premier était sans danger, le deuxième… Le deuxième semblait être le théâtre d’une pièce qu’on voyait beaucoup se jouer à la Belle-de-Nuit, le genre où les protagonistes ne portent pas ou peu de vêtements. Elle hésita à faire demi tour avant d’être aperçue et qu’on l’invite à se joindre aux réjouissances mais eut à peine le temps de faire volte-face qu’une nouvelle comédienne venait de faire son apparition.

- T’es perdue, mon cœur ? susurra t-elle juste avant de lui envoyer la fumée du Lotus Noir qu’elle fumait d’un air détaché en plein visage. Lyhn grimaça quelque peu avant de reprendre immédiatement contenance.
- Non, je cherche juste…
- Milon, coupa la blonde aux cheveux coupés plus court que toutes les autres demoiselles qu’elle avait croisées jusqu’ici – tout dans son apparence suggérait d’ailleurs qu’elle essayait de se démarquer des autres. Alors toi aussi, tu es dans la course ? Laisse tomber, mon coeur, il est pas pour toi.
- La… course ? demanda Lyhn sans comprendre. Cette question fit froncer les sourcils de son interlocutrice et il lui sembla qu’elle l’avait un peu agacée sans vraiment comprendre pourquoi.
- Allons, la course pour savoir laquelle arrivera à lui passer la corde au cou en premier. Il va bientôt faire son choix, et je n’ai pas passé les cinq dernières années à le regarder en silence pour qu’une petite… parvenue vienne se mettre entre nous. La blonde la regarda de haut en bas sans cacher son mépris ; dans l’obscurité du couloir, elle ressemblait à s’y méprendre à une vipère. Fais attention à toi, mon cœur, ne va pas trébucher dans les escaliers sur tes petits talons bas de gamme ; de jolies hanches comme les tiennes, ce serait dommage…

Lyhn s’écarta avant qu’un nouveau nuage de fumée ne vienne s’écraser sur son visage.

- Merci du conseil, rétorqua t-elle finalement, sans rien trahir d’une quelconque peur face à cet avertissement équivoque.

Plutôt que de forcer le passage, elle fit encore une fois demi tour, préférant se confronter aux deux amants en plein ébat qu’à la vipère blonde. Elle n’avait pas eu peur – elle fréquentait Prisca depuis trop longtemps pour être intimidée par ce genre de menaces vaines – mais elle préférait éviter de rester dans un couloir sombre en compagnie d’une femme que l’appât du gain semblait avoir rendu folle. Ainsi donc, voilà à quoi ressemblaient les soirées mondaines Amaranthis ? Des gens qui riaient de façon un peu trop appuyée pour paraître sincères, des veuves sur le retour qui s’amusaient de leur immunité en pelotant tous les mâles à leur goût qui avaient le malheur de croiser leur chemin, des jeunes femmes qui n’hésitaient pas à menacer leurs concurrentes pour être l’heureuse choisie par le plus riche des hommes à marier de la soirée ?

Ce n’était pas si dépaysant, finalement.

- Ne faites pas attention à moi, je ne fais que passer…

Les deux jeunes gens semblaient à peine avoir remarqué sa présence, pour son plus grand bonheur. Revenue à son point de départ, elle essaya de repérer le loup au milieu des invités et remercia sa grande stature de lui faciliter la tâche. Elle le trouva assis sur l’un des divans de la pièce ; le pauvre était visiblement tombé dans un guet-apens, avec deux veuves de chaque côté de lui, et une installée juste en face, le regardant comme s’il était une pièce de viande particulièrement appétissante. Lorsque l’une d’entre elles posa sa main sur la cuisse du loup, la danseuse n’eut d’autre choix que de lui offrir une aide providentielle pour se sortir de là.

Arrivée dans son dos, elle posa brièvement les mains sur les épaules du loup avant de les faire glisser sur sa poitrine, l’enlaçant doucement. Même si l’odeur de ses cheveux et le bandage sur sa main l’avaient trahi bien avant qu’elle ne prononce le moindre mot, elle s’empressa de lui murmurer quelque chose à l’oreille avant qu’il ne panique devant une potentielle agression physique de plus.

- Te voilà, je te cherchais partout. On dirait que c’est dangereux de te perdre de vue quelques minutes.

Les femmes autour d’eux se fendirent d’un de ces rires qui manquaient cruellement de sincérité mais Lyhn nota avec une certaine satisfaction que la plus audacieuse d’entre elles avait retiré sa main de sa cuisse.

- Allons, laissez-le respirer !
- Nous n’allions pas le manger enfin !
- Quoique… ça ne lui aurait peut-être pas déplu.


Le regard que Lyhn leur lança se para soudainement d’hostilité. Si jouer davantage la carte de l’amante jalouse et possessive était l’assurance de le voir sortir de leurs griffes sans tarder, elle n’hésiterait pas un instant. Elle resserra brièvement ses bras autour de lui avant de l’embrasser dans le cou.

- Tu avais promis que tu passerais la soirée avec moi, mon loup, ajouta t-elle d’une voix faussement geignarde. Il y a un grand bassin chauffé pas loin, et il n’y a plus personne pour en profiter...

Presque amusée par son propre jeu, elle osa même lui mordiller très légèrement le lobe de l’oreille avant d’ajouter.

- S’il te plaît ?
Daren Van Baelsar
Daren Van Baelsar
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Mer 13 Avr - 1:29
Après s'être répété une dizaine de fois que se séparer était sans risque pour son binôme, Daren avait finalement réussi à tempérer ses craintes, réalisant dans le même temps qu'ils s'inquiétait peut-être un peu trop pour la danseuse. Certes, cette soirée semblait atteindre peu à peu le paroxysme de la débauche sur tous les plans possibles et imaginables, mais il n'en restait pas moins une soirée de la haute société Amaranthis, une strate où il fallait se montrer suffisamment habile pour ne pas que l'on vienne à faire l'amalgame entre sa vie publique et ses fantasmes privé, et qui impliquait par définition de ne pas faire trop de vagues. Soit, le loup était prêt à accepter sa surévaluation du danger, mais cela ne l'empêcha pas de regarder la danseuse s'éloigner de lui avec de toute nouvelles inquiétudes irrationnelles. Et puis, jusque là, c'était lui qui avait été peloté, un fait remarquablement étonnant. A croire que les vieilles femmes Amaranthis jouissaient d'un passe-droit...Suspicion que Daren espéra erronée.

Pour faire passer toute ses ruminations, le loup saisit la providentielle présence d'un valet muni d'un plateau, lui-même surmonté de quelques verres. Il s'empara avec adresse d'une des coupes au liquide bleuté et esquissa un sourire poli au valet. Sans attendre, il ingurgita la coupe dont le contenant était suffisamment faible pour que l'alcool ne lui tourne pas encore à la tête. Le fort goût sucré de la liqueur fut presque écœurant pour lui qui était habitué à des consommations plus brutes.

Désormais seul et lui aussi livré à lui-même, le loup reprit le fil de la soirée et se pencha plus en détail sur tout ce qui l'entourait. Du sol au plafond, tout dans cette maison semblait sentir l'argent, à l'image des invités d'ailleurs, eux aussi ayant cherché à faire montre de leur plus beaux atours. Daren ne chercha pas à s'éterniser sur place et commença à déambuler de pièce en pièce, découvrant des scènes et d'autres partout dans cette demeure qui semblait sans queue ni tête, même pour lui et sa mémoire irréprochable. Comment pouvait-il y avoir autant de pièces, et autant d'invités, en une seule demeure.

Se rappelant des dires du médecin, il essaya d'identifier un potentiel Milon au travers d'un homme aimant se retrouver au cœur de l'attention. La seule personne répondant à ces critères fut une femme relativement jeune qui semblait capable de faire agenouillé tout les hommes autour d'elle d'un simple regard. Aux vues des courbettes que les damoiseaux lui faisait, elle devait avoir - au-delà de son physique remarquable - une place de choix au sein de la société Amaranthis. Daren fit mine de rien et passa son chemin, conscient qu'il ne tirerait probablement rien de cette conversation. Observateur, il continua à déambuler, évitant avec soin les conversations dans lesquelles il était facile d'être mêlé, prétendant toujours avoir quelque chose d'important à régler.

Voyant que ses œillades ne le mèneraient nulle part, il se décida à changer de stratégie, il lui fallait interroger des gens. Au détour d'un énième couloir, de nombreux éclats de voix et de rire parvinrent à ses oreilles depuis une large porte latérale. Selon toute logique, cela devait mener à une sorte de salon dans lequel de nombreux invités s'étaient visiblement réunis, un cadre parfait pour mener l'enquête sans éveiller des excès de curiosité. Après avoir ajusté ses vêtements pour y lisser d'éventuels faux plis, il poussa la porte.

Ce qui se présenta à ses yeux - outre la volute épaisse de fumée de lotus noir - était bien loin de ce qu'il avait imaginé initialement. Tout d'abord, il ne s'agissait pas d'un salon, mais bien d'une chambre, une énorme chambre pour être précis. Dans celle-ci, il y avait bel et bien un regroupement de personnes profitant de leur soirée. Ce que le loup n'avait pas anticipé, aussi chaste que Providence l'avait fait, était que la majorité des vêtements desdits invités jonchaient le sol. Au milieu de la pièce, un énorme lit circulaire avait été installé, et Daren aurait bien eu du mal à compter le nombre de bras et de jambes qui occupaient le matelas. Les alentours du cylindre molletonné étaient également occupés par des personnes nues ou en lingerie pour la plupart, enchevêtrés les uns sur les autres. Tout à coup, ce que le loup avait prit pour des éclats de voix lui parut plus limpide et infirma ce qu'il s'imaginait trouver.

Le temps se figea un temps de trop pour l'Ascanien, qui vit un grand nombre de regards se tourner vers lui. Des regards brûlants, pour la plupart. Lorsqu'il réalisa qu'il était en train de devenir le centre de l'attention, le loup sursauta presque.

- Ou là, je...Pardon, je me suis trompé de portes visiblement. Faites comme si...enfin reprenez. Bredouilla-t-il en claquant la porte, soudainement envahi par le malaise.

Certes, il avait déjà été témoin de scènes d'ébats, mais jamais il n'avait vu autant de personnes pratiquer dans une même pièce. Comme si son cerveau souhaitait le rendre plus mal à l'aise encore, sa mémoire le relança sur certains objets qu'il avait cru voir au sol, sur les coussins ou parfois sur des invités...D'un mouvement de tête circulaire, il s'essaya à chasser ces pensées pour s'éviter d'avoir à prendre une dizaine de verres de plus. Par précaution, le loup s'adossa à l'autre pans du couloir, le long d'une large fenêtre.

- Que Providence me guide...

Et si justement, Providence l'avait guidé ici? Cette question aussi soudaine qu'absurde l'amena à penser à un détail important, une hypothèse impossible à négliger...Et si Milon était à l'intérieur de cette pièce?  Après tout, il avait la réputation d'aimer être au cœur des attention, un trait de caractère qui correspondait tout à fait avec la masse humaine que formait le cortège d'ébats au centre de cette pièce que Daren venait de quitter. Cette idée germa dans sa tête comme une hypothèse tout à fait possible, mais alors cela voulait dire qu'il devait se risquer à y entrer de nouveau. Après quelques secondes à considérer cette question, le loup s'y refusa, décidant finalement qu'il attendrait qu'un participant daigne vouloir prendre l'air. Dans le pire des cas, il croiserait l'individu dans son plus simple appareil, une idée qui le chagrina beaucoup moins que celle de retourner affronter les prédateurs sexuels qui l'avaient contemplé comme leur prochain repas.

Il lui fallut attendre de longue minutes - pendant lesquelles il en avait profité pour rallumer sa pipe et se détendre- pour que finalement la porte s'ouvre, libérant un nouveau nuage de Lotus Noir dans le couloir, se mêlant à la fumée localement stagnée au dessus du loup. Comme il s'y était presque attendu, la personne sortie de la pièce était pratiquement nue. Habillée de lingerie fine noire ne couvrant que les éléments les plus intimes de son corps, la jeune femme qui venait de sortir s'était couvert d'une nuisette si vaporeuse que son utilité en devenait contestable. Concentré sur sa mission, Daren se félicita intérieurement de ne pas avoir regardé ailleurs que vers le regard de la jeune femme qui posa elle aussi ses yeux sur le loup. Ébouriffée et encore transpirante, il n'y avait pas de doute quant au fait qu'elle en avait fini, ou qu'elle prenait une pause. Lorsque leurs yeux se croisèrent, elle afficha un sourire provocateur à l'Ascanien, qui resta de marbre sans pour autant avoir l'air désagréable.

- Alors, on a eu peur de rentrer ? Tu sais personnes ne se vexe des retardataire, tu aurais vite été mis à l'aise.

Daren mit quelques secondes avant de répondre, essayant de ne pas paraître trop pressé. Sa latence fut par chance prit pour de l'assurance, en lien avec cette attitude qu'il était capable d'afficher en général. Il esquissa finalement lui aussi un sourire.

- A vrai dire je me suis simplement trompé de pièce. Avant de profiter de la soirée pleinement, je préfère me délester de mes obligations.
- Ah oui?

La voix de la jeune femme parut soudainement presque comme un murmure. D'une démarche féline, elle s'avança vers le loup qui, pratiquement adossé à la fenêtre, n'eut que peu de marge de recul. Lorsqu'elle fut à moins d'un mètre de lui, elle plongea ses yeux dans les siens d'un regard brûlant. Sa main vint se poser sur le bras de l'Ascanien avant qu'elle ne prenne à nouveau la parole.

- C'est dommage, je peux trouver un coin tranquille rien que pour nous dans cette pièce tu sais. Si tu me laisses cinq petites minutes je peux t'y emmener et te faire oublier toute ta crispation.

Daren sentit une main se poser dans le bas de son dos, puis sur ses fesses. Par Providence, était-ce une sorte de nouveau jeu pour lequel il était l'attraction principale? Voyant qu'il ne pourrait pas simplement se dégager sans une bonne raison, le loup toussota légèrement pour souligner un certain inconfort.

- Votre proposition est...alléchante - était-ce vraiment le bon mot à dire à cet instant ? -, mais vous voyez, je dois voir Milon avant tout. Je pense qu'il n'apprécierai pas que je fasse passer le plaisir avant nos affaires.

Les mains baladeuses de la jeune femme se retirèrent en même temps que son sourire s'effaça. Daren prit ce changement de comportement pour de la frustration, elle aussi semblait ne pas apprécier que l'on lui dise non...Voyant que la jeune femme ne savait plus trop quoi penser de tout ça et que sa vexation allait possiblement mettre un terme à leur discussion, Daren reprit la parole.

- D'ailleurs, peut-être pourriez-vous me dire s'il n'est pas à l'intérieur de cette...chambre? Je ne voudrais pas dér....

La jeune femme éclata d'un rire si soudain que le loup se stoppa dans son élocution. Perplexe, l'homme attendit que son interlocutrice en finisse avec ce rire à demi forcé. Lorsqu'elle reposa ses yeux sur l'Ascanien, elle ne semblait plus vexée.

- Alors celle-là, on ne me l'avait jamais faite. Vous ne pensez quand même pas que je vais passer du bon temps dans la même pièce que mon frère tout de même? Rien que d'y penser, ça me donnerait presque envie de vomir ! Oh j'y suis, vous plaisantiez parce que vous vous êtes tout simplement perdu, j'ai raison c'est ça ?

Daren poussa un soupir faussement  exagéré, baissant les épaules pour accentuer sa prestation.

- Vous m'avez démarqué, je me suis totalement égaré et j'ai accidentellement poussé la mauvaise porte, d'où ma confusion. Dit-il, s'accrochant à cette perche que la jeune femme lui avait involontairement tendu.

Après un nouvel éclat de rire, l'Amaranthis regarda de nouveau l'Ascanien avec des yeux de braises.

- Continuez par là, et partez sur votre gauche, vous allez retrouver le hall principal. Et puis, quand vous aurez réglé vos affaires...vous savez ou me trouver...

Sans attendre de réponse, elle ouvrit la porte et s'engouffra à la hâte dans la pièce surchauffée, refermant la porte derrière elle. Le loup se retrouva de nouveau seul, perplexe quant à cet échange...Cela dit, il nota l'information que Milon avait une soeur, juste au cas où. Afin de ne pas se risquer à une nouvelle rencontre non désirée, Daren prit la direction indiquée par l'Amaranthis. S'il voulait interroger des gens, mieux valait se rendre dans les grandes pièces abritant du monde, de préférence dans celle où les vêtements n'étaient pas encore au sol...

Son enquête dans le hall se révéla bien moins fructueuse qu'il ne l'avait imaginé. Sur le papier, Milon devait être facile à trouver, étant le maître des lieux et une personnalité à forte présence. Les premières conversations qu'il avait réussi à entamer avec des invités le laissèrent même plutôt sceptique. Sur les cinq personnes interrogées, aucun n'avait vu Milon, si ce n'est au détour d'un couloir en début de soirée, un fait que tous avaient qualifié d'inhabituel, ce qui n'arrangeait pas les affaires de l'enquêteur. Un brin contrarié par cette histoire, le loup se dirigea vers une table sur laquelle étaient disposés des entremets divers et variés, haut en couleur. Distraitement, il en dégusta quelques uns, vilainement tenté par l'idée de transformer ce buffet en de l'histoire ancienne pour passer sa frustration. Il se refusa à ses fantasmes en se rappelant à son devoir, espérant que la danseuse ne tardera pas à revenir, peut-être avec de meilleures nouvelles. En attendant, il reprit son investigation.

Après avoir fait choux blanc deux fois de plus, Daren sentit une main - pour la quatrième fois, par Providence - se poser sur ses fesses. Il s'immobilisa sous ce contact et ferma les yeux pour contenir son énervement, laissant échapper son grognement habituel à la place. Lorsque l'auteure de l'acte se décala pour lui faire face, le loup n'eut pas la surprise de découvrir une énième femme d'un âge avancé qui le dévorait de ses yeux vert. Habillée d'un châle et d'un corset, la femme n'avait aucun problème avec l'exposition de ses atouts encore un brin conservé par les affres du temps. Avant que Daren n'ait put dire quoi que ce soit, la femme le devança.

- Il fait une chaleur ici. Nous allons tout bonnement manquer d'air si ça continue.
- Excusez-moi madame de couper court à une éventuelle conversation...Mais j'ai une affaire importante à régler et il faut que...
- Vous cherchez Milon n'est-ce-pas ?

Un silence s'installa dans la conversation et Daren perdit l'impatience qu'il l'avait gagnée quelques secondes plus tôt. Suspicieux, il fronça les sourcils.

- Comment savez-vous cela ?
- Un ami est venu me parler de vous et du fait que vous sembliez désespéré à le trouver.
- Je dois admettre que c'est un peu le cas. Pourriez-vous m'indiquer où est-il?

La femme esquissa un sourire plein d'assurance et posa sa main sur le bras de l'Ascanien.

- Allons mon garçon, vous oubliez vos bonnes manières ? La moindre des choses serait de me proposer d'en discuter autour d'un verre vous ne trouvez pas ?

Évidemment, impossible d'obtenir quelque chose simplement au milieu de tous ces Amaranthis. Daren parvint à se retenir de soupirer d'exaspération tant il aurait du se douter que rien ne serait simple. Il savait très bien où cette femme voulait en venir, ce verre n'était qu'un prétexte pour le garder plus longtemps avec lui. Par chance, il avait également conscience qu'une négociation allait dans les deux sens.

- Un seul verre dans ce cas, madame. J'ai du travail et j'aimerai en finir vite afin de profiter moi aussi de ma soirée. Dit-il avec toute l'amabilité qu'il pouvait encore feindre à ce moment.

La femme se retint de froncer légèrement les sourcil, préférant renouveler son sourire faussement aimable.

- Un seul verre. C'est entendu.

Son regard se tourna vers un valet qu'elle appela d'un signe de main. Elle lui murmura quelque chose à l'oreille et le jeune homme partit à la hâte s'enquérir de ce qui lui avait été demandé.

- Suivez-moi, jeune homme. dit-elle sur un ton mielleux qui fit déjà regretter Daren.

Désormais installé dans un divan de cuir confortable, l'Ascanien avait sans surprise été accompagné par la femme Amaranthis qui avait préféré se serrer contre lui plutôt que de s'installer dans le fauteuil d'en face. Il savait que c'était un mauvais moment à passer, au profit d'une information clé. Fort heureusement pour lui, la femme se tint aux règles de bienséance, exception faite d'une main baladeuse dans son dos, occasionnelle. Leurs verres étaient arrivés bien vite et celui du loup avait été vidé tout aussi rapidement. Surpris du goût prononcé de la liqueur qu'il venait de boire, le loup fut rassuré de ne pas avoir cet arrière goût de sucre à nouveau tapis sur son palais. La vielle femme semblait avoir demandé un alcool de bien meilleurs qualité à ce valet.

Après plusieurs minutes à parler de tout, mais surtout de rien, Daren en était venu à poser la question qui l'intéressait vraiment. Honnête dans ses engagement, la femme reprit un instant son sérieux.

- Milon m'a dit qu'il n'avait pas le cœur à donner réception ce soir. Si vous voulez mon avis, il y a quelque chose qui cloche, car il n'est pas homme à broyer du noir, encore moins lorsqu'il peut s'entourer d'invités et se délecter des plaisirs que la vie a à nous offrir. Il paraîtrait qu'il s'est retranché à l'étage, peut-être en bonne compagnie, qui sait...

Les sous entendu de l'Amaranthis faisaient frissonner Daren, qui savait pertinemment que ceux-ci lui était adressé. Conscient qu'il avait honoré sa part du marché, le loup envisagea de se lever. C'est à cet instant même qu'une seconde femme, grosso modo du même age, s'installa à sa gauche, l'encerclant dans ce divan qui se muait peu à peu en une prison dont il serai difficile de se défaire. La nouvelle venue esquissa cet exact même sourire plein de sous entendu à Daren. Visiblement, celle-ci avait encore moins froid aux yeux...

- Qu'avons nous là, je savais que Melania aimait être bien entourée, mais de là à attirer un si bel homme dans ses filets. Je suis admirative...

Visiblement...les deux femmes se connaissaient. Daren ne put cette fois s'empêcher de protester, calmement pour ne pas faire d'esclandre, mais aussi parce qu'il avait la soudaine conviction que ces femmes pouvaient le faire exclure de la soirée d'un claquement de doigt.

- Ce n'est pas ce que vous croyez madame.
- Allons je plaisante jeune homme...Dit-elle en laissant sa cuisse toucher celle du loup, vous avez raison de parler à des personnes en ayant dans la tête comme mon amie, ou moi-même.

Sans gêne, elle le détailla de haut en bas, se mordillant un peu trop évidemment la lèvre, un geste qui fit que l'Ascanien rompit le contact visuel.

- Je sens que cette soirée promet d'être formidable.

De plus en plus mal à l'aise, le loup réalisa une chose qui le dépita plus encore...Cette pièce était précisément le point de départ depuis lequel la danseuse et lui s'étaient donné rendez-vous, ce qui signifiait que s'il souhaitait attendre sa coéquipière pour qu'ils puissent mettre en commun leurs informations, il lui fallait rester dans le coin, à portée des prédatrices au grand âge qui lui tournaient autour. Priant Providence pour que la danseuse fasse vite, le loup abandonna toute idée de quitter ce maudit divan.

Entendue par Pernicie, sûrement pour expier ses pêchés, voilà qu'une troisième harpie se greffa au groupe, installée dans le fauteuil d'en face. Toutes les trois semblaient être de vieilles amies...promptes à s'entre aider pour séduire l'Ascanien. Cerise sur le gâteau, Daren commençait également à avoir très chaud, et ce n'était certainement pas à cause du déferlement hormonal qui se tramait autour de lui.

Pendant plusieurs minutes encore, le loup écouta d'une oreille distraite les femmes Amaranthis discuter entre elle et avec lui, posant de nombreuses questions régulièrement ponctuées de sous entendus tous plus graveleux les uns que les autres. Pas vraiment disposé à passer l'éternité avec ses courtisanes, le loup se sentait étrangement embrumé malgré tout. La chaleur qui l'avait gagnée s'était emparé de tout son corps, rendant les sons plus doux et tamisant la lumière devant ses yeux. Il ne se sentait pas mal, loin de là, mais son esprit semblait disposé à s'égarer. Toutes ces sensations réajustées lui rappelèrent quelque chose. Affectionnant l'utilisation de psychotropes en tout genre, les Amaranthis n'hésitaient pas à pimenter un peu leurs boissons à l'aide de plantes et autres décoctions médicinales.

Il se rappela notamment qu'on lui avait déjà parlé d'une plante qui agrémentaient la consommation d'élixir d'Amarante...Et ce soudain souvenir l'amena à maudire sa mémoire, pourtant si bonne, pour ne pas l'avoir rappelé à l'ordre avant qu'il ne consomme d'une traite cette liqueur que la fameuse Mélania n'avait pas encore finit de siroter. Poussant un profond soupire face à cette illumination aux airs dramatiques, le loup se rappela également que ce genre de drogues n'étaient pas non plus faites pour rendre inerte le consommateur, pas dans ce contexte là tout du moins. En revanche, le loup en sentait bel et bien les effets dans son organisme.

Plus distrait que jamais, les mains qui glissèrent sur son torse le firent instantanément frissonner, non pas de dégoût cette fois. Non, le loup ne pouvait pas se tromper quant à la façon qu'avaient euent ses mains de passer sur lui. L'odeur de cannelle envahit un instant son odorat, possession décuplée par l'exacerbation de ses sens à cause de sa dernière consommation. Le temps eut pour lui l'air d'être ralenti l'espace d'une seconde, tandis que la souffle de la danseuse se mua en paroles.

- Te voilà, je te cherchais partout. On dirait que c’est dangereux de te perdre de vue quelques minutes.

Salvatrice, la danseuse était enfin arrivée et elle allait le tirer de ce mauvais pas. Mais avant qu'il n'en vienne à ces considérations, Daren ne put se retenir de fermer les yeux de contentement face aux gestes de la jeune femme. Il se remémora quels rôles ils étaient censés jouer ce soir, et se félicita intérieurement de lui avoir suggéré qu'ils se fassent passer pour un couple ce soir. Face à la satisfaction de l'Ascanien et à l'entreprise de la jeune femme, les Amaranthis protestèrent tout en riant dans un étrange tableau presque passif agressif. Daren ignora les dires de ses courtisanes.

Lorsque la danseuse resserra ses bras, les frissons s'intensifièrent. Le baiser déposa dans son cou lui donna l'impression qu'elle venait d'apposer des flammes sur sa peau à l'aide de ses lèvres, créant une sensation agréable à cause de la drogue.

- Tu avais promis que tu passerais la soirée avec moi, mon loup. Il y a un grand bassin chauffé pas loin, et il n’y a plus personne pour en profiter...

S'il considéra un instant l'idée du bain en tête à tête comme une réelle bonne idée, oubliant un instant leur mission, il fut quelque peu intrigué par la façon dont elle l'avait appelé. "Mon loup", ses mots le ramenèrent à une conversation qu'ils avaient eu, était-ce donc le surnom qu'elle lui avait donné, ou bien était-ce simplement dans la fougue de leurs rôles de ce soir qu'elle s'était approprié ce surnom? Il se força à garder cette question dans un coin de sa tête. De toute façon, il oublia tout ce qui importait un instant de plus lorsqu'elle lui mordilla l'oreille, générant une réelle décharge électrique qui parcourut tout son corps, éveillant involontairement un désir qui, si elle avait insisté, pourrait devenir inextinguible.

- S’il te plaît ?

Un léger silence s'installa pendant lequel le loup avait passé instinctivement sa main en arrière, le long de la nuque de la jeune femme avec tendresse, effleurant sa peau comme s'il avait presque peur de s'y bruler, caressant la naissance de ses cheveux pendant quelques secondes. Souriant à la fois parce qu'il venait de se passer mais aussi parce qu'il avait enfin une bonne raison de s'en aller, le loup se leva, soustrayant enfin son corps aux harpies. Ignorant un instant les trois femmes, il posa un regard attendrit envers la jeune femme, jouant ainsi à merveille un rôle qu'il ne peinait guère à s’approprier. Il contourna le divan et passa une main contre la hanche de la jeune femme pour la ramener à coté de lui doucement. Une fois à demi enlacée avec elle, il afficha un sourire faussement désolé aux trois femmes qui, étrangement, ne semblaient pas si vexées que ça.

- Bien que votre compagnie m'ait honoré mesdames, je me dois de tenir mes promesses, et je m'en voudrais de faire perdre à ma douce, son si joli sourire.

Un brin satisfait de se soustraire à leur compagnie, Daren n'avait pas hésité à en faire des tonnes, ce qui n'étonna personne étant donné qu'il s'agissait d'un endroit exclusivement occupé par des Amaranthis. Après un signe de tête révérencieux, le loup fit volte face, entrainant avec lui la jeune femme qui suivit son geste sans lui poser de question. Après s'être éloigné d'une bonne dizaine de mètres, il consentit à s'arrêter, rassuré en même temps que la drogue avait effectivement des effets minimes sur son organisme, sur ses facultés motrices tout du moins. Sur le plan sensoriel en revanche, c'était une autre histoire. Outre les frissons qu'il avait eut à chaque contact, marcher avec la danseuse contre lui avait éveillé des bouffées de chaleur non contrôlées, supportables, mais surprenantes. Lorsqu'il posa son regard sur elle après qu'ils se soient finalement séparés, il lui adressa un sourire reconnaissant.

- Je crois que tu viens de me sauver d'une bien périlleuse histoire...Dit-il avec une moue de dégoût, se remémorant certains sous entendus des harpies, toujours est-il que j'ai une information qui va nous être utile. Selon l'une de ces...dames, Milon serait possiblement retiré à l'étage, une partie privée de la demeure.

Le loup marqua une pause, réalisant que les yeux de la danseuse le déconcentrait à chaque seconde qu'il passait à les fixer. Il détourna le regard un instant, toussota  pour évacuer une gêne de gorge et reprit, en la regardant à nouveau.

- Je sais pas si c'est une bonne nouvelle où une mauvaise. Il paraîtrait que monsieur est chafouin ce soir...

Le loup détourna le regard une nouvelle fois, se massant la barbe distraitement en faisant mine de réfléchir.
Lyhn
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Mer 13 Avr - 23:52
Même si la situation avait semblé facile à décrypter, la main qu’elle sentit se poser doucement sur sa nuque suffit à dissiper les quelques doutes qui lui restaient : son intervention avait été appréciée et elle n’avait rien interrompu d’important. Elle était souvent la première à remarquer les malaises et les appels à l’aide muets des autres fille à la Belle-de-Nuit ; dans le cas du loup, elle avait la satisfaction supplémentaire d’avoir momentanément inversé les rôles et aidé la demoiselle en détresse qui sommeillait en lui.

Le sourire qu’elle lui adressa après l’avoir sorti de cette situation inextricable n’était plus aussi amusé qu’à leur arrivée ; qu’il soit un homme ne changeait finalement rien au fait que certaines attentions répétées et insistantes pouvaient être extrêmement désagréables à vivre. Elle se fit même la promesse de recadrer vertement la prochaine veuve en mal d’attention qui oserait poser une seule main sur lui. Ou faire une allusion quelconque. Ou le regarder avec trop d’insistance.

Les quelques femmes bafouées qu’elle avait vu débarquer à la Belle-de-Nuit lui avaient donné suffisamment de matière pour interpréter son rôle de façon convaincante.

- Selon l'une de ces… dames, Milon serait possiblement retiré à l'étage, une partie privée de la demeure. […] Je sais pas si c'est une bonne nouvelle où une mauvaise. Il paraîtrait que monsieur est chafouin ce soir.

Elle expliqua son regard anormalement fuyant par le fait qu’il n’avait pas encore mis assez de distance entre lui et ses admiratrices ; à aucun moment l’idée qu’elle puisse en être l’origine ne lui traversa l’esprit.

- Chafouin comme quelqu’un dont la demande en mariage n’a pas été acceptée, tu veux dire ? rétorqua t-elle en souriant de plus belle.
- Vu sous cet angle… ça parait assez logique en effet.
- Au moins ça expliquerait pourquoi personne ne semble l’avoir vu de la soirée. J’ai eu le droit au même discours chaque fois que j’interrogeais quelqu’un, ça et une menace de fin de carrière prématurée si je n’arrêtais pas de lui courir après.

Le ton qu’elle avait employé suggérait toutefois qu’elle ne prenait pas ces menaces au sérieux, ce qui n’empêcha pas le loup de froncer instinctivement les sourcils.

- Une prétendante un peu trop jalouse t'a fait des menaces ?

- Au moins elle était toute seule, elle, répondit-elle en lançant un regard en biais en direction du trio infernal qui ne faisait même pas l’effort de les observer avec discrétion. Le loup porta machinalement son attention vers les veuves et ferma les yeux dès qu’il les aperçut du coin de l’œil, comme s’il essayait de chasser tous les mauvais souvenirs qu’elles lui évoquaient.
- Sans toi, elles ne m'auraient pas lâché… Il lui sourit. J'ai bien fait de venir accompagné à cette soirée.

Consciente que chacun de ses gestes étaient encore étudiés par ces harpies, Lyhn réduisit la faible distance qui les séparait avant de poser les mains sur son torse, lissant des plis imaginaires sur sa chemise.

- Et si on allait faire un tour dans les chambres à l’étage ? proposa t-elle dans un sourire entendu.

Une proposition qui aurait eu un tout autre sens si elle avait été formulée à la Belle-de-Nuit. La poitrine sous ses doigts se gonfla un peu trop brusquement avant qu’il ne murmure, presque pour lui-même :

- Un tour… à l'étage. La seconde d’après, il expira l’air qu’il avait bloqué dans ses poumons une seconde de trop et ajouta. Oui ! Allons trouver notre voleur.

La danseuse glissa sa main dans celle du loup avant de l’entraîner à sa suite dans ce labyrinthe dont elle commençait tout juste à se familiariser, comme si elle craignait qu’il se perde dans les couloirs ou qu’il soit incapable de mettre un pied devant l’autre sans son aide ; en réalité, ce simple contact couplé au regard qu’elle lança aux invités qui tentèrent de les arrêter fut comme une sorte de bouclier et aucun ne sembla vouloir en découdre avec ce curieux duo, visiblement impatient de profiter l’un de l’autre.

Et si les hormones en ébullition des invités pouvaient être calmés d’un simple regard, il n’y avait aucune raison qu’il en soit autrement pour les domestiques de la maison qui surveillaient chaque accès à l’étage de la demeure ; Milon avait semblait-il donné des consignes pour ne pas être dérangé par qui que ce soit. L’assurance que dégageait la danseuse dans cette entreprise semblait être renforcée par l’idée qu’ils touchaient enfin au but et elle entra dans la peau de son nouveau personnage du moment avec une facilité déconcertante.

- Je m’en occupe, assura t-elle au loup juste après avoir jeté un bref coup d’œil vers l’escalier qui les intéressait tant.

Le domestique qui la vit fondre presque sur lui sans prévenir se retrouva décontenancé quelques instants avant de réciter un texte appris par coeur pour l’occasion.

- Pardonnez-moi, ma Dame, mais l’accès à l’étage est…

- Oui, oui, je sais déjà tout ça, coupa t-elle sans chercher à cacher son agacement. Il n’y a vraiment aucune personne compétente à qui m’adresser ici ? J’ai passé une journée terrible – elle désigna très brièvement sa main bandée pour donner du poids à cette affirmation – et voilà que ma soirée ne s’annonce guère mieux. Je voulais juste profiter un peu du bassin chauffé et prendre du bon temps… ce que j’aurais pu faire si seulement un invité indélicat n’avait pas déversé tout le contenu son estomac dedans.

Le domestique dansa d’un pied sur l’autre.

- Je… comprends votre embarras. Nous avons trois domestiques chargés de veiller à l’hygiène du bassin et à sa température en permanence, je suis sûr qu’ils font tout leur possible pour…
- Trois domestiques ? Lyhn émit un ricanement qui ne fut pas loin de l’énerver elle-même tant il reflétait le parfait mépris d’une classe supérieure à l’égard du petit personnel. Je n’ai pas vu l’ombre d’un domestique depuis une bonne demi heure, sans doute ont-il jugé le moment propice pour aller prendre leur pause en même temps. Je n’imagine même pas ce qu’on dira de Milon et de ses fameuses réceptions lorsque les gens apprendront qu’il laisse ses invités barboter dans le vomi…

Cette fois, le domestique pâlit visiblement.

- Vous voulez dire… qu’il y a des invités dans le bassin en ce moment alors que… ?
- Je ne sais pas bien comment ils font pour ne pas être incommodés par l’odeur…
- Mais c’est… ! Je vais m’occuper de ça tout de suite ! Je… pardon ! s’exclama t-il avant de courir en direction du couloir opposé.

Lyhn se demanda un instant si elle n’était pas allée trop loin et si cette histoire n’allait pas porter préjudice à quelqu’un qui n’avait rien mérité. Puis elle se rassura en se disant que Milon était le seul à pouvoir se montrer réellement sévère avec son personnel et qu’il découvrirait le pot aux roses bien avant tout le monde. Enfin… à condition de trouver cet insaisissable personnage.

- La voie est libre, annonça t-elle presque timidement au loup resté hors de vue, à croire qu’elle n’assumait plus tellement son rôle d’invitée exécrable.

L’étage de la demeure semblait être une parfaite réplique du rez-de-chaussée en terme de disposition des pièces, à la seule différence que celles-ci étaient vides de monde et qu’il était bien plus agréable d’arpenter des couloirs obscurs dont l’air n’était pas vicié par le Lotus Noir. Leur visibilité amoindrie, ils progressèrent un peu à tâtons, cherchant à repérer un faisceau de lumière sous l’une des nombreuses portes du long couloir dans lequel ils s’étaient engagés un peu au hasard ; cette fois aucun n’émit l’idée de se séparer pour gagner du temps sur l’exploration des lieux.

Le bruit de la fête en bas se transforma en timide bourdonnement indistinct tandis qu’ils s’enfonçaient toujours plus loin dans les entrailles de la maison. Au bout d’un moment, le silence autour d’eux leur donna l’impression d’être seuls au monde.

- Est-ce qu’on va seulement réussir à revenir sur nos pas… ?

Elle regretta d’avoir posé la question à haute voix lorsqu’elle entendit une voix féminine lui répondre.

- Il y a quelqu’un ?

Dans le couloir adjacent, elle vit soudain une faible lueur se rapprocher de leur position et ils n’eurent d’autres choix que d’ouvrir la première porte sur leur gauche avant de s’y engouffrer aussi discrètement que possible, poussé par l’instinct des gens qui savent très bien qu’ils n’ont aucun droit d’être là où ils sont. Oreille collé sur le battant de la porte qu’elle avait refermée sur eux, elle sentit le loup en faire autant dans son dos et aurait pu jurer que lui non plus ne s’autorisait même plus la moindre respiration. Ils restèrent immobiles un temps scandaleusement long, comme si c’était leur vie qu’ils risquaient si la petite domestique à qui appartenait probablement la voix qu’il avait entendue les débusquait finalement.

Après quelques minutes, la danseuse se sentit presque stupide d’avoir surréagi de la sorte et se dit qu’elle aurait peut-être mieux fait d’attendre que la domestique leur tombe dessus pour lui demander le chemin jusqu’au maître des lieux, quitte à inventer une autre histoire improbable pour justifier sa présence. Là, ils passaient au mieux pour des voleurs, au pire pour des assassins…

- Est-ce que ça vient de moi ou fait-il vraiment trop chaud ici ?

Le loup avait presque murmuré dans son oreille et la seule chaleur qu’elle sentait dans cette pièce venait du corps pressé contre elle. Est-ce qu’il avait toujours été aussi chaud, d’ailleurs ? Elle se tourna légèrement vers lui, essayant de percevoir son expression dans la pénombre de la pièce. Sans succès.

- Tu es sûr de ne pas faire un peu de fièvre ?
- De la fièvre ? Non je… oublions ça, une impression sûrement. Tu te sens comment toi ?
- Je trouve qu’il fait plutôt froid moi.

Le comparatif entre le rez-de-chaussée et l’étage était sans appel : ici, sans le mouvement incessant des corps des invités qui se frôlent, qui respirent, qui exhalent toutes sortes de substance dans l’air, l’ambiance était presque glacial.

- Hm, ça doit être toi qui me donnes chaud alors.
Un silence plana un instant dans la pièce avant qu’il ne chuchote à nouveau. Oublie ce que je viens de dire.

Faute de luminosité suffisante, son sourire comme son rougissement passèrent inaperçu. Dans un autre contexte que celui-ci, sans doute aurait-il établi plus de distance entre eux pour ne pas la mettre mal à l’aise, elle fut heureuse qu’il n’en fasse rien. Sa main valide vint à la rencontre de son cou, elle s’y attarda brièvement lorsqu’elle sentit le pouls du loup pulser sous ses doigts – à un rythme qu’elle nota anormalement élevé -, puis la glissa doucement vers sa nuque. Soit il était naturellement chaud, soit il faisait effectivement de la fièvre ; le frisson de son corps contre elle vint presque confirmer cette deuxième théorie.

Voilà ce qu’il lui en coûtait d’offrir galamment son manteau au milieu de la fraîcheur d’une nuit automnale. L’idée de le sermonner à ce propos mourut en même temps qu’une autre idée – inattendue mais séduisante - germa timidement lorsqu’elle le sentit se rapprocher un peu plus, comme si la main dans sa nuque avait été une invitation. Elle sentit ses entrailles se tordre plaisamment ; une sensation dont elle identifiait l’origine mais qu’elle pensait ne jamais ressentir un jour, et certainement pas avec cette intensité. Elle avait fait une croix sur tout ce qu’une jeune femme était en droit d’attendre de ses premières fois : la première fois qu’elle ressentait du désir pour quelqu’un, la première fois qu’on lui en témoignait, la première fois qu’elle se laissait submerger…

Elle n’avait rien connu de tout ça et pensait – peut-être à tort – qu’il ne serait plus possible pour elle de vivre ces choses puisqu’on lui avait tout arraché sous la force ou la contrainte. C’était encore plus facile de se convaincre qu’elle ne les vivrait jamais quand tout ce qu’elle connaissait des rapports entre hommes et femmes avait lieu entre les quatre murs de la Belle-de-Nuit. Et lorsqu’elle en sortait finalement… Elle se sentait perdue. Au moins l’argent lui offrait un cadre rassurant, un rôle à jouer, elle commençait même à devenir bonne comédienne. Ici et maintenant, il n’était plus question de ça, elle n’était pas face à un client, il n’y avait aucune somme en jeu, et aucun autre acteur à duper. Et pas d’alcool à blâmer. Il y avait juste son désir, dans le creux de son ventre, impossible à ignorer.

Son cœur s’emballa quand elle sentit son souffle se mêler au sien. L’obscurité serait le garant de leur secret, un souvenir qu’ils chériraient peut-être mais qui ne serait plus jamais mentionné dans la lumière... Si elle voulait tout stopper, il fallait le faire maintenant. Mais si elle voulait connaître ce premier émoi qu’elle pensait ne jamais vivre de sa vie alors qu’elle n’avait qu’à fermer les yeux et…

- Ahem…

Si elle pensait que son rythme cardiaque n’irait jamais plus vite qu’une seconde auparavant, elle était loin du compte. Cette fois, en revanche, cela n’avait plus rien d’agréable.

La danseuse et le loup avaient tourné la tête d’un même mouvement vers ce raclement de gorge et réalisèrent presque avec effroi qu’ils n’étaient pas du tout seuls dans la pièce. La silhouette qui se découpait dans la faible clarté de la lune était tranquillement assise près d’une fenêtre et semblait les observer depuis un moment.

Après quelques secondes, le bruit d’un briquet résonna dans la pièce et la lumière se fit sur le visage d’un homme dont il était facile de deviner l’identité au regard de son très – très – riche accoutrement.

- Oh, pardon, je ne voulais pas vous interrompre
, s’écria t-il d’un ton sardonique.

C’était presque amusant de voir qu’il apparaissait pile au moment où on ne le cherchait plus vraiment. Comme un ressort scénaristique extrêmement mal ficelé…
Daren Van Baelsar
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Ven 15 Avr - 1:45
A chaque phrase qu'il avait prononcé, Daren avait regretté de ne pas s'être tu, mais force était de constater qu'il n'était pas simple de garder sa langue dans sa poche lorsqu'une drogue spécialement concoctée par ces maudits Amaranthis agitait les sens de la sorte. S'il avait été plus lucide à cet instant, il se serait même sermonné une dizaine de fois déjà à propos de sa négligence, lui qui d'ordinaire savait faire preuve d'une certaine prudence lui ayant déjà été utile par le passé. En tout cas, il faisait bel et bien pour lui une chaleur de tous les diables.

En plus de ne pas avoir le contrôle de ses mots, Daren avait réalisé un temps trop tard qu'il s'était littéralement collé contre la danseuse, derrière cette porte close. Même s'il en eut finalement conscience, il n'eut pas vraiment la force de changer de place, créant un étrange paradoxe entre ses pensées et ses actes, s'ajoutant au brouillard mental qu'il tentait tant bien que mal de combattre. Providence lui accorda un instant de lucidité plus que salvateur cependant, l'incitant à ajuster sa position afin que son bassin ne se trouve pas à la limite du contact physique avec la chute de rein de la danseuse, sous peine qu'elle ne découvre que cette fameuse fièvre soit bien différente de son hypothèse.

Le loup se figea lorsqu'elle frôla son cou de sa main, faisant frissonner une nouvelle fois tout son corps. Il lui fallut de longues secondes immobiles pour résister à cette hypnotique chaleur qui semblait se déverser de la main de la danseuse pour envahir peu à peu les pores de sa peau. De nombreuses interrogations auraient envahi sa tête s’il avait été lucide, peut-être aurait-il même compris qu’elle cherchait à vérifier s’il avait de la fièvre. Une partie de son bon sens avait été fermement verrouillée par cette drogue, rendant le contact aussi délicieux qu'irrésistible. Il se rendit à peine compte qu'il venait de s'avancer vers elle, réduisant l'espace déjà quasi inexistant au néant. Happé par l'ivresse de ces sensations, le loup ne connaissait à cet instant plus qu'un seul chemin, celui qui était guidé par les battements furieux de son cœur sous sa poitrine et par la chaleur de ce corps qu'il sentait contre lui. L'odeur de cannelle le guida un pas de plus vers ses envies, occultant toute ultime trace de culpabilité tenace.

Dans son monde, un monde embrumé par les psychotropes, il n'y avait de place que pour ce désir qu'il avait parfois chercher à rationaliser, et le souffle qu'il sentait contre ses lèvres lui indiquait d'ores et déjà qu'il n'était plus qu'à quelques fraction de seconde d'y succomber.

- Ahem…

Tout en tournant la tête à la hâte vers cette voix qui venait d'apparaître dans l'obscurité, Daren s'éloigna de deux pas de la danseuse. Si cette drogue avait le don d'exacerber le désir, il en était visiblement de même pour la surprise, car il manqua de se ruer sur leur potentiel agresseur avant de réaliser que tout autour de lui semblait bien plus calme qu'il ne l'était. Figé sur place, le loup tenta de décerner cette silhouette à peine dessinée par les rayons lunaires, mais il ne put en détailler que quelques traits, avant que finalement la lumière ne s'allume devant eux. L'Amaranthis - à n'en point douter - qui se tenait au fond de la pièce était riche, il n'y avait aucun doute là-dessus. Le fait que cet homme soit tapi dans l'ombre et dans un chiche accoutrement ne laissait que peu de doute sur l'identité du personnage.

- Oh, pardon, je ne voulais pas vous interrompre.

Daren se raidit un instant, encore quelque peu troublé par cette chaleur tenace qui ne semblait pas vouloir le quitter. Même s'il avait la pleine possession de ses moyens, l'Ascanien émettait quelques doutes sur sa façon de gérer un éventuel conflit. Finalement concentré sur l'affaire en cours après un moment de silence, le loup parvint à garder un air des plus sérieux., il se risqua sans vraiment le vouloir à prendre la parole avant que la danseuse n'ait eu le temps de formuler une réponse.

- Milon, je suis soulagé que nous vous ayons finalement trouvé, car nous avons à vous parler.

Malgré sa position assise, l’Amaranthis semblait quand même capable de regarder ses deux interlocuteurs de haut, témoignant de sa haute place au sein de son peuple.

- Et vous ne vous êtes pas dit que je n'avais pas envie d'être trouvé ?

Cette remarque fit pousser au loup son soupir sonore habituel. Un détail en revanche était notable dans son attitude. Crispé sur place, Daren semblait prêt à perdre patience au moindre débordement de son interlocuteur.

- Dans ce cas habillez-vous plus sobrement. Nous n'en avons pas pour longtemps. Lui dit-il en parvenant à ne pas hausser la voix.
- Vous avez un sacré toupet. Vous débarquez ici, vous exigez une entrevue...
- C'est tout de même un peu curieux d'organiser une si grande réception si vous ne souhaitez voir personne. Intervint la danseuse, visiblement consciente que la patience de son partenaire était d'ores et déjà mise à rude épreuve.
- J'en conviens. J'avais pensé que me noyer dans la foule, l'alcool et les conversations futiles me feraient le plus grand bien. De toute évidence, j'avais tort. L'air soudainement plus grave, Milon reprit, les yeux plissés, je ne crois pas vous avoir déjà vu, d'ailleurs...
- Nous ne nous sommes jamais vus auparavant. Nous nous présentons devant vous aujourd'hui car vous détenez quelque chose qui appartient à ma compagne ici présente.

En mentionnant la danseuse comme sa compagne, Daren était involontairement resté dans le rôle qu'ils s'étaient décidé de jouer pour passer inaperçu pendant la soirée. Un rôle qui, à l'instant précis, lui allait à merveille, mais qui sera probablement vite rendu inutile lorsque l'Amaranthis aura réalisé que la danseuse est elle aussi une résidence de la Belle-de-Nuit. A l'écoute des dires du loup, le Noble se mit soudain à se tordre sur son siège, mal à l'aise.

- Alors ça, ça m'étonnerait beaucoup.

Sans faire montre d’animosité, Daren s’avança d’un pas, malgré tout un peu crispé.

- Écoutez, le but n'est pas de faire dans la complication, alors on va en venir au fait d'accord ?

Il prit une grande inspiration, comme s’il essayait de ventiler, avant de reprendre.

- Vous avez missionné un type pour qu'il vole pour vous des affaires appartenant à celle qui, j'imagine, vous fait broyer du noir aujourd'hui. Or, le gars en question s'est quelque peu...fourvoyé, n'est-ce-pas ?

Milon se mit soudainement à se tordre sur son siège.

- Je n'ai jamais entendu d'histoire aussi grotesque...
- Mais à la place, ce sont mes affaires qu'il a volées.
- C'est ridicule, je vous prierai de bien vouloir sortir d'ici immé...
- Cette fille, c'est qui ?

Qu'elle eût été posée par simple curiosité ou par réel intérêt pour l'enquête, cette question formulée par la danseuse trouva pour première réponse un silence. Mais malgré son évidente réticence à répondre, Milon finit par soupirer.

- Francesca.
- Fran ? répondit-elle avec surprise.
- Sublime créature, n'est-ce pas ?

A la vue de l'accablement qui s'emparait de l'Amaranthis, Daren en vint à se questionner s'il ne valait pas mieux ne pas trop demander de détails, sous peine de voir leur interlocuteur se défenestrer de désespoir. Légèrement calmé par l'intervention de la danseuse, le loup dut à nouveau prendre une profonde inspiration, le plus discrètement possible.

- Là n'est pas la question. Vous savez maintenant pourquoi nous sommes ici. Donnez-nous ce que l'on cherche, et nous vous laisserons en paix avec vos songes.

Milon eut l'air de réfléchir un instant, avant que finalement un rictus se dessine sur ses lèvres.

- Peut-être que vous pourriez me rendre un service, avant ça.
- Ne passez pas par quatre chemins, qu'est ce que vous voulez. Répondit l'Ascanien, sourcil froncé et le poing partiellement serré.
- Si vous la connaissez bien alors... Vous pourriez peut-être lui parler, la convaincre de revenir à la raison...

La lueur d'espoir qui se dessina sur le visage du riche Amaranthis rappela à Daren que son interlocuteur était homme à ne pas apprécier que l'on s'oppose à lui. Ce détail, aussi anodin soit-il à l'instant, fit se raisonner l'Ascanien quant à sa prochaine action, maintenant que l'envie de secouer le fieffé voleur sur son royal siège avait bien mûri dans sa tête. Au lieu de ça, il tourna la tête vers la danseuse avec un air sceptique.

- Tu en penses quoi? Tu es au courant de quelque chose ?

Lyhn haussa les épaules.

- Je ne me souviens même pas l'avoir déjà vu à la Belle-de-Nuit alors...
- Parce que je n'étais pas un client ! S'offusqua Milon avec une gestuelle très maniérée, je n'ai jamais payé pour... ! Nous avions une vraie relation, notre rencontre est le fruit du hasard, j'appréciais sa compagnie, elle appréciait la mienne. Et puis de fil en aiguille...
- Mais peut-être que son refus était un choix de raison, vous n'y avez pas pensé ?
- Allons, ne soyez pas ridicule !. A cet instant, Daren remarqua que la danseuse rentrait la tête dans ses épaules lorsqu'il la houspillait de la sorte, refuser ma demande en mariage ! Il faudrait être folle ! Quelle autre explication ?
- J'en vois déjà plusieurs et je ne vous connais que depuis cinq minutes. Marmonna la danseuse.

L'absence de réaction de Milon souligna qu'il n'avait certainement pas entendu cette dernière phrase. Daren en revanche était quelque peu resté bloqué sur le ton que l'Amaranthis avait employé avec elle, un ton qui lui déplaisait au plus haut point.

On va commencer par garder son calme d'accord ? Dit-il d'une voix plus forte, tranchant quelque peu avec l'intonation qu'il avait abordée jusque-là. La froideur de sa voix ne vint en rien arranger l'effet.

Après un léger silence provoqué par le simili de menace du loup, ce fut la danseuse qui reprit.

- Ecoutez Milon, je suis vraiment désolée de ce qu'il vous arrive, même si c'est difficile de vous plaindre lorsque l'on voit comment vous vivez. Le loup sentit qu'elle n'avait pu s'empêcher de dire cette phrase, mais je ne suis qu'une victime collatérale dans l'histoire. Je veux juste récupérer mes sous-vêtements...
- Je... Eh bien, en fait c'est-à-dire que... Je crains de ne plus les avoir en ma possession...

Un nouveau silence tomba sur l'assemblée, plus lourd, plus tenace. Un poing serré et une main en train de masser sa tempe, Daren tenta à nouveau de conserver son calme, une entreprise de plus en plus difficile à mesure que les annonces contrariantes s'additionnent les unes aux autres. Sans aucun autre bruit que celui de ses bottes contre le sol, le loup s'avança, les yeux rivés sur l'Amaranthis qui sembla perdre peu à peu de sa hauteur, enfoncé dans son siège. Arrivé finalement presque à sa hauteur, l'Ascanien surplombait le noble encore assis et dardait sur lui un regard inquisiteur.

La lenteur des gestes du loup lui donnait des airs de prédateur. Dans un élan de courage - ou de panique -, Milon tenta de se lever précipitamment pour faire face à l'Ascanien. D'une main fermement appuyée sur l'épaule et sans un mot, Daren renvoya l'homme épouser l'assise de son siège. Dans un mouvement de recul instinctif, l’Amaranthis se logea à nouveau dans le fond de son siège, regrettant soudainement son geste. Toujours avec une effrayante lenteur, Daren posa ses deux mains sur les accoudoirs dorés et surmontés d'un molleton en tissu rouge pour les agripper fermement, tout en se penchant en avant vers l'Amaranthis, sans cligner une seule fois des yeux.

La chaleur qui possédait le corps de l'Ascanien depuis trop longtemps à son goût devenait presque insupportable, mais son agacement lui permit de se concentrer sur autre chose. Les yeux à moins d'un mètre de ceux de Milon, il prit la parole.

- Écoutez-moi attentivement, parce que j'ai horreur de me répéter. J'ai essayé d'être agréable avec vous et d'écourter cette rencontre au maximum, pour votre bien, et le nôtre. Malheureusement, vous ne savez jamais rien faire de simple, vous les Amaranthis. Je vous ait laissé une seconde chance de vous expliquer sur cette négociation, tout ça pour que vous nous demandiez de demander à une femme de vous aimer.

Milon voulut parler pour protester, instinctivement, il n'en eut pas l'occasion, comprenant qu'il risquait gros s'il ouvrait la bouche avant que Daren n'ait terminé.

- Et finalement, vous nous avouez que vous pensez ne plus avoir ce que nous cherchons? Est-ce que vous nous prenez pour des imbéciles ?

En bon Amaranthis, Milon voulut une nouvelle fois parler pour s'expliquer. C'est à ce moment que le loup claqua ses deux mains sur les accoudoirs, approchant son visage encore un peu plus de celui de sa victime. Tournant la tête en quête d'une échappatoire, l'Amaranthis eut l'air de réellement envisager de tenter une échappée par la fenêtre derrière lui.

- Je crois qu'il y a un peu de ça, et je déteste qu'on me prenne pour un imbécile. Alors les choses vont finalement être simples...Vous allez nous dire où se trouvent les affaires de mon amie, et s'il vous vient l'illumination de vous souvenir qu'elles sont encore ici, je vous suggère, vivement, de vous mettre à table. Me suis-je bien fait comprendre ?
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Ven 15 Avr - 23:55
Milon était la parfaite synthèse de ce qui était difficilement appréciable chez les riches Amaranthis. Son histoire d’amour avortée aurait pu émouvoir la danseuse s’il n’avait pas fait preuve d’autant d’arrogance en claironnant qu’aucune femme saine d’esprit ne pouvait décliner sa très généreuse offre de mariage. Sans doute avait-il des qualités cachées pour qu’une femme comme Fran s’intéresse à lui mais force était de constater qu’elles ne sautaient pas aux yeux de prime abord. Et comme toute personne qui obtenait toujours ce qu’elle voulait juste en claquant des doigts, il donnait à Lyhn l’envie de le secouer un peu. Très gentiment. Juste avec les mots. Et le loup avait visiblement la même envie, quoi qu’il donnait plus l’impression de vouloir le faire physiquement.

Elle l’avait vu faire preuve d’un calme à toute épreuve face à des hommes comme Dario ou Marek et ne comprenait pas d’où venait cette soudaine impulsivité. Soit il était allergique aux riches Amaranthis – comment l’en blâmer – soit courir aux quatre coins de la ville en pleine nuit avait finalement eu raison de sa patience. Peut-être était-ce un mélange des deux, d’ailleurs. Allaient-ils vraiment se mettre à dos toutes les personnes de pouvoir de cette ville avant la fin de la nuit ? Même si Milon n’avait aucun bras droit armé près à bondir sur eux à la moindre provocation, Lyhn savait que menacer un homme comme lui ne pouvait être sans conséquence.

Doucement, presque timidement, elle s’approcha du loup et posa une main dans son dos, se rapprochant jusqu’à sentir l’inhabituelle chaleur irradier de son corps. Elle s’approcha davantage et une deuxième main sur son torse vint exercer une légère pression, sans brusquerie, juste pour le faire reculer légèrement et offrir à sa proie un peu de répit face à cette proximité intimidante. Même lorsqu’elle le sentit se détendre quelque peu, elle laissa ses mains posées contre lui, pas tant par peur qu’il bondisse sur le malheureux Amaranthis en cas de mauvaise réponse que par réelle inquiétude que cette fièvre ne soit pas si anodine.

- Excusez-le, il est un peu à cran ce soir. C’est qu’avec toute cette histoire, je n’ai pas encore eu le temps de le détendre, tenta de plaisanter la danseuse en espérant que Milon était réellement aussi intimidé qu’il semblait l’être et qu’il ne chercherait pas à compliquer les choses.
- Je commence à regretter de vous avoir interrompu…
- On s’en ira dès qu’on aura des réponses, le rassura t-elle.

Il avait beau porter des vêtements aussi chers que tous les loyers des bas quartiers réunis, Milon n’en menait pas large, recroquevillé dans son siège de velours. Il se dandina un peu sur lui-même, conscient qu’il devait arrêter de tourner autour du pot s’il ne voulait pas agacer davantage l’Ascanien.

- Vos affaires, j’ai presque tout donné à l’un de mes domestiques pour qu’il m’en débarrasse. Qu’aurais-je fait de toute cette lingerie qui n’était même pas à ma Fran ? Les a t-il brûlé, jeté, donné, gardé… Je serai bien incapable de vous le dire.
- Vous dîtes que vous avez presque tout donné…

Milon se racla à nouveau la gorge et se prit soudain d’un vif intérêt pour les motifs des rideaux à côté de lui.

- Oui, il est possible que… j’en ai gardé une… juste au cas où…
- Juste au cas où..., répéta Lyhn en fronçant les sourcils. La bleue, c’est ça ?
- Comment vous le savez ?
- C’est la plus jolie…
- Oui, un très joli modèle. De la soie, n’est-ce pas ? Très élégant, très doux aussi. J’imagine que ça ne doit pas vous irriter le…
- Si vous ne voulez pas que je vous laisse seul dans cette pièce avec lui – elle remonta sa main sur le torse du loup – je vous conseille de ne pas finir cette phrase et de me la rendre sans tarder.
- Oui, bien sûr. Je ne vois pas ce que j’aurais pu en faire, de toute façon, dit-il comme s'il ne manquait pourtant pas d'imagination à ce sujet.
- Et votre domestique, celui à qui vous avez donné le reste, on peut avoir son nom ?
- Vous ne pensez tout de même pas que je connais le nom de chacun de mes domestiques ? Milon se fendit d’un éclat de rire, comme si c’était la chose la plus grotesque qu’il n’ait jamais entendu. Lyhn soupira.
- Une description physique alors.
- Vous savez, ils se ressemblent tous tellement…
- Vous avez vraiment de la chance que je n’ai pas encore appris à serrer correctement le poing.
- Pardon ?

Elle aussi commençait à sentir la lassitude s’installer. Des domestiques, elle en avait vu beaucoup ce soir, et même si la plupart avaient dû être appelés d’ailleurs juste pour l’occasion, elle savait qu’elle n’aurait plus la patience de les interroger un par un pour savoir lequel d’entre eux avait jeté, brûlé, donné ou gardé ses petites culottes.

- Voilà ce que je vous propose Milon : un dédommagement pour le préjudice que j’ai subi. Je serai beaucoup plus disposée à parler de vous à Fran si vous vous engagiez à réparer votre erreur. Par contre, je ne vous promets pas de la faire changer d’avis…

- Je suppose que je peux faire ça, concéda t-il finalement.
- Oh, vous le pouvez, vous en avez largement les moyens, même si vous semblez préférer dépenser votre immense fortune pour faire plaisir à des gens qui ne s’inquiètent même pas de savoir où vous êtes ce soir et qui ne connaissent rien de vos petits déboires sentimentaux.
- Vous n’êtes pas obligée d’être aussi dure avec moi, se lamenta le noble avant de s’affaisser davantage dans son siège.
- Si vous voulez entendre des éloges, retournez donc en bas avec nos invités.

Finalement, il suffisait de lui parler comme personne ne s’autorisait jamais à le faire pour qu’il commence à montrer un autre visage. Lui qui détestait la contradiction et la contrariété, il ne montrait de réel intérêt qu’à ceux qui étaient capable de le bousculer un peu. C’était probablement pour cette raison qu’il était tombé amoureux de Fran et qu’il avait dédaigné toutes les jeunes femmes à ses pieds. Satisfaite de cette négociation, Lyhn fit volte face avant de se diriger vers la sortie ; elle se retourna néanmoins une dernière fois vers lui avant de quitter la pièce.

- Lyhn, c’est mon nom, au cas où vous vous poseriez la question. Vous n’aurez qu’à me faire porter ce que vous m’avez promis à la Belle-de-Nuit. Oh et personne n’a vomi dans votre bassin, alors inutile de crier après vos domestiques d’accord ?
- De… quoi ?

Mais elle était déjà partie, le laissant passablement confus. Si le loup ne démontra aucune envie de s’attarder en sa compagnie, Milon ne put s’empêcher de le retenir avant qu’il ne franchisse lui aussi la porte.

- Ne faîtes pas la même erreur que moi
, mit-il en garde, le regard plus las qu’il ne l’avait jamais été. Croire que les quelques moments de bonheur compenseront tout le reste. Combien sont-ils à avoir posé les mains sur elle ce soir ? Et combien à avoir goûté sa peau ? Toutes ces questions – et de bien pires – m’ont empêché de trouver le sommeil. Elles finiront par vous hanter vous aussi, surtout si vous pensez devenir particulier à ses yeux.
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Sam 16 Avr - 20:37
Intimider était une stratégie simple pour un homme comme Daren, au vu de sa stature naturellement imposante. Même s'il ne s'en privait pas lorsqu'il sentait que c'était possible, l'Ascanien ne s'y risquait normalement pas sans avoir jaugé un minimum son interlocuteur. Ne connaissant Milon ni d'Eve ni d'avant, il aurait habituellement pris le temps d'analyser la situation. Et si Milon s'était révélé suffisamment pleutre et vulnérable pour ne pas confronter le loup et ses menaces, il n'en restait pas moins un individu ayant le bras long et capable de faire jouer de son influence auprès de quiconque, y compris les supérieurs de Daren. Cette donnée n'avait même pas traversé l'esprit de l'Ascanien ce soir, toujours à cause de cette drogue qui altérait son esprit.

Ce ne fut que lorsqu'il sentit la main de la danseuse dans son dos que le mécanisme de haine montant dans son esprit s'enraya, brouillant ses perceptions sensorielles tandis que l'odeur caractéristique de cannelle s'immisçait dans sa tête. La seconde main qui se posa sur lui l'incita à s'éloigner de la source de sa colère, dissipant en partie l'orage qui grondait dans ses muscles. Si un tel geste avait suffit à embraser son désir, il eut cette fois un effet si apaisant que le loup eut même l'impression que la chaleur corporelle l'habitait était en train de diminuer. Aussi illusoire qu'était ce ressenti, il n'en était pas moins un soulagement.

Acceptant de reprendre le second rôle et soudainement conscient de son débordement, le loup se fit observateur de la conversation qui suivit, satisfait de voir que Milon ne cherchait plus à tourner autour du pot. Au moins, l'intimidation avait eu un certain effet sur l'Amaranthis, car lorsqu'elle le menaça de les laisser en tête à tête, il n'en menait pas large. Profitant de cette accalmie, Daren prit de profondes inspiration, jusqu'à ce que finalement la danseuse et le noble arrivent à un terrain d'entente.

Déjà à demi tourné vers la sortie, le loup interrompit son mouvement lorsqu'il vit Milon l'interpeller.

- Ne faîtes pas la même erreur que moi. Croire que les quelques moments de bonheur compenseront tout le reste. Combien sont-ils à avoir posé les mains sur elle ce soir ? Et combien à avoir goûté sa peau ? Toutes ces questions - et de bien pires – m’ont empêché de trouver le sommeil. Elles finiront par vous hanter vous aussi, surtout si vous pensez devenir particulier à ses yeux.

Il se passa bien une dizaine de secondes pendant lesquelles Daren se contenta d'observer l'Amaranthis, soudainement bien petit. Les propos des l'hommes semèrent un élan de confusion dans l'esprit de l'Ascanien, le ramenant à cet instant avorté près de la porte dans l'obscurité. Poussé par un désir qu'il avait d'abord attribué à la drogue, le loup s'était laissé posséder par l'agneau, soudainement prêt à ne pas faire semblant, couvert par le prétexte d'un paiement. A cet instant, il s'était même détourné de tout ce qu'ils incarnaient, l'un comme l'autre, pour ne laisser place qu'à une envie qui lui avait tordu le ventre. Tout cet imbroglio le mena à se poser la question de s'il avait rêvé ou non les gestes que la danseuse avait pour lui, était-ce là aussi à cause de cette maudite drogue ?

Quelque chose au fond de lui le mena au doute, laissant un amer sentiment de confusion, rehaussé par les propos de l'Amaranthis qui n'avait visiblement même pas dit ça pour être désagréable. Cette confusion ne fut que renforcée par le fait qu'il savait que sa situation n'avait rien à voir avec celle de Fran et de Milon. Mais alors pourquoi ne pouvait-il se soustraire aux propos du noble sans même en prendre compte ?

Daren ferma les yeux un instant et passa sa main sur son visage pour y chasser les perles de sueur qui menaçaient de ruisseler contre ses joues. Une dernière fois son regard se posa sur l'Amaranthis, seulement lorsqu'il fut prêt à changer de sujet.

- Lui restituer ses affaires et la dédommager ne vous coûtera rien et lui apportera beaucoup, ne faites pas l'imbécile en vous jouant d'elle, s'il vous plaît.

Beaucoup plus calme et mesuré, le loup parlait avec sérieux malgré tout. Ne sachant d'abord sur quel pied danser, Milon mit quelques secondes avant de se rendre compte qu'il ne parlait plus à un potentiel agresseur. Il demeura silencieux malgré tout, et le loup reprit.

- Et désolé de vous avoir menacé, la soirée à été longue...

L'acquiescement de tête timide de Milon fut une réponse satisfaisante pour Daren qui fit volte face pour rejoindre à son tour le couloir.

Désormais libéré de leur investigation, les enquêteurs d'un soir ne se firent pas prier pour prendre la direction de la sortie. De toute manière, il aurait été idiot de rester à déambuler au milieu d'une soirée chez la personne qu'ils venaient de gentiment secouer. Cette décision arrangea grandement Daren lorsqu'il repensa aux trois harpies qui l'attendaient peut-être encore dans le salon, ou pire, au détour d'un couloir sombre. Sur le chemin du retour vers l’entrée, ils eurent la chance de ne croiser aucune personne les ayant abordés au cours de la soirée. En revanche, cela n'empêcha pas que Daren sente à nouveau une main le peloter au croisement d'un couloir, accompagné par le clin d'œil ravageur d'une énième femme, un peu plus jeune que les harpies, mais tout aussi effrayante.

A l'entrée, le valet qui les avait accueillis vint leur demander s'ils voulaient leurs affaires. Lorsqu'ils acceptèrent, il disparut plus vite que le vent dans une arrière salle, à la recherche des manteaux. Seuls dans le hall d'entrée, Lyhn s'adressa profita de l'accalmie pour s'adresser au loup.

- Tu vas bien?
- ça va mieux...J'aurai pas dû m'emporter. Répondit-il, plus calme désormais.
- Tu avais hâte d’en finir, je comprends.
- J'ai surtout eu du mal avec son comportement je crois.
- Ça veut dire que tu ne viendras pas à sa prochaine fête ? Elle ponctua sa phrase d'un sourire.

Le loup leva les yeux vers le plafond et inspira, semblant se remémorer l'un des plus désagréables souvenirs de cette soirée. Un sourire se dessina sur son visage lorsqu'il reporta son attention sur elle.

- Je crois que préfère venir à la Belle De Nuit.
- Et je ferai tout mon possible pour te faire passer une meilleure soirée la prochaine fois que tu viendras.

Cette information fit monter un léger frisson le long de l'échine de l'Ascanien, le ramenant un peu trop rapidement à cet éphémère échange qu'ils avaient eu à l'étage. Il se rattrapa bien vite, réalisant que ces mots qu'elle avait eu pouvaient n'avoir aucun lien avec ce qu'il s'était passé. Après tout, n'était-il pas de nouveau eux-mêmes? Une nouvelle fois l'amertume gagna le loup, bien qu'il n'en témoigne rien de l'extérieur. Cela dit, ça ne retirait en rien au crédit qu'il accordait aux propos de la danseuse, ayant déjà passé suffisamment de temps en sa compagnie pour savoir qu'elle ne disait pas ça dans le vide.

- La soirée en elle-même était pas si mal, ça change un peu...tu trouves pas? reprit-il d'un ton léger qui atténua sa propre contrariété.
- J’admets que… C’était plutôt dépaysant.

C'est à cet instant que le valet se décida à faire irruption dans la pièce chargé de leurs affaires, interrompant la conversation. Après une brève salutation polie complètement normalisée pour chaque invité sortant, ils retrouvèrent l'air frais de l'extérieur avec un soulagement non dissimulé. La fraîcheur ambiante lui fit un bien fou, tant par le fait qu'elle venait contraster avec le feu ardent qu'était devenu son corps, mais aussi parce que l'air qui remplissait ses poumons n'était pas vicié d'odeurs diverses et variées, relative à la débauche. Il se frotta le visage de ses deux mains pour y chasser une nouvelle fois l'humidité mais aussi la crispation accumulée. S'il ne se trompait pas, les effets de la drogue s'étaient très légèrement atténués, pas suffisamment à son goût, mais c'était un début.

Sans cérémonie, Daren installa son propre manteau sur les épaules de la jeune femme, ne gardant que son chapeau. Lyhn capta son attention, bien qu'elle ne sembla pas refuser le vêtement.

- Je sais que tu meurs de chaud mais tu ne risques pas d'aggraver les choses ? Demanda-t-elle en souriant, mais trahissant tout de même une légère inquiétude.

Daren la regarda un instant en silence. Pendant une seconde, il se demanda de quoi elle pouvait bien parler, mais il se rappela rapidement qu'elle avait soupçonné qu'il avait de la fièvre. Il fit un non de la tête avant de prendre la parole, à nouveau avec cette assurance qui le caractérisait.

- Je me sens mieux, et ça va aller en s'améliorant je pense. Ne restons pas là, le quartier est agréable j'en conviens, mais je pense qu'il est temps de mettre un terme à cette cavalcade.

Joignant le geste à la parole, le loup initia un pas, suivi immédiatement par la danseuse.

Ils passèrent une partie du chemin en silence. Daren en profitait pour remettre de l'ordre dans sa tête en se forçant à se remémorer l'intégralité de cette soirée, de son arrivée à la Belle-de-Nuit à cet instant de fin de mission. Devoir mettre son esprit sur une ligne droite sur laquelle il devait recoller les évènements de ce soir était un bon exercice pour l'empêcher de divaguer et de subir les affres de la drogue. Peu à peu, il sentit la chaleur s'atténuer un peu plus à mesure qu'ils progressaient dans les rues du quartier Amaranthis, une sensation qu'il accueillit avec une certaine délectation.

Les beaux quartiers laissèrent rapidement place aux maisons raffitolées et sales des bas-fond, changeant du tout au tout l'ambiance. Les deux protagonistes ne semblaient pas s'en offusquer en revanche, si ce n'est qu'ils furent instantanément plus attentifs à ce qui les entourait, une sécurité indispensable ici. Seconde précautions, ils n'empruntèrent que des avenues relativement larges et encore peuplés de gens dont les intentions n'étaient pas belliqueuses. Une nouvelle fois la stature du loup découragea les plus téméraires à venir discuter avec la danseuse qui avait malgré tout caché entièrement sa robe sous la double couche de manteaux.

Alors qu'ils approchaient de la ceinture extérieure de la ville, Daren prit soudainement la parole tout en continuant de marcher.

- Quand j'étais seul, cette...femme Amaranthis qui m'a incité à m'asseoir avec elle m'a servi un verre. Il marqua une pause en poussant un grognement presque contrarié, elle connaissait Milon et savait où le trouver, la condition était que je partage ce verre avec elle.

Une nouvelle pause ponctua son récit, soulignant son hésitation.

- Ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'il ne s'agissait pas d'un verre traditionnel. Il y avait quelque chose dans la boisson, mélangé à cet alcool fort qu'ils adorent tant. J'ai pas voulu t'en parler avant pour pas que tu t'inquiètes, c'était rien de bien méchant...Mais disons que ça m'a rendu un peu moins en contrôle de...mes émotions.

Il n'aurait su dire lui-même s'il s'excusait de son comportement où s'il tentait de parler de ce qu'il avait failli se passer entre eux. peut-être était-ce un savant mélange des deux. Dans tout les cas, il se trouva incapable d'argumenter sur le second point, tant tout était encore entièrement confus dans sa tête. Au fond de lui, une petite voix dans sa tête s'évertuait malgré tout à lui dire que ce qu'il avait ressenti n'était en rien causé par cette drogue qu'il avait ingéré. Le loup tourna la tête vers la jeune femme et lui adressa un sourire involontaire, marqué par une certaine tendresse.

- Merci de m’avoir aidé à me calmer. J'espère que je t'ai pas mis mal à l'aise, de quelque façon qu'il soit...


Lyhn
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Dim 17 Avr - 23:42
Bras croisés sur sa poitrine, l’attention portée sur ses pas, l’attitude de la danseuse aurait pu paraître défiante sans ce petit sourire rêveur qui étirait ses lèvres depuis qu’ils avaient quitté la demeure de Milon. Elle n’avait jamais arpenté son quartier de naissance au beau milieu de la nuit avec autant de sérénité, peut-être parce qu’elle avait l’impression d’avoir accompli l’impensable ce soir, ou peut-être parce que le loup marchait simplement à côté d’elle. Elle avait gardé le manteau qu’il avait placé sur ses épaules tout contre elle même ; l’idée d’insister pour qu’il le garde sur lui s’était envolée dès lors que son odeur l’avait enveloppée toute entière.

Lorsqu’il brisa finalement le silence, à quelques mètres de leur destination, Lyhn lui jeta un regard en biais, pas tant surprise par sa déclaration que par sa conclusion. Certes, il avait un peu malmené Milon pour accélérer les choses mais il n’avait franchi aucune limite, contrairement à elle avec Marek. Lui avouait-il tout cela pour excuser son emportement ou tout ce qui l’avait précédé ? Spontanément, elle étendit la main pour saisir son poignet, ses doigts s’enroulant autour de lui pour le libérer quelques secondes plus tard dans l’évidente intention de faire taire son inquiétude.

- Pas du tout, souffla t-elle en réponse. Merci d’avoir été là.

Et pour ce qui était de cet instant volé dans la pénombre, peut-être que l’interruption de Milon avait été providentielle, au regard de ce qu’il venait de lui dire.

- Et je me dis que j’ai bien fait de ne toucher à aucun des verres qu’on m’a mis dans les mains ce soir, sinon c’est peut-être moi qui aurais essayé de le mordre, plaisanta t-elle en lui lançant un sourire taquin.

Elle ressentit une étrange boule au ventre quand la devanture de la Belle-de-Nuit fut enfin en vue. Si jusque là elle avait vu cet endroit comme le garant de sa sécurité, cette fois elle le voyait pour la première fois pour ce qu’il était vraiment : une petite prison où soir après soir on lui enlevait un peu plus de sa candeur et de son innocence. Si cela n’avait tenu qu’à elle, elle serait restée avec le loup, là-dehors, à jour les redresseurs de torts anonymes. Sans même s’en rendre compte, elle avait ralenti le pas pour faire s’éterniser ce qu’elle pensait être le dernier moment en coulisse avant de revêtir un nouveau masque.

- Tu as peut-être envie de rentrer chez toi si tu ne te sens pas… dans ton état normal ? finit-elle par lui demander avec hésitation, sous le porche de l’établissement.
- Ce serait raisonnable mais je crois que j'ai besoin d'un verre, léger et sans plantes douteuses… Il ajouta une seconde plus tard. Sauf si tu en as marre de me voir dans les parages.

Elle essaya de retenir son sourire, mordit ses lèvres lorsqu’elle réalisa qu’elle en était incapable puis renonça tout bonnement à soutenir son regard.

- Non, au contraire…
- Alors retournons au chaud avant que tu finisses par avoir froid à nouveau, dit-il en esquissant un sourire discret.

Difficile de savoir comment elle serait reçue après cette petite escapade qui s’était éternisée jusque tard dans la nuit ; Annette allait exiger des réponses, sans doute que Madame Vivianne également. Pourtant ce fut sans hésitation qu’elle poussa les portes du bordel dont la chaleur lui sembla étonnement moins étouffante que ce qu’ils avaient supporté chez Milon. Les odeurs de tabac et de Lotus Noir semblaient elle aussi plus discrètes, sans doute parce que la moitié des clients avaient disparu et que l’autre moitié était trop enivrée pour tenir correctement une pipe.

A cette heure de la nuit, c’était une toute autre ambiance dans la salle commune, un peu moins festive, un peu plus tranquille. Lyhn capta le regard d’Annette au loin dès son arrivée, constatant qu’elle était la mise finale d’une partie de cartes qui commençait à tourner au vinaigre. La blonde fronça brièvement les sourcils en la voyant, un froncement de sourcils qu’elle interpréta comme la promesse de subir un interrogatoire poussé dès que son amie serait sortie de ce bourbier. Lyhn lui adressa un sourire timide avant de guider le loup jusqu’au comptoir pour lui servir un verre. Même si elle connaissait désormais ses préférences, la liqueur qu’elle versa dans son verre n’avait rien à voir avec ce qu’il prenait d’habitude. Elle sourit.

- Tu avais dit « léger », non ?


Elle fit un geste de la main lorsqu’il sortit machinalement de quoi payer.

- Il est pour moi. Le prochain aussi, si prochain il y a.

Lui offrir un verre était bien peu de chose vu ce qu’il avait fait pour elle ce soir et son regard indiquait clairement qu’elle n’accepterait pas qu’il refuse ce cadeau. Même s’il avait voulu argumenter, la venue de la maquerelle coupa subitement court à leur échange. Ignorant le loup, elle s’adressa directement à sa fille.

- On peut savoir où tu étais passée ? Annette a inventé trois histoires différentes pour te couvrir ce soir, et aucune d’entre elles n’était vraiment crédible. J’ai moitié moins de clients quand tu n’es pas sur le bar.

Lyhn lui offrit un petit sourire contrit avant de lever sa main bandée devant elle.

- Je suis désolée, je suis tombée et j’ai dû aller voir un médecin en urgence pour vérifier que rien n’était cassé.


Sourcils froncés, Madame Vivianne lui saisit la main sans douceur, comme pour vérifier les dires de la jeune femme, lui arrachant un petit gémissement de douleur.

- On dirait que c’est le moment de prendre un ou deux jours de congé, marmonna t-elle en constatant qu’il ne s’agissait pas d’une ruse. Rentre chez toi.
- Je peux encore servir un verre ou deux ce soir, mais… oui, merci.
- Ce n’est pas une faveur que je te fais. Tous les soirs que tu manques ici, c’est de l’argent en moins dans ta poche. N’oublie pas que tu t’es mise ton meilleur client à dos.

Pressée que cette conversation se termine, Lyhn ne répondit rien et laissa la vieille dame s’éloigner d’eux tout saluant brièvement le loup au passage d’un léger signe de tête. Comme si elle refusait que la mention indirecte de Dario ne ternisse les derniers vestiges de cette soirée, elle reporta son attention sur son providentiel ange gardien avec un grand sourire, massant distraitement sa main dont la douleur s’était réveillée.

- Si tu m’apprends à serrer le poing correctement, je t’appendrai à danser.
Son sourire s’accentua. Et n’essaie pas de me faire croire que tu es un excellent danseur, je sais que c’est faux : j’ai vu comment tu te déplaces. Très impressionnant quand il s’agit de désarmer un ennemi mais sur une piste de danse… probablement une catastrophe. Elle laissa son regard glisser sur lui, taquine. Je me demande ce que je vais pouvoir faire pour remédier à ça.
Daren Van Baelsar
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Lun 18 Avr - 16:02
L'idée de rentrer pour s'affaler dans un lit ou sur son fauteuil préféré était séduisante, mais l'appréhension d'y croiser son épouse - qui avait la fâcheuse tendance de ne dormir que d'un œil - avait suffisamment douché ses espoirs pour qu'il préfère attendre que la drogue cesse de malmener son corps. Qui plus est, comment résister face à la moue à demi souriante qui s'était dessinée sur le visage de la danseuse lorsqu'elle lui avait sous-entendu que sa présence était appréciée ? En l'état, il ne voyait pas meilleures options que celle de passer encore un peu plus de temps en sa compagnie, autour d'un verre.

Soulagé d'en avoir terminé avec cette histoire, le loup parvint à se détendre un peu plus encore lorsqu'ils passèrent les portes de la Belle-de-Nuit. Certes, la fin de leur escapade sonnait aussi le glas de toutes les interprétations qui avaient été leurs pendant qu'ils écumaient le quartier Amaranthis, mais elle annonçait aussi qu'il était temps pour eux de faire une pause. Il croisa lui aussi le regard d'Annette, suspectant que son air inquisiteur ne soit pas uniquement destiné à la danseuse.

La notion de pause était bien évidemment relative, puisque la danseuse retourna derrière le bar pour continuer sa nuit de travail. Après avoir concédé le fait qu'il ne paierait pas ce verre même s'il protestait, Daren regarda un instant la liqueur avec une hésitation uniquement basée sur la tromperie de sa dernière consommation. Bien qu'il sache qu'il ne risquait rien cette fois, il ne put s'empêcher de s'imaginer repartir de plus belle dans son état de transe, probablement à cause des ultimes effets de la drogue sur son organisme. Il prit finalement une gorgée pour constater l'évidence : Cet alcool était léger, ne contenait aucune drogue, et n'était même pas trop sucré. Instinctivement, le loup hocha la tête de satisfaction pour valider le choix de la danseuse.

Il n'émit aucun commentaire pendant le débat entre la matrone et sa fille, jaugeant qu'il aurait été malavisé de s'interposer alors que la jeune femme était capable d'argumenter par elle-même. La mention du "meilleurs client" lui hérissa les poils sur les bras, car il n'y avait aucun doute quant à l'identité de l'homme en question. L'Ascanien poussa un discret soupir, à l'abri de l'ombre de son couvre-chef, quelque peu consterné de voir que le trublion faisait systématiquement irruption dans les conversations, comme s'il était le fil rouge d'une histoire qui ne pouvait connaître de fin heureuse. Son agacement monta une nouvelle fois bien plus vite qu'il ne l'aurait dû à l'image de cette chaleur qui chauffait une énième fois ses tempes. Il contint tout cela en prenant une nouvelle gorgée avant de saluer poliment d'un signe de tête Madame Vivianne, qui fit de même avant de s'en aller.

- Si tu m’apprends à serrer le poing correctement, je t'apprendrai à danser. Et n’essaie pas de me faire croire que tu es un excellent danseur, je sais que c’est faux : j’ai vu comment tu te déplaces. Très impressionnant quand il s’agit de désarmer un ennemi mais sur une piste de danse… probablement une catastrophe. Je me demande ce que je vais pouvoir faire pour remédier à ça.

Le loup esquissa un sourire en posant son verre. Avant de répondre, il posa son chapeau soigneusement sur le bar puis sortit sa pipe de sa poche et s'affaira à la préparer sans se presser. Il releva les yeux vers la jeune femme avant d'allumer le foyer.

- Une sorte d'échange de bon procédé, en somme, dit-il en esquissant un sourire tout en allumant sa pipe, je veux bien t'apprendre à serrer correctement le poing, ce serait dommage que tu t'abimes à chaque fois que tu dois redresser les torts de quelqu'un. Quant à la danse...j'ai en effet deux trois choses à apprendre.

La danseuse lui sourit en retour, mais elle reprit son sérieux la seconde qui s'ensuivit.

- Et si un jour tu as besoin de mon aide, pour n'importe quoi, n'hésites pas.
- Je l'oublierais pas, mais pour le moment, profitons du succès de notre enquête. Dit-il après avoir tiré une bouffée de fumée de sa pipe, conscient du sérieux de cette affirmation. Après quelques secondes, il reprit avec un sourire provocateur. Même si tu n'as toujours pas de sous-vêtements à te mettre dans l'immédiat...
- Mais tu es le seul à le savoir ici...Répondit-elle sur le même ton.

Soudainement rappelé à l'ordre par son esprit bien trop fertile de ce soir, en grande partie à cause de la drogue, le loup enchaîna rapidement pour ne pas se faire prendre à son propre piège.

- Il y en a une autre qui est au courant, et je pari qu'elle meurt d'envie de te questionner en long et en large à propos de notre escapade.

La danseuse jeta un œil en direction d'Annette, puis soupira.

- Et si tu restes dans les parages trop longtemps, on partagera sûrement la même salle d'interrogatoire.
- A croire que je suis condamné à être questionné...Marmonna-t-il presque pour lui-même, je pense qu'elle tient suffisamment à toi pour se sentir concerné par ta sécurité, c'est l'impression qu'elle donne en tout cas.

Elle hocha la tête, affichant un petit sourire tendre.

- C'est elle qui m'a fait venir ici, je pense qu'elle s'en voudrait si quelque chose m'arrivait. Sans lui laisser le temps de répondre, elle changea de sujet, Est ce que tu penses qu'il va tenir parole ? Milon ?

Le loup prit une gorgée de son verre, tout en faisant mine de réfléchir.

- Oui, je pense qu'il va le faire. Certes, cet homme est détestable sur de nombreux aspects, mais je doute qu'il ne revienne sur un engagement si peu impactant pour lui si cela lui permet d'entretenir ne serait-ce qu'un morceau d'espoir. Les nobles Amaranthis sont parfois fourbes, mais il sont également opportunistes.
- C'est étonnant, non ? Dit-elle, soudainement pensive, que quelqu'un comme lui soit près à risquer sa réputation en épousant une prostituée. Au mieux, nous sommes des maîtresses, au pire... La phrase ne trouva pas de fin, mais quelque chose sembla la travailler.
- A croire que l'amour est capable de supplanter l'argent. Tout du moins lorsque l'on en a déjà assez pour acheter la ville entière...Son ton était plus cynique, emprunt d'une certaine amertume. Cela dit...Je pense que l'on ne choisit pas vers qui nos sentiments nous guide. Son regard se planta dans celui de la jeune femme, vous êtes pas des jouets ni des objets, et c'est pas seulement votre métier qui vous définit, n'est-ce pas, danseuse ?

Le sourire qu'elle lui adressa réveilla un frisson bien plus doux que les derniers qui l'avaient envahi. Les yeux de la danseuse brillaient un peu plus que d'habitude, jusqu'à ce qu'elle finisse par se pencher vers l'Ascanien pour lui déposer un baiser sur la joue.

- Je suppose que tu as raison. Dit-elle, encore à quelques centimètres de lui.

La chaleur du souffle tout près de l'endroit où elle venait de déposer ses lèvres réveilla la chaleur de ses nerfs, mais d'une façon bien plus douce. Les effets de la drogues désormais bien plus atténués, le ressenti en avait été des plus agréable. Immobile face à cette démonstration, le loup se délecta de l'instant, bercé par cette odeur de cannelle qu'il serait désormais capable de reconnaître entre mille. Elle finit par s'éloigner pour reprendre, toujours avec le sourire.

- Est-ce que je te ressers quelque chose ou ce ne serait vraiment vraiment pas raisonnable cette fois ?

Daren esquissa un sourire, puis fit glisser son verre sur le bar dans la direction de la danseuse.

- J'aurai tout le temps de regretter demain...L'hésitation sembla le gagner, avant qu'il ne décide à reprendre, tu veux que je te raccompagne à la fin de ton service ?

Il savait pertinemment que sa demande pouvait être déplacée, mais il n'avait pu s'empêcher de poser la question, tant parce qu'il était inquiet de la voir rentrer seule avec une main blessée que parce qu'il redoutait secrètement le moment où cette soirée prendrait fin. La voyant hésiter un instant, il se douta que cette question aurait été accueilli par la négative si elle avait été posée par n'importe qui d'autre, profitait-il de leur soirée de complicité pour abuser de ce simili de privilège? Peut-être un peu. Quoi qu'il en soit, Daren était prêt à accepter lui aussi d'essuyer le même refus que n'importe quel autre client. Le hochement de tête qu'elle lui adressa finalement provoqua chez lui une certaine satisfaction.

- J'aurais aimé glisser un mot à Annette avant de partir, et me changer aussi. Je pense que tu as largement le temps pour un autre verre.

Un remplissage de verre plus tard, le loup observa la jeune femme partir en direction de son ainée avec qui elle entama une discussion. Lorsqu'il vit Annette regarder dans la direction, il préféra détourner le regard, laissant ainsi les deux femmes dans leur conversation sans se montrer intrusif. Il profita un instant de ce moment de solitude pour remettre sa mémoire sur les bons rails en retraçant une nouvelle fois mentalement tout ce périple improvisé qu'avait été cette soirée. L'exercice fut plus facile que la fois précédente, annonçant que cette maudite substance cessait peu à peu de faire effet. Lorsqu'il vit la danseuse monter à l'étage sûrement pour se changer, Daren remit son chapeau en place, vida son verre et se leva pour se diriger vers la sortie. Il attendit patiemment sur le pas de la porte, adossé à un mur, profitant de l'étonnante tranquillité du lieux, en comparaison au manoir infernal où toutes semblaient intéressées par l'idée de toucher son postérieur.

Elle revint à ses côtés après de longues minutes, vêtue d'un accoutrement plus classique qui ne ternit en rien son charme ni son sourire. Tous deux quittèrent la Belle-de-Nuit pour retrouver une énième fois la fraîcheur nocturne des rues du quartier Amaranthis.

Ils ne se séparèrent pas à cette intersection qui les avait vu prendre chacun leur chemin la dernière fois. Daren se laissa guider au travers des rues, conscient que le foyer de la jeune femme ne se trouvait pas à l'extérieur des bas-fonds. A marcher à ses côtés ainsi, le loup regretta presque qu'ils ne soient pas en train de se diriger vers une nouvelle cible à interroger. Lui qui était habitué à travailler seul avait ce soir trouvé une partenaire capable de s'accorder parfaitement à sa façon de faire. Pendant un instant, il hésita à lui parler de son travail, car savait qu’elle finirait par se poser des questions à son sujet. Il se ravisa cependant, car tout cela pouvait attendre. Au moins, ils purent profiter de la tranquillité de la nuit...

- Hé vous là ! Arrêtez-vous !

Daren ne fit pas volte face tout de suite vers leur interlocuteur. A l'inverse, il ferma les yeux et prit une grande inspiration, consterné par cette voix de benêt qu'il avait instantanément reconnu. La danseuse pu remarquer que Harding venait d'arriver à quelques mètres d'eux, haletant, sonnant le glas de la détente et de la quiétude du moment. L'Ascanien fit également demi tour pour faire face à l'homme qui les avait interpellés, confirmant ses soupçons. Il ne leur laissa pas le temps de répondre avant de pointer un doigt accusateur vers Daren. A la lumière d'une devanture, sa joue semblait marquée d'une unique trace violacée, une maigre punition aux vues de la colère de Marek...

- Putain, mais j'ai cru que vous alliez jamais sortir ! Je voulais pas rentrer parce que sinon le chef il allait encore me dire que je...

Comme s'il se rappelait ce qu'il en coûtait de trop raconter sa vie, Harding se tut subitement, le doigt rageur toujours pointé en avant, dévoilant un sourire carnassier.

- Le chef m'envoie te donner une petite leçon mon gars! Il m'a laissé carte blanche pour te massacrer et crois moi, tu vas passer un mauvais moment !

Joignant le geste à la parole, le brigand sortit une matraque grossière accroché à sa ceinture dans son dos. Le loup fronça les sourcils devant l'absurdité de la scène. Voyant qu'il ne se mettait pas en garde, Harding hésita, un moment suffisant pour que Daren prenne la parole.

- Tu es bien sûr de ce que tu vas faire ? Dit-il, feignant l'inquiétude de manière assez grossière.
- Fais pas le malin parce que t'es grand ! Dans la rue on apprend à se battre, et je peux te dire que tu vas souffrir.

La scène était aussi grotesque qu'inquiétante, car Harding affichait désormais un regard mauvais, qui éclaira Daren au sujet des fameux ordres de Marek. Il était évident que le chef de gang avait conscience que Daren n'était pas un débutant au combat, et si l'homme n'avait qu'une seule marque de contusion, c'était simplement parce que son chef lui avait demandé de laver son honneur, en échange de son salut. Ainsi...la punition d'Harding était de devoir se confronter à Daren...

Soit, le loup se pencha légèrement vers la danseuse pour attirer son attention. Ignorant superbement Harding qui affiche une mine qui ne témoignait pas d'intelligence. Il leva alors la main droite entre elle et lui, paume ouverte.

- Première leçon théorique, les bases. Tu replies tous tes doigts complètement contre la partie supérieure de ta paume. dit-il en accompagnant son explication du mouvement décrit. Ensuite, tu replie encore d'un cran pour que le dos de tes première phalanges fasse un angle droit avec le dessus de ta main.
- Hé ho, je vous dérange pas ?!

Devant l'agacement du malandrin, Daren poussa un grognement discret, mais continua.

- Enfin, tu ramène ton pouce comme ceci pour bien fermer ta prise.

Harding poussa lui aussi un grognement, plein de rage et de frustration. Dans la seconde qui suivit, il s'élança à vive allure vers les deux protagonistes, la matraque en l'air tel un possédé. Le loup esquissa un sourire fugace à la danseuse avant de pivoter l'entièreté de son corps au moment même où son adversaire arrivait à sa hauteur. Dans le mouvement, son poing s'était fermement armé. Le mouvement était aussi ample que rapide, prenant de court le benêt qui ne comprit même pas d'où vint réellement l'agression.

Le poing de Daren heurta la tempe de l'homme avec violence, projetant l'agresseur dans un vol plané jusqu'à ce qu'il rencontre le mur le plus proche dans un fracas détonnant. Après quelques secondes de suspense, Harding ne tenta même pas de se relever. Les yeux vitreux, il semblait incapable de se souvenir des raisons de sa présence ici et ses mains cherchaient désespérément un appui. Il abandonna son entreprise pour finalement se laisser reposer contre le mur, conscient mais beaucoup trop sonné pour faire autre chose.

Comme si de rien était, le loup se redressa et s'engagea dans la rue, incitant la danseuse à faire de même. Il reprirent ainsi leur route, laissant Harding contre son coin de mur, désormais puni comme il se devait.

Après quelques bifurcations et aucun ennui supplémentaire, la danseuse indiqua au loup qu'ils étaient arrivés. Il comprit sans avoir à poser la question qu'il lui restait sûrement quelques mètres à parcourir, dans une direction ou une autre, pour réellement se retrouver chez elle. L'idée d'insister ne lui effleura pas l'esprit. Après tout, elle avait déjà accepté l'idée qu'il vienne jusqu'ici, il n'avait jamais été question qu'elle l'invite jusque sur le pas de sa porte. Après avoir allumé sa pipe pour le trajet qui l'attendait jusqu'à chez lui, Daren regarda la danseuse dans l'obscurité, détaillant les traits de son visage que la faible lumière environnante voulait bien lui montrer.

Ils restèrent un instant à se regarder en silence, comme s'ils cherchaient l'un l'autre à garder un souvenir de cette soirée avant que la vie ne reprenne ses droits sur le cours de leurs existences. D'un hochement de chapeau ponctué par un sourire sincère et marqué par une certaine tendresse, le loup fit finalement demi-tour, disparaissant peu à peu dans les ombres des bas-fond du quartier Amaranthis.


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