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La nuit les langues se délient
Lyhn
Lyhn
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Date d'inscription : 08/01/2022
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Âge du personnage : 20 ans
Métier : Fille de joie
Mar 22 Fév - 2:30
L’exclamation de Dario derrière elle, alors qu’elle posait les boissons sur leur table, lui secoua les entrailles. Le chien aboyait beaucoup mais ne mordait jamais vraiment, elle fut surprise de le voir agripper le col du loup avec autant de hargne, d’autant qu’il savait ce qu’il risquait à frapper le premier. Quant à ce qui avait motivé ce brusque accès de colère, elle n’en sut et n’en saurait jamais la raison. Hésitante, elle fit un pas en avant, puis un autre, comme si c’était à elle d’apaiser les choses, de calmer la tempête qu’elle avait provoquée. Le Balafré fut plus rapide et la dépassa rapidement pour poser une main sur l’épaule du jeune homme. Autour d’eux, plusieurs clients et résidentes observaient la scène dans un silence quasi religieux.

Même si elle avait noté le respect dont Dario faisait preuve chaque fois qu’il s’adressait à cet homme, il était surprenant de le voir se calmer aussi vite. Pendant une fraction de seconde, elle eut même l’absurde espoir que le loup saisirait l’occasion d’arracher la laisse invisible qu’elle avait encore au poignet en acceptant la proposition du Balafré, mais il déclina poliment. Le regard qu’il lui lança en passant près d’elle semblait vouloir lui demander pardon ; elle le lui accorda sans aucune hésitation. Elle comprenait bien qu’il ne souhaite pas s’attirer davantage d’ennuis juste pour ses beaux yeux et qu’elle ne pouvait pas compter sur lui chaque fois qu’elle se retrouvait dans cette situation.

L’ambiance à leur table le reste de la soirée fut pesante, pour une raison que Lyhn ne s’expliquait pas bien. Loin de faire preuve de sa coutumière familiarité avec elle, Dario gardait une distance prudente, comme si elle était un serpent particulièrement venimeux. Visiblement, se faire sermonner comme un gamin devant tout le monde ne lui avait pas vraiment plu. Le voir dans cet état aurait dû lui procurer une immense satisfaction mais la lourdeur de l’atmosphère l’empêcha de se réjouir de quoi que ce soit. Intérieurement, elle sentait que quelque chose clochait, sans parvenir à mettre le doigt dessus. Une chose était sûre, la présence du Balafré qui les fixait tous deux de ses yeux froids et sans émotion ne devait pas y être étrangère.

Lorsqu’ils reprirent finalement leur échange où il en était resté et dont elle se désintéressa très vite, ses yeux se déportèrent vers le fond de la salle commune où elle observa les volutes de fumée qui cachaient partiellement le visage du loup au reste du monde ; la seule chose dont elle fut sûre, c’est qu’il ne la regardait pas. Après une bonne heure, le mystérieux Balafré se leva de sa chaise et prit congé, non sans rappeler à Dario de tempérer ses émotions s’il voulait mener à bien la tâche qu’il lui avait confiée ; lorsqu’il la salua poliment, elle fut surprise de constater qu’il connaissait son nom.

Les longues minutes de silence entre elle et Dario suite à son départ lui fit reconsidérer ces histoires de fuites à cheval. Du coin de l’œil, elle remarqua la crispation de sa mâchoire ; elle n’avait jamais connu personne qui serrait autant les dents et dont les émotions étaient autant accessibles. Il attrapa finalement son verre et en avala une rasade comme pour nettoyer tout ce qui semblait lui obstruer la gorge. Il grimaça presque aussitôt.

- Putain mais c’est quoi ça ? s’énerva t-il en fronçant les sourcils devant son verre. Même l’alcool lui faisait l’affront d’être mauvais ce soir.
- Pardon, j’essaierai de mieux choisir la prochaine fois.

Nulle raillerie dans le ton de sa voix, elle n’en était plus là. Même cette petite mesquinerie n’arrivait pas à la réjouir. Et puis elle avait passé cette semaine à s’excuser d’à peu près tout et n’importe quoi dans l’espoir de voir une accalmie dans son humeur ombrageuse, c’était devenu comme un réflexe. Devenait-elle sensible au fait que Dario ne semble même plus dénier lui jeter un regard ? Qu’est-ce qui lui prenait tout à coup ? Pourquoi avait-il l’air aussi abattu ? Les yeux rivés sur son verre, il ne répondit rien, et quand il ouvrit finalement la bouche, ce fut pour amorcer une toute autre conversation.

- Je devrais peut-être te laisser tranquille. Je suis pas moi-même quand t’es dans les parages. Et toi tu es… différente aussi.

Ces mots dans la bouche de Dario… Avait-il perdu le script de la pièce, oublié son texte ? Cette improvisation la laissait presque sans voix.

- Je ne sais pas ce que tu voudrais m’entendre dire, ce que je pense vraiment ou un autre mensonge ?

Puisqu’il se permettait de sortir de son rôle un moment alors elle s’autorisait à en faire de même.

- Je pense que t’éloigner un peu te ferait du bien.
- C’est plus difficile que ça en a l’air. Et puis, tu ne fais rien pour m’aider. Un jour tu fais comme si tout pouvait redevenir comme avant, comme au début, et un autre tu me craches ton mépris au visage.

Non, finalement il restait fidèle à lui-même, reportant ses propres erreurs sur les autres, sans une seule fois se remettre en question. Un enfant qui n’apprenait jamais, centré sur lui-même et incapable d’avoir de l’empathie pour les autres. Il fut un temps où elle lui avait témoigné de la compassion chaque fois qu’il avait dépassé les bornes, elle n’en était plus capable aujourd’hui, elle ne lui trouvait plus aucune excuse. Si elle était devenue capable de ressentir et d’afficher autant de mépris, comme il disait, c’était en grande partie à cause de lui.

Devant son absence de réponse, il se tourna enfin vers elle, esquissant un sourire qu’elle n’avait pas vu depuis bien longtemps, avant d’approcher presque timidement sa main de son visage pour lui replacer une mèche indocile derrière l’oreille.

- Je sais que tu m’aimes encore un peu, au fond. On peut pas faire disparaître ces choses-là si vite. Tu étais différente quand on était ensemble, c’était pas mon imagination, ajouta t-il d’une voix si douce qu’elle semblait ne pas vraiment lui appartenir. Ça non plus, elle ne l’avait pas entendu depuis bien longtemps. Sa main s’égara dans ses cheveux mais elle ne ressentit aucun plaisir dans ce contact.
- Tu te trompes, coupa t-elle un peu plus froidement qu’elle ne l’aurait souhaité. Sur ses genoux, ses poings étaient si serrés qu’elle sentait ses ongles se planter dans sa paume. Tout ce que tu as eu ou cru avoir, tu as payé pour l’obtenir.

Son expression n’aurait pas été différente si on l’avait giflé. Soudain toute la douceur s’évapora de son visage, comme de l’eau dans un désert, et ses traits se déformèrent sous la colère – une expression qu’elle lui connaissait bien mieux. La main quitta ses cheveux pour se plaquer sur sa gorge, exerçant une pression qui la fit presque suffoquer tandis qu’elle écarquillait les yeux devant la brutalité du geste. Son crâne frappa le mur juste derrière elle, pas assez fort pour lui réellement mal, mais suffisamment pour lui faire réaliser qu’ils venaient de franchir un cap dans l’escalade de la violence.

- Tu mens !

Dans les yeux de Dario brilla un fugace instant l’envie de serrer sa poigne plus fort encore, juste pour qu’elle en garde une trace pendant les prochains jours, à défaut de laisser une marque indélébile au couteau sur sa jolie peau hâlée. Et tout s’arrêta aussi vite que cela avait commencé. Il relâcha sa prise lorsqu’il réalisa ce qu’il était en train de faire, comme si la raison avait repris ses droits sur son esprit dominé par la rage. Il ouvrit la bouche, comme s’il cherchait ses mots pour s’excuser, pour s’expliquer et se retrouva à bafouiller quelques paroles maladroites que Lyhn ne chercha même pas à enregistrer. Autour d’eux, personne n’avait fait attention à ce qui venait de se dérouler.

Dario se releva d’un bond, fuyant le regard de la danseuse plein de larmes qui refusaient de couler. Après quelques secondes, il sembla penser que le mieux était de faire comme si rien ne s’était passé et se passa un main maladroite dans les cheveux, reprenant une constance un peu factice.

- Je vais te laisser tranquille quelques jours, tu pourras réfléchir à tout ça. Tu vas pas rester dans cet endroit toute ta vie, à écarter les cuisses pour trois fois rien. Je pourrais te sortir de là si tu me le demandais, si t’en avais vraiment envie. Penses-y. Un jour ce sera trop tard.

Elle ferma les paupières et les perles accrochés à ses cils dégringolèrent pour de bon. Elle avait envie de vomir. Elle attendrait qu’il parte avant de les rouvrir, certainement pas avant.

- Tu veux bien m’accorder un dernier baiser avant que je parte ? Seul un silence lui répondit. Ouais, c’est bien ce que je pensais…

Et après les minutes les plus longues de sa vie, elle entendit enfin ses pas s’éloigner d’elle. Elle musela les sanglots qui menaçaient de s’échapper de ses deux mains alors que ses épaules se mirent à trembler. Seule la vision d’Annette qui prit place juste devant elle à sa table parvint à la sortir de sa transe. Autour d’eux, l’ambiance était encore à la fête, et l’alcôve dans laquelle elles se trouvaient leur offrait une petite protection contre les regards inquisiteurs.

- Craque pas devant les clients, ma belle. On va dans ma chambre si tu veux, proposa gentiment la blonde, la mine inquiète. Madame Vivianne n’aimait pas que ses filles se mettent à pleurer sur les épaules des clients. Lyhn inspira et souffla plusieurs fois avant de pouvoir reprendre la parole sans que sa voix ne trésaille.
- Non, ça va aller…
- C’est ton petit tyran qui te fait des misères ?

Dario était bien connu des filles. Parfois, elles essayaient de détourner son attention de Lyhn pour lui permettre de souffler un peu, mais c’était comme jeter un boomerang de toutes ses forces en espérant qu’il ne revienne jamais. Il était bon client, bon payeur et évitait les frasques malgré son mauvais caractère ; mais surtout, surtout, il était à la tête d’un gang qui sévissait dans les rues du quartier et personne n’avait envie d’avoir une personne comme lui à dos. Il était compliqué de demander qu’il ne l’approche plus jamais comme une faveur à Madame Vivianne.

Lyhn n’avait pas envie de revenir sur ce qu’il venait de se passer, pas plus qu’elle n’avait envie de ressasser ses malheurs. Elle s’efforça d’effacer les dernières traces de l’événement en essuyant les vestiges de ses larmes d’un revers de main. Et puis, sans raison apparente, elles se remirent à couler lorsqu’elle réalisa quelque chose.

- L’argent… l’argent qu’il m’a donné pour me payer quelques verres... J’aurais dû les garder pour mes frères et sœurs. Pourquoi je l’ai pas gardé pour eux…
- Ma belle, je connais aucune fille qui n’a jamais eu besoin d’un coup de main pour affronter une soirée compliquée. T’as le droit de craquer toi aussi. Si ce type te fait encore pleurer, c’est moi qui vais m’en occuper.
- Je crois qu’il va peut-être me laisser un peu tranquille.
- Jusqu’à ce qui ça le démange encore, comme d’habitude.

Comme pour changer de sujet, Annette désigna le verre encore plein devant elle, celui que le Balafré n’avait même pas osé toucher.

- J’en connais un à qui on la fait pas. Il reconnaît les meilleurs alcools des pires d’un simple coup d’œil. Tu veux bien m’aider à finir cette pisse d’âne ?

Lyhn regarda le verre de Dario, à peine plus entamé. Elle savait que l’alcool qu’il contenait était mauvais mais il était tentant d’aider son cerveau à effacer les souvenirs de cette soirée. Une vague de culpabilité la saisit lorsque certains flashs de sa mère ivre-morte sur le plancher de leur taudis s’invitèrent dans sa tête. Est-ce que tout avait commencé comme ça pour elle aussi ? Est-ce qu’elle avait simplement voulu se donner un « coup de main » ? Elle chassa ces images et attrapa le verre devant elle.

- À la tienne !

Dans un sourire complice, son amie leva le coude en même temps qu’elle, avalant la liqueur en seule fois ; il valait mieux ne pas la faire traîner dans la bouche celle-là, comme elles l’avaient appris à leurs dépends. Aucune ne put rester de marbre devant le goût acre et la traînée acide qu’elle laissa sur son passage, et elles se mirent à rire entre deux concerts de grimaces.

- On peut pas continuer de vendre ça ici. Il faut que Madame Vivianne entende raison, commenta finalement Annette qui prenait cette histoire d’alcools peut-être un peu trop au sérieux. Lyhn acquiesça pour ne pas la contrarier. Si tu cherches bien, je suis sûre que tu peux te trouver une charmante compagnie qui te fera oublier la première partie de cette soirée.

Instinctivement, les yeux de la danseuse se posèrent sur une table au fond de la salle commune, là où elle espérait trouver le loup. Maintenant qu’elle était débarrassée de sa laisse, plus rien ne l’empêchait de retourner le voir pour s’excuser de la petite scène de tout à l’heure. S’excuser n’était évidemment qu’un prétexte. Elle le trouva exactement là où elle l’avait laissé, sauf que cette fois il n’était pas seul : Fiona semblait l’avoir rejoint à sa table. Elle se souvenait maintenant que Fiona l’aimait bien, c’était une des premières choses qu’elle avait remarqué d’ailleurs. Et cela s’était confirmé plus tard : il n’était pas dans les habitudes de la brune de s’enquérir des récits des autres résidentes, mais elle avait été la première à le faire cette fois-là, lorsque le loup avait passé la nuit dans ses draps.

Lyhn détourna pudiquement le regard. Il était inutile de penser à aller le voir maintenant mais cela ne voulait pas dire que la soirée s’achèverait comme elle avait commencé. La danseuse écouta le conseil d’Annette et s’installa derrière le bar où elle reprit le service, une routine qui l’aida à recomposer un peu le masque qui avait volé en éclats un peu plus tôt. Bavarde et charmeuse, elle se fit offrir plusieurs autres verres par quelques clients qui semblaient heureux de la voir se détendre davantage qu’à l’accoutumée. Quand elle décida finalement de remonter dans sa chambre, le loup et Fiona avaient disparu et Dhorn se fit presque le devoir de l’aider à monter l’escalier qui menait à l’étage, lui baragouinant une histoire de client qui attendait et à laquelle elle ne prêta pas le moindre intérêt.

Elle remercia mentalement celui ou celle qui avait eu la bonne idée d’allumer quelques bougies dans sa chambre avant qu’elle n’y entre, lui évitant de buter dans les meubles que quelqu’un s’était amusé à changer de place pour la désorienter. Même ivre, une danseuse restait une danseuse, peut-être même encore plus lorsqu’elle était ivre justement, comme en témoignait sa démarche, presque des pas de danse. Tout était précaire et pourtant tout tenait harmonieusement la route, comme si les quelques moments où elle chancelait légèrement étaient parfaitement calculés. Elle ne remarqua le loup installé dans le seul fauteuil de la pièce que lorsqu’il ne fut plus possible d’ignorer sa présence.

Un sourire mi émerveillé mi amusé étira ses lèvres. Elle aurait dû être surprise de le trouver juste là, mais il semblait tellement à sa place dans ce fauteuil qu’elle s’épargna la peine d’avoir un mouvement de recul. Au contraire, elle fit un pas de plus vers lui, attrapant l’un des montants de son lit à baldaquin pour s’offrir un appui qui ne tanguait pas autant qu’elle.

- Tu t’es égaré dans le seul couloir du bâtiment ? Je ne savais pas qu’on pouvait se perdre ici, dit-elle, un peu moqueuse, en tirant l’un des liens qui retenait son corsage, le dénouant tout juste pour laisser entrevoir un peu plus que la naissance de sa poitrine. Elle avait simplement l’intention de l’ôter pour se glisser dans son lit, mais tout lui semblait compromis maintenant.

Elle fit un pas de plus et se retrouva assise sur ses cuisses avant même qu’il ne puisse esquisser un geste dans sa direction ; à bien y réfléchir, peut-être lui était-elle tombée dessus, ou peut-être l’avait-il rattrapée. Elle plaqua ses lèvres contre les siennes pour ne pas lui laisser l’occasion de dire quoi que ce soit et la chaleur qui envahit tout son corps n’avait cette fois rien à voir avec l’alcool. Ses lèvres avaient encore le goût du poison qui coulait dans ses veines mais de ses cheveux n’émanaient rien d’autre que cette odeur caractéristique de cannelle.

La danseuse n’était pas impitoyable, elle le laissa respirer entre deux baisers fiévreux tandis que ses doigts exploraient encore ses cheveux, comme si ses gestes étaient les échos de souvenirs qu’elle n’était pas parvenue à oublier. Ses prunelles se parèrent d’une étonnante lucidité lorsqu’elle plongea finalement son regard dans le sien. Le désir s’y lisait clairement mais aussi un questionnement qu’elle semblait avoir du mal à formuler avec de simples mots. Elle se pencha à nouveau vers lui, pas pour lui voler un autre baiser mais pour lui chuchoter au creux de l’oreille.

- La chambre de Fiona est à l’opposée, tu devrais peut-être y retourner. Je ne suis pas sûre de pouvoir te donner ce que tu veux ce soir. On dit que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit…

Pour quelqu’un qui l’invitait à partir, elle ne semblait pas vouloir le voir filer car elle plaqua davantage son bassin contre le sien tandis qu’elle mordillait presque amoureusement le lobe de son oreille. La foudre ne tombait pas deux fois au même endroit… mais peut-être avait-elle envie de vérifier si c’était vrai.
Daren Van Baelsar
Daren Van Baelsar
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Mer 23 Fév - 0:21
Formé à garder son sang froid dans toute situation périlleuse, Daren n'en restait pas moins contrarié, ses émotions voguant entre l'agacement, le soulagement et la concentration au gré d'une partition qu'il ne maîtrisait pas assez à son goût. Comme pour donner le ton à ses pensées indisciplinées, il s'affaira à bourrer sa pipe de tabac, occupant ainsi ses mains et une partie de son esprit, pas autant qu'il l'aurait souhaité cela dit. Il alluma le foyer sans s'attarder sur la netteté de sa préparation et tira de profondes bouffées tout en étudiant une rainure de bois noueuse de la table sur laquelle sa main libre était venue pianoter nerveusement.

S'il avait en quelque sorte gagné la joute verbale contre Dario, le forçant à inverser les rôles pour qu'il dévoile lui-même ses crocs devant tout le monde, cette interaction n'avait eu de cesse de le faire cogiter depuis qu'il avait rejoint sa table. Bien sur, remettre à sa place une petite frappe avait toujours quelque chose de satisfaisant, surtout quand on parvenait à prendre à revers les stratégies de bas étage de celui-ci, mais force était de constater que l'Ascanien n'avait guère apprécié les dires du trublion, au point qu'il s'était déjà imaginé faire demi tour pour entamer une seconde conversation, bien moins verbale cette fois-ci. Un geste qu'il se refusait à engager, au moins autant qu'il s'interdisait de regarder en direction de la table.

Dario n'était cependant qu'un maigre détail de ses ruminations. L'intervention de sa cible dans toute cette histoire en revanche... Même s'il s'était présenté en victime d'une agression aux yeux de celui qui se faisait appeler Vex, Daren s'était engagé dans un risque qu'il aurait habituellement qualifié d'inutile et dangereux. Il suffisait de croiser le regard du balafré pour comprendre qu'il était loin d'être simplet et que chaque interaction avec lui faisait l'objet d'une analyse minutieuse. Daren aurait pu jurer qu'il se souvenait même l'avoir croisé près de l'escalier la dernière fois, bien que rien ne lui prouve si ce n'est une désagréable intuition. D'un côté, avoir entendu la voix de sa cible et avoir pu observer de plus près son comportement pendant un court instant était une récompense satisfaisante pour qu'il ne se condamne pas de son envie de remettre en place Dario. De l'autre, il avait depuis lors l'impression de s'être exposé inutilement au grand jour en se confrontant pour la deuxième fois de front, attitude qui pourrait pousser le trublion à mentionner à nouveau l'existence de l'Ascanien à son patron un jour où l'autre.

Mais surtout, surtout...Il avait failli mettre la danseuse en danger, ultime point culminant de sa contrariété face à cette histoire. Moucher un simplet en manque d'affection pour satisfaire son propre égo valait-il le coup si l'on s'imaginait que la première personne sur qui il serait foutu de passer ses nerfs était précisément celle qui s'asseyait à ses côtés à l'instant même ? La rhétorique de cette question qu'il se posait le fit marmonner dans sa barbe entre deux bouffées. Bien sûr, l'Ascanien avait sûrement été assez habile pour se délier de la danseuse avant que tout cela ne devienne critique, mais est-ce vraiment comme ça que son geste avait été interprété.

Une évidence lui traversa l'esprit, n'aidant en rien à sa mauvaise humeur croissante. Dario était un client, et un bon payeur, en plus de visiblement ne jamais dépasser les bornes. Aussi peu apprécié qu'il soit, cet homme respectait les règles. A quelques exceptions comportementales près, Daren était dans le même schéma, lui aussi payait pour s'octroyer la compagnie d'une belle, et si son comportement plus exemplaire que celui du trublion lui offrait bien plus de sympathie de la part des résidentes, cela ne le rendait pas plus légitime quant au fait de disposer de la compagnie de l'une des filles de la Belle-de-Nuit. Un bien triste constat, aussi inutile qu'impossible à occulter.

Ce brusque rappel de sa propre condition qu'il s'infligea amplifia ses questionnements, notamment par rapport à ce rôle qu'il semblait revêtir avec la danseuse. De quel droit pouvait-il prétendre que sa compagnie était plus désirable que celle du trublion, était-ce le regard brûlant qu'elle lui avait adressé l'autre soir en lui demandant si elle était libre et qui lui trottait encore dans la tête qui le laissait penser ça ? Possiblement, car Daren aimait se raccrocher à ces marques d'affection, s'efforçant de penser -souvent à tort- qu'elles recelaient un fond de vérité. Ce n'était pas la première fois qu'il se laissait bercer par l'illusion qu'offrait une nuit avec une fille de joie. Ce n'était jamais arrivé en revanche que cela se produise dès la première nuit, et il était encore plus inédit pour lui de ne pas arriver à s'en détacher, une fois de retour à la réalité.

Tellement concentré par toute cette histoire, Daren en avait même oublié son verre au comptoir. C'est à haute voix qu'il râla cette fois-ci, tout en s'apprêtant à se relever, très vite interrompu par une main effleurant son épaule et la naissance de son cou. Le parfum de la personne qui se tenait à côté de lui ne laissa que peu de place au doute, et les épaules de l'Ascanien se détendirent tandis qu'il abandonnait l'idée de quitter sa chaise pour le moment. Fiona venait d'apparaître à ses côtés, deux providentiels verres à la main et une mine guillerette affichée sur le visage. Daren répondit à cet air enjoué par un sourire discret.

- Et bien alors ? On manque de faire du grabuge en plein milieu de la salle ? Je connaissais le chevalier servant, mais pas le belliqueux qui est en toi !

Cette fois, il eut la confirmation, elles s'étaient bel et bien toutes passées le mot à propos de cette histoire de chevalier servant. Daren accueillit la moquerie en silence sans protester, se contentant d'un regard appuyé pour la courtisane, plus amusé que vexé par la remarque qui l'aida à se détendre un peu plus. Fiona fut la première fille de l'établissement à avoir réussi ce tour de main d'apaiser les tracas du loup solitaire quand bien même il sen sentait incapable lui-même. La douceur et les marques d'affection qu'elle était toujours prompt à offrir étaient entre autres deux facteurs déterminant dans ce qui avait fait qu'il la considérait comme "sa préférée", et qu'il avait tendance à se diriger vers elle lorsqu'il venait passer du temps ici. A l'inverse, le bon comportement de l'Ascanien semblait tout particulièrement plaire à la jeune femme également, elle qui avait bien conscience de s'être attiré les faveur de Daren au fil de leurs échanges.

- Il faut croire que ma tête ne lui revenait pas. Monsieur avait l'air de bien mauvaise humeur pour quelqu'un en aussi bonne compagnie.
- Dario? Ah oui...Je l'aime pas beaucoup, heureusement pour moi il ne s'est jamais trop intéressé à moi...

Entendre Fiona se réjouir que l'on ne s'intéressait pas à elle revenait à avouer explicitement que la personne était peu fréquentable, voir dangereuse, car la jeune femme était du genre à aimer plaire aux hommes, quand bien même il s'agisse de son métier. Daren profita du sujet pour jeter un œil à la table qu'il avait laissée un peu plus tôt, presque rassuré de constater que rien ne se passait et qu'ils étaient tous encore autour de la table. Pendant un instant, il appréhende l'idée que Dario ne se décide finalement à vouloir passer la nuit ici, réalisant trop tard qu'il avait été devancé. Même si son nom n'apparaissait pas dans l'équation, la paranoïa du trublion aurait suffit à ce qu'il débarque en trombe à sa table. Daren ne s'attarda pas sur son œillade et reporta son attention sur Fiona en prenant son verre à la main.

- En tout cas, tu sembles avoir lu dans mes pensées, je commençais à avoir soif.
- Je suis presque sûr que tu bouillonnais intérieurement d'avoir la gorge sèche. Répondit-elle en laissant échapper un petit rire taquin.
- Soit tu me connais un peu trop bien, soit tu me surveillais en attendant de passer à l'action...
- C'est bien normal que je te surveille ! La jeune femme fit une moue boudeuse avant de fixer Daren, sourcils froncés, ça faisait une éternité que je t'avais pas vu, tu me sauve la mise et puis finalement tu m'accorde à peine trois mot au détour d'un escalier ! J'étais déçue, voir même un peu triste tu sais.

Ce chantage affectif était un jeu redoutable auquel elle s'adonnait volontiers avec lui. Fiona aimait écouter les gens, mais elle aimait tout autant que l'on prête une oreille attentive à ses éventuelles complaintes. Daren était le client parfait pour ce genre d'exercice, lui qui était si enclin à se laisser glisser sur la pente dangereuse de la séduction dans l'espoir d'occulter la grisaille de sa réalité. Avec un léger sourire, Daren leva son verre et but une petite gorgée de la liqueur qu'il payerai sûrement plus tard. Elle ne lui laissa pas le loisir de répondre, comme il l'avait anticipé.

- Et aujourd'hui encore, tu as filé tout droit vers la petite nouvelle...

En parlant de la nouvelle, et si Daren s'était trompé, si elle courait finalement un vrai danger ? L'Ascanien dut chasser ses pensées fugaces et incontrôlées d'une nouvelle gorgée et d'un hochement de tête discret.

- Dis-moi, tu serais pas jalouse quand même ?

Fiona posa ses coudes sur la table pour reposer son menton dans ses paumes jointes, fixant le loup solitaire d'un regard qui avait maintes et maintes fois fait ses preuves.

- Qui sait...Peut-être un peu? Rien ne me garanti que tu reviendras vers moi à nouveau…
- Tu vas me vexer à penser que je suis comme ça.
- C'est parce que j'aime bien quand tu râle, ça te rend craquant.

Le sourire encore plus enjôleur, Fiona semblait toute à son aise, témoignant d'une relation qui ne datait pas d'hier entre elle et son client. Daren quant à lui semblait peu à peu se sortir de toute cette tension qui l'habitait. Les images de la danseuse lui montrant la chaîne invisible pendant à son bras en revanche ne disparurent pas de sa tête, au point de se mélanger avec cette désagréable impression qu'il avait de simplement avoir revendiqué le droit de disposer de cette même laisse en payant d'avance une nuit complète en compagnie de la danseuse. Il savait au fond que ce n'était pas sa première intention, mais les habitudes visant à l'auto condamnation de ses actes avaient visiblement la vie dure.

L'Ascanien se concentra sur l'attention que lui portait la jeune femme, pas vraiment insensible à ses charmes.

- C'est étonnant de te voir encore là à cette heure-ci, généralement tu t'arranges pour ne pas traîner en bas trop longtemps non?
- Je profite d'un petit répit qui m'est offert figure toi ! répondit-elle, visiblement satisfaite de le voir s'intéresser à elle, il a payé pour la nuit mais à dû s'absenter pendant une heure ou deux, c'est un peu inédit, mais pas désagréable. D'autant que ça me permet de venir te voir.
- J'apprécie le geste, je me sentirai presque important à tes yeux. S'amusa le loup solitaire.
- Ah oui? Alors peut-être que ce sera toi qui partagera la nuit avec moi, la prochaine fois que tu viendras...

Imperceptiblement, Fiona avait rapproché sa chaise de la table et ajusté sa position pour jouer davantage de ses charmes, sans pour autant se montrer vulgaire. Elle dévisageait l'Ascanien, comme si son invitation était également valable pour cette nuit-là. S'il n'avait pas été si mentalement occupé par la situation, il aurait sûrement succombé une fois de plus aux charmes de la courtisane. La conversation entre les deux protagonistes prit rapidement des airs de déjà vu loin d'être désagréable. Curieuse de nature, surtout lorsqu'il s'agissait d'un client régulier, Fiona n'hésitait pas à chercher à en apprendre toujours un peu plus sur le loup solitaire, le forçant parfois à travestir la réalité, à l'image de ce faux nom qu'il employait avec toutes les résidentes, ou presque...

Rallumant sa pipe, Daren s'autorisa une nouvelle observation discrète de la scène, assuré que sa présence était désormais oubliée. Le manque d'expressivité de Vex ne lui indiquait cependant pas grand-chose quant à ce dont il était en train de parler. Trop loin pour distinguer les mimiques et autres indicateurs de ton et d'ambiance, il ne put que se contenter d'observer sa cible se lever finalement et prendre congé. S'interdisant de le suivre du regard, il s'assura malgré tout que celui-ci était bel et bien sorti. Comme un rappel à l'ordre aussi inattendu que désagréable, la remarque que Dario lui avait faite à propos des passes offertes à ses hommes de main lui revint en tête, brisant un instant sa détente pour réveiller son agacement. Il contint bien vite ses émotions, peu désireux de voir Fiona se questionner à propos de cette soudaine contrariété. La bonne humeur n'avait apparemment pas totalement gagné le loup solitaire, bien que la tension dans ses épaules se soit atténuée et qu'il se sentait moins l'envie de retourner coller son poing au milieu de la figure de Dario.

Pour s'éviter la frustration d'observer la danseuse en compagnie du trublion, Daren reporta entièrement son attention sur Fiona qui se plaignait d'avoir vu une souris rôder dans sa chambre. La courtisane ne l'assumait pas, mais sa propension à se plaindre de son quotidien était un trait de caractère notable chez elle, heureusement, elle avait l'art et la manière de présenter les choses, faisant de ce défaut un aspect charmant de sa personnalité.

Son regard fut attiré une nouvelle fois au loin quelques minutes plus tard, lorsque Dario quitta à son tour la table. L'Ascanien détourna cependant rapidement les yeux, conscient que le trublion ne serait pas forcément disposé à le laisser tranquille s'il remarquait que le loup l'observait depuis le fond du bar. Laissant le temps de s'assurer qu'aucun des deux hommes ne reviendrait s'asseoir, il profita d'un moment où Fiona se retrouva occupée à discuter avec Dhorn qui passait près d'eux pour de nouveau reporter son attention sur la table de la danseuse, et son ventre se noua presque instantanément.

Aussi loin qu'il était de la scène, il n'avait pas de doute sur ce qu'il voyait, la danseuse était en train de pleurer. Accompagné d'Annette visiblement en train de lui offrir son soutien au détour d'un verre, la jeune femme semblait bien plus affaissée que d'accoutumé, repliée sur elle même. Le papillon avait-il finalement réellement perdu ses ailes ? Cette pensée lui serra le coeur bien plus qu'elle ne le devrait. Pire encore, l'Ascanien hésita même à se lever pour aller s'enquérir du moral de la danseuse, une idée qu'il enterra bien au fond de sa tête avant d'agir de manière inconsidérée, lui qui s'était évertué à feindre de la distance avec elle pour ne pas l'exposer au danger.  

- Quelque chose ne va pas ? Je te sens bien crispé ce soir.

Visiblement, il était difficile pour lui de faire semblant que tout allait bien après tout ce qu'il venait de se passer. Se contentant d'un sourire, Daren termina son verre presque d'une traite.

- La journée à été rude, simplement. Rien de bien méchant.
- Essaye de te détendre un peu, tu es là pour ça non? Elle lui fit un clin d'œil et pencha la tête en se fendant d'un sourire, je vais devoir te laisser, tu n'es pas trop triste j'espère ?
- Je suis abattu de te voir partir, si tu savais.

Le sourire taquin qu'elle afficha souligna l'appréciation qu'elle eut à cette remarque. Bien que le ton soit ironique, Fiona semblait accepter la petite part de vérité que contenait cette phrase. Malgré ses dires, la courtisane s'autorisa encore de longues minutes en sa compagnie, ce qui n'était pas pour le déranger, bien au contraire. Du coin de l'oeil, Daren vit la danseuse prendre la direction du bar, toujours accompagné d'Annette. La voir accompagné d'une autre fille et non de Dario le rassura quelque peu. Cette simple idée lui apporta cette fois de la satisfaction quant à son choix de payer pour la nuit entière, au détriment de son solde qui en avait déjà pris un sacré coup depuis ces dernières semaines. Il ne valait peut-être pas mieux que Dario, mais au moins ils ne chercherait pas à la faire pleurer...

Après quelques mots supplémentaires échangé avec Daren, Fiona se leva avec grâce et déposa un baiser sur sa joue, un geste qu'elle ne réservait que très rarement aux clients n'ayant pas payé pour passer du temps avec elle. Daren la regarda s'éloigner jusqu'à ce qu'elle disparaisse en haut des marches. Après avoir éteint et vidé sa pipe, l'Ascanien se leva peu de temps après pour prendre la direction des chambres à son tour, sans se risquer même un regard en direction du bar.

Arrivé à l'étage, l'Ascanien ignora involontairement la remarque déplacée de Prisca à son égard, elle qui sortait de sa chambre en quête d'un nouveau client. Il arriva devant la porte de la chambre de Lyhn et posa sa main sur la poignée. Une hésitation s'empara de lui, qu'était-il en train de faire exactement. Qu'attendait-il de cette deuxième rencontre? Souhaitait-il prolonger ce moment d'égarement qui avait été leurs, avait-il besoin que la conversation qu'ils avaient entamé en bas ne soit plus interrompue? Était-ce le désir qui consumait ainsi son bon sens, au point qu'il se refuse à passer à autre chose ? Tant de questions qui restèrent sans réponse, à l'image de ce profond soupir qu'il poussa avant de finalement pénétrer dans la chambre.

Tout y était pareil que la dernière fois, il n'y avait pas de raison qu'il en soit autrement. La discrète odeur de cerisier diffusait cette senteur aux antipodes des étouffantes volutes d'encens dans toute la pièce. Dans la pénombre, cette chambrée était similaire à tout le reste, mais Daren avait d'ores et déjà en tête chaque détail notable de cette espace dans lequel il s'était laissé consumer. C'est d'ailleurs grâce à sa mémoire que ses yeux se levèrent vers la charpente habillée de robes dont il devinait aisément les couleurs malgré le manque de luminosité. Avançant doucement au centre de la pièce sous le craquement sourd d'un parquet trop fatigué, Daren se dirigea ensuite vers l'emplacement des chandelles qu'il alluma avec précaution, une à une.

La lumière sur les lieux, comme un phare dans la nuit, raviva un peu plus de ses souvenirs à mesure que le lieu se dessinait sous ses yeux. Les lueurs des flammes projetaient aux murs des ombres dansantes semblant s'accorder à l'identité de la maîtresse des lieux. Daren resta un long moment immobile à contempler ce ballet qui s'accordait aux couleurs des tentures et vêtements autour de lui. Bien qu'elle ne soit pas encore là, il avait déjà l'impression de la voir danser pour lui. Il s'autorisa à s'installer sur le seul fauteuil de la pièce et posa son chapeau sur la table d'appoint, s'offrant la vue sur la porte qu'il avait refermée derrière lui. Le calme de la pièce apaisa un peu plus ses nerfs, jusqu'à ce qu'il finisse par ressentir de l'impatience de la voir passer cette porte à son tour. En attendant, il dut se contenter de ne pas se laisser déborder par ce que son imaginaire lui dictait, à savoir des interprétations de toute ces fois où Dario avait pu payer le droit de s'offrir sa compagnie.

C'est au bout d'un temps qu'il ne put quantifier que la porte grinça sur ses gonds, laissant apparaître la silhouette - heureusement seule - de la danseuse. D'un pas chaloupé qui n'était pas sans rappeler la grâce naturelle dont elle faisait preuve, elle fit les quelques premiers pas dans la pièce sans vraiment prêter attention à lui. Il put remarquer assez rapidement que sa démarche était uniquement guidée par son adresse intuitive, et que tout ses gestes n'était pas tant mesuré qu'elle semblait le laisser penser. Il eut la confirmation de ses soupçons lorsqu'elle attrapa le montant du lit pour rester en place sur ses deux jambes. Combien de verre avait-elle bu ce soir ? Il allait sûrement rapidement le découvrir. Ses yeux fixés sur elle, la pièce sembla une nouvelle fois se réduire à sa simple présence.

- Tu t’es égaré dans le seul couloir du bâtiment ? Je ne savais pas qu’on pouvait se perdre ici.

La question lui parut saugrenue, répondait-elle au fait qu'il avait décliné la proposition de Vex à son sujet? Peut-être bien. Il préféra ne rien dire et observer ce que la jeune femme comptait faire - au moins dans un premier temps - , pas vraiment sur qu'elle soit ravie de le voir ici, malgré ce sourire qu'elle avait affiché lorsqu'elle l'avait aperçu dans le fauteuil. Ses yeux ne se perdirent cependant pas dans ce corsage à demi ouvert qu'elle montrait désormais. La suite alla si vite que Daren n'eut pour seul réflexe que d'empêcher que la danseuse ne tombe trop brutalement sur lui. Elle n'était pas tombée, le geste avait été prémédité, mais les effets de l'alcool avaient rendu l'action maladroite, dissipant les vestiges d'un doute éventuel quant à son inhibition.

Le baiser qu'elle lui exigea ne lui laissa pas le temps de réfléchir. Une partie de ses pensées se consuma comme la première fois qu'elle avait joint ses lèvres aux siennes. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle prenne possession de lui ainsi, et la violence du geste éveilla les prémices d'un désir dans lequel il s'était déjà immergé et dont les codes lui semblaient d'ores et déjà si familiers. L'odeur de Cannelle se mêla à ses sens et prirent possession de lui à nouveau. Il lui rendit son baiser, bien qu'il n'en ait été forcément son intention au départ. Lorsqu'elle s'éloigna de lui, les pupilles dilatées de la jeune femme le rappelèrent à l'ordre un instant. Dans ces yeux qui le dévoraient, il ne lisait pas que du désir, et la peine dont il avait été témoin un peu plus tôt dans la soirée lui revint une énième fois en mémoire. Il frissonna lorsqu'elle s'approcha pour lui murmurer ces mots à l'oreille.

- La chambre de Fiona est à l’opposée, tu devrais peut-être y retourner. Je ne suis pas sûre de pouvoir te donner ce que tu veux ce soir. On dit que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit…

Ainsi, la danseuse pensait que Daren était parti s'enquérir de la compagnie de Fiona pour la nuit? Ce qui impliquait très probablement qu'elle l'avait observé après son départ. Il ne sut dire pourquoi, mais cette pensée lui apporta un éphémère réconfort avant de finalement provoquer l'effet inverse. Ce qui le perturba davantage fut l'attitude de Lyhn à son égard? Pourquoi lui indiquer la sortie en prônant qu'elle ne serait pas cette amante qu'elle avait si bien incarné tout en exprimant tout autre chose de son corps.

Son souffle s'accélère lorsqu'elle lui mordilla l'oreille, électrisant tout son corps d'un coup. S'il avait souhaité dissimuler son désir derrière un masque quelconque, la proximité du bassin de la danseuse aurait vite invalidé son propos. Il ne pouvait le nier, elle éveillait en lui une passion dévorante dont chacun de ses sens s'abreuvait allègrement, comme s'il étanchait sa soif dans une réserve d'eau vouée à disparaître. Les gestes qu'elle avait pour lui le poussaient à basculer dans ce simili de réalité à nouveau. La main de l'Ascanien était instinctivement venue se poser non loin du creux des reins de la danseuse, épousant avec délectation cette silhouette tant désirable. Cette même main remonta alors le long de la colonne de la jeune femme. Le souffle du loup s'accélérait sous les caresses de son amante...

Puis le brasier s'estompa, aussi soudainement qu'il était apparu. Comme si la musique de la valse endiablée dans laquelle elle souhaitait le plonger venait subitement de s'arrêter, la fièvre qui envahissait la pièce sembla elle aussi se faire plus discrète, sans pour autant avoir complètement disparu. D'un geste fort, mais sans violence, Daren était venu appuyer dans le dos de la jeune femme, la forçant à ce que le haut de son corps se plaque contre lui, éloignant naturellement leurs bassins l'un de l'autre. Le visage de la danseuse dut lui aussi s'avancer jusqu'à se retrouver posé sur l'épaule de l'Ascanien. Un moment de pause plana sur la situation et le silence de leurs souffles ralentis par la soudaineté du geste se fit presque reposant.

La main de Daren toujours dans le dos de Lyhn, il remonta au-dessus de la naissance de la robe pour que ses doigts effleurent finalement la peau lisse et sans défauts de la danseuse avec une douceur qui n'était pas sans rappeler leur dernière rencontre. Dans un mouvement fluide, il remontait ses doigts jusqu'à la naissance de ses cheveux avant de redescendre, répétant l'exercice dans une infinie lenteur, suivant avec précision les lignes du corps de la jeune femme jusqu'à l'endroit où le tissu relâché de la robe desserré lui refusait naturellement l'accès. Il ne su s'expliquer pourquoi il faisait cela. A vrai dire, il en était presque à se persuader qu'il outrepassait un droit qui n'était pas sien, mais il ne put se résoudre à faire autre chose d'autre, laissant planer un très long silence dans la chambre.

- Je n'oublie jamais mon chemin, je suis là où je souhaite être.

Sa voix grave marquait le calme avec lequel il lui parlait, un calme qui raisonnait très bien avec son attitude. Un nouveau silence naquit de ses dires, et ce fut à nouveau lui qui le rompit.

- Quant à ce que je veux...Je ne suis pas sûr d'avoir demandé quoi que ce soit de toi. Tu as besoin de repos...
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Jeu 24 Fév - 23:42
Qu’importe les raisons de sa présence, il était là et il était tout ce dont elle avait besoin. L’alcool avait transformé sa tristesse en désespoir et elle n’était même plus assez lucide pour s’en apercevoir.   Elle avait passé la semaine à voir son reflet dans les yeux d’un homme qui la méprisait, ce qu’elle voyait dans les yeux du loup était totalement différent. Elle avait peut-être réussi à lui faire oublier ce qu’elle était le temps d’une nuit, mais il avait presque réussi à le lui faire oublier également. Peut-être que ce soir… peut-être que ce soir elle pouvait s’autoriser à succomber à l’illusion qu’elle créait pour les autres, puisqu’il ne semblait rien attendre, puisqu’ils n’endossaient plus aucun rôle. Elle l’aurait laissé filé s’il en avait manifesté l’envie, mais le sentir répondre à son baiser, sentir son désir pressé contre elle ne fit que l’enhardir davantage. Pour la première fois de sa vie, elle se donnerait à un homme entièrement, sans attendre quoi que ce soit en échange, ni argent, ni promesse, ni faveur.

Et puis tout prit fin, brusquement. Elle se retrouva tout contre lui, dans une étreinte qui n’avait plus rien d’érotique. La surprise de la danseuse sembla jouer en faveur du loup car elle resta là, sans bouger, pendant de longues minutes. Le rythme de son cœur s’apaisa et la douleur qui le lestait jusqu’ici s’allégea comme si elle se retrouvait sous l’effet d’une drogue. Elle pensait savoir exactement ce qu’elle voulait lorsque ses yeux s’étaient posés sur lui, à savoir la seule chose qu’elle savait attendre d’un homme ; lui semblait avoir mieux compris, non pas ce qu’elle voulait, mais ce dont elle avait vraiment besoin. Parce qu’on ne guérissait jamais le mal par le mal.

Elle ferma les yeux, se laissa bercer par la douceur de ses caresses. Plus que la passion de leurs ébats, c’était peut-être le moment qui avait suivi qui l’avait le plus marqué la première fois. Elle le réalisait à présent. Il s’écoula encore de longues minutes – une éternité en réalité – avant que la danseuse esquisse un geste, laissant penser qu’elle avait fini par sombrer pour de bon. Lorsqu’elle se redressa pour lui faire face, son regard était trouble, confus, comme si elle ne parvenait pas à reconstituer toutes les pièces d’un puzzle.

- Qu’est-ce que tu fais ici ?
demanda t-elle doucement.

Le loup la regarda un moment dans les yeux avant de prendre la parole.

- Je pensais être capable de t'épargner le risque qu'il se décide à rester toute la nuit.
- « Il » ?
- Dario.

Comme si on l’avait immergée dans un bain d’eau glacé, tous les moments de la soirée lui revinrent aussitôt en mémoire, puis un moment en particulier ; une de ses mains vint toucher distraitement sa gorge. Il avait voulu serrer bien plus fort, elle l’avait vu dans ses yeux. L’aurait-il fait s’ils avaient été seuls ? Allait-elle craindre qu’il répète ce geste chaque fois qu’il passerait la porte de sa chambre à l’avenir ?

- Je pensais que tu étais monté avec une autre fille, finit-elle par dire. Je ne savais pas que tu étais ici comme…

« Comme client. »

La déception laissa très vite place à la honte. Elle imagina toutes les choses qu’elle lui aurait murmuré à l’oreille, toutes ses suppliques inavouables qu’elle aurait formulées s’il ne l’avait pas arrêtée. Heureusement qu’il l’avait fait, elle n’aurait pas aimé se sentir ridicule en plus du reste. Elle passa ses mains sur son visage, comme pour effacer ce qu’il avait vu d’elle quelques minutes auparavant ; peut-être pour y mettre un nouveau masque, le masque d’une femme que les humiliations à répétition n’avaient pas complètement brisée. Allait-elle seulement pouvoir être ce qu’il voulait qu’elle soit cette nuit ?

- Je suis désolée, si j’avais su… J’aurais pas bu autant.
- Pourquoi ? Tu as peur de te tordre la cheville en allant te coucher ? C'est à toi même qu'il faudra t'excuser demain si ça arrive.

Douce, calme, sa voix semblait vouloir la tirer des eaux noires et troubles dans lesquelles elle s’épuisait doucement. Elle peina à lui offrir le sourire qu’il méritait mais essaya malgré tout.

- J’imagine que ce n’est pas ce que tu t’attendais à trouver en venant ici…
- Je n'attendais rien de toi, détrompe-toi.

Tous les hommes qui passaient le pas de sa porte attendaient quelque chose. Cette fois, pourtant, elle était tentée de croire le loup lorsqu’il lui disait le contraire. Il n’avait peut-être plus son cheval blanc, mais il était toujours prompt à voler au secours d’une demoiselle en détresse. Le sourire qu’elle lui adressa fut un peu moins teinté de tristesse que le précédent, alors que sa main s’égara sur sa joue.

- Alors tu es venu juste pour me rattraper ? C’est…
Quelque chose à laquelle on ne l’avait pas habituée, jamais dans un contexte similaire en tout cas. Elle se pencha vers lui pour poser à nouveau sa tête contre son épaule, le nez presque dans son cou ; la chaleur de son corps l’appelait à se laisser aller, ce qu’elle ne pourrait faire pleinement qu’à une seule condition. Je dirai à Madame Vivianne de te rendre l’argent que tu as versé pour cette nuit.
- Je craignais que tu tombes du toit comme je l'avais envisagé…, dit-il calmement en reprenant les caresses dans son dos – elle en soupira de plaisir – puis il ajouta avec un sourire dans la voix : Laisse Madame Vivianne en dehors de ça, on risquerait de tous les deux se faire passer un savon.
- S’il te plaît. Reprends-le.

C’était presque une supplication. Elle ne voulait pas qu’il soit son client cette nuit. L’idée que de l’argent puisse distordre et salir ce qu’elle vivait avec sincérité lui donnait mal au ventre. Elle l’entendit soupirer discrètement, signe qu’il rendrait les armes sans insister davantage.

- Je le reprendrai, si tu y tiens, concéda t-il finalement. J'imagine que je vais donc devoir partir bientôt…

L’idée ne semblait pas enchanter le loup et il n’enchantait guère plus la danseuse qui passa doucement ses bras autour de lui. Elle n’avait jamais eu l’intention de le mettre à la porte, alors elle murmura :

- Reste.


La nuit les langues se délient  - Page 2 W69b10

Plus une goutte d’alcool, plus jamais. Comment avait-elle pu croire y trouver une réponse à ses problèmes et encore plus une béquille pour avancer malgré l’épuisement ? Épuisée, elle l’était, mais elle le fut encore plus ce matin-là. Ou peut-être était-ce simplement ce mal de tête qui lui donnait cette impression ? La lumière agressa immédiatement sa rétine lorsqu’elle ouvrit les yeux sur le plafond de sa chambre, elle ne se souvenait pas s’être endormie dans son lit. Elle n’eut pas la force de se redresser, elle roula simplement sur le côté pour chercher quelque chose du regard. Ou plutôt quelqu’un.

Et il était là, assis dans le seul fauteuil de la pièce, exactement comme la veille. Il donnait l’impression d’y avoir passé sa nuit mais elle se souvenait clairement s’être agrippé à lui lorsqu’il avait fini par la déposer dans son lit. Vaincu, il était resté tout près d’elle et elle s’était endormi au son des battements de son cœur. Elle ne savait pas depuis combien de temps il était réveillé ni depuis combien de temps il l’observait dormir mais elle fut tentée de lui dire d’oublier tout ce qu’il devait faire aujourd’hui pour simplement se recoucher près d’elle. Elle l’aurait peut-être fait si elle n’était pas attendue ailleurs, comme chaque matin.

- Merci… pour cette nuit.

Il n’y avait plus de peine dans le sourire qui étira ses lèvres. Les souvenirs de la veille étaient peut-être confus mais elle se souvenait clairement de la façon dont les rôles avaient été curieusement inversés, et comme il avait été là pour elle.

Le seul point noir restait cet affreux mal de crane, mais Annette devait bien avoir un remède miracle à lui donner ?
Daren Van Baelsar
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Ven 25 Fév - 20:10
Tout lendemain à la Belle-De-Nuit répétait une sempiternelle chorégraphie, depuis bien longtemps ancrée dans les mœurs. Les derniers buveurs quittaient le bar en premier, généralement ivres et fauchés, mais chantonnant encore les vestiges d'un moment d'égarement qu'ils regretteraient peut-être plus tard. En début de matinée, c'était au tour des clients ayant payé pour la nuit de défiler dans le couloir de l'étage, certains évitant de croiser leur voisin de chambrée et se cherchant des excuses dans les lattes du plancher, d'autres fiers d'avoir eu l'impression de rendre une femme heureuse par leurs fantasques performances. La nuit emportait avec elle les interdits et la débauche pour ramener tout le monde à la réalité, une réalité souvent dure à avaler, teintée de remords de la veille et de questionnements sur le lendemain.

Ce matin-là, la sérénade routinière dont il avait désormais un peu trop l'habitude sembla bien lointaine aux yeux de Daren. Réveillé aux heures prématurées du jour pendant lesquelles il s'en allait en temps normal, le loup solitaire avait été le seul à sortir de sa torpeur. Contre lui, la danseuse semblait encore loin de quitter le monde des rêves comme en témoignait un souffle régulier et son visage apaisé par le sommeil. Cette vision fit naître un sourire sur le visage embué de l'Ascanien, qui resta de longues minutes dans cette position, craignant de la tirer brutalement hors de son repos. N'ayant pas trop bu hier soir, il se rappelait exactement tout ce qui s'était passé, notamment le moment où elle avait opposé une certaine résistance à l'idée qu'il ne s'éloigne d'elle. Lui qui n'avait aucune certitude quant à son intention de rester s'était retrouvé allongé aux côtés de la danseuse jusqu'à ce que le sommeil les emporte tous les deux. Comme s'il avait veillé sur elle toute la nuit, le bras qu'il tenait enroulé derrière le dos de la jeune femme réajusta sa position pour que ses doigts effleurent à peine fois la peau dénudée de la danseuse, juste au dessus de sa robe qu'elle avait gardé, trop épuisée et ivre pour la retirer.

Ce fut finalement sur un mouvement de rotation qu'elle se dégagea naturellement de lui, émettant une complainte qui lui fit croire un instant qu'elle s'était réveillée. Il n'en était rien, elle dormait toujours paisiblement. L'Ascanien profita de l'occasion pour se lever. Considérant la pièce baignée dans la lumière naissante de la matinée, le loup resta un instant sur place à étirer son cou et ses bras pour chasser les derniers vestiges d'un sommeil plus profond qu'il ne l'aurait imaginé. Son regard avisa la porte au loin, celle qui mettrait fin à ce moment et qui le rappellerait à ses devoirs professionnels et familiaux. Pour la première fois cependant, il hésita à s'en approcher, jusqu'à ce qu'un regard vers le dos tourné de la danseuse encore enroulée dans les draps lui suggère que le moment n'était pas venu. Sans se poser plus de questions, il s'installa dans le fauteuil en silence.

Observer la danseuse ensommeillée fut un excellent moyen pour lui de ne pas se laisser ronger par ses remords habituels. Une fois n'est pas coutume, l'Ascanien ne ressentait pas ce mal être qui avait la fâcheuse tendance à refaire surface une fois la nuit passée. Bien sûr, il avait conscience que le fait de ne pas faire des folies de son corps n'était pas suffisant pour qualifier son attitude d'honorable, après tout, il avait malgré cela passé la nuit en compagnie d'une autre femme. Mais dans sa tête, quelque chose de plus doux s'était installé, le sentiment d'avoir bien agi en cherchant à s'assurer que la danseuse ne serait à personne ce soir. En y repensant, récupérer l'argent comme elle l'avait demandé l'excluait même lui du cadre de ce qu'était un client. Ainsi, ce soir-là, Lyhn avait souhaité qu'il soit à ses côtés, sans conditions financières. Cette idée tournait en boucle dans sa tête ce matin, responsable de cette absence de culpabilité qui l'animait. Plus détendu, Daren profita du silence pour tenir éloigné le fil de ses pensées, observant simplement la chevelure de la jeune femme cascader en désordre autour de sa silhouette délicate.

Lorsqu'elle se tourna finalement vers lui, Daren dissimula par réflexe ce sourire discret qu'il affichait, un peu comme s'il devait attendre d'être sûr que tout cela était bien approprié. L'expression apaisée lisible sur son visage ne pouvait cependant pas mentir, encore moins lorsqu'elle lui afficha un sourire.

- Merci… pour cette nuit.

Était-ce ce qu'il attendait ? Probablement pas, car ce remerciement le prit de court, si bien qu'il mit quelques secondes à comprendre en quoi il méritait une telle remarque. La soirée lui revint bien vite en mémoire, et le loup se fendit finalement d'un sourire qu'il ne put garder cacher cette fois. Ses yeux rencontrèrent ceux de la danseuse.

- J'en connais une qui a un pivert dans le crâne, je me trompe?
- Ce n'est pas un pivert, c'est... comme une harde de sangliers qui charge. Dit-elle en s'asseyant sur le lit, massant douloureusement ses tempes, Je ne sais pas comment fait Annette...
- Soit elle s'est habituée, soit elle à découvert les vertus de l'eau sur le corps. Mais visiblement elle ne communique pas tous ses secrets en une fois.

- De l'eau, oui...visiblement, elle venait de réaliser qu'elle était assoifée, C'est la seule chose que j'ai l'intention de boire à partir de maintenant.

Profitant du court silence qui s'était installé, la danseuse en profita pour reprendre la parole.

- Je ne tiens pas l'alcool mais personne ne l'avait remarqué jusqu'à maintenant. J'imagine que tu garderas mon secret, comme je garde le tien, n'est-ce pas ?

Le ton était à la taquinerie, à n'en point douter. Daren mima un froncement de sourcils contrarié, bien que son humeur témoigne du caractère feint de cette expression.

- Tu n'oserais pas raconter à tout le monde que j'ai vendu mon cheval, je n'ose le croire, danseuse.

Ce dernier mot sembla être prononcé d'une intonation plus affectueuse que Daren ne l'aurait voulu. De bonne humeur, les deux protagonistes semblaient prompt à se prêter à ce jeu de taquinerie bon enfant qui les animait ce lendemain d'une si atypique nuit. Tout en grognant par manque de courage, l'Ascanien se leva du fauteuil dans lequel il se sentait un peu trop bien pour ne pas regretter de le quitter. Il attrapa son chapeau et le vissa sur sa tête, prenant son manteau sur le bras également. Son regard se reporta sur la jeune femme.

- Je ne vais pas tarder à descendre, dois-je te dire au revoir tout de suite ou attendre que tu trouves le courage de venir avec moi?

En temps normal, cette question ne serait jamais parvenue jusqu'aux lèvres de Daren, qu'il eût envisagé l'idée ou non. Dès le matin, sa condition de client avait tendance à le frapper de plein fouet, l'incitant à se comporter tel quel afin de respecter l'espace vital de la femme qui avait été sa compagne de nuit. Aujourd'hui, cette sensation était si différente que l'Ascanien s'était permis de penser autrement, car cette fois, il n'était pas un client.

- Je dois rentrer chez moi aussi alors... Si tu me laisses le temps de m'habiller...

Silencieusement mais un air satisfait sur le visage, Daren acquiesça d'un bref signe de tête, ajustant machinalement son couvre-chef sur sa tête. La danseuse s'extirpa finalement de son lit, non sans continuer à tenter de chasser le concerto de percussion qui la tiraillait du bout de ses doigts plaqués sur ses tempes. L'Ascanien la suivit machinalement du regard lorsqu'elle passa devant lui, laissant flotter cette odeur caractéristique de cannelle qui ne semblait jamais la quitter. Sans prêter attention à lui, la jeune femme laissa tomber sa robe déjà partiellement desserée au sol, se retrouvant en sous vêtement en quelques secondes.

Réalisant qu'il la regardait toujours à cet instant, Daren tourna pudiquement les yeux, se sentant un peu idiot de s'être laissé hypnotiser comme ça par l'élégance naturelle de la danseuse. Ironiquement, le loup se sentit également gêné face à cette œillade involontaire, après tout, il n'avait pas été là pour ça ce soir, autant que ça continue. Il ne put empêcher son esprit de divaguer épisodiquement sur ces mordillements d'oreille de la veille qui avaient manqué de le faire chavirer vers l'expression de ses désirs charnels incontrôlés. Tandis qu'elle s'habillait dans son coin, Daren enfila lui aussi son manteau et en lissa les faux plis, pour finalement réajuster une énième fois son chapeau sur sa tête.

Elle le rejoignit quelques minutes plus tard et tous deux descendirent au rez-de-chaussée.

Lyhn n'avait pas perdu de temps pour aller trouver madame Vivianne. Était-elle pressée de s'assurer que Daren récupérerait bel et bien son argent? Possiblement. Le loup solitaire s'était installé non loin de la porte d'entrée grande ouverte, profitant des rayons de soleil qui pointaient au loin. La conversation semblant prendre un peu de temps, l'Ascanien s'évita les regards indiscrets et alluma sa pipe pour s'occuper les mains. L'idée de récupérer son argent ne l'enchantait pas tant que ça. D'un côté, il avait assez vite comprit les raisons derrière la supplication de la danseuse, de l'autre, il savait que l'argent qu'il récupérerait serait probablement déduit du solde que toucherait Lyhn au moment du paiement, or il y avait fort à parier que ce n'était pas une nouvelle très appréciable pour une personne venue à vendre son corps pour de l'argent. Lui avait été capable de mettre de côté cette idée que l'argent entrait en ligne de compte dans leur soirée d'hier, mais ce n'était pas le cas de la danseuse, et en cela Daren ne s'autorisa pas d'insister plus encore, respectant le choix qui était le sien.

Elle revint finalement à ses côtés, tendant vers lui une bourse de pièces correspondant à la somme qu'il avait dépensée, déduite du coût de la chambre pour la nuit et de ce qui n'avait éventuellement pas encore été payé. Daren ne s'en offusqua pas, il était évident que la part qu'il récupérait était celle qui revenait à Lyhn, comme il s'y attendait. Mais soit, telle était la volonté de la danseuse. Aucun des deux protagonistes ne sembla vouloir s'attarder sur cet évènements, ce qui ne fut pas le cas en revanche de Prisca qui apparut dans le dos de l’ascanien et qui se mit à glousser tout en dirigeant son regard vers Lyhn.

- Je comprends mieux pourquoi ta chambre était si silencieuse cette nuit. Son regard se tourna vers Daren, devenant subitement un peu plus enjôleur, Si tu veux qu'on s'occupe bien de toi la prochaine fois, viens me voir.

Daren haussa les sourcils tout en observant la nouvelle venue. L'attitude de Prisca était prévisible, bien que Daren aurait souhaité ne pas la croiser et profiter de ce moment de calme matinal inespéré. Le remarque n'eut en revanche pas l'effet escompté et l'Ascanien se fendit d'un sourire un peu moqueur.

- J'espère que tu auras apprit à danser, d'ici là...

Cette phrase prononcée avec amabilité et calme fit disparaître un instant le sourire de Prisca pour laisser entrevoir une frustration qu'elle dissimula aussi sec derrière ses faux airs habituels. La taquinerie n'avait pas vocation à être réellement méchante, c'était indéniable, mais remettre à sa place une personne un peu trop sûre d'elle était un jeu auquel Daren aimait se prêter quand l'occasion se présentait. Et cette fois, l'occasion était trop belle pour déroger à la règle. Vexée mais digne, Prisca s'en alla en feignant un petit rire se voulant charmeur. Daren quant à lui l'observa ruminer sa colère en s'éloignant, un sourire un brin moqueur sur le visage.

Reportant son attention sur la danseuse, l'Ascanien se détacha de l'encadrement de la porte sur lequel il s'était appuyé et fourra la bourse dans sa poche avant d'éteindre sa pipe. Il s'orienta alors vers la sortie, tournant ensuite la tête vers la danseuse encore à ses côtés. Pendant quelques secondes, une hésitation se lisait dans son visage. Avancer vers la rue signerait probablement la fin de cet égarement qui avait été leur, un moment bien différent de tout ce que Daren avait vécu à la Belle-de-Nuit, un événement dont il peinait à se détacher. Il prit finalement la parole d'une voix mesurée et calme.

- Je vais par là, dit-il en illustrant ses propos d'un signe de tête, et toi?

Cette phrase sous-entendait assez clairement la proposition que Daren faisait à la danseuse. Visiblement, il n'était pas encore prêt à laisser filer cette complicité qui les avait animé, et s'il pouvait exceptionnellement s'autoriser encore quelques instants au-delà de la nuit avant de devoir reprendre le cours de son existence, alors pourquoi s'en priver? Ce qu'il espérait évidemment ici, c'est qu'elle parte dans la même direction que lui.
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Dim 27 Fév - 2:02
La matière spongieuse qui lui servait de cerveau était sur le point de s’écouler par ses yeux, pourtant elle gardait des souvenirs relativement clairs de la veille ; aussi l’idée de laisser le loup s’éclipser sans lui rembourser ce qu’elle lui devait la força à presser le pas pour descendre dans la salle commune où plusieurs résidentes prenaient déjà leur repas. Annette fut la première à l’accueillir sur le pas de l’escalier, comme si elle avait anticipé l’état dans lequel serait la danseuse après leur soirée. Elle avait dans la main un verre rempli d’une curieuse mixture dont ni la couleur ni l’odeur n’inspirait confiance.

- Tiens, bois ça.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Pose pas de questions, t’as pas vraiment envie de savoir. Et tu me remercieras plus tard.

Plus tard, peut-être, mais sur l’instant Lyhn avait surtout eu envie de lui rendre ce charmant cadeau sur les pieds. Elle fut incapable de prononcer le moindre mot pendant la minute qui s’écoula et se questionna longuement sur le degré de confiance qu’elle accordait à la blonde pour accepter d’avaler ce qu’elle lui donnait sans réfléchir et si tout cela était bien raisonnable. Satisfaite, Annette lui adressa un sourire suivi d’un clin d’œil avant de disparaître.

Lorsqu’elle arriva à hauteur de Madame Vivianne, elle n’osa pas réclamer plus que sa part. Elle connaissait les règles, et les frais annexes n’étaient pas quelque chose qu’elle pourrait espérer voir revenir dans la poche du loup. Il y avait toujours une grosse différence entre le montant qu’un client payait et ce que recevait réellement une résidente à la fin ; il fallait déduire le prix de la chambre qu’elle louait, le prix des repas qu’elle prenait – et la maquerelle veillait à ce qu’elles mangent toutes correctement – les herbes contraceptives ainsi que la marge que se faisait la maison pour continuer de prospérer.

À moins que l’Ascanien ne décide de faire un esclandre parce que la fille avec qui il avait passé la nuit était trop ivre pour faire quoi que ce soit et avait poussé l’affront jusqu’à s’endormir sur lui… Mais c’était peu probable. Le loup avait accepté de reprendre l’argent, pas de jouer la comédie devant tout le monde. Et puis Madame Vivianne lui rétorquerait certainement qu’il aurait dû se manifester plus tôt et qu’il avait malgré tout profité de la chambre toute la nuit. Qu’importe, l’argent qu’elle tenait à lui rendre était symbolique après tout.

Un poids s’allégea de sa poitrine lorsqu’elle lui tendit la bourse, il l’accepta sans rien dire et l’affaire sembla close. C’était sans compter sur l’intervention de Prisca, et si Lyhn était trop épuisée pour avoir de la répartie ce matin-là, ce ne fut pas le cas de son compagnon de la nuit. La danseuse dut se mordre les joues pour ne pas trop sourire quand la volcanique brune s’éloigna d’eux avec un air vexé qu’elle ne parvenait pas à contenir tout à fait. C’était la deuxième fois qu’il l’envoyait balader et c’était toujours aussi divertissant.

Dehors, la grisaille du ciel lui sembla bien plus éblouissante qu’elle n’aurait dû l’être.

- Je vais par là, et toi ?
- Moi aussi.

Il y eut un instant de flottement, comme si l’un et l’autre se demandaient si la collision de deux mondes qui ne sont pas censés se rencontrer aurait finalement lieu. Presque timidement, ils entamèrent leur marche, côte à côté, dans les rues cette fois bien réveillées des bas quartiers. Il y avait tellement de brouillard ce jour-là que c’était comme avancer dans une purée de pois, mais ce n’était pas pour cette raison qu’ils cheminaient lentement.

- Je vais en entendre parler pendant des mois… Elles vont toutes croire que je t’ai vomi dessus, ou quelque chose comme ça.

En vérité, les railleries de Prisca ne l’atteignaient jamais beaucoup, c’était simplement une façon d’aborder un sujet de conversation qui ne soit pas trop sérieux, comme si elle n’avait pas vraiment envie de parler de ce qui était réellement important. Pas immédiatement.

- Tu pourras te consoler lorsque tu verras Prisca s'essayer à la danse. Et puis, au pire, tu dis que le problème venait de moi, répondit-il sur le même ton décontracté.

Avouer qu’un client avait eu un petit problème pour hisser la voile, cela ne revenait pas à dire que l’on avait mal fait son travail ? La danseuse masqua son sourire dans sa veste, tandis qu’elle rentrait la tête dans ses épaules pour conserver un peu de chaleur.

- Tu serais prêt à ternir ta réputation pour sauver la mienne ? Quelle générosité.
- Allons allons, vu que vous semblez toutes vous être passé le mot pour m'affubler du titre de chevalier servant, je n'ai plus rien à prouver.

Elle se mit à rire. Elle n’était pas sûre d’avoir passé le mot à qui que ce soit à ce sujet ; si d’autres filles avaient eu la même idée, c’était peut-être parce que le loup se comportait un peu trop souvent comme un chevalier servant.

- Peut-être parce que c’est un titre qui te va bien ? Il poussa une sorte de grognement, sceptique, et elle marqua un silence avant d’ajouter. Personnellement, ce n’est pas celui que je t’ai donné…
- Ai-je le droit de savoir ? Ou est-ce un secret inavouable que tu emporteras avec toi pour toujours ?

Elle fit mine de réfléchir, un sourire au coin des lèvres. Elle n’avait plus jamais employé son vrai nom depuis leur première rencontre, et même lorsqu’elle pensait à lui elle évitait toujours de le formuler dans sa tête, parce qu’elle avait peur de commettre un impair s’il devenait un peu trop familier pour elle.

- Je te le dirai peut-être un jour, finit-elle par dire.

Ils continuèrent leur chemin un moment en silence et le visage de la danseuse se fit de plus en plus sérieux ; elle se résignait doucement à parler de ce qui la contrariait réellement.

- À propos d’hier soir… Je comprendrai que tu m’évites lorsqu’il est là. Dario, je veux dire.

Le visage du loup adopta la même mine sérieuse dès que le nom de Dario fut prononcé.

- Je n'ai pas spécialement envie de me priver de venir te voir. Je redoute surtout qu'il cherche à te nuire s'il nous imagine trop proche.
- Il se tiendra peut-être un peu plus tranquille maintenant, répondit-elle sans avoir vraiment l’air d’y croire. Je crois que l’homme pour qui il travaille, le balafré, n’aime pas trop comment il se comporte lorsque je suis là. Elle s’efforça de sourire. Au moins quelqu’un le remet à sa place de temps en temps, ça ne lui fait pas de mal.
- Méfie toi de cet homme... S'il est capable de remettre un trublion comme Dario à sa place d'une simple main sur l'épaule, c'est qu'il en impose, d'une manière ou d'une autre.

Lyhn se doutait bien que l’homme pour qui travaillait Dario n’était pas un enfant de chœur ; malgré tout, le ton très sérieux qu’avait pris le loup la surprit quelque peu. Elle lui jeta un coup d’œil à la dérobée pour constater qu’il semblait encore plus tendu à l’idée d’évoquer le balafré que Dario et que son avertissement se voulait très sérieux. Elle reporta son attention sur la route, confuse.

- C’est vrai qu’il me donne des frissons parfois, mais au moins lui ne m’a jamais fait de mal.

Le loup tourna la tête vers elle, pour la première fois depuis qu’ils marchaient côte à côte, et semblait tout à coup vouloir sonder son âme.

- Et Dario, il t'a fait du mal ?

Une fois de plus, elle eut ce réflexe inconscient de porter sa main vers sa gorge, sans toutefois aller au bout du geste. Les événements de la veille lui semblaient plus dérisoires maintenant que la nuit était passée. Comme chaque fois qu’elle vivait les choses un peu trop mal, son cerveau semblait se mettre en stase, atténuant tout ce qu’elle pouvait ressentir.

- Non, il… Il sait qu’il n’a pas le droit. Je voulais dire… Les mots peuvent être violents eux aussi.

Cette réponse sembla convenir à l’Ascanien qui reporta son attention sur la route.

- Parfois, il y a quand même des baffes qui se perdent…


Elle sourit, plus pour elle-même que pour lui, mais ne surenchérit pas. Les chances que Dario finisse par connaître une fin prématurée étaient importantes, après tout. Les petits chefs de gang de son calibre n’étaient pas destinés à vivre très vieux. Il finirait par énerver la mauvaise personne, un jour, et un autre prendrait sa place, comme à chaque fois. Elle réalisait seulement maintenant à quel point la situation l’épuisait pour qu’elle en vienne à souhaiter la mort d’un homme…

- Un jour, tout sera différent, dit-elle soudain, comme pour chasser les sombres pensées qu’elle venait d’avoir. Je ne compte pas passer ma vie dans cet endroit. Je voudrais danser et… pourquoi pas chanter aussi. Son sourire se fit rêveur à l’évocation de cette possibilité, et la suite sonnait presque comme une promesse qu’elle se faisait à elle-même : Un jour

Elle finit par ralentir lorsqu’elle constata que le loup prenait naturellement une direction qui n’était pas la sienne et ils s’arrêtèrent tous deux au milieu du carrefour qui les renverrait chacun à leur vie respective.

- Je vais par là.
- Et moi de l'autre côté.

Un autre instant de flottement.

- Tu penses pouvoir supporter les railleries de tes camarades si jamais je reviens te voir un jour ?
- J’ai les épaules solides, répondit-elle en souriant, faisant quelques pas en arrière pour s’engager dans la rue opposé à la sienne. Pas une seule fois elle ne le quitta du regard. Peut-être qu’on pourra reprendre notre conversation où on l’avait laissée, celle au bar je veux dire.

Cela aussi sonnait comme une promesse. Le sourire qu’il lui adressa en retour était emprunt d’une tendresse qu’il ne montrait pas souvent.

- J'espère bien, prends soin de toi, Danseuse, dit-il en ajustant son chapeau pour la saluer.

C’était la deuxième fois qu’il l’appelait comme ça. Et c’était sans doute la plus jolie façon de parler d’elle.
Daren Van Baelsar
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Jeu 3 Mar - 23:32
La clémence de cette fin de matinée automnale n'était pas pour déplaire à Daren qui sentait peu à peu les rayons du soleil réchauffer son manteau. Replaçant machinalement son chapeau, l'Ascanien progressait dans la rue qu'il venait d'emprunter sans se presser, presque tenté de se retourner pour vérifier que la danseuse qu'il venait de quitter n'était pas en train de l'attendre pour lui demander de rester un peu plus longtemps. Cette pensée le fit sourire à l'ombre de son couvre-chef, tant il réalisait qu'une simple conversation était parfois capable d'égayer une journée. Visiblement, la danseuse était encore plus déroutante qu'il ne l'avait envisagé la première fois qu'il avait posé les yeux sur elle.

L'appréhension du retour chez lui n'était pas aussi entêtante que d'habitude - peut-être que le caractère platonique de cette soirée y était pour quelque chose - et pourtant Daren ne prit pas la direction de sa demeure tout de suite, bifurquant dans une rue différente lorsqu'il arriva dans son quartier. Ce choix de ne pas rentrer n'avait pour une fois rien à voir avec une quelconque culpabilité, s'il ne rentrait pas, c'était surtout parce qu'à cette heure de la journée personne ne se trouvait à son domicile. Lysandra était très probablement partie aider son père à la boutique, comme elle le faisait souvent lorsque Hélène n'avait pas classe, l’emmenant avec elle. L'idée de profiter d'un moment de calme chez lui, aussi tentante soit-elle, n'avait pas enjaillé l'Ascanien plus que ça. Il prit assez naturellement la direction de la petite église qui servait d'office religieux à sa famille et à ses voisins de quartier.

Pas bien grande et loin d'égaler la taille des plus grandes demeures de Providence, l'église du père Rodrick semblait malgré tout solidement soutenue par ses murs de pierre épais et robustes. Leur couleur, autrefois blanche, tirait aujourd'hui sur un gris clair qui renforçait cette sensation monolithique, témoin d'une résistance aux affres du temps et des intempéries. La pointe de l'unique tour abritant le clocher s'élevait quelques mètres au-dessus de la toiture à l'arrière de la bâtisse, laissant apparaître la lourde cloche aux reflets dorés ternie par l'âge. Les abords de l'office, entretenus avec un soin tout particulier par le père lui-même, étaient ceint par un espace vert proprement délimité et divisé en plusieurs parcelles par des chemins de graviers. Ça-et-là apparaissent des parterres de plantes et arbustes de taille moyenne, tous presque intégralement dénudés de leur feuillage en cette période de l’année. Daren appréciait l'endroit, se sentant presque à chaque fois emprunt d'une vague de sérénité lorsque ses chaussures foulaient les chemins de la cour.

Lorsqu'il arriva devant la porte à la voûte arrondie surmonté d'une gravure sommaire, l'Ascanien ne s'arrêta pas et s'adossa finalement juste à côté, contre le mur de la bâtisse. Tout en fredonnant cet air qui ne quittait plus sa tête depuis hier à voix basse, il sortit de sa poche de quoi préparer sa pipe, qu'il alluma dans la foulée. Hors de question d'enfumer l'église, telle était l'une des règles du père Rodrick, une règle qui s'appliquait d'ailleurs généralement à tout office religieux. Les yeux perdus dans ce ciel dénué de nuage, l'Ascanien continua de marmonner sa chansonnette sans se préoccuper du monde autour de lui. Ce n'est qu'après de longues minutes qu'il fut tiré de ses ruminations par une voix non loin.

- Cela fait bien longtemps que je ne t'avais pas vu de si bonne humeur mon garçon. Serait-ce pour cela que Providence eût la bonté de nous offrir un temps si radieux ?

Daren cessa de marmonner et son sourire disparut un instant dans l'ombre de son couvre-chef. Il tourna la tête vers le nouveau venu et plongea son regard dans celui du père Rodrick. D'un geste ironique, l'Ascanien baissa la tête en faisant un geste de main devant lui.

- Pardonnez-moi mon père si j'ai péché...Que Providence me châtie pour cette discorde.
- Pourrais-tu arrêter de voir le mal partout et prendre mes dires comme un compliment ? Je ne voudrai pas qu'il se mette à pleuvoir.

Le ton entre les deux hommes aurait pu paraître tendu d'un œil extérieur. Pourtant, il apparaissait dans leurs regards qu'aucun d'entre eux ne prenait réellement au sérieux cette conversation. D'ailleurs, si l'on observait de plus près, il était possible de remarquer que Daren peinait à dissimuler ce sourire qu'il s'était efforcé de masquer avant de répondre au père Rodrick. L'homme d'église demeurait impassible, mais ses yeux témoignaient une bienveillance qu'il aurait été difficile de cacher. Après un léger silence pendant lequel les deux hommes prirent le temps de se jauger, le père Rodrick prit finalement à nouveau la parole.

- Si tu es venu pour t'occuper l'esprit, sache que la toiture de l'église va bien et que les murs ne menacent pas de tomber. En revanche, tu peux peut-être m'aider à ranger un peu.
- Si on t'écoute vieil homme, il n'y a jamais rien à faire, jusqu'à ce que tu dise qu'il y a finalement quelque chose.

Malgré la remarque et le silence qui s'en suivit, Daren emboita le pas du prêtre et entra dans l'église. Les pas des deux hommes se répercutèrent dans l'espace vide de la nef, soulignant le calme qui régnait en maître en ces lieux lorsque personne ne s’y trouvait. Daren observa la voûte de ce plafond qu'il avait contemplé maintes et maintes fois par le passé, éprouvant toujours une certaine fascination dans la complexité des motifs que dessinait la pierre aux formes arrondies. Sans un mot d'abord, il se mit au travail, replaçant les bancs en bois ayant été déplacés par des pratiquants le matin-même. Le père Rodrick aimait que tout soit bien ordonné, ainsi le loup s'appliquait à ne pas laisser une seule rangée en désordre. Il suivit ensuite le père dans d'autres tâches aussi banales que reposantes.

- Bien que je salue ta bonne humeur, tu m'as l'air bien fatigué, ton travail te fait-il courir toute la nuit dans la ville à nouveau?

L'Ascanien hésita un instant, laissant échapper un grognement mécontent face à cette question.

- Plus ou moins...Disons que je me retrouve à écumer les bas quartier surtout, c'est usant parfois.
- Tu n'es pas rentré chez toi cette nuit encore ?

L'image de la danseuse s'agrippant à lui tandis qu'il tentait de la déposer dans son lit pour qu'elle puisse dormir paisiblement lui revint en tête, le faisant sourire discrètement.

- Non. J'ai...passé la nuit où je pouvais.

Sans vraiment s'expliquer pourquoi, Daren se sentait toujours incapable de mentir en bloc face à cet homme qui avait jadis été en charge de son éducation religieuse. Généralement, l'Ascanien s'arrangeait pour atténuer au maximum la réalité, quitte à omettre les détails les plus marquants des évènements relatés. Peut-être était-ce parce que ses questions, aussi intrusives et piégeuses qu'elles puissent être, ne relevaient jamais d'un jugement réel sur ses actes. Cet attitude qu'avait le père avec lui l'avait même amené à se confier parfois sur ses problèmes de couple, et sur ses infidélités...

- Fais attention à ne pas t'épuiser tout de même...

Encore une fois, cette remarque simple n'ayant pas vocation à montrer du doigt son attitude déraisonnable vis à vis de sa famille fut grandement appréciée par Daren.

- Ne t'inquiète pas, j'ai les jambes solides et des nerfs à toute épreuve.
- Providence veillera sur toi, mais cela ne te rend pas invincible.

L'espace d'un instant, Daren se demanda si Providence avait été également à l'origine de cette étrange soirée, et de cette agréable rencontre. Après un nouveau silence, le père changea de sujet, comprenant qu'il n'était pas bon d'insister auprès du loup solitaire.

- Elle à été exemplaire ces derniers jours, et elle apprend aussi vite que toi à, l'époque.
- Faut bien qu'elle ait hérité quelque chose de moi, autre que ma mauvaise humeur tu ne crois pas?
Répondit-il, comprenant aisément de qui parlait le prêtre.
- Viens donc la voir pendant une leçon, je crois que ça lui ferait plaisir.

Et comme d'habitude, les paroles du vieil homme raisonnèrent dans sa tête sans que le loup ne trouve rien à y redire, tant elle était empreinte d'une certaine réalité.

La nuit les langues se délient  - Page 2 W69b1010

Ces quelques heures passées en compagnie du père Rodrick avaient été bénéfiques pour l'humeur du loup, lui permettant de ne pas retomber dans ses travers de culpabilité et de ruminations inutiles pour le moment. L'après-midi était à moitié entamée lorsque Daren poussa finalement la porte de sa demeure. Malgré ses petits détours multiples, il était arrivé en premier comme en témoignait le calme qui s'imposait à ses oreilles. Il se débarrassa de son manteau et de son couvre-chef pour se rendre dans le salon. Malgré toute l'appréhension qu'avait pu être le retour à la maison, il se sentit soulagé de pouvoir s'installer confortablement dans un fauteuil non loin de la cheminée depuis trop longtemps éteinte. Après quelques minutes à observer le plafond, la fraîcheur de la maison et la disparition progressive des rayons du soleil le décidèrent à débarrasser la cheminée des vestiges du dernier feu et il se rendit ensuite dans la réserve pour s'enquérir de quelques bûches sèches qu'il entreposa dans l'âtre. Il resta ensuite un long moment debout à contempler les flammes grandissantes qui naquirent devant ses yeux.

La porte d'entrée ne tarda pas à s'ouvrir, faisant raisonner son grincement caractéristique d'un léger manque d'entretien. Daren tendit l'oreille jusqu'à entendre un son qui lui réchauffa le cœur en même temps que les flammes réchauffaient la pièce. Ce son, c'était celui de pas léger courant à travers le couloir en direction du salon. Probablement qu'Hélène avait remarqué le chapeau de son père, soigneusement posé sur le meuble d'entrée, et qu'elle courait désormais à sa recherche. La vision de la tête blonde de sa fille dans l'encadrement de la porte confirma ses soupçons en même temps qu'un sourire s'étirait sur le visage de la jeune fille. Daren répondit également d'un sourire lorsqu'Hélène se précipita vers lui pour l'enlacer. Au dernier moment, il se baissa pour se placer à sa hauteur, la prenant dans ses bras en laissant échapper un souffle à l'impact de sa fille contre lui. Sans effort, il la souleva de terre en la gardant dans ses bras tandis qu'elle s'agrippait à lui.

Ce ne fut que lorsqu'il la posa par terre que la jeune fille prit la parole, les deux poings sur les hanches et mimant un air contrarié.

- Enfin tu es rentré ! J'ai failli attendre !

Voyant que la bonne humeur était au beau fixe et que cette remarque, bien que partiellement vraie, ne relevait d'aucune animosité, Daren afficha un nouveau sourire, prenant ensuite un air coupable en passant une main dans son dos. D'un geste élégant, il se fendit d'une révérence

- Je plaide coupable, madame la juge, je vous implore bien bas de me pardonner !
- J'espère que tu as une bonne excuse !

Pendant un instant, Daren trouva très ironique de voir que cette conversation aurait bien pu avoir lieu avec la mère de sa fille, sur un ton bien moins enjoué que celui-ci.

- Figurez-vous gente dame que oui, j'ai une bonne raison...

Faisant mine de fouiller, Daren sortit de sa main dans le dos une fleur aux pétales blanches entourant un coeur jaune vif, ultime représentante d'un parterre de fleur de l'église disparu depuis la venue de l'Automne. Montrant la fleur devant lui, Daren observa avec une certaine tendresse dans le regard les yeux émerveillés de sa fille qui -comme beaucoup de gamine de son âge certainement- adorait les fleurs. Tout en la laissant observer la fleur, Daren posa un genoux à terre devant sa fille.

- Le père Rodrick m'a demandé de remettre cette fleur à la plus brillante et la plus appliquée des élèves qu'il ait vu depuis longtemps. Je m'en vais donc de ce pas remplir ma mission et vous remettre cette médaille d'honneur, gente dame.

Les yeux de la jeune fille s'illuminèrent plus encore lorsque son père s'approcha pour attacher avec un soin tout particulier la fleur à la barrette logée sur la gauche de ses cheveux. Daren déposa ensuite un baiser sur le front de sa fille qui en profita pour l'enlacer à nouveau, visiblement satisfaite de son cadeau.

C'est en relevant la tête que Daren put constater que Lysandra observait la scène à l'entrée de la pièce, en silence. Le regard qu'elle lui adressa n'avait rien de spécialement engageant, mais elle ne trahissait pas non plus de colère, ce qui rassura quelque peu Daren, peut-être à tort...Dans tout les cas, elle se contenta de rester silencieuse et laissa au père et à sa fille leur moment de complicité.

Ce n'est que plus tard, lorsqu'Hélène fut couchée, que Lysandra vint s'asseoir en face de son mari, près de cette cheminée dont les flammes semblaient encore capable de danser pendant quelques heures. Daren observa son épouse en silence, ne sachant pas vraiment sur quel pied danser face à la conversation qui allait arriver.

- Tu es vraiment passé voir le père Rodrick?
- Oui, c'est lui-même qui m'a dit qu'elle avait bien travaillé.
- Hmm...

La pression ne monta pas, bien que le silence qui suivit cette affirmation fut quelque peu pesant. Évidemment, il était difficilement envisageable que la conversation s'arrête là. Au moins, Daren était suffisamment détendu pour se sentir capable de ne pas s'énerver.

- Mais tu n'as pas passé la nuit à l'église non plus...
- Non, j'ai été pris par le travail...
- Que ça soit réellement le travail ou pas...je m'en moque un peu cette fois...Elle marqua une pause et plongea son regard dans celui de son mari, Tu as vu la joie dans son visage quand elle t'as vu ? Tu as vu à quelle vitesse elle à couru en voyant tes affaires dans l'entrée ?
- Je vois très bien où tu veux en venir, alors venons en au fait. Oui, j'aurais peut-être dû rentrer, mais je sais très bien comment se serait passé la soirée.

Le ton de Daren était ferme, pourtant aucun des deux protagonistes ne sembla vouloir hausser le ton, pas ce soir. Au fond de lui, il sentait que la mention de sa fille n'était pas aussi sincère que Lysandra voulait le faire croire, et l'attitude presque prédatrice qui se lisait épisodiquement dans le regard de l'Ascanienne ne démentait en rien cette suspicion.

- Et comment ?
- Je serais arrivé trop tard pour la voir avant qu'elle dorme, et tu me l'aurais clairement fait remarquer à mon retour.
- Devrais-je faire comme si de rien était et te féliciter pour ton absence ? Commence par te comporter correctement avec nous, si tu veux que je ne sois pas en colère contre toi.

Daren poussa un profond soupir en tournant la tête vers les flammes, laissant ses yeux s'hypnotiser par la lueur dansante incandescente qui réchauffait la pièce, pourtant devenue soudainement glaciale. Comme pour le préserver du conflit, cet air qu'il avait chantonné s'imprégnait dans sa tête à nouveau. Cette fois en revanche, des images lui revinrent également à l’esprit, des images plus ou moins précises fusionnant peu à peu avec les flammes. Des images de la danseuse, lui souriant avec une sincérité qu'il n'était pas prêt d'oublier. Sentant qu'il n'était pas vraiment approprié de divaguer à cet instant, l'Ascanien tourna la tête à nouveau vers Lysandra, la regardant avec un air toujours dénué de toute animosité.

- J'irai la chercher à l'église demain et pendant quelques jours ensuite. Je vais...essayer de passer du temps ici.

Aucun sourire ne s'afficha sur le visage de Lysandra, au contraire, son expression se fit un instant plus sombre, à la limite de la tristesse.

- Exception faite de Providence, je ne crois qu'en ce que je vois, tu le sais très bien.

Sans un mot de plus, l'Ascanienne se leva du fauteuil, laissant Daren seul avec un silence uniquement ponctué par le craquement des bûches incandescentes dans la cheminée. Quelques minutes après le départ de son épouse, le loup se leva pour aller chercher sa pipe dans son manteau. Il revint prendre place dans son fauteuil pour y allumer sa pipe sans bruit. Longtemps dans la soirée, il se laissa divaguer au gré de ses pensées, ne se refusant pas de chercher du réconfort auprès des souvenirs positifs qui avaient animé cette longue journée.

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Début de soirée | La Belle de Nuit | Bas-quartiers Amaranthis  | An 82, 2eme mois d'automne, jour 25

Dans un travail comme celui de Daren, s'arranger pour travailler sur une plage horaire plus conventionnelle était envisageable jusqu'à une certaine limite. Malheureusement pour sa vie de famille, les obligations reprenaient bien vite leurs droits et il ne fallut pas plus d'une petite dizaine de jours pour que le loup soit de nouveau rendu à arpenter les rues les plus sordides de Claircombe à la tombée de la nuit. Travailler un temps de jour avait eu au moins l'avantage de tempérer l'ambiance délétère au sein du domicile familial. Daren en avait profité également pour changer un peu son fusil d'épaule, étudiant notamment l'activité diurne de sa cible prioritaire, le fameux Vex.

Ce soir-là en revanche, ce n'était pas lui qui l'avait mené dans le quartier de la belle-de-nuit. Quelques heures plus tôt, l'Ascanien avait fait arrêter dans le quartier d'à côté un antiquaire soupçonné de vendre sous le manteau des produits prohibés. Une affaire qui n'avait guère duré plus de quelques jours avant que le loup ne referme ses crocs sur sa proie, prise la main dans le sac. Après l'avoir confié aux autorités, l'Ascanien était retourné inspecter le local qu'utilisait le gredin pour vérifier que l'homme ne cachait pas d'autres casseroles plus graves encore. C'est presque déçu qu'il était sorti sans preuves supplémentaires de la bâtisse, finissant ainsi sa journée sur la palier d'une porte qui n'était pas la sienne.

Instinctivement, il fut tenté de prendre la direction de son domicile, mais la rue traversante dans laquelle il se trouvait trouvait en son extrémité proche un accès à la ceinture extérieure du quartier Amaranthis, un lieu qu'il connaissait désormais trop bien. Il resta un long moment immobile à observer l'avenue, réalisant sa propre faiblesse face à ses tentations. Et comme à chaque fois, il finissait par penser à l'inévitable conflit l'attendant chez lui, ultime réflexion le poussant à considérer l'idée de repousser son retour à la maison. Qui plus est, à cette heure-ci, Hélène dormait déjà...

C'est donc d'un pas décidé qu'il s'engagea le long de l'enceinte extérieure de la ville, faisant fi des gredins et traîne-savates qui prenaient peu à peu possession de la rue. Vigilant malgré tout, il veillait à ce que personne ne tente de le détrousser à son insu. A l'approche du bordel, ses pensées se dirigèrent instinctivement vers la danseuse, et l'envie d'avoir quelques nouvelles d'elle acheva définitivement toute idée de faire demi-tour lorsque son sourire lui apparut à nouveau en tête. Comme s'il était nécessaire d'être prudent face aux désagréments possibles d'une soirée à la Belle-De-Nuit, Daren s'efforça de se remémorer ses derniers échanges avec Vex, mais aussi et surtout ceux avec Dario, bien que cela ne l'enchante guère...

Il arriva finalement devant la porte de l’établissement de plaisir, devant laquelle il prit une profonde inspiration, comme à son habitude, comme s’il jaugeait une dernière fois le bien fondé de sa présence en ces lieux. Quelque secondes plus tard, il poussa la porte et pénétra à l’intérieur.
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Lun 7 Mar - 10:48
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Début de soirée | La Belle de Nuit | Bas-quartiers Amaranthis | An 82, 2eme mois d'automne, jour 25

L’heure qui précédait l’ouverture de la Belle-de-Nuit était peut-être plus animée que les milieux de soirée ; la musique était remplacée par le bruit incessant des talons qui dévalaient les escaliers de l’établissement et les rires gras des clients par les réglementaires crêpages de chignon pour savoir qui était la dernière à avoir emprunté tel châle ou utilisé tel fard ou tel parfum. Chacune avait ses petits rituels, Prisca passait des heures devant son miroir à se convaincre qu’à la lueur d’une chandelle elle paraissait bien sept ans de moins, Annette avalait un verre ou deux pour supporter d’écouter ses clients se plaindre de leurs journées et Fiona changeait de robes trois ou quatre fois avant de finalement remettre celle dont le décolleté était le plus avantageux.

Et au milieu de ce ballet dont la chorégraphie semblait millimétré à la perfection, Lyhn profitait d’être encore en coulisses pour étirer ses muscles tout en laissant ses pensées s’égarer. Les soirées avaient été plutôt agréables ces derniers temps ; qu’ils soient trop éméchés, trop rustres, trop gauches, trop vulgaires ou trop stupides, aucun des hommes qui l’approchait ne lui causait autant de déplaisir que Dario qui ne montrait plus trop le bout de son nez depuis un moment. Il était venu une seule fois depuis leur dernier échange ; il l’avait royalement ignorée et s’était isolé avec Prisca à l’étage, elle aurait pu jurer cependant qu’il avait sciemment demandé à la belle de l’accompagner pile au moment où Lyhn passait près d’eux, comme s’il espérait éveiller de la jalousie chez la danseuse.

Il n’aurait pas pu tomber plus à côté.

L’absence de Dario lui laissa tout le loisir de se recentrer sur des problèmes bien plus triviaux, comme la terrible découverte du matin-même : le vol de presque l’intégralité de ses sous-vêtements. Personne n’avait passé la nuit avec elle, ses soupçons s’étaient donc naturellement portés sur les clients des autres filles. Enfin… juste après avoir évoqué une possible farce de Prisca.

- Mais pourquoi je voudrais voler tes culottes de petite fille ? J’ai ce qu’il me faut, merci, avait rétorqué la brune avec un sourire narquois.

- À moi aussi on m’a volé des choses, tu sais. J’avais un jolie peigne argentée et ça fait des semaines que je n’arrive plus à mettre la main dessus, s’était lamenté Fiona d’un air triste.

- Il y a des clients qui aiment bien repartir avec une petite culotte, avait commenté Annette tout en haussant les épaules. C’est comme un genre de trophée pour eux.
- Mais là c’est tout le tiroir qui a disparu ! Et puis s’il voulait repartir avec quelque chose, il n’avait qu’à payer un supplément ! s’était agacé Lyhn qui ne plaisantait jamais lorsqu’il s’agissait de ses robes ou de sa lingerie.
- Ah, ça c’est ma fille, tu perds pas le nord ! J’avoue que j’aimerais bien mettre la main sur ce type moi aussi. Mais je ne suis même plus capable de te dire combien j’en ai fait monter à l’étage hier…

Dhorn s’était un peu moqué d’elle lorsqu’elle avait évoqué l’idée de fouiller les poches des clients lorsqu’ils redescendaient et Madame Vivianne s’y était fermement opposé, arguant qu’une telle initiative serait très mauvaise pour les affaires et qu’on ne pouvait pas traiter tous les consommateurs comme de potentiels voleurs. Lyhn répliqua que rien de tout ceci ne serait arrivé si les portes de leurs chambres disposaient d’un verrou en état de marche et la conversation tourna court lorsque la maquerelle leva son torchon en l’air pour la chasser de la pièce.

Ce soir-là, Lyhn était bien décidée à garder un œil sur les allers et venues des clients – ceux dans les escaliers, évidemment. Avec un peu de chance, elle remarquerait immédiatement l’air coupable de celui qui a les poches remplies de petites culottes qui ne lui appartenaient pas du tout. Annette avait promis d’être attentive également mais lorsque la danseuse l’aperçut avec un verre à la main, elle sut qu’elle ne pourrait compter que sur elle-même dans cette sombre histoire. Cachée derrière les tentures des alcôves, elle faisait un rapide examen des hommes présents ce soir, maintenant que la salle commune était bondée. Beaucoup d’habitués, même s’il y avait toujours une ou deux têtes qu’elle n’avait jamais vue avant ; elle n’était pas encore là depuis assez longtemps pour connaître tout le monde.

Ce fut à cet instant qu’elle le vit au comptoir, non pas qu’elle fut capable de le reconnaître de dos d’un simple coup d’œil – peut-être aurait-elle plus de chance s’il enlevait ses vêtements – mais elle remarqua surtout l’éternel chapeau vissé sur sa tête. Lui non plus n’avait plus vraiment montré le bout de son nez depuis la dernière fois…

- Il n’est pas là, arrête de te cacher. Et s’il arrive, je détournerai son attention pour que tu puisses fuir avec le premier client qui te tombera sous la main.

À côté d’elle, Annette sirotait son verre tout en observant la salle. Lorsqu’elle comprit où l’attention de la danseuse s’était focalisée, elle soupira. Prisca s’était empressée de raconter à toutes les autres filles ce qu’elle avait vue lors de la dernière visite du loup dans l’établissement, y ajoutant sa propre interprétation des faits. Lyhn avait subi quelques railleries les jours suivants et elle savait qu’elle n’avait probablement pas fini d’en entendre parler.

- Tu veux bien arrêter de le regarder comme si c’était toi qui étais prête à payer pour qu’il monte dans ta chambre ?
- Hein… quoi ?
- Tu sais, parfois il y a des clients qui nous font forte impression mais ça ne veut rien dire du tout. C’était sûrement une histoire de contexte, d’alignement des astres ou j’en sais rien moi ; ça reste un client comme les autres au final. Tu devrais peut-être repasser la nuit avec lui pour te convaincre qu’il n’a rien de spécial, je suis sûre que ce sera à peine satisfaisant, voire médiocre.
- Je ne suis pas sûre que…
- Mais si, viens ! Il ne faut ni rester sur une trop bonne impression ni sur un échec !

Tenter d’argumenter avec Annette lorsqu’elle en était à son troisième verre était une bataille perdue d’avance ; comme un fétu de paille dans une tornade, Lyhn ne put que suivre la blonde survoltée qui se dirigeait d’un pas un peu trop énergique vers le comptoir. Elle était sûre que quoi que puisse dire Annette, cela la mettrait dans l’embarras ; comme si elle avait besoin d’une entremetteuse pour attirer un client dans sa chambre… L’idée d’y attirer le loup n’était pas déplaisante si on mettait de côté sa brusque timidité dès qu’elle repensait à leur dernière nuit ensemble. Peut-être qu’Annette avait raison après tout. On disait bien que la meilleure chose à faire après être tombé de cheval était de remonter immédiatement en selle.

- Salut Thancred, comment ça va ? Ça faisait longtemps...

Accoudée au comptoir juste en face de lui, Annette minaudait. Ou plutôt Annette tentait de minauder, ce qui ne la rendait que plus effrayante encore. Chacun savait ici qu’elle ne s’embarrassait jamais de ce genre d’effet pour attirer quelqu’un dans son lit ; ses clients appréciaient son franc-parler et la façon qu’elle avait de ne jamais tourner longtemps autour du pot. La voir agir différemment n’était jamais bon signe. À côté d’elle, Lyhn lança un discret sourire à l’Ascanien en guise de salut, un sourire un peu trop courtois, un peu trop timide, un peu trop inquiet, comme si d’une certaine façon elle s’excusait d’avance de la conversation qui allait suivre ou comme si elle s’apprêtait à assister à un drame qu’elle ne pouvait pas arrêter.

- Tu m’as l’air un peu tendu, je te proposerai bien d’y remédier mais, hé, je ne suis pas libre ce soir. Lyhn en revanche… aouch… !

La blonde fit la grimace de quelqu’un dont le pied venait subitement d’être écrasé derrière le comptoir. Lyhn resta aussi stoïque que possible.

- C’est pas possible, vous ne voulez pas laisser ce pauvre homme respirer ? Il a à peine eu le temps de s’asseoir que vous débarquez comme des vautours, soupira Prisca qui venait de débarquer pour remplir le verre d’un de ses clients.
- Aha ! C’est toi qui dis ça !

La brune lui jeta son plus beau regard désapprobateur avant de reporter son attention sur le loup.

- Si tu ne fais pas attention, elles vont te demander de l’aide pour retrouver les petites culottes que Lyhn a perdues et tu vas passer la soirée la moins excitante de ta vie. Tu me diras, avec Lyhn, c’est presque une habitude. Si j’étais toi, je les ignorerai.

Prisca se détourna de façon un peu trop théâtrale, faisant voler sa longue chevelure dans le mouvement. Annette, quant à elle, se mit à plisser les yeux devant l’Ascanien, avec un air que l’alcool rendait bien moins avenant tout à coup.

- Tiens c’est vrai ça, Thancred, t’aurais pas entendu ou vu des choses bizarres ces derniers temps, quand tu étais à l’étage ? Et… allons plus loin, penses-tu avoir un rapport sain avec la lingerie féminine ? Aucune obsession sur la dentelle, ce genre de choses… ? Ne sois pas timide.
- C’est pas lui, soupira Lyhn qui ne savait plus vraiment si elle préférait voir Annette tenter de lui décrocher un rendez-vous ou voir cette histoire de sous-vêtements volés exposée devant le loup.
- Ne le défends pas Lyhn, et laisse-moi mener l’interrogatoire !

Une fois de plus, la danseuse adressa un sourire à l’Ascanien, plus doux, peut-être un peu plus intime que ceux qu’elle avait l’habitude d’adresser à tous ses autres clients, puis se pencha doucement vers lui.

- Est-ce que je peux te servir quelque chose pendant qu’elle te cuisine ? demanda t-elle doucement.
- C’est ça, fais le boire ! Les aveux n’en seront que facilités !


Dernière édition par Lyhn le Mar 19 Avr - 11:15, édité 4 fois
Daren Van Baelsar
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Mar 8 Mar - 0:52
A quel moment avait-il basculé dans ses travers, au point de préféere trainer dans un bordel plutôt que chez lui, en compagnie d'une autre femme que la sienne? Cette sempiternelle question ne semblait pas avoir encore été résolue par le loup qui - une fois de plus - s'était installé au comptoir de la Belle-de-Nuit en quête d'un semblant d'évasion. Alors bien sûr, il tentait à nouveau de se justifier intérieurement en pensant au fait qu'il n'aurait pas croisé sa fille en rentrant vu l'heure à laquelle il avait fini sa journée, mais cet argument restait somme toute suffisamment bancal pour que Daren soit à nouveau ballotté entre regrets et soulagement. Il connaissait en revanche suffisamment l'histoire pour savoir qu'un verre ou deux suffiraient à atténuer cette dualité, au moins un temps.

Instinctivement, il s'était dirigé vers le bar, comme la fois précédente, une habitude qui n'était pas sienne avant l'apparition de la danseuse. Il ne voulait pas se l'avouer - pour quelques obscures raisons qui ne regardaient que lui et sa tête -, mais elle était certainement l'une des raisons qui l'avait poussé à ne pas rentrer chez lui ce soir. Ce qu'il attendait d'elle restait encore plus obscur dans sa tête, notamment à cause du caractère inédit de leur dernière nuit. Évidemment, l'idée de la voir danser ce soir encore n'était pas pour lui déplaire non plus...

Profitant du fait que personne n'était venu le voir pendant les premières minutes, le loup s'était concentré un moment sur son entourage, tout en essayant de rester le plus naturel possible. C'est avec une certaine satisfaction qu'il accueillit l'absence de Dario, mais aussi celle de Vex, cela lui enlèverait au moins l'obligation de rester sur ces gardes et de penser au travail le temps d'une soirée, peut-être. Le fait que la danseuse ne soit pas derrière - ou sur - le bar et qu'il ne l'ai pas remarquée en arrivant le fit cependant reconsidérer ses interprétations....Et si Dario était bel et bien là, mais en ayant déjà exigé de se retrouver dans la chambre de Lyhn pour la nuit ? Il chassa cette idée d'un mouvement de tête en essayant pour une fois de rester optimiste, évitant ainsi de trop assombrir ses pensées inutilement.

- Salut Thancred, comment ça va ? Ça faisait longtemps...

La voix, le ton, le rythme des mots, aucun doute sur l'identité de la personne qui venait d'arriver. Daren releva doucement la tête, sortant en même temps de ses rêveries pour observer Annette qui - à sa grande surprise - se tenait dans une pose suggestive devant lui, les coudes sur le comptoir. L'Ascanien plissa légèrement les yeux de suspicion, sa mémoire ne lui rappelant pas une seule fois où il avait pu observer Annette jouer ainsi de ses charmes. Ses yeux se posèrent une seconde plus tard sur la danseuse qui venait également d'arriver à sa hauteur de l'autre côté du bar. Un discret sourire teinté d'une certaine sincérité qui se dessina sur son visage à la seconde où leurs regards se croisèrent. La vision de la jeune femme pour une fois dépourvue d'un roquet en train de lui renifler les cheveux le rassura bien plus qu'il ne l'aurait imaginé. Voyant qu'elle lui souriait également, il lui adressa un bref signe de tête en guise de salutation, ne se risquant pas à interrompre Annette dans la suite de son élocution qui, il était prêt à le parier, n'allait pas tarder à arriver.

- Tu m’as l’air un peu tendu, je te proposerai bien d’y remédier mais, hé, je ne suis pas libre ce soir. Lyhn en revanche… aouch… !

Il n'eut guère le temps de rétorquer qu'une troisième héroïne vint se joindre à la pièce qui se jouait devant ses yeux, pièce pour laquelle il était devenu visiblement un élément central, sans pour autant en comprendre les raisons. Se murer dans le silence ne devint plus une option, mais une nécessité. L'Ascanien en profita pour sortir sa pipe qu'il prépara avec minutie, tout en gardant un œil sur les jeunes femmes derrière le bar. Il imagina assez bien pourquoi Lyhn ne se risquait pas à s'interposer entre Annette et Prisca d'ailleurs...La remarque acerbe de cette dernière à propos de la danseuse passa totalement inaperçue aux oreilles de Daren, le début de sa phrase en revanche le rendit encore plus sceptique quant à ce qui se tramait entre les trois filles. Peut-être pourrait-il envisager d'en placer une maintenant que Prisca faisait sa grande sortie...

- Tiens c’est vrai ça, Thancred [...]

Ou pas...Le regard de l'Ascanien se focalisa sur Annette qui, visiblement, n'était pas disposée à le lâcher. Au fond, la situation était suffisamment cocasse pour qu'il s'en trouve amusé. Attentif à son interlocutrice, Daren passa une main dans sa barbe avec laquelle il joua distraitement.

- [...]penses-tu avoir un rapport sain avec la lingerie féminine ? Aucune obsession sur la dentelle, ce genre de choses… ? Ne sois pas timide.

"Plait-il?" fut la première question qui lui vint à l'esprit face à une telle question, mais son tour de parole n'était pas venu, car cette fois la danseuse se mêlait à la conversation. Comme on assistait à une joute, l'Ascanien observait patiemment l'action en cours, attendant sans broncher que son tour soit venu de prendre les armes. Son regard s'attarda cependant sur la danseuse lorsqu'elle lui proposa à boire. Le loup répondit par un nouveau sourire discret à la proposition, un sourire qui soulignait également et involontairement son contentement de la voir dans les parages.

- Oui, je crois qu'un verre ne serait pas de trop pour survivre à un tel interrogatoire. De quoi suis-je soupçonné exactement ?
- Vol et trafic de petites culottes ! Répondit-elle en le regardant droit dans les yeux.

Un léger silence passa au-dessus des protagonistes, silence pendant lequel Lyhn en profita pour servir son verre à l'Ascanien, visiblement de bonne humeur. Daren plissa à nouveau les yeux de scepticisme.

- N’écoute pas Annette, je sais que tu n’y es pour rien.
- Ne laisse pas tes sentiments obscurcir ton jugement !
- Puis-je poser une question existentielle avant de me défendre ? Se risqua-t-il de demander à sa redoutable enquêtrice.

Annette plissa les yeux, jouant à son tour la suspicion avec un certain talent. Ou peut-être le soupçonnait-elle vraiment...? Toujours est-il que ce mystère, aussi incongru soit-il, venait de piquer la curiosité de Daren. Mais comme il venait de le souligner, une question lui brûlait d'ores et déjà les lèvres, une question qui l'empêcherait surement de réfléchir correctement s'il n'obtenait pas de réponse.

- Vas-y, pose-la.

Le regard de l'Ascanien se tourna vers la danseuse et un léger air amusé un brin moqueur apparut sur son visage.

- Tu t'es fait voler toutes tes petites culottes ?

L'insistance sur le mot toutes au milieu de sa phrase associée à ce sourire à peine dissimulé étaient suffisamment explicites pour que Daren n'ait pas besoin de préciser sa pensée. La question sembla faire instantanément écho dans la tête d'Annette qui, à son tour, tourna la tête vers la danseuse.

- Tiens, c'est vrai ça, tu as dit qu'il n'en avait pas laissé une seule.

Le regard fuyant, Lyhn ne semblait pas spécialement gênée, mais l'idée de soutenir les regards accordés de son amie et du loup semblait un peu trop audacieuse pour elle à cet instant.

- Pourquoi est-ce que vous croyez que je ne suis pas encore montée sur le bar...

Un léger moment de flottement suivit la réponse de la danseuse. Moment pendant lequel les deux autres protagonistes semblaient s'assurer d'avoir bien compris l'évident rapprochement entre le vol des culottes et l'absence de danse. Quelque part, cette information donna à Daren un élément supplémentaire de satisfaction, non pas vis à vis d'un fantasme quelconque, mais bien à propos de l'idée que Dario n'était pas la raison pour laquelle Lyhn n'était pas en train de danser ce soir.

- Ceci explique cela...Dit-il à haute voix sans le vouloir.

Face à cette histoire et à la réponse qu'il venait d'obtenir, l'Ascanien du retenir un petit rire, histoire de ne pas se montrer trop moqueur aux yeux de la danseuse qui était dans une situation suffisamment embarrassante comme ça. Reprenant un instant son sérieux, il reporta son attention sur Annette.

- Tu te déconcentre vite, si j'étais le voleur, je t'aurai déjà détourné de ton rôle d'inspectrice en t'offrant un verre. Mais pour répondre à ta question, Je ne suis pas sur d'avoir quelconque intérêt à emporter des souvenirs avec moi.
- Peut-être que tu n’es pas le coupable, mais ça ne veut pas dire que tu ne sais rien. Lui répondit-elle, insistante.
- Arrête de l’embêter, il ne vient pas ici assez souvent pour savoir quoi que ce soit.

L'ultime argument de la danseuse sembla faire mouche auprès de l'enquêtrice improvisée, comme en témoignait son haussement d'épaule.

- Peut-être bien, mais ça ne coûte rien de demander.
- C'est vrai ça, ce problème de vol me semble assez existentiel...Reprit l'Ascanien, comme pour souligner qu'il n'était pas dérangé, il garda même un certain sérieux en reportant son attention sur la danseuse cette fois, Tu n'as même pas un simple indice qui te rapprocherais de l'identité du voleur?

La danseuse croisa les bras sur sa poitrine, elle aussi un peu plus sérieuse.

- Je suis rarement d'accord avec Prisca mais pour une fois je pense qu'elle a raison quand elle te conseille de ne pas perdre ton temps avec cette histoire. Dit-elle finalement, ayant l'air malgré tout d'apprécier qu’il lui pose la question.

Daren fit mine de réfléchir, poussant un soupire en gardant la bouche fermée qui s'apparenta à un grognement, un son assez habituel chez lui et qui semblait pouvoir tout dire et rien dire à la fois. L'Ascanien prit son verre et en but une bonne gorgée. La chaleur de la liqueur lui brûla la langue puis la gorge, réveillant ses sens endormi par cette fin de journée tardive. La chaleur prit doucement possession de lui tandis que le regard de la danseuse finissait d'effacer ses idées de ne pas rentrer tard chez lui. Il retira alors son chapeau pour le poser sur le comptoir, avant de fixer à nouveau la jeune femme.

- Et si je te paye un verre, sans alcool si tu as peur de mal finir, tu seras bien obligée de meubler la conversation, et de me raconter un peu plus en détail cette histoire ?

Le ton léger dans sa voix soulignait nettement que cette proposition était une réelle invitation, et non un ordre dissimulé derrière une question rhétorique qu'un client pourrait poser à une fille de joie en se munissant de quelques pièces. D'ailleurs, tout dans le ton et l'attitude du loup semblaient aller dans ce même sens. Au fond, il espérait sans vraiment savoir pourquoi qu'elle se prêterait au jeu et accepterait d'avoir une nouvelle discussion avec lui, sans être interrompue cette fois par un trublion en manque d'attention. Le regard plongé dans celui de la danseuse, il resta impassible exception faite de ce petit sourire plein d'assurance, attendant sa réponse.
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Mar 8 Mar - 22:12
Aussi bien intentionnée qu’elle puisse être à son égard, il fallait tout de même avouer qu’Annette ne lui facilitait pas vraiment la vie. Tenter de la jeter dans la gueule du loup était une chose – encore une fois Lyhn était parfaitement capable de s’y jeter toute seule – mais évoquer cette histoire de sous-vêtements disparus devant lui en était une autre. Il n’y avait pourtant pas matière à rougir, ils n’étaient pas dans un salon de thé Amaranthis, et bon nombre des filles se retrouveraient avec leurs petites culottes sur les chevilles avant la fin de soirée. Mais tout de même… n’aurait-elle pas préféré garder ce petit détail pour elle ? Une marchandise avait toujours plus de valeur lorsqu’elle était bien emballée après tout.

- Et si je te paye un verre, sans alcool si tu as peur de mal finir, tu seras bien obligée de meubler la conversation, et de me raconter un peu plus en détail cette histoire ?

Ses frasques de la dernière fois n’avaient pas encore été totalement oubliées visiblement. Lyhn avait malheureusement dû faire l’impasse sur sa promesse de ne plus jamais boire une goutte d’alcool pour ne pas prendre le risque de vexer un client lorsqu’elle se voyait offrir un verre. Plus taquine que docile lorsqu’il s’agissait du loup dont elle ne craignait aucune manifestation d’égo déplacé, elle se contenta de s’accouder au comptoir, captant involontairement toute l’attention sur elle comme si la salle commune s’était réduite à leurs seules présences.

- Tu penses que je ne peux pas meubler une conversation autrement qu’en parlant de mes sous vêtements ?


Trop captivée par les lueurs qui dansaient dans les yeux de son plus grand prédateur, Lyhn n’entendit même pas le raclement de gorge d’Annette à ses côtés.

- Je pense que je vais vous laisser tous les deux… Donc euh, je pars. J’y vais hein. Vous m’entendez ? Non, ils ne m’entendent plus…

Son verre à la main, la blonde s’éloigna dans un gloussement, ravie de la tournure que prenaient les événements ; bien sûr, elle s’en attribuerait tout le mérite lorsqu’elle évoquerait à nouveau cette soirée. Enfin, si elle en gardait le moindre souvenir.

- Je pense surtout que tu es plus dans l'embarras que tu ne veux bien l'admettre, répondit le loup qui ne faisait pas plus attention qu’elle à ce qui les entourait. Son regard joueur à la limite de la provocation fut comme une invitation à s’approcher davantage et l’agneau qu’elle était n’avait pas l’air rétive à l’idée de se faire mordre.
- Absolument pas. Mais si je me mets à danser, il faudra faire payer les consommations au bar deux fois plus cher. Est-ce que tu penses que tes finances te permettront de rester assis ici ?

Lyhn passait suffisamment de temps en compagnie des hommes pour capter immédiatement l’intérêt qu’elle suscitait chez eux. Même s’il se saisissait de son verre pour se donner une contenance, le loup ne parvenait pas tout à fait à avoir l’air insensible.

- Hm… Je peux bien consentir à quelques sacrifices financiers, si c'est pour la bonne cause, répondit-il avant de boire une gorgée, sans jamais la quitter du regard.

Après un instant de flottement, la danseuse s’écarta à contrecœur pour se servir un verre. L’alcool qu’elle avait choisi pour elle était bien moins fort que celui qu’elle venait de servir à l’Ascanien ; elle avait appris de ses erreurs mais souhaitait surtout avoir les idées aussi claires que possible lorsqu’elle était en sa compagnie.

- Si tu dilapides tout au bar, ça veut dire qu’il ne te restera plus rien pour monter à l’étage plus tard, lui dit-elle avant de boire une gorgée. Elle laissa planer un léger silence et le regard qu’elle lui lança fut tout à coup troublant d’intensité. Je crois que je préfère que tu gardes ton argent.

Peut-être qu’il n’avait pas l’intention de rester ici toute la nuit, peut-être que son choix se porterait sur une autre fille, pourtant à cet instant précis il n’y avait pas de doute possible : elle savait exactement comment se finirait cette soirée, et sans doute le savait-il aussi au fond de lui. Des images fugitives de leurs deux corps enlacés se transposèrent sur la réalité avant de brusquement disparaître. Les conseils d’Annette lui paraissaient plus séduisants que jamais, même si elle avait un tout autre avis sur leur finalité : il était impensable qu’elle n’apprécie pas chaque seconde entre ses bras.

- Alors dans ce cas, buvons déjà ce verre et profitons du début de soirée, dit-il avant de regarder autour de lui, tu es bien libre de discuter un peu ce soir, n'est-ce-pas ?

Elle fronça imperceptiblement les sourcils. Elle savait bien ce qui lui avait traversé l’esprit en posant cette question. Non, celui qui s’amusait à lui passer des chaînes au poignet pour l’empêcher de voler n’était pas là ce soir, même si elle ne pouvait évidemment pas promettre qu’il ne ferait pas une apparition plus tard dans la soirée. Le sourire qu’elle lui adressa se voulut rassurant.

- Bien sûr, ces derniers temps ont été plutôt… calmes.

La décontraction dont elle faisait montre en était la preuve. D’ailleurs ce soir-là Lyhn portait la même robe rouge qu’à leur première rencontre, et plus cette robe blanche qui semblait symboliser sa reddition et sa pureté perdue.

- Je suis à toi pour la soirée et même pour la nuit si c’est ce que tu veux
, ajouta t-elle à mi voix.

Elle reposa son verre sur le comptoir.

- Mais avant ça, il me semble que nous avions un accord : cette histoire de vol contre un verre. La seule chose que je sais, c’est que c’est arrivé dans la soirée d’hier. J’ai passé la nuit seule, ce qui fait porter les soupçons sur les clients des autres filles. Même si Dhorn surveille l’accès aux étages, tu as pu constater qu’on entre dans les chambres comme dans un moulin ici, ça peut donc être n’importe lequel d’entre eux, et comme tu t’en doutes, il y a toujours beaucoup de passage. Fiona m’a dit que son client s’était éclipsé de sa chambre à un moment et qu’il avait pris son temps avant de revenir, mais elle n’a ni voulu me donner son nom ni sa description. Elle est toujours très secrète à propos des hommes avec qui elle passe la nuit, elle ne veut pas leur attirer d’ennuis ou trahir leur confiance. Une qualité louable… en d’autres circonstances.

Elle haussa les épaules. Fiona avait eu l’air assez désolé de ne pas pouvoir l’aider pour que Lyhn ne lui en tienne pas rigueur.

- Peut-être qu’elle sera plus bavarde avec toi, puisqu’elle semble bien t’aimer.
Daren Van Baelsar
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Mer 9 Mar - 20:08
- Je suis à toi pour la soirée et même pour la nuit si c’est ce que tu veux

Pas de Dario, pas d'ennuis, telle était la maxime sur laquelle le loup semblait s'être accordé pour ce soir. Se détendant un peu à la réponse de la danseuse, il ne fut nullement sourd à cette invitation qu'elle lui murmura presque. L'idée était tentante et déjà envisagée par Daren depuis longtemps. Dans un recoin de sa tête traînait malgré tout cette étrange idée qu'elle ne prendrait pas bien le fait qu'il paye une nouvelle fois pour partager sa chambre, une pensée qui entrait en contradiction avec ces regards qu'elle lui adressait, regards qu'il considérait, peut-être à tort, comme réservé à sa personne. Après tout, pourquoi ne pas continuer à travestir la réalité, tant que c'était possible ? Le loup se contenta d'esquisser un sourire entendu à la danseuse tandis qu'elle reprenait la parole.

Déformations professionnelles ou simple curiosité, toujours était-il que l’Aqcanien se sentait captivé par cette histoire. Non pas que les culottes soient un fantasme particulier chez lui, mais l'idée d'avoir un voleur à traquer restait une activité qu'il avait l'habitude de pratiquer, et bien qu'il ait tendance à râler sur son travail l'obligeant un peu trop souvent à se salir les mains, il ne pouvait pas nier en apprécier certains aspects. La partie traque était en autre ce qu'il préférait. C'est fort de ce constat qu'il se concentra sur l'énonciation des faits que lui faisait la danseuse, se contentant de boire une gorgée de son verre entre deux phrases.

Lorsqu'elle eut terminé, il laissa planer un léger silence, le temps de digérer toutes les informations.

- Fiona est la seule à t'avoir donné un suspect potentiel? Finit-il par dire, l'air tout à coup assez sérieux.
- C’est la seule à avoir avoué qu’elle avait perdu de vue son client pendant un moment. Mais ça pourrait très bien être le client d’une autre fille qui ne l’aurait pas raccompagnée dans la salle commune. Comme on ne possède rien de valeur ici, on ne fait pas vraiment attention à ce genre de choses. Moi la première...

Il est vrai qu'un bordel en plein cœur des bas-fond de la ville ne disposait pas forcément de la meilleure des sécurité. Il n'était pas commun de se voir confronté à un voleur de sous-vêtement à grande échelle non plus cela dit...Une nouvelle fois Daren étudia les propos de la jeune femme pour les imprimer dans sa tête.

- Hm...Ce qui nous amène à devoir suivre cette seule piste. Il n'y à qu'un seul accès pour sortir ? Un homme avec les poches qui débordent de sous vêtements, ça doit se voir...
- Un seul accès, à moins de vouloir jouer les équilibristes sur les toits. Elle se racla la gorge, marquant une petite pause, pour les petites culottes, je n’en avais pas tant que ça, une petite dizaine, mais elles étaient très jolies.Surtout la bleue avec la dentelle… continua-t-elle avant de lui lancer un sourire taquin, ce que je veux dire, c’est que ça ne devait pas prendre tant de place.

L'imagination un peu trop fertile de Daren l'amena à se remémorer s'il avait déjà vu cette fameuse petite culotte bleue. La réponse lui vint assez rapidement, lorsqu'il se rappela que la danseuse portait des sous-vêtements assortis à sa robe, la première fois qu'ils avaient partagé une nuit ensemble. Cette simple évocation à haute teneur érotique lui fit sentir la chaleur lui monter aux joues, bien qu'il ne rougisse pas encore non plus. Une chose était sûre désormais, il trouvait une motivation supplémentaire à dénicher le coupable, ne serait-ce que pour voir à quoi ressemblait cette fameuse culotte bleue honteusement dérobée...

L'Ascanien toussota pour se sortir de ses pensées vagabondes, plongeant dans le même temps son regard dans celui de la danseuse.

- J'imagine qu'il ne me reste plus qu'à aller cuisiner Fiona...Gentiment j'entend. Tu me garde un peu de ton précieux temps de côté ?
- Serai-je toujours libre quand tu reviendras ? répondit-elle en souriant de plus belle. J’espère que ce que tu découvriras en vaudra la peine.

Il savait que la réponse à sa question ne dépendait pas réellement d'elle, pourtant Daren semblait quelque peu obstiné à l'idée d'adoucir cette réalité grisâtre au profit d'un tableau plus coloré, quitte à continuer à se mentir à lui-même. Trop occupé par l'affaire en cours, il n'eut pas le loisir de se confronter à sa culpabilité habituelle, pas encore tout du moins. Il répondit à la danseuse d'abord par un sourire, avant de taper doucement du bout des doigts sur le bar et de se redresser. Tout en commençant à se tourner vers l'intérieur de la salle, il adressa un dernier regard à la jeune femme, toujours en souriant avec une certaine assurance.

- J'espère aussi, je t'avoue qu'il me tarde de coincer ce voleur, qui plus est si cela te fait porter une robe bleue un de ces jours...

Théâtral dans sa gestuelle, il ponctua sa phrase par un léger haussement de chapeau doublé d'un discret clin d'œil taquin avant de finalement se diriger vers le centre de la salle.

Désormais à la recherche de Fiona, Daren se mit à observer les alentours. Il en profita également pour s'assurer une nouvelle fois qu'il ne devrait pas s'interrompre dans sa quête à cause de l'arrivée d'une personne non désirée. A son grand soulagement, ni Vex ni Dario ne semblaient prompts à poindre le bout de leur nez ce soir. Malgré les volutes de fumées envahissantes de la salle commune, il ne lui fallut pas longtemps pour repérer la silhouette à la démarche chaloupée de Fiona. Appliquée dans son désir de plaire, ce qui était plutôt appréciable pour son métier, la courtisane aimait se promener dans la salle commune à distribuer sourires et autres petites attentions aux clients. Il n'était pas rare de la voir faire consommer des clients à la volée, ramassant ainsi quelques extra qui n'étaient pas pour déplaire à Madame Vivianne.

Au moins, cette attitude qu'elle adoptait permit à Daren de l'approcher simplement, sans être obligé de s'installer entre elle et un client. S'interposant presque dans son passage lorsqu'elle eut finit de charmer un énième homme de son clin d’oeil ravageur, Daren afficha un sourire à la jeune femme. Visiblement décidée à ne pas rendre l'accueil trop facile, la courtisane tenta tant bien que mal de faire disparaître le sourire instinctif qu'elle avait adressé à l'Ascanien derrière une moue boudeuse dont elle avait le secret et qui, il le savait, n'avait généralement pas grande gravité. A vrai dire, c'était presque toujours de cette façon qu'elle l’abordait lorsqu'il avait passé la nuit en compagnie d'une autre qu'elle, une sorte de petit jeu qu'elle ne prenait qu'à moitié au sérieux, tout comme lui.

- Excusez-moi monsieur, nous n'avons pas été présenté je crois ?

Le ton était léger, sans une once d'agressivité, exception faite d'une petite crispation que Daren mit sur le compte du manque d'attention qu'elle avait ressenti en le voyant ici. Il était d'ailleurs fort probable qu'elle l'ait remarqué dès son entrée à la Belle-de-Nuit, constatant qu'il s'était une nouvelle fois directement dirigé vers le bar, contrairement à ses habitudes. Rapidement, le sourire de la jeune femme se dessina en partie sur son visage. Daren pencha légèrement la tête tout en regardant son interlocutrice.

- Allons allons, tu vas pas me dire que tu boudes parce que j'étais pas encore venu te voir quand même ?
- Non...C'est pas ça mais...
- Si, c'est un peu ça, dit-il avec un air taquin.
- Bon d'accord, peut-être un peu ! Mais il faut dire que tu m'évites, il y a de quoi se vexer !

Daren laissa échapper un petit rire devant cette forte impression de déjà vu.

- Pourtant là c'est bien moi qui suis venu te voir, si je ne l'avais pas fait, tu serais venue ?
- J'aurais bien fini par aller voir si tu n'avais pas besoin d'un peu de compagnie oui...
- Alors ne nous prenons pas la tête, et allons boire un verre autour d'une table, tu dois être fatiguée de marcher à droite à gauche de la sorte...

Brosser la jeune femme dans le sens du poil en lui donnant de l'attention, mais aussi et surtout en lui offrant l'opportunité d'avoir une personne à qui se confier donnait toujours de très bon résultat. L'acquiescement d'un signe de tête ponctué d'un large sourire témoignait d'ailleurs en ce sens. Daren avait rapidement identifié cette caractéristique chez la jeune femme, ce qui l'avait rendu notable aux yeux de la courtisanes. Au détour de nombreuses conversations animées par l'ivresse et la détente, il s'était lui aussi pris à apprécier la compagnie de Fiona, remarquant qu'elle était également très bien capable de faire parler un homme et de lui prêter à son tour une oreille attentive.

Guidé par la jeune femme, ils s'installèrent dans un coin de la salle formant presque une alcôve grâce à la disposition des tentures entourant l'espace équipé de quelques tables. Fiona savait que Daren aimait être loin du brouhaha lorsqu'ils discutaient ensemble, si bien qu'il apprécia l'application qu'elle eut à choisir un espace pour eux. Une fois à table, Daren ralluma machinalement sa pipe et la conversation reprit de plus belle.

- On te voyais moins souvent ces temps-ci, mais visiblement te voilà de retour, notre compagnie te manquait dont ?
- Les envies, ça va, ça vient, tout comme le temps libre...
- Tu travailles beaucoup? C'est vrai que tu as l'air fatigué.

Elle n'était pas la première à lui dire ça et cela l'étonnait à chaque fois. Certes, Daren travaillait beaucoup, mais pour autant il ne se sentait guère malmené par le manque d'énergie ni par les courtes nuits qu'il passait. Il ne s'en offusqua pas et ne chercha pas à la contredire pour autant, nul besoin de s'éterniser sur un énième bilan de santé. Voyant une opportunité cependant pour amener le sujet sur la table, l'Ascanien prit un air sérieux et poussa son soupire sonore habituel, ce qui fit sourire instinctivement son interlocutrice.

- Je travail pas mal en effet...D'ailleurs je ne suis pas là que pour le plaisir...
- Ah bon? Et qu'est ce qui pourrait bien t'amener à venir "travailler" ici? Tu te moquerais pas un peu de moi par hasard ?
- Je n'oserais pas, tu le sais bien. Je suis ici car je cherche quelqu'un, quelqu'un qui doit de l'argent à mon patron. Le hic, c'est que je sais pas à quoi il ressemble exactement.

La jeune femme demeura silencieuse, prenant tout à coup un peu plus au sérieux les propos de l'Ascanien. Après de longues bouffée tirées sur sa pipe, il passa son autre main dans sa barbe, songeur.

- Ce quelqu'un, c'est un client d'ici...Et je me disais que peut-être tu pourrais m'aider à le retrouver si jamais il s'agissait d'un client à toi.
- Un client à moi? Mais je...oh Thancred, tu sais bien que je ne parle pas d'un client à un autre client...ça ne se fait pas ni pour l'un ni pour l'autre...Et puis comment sais-tu que c'est un de mes clients d'ailleurs ?

Cette dernière question se fit suffisamment suspicieuse pour que Daren privilégie la prudence dans ses propos s'il ne voulait pas simplement vexer la jeune femme en lui avouant par erreur qu'il venait avec le but d'assister la danseuse dans sa quête de sous vêtements.

- Je n'en sais rien...dit-il en poussant un nouveau soupir, tout ce que je sais, c'est qu'il a passé une nuit entière ici. J'ai demandé à Annette quand elle m'a abordé si elle pouvait me dire quelque chose, mais elle n'a pas eu l'air d'avoir fait une nuit complète avec un homme. Je dois t'avouer que je préfère te demander de l'aide à toi plutôt qu'à Prisca...Très largement.

Le petit sourire gêné de la jeune femme laissa penser à Daren qu'il avait marqué des points. Un léger silence s'installa tandis que la jeune femme semblait réfléchir aux potentielles conséquences de ses actes.

- Tu dois me promettre que tu lui fera rien à l'intérieur du bâtiment...Si on apprend que je t'ai renseigné, ça va chauffer pour moi...

La courtisane releva la tête, partagée entre l'inquiétude et l'envie d'avoir un peu plus l'attention de l'Ascanien. Elle se rapprocha alors pour poser ses coudes sur la table et laisser sa tête reposer au creux de ses paumes, fixant son interlocuteur d'un air aguicheur, comme la fois précédente.

- Et il va falloir que tu t'engage aussi à m'accorder un peu plus de temps que ça, la prochaine fois que tu viendras juste pour la plaisir.

Daren esquissa un sourire à la jeune femme tout en s'appuyant plus confortablement dans le fond de sa chaise. Il prit une nouvelle fois de longues bouffées sur sa pipe, entretenant un peu plus le suspense quant à sa réponse. Avec l'assurance qu'on lui connaissait, il prit finalement la parole.

- C'est la première et la dernière fois que je te demande ce genre de service, je te le promets. Et je m'engage en effet à venir te voir et t'accorder tout le temps que tu voudras la prochaine fois.

L'Ascanien se rapprocha de la table et y déposa quelques pièces.

- Que dirais-tu de prendre un nouveau verre le temps que tu me racontes ce que tu as vu.

Visiblement satisfaite d'avoir eu ce qu'elle voulait et ravie de passer un peu plus de temps avec Daren, la jeune femme glissa les quelques pièces dans son outrageux décolleté et s'en alla prestement chercher de quoi remplir leur deux verres. L'Ascanien quant à lui profita de ce temps pour se remettre en mémoire les propos de la danseuse, afin de n'omettre aucun détail possible dans la recherche du malandrin aux goûts affriolants.

Les deux jeunes gens se quittèrent quelques minutes plus tard, Fiona reprenant sa chorégraphie de salle habituelle tandis que Daren lui prit de nouveau la direction du bar. Désormais, il avait une description à placer sur le seul suspect de leur enquête, une description et l'établissement de certains faits importants à ne pas négliger. Satisfait de son entrevue, il regretta tout de même d'avoir proposé ce troisième verre qui risquait d'altérer quelque peu son jugement. Qui plus est, se diriger vers le bar ne l'aidait pas à se convaincre de ralentir.

Lorsqu'il arriva à hauteur du comptoir, ce qu'il vit le contraria cependant, bien plus qu'il ne le devrait d'ailleurs. En face de la danseuse, à cette place qui était la sienne il y a peu, se tenait désormais un homme. Le verre à la main, l'individu au crane pourvu de cheveu uniquement en son sommet discutait avec la jeune femme. L'assurance qu'il dégageait laissait d'ailleurs penser qu'il était un peu en train de parader devant la belle, un peu comme le faisaient tous les clients qui se confrontaient au sourire de la danseuse. L'Ascanien fronça les sourcils, luttant contre cette frustration qu'il jugeait injustifiée dès lors qu'il repensait au fait qu'il n'avait aucun droit de prétendre à s'approprier le temps de la danseuse.

Tentant de ne pas s'offusquer d'avantage, Daren se décida à s'avancer finalement vers le bar pour s'installer non loin de l'homme en question. Par politesse, il ne s'autorisa pas à alpaguer l'attention de la danseuse, conscient des us et coutumes en vigueur ici et du fait qu'elle n'avait pas forcément le droit non plus de préférer un client à un autre. Juste au cas où elle aurait à faire à un trublion d'un nouveau genre, l'Ascanien tendit l'oreille, attentif à leur conversation.
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Sam 12 Mar - 1:17
Et ainsi disparut le loup dans la nuit noire, son manteau claquant sous la bise de l’hiver, son chapeau rabattu en avant pour masquer le regard du justicier en chasse. Combien de nuits blanches le séparaient de la résolution de cette odieuse affaire ? Combien de paniers de crabes allait-il devoir secouer avant de mettre la main sur le coupable ? Écumant tavernes et coupe-gorges, il finirait par s’abriter sous un porche tandis qu’une pluie battante martèlerait les pavés et la boue sous ses pas, et que les braises de sa pipe projetteraient un fugace instant des ombres sur son visage. Il n’aurait de repos que lorsque le calme serait revenu sur la ville, car tel était son devoir. Ce rôle était tellement taillé sur mesure pour lui qu’il était difficile pour la danseuse de ne pas laisser ses pensées vagabonder et de ne pas alimenter des fantasmes stupides tout droit sortis de son imagination fertile.

Son sourire se fana cependant sur ses lèvres à mesure qu’elle le regardait s’éloigner. Ne venait-elle pas tout juste d’envoyer le loup dans les bras d’une autre femme, la résidente pour qui il semblait avoir le plus d’affection dans cet établissement ? Était-ce cela que l’on appelait un acte manqué ? Pourquoi s’obstinait-elle à mettre le destin à l’épreuve, à saboter ses propres prophéties ? Elle l’avait voulu pour elle ce soir, rien que pour elle, et elle allait juste le regarder lui échapper, avec sa bénédiction en prime. Elle ne ressentait pas de jalousie – elle s’en croyait dépourvue – mais plutôt une incroyable frustration, comme si on éloignait d’elle une réponse à une question qui l’obsédait. Si Annette avait été présente, elle lui aurait adressé un regard à mi chemin entre l’incrédulité et la pitié.

Puisqu’il était trop tard pour revenir en arrière, peut-être fallait-il se convaincre que c’était pour le mieux. Après tout, elle ne lui avait rien demandé et peut-être que son empressement à l’aider avait trouvé son origine lorsque le nom de Fiona avait été prononcé. Heureusement pour elle, s’occuper des autres clients suffit à stopper ses ruminations, elle aurait tout le temps de s’interroger sur ce qu’elle ressentait plus tard – ou plutôt de ne pas s’interroger du tout. Le raclement d’un tabouret à l’endroit où s’était tenu le loup quelques temps plus tôt lui fit cependant espérer qu’il était de retour, avant que son regard ne tombe sur…

- Tom, salua t-elle avec un sourire.
- Elle se souvient de mon nom !

Et cela n’avait pas été sans mal, elle l’avait vexé une demi douzaine de fois avant d’imprimer son nom dans sa mémoire. Tom était un régulier, ce n’était pas avec elle qu’il passait le plus clair de son temps mais il avait partagé sa couche une ou deux fois ; il venait surtout jouer et boire et ne s’autorisait un extra que de temps à autre. Contrairement à ce que laissait présager sa mine patibulaire, Tom n’était qu’un simple docker qui gagnait sa vie honnêtement, ce qui était loin d’être le cas de tous les habitués. Ce n’était pas le pire des clients, même si Lyhn devait avouer que sa propension à faire de petits commentaires crus pendant l’acte la perturbait beaucoup.

Sans même qu’il n’ait besoin de demander quoi que ce soit, la danseuse posa un verre devant lui avant de le servir.

- Et de mon alcool préféré !

Finalement, il n’était pas si difficile de contenter un client, même pas besoin d’écarter les cuisses.

- T’as l’air un peu plus heureuse ces derniers temps, ça fait plaisir à voir.
- Oh, vraiment ? répondit-elle distraitement, un peu surprise que quelqu’un comme Tom puisse remarquer ce genre de chose. Évidemment, elle ne devait sa récente plénitude qu’à une seule chose, et elle savait aussi qu’elle était éphémère.
- Est-ce que c’est parce que je viens un peu plus souvent ? questionna t-il avec espièglerie.
- C’est sûrement pour ça oui, répondit-elle pour entrer dans son jeu.
- Tu sais, si c’est juste ça, tu peux aussi venir faire un tour sur les quais, c’est là que je travaille. Et les tavernes sont tout aussi animées dans le quartier, sinon plus.

La danseuse fit mine de réfléchir, de façon un peu trop appuyée pour que cela paraisse crédible.

- Hum, désolée, je ne prends pas de rendez-vous en dehors de l’établissement.
- Tu ne fais jamais d’exception ?
- Jamais.
- Même pas pour moi ?

Elle secoua la tête, sans se départir de son sourire, et Tom plaça une main sur son cœur.

- Pourquoi les plus jolies filles sont aussi les plus cruelles ?

Il y en avait toujours pour leur proposer du « travail » supplémentaire en dehors de la Belle-de-Nuit, certains se trouvaient désespérés d’attirer des gagneuses lors de leurs petites soirées privées entre amis. Si quelques filles acceptaient pour gagner plus d’argent, Lyhn avait toujours refusé ce genre de proposition, parce que rien ne garantissait leur sécurité en dehors de l’établissement, rien ne garantissait qu’on les paie ou qu’on ne leur fasse pas de mal. C’était aussi une façon pour elle d’établir une certaine distance avec les clients ; tout commençait et prenait fin entre ces murs, en dehors d’ici, elle n’était plus une catin, elle était juste Lyhn.

Enfin ça, c’était ce qu’elle aimait se raconter.

Soudain elle se pencha en avant, comme si ce qu’elle s’apprêtait à dire ne concernait personne d’autre que l’homme qu’elle avait en face d’elle.

- Dis moi, Tom… Difficile de capter l’attention d’un homme avec de simples paroles ; les yeux de ce dernier restaient obstinément braqués sur son décolleté. Est-ce que tu étais là hier soir ?
- Ouais, ouais j’étais là. Très jolie danse d’ailleurs…
- Et plus tard, tu es monté à l’étage ?
- C’est bien possible…
- Avec Prisca, c’est bien ça ?

Prisca était sa voisine de chambre. Si quelqu’un pouvait entendre ou voir quelque chose d’inhabituel, c’était elle ou ses clients. Les yeux de Tom remontèrent enfin à la rencontre de son regard.

- Oui, avec Prisca et… Oh dis moi que je rêve ! T’es jalouse, c’est ça ? s’exclama t-il soudain.
- Quoi ? Non, pas du tout, je voulais savoir si tu…
- Pas la peine de me la faire comme ça, mon ange, j’ai très bien compris. Écoute, Prisca est la seule à savoir dénouer le nœud que j’ai dans le dos après une semaine de boulot. Et elle me saigne à blanc pour ça en plus, soi-disant que c’est un extra qu’elle n’est pas obligée de faire… T’y crois, toi ? Mais ça a toujours été toi ma préférée, tu le sais bien.

Un mensonge éhonté. Toutes les filles du bordel avaient entendu une phrase similaire venant de Tom.

- Écoute Tom, c’est vraiment pas…
- La prochaine fois que je peux me le permettre, je passe la nuit avec toi, toute la nuit pour me rattraper ! Je vais bien m’occuper de toi ! La meilleure nuit de ta vie, chérie !

Prisca allait penser qu’elle essayait de lui voler ses clients les plus fidèles maintenant, de quoi alimenter l’animosité qu’elle avait à son égard. Et pourtant dans une situation comme celle-là, il n’y avait qu’une seule conduite à tenir : hocher poliment la tête et sourire. Et Lyhn savait rester professionnelle. Surtout lorsque Madame Vivianne n’était pas loin du tout.

- Des promesses, des promesses…, répondit-elle comme si elle le mettait gentiment au défi.

Tom n’était pas le pire des clients, et une nuit entière, c’était pas mal d’argent. Elle ne s’autorisa pas à poursuivre sa réflexion plus loin. Tom lui adressa un clin d’œil ravageur avant d’attraper son verre tandis qu’il se levait de son tabouret.

- Inutile de porter une culotte quand je viendrais te voir, mon ange, parce que tu la garderas pas longtemps, s’exclama t-il avant de s’éloigner, sans saisir toute l’ironie de cette réplique.

Peut-être bien qu’elle ne porterait pas de culotte ce soir-là, mais pas parce qu’elle attendrait sa venue avec impatience, plutôt parce qu’elle n’en aurait toujours aucune à se mettre. Mais c’était sans compter sur l’intervention providentielle de l’enquêteur accoudé plus loin au comptoir dont elle capta soudain le regard. Comme pour lui prouver qu’elle n’avait pas de raison de douter de son retour, le loup était là, un peu comme s’il n’avait jamais été très loin depuis tout ce temps. Un sourire vint immédiatement fleurir sur les lèvres de la belle danseuse, avant qu’elle ne se rapproche de lui.

- Alors, la pêche a été bonne ?
- J'ai pas de nom, comme tu t'en doutes, mais j'ai un descriptif assez précis qui devrait nous suffire pour le retrouver. Sa mine sombre disait pourtant tout le contraire : il semblait contrarié. Le sourire de Lyhn devint plus timide.
- Mais… ? Il y a un mais, n’est-ce pas ? Une mauvaise nouvelle ? Le regard du loup passa un fraction de seconde sur le tabouret vide à sa droite, là où s’était tenu Tom, avant de revenir sur elle.
- Je me questionne juste sur les motivations de ce collectionneur. Il doit être quand même un peu fêlé…, finit-il par dire. La danseuse ne savait pas si elle se faisait des idées, mais elle avait la curieuse sensation que ce n’était pas ce qui le contrariait réellement.
- J’aimerais prétendre être choquée mais… Elle balaya la salle commune du regard. Quand on voit l’endroit où je travaille.
- Oui, j'imagine que c'est un parmi tant d'autres. Il aurait pu piquer celle de Prisca en plus, histoire qu'elle nous fasse une crise d'hystérie, dit-il en lui coulant un regard complice.
- Et donc, notre mystérieux voleur de culottes, à quoi ressemble t-il ?

Le loup lui détailla tout ce qu’il avait pu apprendre du client de Fiona ; elle qui était toujours assez rétive à parler des hommes qui partageaient sa couche avait été plutôt généreuse en détails cette fois-ci, ce qui laissait à penser qu’elle devait effectivement beaucoup apprécier l’Ascanien pour lui faire cette faveur.

- Oh mais je vois qui c’est… C’est le vieux Lombardi, murmura Lyhn comme s’ils s’échangeaient des secrets honteux. Il habite dans le quartier, à deux pas d’ici. Il fréquente l’établissement depuis qu’il est veuf. À vrai dire… ça ne m’étonne pas du tout que ce soit lui le coupable, il m’a toujours fait une drôle d’impression quand je le croisais dans les couloirs. C’est un pervers, ça se voit dans ses yeux. Je ne suis même pas sûre de vouloir récupérer ces culottes maintenant que je sais que c’est lui qui les a ; qui sait ce qu’il a fait avec ?

Elle réprima un frisson. Pour elle, cela ne faisait pas le moindre doute, elle avait son coupable. En bon enquêteur, le loup savait pourtant que la première piste n’était pas toujours la bonne, mais il n’eut pas le temps de faire ce commentaire à haute voix que la danseuse contournait déjà le comptoir comme si elle allait en découdre elle-même avec son voleur présumé. Arrivée à sa hauteur, elle se stoppa pourtant comme si le bon sens ne l’avait pas tout à fait quittée.

- Je vais aller le voir, il habite vraiment tout près et j’aurais ma réponse.
Elle se fit plus hésitante l’espace d’un instant avant de lui sourire avec entrain. Est-ce que mon chevalier servant veut bien m’accompagner ? Je veux dire… C’est peut-être juste un voleur de culottes mais on ne sait jamais, hein ? Ça ne sera pas long, c’est promis.

Elle posa la main sur son bras, agrippant doucement le tissu de sa veste.

- Alleeez...
Daren Van Baelsar
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Mar 15 Mar - 1:14
Le loup mit un long moment avant de se rendre compte qu'il tirait rageusement sur sa pipe à chaque phrase - toujours plus graveleuses - qu'il entendait de la part de cet homme dont le nom semblait être Tom. Aussi questionnable qu'était la légitimité de cet agacement, l'Ascanien ne tenta guère de l'atténuer, bien que son regard ne s'essaya à quelques énièmes études des ramifications boisées du comptoir pour tenter d’y trouver l’apaisement. L'homme qui se tenait désormais à sa place n'avait pourtant rien fait de mal, il semblait être un client somme toute un peu rustre, mais pas spécialement problématique. Daren aurait pu jurer simplement par l'attitude de la danseuse qu'il n'était pas homme à créer des problèmes. La variation de comportement était fine, tellement qu'elle passait probablement inaperçue aux yeux du plus grand nombre, mais le loup s'était déjà suffisamment laissé envahir dans les profondeurs du regard de l'agneau pour détailler les nuances dans la partition qu’elle jouait face à ses prétendants.

Grognon mais pas mal élevé et encore moins stupide, le loup se contenta de demeurer silencieux, à l'écoute notamment lorsque la danseuse s'était lancé dans un court interrogatoire. La réponse de l'homme n'indiqua rien, mais elle ne fut pas suffisante non plus pour le disculper de possibles accusations, au contraire. Daren le suivit du regard suite à sa dernière réplique, une remarque totalement dans le ton du personnage qui conforta l'Ascanien dans le fait de garder en mémoire le nom de Tom, bien au chaud dans un coin de sa tête.

Il n'eut pas le loisir de dissimuler sa contrariété avant que l'attention de la danseuse ne se porte à nouveau sur lui. Malheureusement, il s'en rendit compte lorsqu'elle lui fit la remarque. Capable de se reprendre rapidement, il se prit à espérer que son écart comportemental soit passé inaperçu. A cet agacement déplacé était tout venu s'ajouter un soulagement non négligeable, celui de voir qu'elle pourrait à nouveau passer du temps avec lui. Toute cette gymnastique se jouait bien évidemment dans sa tête, ne lui laissant que peu de contrôle sur ce qu'il ressentait finalement...

De nouveau concentré sur l'affaire en cours, le loup étudia chaque détail à propos de ce fameux Lombardi, ne pouvant s'empêcher de froncer les sourcils lorsque la danseuse le qualifia de pervers. Avec ce genre de personne, mieux valait se prémunir et agir avec méfiance, quand bien même il ne s'agissait que d'un larcineur de dentelle. Daren ferma les yeux un instant pour réfléchir à la situation et envisager la solution la plus prudente de procéd...

- Je vais aller le voir...[...]

Le loup croisa le regard de la danseuse, tiré de ses ruminations par l'affirmation qu'il venait d'entendre et d’abord sceptique face à celle-ci. Son regard aurait été réprobateur s'il n'était pas tombé sur les yeux rieurs de la danseuse qui surmontaient ses lèvres fendue du sourire.


- [...] Est-ce que mon chevalier servant veut bien m’accompagner ? Je veux dire… C’est peut-être juste un voleur de culottes mais on ne sait jamais, hein ? Ça ne sera pas long, c’est promis.

Il ne sourit pas, jaugeant des propos de la jeune femme, secrètement rassuré de la voir prudente mais pas tout à fait sur qu’elle le soit vraiment..

- Alleeez...

Cette fois, ce fut un sourire résolu qui s'afficha sur le visage de Daren. Face à une telle démonstration de mignonnerie, il aurait été difficile de ne pas céder du terrain...Cela ne l’empêcha de pousser son caractéristique soupire sonore, avant de finalement prendre la parole.

- D'accord, d'accord, allons-y. Cela dit je me questionne, on ne va rien te dire si tu sors comme ça avec moi?

Avant de répondre, la danseuse baissa les yeux sur son décolleté, attitude qui interrogea quelque peu le loup.

- Tu as raison, je vais mettre un manteau. Dit-elle avant de partir chercher le vêtement en question.
- C'est pas ce que je...oh...Oui cela dit c'est vrai que c'est pas idiot, marmonna-t-il pour lui même alors qu'elle s'éloignait, comprenant à retardement pourquoi ce regard vers sa propre poitrine.

Daren observa la jeune femme de loin, jusqu'à la voir glisser un mot à Annette avant de revenir vers lui dans sa démarche dansante habituelle, toujours aussi agréable à regarder. Probablement qu'elle venait de lui donner la vraie réponse à sa question. il ne s'encombra pas de préciser son propos et tous deux quittèrent la Belle-de-Nuit pour se retrouver dans la rue.

L'air frais donna doublement raison à la danseuse et sa décision de prendre un manteau. Le contraste entre l'atmosphère étouffante de l'établissement et la froideur venteuse des rues laissa les protagonistes partagés entre l'envie de rester au chaud et celle de se délecter de trouver un peu d'air respirable. Leur mission était cependant suffisamment primordiale pour qu'ils ne trainent pas à se mettre en route.

Emboitant le pas de la jeune femme, Daren resta aux aguets, conscient par expérience que les rues des bas quartiers n'étaient pas vraiment des plus sures à cette heure, et si un consensus de non agression pouvait bien subsister au sein d'un établissement de plaisir, nul pourparlers ne trouvait crédit dans les venelles de la ceinture extérieure de la cité. Le chapeau rabattu sur sa tête suffisait à ne révéler son visage que lorsqu'ils passaient devant une lueur de lanterne plus insistante que les autres, laissant à la nuit le soin de donner au loup l'apparence de quelqu'un de menaçant, de par sa taille et son attitude. Personne ne vint les ennuyer, si tant est que les regards de convoitise de rats des rues ne soient pas pris comme une menace.

La danseuse désigna une vieille bâtisse dont les charpentes ne semblaient plus aptes à remplir leur fonction primaire. Providence devait tenir à l'homme qui vivait en ces murs pour que le plafond ne lui soit pas encore tombé sur la tête. Après une seconde inspection, les bricoles et rustines nombreuses qui s'immisçaient dans la construction offrirent une explication au loup quant à cette miraculeuse résilience architecturale. Pas grande pour un sous, il semblait n'y avoir qu'une entrée dans la bicoque, fermement encastrée entre deux maisons plus hautes mais dans un même état. Daren soupira à nouveau de scepticisme et posa son regard sur la jeune femme, détaillant le visage de la danseuse par la faible lueur de la maison qui filtrait par une scandaleuse fissure dans un volet..

- Bon...tu veux la jouer comment ?
- Est-ce qu’on ne pourrait pas juste… frapper à la porte et lui poser directement la question ? Dit-elle en le questionnant du regard, comme s'il était plus habitué à ce genre de situation, ce qui en soit était emprunt d'une certaine vérité.

Réalisant que sa phrase revenait presque à dire explicitement quel était son métier, Daren se promit d'apprendre à se la fermer, un jour.

- Hm...Je sais pas si j'ouvrirai la porte à deux personnes comme nous cherchant à savoir de but en blanc si je suis un renifleur de culotte...

L'Ascanien approcha sa tête de la porte en bois dévorée par les mites, jaugeant de sa solidité, ou plutôt de l'absence de celle-ci.

- Cela dit je ne suis pas sûr que ça soit si grave s'il nous claque la porte au nez...
- C’est bien pour ça que je voulais que tu m’accompagnes.


Il ne put que laisser son imaginaire reconstruire ce sourire dissimulé par les ombres qu'elle lui adressait, mais cela eût suffit à lui laisser penser que tout allait bien se passer.

- Soyons prudent malgré tout...

Pas motivé par l'idée de courir un risque inutile non plus, le loup se plaça devant la porte et frappa du poing contre le battant, ménageant son effort de peur de commettre des dégats. Le silence retomba pendant de longues secondes suite à l'acte, silence pendant lequel aucun des deux protagonistes ne s'autorisa un mot, l'oreille tendue comme pour écouter si un mouvement se faisait entendre. Seul un craquement sinistre de parquet résonna au loin, témoignage insuffisant pour justifier la présence du fameux Lombardi. Après un énième grognement, Daren insista une nouvelle fois, plus fort, ce qui menaça - comme il se l'imaginait -  la solidité de la porte qui semblait geindre sur ses pauvres gonds sous le poing de l’Ascanien. Finalement, une voix étouffée perça au loin.

- Voilà j'arrive j'arrive !

Les bruits de pas de l'homme s'approchant de la porte étaient audibles comme si le mur n'offrait plus aucune insonorisation, un peu comme les murs de l'étage de la Belle-de-Nuit finalement. Le bruit du vieux verrou se fit finalement entendre, laissant Daren avec un questionnement quant à l'utilité de celui-ci s'il avait envoyé son pied dans la porte. Ouvrant à demi sa porte, une vieil homme pour qui Providence n'avait pas épargné l'écoulement du temps se détacha de la lumière qui émanait de l'intérieur. L'homme qui collait parfaitement à la description que lui avait fait Fiona ne semblait guère inquiet par la présence des deux enquêteurs improvisés, bien que son regard témoigne malgré tout une suspicion que l'on pourrait qualifier de légitime. Il prit le temps de jauger ses visiteurs, s'attardant plus longuement sur Daren qui, en plus d'être plus dans la lumière que la danseuse, le surplombait de plusieurs centimètres.

- C'est pourquoi? S'enquit-il en plissant les yeux, se forçant à garder de l'assurance.

Daren releva son chapeau, sans l'ôter pour autant, et se racla la gorge.

- Pardonnez-nous du dérangement, monsieur. Je sais qu'il est tard et que ce n'est pas très poli de notre part, mais nous aimerions vous parler.

Le ton du loup était débordant d'assurance, créant un savant mélange entre la politesse de ses propos et l'intimidante stature qu'il incarnait. Comme pour entretenir la confusion plus encore, l'Ascanien se fendit d'un sourire aimable. Son attitude laissa planer la confusion chez le vieil homme, émotion qui se lisait dans son visage parcheminé tandis qu'il jaugeait toujours son interlocuteur. Finalement, il prit la parole, sans pour autant ouvrir la porte plus grand.

- Ce n'est pas une heure pour discuter, j'allais me mettre au lit et je pense que ça peut attendre demain vous croyez pas ?
- Hm...Non justement, je ne crois pas. Ca ne prendra que quelques minutes.

L'homme fronça les sourcil, galvanisé par cette fausse impression d'avoir son mot à dire dans cette discussion.

- Et moi je vous dis que ça attendra demain ! J'ai pas l'intention de causer, quelque soit le sujet, alors maintenant vous allez me laisser tranqu...

L'homme avait tenté de claquer la porte tout en finissant sa phrase, un geste que Daren avait anticipé avec une vivacité contrastant vivement avec ce sourire courtois qu'il affichait encore. La main sur le sommet de la porte, l'Ascanien poussa sans peine le battant comme si le vieil homme n'était pas en train de la retenir de l'autre côté. Les yeux toujours rivés sur celui qui avait essayé de se soustraire à leur compagnie, le loup laissa planer un nouveau silence, le temps que l'homme comprenne qu'il n'avait pas réellement le choix. Nullement dans l'intention d'entrer dans un conflit inutile, Daren resta cependant avenant dans son attitude, si ce n'est qu'il tenait fermement la porte qui menaçait de définitivement quitter ses gonds.

- Vous savez, mon amie n'a pas toute la nuit à vous accorder, et plus vite elle pourra s'entretenir avec vous, plus vite nous serons partis.

L'Ascanien tourna la tête vers la jeune femme légèrement en retrait. L'homme accompagna son regard et la crispation disparut de son visage, laissant place à la surprise de constater l'identité de la femme qui accompagnait Daren, maintenant qu'elle n'était plus dans l'ombre.

- Mais? Tu es Lyhn de la Belle-de-Nuit ? C'est bien ça ? Dit-il avait de se reprendre rapidement, mais oui c'est bien ça, comment pourrais-je me tromper alors que je t'ai souvent regardé sur le...

Il s'arrêta un instant, conscient du regard qui pesait lourd juste à côté de lui.

- Bar. Sur le bar oui, quand tu danses...tu...tu danses bien d'ailleurs...Les épaules de l'homme s'affaissèrent et la pression qu'il maintenait sur la porte disparut tout à coup, cela ne m'explique toujours pas ce que vous faites là...Tous les deux.

Même si cet homme qui répondait au nom de Lombardi semblait beaucoup plus apaisé depuis qu'il avait constaté la présence de la danseuse, il n'en restait pas moins déçu, probablement à cause de la présence de Daren aux côtés de celle-ci. Il put se douter aisément qu'il ne s'agissait pas là d'un cadeau de Madame Vivianne qu'elle aurait adressé à un bon client. Daren s'autorisa à de nouveau prendre la parole, toujours avec cette même assurance.

- Je vous propose de laisser mon amie vous expliquer à l'intérieur, il ne fait pas chaud dans la rue...

Cette proposition qui n'en était pas une fut accueillie par un nouveau froncement de sourcil de la part de Lombardi, avant qu’il ne se décide à céder et à ouvrir complètement la porte quelques secondes plus tard.

- Très bien...Si ça ne prendra que quelques minutes alors...

Daren inclina la tête, visiblement satisfait de le voir finalement coopérer. Il pivota à moitié pour tendre une main en direction de l'entrée avant de poser une nouvelle fois le regard sur la danseuse, lui adressant un sourire complice et un discret clin d'œil.

- Après toi, danseuse.
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Mar 29 Mar - 0:29
- Quand je t’ai dit de passer la soirée avec lui, je ne parlais pas d’un dîner aux chandelles ! s’écria Annette tandis que la danseuse s’éloignait d’un pas bien trop guilleret après lui avoir demandé de la couvrir si Madame Vivianne ou une autre fille posait des questions sur sa mystérieuse disparition. Elle n’avait pas pris le temps d’expliquer quoi que ce soit, elle lui avait simplement demandé de lui faire confiance et promis qu’elle lui raconterait tout plus tard, autant dire que la blonde allait s’imaginer toutes sortes de choses avant d’avoir le fin mot de l’histoire.

Si tout se passait bien, le manque à gagner de la soirée n’aurait aucune importance puisque cela lui éviterait une coûteuse dépense ; elle préférait mille fois retrouver ce qu’on lui avait volé - et sonner quelques cloches au voleur au passage - plutôt que de devoir renouveler toute sa lingerie. L’assurance avec laquelle elle arpentait la rue qui la séparait du coupable témoignait du peu de doute qui habitait son esprit, ou peut-être était-ce la présence du loup à ses cotés qui la galvanisait autant.

Le vieux Lombardi ne lui faisait pas peur – il aurait d’ailleurs été compliqué pour lui d’intimider qui que ce soit, tant il se voûtait pour paraître insignifiant, impression renforcée par son regard toujours fuyant – mais ce soir Lyhn n’avait pas envie de demander poliment ou, pire encore, de négocier pour récupérer quelque chose qui lui appartenait. Les gens se permettaient souvent tout et n’importe quoi lorsqu’ils savaient ce qu’elle était.

Daren n’avait pas eu besoin de hausser la voix ou de se montrer menaçant pour « convaincre » le vieil homme de les laisser entrer, comme la simple présence de la danseuse dans ce curieux duo laissait planer l’idée que cette entrevue ne serait pas totalement déplaisante. S’il savait…

- Après toi, danseuse.

Elle attrapa la main qui lui tendait avec un sourire complice tandis qu’il la guidait pour franchir le seuil. Une fois à l’intérieur, toutefois, le sourire disparut totalement. Elle était ici en représentation et le rôle qu’elle s’apprêtait à jouer était bien différent de celui qu’on lui connaissait bien à la Belle-de-Nuit. Son regard s’égara autour d’elle, comme si elle espérait tomber immédiatement sur ce qu’elle était venue chercher. Ce n’était pas le cas.

Au milieu de la pièce, Lombardi dansait d’un pied sur l’autre. Il semblait ne pas vraiment savoir à quoi s’attendre.

- Désolé, la pièce est un peu petite… Je n’ai pas l’habitude de recevoir des invités.


Cette simple remarque attira un regard sévère dans sa direction. La taille de son taudis n’avait aucune importance – Lyhn avait vécu dans des endroits bien plus inhospitaliers, entassée avec ses frères et sœurs – mais elle voulait le mettre mal à l’aise. Les gens ne craquaient-ils pas plus facilement lorsqu’ils étaient anxieux ? Le vieil homme déglutit.

- Je suppose que tu n’es pas là pour m’offrir une danse privée, sinon tu serais venue seule, dit-il comme s’il souhaitait alléger l’atmosphère, tout en dardant un regard sans chaleur au loup qui restait silencieux.
- Vous supposez bien. Le vouvoiement était là pour rappeler que dans l’acte qui se jouait ce soir, ils n’étaient pas proches et encore moins intimes. Lombardi n’avait jamais été son client de toute façon. Je crois que vous savez très bien pourquoi je suis là, en revanche.
- Vraiment pas. Vous allez jouer aux devinettes encore longtemps, tous les deux ? J’aimerais aller me coucher.
- Je sais que vous étiez à la Belle-de-Nuit hier soir. Et je sais ce que vous avez fait.

Et comme un voleur pris la main dans le tiroir de petites culottes, le visage du vieil homme se décomposa. Les poings de Lyhn s’installèrent sur ses hanches tandis qu’elle l’observait toujours d’un œil sévère.

- Alors tu sais… Je n’ai jamais… Je ne voulais pas… Est-ce que Madame Vivianne est au courant ?

Il s’essuya le front du dos de la main et se mit à faire les cents pas dans le minuscule espace qui lui restait pour ce faire, comme s’il tentait de prendre la pleine mesure de cette révélation.

- Non, pas encore. Je voulais vous laisser une occasion de vous expliquer.
- Ne lui dis rien, par pitié ! Elle m’interdirait l’accès à l’établissement si elle savait…
- Et elle aurait raison, rétorqua une Lyhn visiblement plus intransigeante que jamais.
- Ce n’est pas juste ! Je ne fais de mal à personne !
- Ce n’est pas parce que nous ne sommes que des catins pour vous que nous n’avons pas le droit à un minimum de respect et d’intimité !
- Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Alors que l’un et l’autre commençaient à élever la voix, le vieil homme baissa soudain la tête, comme vaincu. J’ai essayé d’arrêter… Mais c’est plus fort que moi. La plupart des hommes seraient ravis de profiter de la compagnie d’une sublime créature le temps d’une nuit mais je ne suis pas la plupart des hommes. Je n’aime pas être acteur, je préfère être spectateur. Après tout, qu’est-ce que ça peut faire que je m’éclipse pour observer ce que font les autres par le trou de la serrure ? Ce n’est pas comme si je n’avais pas payé ma place, pas comme si quelqu’un se retrouvait lésé...

Les poings de Lyhn se desserrèrent et elle laissa tomber ses bras de chaque côté de son corps, tandis que le masque sévère qu’elle avait porté jusque là s’effritait lentement.

- Attendez… quoi ?
- Ça me fait du bien de regarder les autres, continua t-il comme s’il n’avait pas été interrompu, sans même prendre conscience qu’il en disait bien plus que nécessaire. Crois-le ou non, j’y trouve mon compte de cette façon.
- Vous regardez les autres… par le trou de la serrure ? C’est pour ça que plusieurs filles vous ont vu rôder dans les couloirs ? Non content de juste voler des culottes, vous… nous épiez ?!
- Voler des… ? Mais enfin ! Ça ne va pas la tête ? Vous me prenez pour un détraqué ?! s’écria t-il en jetant des regards scandalisés autour de lui.

Lyhn échangea un regard avec le loup. C’était ce genre de question qui n’appelait pas forcément de réponse sincère.

- Donc… vous n’avez pas de culottes cachées chez vous ?
demanda lentement la danseuse, réalisant du même coup que toute sa théorie tombait à l’eau et qu’elle ne reverrait sans doute pas sa lingerie ce soir.
- À part celles de ma défunte épouse…
- Ce n’est pas ce que je voulais dire.
- Je te l’ai dit, je ne fais que regarder par le trou, je touche à rien, je ne fais de mal à personne.
- Je devrais vous dénoncer…

Il ne faisait peut-être de mal à personne mais elle savait que plusieurs filles ne seraient pas très à l’aise avec l’idée qu’un pervers les observe en cachette pendant qu’elles réalisaient les pires fantasmes de leurs clients. Et même s’il lui inspirait davantage de pitié que de mépris, elle serait toujours du côté des autres filles…

- Attends ! Ne dis rien à Madame Vivianne, je t’en conjure ! Tu as dit qu’on t’avait volé des choses. Hier soir, c’est ça ? Je sais qui c’est ! Je l’ai vu sortir de ta chambre pendant que je… enfin tu vois, je peux te dire son nom, je peux même te dire où le trouver, mais en échange…

Mais peut-être qu’elle pourrait faire une exception pour ce triste bonhomme.

- Parlez.

- Il s’appelle Harding, il travaille pour Marek. Tu connais Marek, n’est-ce pas ? Il traîne toujours dans cette taverne miteuse, à l’autre bout du quartier.

Visiblement Lyhn connaissait bien ce dénommé Marek puisque son visage s’assombrit dès qu’il prononça ce nom.

- Alors ? On a un accord, n’est-ce pas ? Tu ne diras rien ?
- Pas pour le moment.
- Alors quoi ? Je vais juste attendre de voir si on me jette dehors ou pas la prochaine fois que je passerais la porte de l’établissement ?
- Exactement, répondit la danseuse tout en adressant un sourire au vieil homme, le sourire d’une femme qui appréciait d’avoir un certain contrôle sur la situation, elle qui en était dépourvue la plupart du temps. Vous savez… Je crois que si vous étiez prêt à payer un supplément, plusieurs filles seraient ravies de vous laisser vous asseoir dans un coin pendant qu’elles s’occupent d’un autre.
- Tu ne comprends pas… Le fait qu’elles ne sachent rien, que personne ne se doute que j’observe… C’est ça qui est véritablement excitant, répondit-il en réprimant un frisson de plaisir rien qu’à l’évocation de souvenirs passés.
- Je crois que j’en ai assez entendu pour ce soir… Elle soupira et se tourna enfin vers le loup, le remerciant intérieurement de l’avoir laissé mener la danse sans intervenir. Je suis désolée, on dirait bien que je t’ai fait perdre ton temps.

Sans attendre de réponse, elle franchit les quelques pas qui la séparait de la sortie et accueillit l’air vivifiant de cette soirée d’automne comme une bénédiction avant de resserrer les pans de son manteau autour de son corps. Le loup ne tarda pas à la rejoindre dehors et le masque qu’elle avait porté tout le temps qu’elle s’était trouvé en la présence de Lombardi s’évanouit pour de bon, découvrant un sourire radieux, un brin espiègle.

- Alors, j’ai été comment ?

Avait-elle une chance de faire craquer des coupables plus coriaces que Lombardi avec son numéro de femme autoritaire ?
Daren Van Baelsar
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Mar 29 Mar - 20:29
L'enquête en équipe était un exercice rare, mais pas inhabituel dans l'univers du loup. Comme le serait la chorégraphie d'un ballet ou d'une pièce de théâtre, chacun se devait de trouver son rôle sur la partition, tout en y appliquant ce même soin qui incombe à un artiste de ne pas déborder de son rôle sous peine d'en oublier ses partenaires. Cette attention à ne pas en faire trop était d'autant plus importante qu'il en valait généralement du bon déroulé d'un interrogatoire où d'une traque. Une seule fausse note et tout pouvait s'effondrer.

Ce soir-là, Daren n'eut aucun doute quant au fait que la représentation tiendrai ses engagements jusqu'à l'ultime baisser de rideau. Comme s'ils avaient été déjà engagés dans un travail en équipe - ce qui d'une certaine façon n'était pas si faux -, les deux protagonistes s'étaient chacun appropriés leur personnage, se laissant à tour de rôle un temps d'action suffisant à rendre leur prestation plus que convaincante. Pour preuve, le vieux Lombardi n'avait pas traîné avant de se mettre à table.

Satisfait de voir la danseuse mener un interrogatoire aussi rapide qu'efficace, Daren s'était mis rapidement en retrait, se contentant d'échanger quelques brefs regards et hochement de tête lorsqu'il croisait les yeux de sa coéquipière. Le reste du temps, il lui suffisait de faire acte de présence pour suggérer qu'il n'était pas là pour se délecter d'une camomille, un rôle qui, dans le contexte actuel, l'amusait presque. Bien sûr, il conservait tout son sérieux et restait attentif aux moindres faits et gestes. Les dires du vieil homme apeuré le prirent d'ailleurs autant au dépourvu qu'ils confirmèrent certains de ses soupçons.

Lombardi ne s'était pas affolé plus que ça de voir la danseuse - sa présumée victime dans leur scénario - arriver chez lui en cette fin de soirée, accompagné d'un homme l'obligeant à ne pas leur claquer la porte au nez. Aux vues de son manque de courage, il n'aurait pas été capable de mentir, surtout en sachant que sa maison pourrait très bien être fouillée de fond en comble. Un constat qui suffisait presque déjà à l’innocenter. Cela dit, les révélations qu'il fit au sujet de ses fantasmes inavouables ne manqua pas de surprendre les deux enquêteurs d'un soir. Daren digérait d'ailleurs cette information en se massant discrètement l'arrête du nez, partagé entre une envie de rire très mal avisée et un sentiment de dégoût face à l'attitude perverse de l'homme. Il demeura toujours silencieux en voyant l'interrogatoire prendre une direction intéressante, jusqu'à ce que finalement les noms de deux nouveaux individus soient prononcés. Le changement d'attitude de la danseuse lorsqu'elle entendit le second nom ne lui échappa pas.

- Je suis désolée, on dirait bien que je t’ai fait perdre ton temps.

Cette phrase le tira de ses ruminations, lui qui envisageait déjà la suite des événements. Il n'eut guère le temps de répondre que la jeune femme avait déjà quitté les lieux. Peu désireux de s'attarder, il se dirigea à son tour vers la porte. La main sur la poignée, prêt à refermer le battant, Daren posa un regard sévère sur le vieux Lombardi, qui ravala instantanément sa salive.

- Rassure moi, t'étais pas là quand je...Non tu sais quoi? Je veux rien savoir, ça vaudra mieux, surtout pour toi.

Aussi menaçante qu'était cette phrase, le ton de Daren était resté égal et il semblait surtout s'être concentré sur le fait d'endiguer sa curiosité mal placée. Sans un mot de plus pour le vieil homme, il claqua la porte sans grand ménagement, lui aussi soulagé de retrouver la fraîcheur de la rue. Après un énième ajustement de chapeau, il posa son regard sur la jeune femme qui lui souriait comme si de rien était.

- Alors, j’ai été comment ?

Il laissa traîner le silence quelques secondes, avant de finalement esquisser un sourire.

- Plutôt pas mal, je pense qu'il avait plus peur de toi que de moi si tu veux mon avis.
- Plus peur d’être interdit de se rincer l’œil, surtout. Si je m’attendais à ça…
- C'était inattendu je te l'accorde, dit-il en faisant une moue répugnée, mais au moins...On a une nouvelle piste. T'avais l'air de connaitre ce fameux Marek, n'est-ce-pas?

Le sourire de la danseuse s'effaça partiellement.

- Oui, tout le monde le connaît dans le coin. C'est encore un petit chef de gang, un rival de Dario. Ils passent leur temps à se faire la guerre pour une histoire de territoire. Ça me semble fou qu'il puisse être mêlé de près ou de loin à cette histoire.

Voilà qui ne venait pas arranger leurs affaires. Un chef de gang, quel que soit l’effectif de ses sous-fifres, est toujours source de problème. Il suffisait de voir comment se comportait le trublion titulaire de la Belle-de-Nuit pour s'en rendre compte. Daren digéra l'information en silence cependant, ne manifestant aucune inquiétude en apparence.

- Selon le vieux, c'est ce Harding le vrai coupable. Bien sur, il a peut-être suivi des ordres, mais il ne faut pas exclure qu'il ait agi seul.
- Il n'a peut-être pas donné l'ordre, en effet, mais si quelqu'un sait où trouver Harding, c'est lui.

Difficile en effet de se soustraire au passage de la discussion avec le chef...Une option plutôt contrariante pour le loup qui, d'ores et déjà, s'essayait à jauger le risque des prochaines rencontres à venir. C'est dans un silence d'une bonne minute qu'il prit le temps d'assimiler tout ce qui avait été dit, observant machinalement autour de leur position, comme s'il était soudainement devenu important de garder un œil sur leur entourage. Il n'y avait pas trente six solutions à leur problème, et c'est sur cette conclusion qu'il finit par reporter son attention sur la danseuse.

- Bon, tu crois que tu seras couverte assez longtemps par Annette pour qu'on aille rendre une petite visite à ce brave garçon?
- Tu veux vraiment y aller ? Questionna-t-elle, surprise, Ce n'est pas vraiment un endroit très... accueillant pour les non habitués. Peut-être qu'on devrait laisser tomber.

La fin de sa phrase était ponctuée d'un regret qui n'avait pas échappé à l'Ascanien.

- Il me semble que ce type à quelque chose qui t'appartient non? Alors oui, je pense que ça vaut le coup d'y faire un tour. Cela dit...Je peux aussi y aller seul, et t'éviter de prendre des risques inutiles.

A vrai dire, son hésitation quelques minutes plus tôt avait inclus l'idée de se rendre seul à la taverne qui servait de quartier général au dénommé Marek. Idéalement, ne pas avoir à mettre la danseuse dans une situation périlleuse l'arrangeait au plus haut point, bien qu'elle soit loin d'être une fille fragile qui ne connaissait rien de la vie des bas quartiers. De toute façon, il aurait été prêt à parier qu'elle refuserait de le laisser y aller seule. Comme si elle lisait dans ses pensées, elle lui lança un sourire mutin qui fit déjà office de réponse.

- Tu n'as plus ton cheval mais tu es toujours prêt à aider une demoiselle en détresse, hein ? Comme si j'allais te laisser passer la pire soirée de ta vie tout seul.

Le loup poussa son habituel grognement. "La pire soirée de ta vie", voilà un propos bien engageant. Daren évita de la contredire cela dit, repensant à temps que son activité réelle n'était pas connue de tout le monde. En comparaison à certains soirs, on était bien loin de ce que l'Ascanien pouvait qualifier d'infernal. Cela ne l'empêcha pas de conserver sa concentration, pécher par excès de confiance était une erreur qu'il ne préférait pas commettre. Dans son métier, ce genre de comportement amenait irrémédiablement vers le cimetière, alors autant s'en préserver. Malgré tout, il conservait une assurance qui lui était propre et qui, généralement, contribuait au bon déroulement des opérations en groupe.

- Conduis-nous là-bas dans ce cas si tu veux bien. On a du pain sur la planche.


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La nuit les langues se délient  - Page 2 Pic10

Si rien ne changeait en terme d'opulence entre un bout et l'autre de cet infâme bourgade, force était de constater que les alentours de la Belle-de-Nuit semblaient bien moins assaillies par les sirops de rues que ce coin dans lequel la danseuse venait de les mener. Redoublant de prudence, les deux protagonistes avaient opté pour le silence, tous deux bien plus sur la défensive. Il pesait dans ce genre d'endroits une ambiance lugubre, témoignant encore un peu plus des inégalités qui sévissaient dans la ville, à l'abri du regard des plus puissants. Passer plus de cinq minutes dans cet agglomérat de coupe gorge laissait immédiatement la désagréable impression d'être observé en permanence, ce qui en soit n'était pas vraiment faux. Bien qu'habillés sobrement, les protagonistes ne passaient pas inaperçu et la convoitise pouvait parfois se lire dans l'attitude des plus audacieux d'entre eux. Fort heureusement, il y avait encore trop de monde dans les rues pour que les agresseurs sortent de l'ombre pour s'en prendre à eux. Qui plus est, ces importuns tendaient à s'en prendre à des cibles "faciles", un trait qui ne collait pas au duo de prime abord, notamment à cause de la stature de Daren.

Après être passés sous une arche surplombée par une maison qui semblait prête à s'écrouler, ils se retrouvèrent finalement sur une minuscule place aux pavés fracassés. Au milieu de l'espace trônait un arbre qui semblait avoir déjà subi trop d'hiver au sein de ce quartier. Décharné, sa silhouette dessinée par les lueurs de lanternes accrochées ça-et-là donnait un aspect tout à fait macabre à l'endroit. Dans les coins d'un semblant d'alcôve, des tonneaux de réserve côtoyaient les vestiges fracassés de leurs confrères depuis longtemps consommés. Les murs refermant l'endroit sur lui-même n'aidaient pas non plus à évacuer les odeurs entremêlées de l'urine, du vomi et de nombreux déchets de nourriture en décomposition qui jonchaient les coins de chaque bâtiment. Effectivement, ce lieu n'avait rien d'accueillant. Pourtant, en tendant l'oreille, il était possible de discerner assez facilement quelle porte menait à cette taverne qui devait abriter Marek. Avant d'avancer un peu plus dans la place et attirer l'attention sur eux, Daren prit la parole.

- Cette fois, on n'est pas en position de force. Je ne t'apprends rien, j'en conviens, mais il est important de se rappeler régulièrement à la prudence.

Le sérieux dans la voix du loup ne trompait pas, il n'était plus aussi détendu qu'avant. Son assurance toujours présente, le regard de l'Ascanien jaugeait chaque recoin comme s'il s'agissait d'un potentiel ennemi. Intérieurement, il s'efforçait également de mémoriser les lieux, en cas d'urgence...Un recours qu'il espérait voir être inutile finalement. Comme il ne semblait rien y avoir à ajouter à ce rappel, les protagonistes s'avancèrent jusqu'à la porte de l'auberge. Après un ultime regard, Daren poussa la porte.

Le traditionnel contraste entre le froid de l'extérieur et la chaleur d'un espace clos n'était pas aussi agréable qu'elle aurait dû l'être, car avec elle se mêlait immédiatement une odeur de bois moisis, trop souvent maltraitée par les chutes d'alcools en tout genre. Le bruit en revanche était lui bel et bien présent, un étrange mélange entre rire gras, éclats de colère et gémissement sonore plus qu'évocateurs. Nulle chambres privatives ici, seules quelques alcôves à peine dissimulé derrière des tentures défraîchies, lieu dédiés à la débauche entre client et fille de joie. Tout se mélangeait dans une joyeuse anarchie aux relents de fluides corporels de toute provenance. Le maître des lieux ne semblait pas non plus s'être ennuyé avec la décoration, la salle se résumait à un grand espace ouvert équipé de nombreuses tables et dénué de quelconque âme. Comme le suggérait l'expérience olfactive, il valait mieux regarder au sol que devant soi, si l'on ne voulait pas glisser dans les vestiges d'une boisson ou s'enfoncer du verre pilé dans les bottes. Les serveuses, également courtisanes, avaient une tout autre attitude que celle de la Belle-de-Nuit. Ici, toucher n'était visiblement pas interdit, comme en témoignait cette cinquième main qui venait se frotter aux fesse d'une jeune blonde qui se forçait à sourire en servant les affamés gredins.

Peu désireux d'attirer l'attention en scrutant bêtement les convives depuis le pas de la porte, Daren s'avança en entraînant sans brutalité la danseuse avec lui. D'une marche très lente, il progressa dans la taverne, simulant ainsi une attitude de client lambda. En se baissant légèrement pour parler non loin de l'oreille de la danseuse, il prit finalement la parole.

- Alors, est-ce que tu vois notre gars ?

Lyhn
Lyhn
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Mer 30 Mar - 16:40
Il était inutile de la rappeler à la prudence, la crispation dans l’ensemble de son corps s’en chargeait déjà. L’odeur ambiante lui agressa les narines sitôt qu’elle pénétra dans l’établissement ; à côté de cet endroit, la Belle-de-Nuit ressemblait à un salon de thé pour gentilshommes. Tous ceux qui avaient grandi dans le quartier supportaient très bien d’avoir les deux pieds dans la merde, dans le vomi, ou ailleurs ; ce n’était pas vraiment l’état du sol ou de l’hygiène douteuse des clients qui écœurait le plus la danseuse.

Autour d’elle, elle avait un fugace aperçu de ce qu’aurait pu être sa vie si Annette ne lui avait jamais tendu la main, et c’était presque un écœurement supplémentaire de se sentir chanceuse de travailler à la Belle-de-Nuit et pas dans ce genre d’endroit. Ici, les filles n’étaient sous la protection de personne car ce n’était pas l’établissement qui les employait, et aucune ne savait vraiment si elle serait correctement payée à la fin de la passe ; les ecchymoses qu’elle apercevait parfois sur leurs visages suggéraient d’ailleurs que les négociations ne se passaient pas toujours bien.

Supporter l’humiliation et les coups pour quelques pièces, presque rien, à l’image de ce que valaient leurs vies... Les gagneuses de la Belle-de-Nuit pouvaient se permettre de demander un peu plus que ces filles, parce qu’elles étaient plus jeunes, plus belles aussi ; la maladie ne les avait pas abîmées, et madame Vivianne veillait à ce qu’elles soient toujours propres et bien nourries. La plupart des prostituées qu’elle voyait finiraient par tomber enceinte d’un inconnu, faute d’avoir pu se procurer des herbes contraceptives de qualité chez un herboriste. Les histoires qu’on lui avait racontées ne se finissaient jamais vraiment bien.

Et toute cette misère lui donnait envie de vomir.

À côté d’elle, le loup l’entraînait dans son sillage sans qu’elle ne réagisse et les mots qui lui glissa à l’oreille se perdirent dans le brouhaha ambiant. Elle tourna son visage vers lui et plongea son regard dans le sien ; elle ne regarda rien d’autre que lui pendant de longues secondes, un point d’ancrage pour fuir momentanément la réalité. S’il n’avait pas été là, elle serait simplement repartie. En réalité, s’il n’avait pas été là, elle n’aurait même pas eu l’audace de s’échapper du « confort » de sa routine.

- Est-ce que tu vois notre gars ? répéta t-il alors, conscient qu’elle n’avait rien entendu la première fois.

Leur homme. Marek. Le trouver. Lui demander où trouver Harding. Elle se concentra sur leurs objectifs ; plus tôt ils le trouveraient, plus tôt ils pourraient sortir de ce trou à rats. Elle balaya la salle du regard. Les hommes comme Marek étaient trop importants pour se mêler simplement à la plèbe, ils aimaient ne rien faire comme tout le monde, montrer qu’ils n’étaient pas n’importe qui. Ses yeux se posèrent sur une tenture qui masquait partiellement un espace plus privé, noyé dans les volutes de fumées ; ce n’était ni tout à fait une alcôve, ni tout à fait une pièce à part entière. La présence de deux gorilles qui semblaient en garder l’entrée lui confirma ses soupçons.

- Là, répondit-elle finalement en désignant les deux hommes qui observaient la salle sans montrer le moindre signe d’amusement.

Cette fois, il ne s’agissait plus de frapper à la porte pour demander poliment l’entrée. Quoi que… Avoir de l’aplomb dans ce genre de situation pouvait donner des résultats étonnants. A vrai dire, s’approcher de Marek ne semblait pas être la partie la plus difficile. C’était plutôt le ton qu’aurait la conversation avec lui, le paramètre hasardeux.

Dans un soupir à peine audible, Lyhn ôta son manteau, dévoilant ses épaules nues mais surtout sa robe outrageusement rouge, avant de le tendre au loup. Elle n’avait pas eu besoin de l’ôter pour s’attirer quelques regards, mais maintenant qu’elle l’avait fait, elle avait l’impression d’avoir l’attention de l’ensemble de la salle commune. Elle ignora les quelques commentaires et sifflements  sur son passage et espérait simplement que les larges épaules de l’Ascanien suffiraient à tenir éloigner les plus téméraires.

- Je peux nous faire approcher assez près pour avoir une conversation avec lui. Avec un peu de chance, Harding sera présent lui aussi…, ajouta t-elle dans un presque murmure, sans conviction toutefois.

De l’aplomb, juste de l’aplomb. Elle savait sa tenue comme sa démarche un peu trop élaborées pour l’endroit, n’importe qui saurait en posant les yeux sur elle qu’elle n’était pas là pour se faire trousser par le premier venu. Seul quelqu’un d’important aurait pu se payer le luxe de faire venir une fille comme elle jusqu’à lui, quelqu’un de la trempe de Marik et rien d’autre. Évidemment, les deux gorilles à l’entrée avaient des ordres clairs et c’était surtout eux qu’elle devrait convaincre.

- Où tu crois aller comme ça, ma jolie ? demanda l’un d’entre eux lorsqu’elle arriva à leur hauteur.
- Voir Marek, j’ai rendez-vous, répondit-elle avec assurance, une main sur la hanche.
- Voyez-vous ça. On m’a pas parlé d’un rendez-vous. On t’a parlé d’un rendez-vous, à toi ? demanda l’un des hommes à son comparse. Ce dernier haussa les épaules.
- Soyez gentils, je suis déjà en retard.

Leurs sourires goguenards se dissipèrent à la vue du loup et leurs yeux se plissèrent, méfiants.

- Et lui alors, c’est qui ? Lui aussi il a « rendez-vous » ?
- À ton avis ? rétorqua t-elle comme si la réponse était évidente. Elle leva les yeux au ciel devant leurs airs. C’est mon mac, il est là pour récupérer l’argent. Non pas que je ne fais pas confiance à Marek pour payer mais… je sais comment les choses se passent ici.

Les hommes échangèrent un regard qui pouvait vouloir tout et rien dire, avant que l’un d’entre eux n’écarte la tenture pour s’engouffrer dans l’espace derrière. Trop curieuse pour son propre bien, Lyhn s’orienta de façon à pouvoir jeter un œil à l’intérieur. L’ambiance de la salle commune l’empêchait d’entendre quoi que ce soit et son regard ne parvenait pas tout à fait à percer les ténèbres de l’espace exiguë ; pourtant, au bout de quelques secondes, son regard tomba sur les yeux glacés de Marek, réalisant du même coup qu’il la regardait lui aussi. Elle reprit sa position initiale presque immédiatement.

- C’est bon, ils peuvent y aller, mais on les fouille avant, annonça l’homme qui venait de revenir.

C’était une requête assez légitime à laquelle ni Lyhn ni Daren ne s’opposèrent, même si ce dernier poussa son éternel grognement lorsque l’un des hommes se mit à lui faire les poches, sans doute pour la forme. L’homme ne tarda à trouver un couteau qu’il s’empressa de faire disparaître à sa ceinture.

- Je vais garder ça avec moi un moment, si ça te dérange pas
, lui dit-il en souriant d’un air narquois, comme s’il attendait presque une protestation de sa part.

De son côté, Lyhn n’échappa pas à la fouille réglementaire et celle-ci se révéla presque plus minutieuse que celle que l’on imposait au loup. Elle afficha ce stoïcisme propre aux femmes qui avaient l’habitude de ce genre de traitement.

- Tes cheveux, ils sentent les gâteaux, souffla t-il dans sa nuque tandis que ses mains caressaient ses hanches à la recherche d’armes mortelles.
- C’est bientôt fini ? Tu crois vraiment que je dissimule quoi que ce soit là-dessous ?
- Non, même pas une culotte apparemment ! s’exclama t-il alors que son examen l’avait amené à s’intéresser de plus près à ses fesses. Mais on n’est jamais trop prudent…

Il finit par la laisser partir, presque à regret, et écarta la tenture d’un geste pour lui permettre de passer. Le loup ne tarda pas à suivre, comme s’il était son ombre. L’air dans l’espace faiblement éclairé par quelques bougies était chargé de tabac, elle dut se retenir de tousser malgré les picotements qu’elle sentait dans sa gorge. Assis comme un roi sur son divan éventré - probablement le mobilier le plus confortable qu’on puisse trouver dans cet endroit et qu’il avait réquisitionné pour son usage personnel – Marek les observait d’un regard inexpressif.

Il n’était pas possible de lui donner un âge défini ; de prime abord, il n’avait pas l’air d’avoir plus que la trentaine mais un second coup d’œil venait démentir cette hypothèse, tant la vie semblait avoir creusé des sillons dans cette peau burinée par la brutalité de l’existence. Une cicatrice défigurait le côté gauche de son visage, partant de la commissure de ses lèvres pour remonter sur sa joue, figeant à jamais un sourire en coin dans son expression. Mais le plus frappant était sans doute le bleu de ses yeux, d’un bleu glacé saisissant ; une couleur rare, surtout chez les Amaranthis.

À côté de lui se tenait une femme qui devait avoir quelques années de plus que Lyhn, son visage juvénile mais peu avenant était encadré par une masse de cheveux châtains et frisés et sa peau hâlée, couleur du désert, témoignait d’une ascendance indéniablement Amaranthis. Elle avait à peine relevé les yeux vers eux lorsqu’ils étaient entrés, et elle se curait les ongles avec un poignard aiguisé qu’elle maniait avec une dextérité presque insolente. Malgré tout, elle aurait pu jurer que la jeune femme était très attentive à son environnement. Lyhn avait oublié son nom – Tamara, peut-être ? - mais elle savait qu’elle faisait office de bras droit ici.

Installés plus loin, deux autres hommes étaient présents, le blond filasse de leurs cheveux trahissait un lien de famille évident. L’un d’entre eux s’amusait à cracher des volutes de fumée en l’air sans leur prêter attention, tandis que l’autre dardait dans leur direction un regard méfiant.

- La soirée n’était pas très intéressante, vous venez y remédier ? demanda l’homme au regard de glace, regard qu’il attarda sur Lyhn quelques secondes de trop avant de déclarer, moqueur : Je veux bien la baiser mais j’ai pas l’intention de payer quoi que ce soit, je préfère prévenir.
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