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Claircombe  :: Titre :: Baie d'Écueils - Port-aux-Échoués :: [Taverne de Borlk]Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras - Liveig & Uraïa [terminé] ::
[Taverne de Borlk]Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras - Liveig & Uraïa [terminé]
Uraïa
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Ven 23 Juil - 19:30
Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras

Liveig Fjorleif & Uraïa
A la tombée de la nuit |  Port aux Echoués | Taverne de Borlk | An 82, 3ème mois d'Hiver, Jour 20
[Taverne de Borlk]Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras - Liveig & Uraïa [terminé] EEtP579

Port-aux-Échoués. Nul autre lieu en Avalone ne portait mieux son nom que cet endroit sordide où tout avait commencé pour les colons de la nouvelle terre. Un lieu maudit qui se refermait sur lui-même telle une huître avariée dès la tombée de la nuit. Et pourtant, quelques fous s’obstinaient à vivre là, en dehors de l’abri prodigué par les murs de Claircombe. C’était une chose qui fascinait l’Utgardienne qu’était Uraïa. Bien qu’elle conçoive que la vie dans les murs était étouffante, preuve en était qu’elle vivait depuis près de dix ans dans une chambre d’auberge des faubourgs, elle devait reconnaître que ceux qui avaient décidé de vivre de la pêche à Port-aux-Échoués étaient soit particulièrement braves, soit particulièrement stupides.

Elle-même ne se serait pas attardée là s’il n’avait pas été question de son crétin de cousin Orik. Habituellement, elle ne se chargeait pas de la revente des produits de leur chasse, elle était payée par Markus pour pister, chasser au faucon, tirer quelques flèches bien placées. Pas pour marchander, ni négocier la revente. Mais Markus était occupé avec un contrat dans le quartier Ascanien où elle n’était clairement pas la bienvenue et Raquel l’avait accompagné histoire de s’assurer qu’il ne se ferait pas rouler dans la farine.

De fait, Xan’ti et elle s’étaient chargés de suivre Orik pour à peu près les mêmes raisons. Le tanneur de la bande était parfaitement capable de compter son or et de négocier âprement pour son art mais il avait une fâcheuse tendance à se laisser distraire, particulièrement quand il était question de jolies filles, ce qui avait mis en échec beaucoup de ses tentatives de fiançailles, et il avait un penchant bien trop prononcé pour le jeu et les défis de toute sorte, ce qui avait motivé Uraïa à partir avec lui, afin de s’assurer qu’il ne dépenserait pas le contenu d’une saison de chasse dans un pari stupide. Xan’ti avait suivi le mouvement, tout simplement parce qu’il ne s’éloignait jamais trop d’Uraïa et prenait soin de ses faucons quand elle était occupée.

Le voyage de Claircombe à Port-aux-Échoués s’était fait relativement sans encombre et malgré la saison, le temps s’était montré clément avec les Claircombois, ce qui était de bon augure. A part une roue du chariot qu’ils avaient loué qu’ils avaient dû réparer en chemin, rien ne les avait ralentis jusqu’à leur destination. Orik avait négocié chèrement les belles peaux qu’ils avaient ramenées. Un cerf rouge, particulièrement, avait fait monter les prix auprès du client. Celui-là était de passage et repartirait dès l’aube vers les Côtes embrasées pour Njörd savait quoi, Uraïa s’était bien passée des détails tant que son or était valable. L’homme d’une quarantaine d’années n’avait pas trop barguigné et il s’était montré correct durant toute la transaction, payant rubis sur l’ongle pour les peaux et quelques fourrures.

D’autres clients, commerçants ou pécheurs étaient passés pour du cuir ordinaire mais finement tanné, afin de remplacer des vêtements, des outils ou des pièces de cuir de leurs embarcations. Uraïa retenait des bâillements ennuyés avant que la journée s’achève sur le petit stand qu’ils avaient installé sur le port, comptant les mouettes, filant parfois quelques morceaux de viande séchée à ses faucons qui mouraient eux aussi d’envie de filer dans les cieux. Xan’ti sentit arriver la tombée du jour avant elle, et serra son épaule, la ramenant à la réalité. Il s’éloigna ensuite vers les terres avec les deux faucons, arguant qu’il ne dormirait pas sur des terres maudites, même à l’abri d’une coque de bois - et Uraïa s’étira pour ranger le stand avant d’être rattrapée par l’heure, forçant Orik à faire de même. Rapidement tout fut rangé et ils se dirigèrent vers l’auberge où ils avaient réservé une chambre et un emplacement couvert pour leur chariot. Quand elle se retourna, le nomade avait filé depuis longtemps et n’était plus qu’un petit point sombre sur l’horizon déclinant.

La taverne de Borlk était pleine à craquer et une joyeuse ambiance flottait dans l’air, contrastant avec la balade des maudits à la recherche de proies bien vivaces au dehors. La seule différence avec une taverne ordinaire était que les portes en étaient barricadées et qu’on n’en sortait pas après la tombée de la nuit, à moins de vouloir finir en charpie pour  nourrir les crabes - et encore les anthropophages n’étaient pas réputés pour laisser grand-chose derrière eux. La musique, les rires et les conversations bruyantes oblitéraient entièrement les sifflements emplis de frustration qu’on pouvait parfois percevoir entre les planches des murs ou les lueurs dansantes de quelques yeux jaunes qui disparaissaient par intermittence. Uraïa, elle, ne parvenait pas à se détendre. Il suffisait qu’une porte soit moins bien fermée, d’une planche abîmée par le sel des embruns, d’un idiot peu attentif… Elle était coincée là comme une sardine dans sa boîte, prête à la dégustation. Et elle n’aimait pas ça. Elle regretta un instant de ne pas avoir suivi Xan’ti, mais son frère de lait capta son regard sombre et porta une chope de bière bien fraiche devant elle avec son grand sourire charmeur habituel.

— Tu peux arrêter de tirer la gueule deux secondes, petite sœur ? On a fait de bonnes affaires aujourd’hui, et ça fait bien longtemps qu’on n’a pas passé une soirée rien que toi et moi, détends toi !

L’Utgardienne maugréa un peu mais accepta de trinquer avec Orik et porta la chope à ses lèvres, se tournant comme lui sur son tabouret pour admirer la populace peu reluisante qui avait envahi les lieux pour la soirée. Beaucoup jouaient tout en buvant, portant parfois une fille aux jupes légères sur leur genou, des cartes ou un jeu de dés à la main. Uraïa fit une moue et comprit immédiatement pourquoi son crétin de cousin lui avait fait les yeux doux quelques secondes auparavant.

— N’y pense même pas, Orik. Je te l’ai dit, on se barricade ici pour la nuit par mesure de sécurité mais n’imagine pas dépenser…

Elle n’avait pas eu le temps de finir sa phrase qu’elle s'aperçut qu’elle parlait dans le vide. Orik la haranguait déjà à l’autre bout de la pièce, hilare, se faufilant jusqu’à une table qui jouait aux dés. Une serveuse l’avait déjà repéré son beau brun d’Utgardien, et lui n’avait pas hésité à l’embrasser dans le cou avant de s’installer sur un tabouret qu’on lui trouva. Uraïa leva les yeux au ciel. Avec ça, elle allait devoir dormir dans la salle commune avec les soûlards de passage. De mieux en mieux. Elle finit par se décoller du comptoir, sa chope à la main, afin de sauver ce qui pouvait l’être encore. Elle dut jouer des coudes comme si l’assistance prenait un malin plaisir à la retenir et elle faillit avoir des problèmes avec un malabar peu amène dont elle avait maltraité les orteils en passant.

— Dégage, gros lard.

Le type fut si surpris par son regard noir qu’il recula sans avoir le temps de riposter, et quand il voulut l’attraper il était déjà trop tard. Évidemment, lorsqu’elle parvint enfin à sa table, Orik avait saisi les dés dans une main, faisant glisser la serveuse sur ses genoux d’un geste sûr qui tira un petit cri à cette dernière, bien trop heureuse de se laisser faire. Il avait placé une mise raisonnable sur la table, ce qui modéra la contrariété de l’Utgardienne sans la rassurer tout à fait.

— Si tu perds, compte pas sur moi pour te prêter de l'argent, je te préviens.

Cette mise en garde fut parfaitement ignorée par Orik qui lança les cinq dés qu’il tenait, devant une bande de tire-laine mal dégrossis qui s’égosillaient en faisant des paris sur la chance de l’Utgardien. La première manche sembla néanmoins sourire à l’étranger, qui relança audacieusement un 1 pour augmenter sa suite, qui s’avéra invaincue par une combinaison plus forte. L’Utgardien hurla “Capitaine !” et remporta la première mise. Les uns et les autres offrirent des moues de bons perdants, ce qui étonna quelque peu Uraïa. Elle se serait attendue à davantage de barouf pour une défaite aussi clinquante, mais peut être était-ce là les habitudes des lieux, où à coup sûr, les occasions de revanches ne manquaient pas. Elle empoigna l’épaule d’Orik qui comptait sa camelote, quelques bijoux et pièces sonnantes et trébuchantes.

— Allez, on remballe, il est tard.

Mais les choses ne pouvaient pas s’arrêter en si bon chemin. La serveuse souffla quelque chose à l’oreille de son compagnon qui étira un grand sourire, tandis que les autres s’égayaient déjà d’une nouvelle partie. Uraïa ne réussit pas à lutter dans une telle masse, et Orik ne fit rien pour l’aider, reposant sa mise si facilement gagnée sur la table, augmentant les paris.

— Tu n’es pas sérieux.

Elle se voulait menaçante mais Orik la chassa d’une main, comme une mouche agaçante.

— Lâche-moi les basques, Uraïa ! Je suis pas un gosse, bordel !
— On en reparle quand tu auras perdu gros et que tu prendras mon pied au cul.

Le ton était particulièrement froid, l’Utgardien avait réussi à la fâcher avec sa répartie, et elle hésita un instant à le planter là. Mais il détenait les économies de la bande, la paie durement gagnée par Markus, Raquel, et Xan’ti, elle ne pouvait pas seulement fermer les yeux. Déjà la partie reprenait et Orik beugla “Appelez moi Grand Amiral !” d’un ton fanfaron qui n’était pas de bon augure. Elle profita qu’il avait la tête ailleurs pour lui faucher la bourse qu’il n’avait pas mise sur le tapis. Elle répugnait à ce genre de méthode, mais puisqu’il n’avait nullement l’intention de l’écouter, qu’il risque sa propre prime. Elle sectionna le cordon de cuir d’un mouvement sec et fourra la bourse dans son propre paletot. Elle allait faire demi-tour sans être plus remarquée quand elle entendit une voix féminine hurler par dessus le brouhaha :

— Bouh ! Qui est-ce que tu crois entuber, Lars ? C’est de la camelote de charlatan que tu mises !

Aussitôt, un mouvement se fit sentir, en direction de la table, et Uraïa dut lutter une nouvelle fois pour se défaire de l’étau humain qui se resserrait autour d’elle, croisant le regard mauvais du gros lard qu’elle avait maltraité quelques instants plus tôt.

Elle fut contrainte de faire demi-tour dans l’espace réduit, retournant près d’Orik dont elle ne distinguait que le sommet du crâne, accompagné de celui de la jolie serveuse. Elle distingua plus loin, perchée sur une table, une jeune femme très blonde qui ressemblait à une Utgardienne par les traits, bien que sa carrure fine et délicate soit davantage digne du quartier ascanien. En tout cas, elle avait l’accent du clan alors qu’elle s’esclaffait devant le petit esclandre qu’elle venait de déclencher. En effet, quelques parieurs se penchaient déjà sur la mise du dénommé Lars, et il semblait qu’elle avait visé juste, tirant des grognements mécontents et des imprécations autour de la table. Uraïa le sentait, l’orage arrivait et quelque chose bouillonna en elle, comme à chaque fois qu’une bonne bagarre se préparait.
Liveig Fjorleif
Liveig Fjorleif
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Dim 25 Juil - 11:50
Il commençait à lui courir sur le haricot, celui-là. Elle pensait pourtant avoir été claire : la taverne de Borlk, elle ne voulait plus l’y recroiser. C’était le territoire de Marshall maintenant, c’était elle qui tirait les bourses ici. Alors oui, quand elle avait vu ce con de Lars arriver avec ses babioles, elle avait serré les dents, mais l’avait laissé faire parce qu’elle s’était dit qu’il n’oserait pas revenir. Pas après ce qu’il avait essayé de refiler au tavernier pour payer son ardoise. Pourtant, il avait osé, le bougre, mais cette fois, au lieu de s’en prendre à trop gros pour lui, sa cible était des voyageurs Utgardiens. Depuis le temps que Liveig traînait ici, elle savait pertinemment qu’ils n’étaient pas de Port-aux-Echoués. Toutefois, ce qui avait vraiment tout déclenché, c’est quand l’oeil acéré de la balafrée vit une femme aux cheveux flamboyants délester le joueur du soir de sa bourse discrètement. Et c’était là qu’elle était montée sur la table. Son intervention avait jeté un froid et les conversations enjouées moururent. Sentant les ennuis arriver, la serveuse assise sur les genoux du gagnant de la soirée décida qu’il était temps pour elle de s’éclipser.

— Ma mise est plus que honnête, c’est du travail d’Amaranthis ! s’insurgea-t-il en se levant, comme si on venait d’insulter sa génitrice.
— Tu ne trouveras donc rien à redire si on gratte un peu ta ferraille pour s’en assurer ?
— Ca serait ruiner du bon travail d’Amaranthis !

La blonde éclata d’un rire moqueur. Voyant que personne n’était tout à fait convaincu par ses propos, Lars pointa du doigt la mezzanine qui surplombait la taverne, comme s’il s’adressait à quelqu’un qui s’y trouvait.

— Marshall, rugit-il, dis à ta putain de s’enlever la merde des yeux et d’s’mêler de son cul, sinon, je m’en charg’rai pour elle !

— Essaies-y toi donc, elle ne m’écoute pas plus que toi, fit une voix grave. L’homme en question ne prit même pas la peine de se lever ou de passer la tête par-dessus la balustrade pour voir ce qu’il se tramait : il ne le savait que trop bien. Puisqu’elle cherchait la merde, elle n’avait qu’à s’en dépêtrer. Quelle grande gueule.

— Attends, t’as dit quoi, sac-à-purin ?

La catin de Marshall. Bah oui, puisque s’il devait y avoir une femme au sein d’un groupe organisé aux activités plus ou moins louches, ce ne pouvait être qu’une fille de peu de vertus, sinon, pourquoi s’en encombrer, hein ? Les femmes n’avaient-elles donc rien à apporter d’autre que leur con ?

— T’as bien entendu, la put…  AaaAaïe !

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, de rage, la blonde avait jeté sa chope en bois à travers la salle. Son geste précis et puissant était celui d’une lanceuse de couteau aguerri qui avait ruiné certains clients en les défiant au jeu. Loin de s’arrêter là, la folle furieuse bondit comme un félon, son corps filiforme fit une percée dans la foule jusqu’à la table de l’escroc. Elle bouscula une rouquine et se saisit d’une timbale en étain. D’une pichenette de l’ongle, elle la fit sonner pour délivrer un son mat et sans résonance.

— Y a que du plomb là dedans ! Et regarde ça, fit-elle en plongeant la main dans le tas de bric-à-brac sur la table, même les clous d’une épave sont mieux forgés ! ajouta-t-elle encore. Du verre et de la…

Rouge pivoine, Lars s’était relevé et venait de lui écraser son poing au visage. Il n’allait pas la laisser faire son spectacle plus longtemps. Deux hommes essayèrent de le saisir par les bras, mais le fourbe se débattait bien. A leur tour, ses acolytes intervinrent pour le défendre. Le petit groupe de cinq se mettait sur la gueule et les clients commençaient à s’écarter en petit cercle autour d’eux. Vacillant en arrière, bras écartés, la blonde tenta de prendre appui sur tout ce qui l’entourait, et glissa dans les remparts de l’arène humaine pour y disparaître. Tout à coup, le prénommé Orik se leva hors de lui :

— Ma bourse ! On m’a pris ma bourse ! C’est toi, voleur ! Rugit-il en se jetant sur Lars, et par conséquence, dans la mêlée. A l’évocation de l’argent, Uraïa chercha des doigts le petit sac rebondi : disparu. A l’avantage de la taille, Liveig avait disparu dans la foule pour retourner vers le comptoir. Maintenant que tout le monde chercher l’argent, il était trop tard pour l’envoyer discrètement sur la mezzanine.

— Si y a du mobilier cassé, je le mets sur ton ardoise, prévint Borlk avec un air renfrogné lorsqu’elle revint au comptoir.

— T’inquiètes, les gars maîtrisent la situation… dit-elle en jetant un œil à la rixe qui se poursuivait. Dès qu’ils auront fini de se divertir, ils te les sortiront… J’espère…

Elle ne tenait pas vraiment à être barricadée avec ceux-là.
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Dim 25 Juil - 19:18
La situation avait dégénéré en quelques minutes et ce n’était pas encore terminé, loin de là. Distribuant quelques coups dans la cohue, Uraïa avait autre chose en tête. Il lui était quasiment impossible de retrouver son voleur dans ce chaos mais elle avait trouvé où s’adresser pour récupérer son bien. Puisque la voix masculine de la mezzanine semblait contrôler tout ce petit monde depuis son perchoir, nul doute qu’il pourrait bien lui rendre ce qui lui appartenait.

Uraïa était énervée, c’était peu de le dire. Alors lorsque gros ahuri qui gardait l’escalier lui refusa l’accès à l’étage après qu’elle lui ait demandé poliment de dégager de son chemin, elle ne s’embarrassa plus de protocole. D’un violent coup de pied, elle tapa la rotule, ce qui en plus de surprendre son adversaire lui arracha un cri de souffrance aigu. Désormais à sa portée, elle lui envoya son coude dans les gencives et termina le travail d’un coup de genou bien placé dans l’entrejambe. Ne sachant plus où ni comment contenir sa souffrance, elle le laissa à gémir dans l’escalier et l’enjamba d’un bond.

Aussitôt arrivée en haut des escaliers, elle remarqua un homme brun entre deux âges affalé dans un fauteuil et entouré de deux jolies filles bien plus jeunes que lui. Il avait clairement la gueule du malfrat couvert de cicatrices et du genre à renier sa mère pour une poignée de cuivre. Occupé à siroter un verre qui semblait contenir quelque chose de plus raffiné que la bière qu’on servait au tout venant, elle devina qu’elle avait frappé à la bonne porte et se saisit de son arc court, qu’elle emportait avec elle quand elle ne chassait pas. Attrapant une flèche rapidement, elle banda son arc et visa le type qui devait s’appeler Marshall. Aussitôt les filles se mirent à pousser des cris d’orfraie, et se levèrent de concert pour s’écarter de la zone de tir. Uraïa ne broncha pas, son regard noir posé sur sa cible.


— Je devrais vraiment mettre plus de types dans cet escalier, fit Marshall en simple commentaire.

La grande rousse pinça les lèvres et toisa l'inconnu de son air le plus froid et le plus affûté, gardant d'un œil l'escalier derrière elle.

— Tu es Marshall. J'ai perdu un truc que je veux récupérer.
— Maintenant que t'es là, il serait bien con de remonter pour que je lui botte le cul. Laissez-nous, ajouta-t-il aux femmes qui s’étaient reculées dans un coin de la pièce et qui ne tardèrent pas à filer. Qu'est-ce que tu as perdu ma belle ? reprit-il en la scrutant de haut en bas avec un sourire.

Elle inspira pour s'empêcher de lui tirer une flèche directement dans la panse. Il faisait une bonne cible, assis là. Elle carra les mâchoires, l'arc toujours parfaitement tendu.

— Un de tes tire-laine m'a piqué ma bourse. Je veux la récupérer maintenant.

Marshall porta ses doigts à sa bouche et siffla deux fois, tout en la gratifiant d’un regard narquois. Le silence se fit immédiatement dans la taverne ce qui était peut être la démonstration de force la plus impressionnante de la soirée. En un geste, le chef de bande avait fait comprendre qui faisait tourner la barraque mais Uraïa tacha de ne montrer aucune réaction. La moindre faille pouvait lui coûter cher et elle n’allait pas renoncer maintenant. Un mouvement et des raclements de bois lui indiquèrent que les portes étaient désormais totalement barricadées. Rien ne sortirait d’ici.

— Liv.

A ces mots la blonde balafrée qui avait gueulé depuis la table en début de soirée monta les marches avec la vivacité d’un chat, dague à la main. Marshall fit un geste dans sa direction pour l’inviter à s’approcher avant de préciser pour elle.

— La dame a perdu quelque chose.
— La "dame" fait du vol-à-la-tire chez toi.

Uraïa décocha un regard noir à la blonde. De quoi elle se mêlait celle-là ? C’était drôlement gonflé venant d’une voleuse. La situation ne semblait qu’amuser davantage le petit chefaillon sur son fauteuil.

— Ah. Donc, tu n'as rien perdu, ma belle, fit-il d’un ton laconique en buvant une gorgée de vin.

L'Utgardienne plissa les yeux en deux fentes annonciatrices d'un orage en avisant la nouvelle venue, qu'elle reconnaissait. Il était difficile d'oublier la large cicatrice qui lui barrait le visage, immanquablement. Elle tira une première flèche, qui s'enfonça dans le mur non loin du visage de l'empaffé toujours assis qui la prenait de haut. Ça lui apprendrait à se mêler de ses affaires et elle en enfila aussitôt une autre sur son arc.

— Je gère mes affaires comme je l'entends. Et je veux la récupérer.

A ces mots, avant même qu’elle ait eu le temps de réagir, la blonde avait lancé un poignard si près de sa botte qu’elle sentit le contact de la lame contre le cuir. Elle dut se retenir un instant de faire un bond de côté, mais de toute façon il aurait été bien trop tard pour ça et jura en direction de l'Utgardienne, furibonde.

— Les filles, je crois que je vais devoir vous apprendre à viser... s'exclama le bandit, exaspéré par ces démonstrations m'as-tu vu.

Ce fut le tour de Liv’ de jeter un regard furieux à Marshall et la rousse l’apostropha.
— Refais ça et la prochaine est pour toi !
— On a pas toujours ce qu'on veut... Ramenez-moi le joueur !

C'est à ce moment qu'Orik monta les marches précipitamment, un œil bien amoché et les cheveux en pagaille, il avait encore du sang sur les poings, signe qu'il s'était donné du mal à l’ouvrage. Il était suivi d'un type peu amène qui le poussa dans le dos. Il écarquilla les yeux en observant la scène. Il n'avait clairement pas envisagé les choses sous cet angle. La blonde lui agita la bourse sous le nez.
— C'est à toi ça ?
— Mais bordel de...
Il se reprit bien vite cependant et s'exclama en apercevant Liv’, s’illuminant en oubliant la bourse un instant.
— Mais c'est Liveig ! La fille de l'orfèvre !
Il semblait tout guilleret d'un coup, content d'avoir reconnu une tête du clan.
— Putain, ça fait un bail ! On te croyait disparue !
Marshall éclata de rire :

— Fille d'orfèvre ! Qu'elle est bonne. Quand est-ce que tu me présente ton père ?

Mais Liv’ ne semblait pas ravie, pas ravie du tout, même.

— Ta gueule.
— Olivia, que tu es Mal-élevée. T'as de la chance que je le connaisse, ton père. Pas orfèvre pour un sou, c'est un vieux pêcheur de la baie. D'ailleurs, c'est pas à lui que tu dois ce joli minois ? fit-il remarquer d’un air amusé en désignant son horrible balafre.

Liv’ montra les dents, furieuse, sans répondre. Uraïa observa les différents protagonistes. Orik connaissait la balafrée. Mais Marshall ne savait apparemment pas qu'elle était une Utgardienne de Claircombe. Elle vit Orik hésiter, son sourire vacillant, et elle aperçut un autre homme de main juste derrière lui. Elle tirait vite, mais la fille au couteau aussi, et si Marshall se levait, ils étaient clairement dépassés. Voilà ce que son esprit lui dicta et quand Orik voulut ouvrir la bouche, Uraïa fronça les sourcils dans sa direction.

— La ferme, Orik ! On est pas venus pour prendre le thé !

Orik se tut aussitôt, redevenu sérieux. Uraïa avait cet effet là sur lui, et il savait reconnaître quand il fallait lui obéir sans barguigner. Il plaça sa main sur le manche de sa hachette, et s'écarta d'un pas de l'homme de main.

— Ah, vous vous connaissez. Intéressant. Donc, Orik, n'est-ce pas ? Voici ta bourse. Marshall fit un signe de tête, et Liv’ lui rendit son bien. Quant à toi, ma belle, avisant Uraïa, la prochaine fois que tu voles dans cette taverne, tu auras besoin de beaucoup plus de mains pour tenir en joue tout le monde. Maintenant, dégagez tous de là. Toi aussi, Olivia.

Orik rattrapa la bourse avec un soulagement certain tout en coulant un regard vers Uraïa, presque penaud. Il lui envoya la bourse à son tour, qu'elle récupéra sans lâcher des yeux le chef de bande.

— Comme si j'avais envie de remettre les pieds dans ce trou à rats.

Toujours orageuse, la rousse rangea son arc et se déplaça jusqu'à Marshall, prête à récupérer sa flèche plantée dans le mur avec une moue sarcastique sur le visage. Comme s'il allait la congédier comme une gamine. Sa fierté la perdrait un jour. Un jour. Amusé par la tournure de cette soirée et voyant que l'Utgardienne au caractère de feu s'approchait pour reprendre son projectile, il tendit le bras pour le faire à sa place et la lui rendit.

— Maintenant que tu as fait peur à mes filles, tu peux rester ici, si tu veux, lâcha-t-il avec un large sourire provoquant.

Elle lui arracha presque la flèche des mains en le foudroyant du regard.

— Maintenant que tes filles sont parties, ta meilleure copine c'est ta main droite. Sers-t'en avant de prendre la mienne dans la gueule.

Elle fit demi-tour d'un pas furieux, faisant un geste en direction d'Orik.

— Ramène toi !

Le bien nommé la suivit sans chercher plus loin et ils dévalèrent tous les deux les escaliers de la taverne. Le calme était revenu dans la grande salle, peut-être que la tombée de la nuit y était pour beaucoup aussi. Désormais, chacun se faisait plutôt discret. Uraïa ne manqua pas les regards nombreux qui se posèrent sur elle et son frère de lait, mais défia tout ce beau monde de s’en prendre à eux. Qu’ils lui sautent dessus et ils verraient. Elle vendrait chèrement sa peau, ça oui. Mais rien ne se produisit. Elle s’installa au comptoir, tournant le dos avec ostentation à la petite assemblée et commanda une nouvelle blonde. Orik affichait un air sombre à côté d’elle. Il venait de perdre sa soirée. Il semblait avoir du mal à desserrer les dents, et elle n’allait rien faire pour l’y aider, sirotant sa bière pour se calmer les nerfs.

— Pourquoi il faut toujours que tu gâches tout ? finit-il par lâcher, le regard ombrageux.

Elle haussa les sourcils et se redressa sur ses coudes en tournant la tête dans sa direction.

— Moi, je gâche toujours tout ? Qui t’avait dit de ne pas aller parier l’argent que t’as pas avec ces gars là ? Qui t’avais dit de remballer après la première partie ? Et tu oses me dire que je gâche tout ?

— T’es pas ma mère, ni ma femme ! T’as pas à me traiter comme le premier des abrutis !

Elle ricana en le regardant s’offusquer, exactement comme le gamin qu’il ne voulait pas être.

— Bon sang, Orik ! On a grandi ensemble et t’as pas changé d’un pouce depuis que je te connais ! T’es toujours aussi con !

Il se leva d’un bond de son tabouret, menaçant de l’empoigner par le col et elle le tança du regard, ce qui le fit chanceler d’un pas en arrière.

— Vas-y, cogne-moi si tu veux. Je prenais déjà les coups pour toi quand on était gamins, ça me dérange pas. C’est ça que tu veux, Orik, cogner ta sœur ? C’est ce genre d’homme que t’es devenu ?

Orik avait l'œil brillant, probablement avait-il bu plus que de raison et la bagarre l’avait échauffé. Mais elle ne l’avait jamais vu si énervé, et il carra les mâchoires avant d’envoyer un brutal coup de pied dans le comptoir ce qui eut le don de la faire légèrement sursauter. Elle n’aurait jamais imaginé qu’il puisse s’emporter ainsi contre elle, et quelque chose se serra dans sa poitrine. Il dut lire qu’elle était blessée dans son regard et fit demi-tour en direction des chambres à l’étage. Elle le suivit du regard un moment, sans comprendre. Elle n’avait pas bougé de son tabouret, et y resta le cul vissé en scrutant sa bière d’un œil perdu et déprimé.

Liveig Fjorleif
Liveig Fjorleif
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Sam 21 Aoû - 21:51
Le contrebandier s’amusa du tempérament de la rouquine et de ses répliques cinglantes. Les femmes de ce genre caractère, elles se l’étaient certainement forgé au contact des hommes, soit pour gagner leur respect soit pour le leur apprendre. Toutefois, toutes n’avaient autant de répondant. Quand Marshall congédia tout le monde, l’archère et son acolyte ne se firent pas fait prier. Il frotta le poil dru et brun de sa barbe, songeur.

Ma petite impro n’était pourtant pas si mal... Ils n’ont rien cru. Pas un mot.

Son regard acier revint sur Liveig. Elle avait attendu que les deux autres descendent pour aller déloger son couteau du plancher d’un pas nonchalant. Les traits tendus de son visage trahissaient la nervosité qui l’avait envahie lorsque le joueur l’avait appelée par son nom. Comme quoi, sa balafre ne la rendait pas aussi méconnaissable qu’elle l’aurait cru.  

Viens-là, ordonna-t-il froidement comme il venait de changer d’avis. Il pris une gorgée, laissant retomber un lourd silence. L’angoisse sous-jacente ondula sur le visage de la jeune femme pour former un pli d’hostilité au niveau de ses arcades. Jamais elle n’avait caché son mépris pour son autorité. L’autorité en général. La sienne tout particulièrement. Tous deux étaient conscients de cette aversion, de la même manière qu’ils savaient l’un comme l’autre qu’elle obéirait malgré tout. Elle s’avança jusqu’au fauteuil. Le sourire de Marshall était un rictus pareil à celui d’un chat qui venait de trouver une nouvelle proie avec laquelle jouer. Contrairement à d’autres de ses « employés », il n’avait jamais forcée Liveig à rien, c’était pourtant l’une des plus dociles. Il n’avait jamais compris ce qui lui avait valu une telle obéissance jusqu’à il y a quelques semaines seulement. Depuis, de petites choses commençaient à faire sens. Elle s’était terrée dans ce trou à rats pour échapper à quelqu’un en particulier, et ce quelqu’un l’avait finalement retrouvée. Maintenant à découvert, Marshall ne comprenait pas pourquoi elle restait. Et Marshall détestait vraiment ne pas comprendre.

Des amis de ton fiancé ? Ce dernier mot avait été accentué étrangement avec un ton doucereux, ses lèvres à demi masquées sous sa barbe noire s’tirèrent plus largement. Ses yeux ne riaient pas du tout, ils étaient perçants, presque incisifs, à l’affût de la moindre expression qui l’éclairerait sur ce qu’il n’avait pas encore saisi.
Non.
D’autres personnes cherchent une Liveig Fjorleif ?
Non.
Attention, avertit-il en se levant. Une enjambée avait suffit à couvrir la distance qui les séparait, il s’était planté devant elle, la dominant de toute sa hauteur. La blonde avait grandi au milieu des Utgardiens, tous plus grands et plus larges qu’elle. Elle avait toujours fait son possible pour rester à l’écart d’eux, et même de la foule en général. A Claircombe, elle avait été la petite souris qui se faufile entre les loups, à Port-aux-Echoués, elle était un rat au milieu des rats, elle n’allait pas se laisser intimider par celui-ci, sinon ils la boufferaient tous. Sa main se serra malgré tout sur sa lame, tandis qu’elle campait sur sa position.

Si tu mens je le saurai… Il lui attrapa la nuque, et même avec ça, elle soutint son regard sans cacher sa rage. Il savait très bien qu’elle n’aimait pas qu’on l’approche, il jouait avec ses nerfs. Je ne peux pas te cacher si tu ne me dis pas de qui.
Je n’ai pas besoin d’être cachée, siffla-t-elle entre ses dents serrées. D’un geste vif du bras, elle dégagea la main caleuse de son cou. Presque aussitôt, le contrebandier lui saisit la mâchoire en lui tournant la tête sur le côté.
« Plus », Liv. Tu n’as plus besoin d’être cachée. Mais as-tu besoin d’être protégée ?

La blonde avait déjà une arme à la main, et si, à priori, rien n’aurait été plus facile que de s’en servir maintenant pour se libérer, c’était sous-estimer l’oeil vif de l’opposant. Il fallait connaître le tempérament égocentrique de Marshall et son désir impétueux de tout contrôler pour savoir qu’il valait mieux se plier plutôt que le forcer à briser. Faire front, c’était l’inciter à toute la violence dont il était capable et contre laquelle elle ne ferait pas le poids.

Non. Lâche-moi.
Alors, je me demande bien ce qui te retient ici. Il s’approcha de son oreille pour qu’elle soit particulièrement attentive à ce qui allait être dit et qui ne serait dit qu’une seule fois. J’espère bien que je ne vais pas me retrouver avec tous les bâtards de l’Hurlsk dans cette taverne. Sinon, crois-moi, plus personne ne te protégera.

Elle n’avait pas menti : plus personne ne la recherchait, et elle n’avait pas besoin d’être protégée. Pour l’instant, tout du moins. Depuis qu’Eredin l’avait retrouvée, une idée s’était insinuée dans l’esprit de Liveig. Plus elle repoussait cette envie et plus elle revenait avec violence. Elle peinait à croire qu’en plus d’un an personne n’ait pu retrouver le dernier de ses agresseurs. Soit l’Hurlsk s’était désintéressé de l’affaire, soit il l’avait couvert, il n’y avait pas d’autres options possible. Naïvement, elle pensait avoir enterré cette histoire en même temps que sa vie à Claircombe. Cependant, en revoyant son ex-fiancé, la rancoeur qu’elle avait envers le clan et l’Hurlsk avait ressurgie. Personne n’avait rien fait, même pas lui. Personne. Alors, elle brûlait d’envie de retourner dans cette cité maudite pour foutre le feu à cette paisible armistice qu’ils avaient célébré sur son déshonneur sans que justice ne soit faite. C’était de la folie furieuse. La rancoeur est un mal qui corrompt la raison et noircit le coeur un peu plus chaque jour. C’était aussi pour ça qu’elle aurait peut-être besoin de Marshall. La voix de Liveig s’emplit d’une fausse gratitude alors qu’elle attrapait doucement le poignet qui lui enserrait la mâchoire.

Merci de m’avoir protégée de ce dangereux joueur de Grand Amiral… Il aurait pu me serrer la main ou pire, me faire une accolade…

L’éclat amusé dans les yeux de la faussaire calma le jeu. Sa réaction était peut-être un peu exagérée. Un tel comportement après avoir rencontré une vague connaissance, qu’est-ce que ce serait quand il rencontrerait des ennemis. Après tout, il n’avait pas vraiment eu besoin de la protéger sur ce coup-là, tout au plus, elle l’avait protégée de la furie aux cheveux de feu.

L’étau qui enserrait sa gorge se relâcha brusquement et la força à reculer, comme s’il repoussait l’évidence même. S’il faillait à la protéger, il perdrait une branche lucrative de son commerce, ou pire, prendrait le risque de la laisser travailler pour quelqu’un d’autre. Il avait besoin de ses services, et il ferait ce qu’il faudrait pour qu’elle continue à lui fournir des faux. Il refusait qu’elle abuse de sa position, et s’il fallait faire planer le spectre du doute et de la médiocrité au-dessus d’elle, il n’hésiterait pas.

Méfie-toi bien, Liv. Tu es loin d’être irremplaçable, je suis bien gentil de te loger et de te payer pour la merde que tu fais, l’oubli pas. Allez, barre-toi !

Point besoin d’être devin pour deviner ce qui se tramer derrière l’ordre, autant déguerpir tant qu’il gardait son sang froid. De retour au comptoir, elle commanda un verre pour « le patron », qu’elle but cul-sec sous le regard outré de tavernier qui ne manquerait pas d’en toucher un mot au concerné. Qu’il aille se faire foutre. Qu’ils ailles tous se faire foutre. Lui, Marshall, les autres. Il fallait qu’elle fasse passer sa petite contrariété et rien de tel pour ça que de pousser la chansonnette. Elle entonna  « Lulu… Lulu... ».  Ceux qui ne tenaient qu’une chope vide allèrent la remplir. Les voyageurs étaient mitigés. Qui était ce Lulu dont on fêtait l’anniversaire ? D’autres, l’instinct grégaire, suivirent le mouvement. A Port-aux-Echoués, vivons comme des porcs… enfin, comme les villageois. Au bout du quatrième Lulu, Liv posa l’une de ses chopes près de la rouquine. Où était passé Orik ? Et au bout du sixième « Lulu » tout le monde avait fait le plein et avait la gorge échauffée pour pousser la chansonnette. Ah chaque « Lu », on prenait une gorgée. Et il fallait tenir le rythme, certains chantaient dans leur chope, ce qui faisait un effet de porte-voix étouffé.

L’Hu...L’Hu… Lulu !
Qu’il est grand, qu’il est beau
Lard au flanc, foi de ribaud !

L’Hu...L’Hu…
Lulu l’hurluberlue !
L’Hu...L’Hu… Lulu !
Qu’il est grand, qu’il est beau
Le forban grippe-minaud !

Et devant toutes les factions,
Il plie sans grande conviction
Mais devant tous les Utgardiens
Fier comme un coq dans son purin !

L’Hu...L’Hu… Lulu !
Qu’il est grand, qu’il est beau
Lard au flanc, foi de ribaud !

L’Hu...L’Hu…
Lulu l’hurluberlue !
L’Hu...L’Hu… Lulu !
Qu’il est grand, qu’il est beau
Le forban grippe-minaud !

Le vassal du « gouverneur »
Point de bourse et point d’honneur,
Pourri d’vices, l’écornifleur
N’a plus grand-chose d’un homme de coeur

L’Hu...L’Hu… Lulu !
Qu’il est grand, qu’il est beau
Lard au flanc, foi de ribaud !

L’Hu...L’Hu…
Lulu l’hurluberlue !
L’Hu...L’Hu… Lulu !
Qu’il est grand, qu’il est beau
Le forban grippe-minaud !

Et plus on répétait le refrain, et plus le rythme accélérait, si bien qu’à la fin de la chanson, les amateurs étaient couverts de bière et hoquetaient d’avoir autant de mousse dans le bide. Liveig faisait partie des habitués à présent, et sa descente le prouvait. Elle frappa le cul de sa choppe vide à côté de l’archère. Accablée et maussade avant la chanson, cette dernière était contrariée, voir indignée à présent.

Ca y est, le petit frère est au lit ? Fais pas cette tête, on est pas à Claircombe.

Elle fut répondue d’un grommellement peu engageant tandis qu’Uraïa tentait de remplacer son amertume par celle du houblon, bien plus douce en comparaison. Engager la conversation, la poursuivre même quand l’autre partie ne manifeste aucun intérêt, voilà qui aurait été un exercice impossible à faire à Claircombe. Il y avait un an, on ne l'aurait jamais vu dans une taverne, boire , chanter des obscénités au milieu de personnes peu fréquentables, ou ne serait-ce qu'engager une conversation, et encore moins les quatre à la fois. Cette pensée dessina un sourire qui tendit la longue cicatrice qui parcourait sa joue. Comme souvent, elle avait pris place à la gauche de son interlocutrice, c'était plus facile de converser sans avoir à se soucier de sa balafre.

Orik avait raison, laissa-t-elle tomber comme un pavé dans la marre. Mais la vérité c'est que la fille de l'orfèvre est morte, maintenant. Mais pas ceux qui l'ont tuée et enterrée. Elle but une lampée, puis frappa sur le comptoir du plat de la main et lorsqu'elle la retira, une petite lame attendait sur le vieux bois sale et abîmé. Une autre vérité ! Tu tires bien à l'arc. Mais pas si bien avec ça.

D'un mouvement de tête, elle désigna la cible destinée au lancer de couteaux. Elle ne tenait pas à s’éterniser sur la vie misérable de la fille de l’orfèvre, et elle espérait bien se distraire avec une adversaire de taille.

Tu perds, tu paies la tournée. Si je peux pas te piquer ton argent, je peux bien te le faire dépenser, non ?

La rouquine émit un rire sarcastique.

Très peu pour moi. J’ai botté le cul de mon cousin pour avoir dépensé la prime de notre équipe, compte pas sur moi pour faire la même chose. Elle tourna la tête et la regarda bien en face, de telle façon qu’il était bien difficile de manquer la grosse cicatrice sur son visage sous cet angle précis. Pourquoi tu perds ton temps avec moi alors que tu as de vrais connards à embrocher ?

Quelques secondes passèrent pendant qu’elle scrutait la claircomboise. Son visage était rehaussé par de saillantes pommettes qui couplées à ses arcades sourcilières nettes lui donnait un regard d’oiseau de proie.

De vrais connards, hein ? Relança-t-elle. La bière descendait vite par ici, presque aussi vite qu’elle montait. Liveig ne comprit pas vraiment où elle voulait en venir, elle en vint même à se demander si Marshall n’était pas concerné, car en parlant de vrai connard, sa salle trogne lui était revenu en tête. Poursuivant son propos, l’archère haussa une épaule.

Au moins ils ne t’ont pas vraiment tuée. Il faut leur accorder ça. Maintenant tu vas pouvoir leur faire regretter.

Ce fut à son tour d'éclater d'un rire, surprise de cette réponse. Elle ne s’attendait pas à évoquer ces connards-là. Mais quelque part, était-ce étonnant venant d’une Utgardienne de cette trempe ? Ce genre de guerrière n’envisageait apparemment pas de vivre sa vie sans se venger. Une petite voix, quelque part au fond de la blonde se disait que personne ne devrait vivre sa vie sans que justice ne soit faite. Elle l’étouffa sur le champ, le plat de sa main balaya le comptoir comme elle se débarrassait de cette idée, pour ce soir au moins.

Si je suis venue me cacher ici, c'est pas par bravoure. Si un jour j'ai le courage de retourner là-bas, ça sera pas pour m'en prendre à ceux qui m'ont fait ça. Enfin, "celui" je crois. Je crois qu'il n'en reste plus qu'un... Travail bâclé de l'Hurlsk, hein. Ou un coup réussi, qui sait… marmona-t-elle pour elle-même. Après son agression, elle était tombée dans de longues nuits d’insomnie où la paranoïa lui avait fait envisager le pire des complots les plus saugrenus qu’on aurait pu montrer contre elle, simple fille d’orfèvre. Sobre, quand elle y repensait, elle se disait que c’était son besoin de comprendre un acte qui n’avait pas de sens outre la pure méchanceté. Mais certains soir, comme ce soir, le passé faisait ressurgir des fantômes qui réveillaient de vieilles blessures. Une fausse protection. Être reconnue. Des Claircombois. La médiocrité. L’amertume. Une multitude de détails insignifiants cimentés par l’alcool s’imbriquaient parfaitement en forme de puits dans lequel elle tombait, emportée dans la spirale de sa paranoïa. L’Hurlsk avait béni l’alliance avec les Mörth, orchestrée par son père dans le dos de Liveig. Eredin et elle avaient couvert de honte l’Hurlsk en les devançant sur l’Autel. Alors il était tentant, presque trop facile, de s’imaginer que l’Hurlsk ait pu être au courant de ces représailles. Ca aurait expliqué comment les agresseurs avaient su intervenir au seul moment où l’épouse de l‘Hurslk, Aslaug, l’avait laissée seule. Ca aurait expliqué pourquoi on n’avait jamais retrouvé le dernier coupable ni su qui avait été le commenditaire, pourquoi on n’avait jamais su le motif de cette agression : l’Hurlsk n’avait pas intérêt à ce que l’on sache.
Elle fut aspirer en dehors de son puits de folie par la moue de son interlocutrice qui repris une gorgée de bière.

La punition de l’Hurlsk vaudra jamais ta vengeance. Pour exorciser un démon faut le tuer soi même.

Cette furie rousse était la voix des Titan d’Uvn sur son épaule, elle chatouillait une corruption qu’il vaudrait mieux laisser pourrir là où elle était.

Tu m'as l'air habituée à chasser le démon, toi. T'as l'air plus douée que... qu'un autre chasseur. Elle revit le visage rancunier lui demander «Il m’a fallu un an pour te retrouver dans le le village où vivent mes propres parents. Crois-tu que c’est si facile de retrouver des hommes dont je ne sais rien dans une ville aussi grande que Claircombe ?» D'un mouvement de tête elle le chassa de ses pensées. Finalement ce soir elle chassait plutôt les pensées que les démons. Cette conversation lui devenait bien moins plaisante que prévue. Une pointe d'amertume se sentait dans sa voix.

Et si c'était l'Hurlsk qu'il fallait punir ? Suggéra-t-elle sans vraiment réfléchir à où les mènerait cette hypothèse. Elle ne s’attendait toutefois pas au choc qu’elle produit.

C’est l’Hurlsk qui t’a fait ça ? Fit la rousse en secouant la tête, incrédule. Ça sentait la parole d’ivrogne.

Non. Evidemment que non, fit Liv en roulant des yeux. Au moins, elle aurait été fixée sur la raison pour laquelle on ne lui avait pas rendu justice. L’incertitude était parfois pire qu’une réalité cruelle.

Alors quoi ?

Comme l’archère insistait, on sentait malgré tout que le récit l’intriguait assez. Cependant, le terrain sur lequel elles s'aventuraient ne plaisait pas du tout à la hors-la-loi. Il n'avait jamais été question pour elle de raconter la vie de la pauvre fille qui s'était fait défigurée le jour de son mariage.

Alors : rien. Il n'a rien fait. On ne sait pas qui ni pourquoi. Et c'est pire. Tout était à portée de main et personne n'a rien fait.

Cette nana était bien trop sobre pour être amusante, il allait falloir la provoquer pour arriver à en tirer quelque chose.

Mais assez du passé. Viens lancer, chasseuse de démon. Allons-y pour de l'amical, tu n'auras qu'à perdre ta fierté.

Uraïa peinait à croire une histoire pareille et étant donné la fiabilité de son interlocutrice, elle garda sa réserve sur cette histoire. Celle ci insistait pour l’affronter au lancer, comme une diversion bienvenue à cette discussion qui n’aurait pas dû débuter en premier lieu. Elle finit sa chope d’une traite et se redressa, la toisant de toute sa hauteur. Liv était du genre délicate mais elle avait vu ce qu’elle avait fait à sa botte plus tôt. Il n’était pas question de la sous estimer sur son terrain.

Soit. Ma fierté ne risque rien face à une ivrogne. Quant à l’amitié, je ne la donne pas aux voleuses.

Ohoh, dit la voleuse ! commenta Liveig avec provocation. Elle n’allait pas s’éterniser sur le fait que l’expression « à l’amicale » n’était rien d’autre qu’une tournure. Il allait sans dire que se lier d’amitié avec une Claircomboise Utgardienne n’était clairement pas dans son agenda, surtout si elle se mettait un jour en tête de faire la chasse aux connards...

Toutes deux se frayèrent un chemin vert la cible prévue pour les lancer de couteaux. La règle était simple, lancer le couteau au plus près du centre, en tenant compte des seizièmes recoupaient la cible et comptaient pour différent points. Les deux premiers lancer étaient un succès pour chacune des deux adversaires. Au troisième lancer, la rouquine maintint sont rythme et toucha à nouveau le cercle au centre tandis que le couteau de Liv se planta totalement à côté de la cible. Au quatrième en revanche, la blonde toucha en plein milieu, alors que le couteau de l’archère se ficha sur le rebord même. Malheureusement pour cette dernière, les deux tirs suivant furent identiques, tandis que la balafrée en ficha un sur le bord et réussi le suivant. Les quatre derniers lancers de la claircomboises étaient complètement à côté, Liv en rata deux, remit dans le mil’ et en ficha un autre à côté de la cible.

6 contre 3. Battue par une ivrogne ! Mon conseil ? Tu devrais boire plus ! Suggéra-t-elle en relevant la chope.
Uraïa
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Sam 2 Oct - 14:48
Elle avait été battue. Ce n’était pas très surprenant mais c’était quand même un coup pour sa fierté. Elle n’avait pas totalement réglé ses comptes avec la balafrée qui lui avait donné du fil à retordre ce soir-là.

— Peut-être…

D’un geste elle commanda une nouvelle bouteille de rhum, cette fois. Elle l’agita sous le nez de la balafrée et alla reprendre sa place au comptoir, armée de petits verres qu’elle remplit généreusement. Il n'en fallut pas plus pour appâter la blonde, elle suivit Uraïa. Puis, le nez guidé par les effluves épicées du liquide ambré, elle l'observa mettre en place un tout autre jeu. Le jeu était simple, et ce n’en était même pas vraiment un. Elle poussa un verre devant la blonde, choquant ce dernier du sien et s’envoya le liquide ambré cul sec. Le liquide lui faisait l’effet d’une vague de chaleur bienvenue. Sans explications, l'évidence parlait d'elle-même. La dernière debout gagnerait. La balafrée avait déjà plusieurs tours d'avance et sa frêle constitution n'allait pas faire de miracle sur ce coup, mais elle n'allait pas se démonter pour autant : elle enchaîna.

Ainsi, l’Utgardienne remplit de nouveau les verres, répétant le rituel.

— Depuis quand tu te terres ici, blondinette ?

— D'puis que j'suis morte, rouquine. J'ai vu les quatre saisons.

L'archère roula des yeux.

— Arrête de dire que t’es morte. Soit tu l’es, et tu t’enterres dans un vrai trou, pas un qui pue comme ici. Soit tu es… quelque chose.

Elle s’essuya les lèvres et fixa la blonde.

— Y’a des cadavres qui voudraient bien ta place.

Elle haussa les épaules, d'un air peu convaincu.

— Y a des cadavre qui marchent partout. Ici plus qu'ailleurs. Sans volonté, on est pas si différent des maudits.

— Tu les as vus de près les non morts ? Hein ? A ce que je sache, t’es de mon côté de la barrière.

Elle les resservit. Le discours pessimiste de la blonde lui donnait envie de la secouer dans tous les sens. Une femme ne devrait jamais perdre sa fierté.

— Mouais, acheva-t-elle avec une moue avant de lever le coude.

Etait-il seulement possible de secouer, réveiller quelqu'un qui ne le voulait pas ? Liveig se complaisait dans ces eaux stagnantes aux odeurs nauséabondes qu'étaient la fatalité et le nihilisme. Elle ne cherchait ni à s'en sortir, ni à s'y adapter. Comme son environnement, elle se laissait pourrir comme si elle attendait quelque chose, une mutation inespérée, l'émergence d'une monstruosité. Mais rien. Et l'alcool n'améliorait pas sa vision des choses, pire, il noircissait ce qui était déjà sombre et corrompait le peu de bon qu'il restait.

— Les barrières, ça se monte, ça s'enlève... C'est pas comme les murailles hein... Ca, quand elles y sont, elles y restent. Son poing frappa le comptoir pour appuyer l'aspect immuable de la chose. Il faudrait que je me réjouisse d'être en vie, que je vois en ça un signe, une raison d'exister, que j'en fasse mon cheval de bataille ? Mourir ou tuer, telle est la vie d'un Utgardien. Sa main s'étendit devant elle comme si elle faisait une devanture de magasin avec ces belles paroles. Si on a besoin de se trouver une raison d'exister, c'est bien qu'on cherche à donner du sens à quelque chose qui n'en a pas, tu crois pas ?

L’Utgardienne regarda la blonde puis devant elle, pour tenter de suivre sa métaphore puis soudainement sans crier gare, elle explosa de rire. C’était assez rare chez quelqu’un comme Uraïa mais ça la prit d’un coup comme le tonnerre, un gros rire qui lui tira les larmes aux yeux et qui lui fit frapper la table du plat de la main avec force.

— La vache, j’ai rien saisi… mais qu’est ce que tu peux raconter comme conneries !

Liveig sursauta quand la claircomboise explosa de rire. D'abord elle crut qu'elle se moquait purement d'elle, puis elle comprit que l'archère n'était pas du tout sur la même pente qu'elle. Elles étaient côte à côte, et leurs foies n'étaient pas dans le même espace temporel. La balafrée commençait à sentir la mélancolie rance, elle s'en rendit compte à cet instant. Ca, ajouté à sa nature très différente de ses paires Utgardiens.

— On m'appelait l'Ascanienne, c'était pas que pour mes gros biceps ! Elle fit la démonstration de son bras sec et pas très épais LA SUITE !

La rousse finit par se reprendre pour les resservir toutes les deux. Retrouvant son souffle entre deux crampes, elle finit par dire.

— Tu es Utgardienne que tu le veuilles ou non ou que les autres le reconnaissent ou pas… mais tout ça c’est du vent. J’ai quitté le clan il y a dix ans et j’ai compris que c’était pas ça qui me définissait.

Le rhum remplissait de nouveau les petit verres et hypnotisait les yeux de Liveig. Elle se définissait par les autres, pour les autres, à cause des autres, elle n'aurait jamais imaginé vivre autrement à Claircombe, ici... Ici elle ne se définissait pas : elle n'était personne. Personne pour les autres, personne pour elle-même. Tout ce qu'elle faisait n'avait pas d'avenir, aucun plan sur le long ou moyen terme. Elle se laissait aller au gré du vent. Alors, bien qu'éméchée, elle s'interrogeait :

— Et qu'est-ce qui te définit... toi ?

L’Utgardienne avait chaud. C’était l’alcool et l’ambiance étouffante du lieu fermé. Elle avait bien besoin de boire pour éviter de songer que tout était bouclé.

— Je suis ce que je fais. Et tu devrais vite songer à ce que tu veux devenir avant de te confondre avec la crasse du parquet. Tu vas vraiment bosser pour l’ahuri à l’étage ?

L'évocation de Marshall, la fit tiquer, comme on venait de lui rappeler un détail des plus importants, mais pas des plus agréables.

— Ouais...

Uraia poussa un reniflement dédaigneux en regardant vers la dite mezzanine.

— T’as pas besoin de ce type.

— On a tous besoin d'un clan..., ajouta-t-elle avec un regard en biais qui scrutait son interlocutrice comme pour trouver quelle était la couche superficielle à enlever. Et toi, pourquoi tu l'as quitté ?

— J’étais…. Plus conforme à la vie du clan. J’ai préféré partir. Au final, je ne regrette pas. J’ai trouvé ma voie autrement.

Elle ajouta à son attention.

— Ce Marshall te veut rien de bien.

— En effet, acquiesça-t-elle. C'était un fait indéniable. Ceux qui m'ont voulu du bien ont toujours tout décidé pour moi, regarde où ça m'a menée... Les gens qu'on aime, ce sont eux qui nous font le plus de mal. Là, au moins y a aucune surprise.

Uraia haussa les épaules.

— Il faut seulement bien choisir avec qui on veut être.

Liveig acquiesça, à demi convaincue. Choisir son entourage était un concept curieux pour qui supportait difficilement la présence des autres. Son comportement avait donc provoqué cette situation où en ne s'entourant de personne, elle avait laissé n'importe qui prendre place autour d'elle. Même ici, elle avait fait la même erreur. Cette réalisation lui arracha un rire jaune. L'entente avec Marshall reposait sur sa certitude qu'il avait besoin d'elle autant qu'elle avait besoin de lui. Si elle se trompait sur le premier point, ou si les aléas de la vie la rendait moins utile à ses yeux, ou si au final il décidait de ne pas honorer sa part du marché, plus rien n'avait de sens, et elle se serait fait avoir. L'engrenage de la paranoïa manqua de la happer à nouveau, elle secoua la tête.

— On fait comme on peut.

Quelque part, Uraïa se reconnaissait un peu dans la balafrée. La sienne, elle la portait à l’intérieur d’elle-même depuis sa naissance et elle comprenait cette méfiance instinctive pour le monde. Mais elle ne pouvait s’empêcher de se sentir révoltée face à cette attitude pessimiste et résignée. Peut-être parce qu’elle lui ressemblait un peu trop dans ses mauvais jours.

— Alors qu’est ce que tu fais pour lui ? Pour ce Marshall ?

Ces questions de plus en plus ciblées sur ses activités la rendirent suspicieuse. Pourquoi la rouquine s'intéressait tant à ses activités ? Essayait-elle juste de faire la conversation, s'y intéressait-elle vraiment, ou était-elle à la recherche de précieuses informations qui pourrait être divulguer et à qui ? L'archère semblait sincèrement à l'écart du clan, mais elle serait toujours plus proche d'eux que Liveig. Aux autorités ? Les balances étaient partout, et sans preuve, tout ce qu'elle arriverait à faire, c'était la faire suivre. Elle n'avait pas besoin d'avoir de l'attention sur elle, elle était aussi très bien placée pour savoir que les apparences peuvent être trompeuses. Cette fille avait l'air d'une vagabonde, mais pouvait tout aussi bien être une chasseuse de tête ou un rat des remparts. La balafrée opta donc pour des demi-vérités.

— Mes mains sont pas foutues. Je répare les babioles qu'il me ramène, je les évalue pour lui pour un prix dérisoire. Ça me suffit, il s'en tire bien. Tout le monde est content.

L'archère sourit à cette déclaration évasive. La petite blonde n'avait pas envie qu'on la questionne. Néanmoins l'archère la resservit. Elle n'avait pas envie de rejoindre son lit tout de suite, et elle avait été privée d'une bonne bagarre.

— Tu as eu l'oeil pour repérer la camelote qu'essayaient de refourguer ces escrocs à mon cousin, tout à l'heure. Je dis juste ça, parce que Marshall a probablement plus besoin de toi que toi de lui.

—T'être bien... Ou T'-être que c'est l'contraire... On le saura quand je lui ramènerai d'autres emmerdes, haha ! Faut que j'aille pisser. s'esclaffa-t-elle, les yeux brillants.

Leur verres ne restaient jamais bien longtemps vides, et la blonde commençait franchement à être ivre. Tant qu'elle restait immobile tout semblait aller, mais il suffisait qu'elle bouge un peu la tête pour se rendre compte que son champ de vision ne suivait plus et que tout autour d'elle se distordait. Mais par-dessus tout, sa vessie ne tenait plus. Une nouvelle fois, le plat de sa main battit le pauvre vieux comptoir sans même prêter attention aux éclaboussures d'alcool divers et variés qu'elle projeta, elle descendit du tabouret en vacillant. L'archère vit la blonde vaciller et tenter de s'extirper de son tabouret et ne retint pas un ricanement des plus fins. Quelqu'un n'allait pas finir la soirée. Elle tendit un bras pour l'aider à se redresser et ajouta, narquoise.

— Besoin d'aide, peut-être ?

— Tu veux venir me tenir la porte ? répondit la blonde avec le ton niais qu'employaient souvent les petites filles pour aller aux latrines en groupe.

La rousse s’esclaffa de plus belle.

— C’est plutôt les cheveux que je vais te tenir à ce stade….


Elle vida de nouveau son verre et l’observa en coin. Elle ne bougerait que si la blonde menaçait de s’effondrer. Après tout, elle n’était pas sa nounou.

— Ho là, la gueuse ! celui qui se faisait bousculer.

— Qu'est-ce qu'il a le fils de gaupe ! Liv accusa le coup

— Qu'est-ce que tu dis ?!

— Que tout le village a la pisse chaude depuis qu'ils l'ont secouée !

Uraïa fut proprement stupéfiée de la vitesse à laquelle Liveig parvint à faire dégénérer la situation. En l’espace de quelques insultes, l’homme qu’elle venait de malmener et qui n’était pas beaucoup plus fraîche qu’elle envoya son poing dans une direction approximative et trouva l’épaule de l’archère qui n’avait rien demandé à personne. Cette dernière sentit monter une vague envie de lui coller une baigne en retour et ses veines s’enflammèrent presque malgré elle. Elle attrapa le poing qui avait frappé son épaule et le tordit d’un coup sec dans l’autre sens, se tournant à son tour dans la même direction. L’homme tomba en criant, et elle laissa Liv’ l’emplafoner a sa guise, quand bien même elle était responsable de ce chahut.

Liveig qui s'était fait un plaisir d'abuser de la situation pendant que l'archère avait mis au sol le loubard, allait peut-être regretter ses paroles. Le type avait trois copains qui, eux aussi bien éméchés, mirent quelques longues secondes à comprendre la situation dans laquel se trouvait leur congénère.

— Bah, Bertrand ? Qu'est-ce que .... Mais t'es con ou quoi ?! Qu'est-ce tu fous parterre ?

Un deuxième observa tour à tour la rouquine et la blonde. Elles étaient prête à en découdre, à deux contre quatre s'il le fallait.

— R'garde comme tu nous as énervé les dames. Ca va pas non ? Et les bonnes manières alors ?, s'indigna-t-il en lui tapant l'arrière du crâne. Le troisième resta en retrait, les bras croisés.

— J'vous préviens, j'm'en mêle pas. Pô envie de finir comme Justin, m'faire balancer par le balcon pour nourrir les bouffeurs parce qu'il foutait la merde.

— C'est bon je vais pouvoir aller pisser ou pas ? Bordel. Allez, viens la rouquine, je suis sûre que toi aussi cette conversation t'as donné envie de chier.

Uraïa était restée stupéfaite, le poing en l'air. Elle était prête à écraser le nez de ce Bertrand s'il osait se relever, mais tout à coup, chacun avait eu l'air de reprendre son calme et ses esprits. Elle lissa donc la chemise de sa cible sauvée juste à temps avec un sourire narquois et sauta à bas de son tabouret pour suivre la blonde. Des fois qu'elle provoque encore une catastrophe sur le trajet jusqu'aux latrines. Soupirant, elle finit par ajouter, tout en jouant des coudes.

— T'as l'air sacrément douée pour les emmerdes, en tout cas. Chapeau.

— J'adore les emmerdes, toi aussi... En fait, j'suis sûûûûre qu'tu traînes 'ec des gens qui attirent les emmerdes TOUT LE TEMPS. T'es habituée. Elle lâcha un rôt. Si tu t'étais vue... on-on aurait dit un Sarlos, 'ec ta crinière tout'ébouriffée, prête à mordre. continua-t-elle.

Elle parlait fort, pour être sûre d'être entendue. La rouquine haussa un sourcil à ce discours d'ivrogne, battant d'une main devant son visage pour s'épargner quelques remugles fort peu appétissants émanant de la blonde.

— C'est marrant que tu te dises ça, parce que Markus me compare tout le temps à un félon... Enfin. On parle pas de MES emmerdes, mais des tiennes. A ce rythme, tu vas pas faire long feu, ici. Avance, les latrines sont juste là.

D'une main ferme, elle la poussa dans la bonne direction.

— Je sAIS je VIS ici... J'avais juste pas vu... Eh, c'est qui Markus ? fit-elle en s'arrêtant soudainement.

— Un pauvre idiot, beaucoup trop gentil pour des filles comme toi et moi. Il est pas ici, et tant mieux. Je te tiens la porte, fais vite.

Déjà l'archère refermait celle-ci, espérant que la blonde réussisse à viser juste, une dernière fois. Il y a des risques qu'on prend pas, surtout pas dans cet état. Viser juste tiendrait plus de la chance que du talent quand tout semblait déjà danser autour d'elle. Le cul à l'air, une main sur chaque mur, un coude coincé contre celui derrière elle, ce qu'il lui fallait, c'était les secrets d'un contorsionniste funambule.

— La gentillesse, c'est pour les opportunistes ! s'écria-t-elle d'un ton furieux alors qu'elle basculait dangereusement vers l'avant. L'interminable filet d'eau n'en finissait plus de couler, et sa position accroupie ne lui permettrait pas de se rattraper si elle tombait vers l'avant.

— Et les zoporunistes, ça n'attaque qu'au bon moment !

— Mais qu’est ce que tu racontes, Blondie ?

Uraïa secoua la tête en écoutant la blonde déblatérer derrière la porte. A coup sûr, elle était en train d’arroser copieusement le terrain. Uraïa regretta de ne pas être passée avant elle mais il était trop tard pour y songer.

— Markus n’est pas comme ça. Je le connais depuis des années, il me supporte et je le supporte… On partage nos gains.

Elle soupira longuement. Pourquoi était elle en train de parler de Markus à cette ivrogne chercheuse d’emmerdes ?

— Un vieux couple quoi. Serait peut-être temps qu'vous soyez au courant nan ? WOW !

Un bruit de cognement retentit alors que la porte trembla sur ses gonds. Il n'était pas difficile d'imaginer que Liveig venait de se rattraper de justesse au quatrième mur. Quelques jurons fleuris attestèrent que le terrain était désormais en zone inondable. La rousse éclata de rire.

— Dixit la blonde ivrogne de Port aux Échoués ?? Eh oh, t’es toujours vivante là dedans ?

Elle se retourna pour ouvrir la porte et s’arma de courage pour découvrir ce qu’elle allait trouver. Liveig était en train de se s'embrayer, concentrée sur sa tâche. Quand la porte s'ouvrit, elle prit un air renfrogné.

— Ca vaaaa... J'ai la bière qui mousse... A l'intérieur...

Uraia plissa une moue dégoûtée même si elle en avait vues d’autres. Elle l’aida à se redresser et à sortir des latrines.

— Je crois que tu en as eu assez pour ce soir.

— Ouais, à mon avis, je pisserai pas pour plusieurs jours après ça. Bon, on continue ?

— Je pense que ce qu'il nous faut, c'est un casse-croûte !* décréta-t-elle. Toute cette bibine lui avait ouvert l'appétit, et maintenant légère de plusieurs litres, elle était prête à éponger un peu l'alcool qui moussait dans son estomac.*

Manger ? Pourquoi pas… Uraïa n’avait rien avalé depuis le matin et clairement elle se rapprochait d’un tour complet d’horloge. Mine de rien, elle avait pris un coup de chaud avec tout cet alcool. Elle souffla du nez et reprit la direction du comptoir.

— Bon va pour manger un bout…

Les deux femmes traversèrent à nouveau la grande salle jusqu'au comptoir où elle commandèrent leur pitance. Peu de choix pour l'affamé, il était bien plus pratique pour les cuisines de faire une énorme quantité de ragoût et de garder sur le feu toute la nuit, servit dans de gros tranchoirs à la mie noire et serrée. La blonde s'en saisit, elle aurait presque bavé tellement l'odeur du jus de viande lui donnait faim. Elle piocha un navet qui flottait sur le dessus et l'engloutit.

— Nan, vraiment... Ton Markus... Pourquoi c'est pas ton mari ? demanda-t-elle sans se soucier des convenances ou du fait qu'elle ne connaissait même pas le nom de cette femme avec qui elle conversait depuis le début de la soirée.

Uraïa délaissa un instant son ragoût somme toute tout à fait correct pour l’endroit où elle se trouvait. Elle avait faim ça tombait bien. Elle manqua s’étouffer à la question de la blonde. Voyant la réaction de l'archère, elle décida de ne pas lâcher prise. Y avait du croustillant là-dessous, ou elle était définitivement trop ivre. La deuxième solution était tout bonnement insensé, aussi elle la balaya illico.

— « on se supporte et on partage les frais»... Vous partagez d'jà l'pire, et vous profitez même pas du meilleur. Ca n'a pas de sens ! s'indigna-t-elle en pêchant

Une branche de thym qu'elle jeta négligemment par dessus son épaule. La rousse s’insurgea de ce ton péremptoire et répliqua aussitôt, sans réfléchir :

— On a déjà profité ! C’est pas la question !

Elle regretta quelque peu ses paroles après coup. A coup sûr la blonde allait en profiter, elle aussi.

— OOoooooh ... fit-elle les yeux grands écartés comme si tout le savoir de Njörd venait de la raisonner.

Il n'en était rien, elle venait de faire un parallèle très facile entre la relation de la rousse et de ce Markus, et la sienne avec Eredin. Puis, cet étonnement soudain, se mut en une incompréhension : comment peut-on être ami après une rupture ? Le raisonnement lui échappait au point qu'elle se désintéressa complètement de son tranchoir qui menaçait de déverser une partie de son jus au moindre mouvement brusque.

— Attends, attends. Comment ça «déjà» ? Pourquoi vous vous êtes séparés ?

La rousse essayait de suivre en vain le cheminement de la pensée de sa camarade. Puis elle arrêta ça semblait tortueux. Elle secoua finalement la tête à sa conclusion.

— Tu y es pas du tout. Markus et moi, on est pas comme ça. On n’a jamais été ensemble…. C’est pas notre genre…

Finalement elle allait peut être avoir besoin d’un autre verre. L'air de Liv se fit plus suspicieux que jamais. On n'allait pas l'embrouiller si facilement, elle s'en chargerait très bien toute seule !

— Y a une histoire de coucherie là-dessous, fit-elle les yeux plissés.

La rousse souffla tout en grognant dans le même temps.

— Mais quoi ? Oui bon, c’est arrivé quelques fois… et alors ? Je suis une femme libre…

Liv' s'esclaffa comme une adolescente, claqua sa cuisse de sa main et envoya une giclée de ragoût en l'air. Un large sourire tordit sa cicatrice, elle avait l'air ravie d'entendre ça.

— T'as bien raison ! Pourquoi s'emmerder après tout, si tout le monde y gagne.

Sa réplique laissait penser qu'elle s'abandonnait également à la liberté d'aimer sans contrainte : il n'en était rien. Malgré tout, en ce qui la concernait, le désir et le plaisir restaient intimement liés à l'amour et donc au seul homme qui lui en avait fait profité. Depuis l'attaque, son désir avait été totalement atrophié. Sauf cette fois peut-être où elle avait revu Eredin, là elle ne pouvait nier que malgré les sentiments contradictoire qui s'était mis à bouillir en elle, elle s'était rendu compte que son envie d'aimer n'était pas totalement morte. L'agacement balaya le relief d'un corps musculeux couturé de cicatrices...

— Tu as de la chance. fit-elle tout à coup, en sortant de l'expression figée qu'avait laissé le souvenir malvenu.

Elle mordit malgré elle dans le pain juteux qui avait commencé à tiédir, mais elle sentait bien que l'appétit venait juste de la quitter. Uraïa n’était pas bien sûre de ce que l’ivrogne avançait comme une chance. Pour sa part, sa vie était un choix forcé par la contrainte et le désir de vivre sans subir les quolibets et la menace d’une mort prématurée. Combien de fois ses mots étaient ils restés bloqués dans sa gorge, combien de fois avait elle voulu faire un pas en avant et à la place en avait elle reculé d’autant ? Elle secoua la tête en souriant presque amèrement.

— La liberté, ça a un prix. Je ne dois rien à la chance.

Elle eut bientôt envie de se corriger. Markus avait été sa chance. Mais cela aussi, elle ne le dirait probablement jamais.

— La seule chose que je sais, c’est qu’il faut jamais baisser la tête.

Ce conseil décrocha un maigre sourire à la blonde. Ne pas baisser la tête c'était forcément faire face. Ici, elle avait appris à tenir tête à la racaille, pourtant, les gens mauvais, ce n'était pas eux qu'elle craignait, ils ne pourraient jamais l'atteindre. Ce qui la terrifiait c'était de savoir que malgré tous ses efforts, quelqu'un qu'elle avait aimé se baladait librement dans la nature, toujours en possession d'un laisser-passer qu'elle n'avait autorisé à personne d'autre et qui avait mené à la perte de tout ce qu'elle avait un jour eu, et de tout ce qu'elle avait espéré un jour avoir. Alors elle était était curieuse de savoir combien de plus lui coûterait la liberté dont la rouquine parlait.

— Un prix hein ? Quel prix ?

L’Utgardienne fixa le fond de son verre d’un air morose avant de répondre.

— La solitude. Le sentiment d’abandon. Savoir qu’on ne fera jamais partie de ce grand tout que tout le monde a.

Liv mâcha longuement la bouchée un peu trop entreprenante qu'elle venait d'enfourner. « Le grand tout ». Qu'était ce grand tout dont elle parlait ? Le clan ? La ville ? Sa famille ? Elle ne semblait pas la connaître suffisamment pour choisir quelle réponse semblait la plus plausible à ses yeux. Son esprit divaguait en métaphores mal cousues, et la trogne d'Uraïa lui rappela qu'aucune figure de style ne l'aiderait à communiquer avec cette engin-là.

— C'est quoi ton grand tout, balança-t-elle franchement.

Elle songea qu'il était inutile de partir dans des interprétations tant qu'elle n'était pas certaine du sujet dont elles parlaient. Uraïa dodelina de la tête en tournant un oeil indécis sur la balafrée.

— Le grand tout... Ton clan, ta famille, le monde, la ville ? Faire partie de quelque chose. Quand t'as pas ça, tu vis à la marge. Comme moi. Enfin c'était avant...

Elle ne savait pas au juste. Elle avait trouvé quelque chose c'était sûr. Mais de là à sentir qu'elle faisait vraiment partie de ce tout, qu'elle pouvait y participer, c'était autre chose. Après avoir croqué à nouveau dans son tranchoir, Liveig grogna de désaprobation.

— Vaut mieux la solitude que de croire que tu as toutes ces choses et réaliser au pire moment que tu étais seule au milieu de ce « grand tout». commenta-t-elle sans cacher son amertume.

Puis, se détachant de sa propre situation, elle vit que l'archère avait une mine abattue. Quelque chose échappait à Liveig. La rousse avait l'air de souffrir de sa propre liberté.

— Pourquoi t'es partie du clan, de la ville, si ça te manque tant ?

Uraïa tourna le visage vers Liveig, avant de soupirer.

— Les femmes de ma famille sont maudites.

Elle ne voulait pas en dire plus, c’était déjà bien assez pénible comme ça. Pourquoi remuer le couteau ?

— Il valait mieux que je m’éloigne. Plus simple pour tout le monde.

Dans son exercice acharné, la mâchoire de Liveig se stoppa subitement à l'évocation d'une malédiction. La bouchée fut plus dure à avaler que les autres. Sa main gauche tenait encore ce qui restait de son tranchoir, alors c'est le dos de sa main libre qui vint frotter la démangeaison soudaine de sa cicatrice.

— La Völva a vu ma cicatrice, je crois. En tout cas, elle l'a tracée sur l'autel des Promesses. Elle nous a laissé ruiner nos vies en silence. Au moins, toi tu sais ce que tu risques. Comment tu le sais, d'ailleurs ?

Comment elle le savait ?

— C’est facile… et puis l’Ancienne me l’a confirmé.

Non elle n’avait pas envie de parler de cette tare qu’elle se traînait avec l’ivrogne balafrée. Pour qu’elles puissent se lamenter sur leurs sorts respectifs ? Liveig acquiesça silencieusement, le regard dans le vide. Il était vrai que l'Ancienne savait plus de choses sur les familles Utgardiennes et les maux que ces dernières avaient transportés depuis Gard que n'importe qui d'autre. S'il fallait croire en Njörd et ses promesses, il était très facile de croire aux malédictions jetées sur des familles entières. Liveig était de ceux-là. Elle n'avait pas besoin d'être poussée bien loin : elle était déjà convaincue que rien de ce qu'elle avait dû endurer n'était dû un hasard. Elle refusait d'être une victime comme une autre dans un monde qui n'a ni dieu ni sens, quelque part, il devait y avoir dû sens à sa souffrance. Le contraire était impensable. Elle acheva sa dernière bouchée de pain.

— Ton destin est autre, ton combat est différent. dit-elle, incertaine de si elle essayait de s'en convaincre ou de si elle s'adressait à ... à qui d'ailleurs ?

— C'est con mais, je ne sais toujours pas ton nom.

L’Utgardienne soupira. Quel que soit son destin, elle avait pour le moment l’impression d’errer. Seul son groupe de chasse, son petit clan, lui apportait un semblant de sens dans ces années loin de tout, et surtout d'elle-même. Elle finit par tourner la tête et répondre à sa compagne de bar.

— Uraïa.

Si la fille de l’orfèvre était connue, il était évident qu’elle ne l’était pas d’autant qu’elle avait tout fait pour disparaître et se faire oublier.

— Quel est ton destin à toi alors ? Si tu crois en avoir un…

Le regard de Liveig s'égara au hasard des têtes qui remplissaient la taverne. Quelque part, en elle, elle se baladait parfois dans les rues vides de Claircombe, la nuit, pieds-nus. Elle imaginait sa vie, si tout s'était passé différemment. Njord avait fait une promesse à tous les hommes. Elle était montée sur l'autel, et la promesse d'Eredin a été béni du Maïtre Forgeron. Pourtant, aujourd'hui elle n'avait rien d'autre que des souvenirs amers de cette promesse creuse et sa foi en avait pris un coup. Toutefois, elle voulait encore croire, elle devait croire, qu'elle avait un destin. Sans sa la mort était certainement son dernier espoir.

— Je ne sais pas. soupira-t-elle à son tour. Ses yeux revinrent sur la rousse, Uraïa. Un prénom très Utgardien.

— Ce que je sais, c'est que mon destin n'était pas de vivre tranquillement dans l'ombre d'un homme. Père ou mari. A fabriquer des parures pour embellir l'égo de personnalités hideuses.

Le ton de sa voix n'avait pas manqué de retranscrire le ressentiment que lui inspirait son ancienne vie. Ce n'était pas tant que son métier, ou même sa vie d'alors lui inspirait un tel mépris. C'était plutôt le côté désormais inaccessible de cette vie. Ce choix n'était plus possible. Jamais elle ne serait en bons termes avec ses parents, jamais elle n'épouserait Eredin, jamais elle retournerait à une vie de petite commerçante artisane maintenant qu'elle était passé de l'autre côté de la loi. Qui embaucherait une voleuse pour son commerce ? Personne.

— Malgré tout, je ne pense pas que mon destin soit ici. J'ai juste besoin de rester ici encore un peu.

— Ce n’est le destin d’aucune femme de vivre dans l’ombre d’un homme. Je ne sais pas ce que tu cherches ici, mais tu sembles sous la coupe d’un autre. Avec ton talent et ton intelligence, tu pourrais vivre à ton compte.

Elle haussa les épaules.

— Il ne faut jamais attendre des autres qu’ils nous protègent.

Elle n'avait pas tort sur ce point-là, pour l'instant, Liv dépendait énormément de Marshall mais surtout de son influence sur le petit groupe qu'il dirigeait. Mais ce n'était pas pareil, pensa-t-elle, ils avaient un genre d'accord... Oui, ils avaient un accord. Oui.

— Je ne suis pas "sous sa coupe". C'est pas à la portée de toute le monde de vivre seul et sans personne. Enfin, à part Markus, hein.

Car après tout, Uraïa avait évoqué un homme, elle n'était donc pas si seule qu'elle voulait le faire croire.

— Je préfère l'avoir à portée de main. Marshall et moi, on a un accord. Un jour, il me rendra la pareille.

Uraïa se sentit piquée par sa remarque et ce qu’elle sous-entendait.

— Quel genre d’accord ? Markus et moi on a chacun nos talents, comme le reste du groupe, les gains sont partagés équitablement et personne n’est là contre son gré. Tu es aussi libre que ça avec ton Marshall ?

— Donc tu as quitté un clan pour... un autre clan.

Elle changea de position, apparemment agacée par le renvoi qu'elle venait d'essuyer.

— Même si je rapporte rien, j'ai un toit et une assiette. C'est autant que ce que j'avais en travaillant comme orfèvre à me farcir des négociations avec des Amaranthis. L'or c'est ce que je trouve, pas ce que je dépense. Alors je dirais que... je suis plus libre qu'avant. fit-elle en haussant les épaules. L'argent était vraiment le cadet de ses soucis depuis que le larcin était une de ses activités principales.

— Si ça te suffit…

L’Utgardienne jeta un œil sur ce qui l’entourait. Peu glorieux.

— Quand tu te lèves le matin, il te manque rien ?

Pour toute réponse, un rire sans joie.

— Quoi, tu cherches une nouvelle copine, pour ton groupe ? On chassera ensemble des jours entiers pour trois peaux, et on se retrouvera ici, pour se faire détrousser nos trois sous par des pommés et leur faire la leçon ?

Ce dont elle avait besoin tous les matins depuis la venue des Frères de Sang à Port-aux-Echoués, c'était beaucoup d'eau et un infusion pour faire passer sa gueule de bois quotidienne. Elle se rendait bien compte qu'elle glissait dans la mauvaise pente, mais la remonter lui demander un effort qu'elle ne pouvait tout simplement pas fournir. Toutes les paillasses étaient désormais froides et inconfortables à ses yeux, toutes les nuits étaient faites d'insomnies si elle ne parvenait pas à noyer son esprit.

— Je n'attends plus rien de personne. Y a bien des gens qui me manquent, mais la personne qui leur manque à eux, ce n'est plus moi. A chaque fois qu'ils le voient, ça leur fait mal, ça me fait mal. Ici c'est mieux. C'est mieux comme ça. C'est mieux pour eux, c'est mieux pour moi.

Elle ne supportait plus d'être spectatrice, elle préférait tourner le dos à tout ce cirque. Elle cligna des yeux, et elle était là : l'évidence. Elle se saisit de sa choppe abandonnée et pris une bonne gorgée. Uraïa secoua la tête autant pour marquer son désaccord que pour chasser la brume devant ses yeux. Elle sentait qu’elle arrivait au bout de ce qu’elle pouvait boire pour la soirée et dut faire un effort pour avaler une gorgée de plus.

— J’ai besoin de personne. Mon groupe se porte très bien comme il est, merci.

Elle frappa sur la table et se laissa glisser hors de sa chaise, et faillit y laisser une cheville. En grimaçant l’Utgardienne se redressa et fronça les sourcils pour faire le point sur sa voisine.

— Tu as l’air de te complaire dans ta douleur, Liveig. Grand bien te fasse. Si jamais tu changes d’avis… je t’apprendrai à faire de vrais tirs.

Elle émit un petit reniflement plein de dédain pour le lancer de couteaux. Peut être parce qu’elle avait perdu ce duel là.

— Je suis fatiguée. Bonne nuit.

— Attention dans les escaliers, hein... Ils bougent plus qu'on pourrait le croire que la cible que t'as raté..., se moqua-t-elle alors que la rouquine s'éloignait.

Elle resta seule avec sa chope trop vide, y remédia rapidement. Assurément, Uraïa disait vrai. Mais il était beaucoup plus facile de se contenter d'un malheur que l'on connaissait plutôt que de se risquer vers un malheur inconnu.
Liveig Fjorleif
Liveig Fjorleif
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Métier : Orfèvre
Dim 23 Jan - 17:09
Il dormait d’un sommeil de pierre et rien, ni la porte qui s’ouvrit, ni les pas sur le vieux plancher, ni l’entrée d’intrus dans sa chambre ne le réveillèrent. Ce n’est que lorsqu’on l’arracha de son lit pour foutre son cul sur la seule chaise branlante de la pièce qu’il émergea en hurlant de surprise.

— Foutez-moi la paix ! Sinon…

— Sinon tu vas appeler ta petite sœur ? demanda Marshall d’un ton sardonique. Les deux gros bras qui le tenaient s’esclaffèrent, mais l’Utgardien ne se démonta pas.

— J’ai besoin de personne, bande de lâches. Prenez-moi au moins à la loyal, ou vous avez peur ?

— Ecoute-moi bien, Orik. Je n’ai rien contre-toi, vraiment rien. Et j’aime plutôt bien ta petite sœur archère. Elle aussi, mais elle ne le sait pas encore…

— HAHA ! J’aimerai bien voir ça ! s’exclama-t-il, tout à coup amuser. Apparemment, l’attention de la rouquine était disputée par beaucoup, mais peu avait la chance de l’obtenir. Ou s’ils l’obtenait, ce n’était pas de la manière escomptée.

— Il semblerait que tu sois un homme qui sait se saisir d’une opportunité quand tu en vois une, commenta Marshall en sortant une petite bourse de la poche de son manteau. Il la fit rouler dans ses doigts et la mit à hauteur des yeux d’Orik.

— Me serais-je trompé ? Demanda-t-il enfin en desserrant le lacet qui maintenait la bourse fermée, laissant entrevoir son contenu. Comme l’Utgardien était relativement calme, il fit signe à ses gorilles de lâcher leur prise. Le claircombois plongea deux doigts dans la bourse pour en sortir une pièce, l’examiner. Il n’en fallut pas plus, il était toute ouïe. Le contre-bandier le comprit, et enchaîna aussitôt :

— Mon employée, la balafrée. Tu la connais ?

Orik fronça des sourcils, comme s’il essayait de déceler un piège. Il n’était pas toujours fin, il avait encore pas mal d’alcool dans le sang, mais on lui proposait de l’agent pour une conversation. Tant que c’était pas au sujet d’Uraïa, il ne voyait pas où était le mal.

— Je.. l’ai confondu… tâtonna-t-il en faisant tourner la pièce entre ses doigts.

— On dirait que beaucoup de gens la confondent… Je me demandais si je devais m’attendre à d’autres visites. Un autre type est venu la dernière fois, fils Lautrec ?

—Oh…

Orik n’était pas très proche de la bande de l’Hurlskson dont Eredin faisait partie, mais les on-dits vont bon train. Et ce qui se disait sur l’état du fils Lautrec depuis son retour de Port-aux-Echoués n’était pas très joyeux. Toutefois, personne ne savait si sa mine de déterrée était due à une querelle qu’il aurait eu avec son paternel, un décès ou autre chose. Après un effort surhumain, et plusieurs seconde à regarder dans le vague, Orik sembla faire un lien logique.

— C’est bien Liveig alors ? Ca par Njörd, on la croyait morte. Même les Mörth...

— Les Mörths ?

— Lautrec pensait que l’armurier était derrière sa disparition. Une sale affaire.

Marshall se renfrogna. Il pouvait donc y avoir encore des invités surprise à l’avenir, contrairement à ce qu’elle lui avait assuré.

— Le mieux, ça serait que personne n’ébruite le fait qu’elle soit par ici, surtout pas dans cette taverne tu ne crois pas ?

— Erm, oui, sans doute…

— Très bien.

[Taverne de Borlk]Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras - Liveig & Uraïa [terminé] W69b

« Quand tu te lèves..

Elle courrait dans la forêt, poursuivie par des chiens. Sa lourde robe freinait sa course. Elle pouvait entendre les flèches fendre l’air autour d’elle, se planter dans les troncs, se ficher dans les feuilles. Ils venaient la chercher, la sortir de sa forêt. Aucune flèche ne semblait pouvoir l’atteindre, elle se réfugia derrière un grand saule. Alors, le chasseur sortit une hache abattit le dernière arbre qui le séparait d’elle. Maintenant qu’elle pouvait voir son visage, il ne s’agissait pas de son chasseur. Barldwin était en tenue élégante, le visage déformé par la rage, il leva sa hache pour lui accorder le coup fatal. Elle avait envie d’appeler quelqu’un. L’homme à la hache se sépara en trois. Ils étaient trois, et elle était seule. Et si un seul nom lui vint en tête, elle savait qu’il ne servirait à rien de le crier.

« Il te manque... ? »

Elle roula au sol et se rendit compte qu’elle n’avait plus de robe mais des pantalons, elle sortit ses couteaux et les lança sur les assaillants. Les trois silhouettes se fondèrent en une et prirent le visage d’Eredin. Trois lames plantées dans le coeur, il tomba à genoux.

— Tu vas fuir à nouveau?  demanda-t-il, la déception dans les yeux. Elle se précipita vers lui.

— Eredin, je… Je ne voulais pas…


Il l’attrapa par la gorge et la décolla du tabouret sur lequel elle somnolait.Des corps jonchaient le sol de la taverne, les tables et le comptoir. La fête était définitivement finie, Borlk avait amassé la totalité des verres devant l’évier et les lavaient patiemment. Tout était flou et très lent. Sauf Marshall, qui lui soufflait dans la face. Elle se mit à toussoter, le peu d’air quelle pouvait inspirer était empli d’une fumée qui lui grattait la gorge.

— Tu m’as menti. Et je le sais.

Est-ce que ça valait le coup de se débattre ? Si ça devait se finir, au moins, elle n’aurait plus à penser à ce qu’elle allait faire. Elle n’avait plus besoin de songer à une vengeance, à ce qu’elle voulait. Tout pouvait être aussi simple que ça : mourir. Avoir enduré tout ce qu’elle avait vécu pour une issue pareille ? Mourir en ivrogne, au milieu des ivrognes, pathétique. Il fallait que ça se termine, d’une manière ou d’une autre. Il semblerait que son accord avec Marshall venait de prendre fin, à quoi bon. A quoi bon lui laisser la satisfaction de gagner cette fois. Sa main gauche chercha ses lames à sa hanche, mais elles n’y étaient plus.

— Si tu m’avais dit que des armuriers de Claircombe te cherchaient, on aurait pu trouver un arrangement. Mais t’as encore menti, Liv’. Maintenant, à ton avis, qu’est-ce qui est mieux pour moi : faire affaire avec des armuriers ou avec une menteuse ?

— F...faire affaire avec… quelqu’un qui… peut te donner une orfèvrerie?

Elle n’avait aucune idée, et elle savait que le choix serait vite fait. Elle cherchait juste à gagner du temps. La voir sortir quelque chose d’incongru de son chapeau pouvait avoir quelque chose de distrayant, eut-il été de meilleur humeur, qu’il l’aurait écouté, mais la rage le tenait. Il resserra sa prise.

— Et comment tu vas faire ça ? Tuer tes vieux ?

— … mieux…

Piquer son intérêt. Voilà, comment l’extraire de sa colère, encore fallait-il savoir le garder. Il la relâcha. Elle massa son cou en s’écartant.

— Mieux ?

— On peut mettre ça sur le dos des Mörth ? Tenta-t-elle. Et tout serait réglé une bonne fois pour toute.

— Très bonne idée, Liv, s’illumina-t-il en hochant la tête.

Quelque chose n’allait pas. Ca marchait trop bien. Son langage corporel n’indiquait plus aucune hostilité, mais l’instinct de Liveig la fit reculer, ses talons butèrent contre le comptoir. Rien n’était naturel.

— J’avais justement envie de commettre un double meurtre discrètement, pour régler gratuitement tes problèmes dans une autre foutue ville partiellement gérée par un putain d’Utgardien qui a un clan qui fait un tiers de la ville et une place au conseil, ainsi que des tas de guerriers à sa solde !

Son air faussement enjoué s’envola aussi vite qu’il était apparu. Il l’attrapa par sa tignasse blonde et tira sa tête en arrière.

— Je t’ai jamais rien demandé sur ton passé, sur ce que tu traînais derrière toi, tant que tes emmerdes n’arrivaient pas jusqu’à moi. T’as pas respecté ta part du marché, acheva-t-il en plein de mépris. On va voir combien les Mörth offrent.

— Rien, Marshall. Ils n’offriront rien. Je t’ai pas menti, ils ne me cherchent pas, ils ont déjà pris tout ce qu’ils voulaient : mon commerce, mon visage, ma vie, ma dignité. Tout.

— Encore un mensonge ? On verra bien ce qu’ils en disent.

De toute façon où pouvait-elle bien s’enfuir ? A Port-aux-Echoués, il la retrouverait, à Claircombe, elle serait le problème de quelqu’un d’autre.
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