[Oeil de Shoggoth] Chasse, cueillette et tradition. [Adrian

Uvn couché, la hutte de l'Hurlsk était maintenant transformé pour accueillir un grand nombre d'Utgardien prêt à passer une bonne soirée. Si en temps normal, la hutte était la salle commune où l'Hurlsk recevait les demandes de son peuple, en soirée, c'était la plus grande Taverne de toute la cité. Et pour ne pas changer une équipe qui gagne, Uriel, Eredin et toute la bande étaient déjà bien installé. Debout sur la table, sur une seule jambe, l'autre en l'air et croisé avec celle de son partenaire, se tenant l'un l'autre d'une main et une bière pleine dans l'autre. Eredin et Torstein tournaient doucement. Le but étant que le premier qui tombe paye la prochaine tournée !

- Oh Ascanien, Oh Ascanien ! ♪
- Contient de ta fille
- L'ardeur à manier ma tige
- Lorsqu'au matin elle s'érige ! ♫

Tout le petit groupe chantait d'une seule voix et frappait en rythme sur la table pendant que les deux Utgardiens en équilibres sur la table tentaient de tourner sans tomber le premier. Plus la musique avançait, plus il devait tourner vite. Et au final, ce qui devait arriver arriva et Eredin se retrouva allongé sur la table. Renversant des bières vides. Mort de rire, Uriel et Olgierd le poussèrent hors de la table en direction du comptoir. Oui il y avait des serveuses, mais ayant perdu le jeu, il devait faire le service lui même !

Se frayant un chemin jusqu'au fond de la hutte, il dut jouer des coudes (gentiment) plusieurs fois pour réussir à traverser la taverne bondée. Eredin n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être, 19h ? 20h ? 21 ? Mais ça devait bientôt être l'heure du repas car plusieurs cochons grillaient doucement au dessus du feu et du monde continuait d'arriver dans la hutte. Une fois au bar, il commanda une tournée. La tavernier, connaissant l'individu, le força à faire plusieurs aller retour pour ramener les bières. Lui offrir un plateau pour emmener tout d'un seul coup était comme lâcher un Ascanien énervé dans la salle... Une mauvaise idée. L'alcool faisant ressortir le coté belliqueux des Utgardiens, il était important de faire attention à ne pas mettre de l'huile inutilement sur le feu. Alors qu'il avait déjà ramené plus de la moitié de la commande, lors de son dernier aller retour, une bière dans chaque main et se faufilant en faisant attention. On le heurta sur le coté, lui faisant renverser une bonne partie du précieux liquide se trouvant dans les choppes.

- Par Njord qui est le fils de putain qui...

Parlant fort et déjà prêt à en venir aux mains au cas où, il s’aperçut que ce n'était pas un idiot de son clan qui venait de le bousculer, mais un étranger ! Non d'une cocatrix énervée, qui pouvait bien avoir les couilles de venir chercher la merde ici et maintenant ? Un coup d’œil à gauche puis à droite lui confirma que cet homme était bien seul dans la foule. Ce n'était donc plus des couilles, mais un manque flagrant de bon sens qui devait l'avoir mené ici ! Lâchant ses deux bières de toute façon déjà à moitié vide à cause de l'étranger, Eredin l'attrapa des deux mains par le col de sa veste.

- Tu t'es perdu l'ami ?

Il suffisait d'un coup d’œil pour savoir que l'homme n'était pas un Utgardien, il avait l'air perdu et son style vestimentaire était bien différent des autres. Maintenant, restait à savoir si c'était un Ascanien ou un Amaranthis. Bien qu'alcoolisé et n'aimant pas les Ascaniens, Eredin préféra emmener l'étranger au fond de la hutte prêt du bar avant de le lui demander. Car ca pouvait vite devenir dangereux pour un Ascanien ici et le tavernier avec son pouvoir d'interdire l’accès aux tavernes du quartier était sûrement le seul à pouvoir le protéger d'une meute de Utgardiens alcoolisés. Mais il l'avait mené ici aussi pour que, de une, il puisse lui payer les deux bières renversés et pour que de deux, dans le cas où ce soit un Ascanien, il puisse sortir discrètement et en sécurité par l’arrière sans faire d'histoire.

- Tu me dois deux bières... l'Amaranthis ? Ou l'Ascanien... ?

Après, connaissant ses voisins, il était possible que l'étranger puisse lui mentir. La fierté et l'honneur, les autres « clans » ne connaissaient pas vraiment, donc le mensonge sur son origine était bien possible. Appuyé contre le comptoir, Eredin observait l'étranger d'un œil suspicieux.

- Tu cherches quelqu'un ? Car je doute que tu te sois simplement perdu jusqu'ici.

Il y avait beaucoup de bagarre dans le quartier, mais peu d'étranger était impliqué dedans. Malgré la mauvaise réputation des hommes du nord, si on ne cherchait pas les embrouilles, il y avait très peu de chance de se faire agresser normalement. Mais pourtant, les rumeurs disaient l'inverse dans Claircombe, donc quelqu'un avec du bon sens évitait généralement de pointer le bout de son nez une fois la nuit tombée dans le quartier. Pour justement éviter les problèmes. Pourtant, ça n'avait pas suffit pour lui, donc que faisait-il ici ? Ça ne pouvait pas être le hasard !

- Ha ! Je sais. Tu es venu voir Maelis ? La nouvelle ?

Depuis quelques semaines, le jeune Maelis dont la beauté faisait tourner pas mal de têtes avait commencé à travailler comme serveuse dans la hutte de l'Hurlsk. Mais ici, on était pas dans le quartier Amaranthis, une serveuse se contentait de servir boisson et nourriture ! Il n'y avait pas de supplément possible contre un peu d'argent. Si c'était pour ça, il allait se faire dégager à coup de pied au cul !

Rude journée pour Adrian qui n'avait eu de cesse d'être sollicité par des urgences et autres interventions. Bien qu'il appréciait l'absence de monotonie de son travail, il y avait des jours ou tout semblait fait pour que la journée tourne au vinaigre. Il n'aurai pu se douter à son réveil que son labeur commencerai par recoudre en urgence un enfant attaqué par un chien errant, se suivant presque immédiatement d'interventions de soins pour contingent de garde victime d'une attaque de bandit pendant leur ronde journalière. Quand la journée commençait de la sorte, le rythme ne ralentissait jamais. On aurai même pu croire que c'était une règle tacite. L'après-midi pouvait quant à elle être résumée par la longue file d'attente de gens en quête de décoctions médicales en tout genre. Adrian, dans sa grande politesse, prenait toujours le temps de ne pas décevoir ses patients et clients, mais il fallait avouer que la tentation de congédier les plus idiots d'entre eux était parfois forte. Malgré tout, c'est dans un soupir de soulagement qu'il vint à verrouiller la porte de sa boutique.

Après un tel labeur, l'Apothicaire n'avait aucune envie de monter à l'étage, dans l'espace qui lui servait de lieu de vie. De plus, il avait quelque chose d'important à faire, qu'il n'avait fait que repousser depuis trop longtemps. De toute manière, quand quelque chose lui trottait dans la tête, il fallait qu'il le tire au clair, s'en était presque maladif. Bien sur, il aurai pu s'adresser à la guilde des aventuriers pour formuler cette requête…Mais il détestait ne pas avoir affaire directement à ceux qu'il missionnait et dont le travail était parfois déplorable. Malheureusement, il n'était pas lui même taillé pour les escapades hors de la ville, il fallait se rendre à l'évidence. Tandis qu'il marchait dans l'obscurité grandissante des rues de Claircombe, l'apothicaire passa la symbolique et large avenue qui reliait la porte d'Orée et la place du capitaine, marque tacite de la séparation entre les quartiers Amaranthis et Utgardiens. Bien que peu friand de vagabonder hors de chez lui, Adrian ne se sentait pas particulièrement en danger lors des rares fois ou il vagabondait chez ses voisins. Bien que rustres et bien trop mal éduqués pour qu'il ne puisse supporter leur compagnie bien longtemps, les Utgardiens ne lui avait jamais personnellement causé de problèmes. En tout cas, pour le moment.

Malgré cette absence d'inquiétude, Adrian se réjouissait de pas avoir à traverser entièrement le quartier à cette heure tardive ou le joue avait laissé place à l'obscurité. Il arriva devant une bâtisse qui semblait être la fameuse hutte du chef des Utgardiens, l'Hurlsk. Cette bâtisse ressemblant trait pour trait à une version agrandie de toutes les habitations Utgardienne voisines, remarquable de par leur forme qui n'était pas sans rappeler à l'apothicaire des bâtiments de guerre. D'après les informations qu'Adrian avait put glaner, la hutte du chef Utgardien devenait un lieu de fête à la tombée de la nuit, quelle étrange coutume que celle d'aller festoyer directement dans la demeure de leur chef suprême. En tout cas, le brouhaha étouffé par les murs épais semblait confirmer qu'il avait été bien renseigné. Sans plus attendre, Adrian entra dans la hutte.

Au moins, Adrian ne pouvait nier le fait que les Utgardiens étaient à la hauteur de leur réputation de fêtard invétérés, tant le bruit ambiant mélangé à une odeur boisée de tonneaux de bière était proéminente dès que l'on franchissait le pas de la porte. Une chose était sure, on était loin des soirées mondaines Amaranthis auquel il était habitué, bien que la finalité de débauche et d'ivresse soit la même. L'apothicaire s'avança d'un pas décidé dans la hutte. Nul besoin d'être un génie pour comprendre que beaucoup des convives étaient des guerriers, il avait donc très certainement prit la bonne décision.

Tandis qu'il sondait son entourage en avançant doucement, son regard s'égara quelques secondes à la suite du passage d'une bien jolie serveuse qui passa juste à coté de lui. Il ne fallut pas plus que ce court instant pour qu'Adrian percute un homme qui tenait deux choppe de bière à la main. D'un geste reflexe, il esquiva les éclat d'alcool qui manquèrent de tacher son manteau en s'écrasant au sol. Il entendit un juron et n'eut le temps de réagir que l'homme en question lui tenait le col. Accompagnant le mouvement de son interlocuteur pour ne pas envenimer la situation en faisant de la résistance, les deux protagonistes se retrouvèrent devant le bar lorsque l'Utgardien réclama son du. Adrian put enfin distinguer la personne qu'il avait devant lui, un Utgardien qui était à n'en point douter un guerrier, vu son allure et sa posture. Adrian nota cependant que l'homme qui se tenait en face de lui dégageait une image plus soignée que la moyenne des gens de son peuple. Il fixait l'apothicaire de son regard d'un bleu à la fois remarquable et intimidant.

Ascanien ou Amaranthis ? Vraiment ?

Adrian soutint le regard de l'Utgardien sans sourciller, et esquissa même un sourire aimable. Il sortit d'une poche de son manteau une petite bourse nouée qu'il déposa sur le comptoir, près de son interlocuteur.

"Voici de quoi t'en offrir deux nouvelles et quelques une supplémentaires guerrier. Pardonne mon inattention."

En effet, il y avait très largement de quoi s'en offrir plus que deux. Dans le fond, Adrian n'avait pas fait ça pour impressionner ni faire le malin, il n'avait surtout pas envie de rentrer en conflit avec un Utgardien en plein cœur de la hutte de leur Chef suprême. Il faudrait être complètement idiot ou Ascanien pour s'y risquer. L'inconnu semblait réellement sceptique quant à la présence de l'apothicaire, mais il avait raison sur un point, Adrian ne s'était pas perdu, il était précisément au bon endroit. L'Amaranthis sourit à nouveau en entendant parler d'une certaine Maelis, soit disant nouvelle. Il était fort probable quelle ait été la cause de l'accident malgré elle finalement.

"Je ne cherche pas quelqu'un en particulier, guerrier. Tu as raison sur un point en revanche, je ne suis pas perdu."

Adrian marqua une courte pause pendant laquelle il passa distraitement sa main dans sa barbe, soutenant toujours le regard suspicieux et interrogateur de l'Utgardien.

"Je suis ici pour faire des affaires. Vois-tu, je suis à la recherche de guerriers aguerri en mal d'aventure, et j'ai comme l'impression d'avoir frappé à la bonne porte. Bien entendu, comme tu t'en doutes surement, j'ai de quoi payer. "

L'apothicaire termina son élocution et se mua dans le silence, attendant la réaction de son interlocuteur. En un sens il s'estima chanceux d'être tombé sur une personne ayant fait preuve d'un peu d'analyse avant d'en venir réellement aux mains. Toujours est-il qu'il n'avait pas la garantie que son argument allait faire mouche. Dans le pire des cas, il devrait s'en retourner à la guilde des aventuriers, une alternative qui ne l'enchantait guère.

Un Amaranthis, pour sûr ! Qui d'autre s'excuserait tout en sortant de l'argent ? Sûrement pas un Ascanien. Toujours appuyé contre le comptoir, Eredin porta une main à sa bouche et commença à mordiller la phalange de son pouce tout en fixant l'homme devant lui. Pourquoi cet homme l'appelait-il guerrier ? Cette question lui trotta en tête un moment. Il était habillé simplement et n'avait même pas d'arme sur lui. Pourtant, par deux fois, l'Amaranthis l'avait appelé guerrier. Encore, si il parlait à Olgierd qui était un géant de muscle, ça aurait du sens, mais la Eredin ne comprenait pas.

- Pourquoi tu m'appelles guerrier... ?

Mais ignorant l'homme, il se redressa et fit face au tavernier pour commander trois bières et autant de pichet que la bourse permettait de payer. L'Utgardien n'allait pas se priver de l'argent d'un étranger, surtout que pour le sortir aussi facilement, il ne devait pas en manquer.

- Tes propos sont incohérents, mais je veux savoir pourquoi tu m'appelles guerrier ! Donc vient boire avec nous !

Une fois la commande prête, Eredin emmena l'Amaranthis avec lui. Ils se faufilèrent dans la foule sans rien renverser cette fois et trouvèrent une tablée des plus assoiffée ! Eredin prit place d'un coté et invita l'étranger à s’asseoir en face de lui.

- Cet homme à l'air totalement perdu, il a payé pour nous tous...

D'un seul homme, les six Utgardiens levèrent leurs verres vers l'étranger puis se mirent à boire. Offrir de l'alcool était toujours une bonne façon de se mettre des Utgardiens dans la poche. Ignorant les autres, Eredin se tourna vers son invité pour lui parler.

- Alors, pourquoi tu penses que je suis un guerrier hein ?

Mais à nouveau, avant qu'il ne puisse répondre, il se leva et se tourna vers la salle, il chercha un bon spécimen dans la hutte qui commençait à être de plus en plus remplit. Après de nombreuses secondes, il en trouva enfin un !

- Tu vois cet homme la bas ? il désigna un groupe du doigt à l'autre bout de la salle où se trouvait un géant chauve avec une très jolie moustache ! Est-ce que c'est un guerrier ?

Question piège. Il avait pointé du doigt Orik, un simple fermier qui travaillait la terre du matin au soir. Un homme brave et gentil qui avait traversé trop d'épreuves dans sa vie pour devenir guerrier. Mais ça, l'étranger n'en savait rien ! Jugeait-il un guerrier à son physique ou utilisait-il se terme simplement pour parler des Utgardiens en général ? Ou arrivait-il à voir grâce à son œil d'expert les subtilités qui distinguaient un guerrier d'un fermier ? Eredin était réellement curieux de savoir qui était cet homme. D'habitude, si on cherchait des compagnons pour une aventure, on allait voir la guilde des aventuriers, on ne venait pas directement dans la hutte de l'Hurlsk pour demander à la première personne si elle était bien un guerrier et si elle accepterait de partir à l'aventure. Et pourtant, l'Amaranthis était assit à une table où il ne connaissait absolument personne.

- Tu parles d'une aventure... mais quand tu dis avoir de quoi payer, on parle de combien ?

Les yeux d'Eredin s’allumèrent d'une lueur que les autres pouvaient facilement reconnaître. Celle de la discorde ! Venir ici et se pavaner avec son argent, pour qui se prenait-il ? Est-ce qu'ils avaient l'air dans le besoin ? Est-ce qu'il pensait qu'un Utgardien, contre un peu d'argent, serait prêt à faire n'importe quoi ? Par chance, Isaac, assit à la gauche de l'étranger avait suivi la conversation depuis le début.

- Je suis sûr qu'il n'avait aucune mauvaise intention... parle nous de ton aventure plutôt.

Isaac était un homme noir, né d'un père et d'une mère Amaranthis, sa mère s'était ensuite remarié avec un Utgardien. Vivant toute sa vie dans le quartier Nord et élevé comme un Utgardien, Isaac avait du se faire une place pour être respecté. Il savait donc parfaitement comment ça pouvait être difficile de discuter avec une personne de son clan lorsque l'on est considéré comme un étranger. Levant les yeux au ciel, son intervention empêcha Eredin de mener l'étranger sur un terrain glissant.

- Merci Isaac.

Et d'un mouvement de main, il invita l'Amaranthis à répondre.

La question que lui posa l'Utgardien n'était pas forcement celle qu'il attendait. L'espace d'un instant, il se demanda s'il n'avait pas fait un affront en lui donnant ce titre, ne connaissant pas plus que ça les us et coutumes de leur peuple. A la façon dont son interlocuteur semblait captivé par la question, Adrian jugea important de mesurer ses mots. Il n'eut cependant pas le temps de réagir que son interlocuteur commanda à boire avec l'argent que l'Apothicaire avait posé sur la table. Une nouvelle fois le "guerrier" insista sur la question, mais il commença à partir dans la foule, des choppes sous le bras. Adrian, interrogateur quant au comportement de l'homme l'assista
tout de même pour transporter tout cet alcool dont la douce odeur houblonnée et boisée donnait envie, il fallait l'admettre. Arrivé à la table, l'apothicaire ne perdit pas de temps pour s'installer lorsque l'Utgardien l'y invita.
Il fut notamment surpris de voir que tout les Utgardiens présent à table levèrent leur verre dans un bel ensemble. Au moins Adrian avait marqué des points en offrant à boire à ces inconnus, facilitant la prise de contact. L'apothicaire avait maintenu son regard principalement sur celui qui l'avait invité, jusqu'à ce que celui-ci lui pose à nouveau la question...Et se détourne encore en se relevant.

Voulait-il connaitre la réponse ? Était-ce une forme de surexcitation due à la curiosité, ou était-il totalement ivre ? Peut-être un peu des trois…

Adrian esquissa un sourire quand l'homme lui montra une autre personne de la taverne, une force de la nature, tant par sa taille que par ses traits tirés. Un test, voila ce que c'était, il voulait savoir si l'apothicaire l'avait affublé du nom de guerrier par défaut, ou s'il avait de bonne raisons de le faire. Son regard resta un instant sur le géant, analysant cet homme qui n'était certainement pas un guerrier, aux yeux de l'Amaranthis.
Sentant que l'Utgardien n'en avait terminé avec les questions, il attendit que celui-ci le relance, ce qui ne manqua pas d'arriver l'instant d'après. Evidemment, proposer à quelqu'un de louer ses services contre de l'argent pouvait être mal interprété, surtout lorsque l'on était Amaranthis et donc affublé d'une réputation d'être fourbes, corrompu et imbu de soi. Adrian ne manqua pas de remarquer le changement de regard de l'Utgardien. Beaucoup d'expressions passaient au travers du visage du guerrier, comme s'il avait du mal à tenir en place face à ses émotions.

L'apothicaire cru même un instant qu'il allait bel et bien s'énerver, quand une voix sur sa gauche vint interrompre la montée en pression, d'une voix bien plus calme et sereine. Adrian tourna son regard vers celui qui avait prit la parole pour constater que l'homme était bien différent des autres de par sa couleur de peau. Cependant, son attitude semblait très similaire à celle de ses pairs. En quelques secondes la pression qui semblait être grimpé en flèche retomba net. C'est alors qu'Adrian comprit que c'était à lui de parler, car toute les représentants à table braquaient leur regard sur lui. L'apothicaire se racla la gorge discrètement tout en tenant de sa main gauche la choppe qu'il faisait tournoyer doucement, comme avec un verre de vin, sans en reverser une goutte.

"Pour répondre à ta question, je ne pense pas que cet homme soit un guerrier, son dos vouté et la tête basse souligne plus un travailleur acharné qu'un combattant aguerri. Je dirai que, si tu veux que je te donne un point commun, vous avez surement les même mains calleuses, mais pas pour les même raisons. Crois-moi également, le regard ne trompe pas...Même de loin…"

Adrian marqua une pause et but une gorgée de la bière qu'il tenait devant lui. Bien qu'il ne soit pas accoutumé au houblon et à cette amertume bien particulière, il devait admettre que le breuvage n'était pas de mauvaise qualité, loin de la. Il était à la hauteur ce que l'on pourrait attendre de la hutte du chef suprême d'un peuple. Reposant la choppe sans un bruit, il reprit la parole.

"Concernant mon aventure, je ne vais pas passer par quatre chemins. Je suis apothicaire, et de ce fait j'ai besoin de nouvelles plantes et autres composants afin de faire avancer mes recherches. Cependant, les éléments que je recherchent à ce jour ont été répertoriés comme présent aux alentours de l'Œil de Shoggoth... "

Une nouvelle courte pause ponctua son élocution. Il reprit rapidement la parole.

"Je souhaite m'y rendre moi-même car collecter des plantes demande de respecter des procédés bien précis. J'ai besoin de l'assistance de guerriers aguerris pour m'accompagner. En plus de cela, j'ai besoin de personnes apte à chasser un Myriapode adulte, afin de collecter la salive de cet immonde créature. Pour ce qui est du paiement, votre prix sera le mien, à hauteur du péril de la mission."

Une chose était sure, Adrian ne supportait pas de faire des détours pour exprimer ses besoins, et le propos était clair. Bien que périlleuse, L'apothicaire avait bon espoir que la mission attise l'esprit des Utgardiens. Était-ce un cliché, ou bien l'appel de l'aventure leur était un leitmotiv pour les guerriers Utgardiens. Adrian ne tarderai pas à le savoir. Tandis qu'il reprit une gorgée de bière, son regard passa succinctement sur la tablée. Tout le monde était pendu à son discours, à commencé par celui qui l'avait mené à cette table et son étrange regard changeant.

Donc selon lui, c'est son regard qui l'avait trahi ? Eredin tenta de cacher son mécontentement en buvant une longue gorgée de bière. Un dos voûté et une tête basse hein ? Tu parles, il avait simplement vu venir la question piège ! L'Utgardien aurait simplement du désigner un autre guerrier à la place d'Orik. Reposant sa choppe, il applaudit lentement trois fois d'affilé pour féliciter se charlatan. Puis il l'écouta parler de son aventure et de son argent. Et a nouveau, les yeux d'Eredin s’illuminèrent, mais cette fois c'était de surprise. Les demandes de protection ou les contrats pour se rendre aussi loin dans le sud étaient vraiment rares. Une opportunité comme celle ci ne pouvait être qu'un signe du destin. Surtout que cet homme venait directement chercher ici sans passer par la guilde, il suffisait de dire oui pour obtenir la mission. Sa mauvaise humeur et l'envie de chercher les ennuis loin derrière lui, Eredin se mit à sourire, tout excité.

- Je suis ton homme ! Eredin.

Pas besoin de plus d'information, il avait besoin de partir loin d'ici et un voyage comme celui la allait demander du temps et beaucoup de travail. Rien de mieux pour s'occuper et se vider la tête. Eredin n'avait même pas besoin de parler d'argent car il ne le faisait pas pour ça. Hélas, il avait peut être parlé trop vite et avec bien trop d'enthousiasme car Uriel l’interpella.

- De quoi tu parles ? Tu n'y penses pas sérieusement ?

Un sourire de circonstance sur le visage, Eredin l'ignora simplement et demanda même plus d'informations à l'Amaranthis. Mais son frère n'avait pas pour habitude d'abandonner comme ça. Prenant la place de Torstein pour être juste à coté de lui, il posa une main sur son épaule avant de reprendre.

- Réfléchis, une mission pour l’œil de Shoggoth, tu n'es pas encore dans le groupe de chasse de l'Hurlsk que déjà tu veux te rendre au Sud, tu veux mourir... ?
- Merci de ta confiance en moi, ça me touche vraiment, maintenant si tu as rien d'autre à dire, tu peux dégager.

Un silence s'installa entre les deux hommes, Uriel tentait de bien faire, mais comme depuis plusieurs semaines, Eredin n'avait qu'une idée en tête, fuir ses responsabilités et être tranquille à l'extérieur. Donc absolument rien de se que dirait son frère ne saurait l’empêcher d'y aller.

- C'est un voyage dangereux, tu va prendre qui avec toi hein ?
- Je trouverais bien du monde, contrairement à toi, certains ont confiance en mes compétences.
- Je vais venir avec vous, je ne suis pas très bon chasseur, mais je suis sur que ma lance sera utile. Et il faut bien que quelqu'un t'empêche de faire n’importe quoi non ?

A nouveau Isaac avait surpris Eredin, mais cette fois c'était dans le bon sens en lui apportant son soutien. Il le remercia silencieusement d'un signe de la tête avant de reprendre avec Uriel.

- Tu vois ? Plus de quoi s'inquiéter pour moi ! Et pourquoi tu ne te joindrais pas à nous ? Tu pourrais me surveiller et voir que je ne vais pas faire de bêtise... puis, se rendant compte qu'il commençait à devenir vraiment con il a ajouta sur un autre ton, j'ai besoin de sortir et de me vider la tête, ici... tu sais bien !

Surpris de cette soudaine franchise, Uriel le regarde bizarrement, il se passa une main dans la barbe et but une gorgée. Puis, lentement, comme si les mots avaient du mal à sortir de sa bouche :

- Si tu as besoin de ça... alors vous avez ma bénédiction pour cette aventure suicidaire ! Mais après, tu passes à autre chose, compris ? Et il est hors de question que je vienne avec vous, si vous êtes incapables de réussir sans moi, je vois pas en quoi vous pourrez m’être utile à l'avenir !

Un coup d'épaule et un grand sourire victorieux, Eredin trinqua avec son frere. L'oeil de Shoggoth, ça allait être un sacré voyage. Ils allaient devoir planifier ça comme il faut pour avoir une chance de s'en sortir.

- Très bien l'étranger, combien d'argent tu es prêt à dépenser pour cette aventure ? Car il faut prévoir de la nourriture, de l'équipement et voir comment on va se déplacer. Tu comptes engager combien de gardes ? Tu dois ramener beaucoup de plante ? Et cette histoire de Myriapode, dit m'en plus !? Soit précis !

Eredin pensait engager au moins un autre chasseur et deux autres gardes, c'était le minimum pour une telle aventure. Avec l'Amaranthis, ça ferait un groupe de six, monter à dix serait idéal, mais pour ça, ça dépendrait des finances de l'étranger.

- Je suis Eredin Lautrec, si tu m'engages, je serais le chef de cette expédition et Isaac sera mon bras droit ! Tu auras ton mot à dire bien sûr, mais tu obéiras à tous mes ordres. J'ai plus d'expérience que toi voir même que quiconque autour de cette table de l'extérieur donc je suis le meilleur placé pour mener à bien cette expédition ! Et sans passer par la guilde des aventurier, tu ne trouveras pas mieux. Donc qu'est-ce que tu en dis ?

Décidément, il était bon d'admettre que le hasard faisait bien les choses. Tomber du premier coup sur une personne rentrant dans ses critères, qui plus est par accident et sans même avoir eu à chercher, voila qui relevait même du miracle. L'élocution d'Adrian avait fait mouche et cela se voyait même avant que l'Utgardien ne confirme explicitement son entrain. Son regard si expressif avait de nouveau brillé d'une lueur d'excitation qui ne laissait que peu de place au doute. Adrian tiqua en son fort intérieur lorsqu'il entendit un nom qui sonna familier. Eredin…Dans le bruit ambiant, il n'était pas bien sur d'avoir entendu correctement le nom de l'Utgardien.

S'apprêtant à répondre, il se stoppa et tourna son regard vers le second individu qui venait d'interpeller le guerrier. Décidément, il était difficile d'avoir une conversation sans interruption dans cette Taverne. Ne s'en offusquant pas outre mesure, Adrian reporta son attention sur l'Utgardien qui venait de superbement ignorer le nouveau venu, s'apprêtant même à s’adresser à nouveau à l’apothicaire. Mais visiblement l'autre ne l'entendait pas de cet oreille...Fort bien, Adrian jouerai de patience et ne se mêlerai pas de cette joute verbale passive agressive. Adrian leva sa choppe et but une gorgée de bière, tout en gardant un œil sur l'échange entre les deux guerriers. Il la reposa ensuite sans un bruit et joua distraitement avec sa barbe taillée, un tic qu'il avait dès lors que son menton dès qu'il analysait ou que la réflexion occupait son cerveau. Pour l'apothicaire, analyser le comportement d'individus si différents de lui était une grande source de divertissement et d'enrichissement. La gestuelle, le ton, les regards, tant de choses qui différaient selon les peuples et leur éducation et qui n'avaient de cesse de fasciner l'Amaranthis.

Visiblement, les choses tournèrent à l'avantage du guerrier lorsqu'il reçu l'appui du fameux Isaac. Adrian trouva intéressant que cet individu en particulier se propose pour les accompagner, car c'était déjà lui qui avait permit à l'apothicaire de formuler sa requête en endiguant la discorde qui s'était emparé de l'Utgardien aux yeux clairs plus tôt dans la soirée. Adrian écouta attentivement les dires de celui qui se nommait bel et bien Eredin, pas d’erreur possible cette fois. D'un geste de tête, il souligna l'approbation qu'il montrait pour les dires de son interlocuteur.

Les images d'une sombre journée lui revinrent à l'esprit l'espace d'un instant, directement liées au jour ou il avait entendu ce nom pour la première fois. Étonnant comme la hasard faisait bien les choses. Adrian ne put réprimer un sourire en pensant à l'ampleur de la coïncidence. Il resta cependant attentif à ce que lui disait Eredin, pour ne rien manquer d'important. Dans l'ensemble, la vision du guerrier plaisait à Adrian, si bien qu'il prit la parole presque immédiatement, sans laisser traîner la discussion.

"Eredin Lautrec...Sache que je n'avais nullement l'intention de diriger une expédition alors que je n'ai aucune expérience en extérieur, je m'en remet à tes capacités et je te laisserai volontiers aux commandes. Je te propose que nous formions un groupe de sept personnes, toi et moi compris. Je payerai l'intégralité des frais nécessaire en plus d'un solde conséquent pour chaque personnes nous accompagnant, des chevaux à la nourriture, en passant pas l'équipement. Si tu penses que nous serons trop peu nombreux à sept, je suis prêt à rajouter de l'argent pour augmenter notre effectif. Concernant les plantes que je compte ramener, je n'ai nullement besoin de prévoir de charge supplémentaires, les extraits de plantes son légères et peu encombrantes...Concernant le Myriapode, je mène des recherche pour créer divers remède et parfois les plantes ne se suffisent pas à eux-mêmes. Dans de récents écrits, il y était mentionné quelques bribes d'informations sur la salive de Myriapode et ses propriétés lorsqu'elle est correctement associée aux bonnes essences, je voudrai confirmer ces études et les approfondir. J'ai donc besoin que vous abattiez un myriapode, de préférence adulte, pour collecter une bonne dose de salive. La maturité de la bête est relativement importante pour s'assurer de bons résultats."

Adrian avait fortement accentué la prononciation du nom d'Eredin, sans vraiment le faire exprès. Finissant son élocution, il sortit de sa poche une deuxième bourse qu'il déposa sur la table, avant de se lever, le regard toujours fiché sur le guerrier Utgardien.

"Je me nomme Adrian Mayr. Ce fut un plaisir d’avoir à faire à toi, Eredin. Si mon offre t’intéresse toujours après cette longue nuit qui semble vous attendre, retrouvez moi, toi et tes hommes dans trois jours à la porte des champs, aux aurores. La prochaine tournée est pour moi, mais je me dois de vous fausser compagnie. Messieurs...

Après une très légère révérence pour ceux qui l’avaient écouté, Adrian fit volte-face et quitta sans demander son reste la hutte de l’Hurlsk.

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Il faisait froid, ce matin du troisième jour. Adrian resserra les pans de son manteau. Bien qu’habillé dans une tenue adéquate aux voyages, l’apothicaire gardait un style vestimentaire très semblable à celui de tout les jours, teinté essentiellement de couleurs sombres. Cette absence d’extravagance dans son accoutrement était bien un des points qu’il ne partageait pas avec la majeure partie de son peuple, habitué aux belles dorures et autres fanfreluches. De toute façon, il valait mieux être habillé simplement lorsque l’on s’apprêtait à arpenter le vaste monde, parsemé de dangers.

A l’entrée de la porte des champs, Adrian regardait passer ça-et-la les premiers travailleurs qui sortaient de leur maisons pour se rendre dans les cultures qui avoisinaient la frontière sud de la cité. Au sons des oiseaux se rythmait cette chorégraphie qui semblait être une copie du jour précédent et une référence au jour suivant. L’apothicaire était arrivé en avance, n’ayant pratiquement pas trouvé le sommeil, il s’était lui-même tiré du lit alors que la nuit était encore omniprésente.

Les premières lueurs de l’aurore teintèrent les champs d’une belle couleur orangée, diffusée dans le brouillard laiteux qui tapissait la vaste étendue cultivée. Adrian contemplait cet environnement relaxant, pour se perdre dans ses pensées. Il n’arrivait pas à réellement imaginer ce qui les attendaient à l’Oeil de Shoggoth, mais il savait pertinemment que ça n’allait pas être une promenade de santé. Cela dit, pour partir a l’aventure, déjà faudrait-il que les aventuriers répondent présent à l’appel. Adrian n’avait cependant que peu de doute sur le fait qu’une personne comme Eredin n’honore pas sa parole.

Après le départ du dénommé Adrian Mayr, commanditaire d'une future aventure jusqu'à l'Oeil de Shogggoth, la soirée dura encore un bon moment. Le lendemain fut même un peu difficile, mais pas le temps de comater que déjà les préparatifs avaient commencés. Isaac s'occupait de recruter des personnes assez courageuse pour se joindre à une telle entreprise pendant que Eredin se renseignait sur le chemin à emprunter et sur les créatures se trouvant dans les différents territoires qu'ils allaient traverser. Il se renseigna particulièrement sur les Myriapodes. Et d'après les informations récoltés, la chasse risquait d’être compliqué puisque cette monstruosité se cachait la journée et sortait seulement la nuit. Chasser à cette heure n'était jamais une bonne idée et si les conditions n'étaient pas avec eux, ça risquait d’être extrêmement compliqué. Mais maintenant qu'il s’était engagé à prendre le commandement de cette entreprise, il ne pouvait plus faire marche arrière. Pendant les jours suivants, les préparatifs avancèrent de bon train et l'équipe prit forme. Ils eurent d'ailleurs bien du mal à la compléter, il faut croire qu'une mission suicidaire n’intéressait plus grande monde de nos jours. Au total, Isaac avait réussi à trouver cinq personne prêt à une telle folie. Trois combattants Utgardiens et un chasseur Amaranthis qui savait comment appâter les Myriapodes. En plus de ça, une jeune femme du peuple sans compétences particulières avait décidé de se joindre à eux. Isaac disait qu'elle était motivé et qu'elle pourrait toujours servir, puis de toute façon personne d'autre ne voulait se joindre à eux donc autant la prendre dans le groupe. Le groupe était donc constitué de trois lances, d'une hache à deux mains, de deux arcs, d'une petite lame et d'un médecin. Eredin aurait aimé quelques personnes en plus, mais ça lui semblait tout de même suffisant et assez polyvalent.

Le jour de la rencontre, alors que le soleil n'était pas encore levé, les Utgardiens se rejoignirent dans une écurie du faubourg nord. Comme convenu, huit montures étaient déjà prête à partir. Chacun avait le droit à un cheval et Eredin en avait choisi un qu'il avait déjà eu l'occasion de monter, un cheval courageux à la robe Palomino. Fixant ses affaires à la selle, il le caressa longuement en lui promettant de prendre soin de lui. Pour un tel trajet, une monture était obligatoire et il devait pouvoir compter sur elle. Au début il avait pensé prendre un Bantha, mais d'après Adrian il n'y avait pas besoin de ramener beaucoup de marchandise, donc juste des chevaux devraient largement suffire. Une fois tout le monde prêt, le groupe se mit en route vers la porte Sud. Traversant la ville encore endormie, Eredin laissa derrière lui une prière pour bénir le groupe et le voyage. Sur la place du capitaine, ils récupérèrent le chasseur Amaranthis et la jeune femme. Et alors que les premiers rayons du soleil apparaissait à l'horizon, ils arrivèrent à la porte des champs. Adrian était déjà présent et Eredin lui tendit les rennes d'un cheval à la robe grise. Il lui présenta ensuite chacune des personnes du groupe.

- C'est le moment ou jamais de renoncer Adrian, tu es bien sur de vouloir te rendre la bas ? Et déplaçant son cheval pour faire face aux autres. La question est la même pour vous, vous connaissez tous les risques, donc c'est maintenant ou jamais...

A part pour Adrian et la jeune femme, Eredin savait déjà que les autres n'avaient pas du tout l'intention de faire demi tour. Mais aucun des deux n'hésita une seule seconde. Le voyage pouvait donc commencer.

Avançant à coté d'Adrian, il lui donna une carte qu'il avait dessiné pour lui expliquer les différentes étapes du voyage qu'il avait prévu. Le premier jour serait le plus simple, le groupe allait simplement devoir traverser la vallée de la perdition, ils camperaient alors prêt du fleuve. Le deuxième jour, ils allaient longer et remonter au maximum le fleuve vers l'Oeil de Shoggoth, une fois la foret trop dense, ils allaient devoir se séparer en deux groupes et laisser les chevaux derrière. Puis après, selon la difficulté, il faudrait compter un ou deux jours de marche pour enfin atteindre le lac. Donc ça faisait minimum (et sans problème) trois jours de voyage pour réussir à atteindre le lac et autant de nuit à passer dehors.

- En me montrant les plantes et comment faire, j'aurais réussi à ramener se dont tu avais besoin... alors pourquoi venir ? Est-ce que tu as confiance en personne pour faire ton travail ou juste un besoin de quitter cette ville ?

Comme dit avant, le voyage allait être long et pour l'instant, ils n'avaient rien à craindre, donc autant discuter pendant qu'ils le pouvaient encore. Surtout qu'Eredin était curieux et aimer apprendre à connaître les gens.

- Ne me dit pas que tu fais ça pour impressionner une femme ou c'est moi qui fait demi-tour !

Il avait déjà vécu une telle aventure et vu la chance qui l'avait accompagné, il préférait ne pas réitérer l'histoire.

Perdu dans ses pensées, Adrian contemplait toujours la lente ascension du soleil quand il fit tiré de ses rêveries par le martèlement lent de sabots contre le sol terreux. L'absence de bruit amplifiait la résonance du cortège qui approchait et se dessinait dans le brouillard matinal. Adrian se tourna vers les nouveau venus et les détailla tous un à un succinctement. Il était aisé de reconnaître Eredin en tête de cortège ainsi que Isaac, l'homme qui avait joué en sa faveur lors de leur première rencontre dans la hutte de l'Hurlsk. Derrière, trois autre Utgardien, à n'en point douter. L'apothicaire nota que la personne suivante lui évoquait des choses familières, tant dans l'attitude que dans l'accoutrement. Bien qu'habillé comme un chasseur, cet homme avait une pointe de raffinement dans la finitions de ses vêtements qui laissaient penser qu'il était lui aussi Amaranthis. La dernière en revanche, ne semblait que très neutre et discrète comparé au cortège. Adrian ne se serai pas permis de juger hâtivement, mais il n'empêchait qu'elle dénotait presque avec le reste du groupe.

Avant que quiconque n'ait dit mot, Adrian se saisit des rennes que lui tendait Eredin. Il avait l'habitude de chevaucher, ayant été éduqué dans un milieu aisé ou monter à cheval était un passe temps. La robe grise aux légères nuances foncées donnait à l'animal une élégance naturelle qui n'était pas pour déplaire à l'Amaranthis. Il flatta l'encolure de l'animal, lui laissant doucement le temps de s'accoutumer à lui tandis que l'Utgardien lui présentait les membres de l'expédition. La question qu'Eredin lui posa sonnait comme le dernier avertissement avant de ne plus pouvoir faire marche arrière. Au fond, Adrian avait une petite appréhension, se doutant qu'il ne fallait sous-estimer le péril que représentait l'Œil de Shoggoth, mais il n'avait nullement l'intention de faire demi-tour pour autant. Posant le pied dans l'étrier, il monta souplement sur le dos de sa monture, veillant à ne pas brusquer l'animal qui semblait malgré tout habitué à être monté.

"Crois moi Eredin, je suis on ne peut plus sur de vouloir m'y rendre, partons."

Adrian avait une nouvelle fois appuyé la prononciation du nom du guerrier, sans vraiment le faire exprès. Il esquissa un petit sourire confiant. En voyant l'équipement global du groupe, il se disait qu'il avait fait le bon choix de proposer à cet Utgardien en particulier de mener à bien cette mission. Il semblait que rien n'avait été omis, voila qui était plutôt rassurant. Et puis, il fallait le dire, quelle étrange coïncidence avait été la rencontre...Comme quoi parfois le destin avait une dimension inexplicables, même pour des agnostiques comme Adrian et la plupart des représentants de son peuple.

Au début du trajet, L'apothicaire constata la carte remarquablement bien détaillée, méticuleuse et précise. Le moindre manque d'information était d'office complété à l'oral par le guerrier qui semblait avoir tout prévu dans les moindre détails. Adrian appréciait ce soin apporté aux détails, un point fort dans sa profession. Trois jours aller, au grand minimum, ce qui amenait le groupe à passer au moins de sept jours ensemble si tout se passait dans les plans annoncés au départ. L'apothicaire avait prévu de ne pas laisser tout mourir dans sa boutique en engageant également une personne pour s'occuper des plantes en son absence. Chevauchant au devant du cortège, au coté d'Eredin, il écouta attentivement ce que le guerrier avait à lui dire. Un petit sourire se dessina sur son visage aux dires de l'Utgardien.

"Loin de moi l'idée de remettre en doute ta parole, je ne doute pas qu'avec les bonnes directives tu aurais pu exceller dans cet exercice. Le point le plus important qui m'a poussé à venir est que chaque plante évolue dans un contexte, un environnement propices à son développement, lui accordant des propriétés bien spécifique, souvent uniques. Dans ce cadre la, il est presque essentiel pour moi de m'approprier ces connaissances pour pouvoir mener à bien la confection de décoction médicales."

Il garda pour lui cependant qu'un besoin de quitter la ville un temps pour s'oxygéner les méninges, loin du tumulte de son travail parfois éreintant pour le moral. A l'évocation du fait d'impressionner une femme, il réprima un sourire. S'il y a bien quelque chose qu'il n'avait pas envie de faire, c'était prouver sa valeur auprès d'une femme, en tout cas pas en allant au devant de périls pour le bien de son travail. C'est d'ailleurs l'imprudence de sa défunte femme qui l'avait mené à prendre de meilleurs précautions pour s'aventurer vers l'inconnu lui même. Il repensa aux derniers mots de l'Utgardien, faisant un peu le rapprochement avec le seul et unique élément qu'il connaissait de la vie de son interlocuteur.

"Je ne mélange jamais travail et plaisirs. Encore moins lorsque le passé m’a déjà adressé une sevère leçon à ce sujet."

Il n’en dit pas plus à ce moment. Non pas que parler de cela le rendait triste -quoi qu’un peu, mais il avait surtout rarement l’habitude de s’étaler sur sa vie personnelle, encore moins pour raconter des détails triste de son existence. Il manqua de faire allusion au passé d’Eredin et à ce qu’il avait été capable de faire pour les beaux yeux d’une femme, mis il n’était pas sur que cela puisse être prit avec humour.

Pendant les premières heures de la chevauchée, le calme s’était d’abord installé, chaque aventurier prenant le pli sur le rythme et la synchronisation à avoir pour ne pas dévier du cortège ou se retrouver à créer des irrégularité. Les aventuriers s’échangèrent ensuite des banalités petit à petit, faisant connaissance. Adrian s’amusa de la situation en voyant le supposer Amaranthis discuter avec les Utgardiens de manière si simple, sans retenues, comme si le fait de sortir des frontières de la ville et ses règles de bienséance entre les peuples s’estompaient à mesure que le groupe avançait dans la vallée.
Bientôt la ville fut bien derrière le cortège, laissant place aux vastes paysages de la vallée de la perdition. Il ne rencontrèrent guère péril lors de cette partie du voyage. Curieux de nature et résolu à ne pas passer tout le voyage dans le silence, Adrian finit par s’adresser à l’Utgardien qui chevauchait à ses cotés.

"Dit moi Eredin, presque immédiatement après mon élocution, tu m’as semblé très enclin à partir dans cet entreprise un peu folle. Bien que je ne soit pas mauvais orateur, je doute que de belles phrases ne soit une motivation suffisante pour toi. L’argent non plus d’ailleurs... "

Il marqua une petite pause. Pour le moment, L’Utgardien avait été plutôt «amical» avec Adrian, alors pourquoi ne pas converser de sujet et d’autre ? Non sans être le roi de la sociabilité, l’apothicaire avait de la conversation et savait s’adapter à son interlocuteur, ce qui tournait souvent en sa faveur. Il devait néanmoins faire attention à ce qu’il disait, pas encore vraiment sur de vouloir aborder ce sujet qu’il brulait d’envie de mettre sur la table. Il reprit la parole avant qu’Eredin ne lui réponde.

"Parle-moi donc de ce qui motive un guerrier comme toi à explorer ces contrées, je suis curieux d’en savoir plus sur celui qui à la responsabilité de nos vies.."

Il était probable qu’Adrian se heurte à un mur en demandant des informations, mais c’était plus fort que lui.
Malgré la période, le soleil montant dans le ciel dégagé avait dissipé le brouillard depuis un bon moment et réchauffait les articulations des voyageurs. Bien que la promenade de santé allait sûrement vite se changer en situation périlleuse, Adrian profitait de l’escapade pour se vider la tête de ses tracas du quotidien. Néanmoins, pour être sur de ne pas être importuné par les dit tracas, il sortit de son manteau une petite fiole au liquide sombre et sirupeux, qu’il déboucha avant d’en ingurgiter d’une traite le contenant. Il arrivait de moins en moins à s’en passer, d’autant plus lorsqu’il sortait de sa zone de confort.

Penché en avant avec la tête confortablement posé dans la crinière de son cheval comme si il allait s'endormir, Eredin observait Adrian pendant qu'il parlait. L'apothicaire avait l'air de connaître son travail, il lui parlait d'étude de l'environnement des plantes pour les comprendre et ainsi mieux les utiliser. Était-ce vraiment possible ? En réfléchissant à la question, l'Utgardien en vint à la conclusion que oui c'était possible. Ça ressemblait au bûcheron qui pouvait deviner quel arbre allait donner les meilleurs planches juste en les regardant. Il connaissait même un galinièr qui pouvait dire d'un seul regard si un animal était malade ou non. Un mélange d'expérience et de compétence que l'on retrouvait chez les maîtres. Donc oui, il n'aurait sûrement pas réussi à retransmettre les informations dont Adrian avait besoin. Il n'y avait donc aucune raison caché derrière un voyage aussi dangereux ? Dommage. Faisant une moue légèrement déçus sans vraiment s'en rendre compte, il passa presque à coté d'une information intéressante. Comme ça, l'Amaranthis avait connu une leçon importante à propos des femmes. Intéressant. Forcement, Eredin aurait aimé creuser le sujet pour connaître l'histoire, mais il savait apprécier les bonnes choses et garda ses questions pour plus tard.

Ils chevauchèrent un long moment et maintenant, Claircombe était bien loin derrière eux. La où certains auraient commencé à faire attention et à ne plus parler, Eredin lui préférait discuter avec son groupe. La vallée de la perdition était censé être l'endroit calme du voyage, donc autant en profiter ! Mais surtout, par expérience, il savait pertinemment que le bruit d'un groupe aussi nombreux faisait fuir la plus part des animaux, même les plus gros prédateurs du cette vallée. En plus de ça, juché sur les chevaux, ils avaient une belle vue tout autour d'eux pour ne pas se faire surprendre et leurs montures sauraient aussi voir le danger venir. Et si il pouvait encore avoir un doute, Eredin savait parfaitement que son ami Isaac était un homme extrêmement lucide qui ne baisserait jamais sa garde en un tel endroit, ayant une confiance presque aveugle en lui, il pouvait bien se préserver un peu pour l'instant ! Donc c'était un Eredin confiant (peut être même trop) qui discutait avec les autres. Il connaissait déjà de vu les trois combattants Utgardiens, donc il se focalisa un peu plus sur le chasseur Amaranthis. Il se nommait Xandar et avait quelque chose contre les Myriapodes car lorsqu'il en parlait, on pouvait facilement ressentir sa haine envers cette espèce de monstre. Outre une envie plus que prononcé de tuer des insectes géants, l'homme possédait un sens de l'humour très particulier mais qui amusa beaucoup le groupe.

Après un moment, alors que le chasseur Utgardien qui menait l'expédition ne faisait qu'écouter les conversations, son mécène se rapprocha une nouvelle fois de lui pour discuter. Cette fois, c'était bien Adrian qui avait des questions. Et pour commencer, il lui retourna simplement sa question, pourquoi il était ici !? Souriant et plongeant son regard bleu dans celui de l'Amaranthis, il lui répondit simplement se qu'il aurait du deviner.

- C'est très simple et je pensais que tu l'avais remarqué... je suis simplement fou !

Car il fallait bien un brin de folie pour sortir de l'enceinte de la cité et risquer sa peau. Mais bien qu'en ce moment il n'allait pas pour le mieux, la folie ne l'avait pas encore atteint.

- Je suis Utgardien, me promettre de risquer ma peau à chaque pas et de combattre des créatures plus monstrueuses les unes que les autres il leva les paumes vers le ciel, comment résister à une telle promesse ?

La gloire et l'honneur, voilà bien deux choses qui poussaient beaucoup d'Utgardiens à s'aventurer dehors. Pour s'assurer une place auprès de Njörd, il fallait le mériter et la meilleure façon de réussir, c'était de faire un tel exploit. Mais si c'était vrai pour les autres Utgardiens du groupe, cette fois ce n'était pas ça qui avait poussé Eredin à sortir. Il n'avait pas accepté presque tout de suite cette mission suicidaire pour plaire à son Dieu, non. Bien que croyant, il n'était pas aussi fervant et s'avait se détacher un peu de sa religion quand il le fallait.

- Et j'avais besoin de sortir de cette ville, m'éloigner un peu de mes responsabilités et simplement... vivre ?

Car pour apprécier la vie, rien n'était mieux que de flirter avec la mort non ? Il tentait simplement d'échapper à la réalité, bientôt son seul but serait de survivre et de veiller à ce que son groupe s'en sorte. Son corps et son esprit ce concentrerait uniquement à cette tache. Il oublierait ainsi tout le reste. Son clan, les responsabilités qui l'oblige à rester à Claircombe et sa femme... Certains se plongeaient dans l'alcool , lui préférait simplement sortir le plus loin possible de ses problèmes et risquer sa vie. Outre le fait de le soulager sur le moment, cette option lui permettait aussi d'améliorer ses connaissances sur le monde extérieur et ses compétences. Bien que mal en point, il n'avait pas l'intention d'abandonner et savait qu'il y aurait un après. Son regard qui paraissait lointain se tourna vers la fiole que l'apothicaire venait de vider d'un seul coup. Alcool ? Médicament ? Drogue ?

- On a tous nos problèmes n'est-ce pas ?

Il était loin d’être le seul à souffrir et chacun devait gérer à sa manière. Se secouant comme si un frisson venait de le parcourir pour chasser les mauvaises idées, il sortit à son tour une outre pour boire un peu d'eau.

- Si ça peut te rassurer, je n'ai pas l'intention de mourir... car qu'importe les problèmes qui m'attendent à la cité, j'ai plus peur de la déculotter que je vais prendre sur Vanngard lorsque ma « famille » arrivera si je meurs ici et maintenant.

Comme une bonne blague dont il était le seul à connaître la fin, il rigola dans sa barbe en jetant un regard rapide à Isaac qui chevauchait en observant l'horizon. Reportant son attention vers le commanditaire de l'expédition, il se sentit obligé de s'expliquer un minimum.

- Dans ma religion, les personnes qui sont dignes de Njörd renaissent dans Vangaard... cherchant comment expliquer, il fit semblant de tenir un globe entre ses deux mains comme pour tenter de lui montrer cette terre de promesse. Un monde bien plus beau que celui ci, magnifique et sans problèmes.

Très loin de cette terre qu'ils arpentaient donc. Ça paraissait trop beau pour être vrai, mais n'était-ce pas ça la foi ?

- Je sais que vous les Amaranthis ne croyez en aucun Dieu quel qu'il soit, mais toi Adrian ? Es-tu comme tes semblables à ne croire qu'aux résultats de tes recherches ou penses-tu qu'il existe quelque chose après ?

Eredin avait déjà une petite idée en tête sur la réponse. Adrian avait les manières d'un Amaranthis, il s'habillait comme un Amaranthis et n'osait sortir de la cité que pour une raison d'Amaranthis... donc il y avait de fortes chances pour qu'il pense comme un Amaranthis. Heureusement pour lui, Eredin n'était pas du genre à s'offusquer pour ça. Il avait beau être croyant, il jugeait que cela le regardait lui et son Dieu. Si son voisin refusait d'y croire, dommage pour lui car il ne découvrirait jamais Vangaard et ses merveilles. Bien qu'ouvert, cela pouvait très vite dégénéré si en revanche on insultait ou se moquait de son Dieu.

Spoiler:

Tandis qu'il écoutait les dires de l'Utgardien, Adrian triturait machinalement sa barbe impeccablement bien taillés, un tic qu'il ne pouvait s'empêcher de faire lorsque son attention se portait sur quelque chose ou quelqu'un. En l'occurrence, il était particulièrement attentifs à ce que disait Eredin, jugeant important de bien retenir chaque détails de leur conversation. L'apothicaire, à force d'écouter les gens raconter leur vie dans son échoppe, avait développé une forme de fascination pour l'anthropologie et tout ce qui touchait au comportement humains. Cette curiosité, parfois mal placée, s'amplifiait toujours lorsque la personne relevait un caractère atypique. Eredin faisait partie de ces gens la. Il trouva amusant notamment le fait que l'Utgardien prône une folie enfouie en lui, comme s'il avait adopté ce passager noir qui possède tout les être humains sur le long cheminement de la vie. Bien évidemment, il eut la confirmation qu'il avait fait le bon choix en se rendant directement dans la hutte de l'Hurlsk pour trouver des compagnons de route lorsqu'il évoqua le tempérament aventureux des Utgardiens. Passer par la guilde des aventuriers aurait bel et bien été une perte de temps.

Lorsqu’Eredin lui fit une remarque qui semblait à n’en point douter au médicament qu’il venait de consommer, Adrian réprima un petit sourire, un peu triste

"En effet, nous portons tous notre propre fardeau."

L’espace d’un instant, l’apothicaire fut projeté dans ses pensées, réfléchissant au conséquences de sa consommation, parfois excessive, de décoctions médicales. Ce triste passé durant lequel il avait été un simple spectateur de sa propre vie. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi tout ces événements du maintenant révolues avaient encore autant de conséquence sur son système nerveux, alors qu’il avait l’impression d’être passé à autre chose. A vrai dire, il était sûrement grandement dans le déni de lui-même, s’aveuglant involontairement à ses maux profonds.

Reportant son attention sur les dires de son compagnon de voyage, il fut a nouveau captivé par son discours, axé cette fois sur les croyances Utgardienne. Contrairement à beaucoup de gens de son peuple, Adrian éprouvait un réel intérêt pour les us et coutumes de ses voisins, fasciné par les différences culturelles et religieuse qui animaient les trois peuples en cohabitation de la cité. Cela lui valait souvent des remarques soulignant qu’il était assez différents des gens de son peuple, ce qui n’était pas totalement faux...Ni vrai non plus.

L’apothicaire eut un très léger recul de surprise lorsqu’il entendit la question qu’Eredin lui adressait. Un petit sourire se dessina sur son visage avant qu’il ne prenne la parole.

"Je pense pouvoir te dire sans me tromper que l’éducation scientifique additionnées à la non croyance de mon peuple aura eu raison de toute forme de croyance en un dieu. Cependant, j’aime parfois à me laisser penser que nous avons tort de ne croire qu’en nous même et en nos études. Bien que je ne crois en aucune forme de présence divine, j’ai du respect pour les croyances de mes voisins et je ne prétend pas avoir raison, c’est un tort bien trop commun chez nous autre Amaranthis, le pêché par excès d’orgueil !"

Il marqua une très courte pause et poussa un petit soupire

" Au moins, contrairement à nous, vous n’êtes jamais seul, que ce soit dans la vie...ou dans la mort »
Adrian traitait avec respect la vision religieuse des Utgardien. Contrairement à ce que disaient les clichés au travers de ses confrères, il trouvait que les croyances Utgardienne relevaient un aspect spirituel très fort, guidant leur existence sur des chemins animés d’une forte envie de vivre. "

_____

Cela faisait maintenant de longues heures que le cortège chevauchait dans les vallées sous un ciel dégagé.Tout le monde faisant de plus en plus connaissance, les discussions allaient bon train. Adrian avait profité du voyage pour discuter un peu avec plusieurs personnes, notamment avec le chasseur Amaranthis avec qui il avait été facile de créer un lien. Tous profitaient de cette première journée pour rester détendu, le voyage serait long et périlleux, mais pour le moment, la vallée leur offrait une vue dégagée, les rendant peu susceptible d’affronter un danger par surprise. Le soleil haut perché dans le ciel commençait à décliner doucement, ravivant la fraîcheur automnale peu à peu après avoir gratifié les voyageurs d’une douce chaleur.

Le cortège arriva alors au fleuve, quelques heures avant que le jour n’ait décliné complètement. Adrian salua intérieurement la bon appréciation de la cadence à adopter pour arriver juste à temps et dresser un campement digne de ce nom avant de ne plus rien y voir. L’apothicaire descendit de sa monture, s’étira quelques peu et scruta les alentours. Rien de bien inquiétant à signaler, le terrain était degagé et le fleuve offrait un flan sécurisé pour le camp. Enfin, tout ceci était l’analyse qu’en faisait Adrian du haut de sa non expérience, peut-être avait-il tort sur toute la ligne, mais la situation lui convenait.

Il récupéra son cheval ainsi que les rennes de deux autres chevaux du groupe pour les attacher non loin et leur permettre de s’abreuver et paître à leur guise. Il flatta l’encolure de son compagnon de route avant de revenir vers le camp et assister ses compagnons de route là ou le besoin se faisait sentir. Ne voulant pas traîner dans les pattes des gens inutilement, il n’attendait pas non plus dans son coin à regarder les autres travailler, ce n’était pas son genre.

Lorsque le camp fut dressé dans l’ensemble, le jour offrait ses dernières lueurs avant de laisser place à l’obscurité. Adrian, assis sur une bûche couchée qui servait de banc autour du feu laissait vaquer son regard vers l’horizon un instant, profitant de la couleur rose orange du ciel. Il n’avait que peu l’occasion de profiter du grand air, encore moins à des heures aussi avancée de la nuit, si bien que se spectacle l’hypnotisa un temps.

Un silence reposant s’installa lorsque le groupe s’installa autour du feu, tandis que chacun trouvait une position confortable pour se reposer autour du brasier qui crépitait au centre du camp. Adrian, assis sur une bûche renversée, tira de la besace posée à ses pieds un petit carnet de note qui semblait déjà remplit à moitié d’écriture. Il posa un petit encrier sur une partie un peu plate de la bûche et y trempa la plume pour consigner quelques lignes de notes en tout genre. Une conversation de groupe commençait à prendre vie peu à peu, chacun ayant trouvé de quoi être bien installé. La bonne odeur de viande cuite au feu commença à emplir l’air alors que deux membre du groupe s’affairaient à préparer la nourriture. Adrian continuait d’écrire tout en levant de temps en temps les yeux vers le groupe, interagissant même lorsqu’on lui demandait son avis ou qu’on lui posait une question. Globalement, l’ambiance semblait être plutôt détendue.

Adrian profita d’un petit moment de silence pour s’adresser aux aventuriers, principalement à ceux qui connaissaient bien le monde extérieur.

«Voila une journée rudement bien menée. Bien que ce soit la plus simple, j’apprécie de voir que tout s’est déroulé sans encombre de quelconque sorte. Si j’ai bien compris, nous devrons nous séparer en deux groupes demain. Eredin, peux-tu me donner plus de détails sur la façon dont nous allons procéder lors de cette section, notamment pour se retrouver ensuite?»

Il était possible que cela soit évident pour des aventuriers chevronnés, mais Adrian n’en était pas un. En revanche, il avait pleinement confiance en Eredin et sa faculté à prendre les bonnes décisions, mais sa curiosité naturelle l’emportait toujours, il n’aimait pas être dans l’ignorance. Cependant, il ne bombarderait pas de questions ses compagnons de route après avoir eu sa réponse, préférant laisser tout le monde profiter d’une conversation plus axée sur la détente que sur des décisions stratégique importantes. Après tout, ne valait-il pas mieux se détendre au maximum?

Tous confortablement installé autour du feu de camp au milieu du campement, les conversations animaient la soirée depuis un moment déjà. La viande finissait de cuir, laissant une bonne odeur flottait dans l'air. Non loin, on entendait le bruit du fleuve qui s'écoulait inlassablement vers la mer bien plus loin. Eredin, allongé au sol avec la tête posé contre un morceau de bois observait un arbre au loin. Il tournait le dos au groupe et son regard portait vers l'extérieur avec une seule question en tête. Pourquoi cet arbre était deux fois plus grand que les autres ? Est-ce que les anomalies touchaient aussi les plantes ? Il n'en avait jamais entendu parler, mais c'était peut être bien possible. Si non, comment expliquer qu'un individu isolé, de la même famille que les autres, pouvait se démarquer autant. Son esprit joua de nombreux scénarios pour tenter de trouver une explication plausible. Allant du plus rationnel (l'arbre était simplement bien plus vieux que les autres et avait échappé à une maladie qui avait emporté ses congénères) au plus loufoque (une anomalie ce serait fait prendre d'une façon ou d'une autre par les racines de l'arbre et l'alimenterait encore actuellement de sa « magie »). L'Utgardien était loin d’être un érudit, peut être que quelqu'un dans le groupe aurait la bonne réponse à lui apporter, mais à quoi bon demander ? Il préférait garder le mystère et s'imaginer lui même des réponses. Hélas, il fut sortit de sa rêverie par Isaac qui lui montra du doigt le commanditaire de cette expédition, l'Amaranthis.

- Oui, c'est une bonne chose de ne pas avoir fait de mauvaises rencontres aujourd'hui, espérons simplement que cela dure.

Il posait une question légitime, idiote selon lui car il suffisait de réfléchir un minimum pour trouver la solution, mais légitime tout de même car la réponse allait conditionner les deux jours à venir. D'ailleurs, tous se mirent à écouter le plan qu'il allait devoir expliquer. D'un signe de main, Eredin invita Isaac à répondre, mais ce dernier refusa en expliquant que c'était au chef de groupe de parler. Eredin souffla et se redressa, déjà las de cette comédie. Il resta un moment assit, laissant la chaleur du feu caresser son dos et finit par se retourner pour face au groupe. Son regard balaya l'assemblé pour s'arrêter sur Adrian.

- Excellente question, pas étonnant venant de quelqu'un comme toi...

Il laissa un blanc s'installer, où voulait-il en venir ? Aucune idée, mais ça le faisait toujours rire d'insinuer des choses sans raison apparente et qui ne reflétait pas forcement son point de vue.

- Oui on va faire deux groupes, on aura donc le groupe campement et le groupe expédition. Campement va garder le camp et les chevaux, car si il est encore possible de faire un peu de chemin avec eux pour l'instant, demain la foret deviendra trop dense et ce sera plus simple d’être à pieds. Expédition lui va simplement remonter le fleuve jusqu'au lac, on ramassera tes plantes et demain soir on capturera notre scolopendre. Puis il suffira de longer à nouveau le fleuve pour retrouver le groupe campement. Il existe peut être des chemins plus rapide pour atteindre le lac, mais si ils existent personne dans le groupe n'est au courant... donc on va simplement se fier au fleuve.

Et il y avait un arbre géant pas loin pour facilement retrouver le camp, mais ce détail ne fut pas évoqué par Eredin. C'était un plan simple, pas forcement le meilleur, mais ça lui semblait bien.

- Ho, quelques rappels de sécurités maintenant que j'y pense. On risque de tomber sur des créatures dans la foret, on reste calme et en groupe. Vous écoutez mes ordres et si il m'arrive quelque chose, vous écoutez Isaac. Le fleuve est sympa, mais qui sait ce qui vit au fond de l'eau... donc on reste attentif. Et au nord on trouve la foret des égarés... elle porte bien son nom et je n'ai pas envie de savoir pourquoi personne n'en revient. Après, toutes les remarques et les idées sont bonnes, n'hésitez pas à venir partager.

Cette remarque était plus destinée au chasseur Amaranthis qui devait avoir pas mal d'expérience pour se dire expert en chasse de myriapode.

- Vous formerez le premier groupe dit-il en désignant du doigt deux combattants Utgardiens et la jeune femme. Les autres préparez vous à faire une bonne balade...

Et si normalement la conversation aurait du en rester la car il avait parlé de façon intelligible, la seule femme du groupe décida de protester. Déjà fatigué, Eredin leva un sourcil de surprise en l'écoutant. Pourquoi refuser le poste le plus simple ? Rester au camp était une chance, c'était une zone calme et il y avait beaucoup moins de danger que dans le groupe d'expédition. Mais non, Elise n'était pas venu pour garder des chevaux et assurer le repli de l'équipe, non elle voulait de l'aventure et demandait à être dans le groupe expédition. Qui était-elle ? Savait-elle seulement se battre ? Il ne l'avait accepté que parce qu'Isaac s'était porté garant d'elle et il lui avait aussi dit qu'une paire de bras en plus, s'était toujours mieux que rien. Eredin pensait la même chose, sauf que cette paire de bras en plus ne faisait pas se qu'il lui demandait, donc ça devenait un problème.

- Laissez moi venir avec vous... ! Laissez moi faire mes preuves ! S'il vous plaît.

Eredin lança un coup d’œil à son ami d'enfance, Isaac hocha lentement la tête de haut en bas. Se passant une main sur le visage comme pour enlever les doutes qui pouvaient paraître, Eredin afficha un sourire de circonstance qui ne pouvait convaincre qu'un idiot.

- Survivre à une expédition jusqu'ici est déjà une bonne manière de faire ses preuves. Tu devrais te contenter de ça ! Il leva une main pour arrêter la jeune femme qui venait d'ouvrir la bouche pour se défendre, elle n'avait pas l'intention d'abandonner, ça se voyait et Eredin n'avait pas envie de débattre. Je veux bien que tu viennes, mais tu feras tout se que je te dirais. Si l'un d'entre nous doit servir d’appât, ce sera toi ! Si l'un d'entre nous doit sonder les eaux sombres à la recherche de plante, ce sera toi ! Si l'un d'entre nous doit porter un sac de plus, ce sera toi ! Droite comme un piquet, les joues rouges et se mordant les lèvres pour ne pas sourire, la jeune femme s'inclina en avant en le remerciant ! Et elle dit merci... Du coup tu restera au camp à sa place dit-il en désignant le dernier Utgardien. Est-ce que quelqu'un veut encore changer sa place ou ça va allez ?

Cette fois, le silence se fit entendre au grand plaisir d'Eredin. Observant le jeune femme aux cheveux court, il se jura intérieurement de trouver le maximum de taches inutiles à lui faire faire pour qu'elle fasse ses preuves de la meilleure des façons ! Se rapprochant d'Isaac, il lui demanda à l'oreille pourquoi il avait insisté pour l'emmener. Que pouvait bien avoir vu l'Amaranthis pour se porter garant d'elle ? Il couchait avec ou quoi ?

- Ça fait des semaines qu'elle me harcèle pour faire une chasse avec nous... j'en avais simplement marre.

Eredin explosa de rire, c'était donc un boulet qu'ils allaient devoir trimballer avec eux. Il ne l'avait pas vu venir celle la. Très bien, au moins il ne porterait pas de sac jusqu'à son retour à Claircombe ! Puis, jugeant la viande suffisamment cuite, il lança les festivités.

Le lendemain, alors que le soleil n'était pas encore levé. L'un des trois Utgardiens de garde pour cette fin de nuit réveilla le groupe. Ils ne devaient pas perdre de temps car la journée allait être longue. Donnant une lance et son propre sac à Elise en plus de ses affaires à elle, Eredin s’élança vers la foret. Il invita Adrian à donner ses affaires à la jeune femme, mais l'Amaranthis était bien trop noble pour ça.

- Vous devriez en profiter, ce n’est pas tout les jours que l'on a un porteur dans un groupe.

Puis ils se mirent en route vers le lac.

Adrian avait refermé soigneusement son carnet qu'il gardait dans sa main tandis qu'il écoutait la réponse d'Eredin. Les instructions étaient limpides et efficace, chose que l'apothicaire appréciait au plus haut point. Voila d'ailleurs l'une des raisons qui l'avait poussé à se fier à son intuition pour recruter des guerriers plutôt que de passer par la guilde des aventuriers. Ajustant sa position pour être plus confortable, Adrian sondait l'assistance du regard, tout le monde était à l'écoute, un bon signe également quand on s'aventurait si loin des murs de la cité. Lorsque l'on prenait les consignes à la lettre, tout semblait si simple, mais personne ici ne semblait dupe quant au péril de cette escapade. Les rappels de sécurité furent de mise, tout aussi précis et net que les consignes de l'opération. A la simple mention de la forêt des égarés, un petit frisson parcouru l'échine d'Adrian. Il avait lu un jour un écrit qui synthétisait tout ce que l'on connaissait de la forêt des égarés, et tout ce que les plus érudits d'entre eux connaissaient avait pu être synthétisé en quelques misérables pages. Voila quelque chose que redoutait une majorité d'Amaranthis, l'absence de savoir, l'inconnu leur était redoutable. Toujours concentré sur la conversation, Adrian s'apprêtait à prendre la parole quand la jeune femme s'avéra plus rapide.

Entendre qu'un élément du groupe contestait les décisions mises en place laissèrent planer un petit malaise dans l'esprit de l'Amaranthis, pourquoi diable se mettre en désaccord avec ce qui avait été convenu. Après tout elle était payée pour ce travail non? Voila quelque chose qui lui échappait et avait même don de le contrarier un peu...Mais il n'eut pas le temps d'exprimer quelconque manifestation qu'Eredin décida de céder à sa requête, mais en posant ses propres conditions...Qu'elle accepta par le plus grand des miracle. L'interaction entre l'Utgardien et la femme paraissait des plus incongrues aux yeux d'Adrian, mais soit, si Eredin avait décidé qu'elle viendrai, il ne s'y opposerait pas, après tout, ce n'était pas son domaine d'expertise et lui-même détestait qu'on essaye de lui apprendre son travail. Lorsque les conversations reprirent, l'apothicaire en profita pour s'éclipser et essayer de dormir un peu.

Etonnement, la nuit fut remarquablement bonne pour Adrian, qui avait le sommeil capricieux depuis maintenant relativement longtemps. Il n'aurai jamais soupçonné qu'une nuit dans l'inconfort lui apporterai une nuit réparatrice, au contraire. La nuit dominait encore largement l'horizon lorsque le groupe se mit en place. L'apothicaire déclina l'offre de se délester de ses affaires, à la fois car il ne voulait pas charger inutilement d'un fardeau la pauvre jeune femme, mais aussi parce qu'il préférait avoir ses affaire avec lui et en prendre soin lui-même. Déléguer était une capacité dans laquelle il ne brillait pas, il fallait être honnête. Il répondit à l'Utgardien avec un petit sourire a peine perceptible dans l'obscurité.

"Je ne voudrais pas avoir à faire le tri sur notre pauvre porteuse pour retrouver mes affaires le moment venu."

La femme qui répondait au nom d'Elise quant à elle ne semblait pas broncher, fermement déterminée à se joindre au groupe. Maintenant qu'il était au plus proche du danger, Adrian arrivait presque à comprendre cette volonté de tester ses propres limites face aux périls de l'aventure. Presque...

______

Sinueux était le sentier improvisé sur lequel Eredin guidait le groupe d'aventuriers. L'obscurité ambiante des lieux donnait à la forêt un coté terrifiant. Les arbres échangeaient une hypnotisante mélopée ponctuée de sifflements et de craquements sinistres. Bien que le jour pointait à l'horizon, les arbres massifs assombrissaient de plus en plus le paysage, donnant l'impression que le soleil devait batailler pour y entrer. Ajoutez à cela battement d'ailes dans les feuillages, bruissements d'animaux en tout genre et remous inquiétants et le tableau qui se présentait aux aventuriers était complet. Le groupe progressait en silence le long du fleuve sur des rives rocailleuses bardées de racines épaisses susceptibles de faire trébucher les aventuriers à tout moment. Adrian était en troisième position dans la colonne, attentif à tout son environnement. Voila qu'il était bien loin de l'environnement confortable de sa boutique et il devait admettre que ça n'était pas si déplaisant que ça, malgré l'humidité froide ambiante. Concentré sur tout ce qui se passait autour de lui, l'apothicaire avait souvent les yeux rivés sur ses pieds. A leur gauche, la rivière s'écoulait dans un courant léger, soulignant la pente douce sur laquelle ils progressaient. Facétie de son esprit ou réalité, Adrian aurai pu jurer avoir vu des yeux les suivre du au travers de l'obscure rive feuillue à l'opposé. Un instant, son regard se posa sur quelque chose de notable, une plante qu'il aurai reconnu entre mille, malgré l'obscurité. D'une tape sur l'épaule de l'Utgardien qui le précédait , il parla à voix basse, comme si le silence de la forêt méritait d'être respecté.

"Il faudrait que nous nous arrêtions une minute, je dois vous vérifier quelque chose."

Lorsque le guerrier interpella Eredin au devant, il croisa le regard du chef de groupe dont la concentration semblait à son paroxysme. Une fois le groupe stoppé, Adrian sortit de son sac un gant en cuir marron fin mais robuste qu'il enfila de la main gauche. S'accroupissant près du sol, il scruta la rivière dont la lumière commençait à éclaircir l'aspect, lui donnant presque des allures rassurantes. Le courant, bien que léger, empêchait les eaux de stagner et lui donnait un aspect assez cristallin offrant une visibilité correcte. Au bord de la rive, l'eau était peu profonde, laissant la possibilité à l'apothicaire de ne pas s'aventurer dans l'eau. Il se contentera un instant, puis d'un geste vif et précis il attrapa la plante qui avait capté son attention. Lorsqu'il eut extrait celle-ci de l'eau, il se releva et la releva à hauteur de son visage. De couleur violacée, cette plante atypique à la tige courte était habillée d'une base de feuilles sur lesquelles reposait un bulbe couvert d'une membrane épaisse perforée. Au dessus du bulbe, quatre tige semblaient se relever comme de petit bras autour de la sphère. Adrian prit la parole, toujours à relativement bas volume. De toute façon, sa voix ne portait jamais et il n'était pas habitué à parler fort.

"Je ne pensais pas en croiser de si tôt, mais voila bien une preuve que nous approchons. Je ne vais pas m'attarder, mais voici une requiem, l'objet de notre quête. Il marqua une petite pause, laissant l'opportunité aux autres de s'exprimer, ce que fit Elise, comme il s'y attendait un peu.
- Alors...C'est tout, y'a plus qu'a chasse?
- J'aimerai vous dire oui, mais il n'en est rien. Nous avons ici une version non maturée de la plante, les études de mes pairs disent que la plante n'arrive pas à son terme si elle n'est pas dans les bonnes conditions. Celle que nous cherchons irise d'un bleu profond notable. Ne nous faisons pas d'illusion, nous ne trouverons pas ce que nous cherchons ailleurs qu'au lac malheureusement. Les propriétés d'une requiem immatures sont bien maigres..."

Adrian rangea toutefois soigneusement la plante dans son sac, dans un petit compartiment dédié à ça. Il croisa le regard d'Eredin alors que son discours prit fin et lui fit un petit signe de tête comme pour lui signifier qu'il n'avait rien de plus à ajouter.

Spoiler:

De l'humour noir ! Dernièrement, il l'appréciait énormément et la remarque pleine de subtilité arracha un grand sourire à l'Utgardien. Au moins, Adrian était conscient du danger qui régnait ici. Avec cette remarque en tête, Eredin commença à ouvrir le chemin du mieux qu'il le pouvait. Il n'était pas guide et n'était jamais venu ici, mais selon les dires il suffisait de remonter le fleuve pour tomber sur le Lac. Impossible à rater ! Donc l'Utgardien était confiant et n'avait pas cette pression de se perdre sur les épaules, non, la seule chose qu'il devait réussir à faire, c'était de garder le groupe en sécurité. Voir le problème arriver et trouver le meilleur moyen de le régler avec un minimum de perte. Le classement était naturellement établi dans sa tête, il n'avait même pas eu besoin d'y réfléchir pour le faire. En premier Elise, en deuxième le chasseur Amaranthis, ensuite Adrian et en dernier Isaac. Mais de toute façon, il n'y avait aucune raison d'en arriver là, normalement.

Eredin, tout les sens en alertes menait le groupe et ils progressèrent pendant un bon moment sans problème. La seule chose qui vint perturber sa concentration fut une mouche qui tourna autour de lui pendant un long moment. Il avait beau la chasser, elle revenait toujours se poser sur son crane. Peut-être était-ce une façon de le punir de son comportement avec la nouvelle porteuse du groupe ! Être gentil pour faire pencher la balance de son côté ? Eredin n'y croyait plus et cette mouche n'était qu'un insecte énervant. Pour le prouver, il envoya Elise remplir sa gourde sans prendre la peine de l'attendre. La jeune femme allait devoir courir pour rattraper le groupe. Bien sûr, n'étant pas si sadique, Eredin ne marcha pas plus vite pendant qu'elle se réapprovisionnait en eau. Bien que l'idée était plaisante.

- Adrian souhaite s'arrêter.

Curieux, l'Amaranthis avait pourtant l'air de pouvoir suivre le rythme sans problème. Il avait beau être un érudit, comparé aux autres, il avait su suivre à cheval toute une journée et attaquer le lendemain sans se plaindre une seule fois. Chose rare pour un simple marchand et bon à souligner. Du coup, qu'il demande que l'on s'arrête piqua la curiosité d'Eredin. Il l'observa sortir un unique gant et s'approcher tranquillement de la rivière. Fouettant l'air de sa main, il chassa une nouvelle fois cette foutue mouche et attira l'attention d'Elise qui était maintenant à l’affût. Pour ne pas passer pour un idiot, il lui fit signe de surveiller l'eau au cas où quelque chose tenterait d'emporter notre érudit dans les profondeurs du fleuve. Eredin s'approcha lui aussi et se concentra sur ce que faisait Adrian. Délicatement, l'apothicaire arracha une fleure ou une plante ou quoi que ce soit et l'examina un moment en expliquant au groupe qu'elle était la raison de leur présence ici.

- Tu ne dois pas avoir l’habitude de travailler en groupe Adrian, je me trompe ? Eredin ramassa une pierre et tenta de faire un ricochet avec avant de reprendre. Regarde ta plante, un dessin voir même une bonne description aurait largement suffit pour que même un Ascanien réussisse à la trouver. Elle est.... Tellement particulière ! Impossible de la confondre. Et n'essaye pas de me dire qu'il faut respecter un protocole particulier pour la cueillir, tu la simplement arraché ! Non, la vérité, c'est que tu nous prends pour des idiots incapable de réussir à faire ça. Hein ? Il l'observa la tête penché sur le coté comme si Eredin tentait de voir quelque chose derrière Adrian. Ils n'étaient que des Utgardiens à ses yeux n'est-ce pas ? Des sauvages incapables de faire preuve de douceur ou de délicatesse. Tu ne fais pas confiance, tu travailles seul ! n'est-ce pas ? Oui, c'était la seule vraie raison valable. Comme victorieux de cette conclusion d'une enquête rondement menée, Eredin ramassa une nouvelle pierre et la lança. Allez on y retourne, mais va falloir apprendre à déléguer un peu, c'est pas une vie de toute sois même !

Non mais sérieusement, pour quelque chose d'aussi remarquable qu'une plante bizarre violette, pourquoi était-il venu ici ? Se mettre en danger pour rien, mais surtout forcer un groupe à veiller sur une personne inexpérimentée dans un tel lieu, à une époque l'Utgardien lui aurait passé un sacré savon pour ça. Mais aujourd'hui, il était bien mal placé pour parler. Lui-même n'était ici que pour échapper aux problèmes qui l'attendaient à Claircombe et dans sa fuite, il avait entraîné Isaac avec lui. Bordel, maintenant qu'il y pensait, pourquoi il était ici ? Une nuit dans un bordel aurait sûrement eut le même effet et était bien moins dangereuse en théorie. Mais non, il était compliqué et avait besoin de souffrir autant qu'elle... Sans quoi, il aurait du mal à supporter la situation. Bien moins concentré, Eredin trébucha sur une foutue racine pendant que cette mouche de l'enfer continuait de tourner autour de lui. Jurant gratuitement contre une force invisible, son ami l'invita à la fermer et à reprendre la route. Faisant une révérence pleine de mépris, Eredin reprit la route.

- Adrian !

S’arrêtant net, forçant Isaac à l'esquiver dans une vaine tentative de vengeance puérile, il se remit à marcher pour être à coté de son employeur.

- Tu es apothicaire et je t'ai vu avaler une fiole bizarre... En plus de ça, tu vas combiner des fleur violettes avec de la bave d'insecte, donc tu dois t'y connaître toi ! Il tenta de marcher en arrière pour lui faire face, mais vu les racines présentes, c'était chose impossible à faire. Eredin se contenta donc de se retourner régulièrement tout en parlant. Tu vois, parfois, j'ai tendance à prendre des mauvaises décisions... En effet, avec seulement quelques litres de bières, il se retrouvait à cueillir des plantes à l'autre bout du monde. J'aurais peut-être besoin... Le dire était difficile car il n'était pas un faible, c'était un guerrier Utgardien après tout, j'aurais besoin d'un philtre ou une potion, un baume peut-être ? Qui pourrait prendre les bonnes décisions pour moi ! Oui ! C'était exactement pas ça. Tentant de rattraper les mots qui venaient de sortir de sa bouche avec ses mains, il ne s'arrêta pas là. Non plutôt une décoction pour me requinquer, il hésita un petit moment avant de se lancer, j'ai du mal à dormir et je ne me sens pas très bien depuis que.... Qu'était-il en train de faire ? Il allait vraiment parler à un total étranger de ses problèmes ? Depuis que- Depuis que j'ai mangé ce poisson pas frais, j'ai vraiment mal au ventre et j'ai du mal à chier. Oui, voilà, c'était mieux. Se pinçant les lèvres pour arrêter de dire de la merde, Eredin se frotta le crâne. Voila, on a bien parlé, oui rien que d'avoir parlé, ça ma fait du bien.

Que venait-il de se passer ? L'Utgardien accéléra le pas et se confina dans le silence pour ne plus jamais en sortir. Quel idiot.

Spoiler:

Adrian aurai presque pu se douter qu'Eredin trouverai quelque chose à dire à son intervention botanique. Bien évidemment, le chef du groupe n'avait pas tort lorsqu'il disait que l'apothicaire s'était saisi presque nonchalamment de la plante, mais même dans le geste le prélèvement de l'échantillon restait relativement précis. Au-delà de ça, Adrian avait également un besoin de voir par lui même les détails de l'environnement dans lequel grandissait cette fameuse plante. Bien qu'habitué à user de documentation de ses pairs, plus spécialisé que lui dans la recherche, il explorait ici des théories encore bien obscures aux yeux des connaissances de son peuple. Adrian bien sur n'avait pas non plus la réputation d'un excellent esprit d'équipe, trop habitué à travailler en solitaire, forcé également par l'excès d'amour propre inculquée aux jeunes Amaranthis.

En tout cas, Adrian était prêt à argumenter sur le sujet et tout expliquer à Eredin...Si celui-ci n'avait pas tourné les talons aussi sec, convaincu des aboutissant de leur conversations très unidirectionnelle. L'apothicaire esquissa un sourire, toujours un peu décontenancé par cette faculté à aborder un sujet aussi vite qu'à s'en détourner, comme si son esprit faisait déborder ses pensées par le biais de la parole. Adrian passa lui aussi à autre chose, reprenant la marche, toujours très penché sur la contemplation de son environnement, lorsque la voix d'Eredin se fit entendre à nouveau. Adrian constata que l'Utgardien s'était stoppé net pour revenir à sa hauteur...Et le scenario se répéta dans l'exact même procédé. Cette fois-ci cependant, l'Utgardien avait rapidement captivé l'attention d'Adrian. Se forçant à rester concentré bien qu'un peu perturbé par les gesticulations de son interlocuteur, l'apothicaire put tout de même comprendre qu'Eredin lui demandait d'éventuelles solutions concernant divers trouble...Des trouble anxieux de toute évidence. L'Amaranthis ne crut pas une seconde à cette histoire de poisson avarié cependant, il était évident que cet argument était une pirouette finale pour s'éloigner du sujet. Adrian n'eut d'ailleurs à nouveau pas le temps de répondre avant qu'Eredin ne retourne en tête de file. Cette fois la situation ne fit pas sourire l'apothicaire, qui fronça même les sourcils. Eredin avait changé de sujet, pour une raison qu'Adrian pensait avoir malheureusement deviné et qui ne se prêtait nullement à la plaisanterie.

L'apothicaire fouilla dans sa poche pour extraire une fiole identique à celle qu'il avait lui même consommé la veille, qu'il déboucha d'une main avant d'en vider presque la moitié au sol, discrètement. Tirant son outre de sa ceinture, il se désaltéra doucement tout en continuant à marcher. Avant de reboucher la gourde, il versa délicatement une petite dose d'eau dans la fiole, remplissant à nouveau le contenant à ras bord. Il reboucha le mélange et secoua doucement en tenant la fiole par la partie fine du bouchon. Adrian referma sa main sur la décoction qui disparu dans son poing serré.

______________

Le groupe continuait sa lente progression dans la forêt alors que la rivière semblait doucement s'élargir et se diviser en plusieurs ramifications. Les arbres, toujours aussi dense, semblaient s'ouvrir au loin pour laisser à nouveau passer de la lumière, le lac n'était plus qu'a quelques centaines de mètres. les chemins naturels qu'empruntait le groupe se faisaient de plus en plus dénué de racines pour laisser place à des tapis de végétations ras et sauvage ponctués d'excroissances rocailleuses calcaire. Le chasseur Amaranthis souligna intelligemment que le lac ne tarderait pas à leur apparaitre. Ses dires furent vérifiés quelques minutes plus tard alors que la forêt eut finir de se dénuder pour laisser une vue complètement dégagée sur le majestueux Œil de Shoggoth..., lac aux nombreuses spéculations et légendes qui suscitait autant la peur que la fascination. Adrian plissa les yeux, partiellement ébloui par ce changement de luminosité. Il scruta son environnement, notant cet ilot central qui, depuis les auteur, semblait dessiner une pupille au milieu d'un Iris géant. L'air était moins lourd et procurait une sensation de fraicheur renouvelée qui fit frissonner l'apothicaire. Voyant Eredin qui semblait lui aussi bercé dans un instant contemplatif, Adrian s'avança jusqu'à passer à coté de l'Utgardien. D'un geste vif, il posa près de la main d'Eredin qui était ramenée contre un pan de son vêtement la fiole, forçant le guerrier à se saisir de la fiole. Il avança ensuite de quelques pas et se retourna pour s'adresser au groupe.

"Il semblerai que la première étape se soit déroulé sans encombre, et j'en suis rassuré. Comme me l'a souligné Eredin plus tôt, je ne suis pas un expert du travail d'équipe, mais c'est surtout pour étudier l'environnement de pousse que je suis la. Si vous souhaitez m'assister pour trouver les échantillons de plantes, alors je vous propose que nous explorions les berges méticuleusement pendant que le jour nous le permet encore. D'après les écrits, la requiem maturée encore dans l'eau se confond facilement avec un remous capricieux de l'eau, n'hésitez pas à regarder les choses sous plusieurs angle si vous souhaitez les repérer. Quant à la collecte... Il hésita un instant, jouant distraitement avec sa barbe pendant qu'il réfléchissait. -Protégez votre main qui récolte, saisissez bien en dessous du lit de feuille qui fait la base et cassez la tige sans sortir la racine. Méfiez vous à ne pas presser le bulbe, je ne suis moi même pas sur des conséquence d'une telle erreur. Si vous avez un doute, ne le faite pas, je n'ai pas vraiment envisagé de quoi soigner une paralysie nerveuse généralisée."

Laissant passer son regard d'une personne à l'autre, Adrian constata que la plupart des aventuriers écoutaient ses dires,. Voila une bonne chose, car même si un prélèvement de plantes semblait s'apparenter à de la simple cueillettes entre amis, un accident était vite arrivé, provoquant des blessures plus idiotes les une que les autres, voir pire...La détérioration de l'échantillon.

Alors que la végétation se transformait autour d'eux, le lac d'argent se dévoila enfin au groupe. Un magnifique miroir azuré se trouvait ici, calme et plat, devant un tel spectacle il était facile d'oublier les dangers qui pouvaient rôder dans cette partie du monde. Il était d'ailleurs difficile de croire qu'un tel endroit pouvait se trouvait ici, perdu au milieu d'une forêt géante bloqué entre des montagnes encore plus grandes. C'était la première fois qu'il venait ici, Eredin resta donc un moment à observer l'immensité du lac et à se perdre dans sa contemplation. Il avait bien fait de venir ici, oui. Plus aucun problème, l'Utgardien n'avait qu'une seule envie maintenant et c'était d'explorer cette chose qui donnait son nom au lac, son îlot central ! Que pouvait bien cacher un tel endroit ? Y avait-il seulement de la vie dessus ? Son imagination commença à façonner de nombreuses chimères ce qui lui donna encore plus envie de découvrir les secrets de l'Oeil. Une envie puéril et incontrôlable, par chance avant de pouvoir enrôler Isaac dans son aventure, Adrian glissa un objet dans sa main puis prit la parole. Donnant des consignes pour trouver et récolter ce fameux végétal violet au groupe, Eredin n'écouta pas un mot de l'Amaranthis. Observant discrètement la fiole au liquide sombre, il la rangea dans une poche comme si de rien était tout en portant son regard sur chacun des membres du groupe pour vérifier qu'aucun n'avait remarqué l'échange discret qui venait d'avoir lieu. Repoussant le musca d'un geste qui était devenu naturel, son esprit avait laissé l’îlot s'éloigner pour se focaliser sur la fiole et Adrian. Eredin se doutait qu'il venait de recevoir quelque chose pour le calmer, mais était-ce une bonne chose ? La drogue faisait des ravages dans son quartier, surtout chez les plus pauvres. Il avait vu des hommes devenir l'ombre d'eux même... Donc avait-il vraiment envie de se rabattre sur le contenu de la fiole rangé dans ses habits malgré tout ? Adrian était apothicaire, jamais il ne lui donnerait de la drogue comme ça. Si ? Non, impossible ! Ou alors peut-être ? Après tout, il ne le connaissait pas du tout. Les Amaranthis utilisaient beaucoup de drogue eux aussi et comment un simple apothicaire pouvait se payer une expédition à l'Œil de Shoggoth pour récolter quelques plantes ? Il vendait peut-être de la drogue, ayant mal compris ses demandes, il lui avait donné de quoi tenir le temps du voyage. Oui, c'était possible... Mais du coup, Adrian devait connaître beaucoup de monde, notamment des gens qui seraient prêts à faire n'importe quoi contre un peu d'argent. Il le connaissait ? Le monde était petit et se limitait pour la plus part à une seule citée, c'était donc tout à fait possible...

- Eredin ?

Revenant à l'instant présent, l'Utgardien se rendit compte qu'il était le dernier debout au bord du lac et qu'il fixait intensément Adrian. Desserrant les poings et la mâchoire, il se tourna vers son frère en souriant.

- Ça va, j'étais un peu perdu à contempler le lac.

- C'est vrai qu'il est magnifique.

Puis ils se mirent à la recherche de la plante tant convoitée. Selon Adrian, ça risquait d’être compliqué de la trouver, mais comment passer à côté de quelque chose d'aussi visible ? N'importe quoi. De l'eau jusqu'en dessous les genoux, Eredin avec son instinct de chasseur était sûr d’être le premier à en trouver une. Hélas, elle avait beau être facilement repérable selon lui, la plante devait par contre être extrêmement rare, car il n'en trouva aucune. Sa concentration s'éroda petit à petit pour retourner sur l’îlot et la sombre vie d'Adrian qu'il s'imaginait au fur et à mesure des divagations de son esprit. Après seulement une vingtaine de minutes, on avait plus qu'un Utgardien au QI de maudit qui errait au hasard en regardant ses pieds dans l'eau.

Alors qu'il allait abandonner, Njörd fit son apparition et lui présenta le trésor qu'il recherchait. Elle se trouvait devant lui, son regard avait aperçu un reflet violet dépassant de sous un rocher. Prenant un meilleur angle, Eredin put l'apercevoir très clairement. La Requiem maturée était dans un renfoncement, caché en partie sous le rocher, il aurait très bien pu passer à côté sans jamais le savoir. En voyant l'endroit où elle se trouvait, il comprit pourquoi il n'en avait pas trouvé une seule jusqu'ici. Se penchant en avant et plongeant son bras dans l'eau, il tenta de se souvenir des conseils de l'apothicaire. Faire attention au bulbe, prendre par en dessous et arracher d'un coup, ou un truc dans le genre. Bah ça ne pouvait pas être plus compliqué de faire du tir à l'arc en fin de soirée de toute façon. Eredin, sans aucune hésitation, tira franchement sur la plante par en dessous, il avait espéré la déraciner facilement et sans problème. Malheureusement, ça ne se passa pas du tout comme prévu, il sentit bien quelque chose craquer, mais ce n'étaient pas les racines qui lâchaient leurs prises, juste le bulbe qui se fendait en deux. L'Utgardien n'avait pas vraiment écouté Adrian, mais il se souvenait au moins que ça pouvait être dangereux. Réagissant rapidement, il fit un bond en arrière, envoyant de l'eau partout autour de lui et attirant l'attention. Un sourire et une salutation comme si de rien était, ils n'y verraient que de feu ! Observant à bonne distance, une nouvelle fois Njörd intervint, car la plante brisée était restée plantée dans le sol. Personne ne saurait jamais qu'il venait de briser un échantillon inestimable pour un certain Amaranthis. Eredin comprenait maintenant pourquoi Adrian travaillait seul et ne faisait pas confiance aux autres pour ce genre de tâche, il expliquait mal ! Les directives de l'Apothicaire n'étaient absolument pas claires et aucune personne du groupe n'allait réussir à ramasser une plante à ce rythme... mais observant plus attentivement les autres, il remarqua qu'Elise et Isaac avait chacun ramassé au moins une fleure.

Levant les yeux au ciel en se mordant la lèvre inférieure, il abandonna sa tache en retournant vers la rive. Quelle perte de temps, il aurait bien mieux fait de visiter l’îlot. Quoi que ça pouvait être dangereux d'y aller seul. Qui sait ce qui pouvait bien vivre dans les ténèbres du fond du lac, mais connaissant un peu la faune d'Avalon, l'Utgardien n'avait aucunement envie de le découvrir. Posant ses fesses en sécurité sur la terre ferme, loin du danger rodant dans l'eau. Glissant une main dans sa poche, il joua avec la fiole entre ses doigts. Observant à nouveau Adrian, il balaya les idées qui venaient parasiter son jugement. Il se faisait des films très vite et son caractère pouvait passer d'un extrême à un autre depuis l'accident. C'est bien pour ça qu'Isaac était venu avec lui. À la fois pour le protéger du monde extérieur que pour protéger les autres de lui-même... Comment un tel événement pouvait l'atteindre autant ? Il était un fier guerrier Utgardien, Eredin avait enduré un entraînement difficile et s'était fait former pour devenir le bras droit du prochain Hurlsk. Pour ça, il en avait bavé, mais n'avait jamais rien lâché. Alors comment il en était arrivé là ? Une question sûrement simple pour les autres, mais lui-même refusait d'accepter la vérité donc le problème devenait insoluble. Hésitant, mais avec rien à perdre, il sortit la fiole, la déboucha et avala le liquide sombre d'une seule traite. Il ne savais pas à quoi s'attendre, était-ce rapide ou non ? Allait-il seulement sentir les effets ? Qu'importe au final, le chef de groupe s'allongea sur la rive et observa le ciel, les bras croisés derrière la tête.

Après un bon moment, une fois suffisamment d'échantillon en poche, les autres stoppèrent les recherches et rejoignirent la rive. La soirée allait bientôt tomber, Eredin avait déjà commencé à monter un camp et il avait notamment ramené assez de bois pour la nuit. Le plus dur restait néanmoins à venir, la chasse. Les centipèdes ne pointaient le bout de leur nez qu'en plein milieu de la nuit et en pleine forêt selon le chasseur Amaranthis. Ils allaient donc devoir affronter les ténèbres à la lumière de torche pour réussir à en attraper un qui convenait au commanditaire de l'expédition. Réunissant le groupe, Eredin laissa le chasseur expliquer le déroulement de la chasse et la manière d'attraper le myriapode géant. Un simple morceau de viande suffisait à attirer la bête, mais pour améliorer les chances de réussite, le chasseur avait apporté un produit pour recouvrir la viande. Une solution extrêmement odorante qui avait les mêmes propriétés qu'un phare en pleine nuit pour les centipèdes. Le chasseur, caché dans un arbre juste au-dessus de l’appât, n'aurait alors plus qu'a décocher une flèche en pleine tête pour abattre la proie. Pour plus de sécurité, Isaac avec sa lance se laisserait tomber au même moment pour embrocher le centipède et l’empêcher de fuir au cas où la flèche ne suffirait pas. Le reste du groupe serait caché tout autour pour intervenir si rien ne fonctionnait. Si sur papier, ça paraissait simple, beaucoup de chose pouvait mal se passer.

- Elise, tu resteras avec notre apothicaire ! Il n'est pas un combattant donc tu va devoir le protéger le temps que l'on vous rejoigne... Dit-toi que ce sera ton grand test ma belle !

Ils seraient deux d'un coté et lui gérait l'autre coté, seul. Ça allait bien se passer ! Faisant répéter à chacun ce qu'il avait à faire et les différentes étapes du plan, ce n'est qu'une fois convaincu qu'Eredin accepta que le groupe se détende un peu. Ils avaient encore du temps devant eux de toute façon. Le groupe se reposa et mangea comme si de rien était. Personne ne semblait nerveux, même Adrian qui allait devoir prendre part ne montra aucun signe d'anxiété. Dans le doute, Eredin se rapprocha de lui.

- Ça va bien se passer, ce n'est pas la première qu'il fait ça... et au cas où, on sait quoi faire et où se rejoindre en cas de fuite. Il y a pas de quoi s’inquiéter.

Lançant dans le feu le petit morceau de bois avec lequel il jouait depuis un moment, il reprit la parole, mais plus doucement.

- Merci de ne pas poser de question...

En effet, ça faisait plaisir de ne pas avoir besoin de s'expliquer pour une fois. Et lui-même n'avait pas l'intention de demander pourquoi l'Apothicaire prenait aussi se genre de potion. Chacun ses problèmes.

Puis vint enfin l'heure de se mettre en route. Quittant la relative sécurité du campement non loin du lac, le groupe s’enfonça dans l'obscurité de la forêt avec des torches pour seule défense contre les ténèbres. Ils marchèrent une bonne demi-heure pour bien s'enfoncer dans la forêt et trouvant un endroit convenable pour « l'embuscade ». Rappelant une dernière fois le plan, chacun se mit en position en prenant bien note des positions des autres. Puis l’appât fut posé et commença la première étape du plan, l'attente. Caché dans le noir derrière un arbre à une dizaine de mètre, Eredin se mit en position d'attente en tendant l'oreille. Il ne fallut pas longtemps pour que le piège fonctionne, après seulement une demi-heure, un sifflement de hibou fit comprendre à tout le monde qu'un premier centipède venait de faire son apparition. Sûrement jugé trop petit par le chasseur, le deuxième sifflement qui devait lancer l'attaque ne vint pas. Mais après quelques minutes, Eredin lui-même remarqua que quelque chose clochait. Un, deux, trois, quatre bruits de hibou et l'Utgardien de son côté entendait des cliquetis venant de partout. Des ombres plus ou moins grandes se mouvaient dans le noir. Voyant un myriapode d'un mètre s'approcher droit devant lui, il le repoussa du plat de sa hache et l'envoya plus loin. Le centipède, comme si de rien était, se remit en marche vers l’appât. N'y voyant pas assez claire pour juger de l'état de la situation, Eredin se fia au chasseur Amaranthis. Sa hache posée devant lui, il était prêt à enflammer sa torche au signal de départ. Ce n'était qu'une question de seconde, car plus ils attendaient, plus l’appât risquait d'attirer de visiteurs. Et d'un coup, le signal arriva. Enflammant sa torche, les ténèbres furent repoussées d'un seul coup et Eredin vit l'ampleur de la situation. Dire que le piège avait fonctionné était un euphémisme, car c'était une véritable armée de Myriapode qui avait répondu à l'appel. Jouant de sa torche et de sa hache, il repoussa plusieurs invertébrés tout en se dirigeant vers le centre. Mais il s'arrêta bien vite en voyant la zone totalement infestée, que ce soit le sol ou le bas des arbres, il y en avait partout. Si la plus part ne dépassait pas les cinquante centimètres, il y en a avait tout de même plusieurs qui était aussi grand qu'un homme. Et au centre, un amas de centipède formait une boule vivante où chacun se battait pour un morceau de viande. Il voyait plusieurs flèches sortirent de la masse grouillante. Cela, voulait-il dire que la mission était réussie et qu'il suffisait d'attendre qu'ils se dispersent pour ramasser les cadavres ou non ?

- Isaac restait en haut, nous, on s'éloigne et on ramassera les cadavres après, ils sont bien trop nombreux pour faire quoi que ce soit !

Sentant quelque chose lui montait le long de la jambe, il donna un coup de torche à l’intrus et se remit en mouvement pour éviter de devenir une proie. Courant en contournant le centre pour rejoindre les deux autres, au détour d'un arbre, l'arrière d'un Myriapode géant vint le frapper violemment. Envoyé au sol avec force. Eredin se retrouva allongé face à une horreur aussi grande que lui. Un phare dans la nuit hein ? il aurait dû se douter que le piège allait attirer autant de Myriapode... L'esprit claire, il n'avait pas l'intention de se laisser faire et alors que son adversaire s'approchait prêt à refermer ses appendices buccales sur lui, l'Utgardien utilisa la torche comme arme en la plongeant dans la gueule du mille-patte. Il envoya en même temps un coup de hache circulaire qui trancha net la patte la plus proche. Eredin se releva rapidement pendant que l'insecte géant reculait face aux coups, il ne demanda pas son dû et se remit à courir pour rejoindre les deux autres.

Elise avait perdu sa dague et utilisait sa torche comme une masse, elle fendait l'air de toute part pour repousser les attaquant chitineux. Arrivant en hurlant pour bien faire comprendre que les renforts (lui) étaient la, Eredin se jeta à côté d'eux et trancha la tête d'un specimen. Dos contre dos avec les deux autres, il prit la parole.

- On va se replier, les deux autres sont bien perchés et ils n'ont pas l'air d'être pris pour cible comparé à nous. Avec le haut de sa hache, il repoussa un centipède qui était tombé sur les épaules de la jeune femme. Merde... De l'obscurité venait de sortir un spécimen de la taille d'un cheval, se dressant devant eux en les observant et en fendant l'air avec ses pattes tel des faucilles, c'était une véritable machine à tuer qui venait de faire son apparition. Courez, je le retiens !

Mais que pouvait-il bien faire contre ça ? Il devait néanmoins gagner du temps pour que les deux autres arrivent à s'éloigner suffisamment. Un sourire aux lèvres, le guerrier écarta grand les bras, la torche d'un coté et la hache de l'autre. Que Njörd soit témoin !

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