RSS
RSS
Derniers sujets
» [Plage d'épaves] On n'échappe pas aux sables mouvants de ses obsessions. [Audélia - Nothjaan]
Le soir, chez le boulanger EmptyDim 21 Avr - 8:29 par Audélia Métivier

» La liberté est au bout d'une corde - Partie 1
Le soir, chez le boulanger EmptyLun 30 Oct - 11:00 par Maître du Jeu

» [Cellules de l'Hurlsk] La Fleur du Saule avait des épines.
Le soir, chez le boulanger EmptySam 14 Oct - 18:33 par Eredin Lautrec

» Journal de Bord de Nothjaan
Le soir, chez le boulanger EmptyMar 20 Juin - 10:30 par Nothjaan

» [Port-aux-Echoués] Bienvenue à Port-aux-Echoués ! [Audélia - Nothjaan]
Le soir, chez le boulanger EmptyMar 6 Juin - 22:42 par Nothjaan

» Qui lutte contre le destin est infailliblement vaincu
Le soir, chez le boulanger EmptyVen 12 Aoû - 18:12 par Meryl

» [Port-aux-Echoués] Notre vie est une longue et pénible quête de la Vérité. [Jezabelle-Eccho]
Le soir, chez le boulanger EmptyMar 26 Avr - 14:47 par Jezabelle Linderoth

» La nuit les langues se délient
Le soir, chez le boulanger EmptyLun 18 Avr - 16:02 par Daren Van Baelsar

» Défaite du présent et résurgence du passé
Le soir, chez le boulanger EmptyVen 18 Mar - 22:05 par Adrian Mayr

» On ne change pas les règles en fin de jeu
Le soir, chez le boulanger EmptyMer 16 Mar - 0:15 par Erzebeth

» Journal de Lyhn
Le soir, chez le boulanger EmptySam 19 Fév - 23:12 par Lyhn

» [Taverne de Borlk]Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras - Liveig & Uraïa [terminé]
Le soir, chez le boulanger EmptyDim 23 Jan - 17:09 par Liveig Fjorleif

» On ne change pas, on met juste les costumes d’autres et voilà.
Le soir, chez le boulanger EmptyJeu 20 Jan - 2:38 par Ernst

» Eccho — Le Traître
Le soir, chez le boulanger EmptyLun 17 Jan - 17:57 par Meryl

» Semi absence
Le soir, chez le boulanger EmptyLun 17 Jan - 15:52 par Ernst

» Proposition de RP avec un Préfet Ascanien
Le soir, chez le boulanger EmptyLun 17 Jan - 15:15 par Ernst

» Les veufs éplorés
Le soir, chez le boulanger EmptyMer 12 Jan - 21:19 par Ernst

» Lyhn
Le soir, chez le boulanger EmptyLun 10 Jan - 21:42 par Nyxie

» [Fleuve]Au delà des apparences et des non-dits [Raina]
Le soir, chez le boulanger EmptyDim 9 Jan - 16:45 par Liveig Fjorleif

» [Bois de l'Orée] Chasse à l'homme
Le soir, chez le boulanger EmptyDim 9 Jan - 15:57 par Nyxie

Le Deal du moment :
ETB Pokémon Fable Nébuleuse : où ...
Voir le deal

Claircombe  :: Titre :: Quartier Ascanien :: Le soir, chez le boulanger ::
Le soir, chez le boulanger
Ernst
Ernst
https://claircomberpg.forumactif.com/t38-ernst-homme-simple
Date d'inscription : 16/10/2020
Messages : 81
Âge du personnage : 30 et des bananes
Métier : Gère une menuiserie - Cavalier Ascanien
Mer 21 Oct - 23:46

Mais tu feras bien ce qu’on te dit
Le menton de la vieille tremblait pathétiquement avant que l’infâme rictus ne vienne rappeler son autorité. Les yeux mauvais triomphaient au-dessus des rides tombantes et son vieux chiffon claqua sur la table pour clore définitivement la conversation.
Le regard d’Ernst scrutait par rotation son assiette, sa fourchette et le dos vouté de l'ancêtre. Il soupirait. Intérieurement seulement. Le riz était trop cuit comme toujours, et il y avait du ragoût ; avant on ne mangeait jamais de ragoût. Ernst suspectait les dents de la vieille de se déchausser complètement, mais comme elle ne souriait jamais, impossible de vérifier.
Il n’aimait pas quand elle s’engageait auprès des autres en son nom, puis lui confiait la “mission” sans ce soucier du reste. Il fallait bien porter affection à tous les gens du quartier, car telle était le chemin de Providence, mais quelle corvée enfin d’aller voir cette autre vieille qui végétait dans ses miasmes. N’avait-elle pas une famille pour se charger de la tâche à sa place ? A eux, n’incombait-il pas de venir en aide à leur prochain ?
Il essayait de se souvenir : “elle t’a gardé quand tu étais petit !”. Quelqu’un l’avait donc gardé quand il était petit ? Il se rappelait avoir trainé dans les rues avec les autres galopins, à se faire réquisitionner pour aider toute la journée. Une marchande rousse disait-elle, la mère du boulanger. Mais de qui parlait-elle ? Les quelques rousses qu’il connaissait, elles étaient soit jeunes, soit déjà mortes. Et la mère du boulanger aussi, il l’a croyait morte. Encore une énigme.

Il n’était pas plus éclairé lorsqu’il gagna la maison du bas de la rue du cloître, dans sa tenue officielle et son fardeau sous le bras. Il s’était manifesté auprès de la patrouille de nuit qui s’en trouvait soulagée. Il toqua, le visage sérieux et maladroit du boulanger apparut.
— Merci d’être venu monsieur le prefet, elle est en haut.
Le fils Grison-Ebermann !
Cette autre voix était celle du prêtre de la paroisse, son sourire ne cachait pas sa grande fatigue. Tout en sortant, il tira Ernst vers la rue pour lui glisser un mot.
…c’est pour ce soir, n’hésitez pas trop.
Puis le religieux remonta la rue, manquant de se prendre les pieds sur la route.

Notre prefet entra, l'unique pièce était en grand désordre. Les visiteurs aux mines sévères, parfois éplorées, s’asseyaient ou s’appuyaient sur tous les meubles possibles. Au centre, la table débordait de plats à demi vides et d’assiettes à demi pleines. Dans les coins les lits déménagés en vrac, et la marmaille piaillante surplombait l’ensemble de sa joie de vivre avec l’insolence d’une fleur sur une tombe.

Il salua courtoisement et prit l'échelle des combles qu'on lui indiquait, cela servait de petite chambre. Pour monter, il devrait tenir son colis d’une main, fermement. La forme que les plis dessinaient sur le sac attirait les regards. On savait ce qu’il contenait, on hésitait entre peur, curiosité et frisson.
En haut, il faisait sombre, il faisait chaud. Les bougies éclairaient mal le corps allongé et le souffle rauque figurait mieux ce quelqu’un se mourant par-là. Assis, il y avait un barbu, celui qui faisait des paniers dans la boutique d’en face, et aussi la bonne femme du sabotier de la rue Providence. Ils seraient donc trois à veiller, quatre avec le boulanger qui remontait. L’usage était cinq, mais l’endroit était trop exigu pour cela peut-être. Terrible erreur que ne pas l’avoir amené à l’hospice, il l’avait dit à sa Vieille.

Il ne  restait qu’à attendre. Ça sentait un peu mauvais, comme la lavande sur du fumier. Autour de cette autre vieille, les trois héritiers s’épanchaient à leur façon sur ce qui aurait du être et ne fut pas, sur ce qu’il aurait toujours fallu dire, mais qu’on avait pas voulu, ce qu’il aurait fallu faire, mais qu’on avait pas eu envie. Et que bien sur, maintenant, ils avaient compris et allaient tout changer. Paroles vaines, fausses, hypocrites envers soi-même mais d'où flottait de sincère un peu de l’amour pour leur mère. Cette vieille continuait de respirer fort, les yeux fermés mais accrochée à la vie comme une vieille habitude. D’une couverture dépassait des liens de corde. Pas des chaînes. Le lit était en bois, récupéré d’un plancher à plat joint d’épave posé sur des tasseaux. La tête était sur un oreiller tout contre le mur.

Ernst restait dans son coin, un peu agacé de ce qu'il voyait. D’abord, elle n’était pas rousse, elle avait les cheveux blancs. Et maintenant qu’il l’a reconnaissait, oui, certes dans sa jeunesse peut-être avait-elle eu les cheveux blonds avec quelque reflets roux. Mais dire “rousse”, c’était exagéré ; sa Vieille à lui exagérait toujours et du coup on ne comprenait rien. Et dire qu’elle l’avait gardé... ! - il se rappelait de la femme de l’ancien boulanger qui leur foutait des coups de balais au milieu de la rue lorsqu’aucun autre adulte ne trouvait de corvées pour eux ; c’était gonflé. Il se souvenait qu’elle était dure cette femme-là, elle devait s’appeler Jacqueline.
- Wanda a été une mère formidable, commença la femme du sabotier en se tournant vers lui.
Perdu.

Perdu et en plus il allait devoir participer poliment à la conversation. Il n’en avait pas envie.
Il hocha la tête en prenant un air neutre que chacun interprétait comme ça l’arrangeait. Les autres hochèrent la tête en réponse. Mais la femme continuait. Ça devenait gênant, ces épanchements.
- Il ne manque pas quelqu’un ? demanda finalement Ernst d’un ton détaché lubrifié d’agacement.
Il y eut un air gêné.
- C’est que, personne d’autre ne veut monter.
C’était petit, mais tout de même...
- Vous comprenez, la Bénédiction de Providence pour mon père...
Les trois baissèrent tous les yeux instantanément, comme si quelqu’un avait juré sur Providence - chose abominable.

De quoi parlaient-ils ?
La mémoire fusa : la Bénédiction de leur père, c’était il y a huit ou neuf ans, la fois avec trois morts plutôt qu’un seul. Et c'était trop tard pour l'emmener à l'hospice.
- Vous avez lié ses mains seulement au lit ou entre elles ? demanda nerveusement le préfet.
Il ajouta plus haut en direction de l’échelle :
- Il manque quelqu’un en haut !
Meryl
Meryl
https://claircomberpg.forumactif.com/t12-meryl-guide-touristique
Date d'inscription : 23/09/2020
Messages : 727
Âge du personnage : 23 ans
Métier : Guide / Pisteuse
Dim 25 Oct - 14:43
- Mais tu feras bien ce qu'on te dit.

Dans un coin de la pièce, Meryl grinçait des dents. Chaque fois qu'elle demandait un tout petit service à l'église de Providence, on lui en demandait un bien plus gros en retour.

- Ce serait la moindre des choses, après tout. Wanda a été comme une mère pour toi et les autres orphelins.

Il valait mieux entendre ça que d'être sourd. Wanda lui avait toujours paru très éloignée de ce que devait être une figure maternelle. Elle devait cependant reconnaître qu'elle était capable de gentillesse ; elle avait ses têtes, c'est tout. Certains avaient droit à quelques douceurs qu'elle amenait avec elle de la boulangerie de son mari, d'autres avaient droit à d'incessantes remontrances et des coups de balai. Meryl avait plutôt récolté les coups de balai.

- Ce ne serait pas plutôt à Vanya de s'en occuper ? Cette pimbêche a toujours été sa préférée, ça me semblerait plus logique.

- Vanya n'est pas disponible, elle s'occupe d'un accouchement particulièrement délicat cette nuit.

Un long soupir franchit ses lèvres ; elle n'avait pas envie d'y aller, pas du tout. Puis elle se souvint qu'il y avait toujours énormément de nourriture lors des veillées funèbres, et que le chagrin avait cette fâcheuse tendance à nouer les estomacs. Elle pouvait au moins aider ces pauvres âmes éplorées à vider quelques plats, cela ne lui coûterait pas grand chose. Personne ne la forcerait à aller échanger quelques mots avec la vieille de toute façon ; n'avait-elle pas une famille pour se charger de ça ?

Quelques instants plus tard, elle descendit la rue du cloître d'un pas presque guilleret. On lui jeta à peine un regard lorsqu'elle entra dans la minuscule maison du boulanger ; cela faisait bien longtemps que personne n'était plus surpris de la voir arriver quelque part, tant elle avait cassé les pied d'à peu près tout le monde dans sa jeunesse.

Esquivant les enfants qui couraient partout et les quelques adultes qui observaient un silence religieux en jetant des regards inquiets vers l'échelle qui menait à l'étage, Meryl se fraya un chemin vers un plat de tarte aux myrtilles, dont elle se servit une copieuse part. Le gratin de carotte n'avait pas l'air trop mal non plus, même s'il était un peu froid ; peut-être aurait-elle dû commencer par ça pour se garder la note sucrée pour plus tard ?

Mais alors qu'elle hésitait quant à l'ordre dans lequel elle allait goûter tout ça, une bande de vieilles femme l'éloignèrent du buffet en la tirant par le coude.


- Je crois qu'ils ont besoin de quelqu'un en haut.
- Je ne suis pas de la famille.
- Moi non plus, répondit une autre dame dans un coin de la pièce
- Moi oui, mais ma hanche me fait tellement souffrir, je ne pourrais jamais monter l'échelle, ajouta une femme qui, d'après la ressemblance, devait être la sœur de Wanda.
- Il vaut mieux envoyer une personne jeune et vigoureuse, vous savez, au cas où...

Les yeux se baissèrent d'un même mouvement. Le regard de Meryl passa de la tarte à l'échelle, puis de l'échelle à la tarte.

- Bon. De toute façon, ça ne va plus être très long, n'est-ce pas ? Elle était dans quel état la dernière fois que vous l'avez vue ?

Les bouches s'entrouvrirent, scandalisées. Meryl soupira de plus belle et enfourna un gros morceau de tarte dans sa poche. Une idée qui lui sembla bonne sur le moment.

La pièce du haut était exiguë, et elle se demanda comment on avait réussi à y monter la vieille. L'odeur était particulièrement désagréable, faute d'aération. Pourquoi les vieilles dames sentaient-elles toujours le chou trop cuit ? L'appétit la quitta aussitôt. Elle posa son regard sur l'assemblée qui l'observait comme on observerait un ver se tortiller dans une pomme bien juteuse.


- Euh... Je suis là, si vous avez besoin.

Cinq personnes pour se charger d'une vieille paralytique, cela pouvait sembler cocasse, mais si Wanda était aussi hargneuse dans la mort qu'elle l'avait été dans la vie, Meryl comprenait bien qu'ils n'avaient voulu prendre aucun risque. Son arrivée sembla réveiller l'intéressée, qui se mit à gémir entre deux quintes de toux, avant d'essayer de lever vers elle sa main décharnée mais solidement attachée au pied du lit, suppliante.

- Vanya ? Vanya, c'est toi, ma douce enfant ?

Meryl se figea. Providence n'aimait pas le mensonge, mais d'une part Meryl se moquait pas mal de ce que Providence aimait ou n'aimait pas, et d'autre part, n'aurait-il pas été plus cruel de gâcher tous ces espoirs candides en répondant : « Non, ce n'est que moi, l'horrible Meryl, qui vous a enfermée toute une nuit dans le cellier de l'Église, juste parce que c'était drôle et que vous le méritiez bien » ? Alors elle fit ce que n'importe quelle bonne âme aurait fait à sa place.

- Euh, oui, c'est moi.
- Approche toi un peu, que je te vois mieux. Mes yeux sont presque aveugles maintenant.

Elle fit un petit pas en avant, mais resta à bonne distance de la vieille femme qui semblait soudain avoir un sursaut de vie. Fichtre, ça allait peut-être prendre beaucoup plus de temps que prévu.


- Approche toi encore, ma fille, ne sois pas timide.

Un autre petit pas en avant, et Meryl fut soudain prise de nausées. Il y avait des limites à ce qu'elle était prête à faire pour que tout se passe sans heurt, et se laisser agripper par cette vieille bique pour qu'elle lui tousse ses peurs et ses regrets dans les oreilles était l'une d'elle. Elle approcha encore, cependant, assez pour voir les deux lueurs bleutées au fin fond des pupilles de Wanda rouler dans leurs orbites avant de se fixer sur elle, pour ne plus jamais la lâcher. Et alors, comme dans un récit d'horreur, sa vieille main osseuse vint saisir son poignet avec toute la hargne dont elle était capable, la même qui l'animait lorsqu'elle lui donnait des coups de bâtons dans les jambes lorsqu'elle était enfant.

- Meryl ?! De toutes les petites pestes ingrates et sans éducation que j'ai eu dans les pattes, c'est toi qu'on a envoyée ici ? Le Père Donatien me déteste t-il à ce point ? Elle avait l'air maintenant drôlement vivante pour une dame en fin de vie. Et voilà qu'elle se lamentait, gémissait piteusement, exhortant qu'on la sorte d'ici tout de suite

Meryl s'éloigna aussi loin que possible, massant son poignet d'un air incrédule, mais ne quitta pas la pièce.


- Vous savez quoi, Wanda ? Providence nous enseigne le pardon, alors je vous pardonne. Je vous pardonne d'avoir été une horrible mégère acariâtre, une grosse emmerdeuse et une teigne arrogante et mal baisée ! Et puisque nous en sommes à soulager nos consciences, la tête de poulet décapitée dans le vin de messe, c'était moi. Voilà, maintenant partez en paix, comme on dit.


Le silence de la pièce n'était plus troublée que par les lamentations de Wanda qui n'en finissaient plus. Elle se plaignait tantôt d'une douleur terrible à la poitrine, tantôt à l'estomac. Meryl quant à elle sortit le morceau de tarte de sa poche, avant de croquer dedans à pleines dents, plus sereine que jamais.
Ernst
Ernst
https://claircomberpg.forumactif.com/t38-ernst-homme-simple
Date d'inscription : 16/10/2020
Messages : 81
Âge du personnage : 30 et des bananes
Métier : Gère une menuiserie - Cavalier Ascanien
Sam 31 Oct - 0:06

Ernst ronchonnait dans ses pensées, il aurait fallu l’emmener à l’hospice.

L’âme Ascanienne est naturellement sereine : dans l’adversité, elle brille ; face aux épreuve, elle s’endurcit. Il n’y a pas meilleure société lorsque vient le moment de la séparation. Malgré la peur et l’horreur que tous peuvent ressentir, ce devoir sacré d’accompagner jusqu’aux portes de l’Autre monde est une véritable institution.
Comme les Ascaniens sont respectueux et zélés pour toute chose sacrée, un endroit y était dédié. Il était éprouvant à fréquenter. A Claircombes les corps délestés de leurs âmes cédaient la place aux maudits, cordes et chaînes dans les chambres en ville en témoignaient ; pour un dispensaire fait de chambres communes alignées, les fers solides et les pieds attachés fourmillaient en tout sens et le lieu rappelait tant une chapelle qu’une prison, tant une geôle qu’un salut.
Une des ailes, la mieux restaurée, avait une franche allure d’abbaye. Ses murs étaient réservés pour les cas les plus graves et on l’appelait “l’hospice”. Ses larges salles dallées, ses longs rideaux entre les lits, sa solennité et la dévotion du personnel entretenait l’ambiance religieuse chère à Ernst et aux Ascaniens. Mais personne n’aimait l’hospice ni fréquenter ses murs ; personne n’aimait y être allongé, chaîne au pied, mais aussi poignets, cou et chevilles. Les matelas posés sur des ossatures de fer figés dans la pierre n’y étaient guère confortables, on y était enferré jusqu’à la guérison, à ne pouvoir que bouger la tête de gauche à droite, vers un autre comme soi ou vers le rideau tiré de mauvaise augure. Les lits s’espaçaient soigneusement, sans mobilier ni murs autour. Sage précaution, car à l’hospice les gens mourraient le plus souvent.

Depuis leur carcan, malades et mourants entendaient les détresses, les étouffements, les râles, les prières ou les hurlements qui accompagnent le dernier souffle du voisin. Tout se passe non loin, derrière l’un de ces rideaux tiré. L’ambiance se tend, quelqu’un arrive, un coup est porté ; tout replonge dans le calme. Plus tard une civière drapée et des seaux sont amenés ; tout est nettoyé, le rideau rouvert, les fers attendent leur prochain locataire.
Parfois la mort ne s’annonce pas, l’écho des grandes salles se charge d’autres bruits. D’abord des tremblements, des grognements, un cliquetis de métal. Une légère agitation, cela guette et puis cela éclate. Un son qu’on ne croirait émis d’aucune gorge emplie la salle, des chaînes claquent pour entraver une force non naturelle de se relever. Un corps inerte s’agite, furieux, d’une vigueur impossible, des gestes dénué d’humanité et une face innommable. Tout autour, les autres entendent, parfois voient. Pour beaucoup, c’est le premier contact avec un maudit, là, à quelque mètres, maintenus séparé par des chaînes si lourdes sur soi et si dérisoires sur lui. Ils ne peuvent rien faire. Ils observent, écoutent, prient les fers de la bête de ne pas se briser.
La soeur d’Ernst, guérie de la rougeole, lui avait raconté ses angoisses. A se débattre vainement, elle s’était gravement blessée le menton, terrorisée.
Un garde ne tarde jamais à venir mais selon l’urgence il oubliera peut-être de fermer le rideau. Il viendra légèrement derrière le lit du maudit, sortira le bec qu’il porte à la ceinture et tandis que la tête reste maintenue par le cou, il percera le sommet du crâne tel un bûcheron entamant un tronc.
Tout s’arrêtera pour la bête, les cris et les pleurs des lits voisins continueront.
Les pleurs hantaient Ernst à chaque fois qu’il y pensait, à l’hospice il n’avait pas vu beaucoup d’adultes.

la Bénédiction de Providence est un acte sacré, peu de parents peuvent accomplir alors les enfants sont presque toujours envoyés au dispensaire. Mais, mélange de privilège des anciens et manque de place, les vieux restent mourir chez eux. On croit qu’ils sauront se tenir et mourir sagement. La voisine s’occupe alors des enfants qui piaillent, la famille se regroupe. On veille, on prévient la troupe, on invite un homme d’arme à la veillée qui saura quoi faire le moment venu. Et tout se passe bien le plus souvent.

Ernst butait sur cette dernière pensée : “le plus souvent”. Elle aurait été mieux à l’hospice.


Ses pensées furent bousculée par une traîne-savate.

- …et une teigne arrogante et mal baisée ! Et puisque nous en sommes à soulager nos consciences, la tête de poulet décapitée dans le vin de messe, c'était moi. Voilà, maintenant partez en paix, comme on dit.

Après quoi s’abattit un immense malaise que les geignements de la vielle ne dissipèrent pas. Un sentiment très vif presque palpable dans l’air, une brume épaisse de gêne, la peur de bouger et de s’en imprégner les vêtements, la honte d’avoir vu une telle honte, l’envie que tout s’arrête là, ici et maintenant et de recommencer une vie ailleurs. Ernst avait connu cette ambiance une fois, avec sa seconde femme. Un  moment affreux où l’on se sent seul à deux, où l’horreur de Perfidie parle directement. Le moment présent était comparable, cette blonde sauvage avait tout du tapage et de l’élégance du pet de cramouille.

La vieille soupirait, ça n’en finissait pas. Le préfet repensa un instant à cette époque où tout ses outils trouvaient leur utilité.
La femme du sabotier avait fini par retrouver ses mots et une vive discussion s’engageait. Les réflexions d’Ernst l’éloignait des règlements de compte de bonnes femmes et d’ingrates. Les liens n’étaient pas satisfaisant, et il fallait essayer de reculer ce lit mal foutu du mur. Tandis qu’il manoeuvrait, un souffle le fit sursauter.


Wouargh, fit la vieille avec résignation.

Ernst, habitué au langage cryptique des personnes agées, déchiffrait dans la face boutonneuse de la vieille les préludes d’une crise. Tandis que plusieurs voix tentaient de convaincre Meryl de revenir à la bienveillance de Providence ou de se frotter le sillon interfessier à une autre masure en bonne imitatrice de la race canine qu’elle était, le préfet constatait que le corps commençait à s’agiter.

Déjà ? Je l’ai même pas entendu… souffla Ernst en saisissant son colis toujours intacte.
– Maman ? demanda le barbu
Mère, vous allez bien ?
En guise de réponse, tout le corps se raidit brutalement. Les jambes, attachées aux pieds, redressèrent le haut du corps, collant la tête contre le mur en offrant la gorge. Sous le choc, les tasseaux empilés qui figuraient un pied de lit se disloquèrent, une jambe de la vieille se délivra pour taper frénétiquement la planche qui figurait le sommier.
- Perfidie à son cul ! jura le préfet en plongeant sur la vieille avant qu’elle ne se dégage complétement. Au-dessus d’elle, il essayait d'écraser la jambe libre sous le poids des siennes.
Je crois que vous n’avez plus besoin de moi, je vais redescendre, précisa la femme du sabotier en encombrant l’échelle.
- Tenez-là ! Par trois femmes Amaranthis en solde, tenez-là ! demanda Ernst avec autorité. Mais la vieille se secouait de plus belle, plus féroce qu’un taureau. Quelque fut l’aide reçue, elle ne suffit pas. Les joints de la planche presque centenaire lâchèrent sous les coups. Le sommier fut cisaillée en deux morceaux retenus par le centre et la jambe gauche d’Ernst se pinça cruellement dans cet effondrement.
- Perfidie à son cul !
C’était son juron préféré.
Meryl
Meryl
https://claircomberpg.forumactif.com/t12-meryl-guide-touristique
Date d'inscription : 23/09/2020
Messages : 727
Âge du personnage : 23 ans
Métier : Guide / Pisteuse
Mer 4 Nov - 23:21
Meryl écoutait toutes les insultes qu'on lui assénait en avalant de grosses bouchées de tarte aux myrtilles, récupérant patiemment celles qui s'étaient faites la malle dans la poche de sa veste ; certaines étaient tout écrasées, mais elle était de trop bonne humeur pour en être peinée. Elle ne savait pas si les veillées funèbres ascaniennes se déroulaient toujours sur ce ton, mais c'était moins ennuyant que ce qu'elle aurait cru. Rien que pour cette tarte, ça valait le coup d'être venue.

Puis l'ambiance prit un tour très différent. Personne ne l'avait entendue rendre son dernier soupir, pas même celui qu'on avait réquisitionné pour s'occuper de la tâche. Foutus Ascananiens. Dans un bel ensemble, chacun se leva de sa chaise, mais aucun n'alla dans la même direction. Le préfet sembla rencontrer quelques difficultés pour maîtriser le cadavre qui claquait ses mâchoires tout près de son visage et le barbu qui se tenait à ses côtés, tout penaud, se mit simplement à hurler « Où c'est qu'j'dois la t'nir ?! ». Le deuxième fils se paralysa dans un coin de la pièce, mirant la chose qu'était devenue sa mère, les yeux exorbités. La fille, quant à elle, prenait la poudre d'escampette, passant près de Meryl à la hâte. Cette dernière tenta de la retenir.

- Mais bon sang, où est-ce que vous allez comme ça ?!
- Je ne veux pas voir ça, je veux pas voir ça, répéta en boucle la femme du sabotier.
- C'est trop facile de se barrer quand ça devient trop salissant, vous restez !

Le ton était péremptoire, hors de question de la laisser filer après l'avoir entendu gémir que sa mère était une femme absolument merveilleuse alors que c'était absolument faux. D'une main, elle saisit le col de sa robe dans l'intention évidente de la faire remonter, de gré ou de force.

- Lâchez moi, petite garce !
- Vous restez !
- Je pars !
- Vous restez !
- JE PARS !
- VOUS RESTEZ !

C'est à ce moment que la femme du sabotier se jeta pratiquement en arrière, arrachant le col de sa robe des mains de Meryl qui ne put que la regarder, sans voix, lâcher l'échelle pour s'écraser deux mètres plus bas. Elle ne se releva pas. Ni après la première minute, ni après la seconde. Autour d'elle, un petit attroupement se forma, lui jetant des regards incrédules. Sans réfléchir, Meryl s'éloigna à la hâte de la petite trappe pour se tourner vers les hommes, toujours en très mauvaise posture.

- C'est la merde ! C'est la merde ! C'est la merde !


Et pourquoi ils mettaient autant de temps à lui faire son affaire, à cette vieille carne ? Ce n'est pas comme si elle était morte dans un moment où personne ne s'y attendait. Jurant entre ses dents pendant tout le processus, Meryl se mit en tête d'en finir elle-même, pensant qu'ils pourraient très vite avoir besoin d'aide en bas. Elle chercha des yeux le colis du préfet, avant de le trouver au sol, égaré dans la bagarre.

- Allez, Meryl, c'est le moment de te distinguer.

Elle s'élança avec prestance. La situation était impossible, tout reposait sur elle, elle le savait. Le temps semblait s'être suspendu et les obstacles qui jonchaient sa route infranchissables. Et pourtant, elle plongea droit devant, son arme à la main. Pris dans son élan, il ne lui restait plus qu'une chose à faire : frapper de toutes ses forces. Elle savait qu'elle y arriverait, car elle était comme transportée par la grâce. Elle aurait pu fermer les yeux, mais dans le doute, elle préféra quand même les garder ouverts. Le bec de corbin faillit toucher la tête du préfet lorsque celui-ci bougea dans sa trajectoire, il eut cependant la bonne idée de s'écarter au dernière moment. Et dans un bruit écœurant, le bec se planta dans la tête de la vieille comme dans un fruit trop mûr. Le corps retomba d'un mouvement vif, et la vieille ne fit plus aucun bruit, mais Meryl ne s'arrêta pas. Prise dans une frénésie meurtrière, elle planta le bec une fois encore, pour s'assurer que le vieille carne était belle et bien morte pour de bon, cette fois.

Au bout du dixième coups, après que le préfet lui ait tranquillement fait remarquer que c'était fini, et qu'elle était juste en train de tous les salir, Meryl stoppa son geste. Voilà, encore une fois, elle avait sauvé la situation.


-  Je crois qu'ils vont avoir besoin d'aide en bas, annonça t-elle en essayant de reprendre son souffle.
Ernst
Ernst
https://claircomberpg.forumactif.com/t38-ernst-homme-simple
Date d'inscription : 16/10/2020
Messages : 81
Âge du personnage : 30 et des bananes
Métier : Gère une menuiserie - Cavalier Ascanien
Jeu 5 Nov - 23:45


L’homme barbu à son côté droit - Ernst croyait se rappeler qu’il s’appelait Auguste - tenait ses mains sur son visage en sanglotant, il avait hurlé très fort et son souffle manquait. Derrière lui, des jurons et des appels à l’aide remontaient ; on appelait la troupe et on ne savait pas quoi faire d’autre. De l’autre côté en retrait, il y avait le boulanger qui retenait toujours le bras de l’“autre”. Et enfin, cet “autre”.

Il ne trouvait pas toujours les bons mots.

Ernst connaissait Muriel, de loin ; on l’a disait si bête qu’elle ne pouvait prononcer correctement son nom. Encore une pauvre hère des rues, incapable de s’élever à la grâce de Providence puisque plombée par la décadence de son sang. Il n’avait pas de préjugé envers elle, ni de mauvaise intention, il se contentait d’observer comme chacun que la sauvagerie enfante la sauvagerie et que la place choisie par le destin pour elle était la lie. Triste et impitoyable réalité.

Lorsqu’elle s’était approchée de son arme, il lui avait fait signe de s’éloigner. La main de la vieille avait alors  agrippé celle d’Ernst et l’avait serré à lui broyer. Le boulanger l’aidait à sa gauche, il tentait de bloquer un bras tandis que de l’autre côté du lit le barbu cherchait à dégager la jambe coincée. Ernst avait regardé la vieille et s’était demandé si vraiment… qu’importe ce qu’il s’était demandé à présent.
La tête de cette femme fût traversée d’un trait de fer s’arrêtant à sa bouche avec la sonorité d’une carcasse de poulet éventrée, il reçu du sang. Il vît la mâchoire se disloquer sous le coup et le reste des dents déjà clairsemées déclara forfait. Le corps de la vieille eut un spasme terrible et la tête tourna sur sa gauche sous le coup. Le préfet comme tout le monde resta figé d’étonnement.
Le fer impromptu se releva, projetant une volée de sang dont il vit les pointillés sur les draps blancs.
Le boulanger avait senti l’onde de choc à travers le bras qu’il tenait, le barbu arrêtait ses efforts pour hurler un simple “non” qui depuis sa simple gorge ambitionnait de remplir les plus grandes cathédrales.
Pourtant l’arme retomba. Cette fois-ci sur l’oreille. La grippe de la vieille ne tenait plus vraiment Ernst, mais il resta immobile. Son visage reçu une pluie de gouttelette et il comprit avec consternation que cette arme, c’était son arme.
Le bec se releva encore, arrachant la moitié du pavillon de l’oreille et laissant un trou dans la chair. Il était manié par de petites mains, de petits bras, une petite tête. Les yeux de Muriel étaient fous et rien ne semblait plus l’atteindre.
L’arme tomba, pour la troisième fois ; le préfet crût voir un geste de la vieille pour l’esquiver. Hasard ou volonté, elle n’offrit que le côté de l’arcade sourcilière où se planta le pic, peut-être jusqu’au nez, c’était dur à jauger. La poigne de la vieille se fanait complètement, le boulanger aussi dû le remarquer car il lâcha le bras et se leva en regardant Muriel.
L’arme se releva. Ernst voulait lui dire qu’il fallait au moins viser le haut du crâne, mais il était trop surpris, comme le boulanger à côté de lui. De toute façon, le barbu lui hurlait d’arrêter et elle ne semblait pas entendre quoique ce soit.
Cette fois, le pic ricocha sur le front, partie plus résistante. Il n’en fut pas moins disloqué à son tour et le visage de la vieille, où le sang commençait à sortir des digues, s’en trouva ignoblement déformé. Ernst crû voir un autre mouvement, mais les mains qui l’enserraient tantôt s’étaient complètement effondrées.
L’arme se releva, le boulanger protesta à son tour pour s’arrêter là, mais ses cris n’égalaient pas ceux de son frère barbu.
Le cinquième coup retomba au même endroit, accentuant l’odieuse déformation, une exagération qu’on ne pensait voir qu’aux théâtres de marionnettes. Le barbu hurlait toujours, tout le monde devait être terrorisé en bas, mais ici personne ne semblait entendre autre chose que les coups rythmés dans la mollesse des chairs et le craquement des os.
L’arme se releva, Ernst vit un instant le sang ruisseler vers ces empreintes noires qui s’ajoutaient sur la face.
Le sixième coup l’éclaboussa, il y eut un craquement, chacun reçu des éclats. Un peu de paille sortit de l’ersatz d’oreiller sous la vieille. Le boulanger était tétanisé, le barbu également. Quant à Ernst, Ernst ne savait plus quoi dire. Parce que tout était terminé, et qu’il n’y avait normalement plus rien à dire, plus rien à faire.
L’arme se releva, on ne voyait plus vraiment dans la pénombre, la face sur le lit était inondée de rouge et des morceaux sortaient de la tête comme le pu d’un bouton.
Le septième coup eut raison de la cohésion du crâne. Ernst chercha à dégager sa jambe, le barbu lui demanda à lui d’arrêter le massacre et le boulanger se recula, une main horrifiée sur sa bouche.
L’arme se releva. Le temps se suspendit, on espérait la fin. La consternation autant que l’incrédulité gagnait les témoins, le barbu cria encore “maman” comme si cette incantation du coeur innocent pouvait la protéger, mais le rythme implacable continua. Une fois de plus.
Le huitième coup tomba tel un pied dans une flaque et les projections augmentèrent. Ernst, ulcéré par cet acharnement vain et morbide achevait de casser les planches du lit pour se dégager.
L’arme se releva et la main suppliante du boulanger se posa sur l’épaule du bourreau sans qu’elle ne remarque rien. Le temps semblait s’être figé pour elle, plus rien de l’extérieur ne semblait l’atteindre.
Le neuvième coup tomba dans le globe oculaire et il ne fut pas plaisant d’y assister. Ernst saquait de toute ses forces sur sa jambe. Le barbu implorait “pitié” envers Muriel.
L’arme se releva en laissant un puits noir immonde à côté des autres lacs de blessures. Le boulanger essaya de l’attraper.
Le dixième coup, Ernst ne fit que l’entendre. Il lui semblait pourtant plus odieux que les autres. Parce que c’était le dixième, parce qu’il était aussi barbare qu’inutile, parce qu’il prenait les fils pour témoin de leur mère, parce que cela n’avait aucun sens. Il se dégagea.

Le préfet attrapa enfin le manche de son arme et hurla de toute ses forces à Muriel :
ARRÊTEZ-VOUS ! MAIS ARRÊTEZ-VOUS !
Ils étaient face à face, elle semblait l’avoir à peine entendu.

Il regarda ce qu’il restait sur l’oreiller. Une hideuse carcasse de visage traversée de paille, imbibée de viande dans sa nappe de compote rubiconde.

– Oh Providence !, furent les mots du boulanger devant même spectacle, il tenait encore le bras de Muriel et ne semblait pas croire ce qu’il venait de vivre.
Quant au barbu, on le sentait défaillir. Il mit son visage dans ses mains et s’affaissa. A bout de souffle, à bout de nerf.

Vous êtes complètement taré Muriel ! Il y a de cette femme un peu partout !, lui dit Ernst.
Je crois qu'ils vont avoir besoin d'aide en bas” répondit-elle comme elle aurait demandé une baguette bien fraîche.
C’est vous qui avez besoin d’aide, cracha le préfet avec mépris.

– Tout va bien… en haut ? demanda une voix moyennement convaincue.
Le barbu s’étrangla un peu puis vomit dans son coin.
Il n’y a plus de danger, répondit le préfet en arrachant son arme poisseuse des mains sanguinaires de Muriel.
Allez chercher la garde.
Le boulanger tenait toujours le bras de la sauvage, mais était complètement perdu.
– On l’a envoyé quérir, on s’occupe de Janus
Janus devait être la femme du sabotier. Il entendait ses bruits venus du bas, elle semblait bien vivante, mais il ne fallait pas prendre de risque.

Il regarda la sauvageonne, ne savait pas comment lui dire.

Puis les mots vinrent :
Vous êtes une perfidie du cul de taré.
Meryl
Meryl
https://claircomberpg.forumactif.com/t12-meryl-guide-touristique
Date d'inscription : 23/09/2020
Messages : 727
Âge du personnage : 23 ans
Métier : Guide / Pisteuse
Mer 11 Nov - 11:24
Meryl écouta les dernières paroles du préfet avec circonspection. À quoi s'attendait-elle ? De la reconnaissance ? Il était Ascanien, c'était presque contre nature pour lui d'en montrer à une sauvage comme elle.

- C'est ça, ne me remerciez surtout pas de vous avoir sauvé les miches et d'avoir fait le boulot à votre place, répondit-elle avec un mépris au moins équivalent. Elle aussi savait se montrer désagréable quand elle le voulait, elle avait grandi parmi eux et avait donc appris des meilleurs.

De fort méchante humeur après toutes les remontrances et insultes qu'elle avait dû encaisser toute la soirée, sans une seule fois remettre en cause son propre comportement -ça aussi, elle l'avait appris chez les Ascaniens- Meryl tenta de se soustraire à la prise du boulanger, caressant encore l'espoir de finir sa nuit d'une façon bien plus agréable.

Le boulanger ne la laissa pas partir.

Contrainte de rester jusqu'à l'arrivée de la garde, elle se plongea dans le mutisme et ignora du mieux qu'elle put les regards dédaigneux dont elle faisait l'objet. Le sergent Ritter mit plus d'un quart d'heure à arriver ; il était accompagné de deux hommes mais fut le seul à prendre la peine de monter à l'étage. Le trentaine bien tassée, rasé de près et la démarche d'un homme qui n'a plus rien à prouver au monde entier, il était réputé pour sa nonchalance et sa volonté de ne surtout -surtout- pas faire de vague.


- Ah.

Ce fut sa seule réaction devant le spectacle qui se jouait devant lui. Même ses réactions étaient timorées, il avait toujours peur d'en dire trop et de se retrouver inquiété par sa hiérarchie.

- Quelqu'un peut me dire ce qu'il s'est passé ici ? demanda t-il avec prudence.

Le boulanger fut le plus rapide à répondre. Avec force et détails, il raconta comment la sauvage, qui avait insulté sa pauvre mère sur son lit de mort, lui avait ensuite éclaté la tête à coup de bec de corbin -Vingt-sept coups ! Il avait compté- et qu'ils pourraient difficilement organiser des funérailles vu l'état dans lequel elle était maintenant. Il ajouta à la fin de sa tirade qu'il voulait que cette cinglée soit enfermée, pour le bien du plus grand nombre. Le sergent Ritter eut une petite moue contrite, massant distraitement son menton parfaitement lisse, avant de la gommer totalement de son visage de peur qu'elle fût mal interprétée.

Il se tourna alors vers ladite cinglée, dont quelques morceaux de cervelle parsemaient encore les cheveux.


- Quelque chose à ajouter ?
- Il y a plusieurs choses que j'aimerais dire, en effet ! répondit Meryl, profitant d'avoir affaire à un homme visiblement raisonnable, intègre et futé, tout le contraire des autres présents dans la pièce. Si je suis intervenue, c'est parce que je n'ai pas eu le choix ! Elle s'était détachée, elle aurait blessé les autres si personne n'avait rien fait. Maintenant, je pose la question : qui est celui qui s'est occupé des liens ?

Grand silence dans la pièce. Meryl en fut exaspérée.

- Et pourquoi cet acharnement ? Un seul coup bien placé aurait suffi, fit remarquer le sergent en espérant que sa question ne serait pas sortie de son contexte.

Cette fois, ce fut Meryl qui eut l'air gêné ; elle se dandina d'un pied sur l'autre visiblement mal à l'aise.


- C'était ma première fois, je ne savais plus s'il fallait juste « percer » ou « broyer », alors dans le doute...
- Elle a tué ma mère, se lamenta le barbu entre deux sanglots, toujours dans un coin de la pièce, et balançant son corps d'avant en arrière.
- Elle était déjà morte !
- Elle a poussé ma sœur du haut de l'échelle.
- Elle est tombée toute seule !
- Cette femme est folle, il faut l'enfermer !
- Mais allez caguer, tous ! J'aurais dû laisser votre harpie de mère vous bouffer le bras !

Le sergent Ritter se pinça le nez entre deux doigts, comme chaque fois qu'il sentait la migraine arriver. Et comme chaque fois qu'il sentait la situation lui échapper, ce qui arrivait souvent, il décida de transférer tout le poids de ses responsabilités sur une personne qui n'avait rien demandé. Il se tourna alors vers le préfet.


- Mes hommes vont escorter la femme blessée jusqu'au dispensaire, au cas où un incident arriverait en chemin. Quant à celle-ci...
, il jeta un bref coup d'oeil à Meryl, je la laisse sous votre responsabilité.
- Hein ? Quoi ? Je vous demande pardon ? Non ! Pitié ! Passez-moi les menottes ! Je veux venir avec vous ! S'il vous plaît ! supplia Meryl alors que le sergent reprenait déjà le chemin inverse.
Ernst
Ernst
https://claircomberpg.forumactif.com/t38-ernst-homme-simple
Date d'inscription : 16/10/2020
Messages : 81
Âge du personnage : 30 et des bananes
Métier : Gère une menuiserie - Cavalier Ascanien
Mar 24 Nov - 23:56

Parfois, une soirée ordinaire où l’on achève mémé avant d’aller pieuter en honnête homme prend un tournant sournois.
La postérité résumerait ainsi la déposition de Muriel : "S’il t'suffisait d’une beigne, s’il t'suffisait mémé, si l'on changeait les choses un peu, ta tête je l'ai éclaté". Hélas, à ce salmigondis d’ingénue carapatée des orées couplée aux patatras d’une janus imprudente venait s'ajouter Albitte Ritter. L’avide bide de ce veau benoît d’Albitte boudeur d’aller bouter la butée buteuse d’albâtre mal raboutée à la boîte à boulet bedonnait bétement.
Fatalement, le dépôt de courge dans le panier des fruits pourris échouait au préfet. Il se prépara.

Ritter mangeait discrètement du gratin de carotte froid en soupirant. Trois séries de hurlement de cette Janus blessée le décourageaient de la déplacer - la peur de faire des vagues plus que le bon sens.
– Il y a un médecin qui fait des miracles chez les Amaranthis, suggéra quelqu’un
Celui aussi doué en soin qu’en jeu de mots ? Il fit une moue. Assez de morts.
Son homme alla chercher de l’aide au dispensaire.

On menotta la captive par sécurité et on la baillonna par confort ; on ajouta une corde prêtée par le voisin et une petite clochette trouvée non loin. Ernst regardait cette souillure avec étonnement.
Après l’iflette ou la tatin, Muriel était un nouvel archétype de tarte. Elle n’avait même plus besoin de parler, elle enfonçait le genre humain dans l’indignité par son ontologique dasein. La femme du sabotier jurait, reprise par l’orchestre de son entourage. A eux tous, ils tricotaient des litanies de malédiction qui tiendraient chaud toute l’année à cette dérangée du casque. Après mille commentaires, injures, apitoiement ou bravades, il sortit enfin prendre l’air avec la captive. On laissa là barbu, médecin, boulanger, femme esquintée et cadavre non-euclidien. Ils partirent dans le noir vers le fondement nocturne de Claircombe, ce monde dégueulasse peuplé de bien trop d’Amaranthis comme le sergent Albitte ou des utgadiens comme disons, disons des utgardiens tout court.

C’est pour un dépôt, demanda-t-il arrivé au guichet des geôles ascaniennes.

Trois cellules. L’une occupée par deux bœufs éméchés ayant lancé une bagarre ; affalés, couverts de pisse et de gerbe comme le sol autour d’eux. Une autre occupée par un pervers encagé depuis deux mois, la décision de sa castration la semaine prochaine était toute récente. La troisième enfin était plus éloignée, plus grande et propre. Strictement interdite aux ruffians comme Muriel.

Ernst pourtant se montra magnanime et la laissa choisir sa cellule parmi les deux premières.

Il consignait les crimes dans le registre par ordre de gravité :
- Tentative de meurtre contre Janus, la femme du sabotier
- Vol de l'arme d'un officier en fonction
- Refus d'obtempérer
- Acte de cruauté envers une vieille dame
      o devant ses enfants
      o avec préméditation
      o avec insistance
      o ayant entrainé la mort
- Mutilation de cadavre post-post mortem


Il rajoutait pour être sur de l'enfoncer complétement :
- Blasphème envers Providence :
      o tête de volatile décapité dans le vin de messe



Meryl
Meryl
https://claircomberpg.forumactif.com/t12-meryl-guide-touristique
Date d'inscription : 23/09/2020
Messages : 727
Âge du personnage : 23 ans
Métier : Guide / Pisteuse
Ven 12 Fév - 22:12
Était-ce de l'optimiste aveugle ou de la folie que de croire que les choses allaient finir par s'arranger ? Son espoir vacilla quelque peu lorsqu'on la menotta, à peine plus lorsqu'on la bâillonna avec si peu d'égard, comme si elle était une criminelle de la pire espèce, et un vrai doute la saisit -enfin!- lorsque l'empaffé de préfet au visage benêt lui laissa le choix entre passer la nuit dans une cellule couverte de fluides en tout genre ou en compagnie d'un détraqué sexuel.

- Vous n'êtes pas sérieux ?

Il l'était, hélas. Avait-on jamais vu un Ascanien faire preuve d'humour ? Et pourtant il subsistait l'irréductible espoir que tout ceci n'était qu'une vaste blague, un coup monté par le Père Donatien pour rigoler un bon coup. Elle-même rirait certainement de bon cœur en y repensant. Quel filou, ce Père Donatien.

Mais le préfet s'éloignait déjà en la laissant dans la seconde cellule -Meryl n'avait jamais apprécié le vomi et pensait naïvement pouvoir contenir les élans de son lubrique compagnon de cellule. Elle jura entre ses dents et, réalisant que sa situation empirait de minute en minute, cria quelques insultes qui accompagnèrent Ernst jusqu'à la sortie.

Plutôt moisir en cage que de le supplier de faire preuve de bon sens. Son salut ne viendrait pas de lui, de toute façon, il lui fallait trouver quelqu'un de plus haut placé. Son attention se porta naturellement vers le geôlier qui faisait semblant d'être absorbé par le compte rendu des soixante-cinq arrestations qui avaient eu lieu depuis le début du mois. Meryl le héla plusieurs fois mais il resta totalement sourd à ses protestations. Qu'à cela ne tienne, elle avait la soirée -la nuit!- devant elle, il ne pourrait pas l'ignorer indéfiniment.

Après trois bonnes heures de lamentations, il finit par lui promettre de transmettre un message au Père Donatien si elle avait l'obligeance de bien vouloir « fermer sa mouille ». Meryl fut nettement plus calme le reste de la nuit, contrairement à son compagnon de cellule. La nuit allait être longue, très longue.

Le soir, chez le boulanger Gilead10
Quartier ascanien | Deuxième mois d'automne | Jour 4 | An 82

- C'est coincé, chef !
- Comment ça, c'est coincé ? Si ça a réussi à entrer, ça doit bien réussir à ressortir !
- On a essayé toutes les positions, ça veut pas sortir, on sait pas comment ça a pu entrer.
- De la sorcellerie, sans nul doute.
- Chef, il faut scier les barreaux...
- Vous n'y pensez pas ! Amenez plus de lubrifiant ! Ça finira par passer, du nerf ! Et amenez-lui un seau, tant qu'il est coincé là...

Meryl observait la scène sans trahir le moindre amusement. Tout ceci finirait par oeuvrer contre elle d'une façon ou d'une autre. Le mot « sorcellerie » ne venait pas d'être prononcé à l'instant ? Et cela sortait de la bouche d'un Ascanien, en plus, signe que les ennuis ne faisaient que commencer. Quand on l'avait interrogée pour savoir comment la tête de son codétenu s'était coincée entre les barreaux de leur cellule, Meryl avait feint de l'ignorer. Et quand on posait la question au principal intéressé, celui-ci se mettait à pousser des gémissements plaintifs.

Après deux bonnes heures, les Ascaniens finirent par opter pour la scie et on enferma Meryl dans la troisième cellule. C'était une première victoire.


- Vous avez promis de porter mon message, fit-elle remarquer au geôlier lorsqu'il verrouilla la porte.
- Ah, oui. Le Père Donatien a répondu qu'il ne connaissait aucune Muriel.
- Meryl ! C'est ME-RYL ! Je veux voir le préfet ! Celui qui m'a enfermée ici, je veux le voir tout de suite !
Ernst
Ernst
https://claircomberpg.forumactif.com/t38-ernst-homme-simple
Date d'inscription : 16/10/2020
Messages : 81
Âge du personnage : 30 et des bananes
Métier : Gère une menuiserie - Cavalier Ascanien
Sam 27 Fév - 22:57

Au petit matin, Ernst s’en revint vers les geôles.
Il avait le regard fatigué du travailleur nocturne, honnête préfet qui veillait sur le sommeil de ses semblables, harassé par le devoir épuisant mais le coeur soulevé par la satisfaction de servir le bien commun. Il s’avisa de la situation et des ouvriers qui manoeuvraient autour des barreaux. C’était la seule forme de divertissement s’offrant à ses yeux puisque la raison de sa venue, Maroille, était d’un ennui mortel, à quêter son attention continuellement par des simagrées et on ne sait quelles autres vulgarités. Son visage bougon portait la marque de son sang infâme de sauvageonne, une corruption qui s’accompagnait d’un retard mental fatal pour son accès à la grandeur de Providence ; et donc à l’absolution.
Pour vous Maroëlle, ce sera procès. Vous avez jusqu’à cet après-midi avant que la cour des nobles ne se réunissent. On peut dire que vous êtes faits des alliés, tous les témoignages sont à charge contre vous.
Ernst sortit une pomme et l’entama négligemment, toujours dans la contemplation des ouvriers. Il tapait doucement sa botte contre le sol, laissant des petits tas de gravillons.
Je vais aller dormir un peu, nous nous revoyons bientôt. Qu’est-ce que je devais vous dire ? Las, je ne sais plus.
Ce brave était accablé de fatigue, les pensées se dispersaient sous le faisceau de son attention et il resta encore un instant à méditer, sourd à toute récriminations.
Il reposa les yeux sur la sauvageonne. Il l’avait oublié, peut-être avait-elle répondu, il n’avait pas écouté.
Dîtes, je me suis toujours demandé, est-ce compliqué à faire ces tresses ?
Il regardait pour la première fois depuis la veille la suspecte avec attention. Elle n’était pas si vilaine, mais son oeil brillait d’une mauvaise fois ; elle avait beau vivre chez ascaniens, elle n’en était pas et c’était sa tragédie. L'Ascanien est le papillon tandis le Claircombois attend la nymphose mais, constat affligeant, reste larve. Ernst sentait la sagesse l’irriguer. Il se faisait homme d’esprit, mais peut-être était-il aussi homme de lettre, ou favoris des muses de providence ?
Les paroles d’une chanson revinrent à la mémoire du préfet, une de ses petites compositions personnelles qu’il se permettait avant de trouver le sommeil, il les murmurait tout en se rappelant de l'air qu'il avait composé :

Ainsi va la vie, tel est le chemin ; Ainsi va la vie, c’est ainsi.

Passe outre tes hurlements, cesse, tout se jouait auparavant,
Et si ton coeur pouvait se libérer, tu le verrais

Sois sereine, que ta voix se tue,
Plus de peine, c'est du déjà vu
Et si ton pauvre coeur se libérait, tu le verrais

Que j’apprécie tes mises en scènes
Que tu roules dans l’herbe ou dans les plaines,
Et tu me parles sans la moindre gêne,
Mais tu as mue

En une Sauvage, parmi les sauvages,
Aux aguets tout la journée, peur du moindre nuage
Tu simules d’être à la plage, ça ne te fais pas paraître sage,
Mais à l'affût

Raconte,
Pourquoi partir ? Pourquoi rendre les choses si compliquées ?
Je vois tes contes,
Simuler et fuir, à quoi bon si ce n'est pour m’enquiquiner ?

Ainsi va la vie

Toi tu chus, toi tu rues,
Toi tu casses, Tu ramasses, dans ta face
pour remplir ta besace !
Toi qui jure de ne jamais devenir une parjure

Non, nenni, et niet



C’était beau comme un mois d’Avril au milieu des vignes.

Ernst se releva, s’étonna de trouver encore la sauvageonne près de lui - encore elle ? -, il lui rappela la liste des méfaits et lui souhaita que Providence lui pardonne. Il n’avait pas envie de rester ici plus que nécessaire, on lui avait demandé de mener l’accusation, Providence sait qui assurerait une défense. Il se préparait à partir.
Meryl
Meryl
https://claircomberpg.forumactif.com/t12-meryl-guide-touristique
Date d'inscription : 23/09/2020
Messages : 727
Âge du personnage : 23 ans
Métier : Guide / Pisteuse
Jeu 4 Mar - 21:03
Il lui fallait ravaler son mépris et sa colère. Ne pas l'insulter. Ne pas frapper son visage, ni quoi que ce soit d'autre. Contrairement à ce que pouvait penser le préfet, Meryl n'était pas une sauvage qui ne savait pas se contrôler. Enfin, elle n'était pas que ça. La nuit lui avait porté conseil et elle avait réalisé qu'elle ne s'y prenait peut-être pas de la meilleure façon qui soit. Le chapitre premier du manuel « Comment amadouer un Ascanien ? » était riche d'instructions qu'elle avait bien l'intention de suivre à la lettre. Bon, en réalité, un tel manuel n'existait pas et Meryl ne savait pas lire, mais s'il avait existé, nul doute qu'afficher la bonne religion aurait été l'un de ses tous premiers conseils.

Elle grinça des dents lorsqu'elle l'entendit écorcher encore une fois son prénom. C'était typiquement Ascanien, ça aussi, de ne jamais faire d'effort pour prononcer correctement les noms qui sonnaient trop étrangers à leurs oreilles. Mais elle ne dit rien : à quoi bon, de toute façon ? Elle tiqua sur le mot « procès » avant de se convaincre qu'elle avait mal entendu. Un procès pour cette histoire ? Quelle ridicule idée.


- Dîtes, je me suis toujours demandé, est-ce compliqué à faire ces tresses ?

Perplexe, Meryl regarda les tresses qui parsemaient sa chevelure avant de revenir au préfet.

- Non, pas vraiment. Il suffit de séparer une mèche en deux, de prendre les mèches externes pour les ramener à l'intérieur, jusqu'à ce que ça ressemble à un genre de...

Mais il ne l'écoutait déjà plus. Quel mufle. Au lieu de ça il se mit à chanter et Meryl l'écouta patiemment, les sourcils légèrement froncés. A la fin, elle se força à sourire de toutes ses dents avant l'applaudir.

- Wow, vous avez vraiment une très jolie voix.

Ce qu'il ne fallait pas faire pour goûter de nouveau à la liberté. Elle était déterminée à être libre d'ici la fin de la journée, et si ça voulait dire brosser ce type dans le sens du poil pour y parvenir, elle le ferait.

- Attendez !, s'exclama t-elle lorsqu'elle le vit s'éloigner. Je me rends compte à quel point j'ai mal agi. Je me suis écartée du chemin de Providence, je voudrais expier mes fautes et lui demander pardon dans Sa maison. Il sait que je n'ai pas toujours été la plus fervente de ses croyantes mais je vous assure que je cherche chaque jour à devenir une meilleure personne, monsieur le préfet.

Voilà, elle lui donnait du « monsieur le préfet » maintenant, c'était bien mieux que le « raclure de fond de latrines » dont il avait été gratifié la veille au soir. Il serait sans doute sensible à ce changement de ton, à n'en point douter.

- J'ai juste besoin d'être guidée, qu'on me montre la voie. Voudriez-vous me montrer la voie ?
Ernst
Ernst
https://claircomberpg.forumactif.com/t38-ernst-homme-simple
Date d'inscription : 16/10/2020
Messages : 81
Âge du personnage : 30 et des bananes
Métier : Gère une menuiserie - Cavalier Ascanien
Mer 7 Avr - 12:48
Quartier ascanien - Cour de justice  | Deuxième mois d'automne | Jour 4 au soir | An 82


La parole est à l’accusation.

Un homme s’avança, digne, fier, l’auto-satisfaction en écharpe. Après quelques salutations protocolaires, il étala un long monologue :

— Vous le savez,
Longtemps, le peuple Ascanien a prêché pour le salut des âmes.
Longtemps, les Ascaniens ont aidé et converti les peuples indigènes.
Longtemps, nous avons gardé contre nos coeurs l’espoir de tous les sauver, et cet espoir nous donnait de la force.
Cet espoir nous grandissait et nous place toujours au sommet des civilisations.
Hélas, il arrive des espoirs déçus, des être irrécupérables qui veulent entraîner dans la fange les belles âmes, il est des êtres qui naissent pour ramper dans les ombres sordides et dont les yeux brûlent devant la lumière.

Ces êtres sont douloureux à regarder, j’en appelle à votre foi
Ces êtres sont douloureux à connaître, j’en appelle à votre courage
Ces êtres sont douloureux à juger, j’en appelle à votre détermination.

Messieurs les jurés, avec une tristesse infinie, je vais vous exposer

les faits.

Le préfet mettait bien trop d’emphase dans son réquisitoire.
— Ce soir, chacun d’entre nous préférerait être chez soi. Devant un bon feu. A tremper des tartines dans sa soupe. Malheureusement et pour chacun de nous, le prévenu en a décidé autrement. Cette tartine juste et méritée, cette récompense d’une dure journée, il l’a ôté de ses doigts sales. Il l’a fait pour mieux nous cracher au visage la vilenie de son comportement. Ce soir, la trompette du devoir a sonné pour nous ; ce soir encore nous avons été arraché à nos vies pour nous préoccuper d’un coupable ; ce soir pourtant, l’accusé n’a nul remord et nulle pensée pour vous ; ce soir, l’accusé n’a pas même de sursaut de pudeur à nous révéler sa nature.

Ernst Grison-Ebermann se tourna vers la prévenue.
Voici la source du trouble, voici la source des maux, voici la source du mal : l’accusé Maroille.
Meryl, corrigea l’huissier.
Aussitôt les regards noirs des juges comme du préfet Ernst se posèrent sur lui.

Cette cour ne parle pas couramment le sauvageon, trancha le juge, poursuivez préfet.

Merci votre honneur.
Tout commence par une famille accablée, la famille Soutier, la famille du boulanger du bas de la rue du cloître. Mon boulanger, votre boulanger peut-être, le boulanger de l’ascanien-tout-le-monde. VINGT ANS d’honnête labeur, vingt ans qu’il se lève chaque jour pour nourrir sa famille, le dévouement envers sa communauté c’est tout ce qu’il connaît. Dans cette heureuse et pieuse famille, la maladie a dévasté la mère et on s’en occupe avec dévouement.


Wanda.

Wanda, un nom qui reste gravé pour celles et ceux l’ayant connue, un nom dont j’honore la mémoire. Wanda, que j’ai connu personnellement et qui me gardait lorsque j’étais petit. Pas juste moi en particulier, non, elle s’occupait de tous les enfants du quartier. Toujours pour nous, elle savait apporter la juste rétribution. Elle était notre ange gardienne. […]

Ernst dépeignait ses protagonistes avec soin. On vous épargnera le détail.
Cette femme a donné trois enfants à la communauté Ascanienne, c’est autant d’orphelin désormais. Que peuvent-ils ressentir désormais ?
Comme disait la Christine :


Que leur font ces juges, ces palais, ces prières
Vains objets dont pour eux le charme est envolé ?
Chênes, arbres, forêts, eux aussi centenaires
Un seul hêtre vous manque et tout est peuplier.
[…]

Et sur le même ton, il déroulait inlassablement une histoire déjà racontée. Il y ajoutait du recul, de l’objectivité, du sérieux. En cela il contrastait avec l’accusée pour qui la camisole et le bâillon réglementaire entache toujours un peu la crédibilité. Mais telle est la loi, et les lois ascaniennes sont les meilleures.

[…] Et elle arrive, elle insulte la pauvre Wanda qui lui a seulement dit bonjour ! Elle lui avoue d’odieux crimes passés, des blasphèmes que je vais vous énumérer. […]
Et Ernst était loquace, il connaissait son sujet. C’était long.

[…] La pauvre âme qui habite un si vieux corps est ravagée par ces immondices avoués, cette bassesse impromptue la blesse dans son âme et déborde dans son corps. Une crise démarre. […]
Avec une habileté qui ne lui était pas coutumière, il avançait un argumentaire inexorable. Un très long réquisitoire.

[…] Nous lui venons tous en aide. Dans notre dos, l’accusé Morille s’en prend à Janus, la femme du sabotier. […]
Il dépeint en détail chaque moment, l’étire, le fait ressentir à son publique. C’est vraiment long, mais c’est prenant.

[…] Tandis que j’aide cette brave femme âgée à se contrôler et à ne pas avaler sa langue, la prévenue qui a déjà du sang sur les mains dérobe mon arme. […]
Des variations d’intonations, des gestes, des mimiques, presque des grimaces. On y était. C’était un spectacle.

[…] Au troisième coup, la stupéfaction pèse encore sur nous et nous la voyons encore, sans aucune logique - il faut comprendre notre sidérassions : tout cela n’avait aucun sens. Tout cette hargne, cet acharnement morbide, cette gratuité dans la méchanceté, ce goût immonde pour le sang et les chairs éparpillées ; était-ce une femme ou une bête ? Le pire des deux : elle était redevenue une sauvage.[…]

L'effroi se propageait dans la salle.
[…] De ces coups inutiles, vains, cruels et odieux, j’ai retenu le compte de dix, mais ses fils en ont retenu vingt sept. Je ne saurai affirmer qui de moi ou eux tend vers la vérité, c’était une horreur au delà de tout décompte. Un temps suspendu, infini, des coups, encore des coups ; un rythme infernal pour quelques gigues démoniaques […]

Quarante cinq minutes étaient passées, le réquisitoire s’éternisait et Ernst avait soif. Pourtant il fallait continuer. Il étalait les preuves, les témoignages, le rapport du sergent Albitte Ritter, les constations de l’état de Wanda. La fin s’était tant faite désirée, un tel soulagement se profilait, qu’on lui accorderait tout à l’accusation. Tout pour que le préfet arrête de parler.

Et nous y voilà. A tous les chefs d’accusations exposés, je demande qu’elle soit jugée coupable. A toutes les peines, je demande qu’il n’y ait aucune rémission. On a trop souvent fait preuve de clémence. Il est un dicton dans ma famille messieurs les juges :
Qui vole une banane volera un Grison-Ebermann.

Et il se tourna vers Muraille pour lui déclamer en pleine face :

Pendant trop longtemps cette sauvageonne a vécu sur la bonté du peuple ascanien. Nous l’avons sauvé, nous l’avons nourri, nous lui avons donné tout ce dont un être à besoin pour vivre en paix avec Providence. Mais le résultat est là, il est décevant. C’est le fruit gâté par le ver de perfidie. Sous quelques sourires en surface se cache les tunnels et les ravages du ver qui s’y promène à son aise.

Nous sommes les ascaniens, nous sommes le pardon, nous sommes la justice éclairée et je sais les coeurs bons et compatissants qui sont autour de moi. Je dois pourtant vous rappeler au devoir et à ses implications.

Pour conclure, je citerai ce poème de Charles Krox :

J’ai pleuré mes larmes d’une eau bénite,
J’ai rêvé de grâce pour les gens de mérite
De pardon, mansuétude au zénith,
Mais je ne veux plus rien, qu’on la décapite.



Références maltraitées:
Adrian Mayr
Adrian Mayr
https://claircomberpg.forumactif.com/t52-adrian-mayr
Date d'inscription : 22/10/2020
Messages : 572
Âge du personnage : 31 Ans
Métier : Apothicaire
Mer 7 Avr - 14:06
- La parole est à la défense.

Un lourd silence, quelques toussotements, le bruit de doigts frappant d'impatience le bois d'un bureau. Quelle immonde déveine que de constater le fataliste mutisme dans lequel s'était murée l'assemblée. Avait-elle simplement eu l'occasion d'organiser quelconque défense? Absolument pas.

- Si la défense ne souhaite se prononcer alors...

Des bruits de pas vinrent rompre l'inquiétante pesanteur, Adrian venait de pénétrer dans la pièce, soigné comme à son habitude et vêtu d'habits sombre sans un pli à déplorer. Loin d'être dans l'entrée fracassante, il avait au moins eu le mérite de faire taire le juge. Impeccablement coiffé et rasé, il tenait sous son bras une pile de document soigneusement noués sous une sangle de cuir.

- Votre honneur, je serai la voix de la défense.

Les regard s'étaient tournés vers lui, statique dans l'allée qui menait au théâtre de l'accusation en cours. N'esquissant pas un regard pour la malheureuse, Adrian dévisageait le juge suprême, attendant qu'il se prononce.

- Prenez place Monsieur...?
- Mayr, Adrian Mayr.

Presque théâtral dans sa gestuelle, Adrian posa lourdement le dossier sur le bureau prévu à cet effet, toujours rivé sur ceux qu'il allait devoir convaincre. Détachant la sangle, il fit mine d'observer les premières pages de ce bien trop lourd dossier en silence, se saisissant de quelques exemplaires pour déambuler d'une manière presque anxiogène devant l'assemblée, concentré sur sa lecture un instant. Après une moue insatisfaite, il tira ses lunettes d'une poche intérieur de son manteau pour les poser sur son nez.

A cet instant seulement il croisa le regard de Meryl, pendant une seconde ou deux, tout au plus.

Il reprit cette incessante lecture.


- Monsieur Adrian, pourriez-vous vous dépêcher un peu? Nous n'avons pas...
- Aux vues des accusations contre dame Meryl ici présente, je me dois d'organiser un minimum une défense qui, je n'en ait aucun doute, saura vous convaincre que les charges retenues contre elle ne sont qu'affabulation et diffamation...[...]
Il continua à se paraphraser pendant de longues minutes sur l'injustice de la situation.

- [...] Manipulations abusive et facétieuse, menant à une tentative malavisée de corruption des faits...
- De grâce venez en aux faits !

Le silence retomba un instant. Adrian avait reposé ses documents pour en prendre une nouvelle pile, répétant son manège comme pour jouer une nouvelle fois avec les nerf de l'audience.

- Votre honneur, je vous demande de déclarer l'accusée Meryl non coupable.
- Pour cela monsieur, j'aimerai que vous nous énonciez une défense correcte quant aux charges qui pèsent sur la dite accusée.

La voix du juge se teintait clairement d'agacement.

- Ne voyez-vous pas que toute cette histoire n'est qu'une vaste plaisanterie? Comment une personne comme Dame Meryl pourrait-elle se retrouver coupable d'autant de malfaisance à l'égard d'une pauvre femme. Non, ce n'est pas possible car voyez-vous, je connais cette personne et je n'ai jamais pu avoir ne serait-ce qu'un aperçu de méchanceté, elle qui est si prévenante et bienfaisante...

Il en faisait trop, le marteau du juge frappa son socle, intimant le silence.

- Si vous ne m'énoncez pas de faits concernant les évènements de cette affaire précisemment, je me ferai un plaisir de vous faire sortir de ce tribunal, dernier avertissement.

Théâtralement à nouveau, Adrian posa sa main dans le creux de son menton en baissant la tête, faisant mine de réfléchir, voila déjà de longues minutes que tout le monde attendaient enfin qu'il fasse montre d'un peu d'efficacité. Tout en relevant la tête, il regarda Meryl dans les yeux par dessus ses lunettes et esquissa un minuscule sourire presque imperceptible.

- Votre honneur, ma cliente à besoin que son bâillon soit ajusté, elle va étouffer ainsi ! Permettez que je...

Il ne termina pas sa phrase, se dirigeant prestement vers elle, faisant mine d'ignorer les protestations de l'assemblée, occultant la vision de l'accusée aux protagonistes. Des deux mains, il se saisit du bâillon de part et d'autre du visage de Meryl et approcha encore plus son visage, ses yeux plantés dans ceux de la sauvageonne.

- Lorsque les oiseaux seront de retour à Claircombe malgré le ciel couvert, Fuyez.

Les protestations montèrent et deux gardes s'approchèrent d'Adrian sur ordre d'un huissier afin de l'éloigner de l'accusée. Il ajusta le bâillon d'un geste un peu ferme et se retourna, relevant les deux mains en signe de coopération.

- Pardonnez-moi, je ne voulais outrepasser mes droits.
- Je vous avais prévenu, Adrien Mort, vous auriez du vous mettre à table plus tôt.
- Adrian Mayr sire. Les Ascaniens avaient-ils tous un problème avec les prénoms?
- Débarrassez le plancher ou vous finirez aux cotés de l'accusée.

Sans demander son reste et sans un regard supplémentaire pour Meryl, Adrian ramena soigneusement les pans de son manteau tout en retournant se saisir de son lourd dossier épaissi par une grande quantité de pages blanches. Dans un silence renouvelé, Adrian quitta la salle d'audience. Une fois à l'extérieur, il poussa un long soupire de soulagement, quoi qu'encore un peu inquiet. Tout en jouant distraitement avec sa barbe, il continuait de se demander si l'idiot de garde à qui il avait confié une coquette somme se souviendrai du message codé à prononcer lorsqu'il reconduirait Meryl en geôle.
Contenu sponsorisé
Claircombe  :: Titre :: Quartier Ascanien :: Le soir, chez le boulanger ::