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Claircombe  :: Titre :: Quartier Amaranthis :: La liberté est au bout d'une corde - Partie 1 :: Page 2 sur 3 Précédent  1, 2, 3  Suivant
La liberté est au bout d'une corde - Partie 1
Adrian Mayr
Adrian Mayr
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Date d'inscription : 22/10/2020
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Âge du personnage : 31 Ans
Métier : Apothicaire
Ven 5 Aoû - 0:53
Vu sous un certain angle, cette soirée était l'image même d'une réception réussie, si l'on en croit les codes de la haute société Amaranthis. Du discours sans un accroc de voix au lancement des hostilités, Milon semblait avoir répété sa chorégraphie au moins autant de fois que ses domestiques, si ce n'est plus. Le naturel avec lequel il contrôlait les ardeurs et émotions de son auditoire en était presque déroutante. Il n'était pas étonnant de voir que cet homme était aujourd'hui à la tête d'un réseau qu'il s'était forgé à la force de ses mots et de ses mains. Était-ce pour montrer sa réussite qu'il s'évertuait à inviter une foule d'érudits, héritiers naturels de la haute société Amaranthis et éternels rivaux des nouveaux riches ? Ou bien aimait-il simplement ne faire aucune distinction lorsqu'il s'agissait de se placer comme la pièce centrale d'un événement ? Difficile à dire.

Bien qu'il n'apprécie pas vraiment Milon, Adrian devait bien lui reconnaître un certain talent de meneur. Placé en retrait non loin des lumières ayant été occultées ou tamisées pour laisser place à la vente aux enchères, l'apothicaire se demandait si le maître des lieux avait été plutôt homme à agir dans les règles, ou s'il ne finirait pas par découvrir que celui-ci était versé dans de sombres histoires. Bien sur, il était toujours plus simple de porter ses soupçons sur les individus suggérant une indécente culpabilité quelle qu'elle soit, mais il aurait été idiot de prendre une telle conjecture pour acquis. Adrian garda ainsi cette éventualité dans un recoin de sa tête pour siroter son verre en observant son confrère adresser des sourires à l'assemblée, visiblement à l'aise au sommet de l'estrade.

Il profita de la concentration de masse pour laisser ses yeux divaguer sur les invités, reconnaissant certains anciens patients et autres notables. Depuis son retour du Palais, Adrian avait l'impression que tout pouvait dégénérer d'un instant à l'autre, comme s'il percevait chez bon nombres d'individus une folie latente qui ne demandait qu'à faire une surface. Une folie qu'il imageait comme celle qu'il connaissait, celle des voix qui parfois se réveillaient encore dans sa tête.

"Ils sont tous coupable, tous ceux qui ferment les yeux sur le fond du problème"

"Tu n'es pas à ta place ici, vas-t-en"

"Il y a des tueurs dans cette salle, des assassins prêt à déchainer la mort sur la ville à nouveau"

Une fois n'est pas coutume, Adrian eut l'impression de pouvoir écouter distinctement les voix pour faire le tri dans les propos habituellement orageux qui résonnaient au fond de sa tête. Les voix ne semblaient pas se déchainer jusqu'à lui vriller les tempes, elles paraissaient presque débattre, lui donnant l'impression qu'il aurait pu, cette fois-ci, structurer un peu ses pensées. Sentant sa main libre trembler légèrement, il s'efforça de se concentrer sur l'animation en cours, de peur de tomber dans le piège de se sentir en sécurité avec lui-même, une attitude qu'il lui avait déjà trop de fois fait défaut ces derniers temps.

La fin de la bataille entre la veuve Al'thor et la soeur de Milon étant terminée, Adrian fut presque rassuré de voir Johan revenir à ses côtés, cela aurait au moins le bienfait de l'empêcher de trop ruminer.

- Non, ne dites rien. J’aurais pensé que vous auriez surenchéri pour me sortir de ce mauvais pas Adrian, je l’aurais fait pour vous. Enfin…

Respectant le silence souhaité par son confrère, Adrian lui adressa malgré tout un sourire légèrement moqueur teinté d'une touche de condescendance soulignant ce fameux "Je vous l'avais bien dit" qu'il était inutile de mentionner à haute voix. La foule ayant été lancée, la suite de la vente aux enchères prit de plus en plus d'intensité à mesure que les candidats défilaient. Johan y allait souvent de son petit commentaire, souvent un ragot à propos du candidat ou de la candidate en lice.

- Il parait que son mari est devenu menuisier à Port-aux-échoués. [...] ça ne m'étonne pas de la voir ici celle-là... [...] Tiens donc Adrian, ce ne serait pas l'une de vos plus grandes admiratrice sur l'estrade ?

- Si, et sa présence me fait dire que je suis bien heureux de ne pas être un lot ce soir.

S'il resta minimaliste dans ses réponses, Adrian n'en ignora pas non plus Johan, profitant d'avoir un peu de compagnie pour ne pas se laisser enfermer dans ses pensées. Il écouta l'ultime duel entre deux hommes du premier rang en se rassurant qu’Oriana ne soit pas la fille d’Aurélius. L'animation était à son comble à la fin de cette bataille acharnée et le victorieux fut acclamé par des applaudissements bruyants.

La foule désormais bien électrique ne cacha pas son engouement en voyant la concurrente suivante et Adrian plissa imperceptiblement les yeux , redoublant soudainement d'intérêt. Marielle venait de monter sur scène.

- J'aurais pu deviner qu'elle ferait partie des candidates. Je me demande d'ailleurs si c'est une décision de sa mère où si elle y est allée de son plein gré.

A voir l'assurance de la jeune femme, il y avait fort à parier que si elle n'était pas la décisionnaire, elle n'avait pas été longue à convaincre. La foule déjà bien échauffée écouta le discours de Milon dressant un portrait flatteur de la jeune femme. Plusieurs semblaient d'ores et déjà prêt à faire une offre, la main à demi levée contre eux. Adrian demeura impassible, mais il considéra la situation intérieurement. Les premières offres se firent entendre dans l'assemblée, réveillant les commentaires d'un public assoiffé d'un nouveau tour de divertissement. Rapidement un petit groupe d'hommes se détacha, faisant des offres qui ne frôlaient pas encore l'indécence.

Adrian considéra l'opportunité qui se présentait à lui. En gagnant ce rendez-vous, il s'ouvrait là une occasion de passer une soirée entière avec Marielle, soirée qui pouvait très bien l'amener à se rendre dans la demeure familiale des De Langret. Bien sur, cela l'obligeait à donner de son temps à la jeune femme et à jouer un minimum le jeu, il ne pouvait décemment pas se présenter au rendez-vous pour saisir la première occasion d'approcher Aurélius. En revanche, il pourrait également s'octroyer une certaine légitimité pour aller discuter avec la jeune femme dès ce soir - s'il en avait l'occasion -  sans donner l'impression de se comporter de manière étrange.

Le poids du pour affronta celui du contre dans l'esprit de l'Amaranthis, au rythme endiablé des enchères et acclamations. Dans une ultime hésitation, il se demanda si cela ne paraîtrait pas étrange que quelqu'un de discret comme lui se mette à jouer au jeu des enchères. Il chassa cette pensée en se rappelant avoir clamé qu'il avait du temps à rattraper et qu'il était également ici pour apporter sa contribution par le biais de dons.

Sans prévenir Johan, il s'avança de quelques pas vers une partie plus lumineuse de la pièce et leva la main pour enchérir entre les trois encore en course. Aussi endiablées que furent les négociations, l'intervention d'Adrian marqua un léger silence de quelques secondes, mais c'était surtout à cause du fait qu'il venait de casser le rythme des acheteurs encore en course. Le sourire de Milon s'étira lorsqu'il vit qu'Adrian était de la partie, offrant au public une nouvelle dose de spectacle. Marielle quant à elle afficha un petit sourire amusé.

Vint ensuite le moment où le temps entre les offres se fit plus long, plus dilué dans le temps, jouant avec le fatidique décompte du commissaire priseur qu'était devenu Milon. Adrian était patient, si patient qu'il ne fit qu'une seule offre à contre temps qui lui valut de nouvelles acclamations bruyantes. Après quelques minutes, il ne restait plus qu'un seul adversaire à l'apothicaire. L'homme qui lui faisait face était un veuf fort peu séduisant mais relativement connu pour son aisance. Bien qu'elle affiche une mine très polie, Marielle ne semblait pas enchantée de voir l'homme être le dernier offrant.

Le décompte de Milon approcha de la délibération finale avec une lenteur exaspérante. Adrian jaugea son opposant, comprenant assez vite que celui-ci était déjà presque en train de regretter de s'être embarqué là-dedans. L'apothicaire sentit bon nombre de regards se poser sur lui, comme s'ils s'attendaient tous à ce qu'Adrian gagne cette bataille. Pendant ces quelques secondes, il était devenu le héros d'une histoire sans une once de valeur. Mais malgré ça, il ne déçut pas son public, et leva sa main pour faire une offre supérieure.

La clameur monta dans l'assemblée et le décompte se relança. Croisant le regard du veuf Amaranthis, Adrian comprit qu'il avait gagné. Et la voix de Milon lui confirma ensuite.

- Adjugé à monsieur Adrian Mayr !

Les applaudissement résonnèrent dans la pièce et Adrian adressa un regard vers la jeune femme qui, satisfaite d'être sortie des griffes potentielle d'un Amaranthis trop vieux pour elle, semblait piquée dans sa curiosité et son intérêt. Adrian fit lentement volte face pour retourner à sa place, jugeant qu'il n'y avait nulle besoin de se presser pour aller discuter avec Marielle. Sur le retour, son regard se posa sur la silhouette familière de Magda, qui discutait avec un couple non loin de lui. Bien que concentrée sur sa conversation, elle croisa le regard de son fils un instant, et Adrian ne put y déceler aucune autre expression que la neutralité caractéristique de sa mère. Malgré tout, il s'attendait désormais à ce qu'elle finisse par venir lui parler afin de faire un commentaire sur ce qu'il venait de faire. Ce qu'il ignorait en revanche était si ce commentaire allait être positif ou négatif...

Lorsqu'il regagna sa place aux côtés de Johan qui le gratifia d'une moue impressionnée et d'applaudissements.

- Alors ça, si on m'avait dit que je verrais quelque chose comme ça venant de vous...
- Je suis ici pour faire un don après tout n'est-ce-pas?

Johan plissa légèrement les yeux pour feindre la suspicion.

- Certes, mais vous auriez pu donner simplement sans participer...J'ai vu que Marielle était à votre table ce soir...
- Ne faites pas trop de raccourcis, vous allez avoir des nœuds dans la tête. répondit Adrian sur un ton presque léger.
- Loin de moi l'idée de vous interdire de vivre Adrian. C'est même tout l'inverse. Et d'ailleurs votre verre est vide et le mien aussi.
Maître du Jeu
Maître du Jeu
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Lun 8 Aoû - 0:26
Au fil des heures et des verres, Adrian avait la sensation que la soirée basculait lentement vers une ambiance dont il s’était jusqu’ici tenu à l’écart et qu’il n’était pas vraiment certain d’apprécier maintenant que sa dimension caritative semblait passer au second plan ; encore une heure ou deux et il saurait si la réputation excessive et sulfureuse des réceptions de Milon était usurpée ou en deçà de la réalité. À ses côtés, Johan lui servait un peu de thermomètre – plus il consommait d’alcool et plus il devenait insupportablement joyeux - et bon nombre de convives battirent en retraite après avoir senti l’atmosphère changer.

Un léger raclement de gorge interrompit la conversation qu’il avait avec le jeune homme et Marielle apparut derrière lui, un verre à la main, adressant un sourire poli à son confrère tandis que son regard devint beaucoup plus acéré lorsqu’elle reporta son attention sur lui.

- Excusez-moi, j’espère que je ne vous dérange pas.
- Marielle, quel plaisir ! s’exclama Johan avec un enthousiasme un peu trop surjoué. Je disais justement à Adrian à quel point il avait fait une excellente affaire ce soir !

Comme s’il réalisait qu’il n’était peut-être pas très élégant de parler de la jeune femme comme d’une très bonne affaire, il s’empressa d’ajouter.

- Vous êtes très en beauté ce soir, vous avez éclipsé toutes les autres jeunes femmes de la soirée !
- Vraiment ? Marielle sembla s’amuser de l’embarras de Johan. Pensez-vous que c’est pour cette raison que votre ami a fait une généreuse offre ce soir ou juste parce qu’il a voulu m’éviter une soirée ennuyeuse en compagnie d’un homme qui pourrait être mon grand-père ? Le regard qu’elle adressa à Adrian était plein de malice. Je vais choisir de croire l’option la plus flatteuse, si ça ne vous dérange pas.

Ce fut cette fois au tour de Johan de se racler la gorge, se sentant soudain de trop dans cette conversation. Il jeta un coup d’œil à l’apothicaire comme s’il souhaitait lui faire passer un message  qui resta totalement noyé dans son regard que l’alcool avait rendu vitreux.

- N’auriez-vous pas aperçu Judith ? demanda t-il tout à coup. Je suis certain qu’elle aura plusieurs idées pour se faire pardonner de m’avoir abandonné aux griffes de madame Al’thor. Je vous revois plus tard, Adrian ?

Mais il n’attendit pas sa réponse et lui offrit un clin d’œil par dessus son épaule lorsqu’il fut certain que Marielle ne regardait plus dans sa direction. Le thermomètre Johan venait d’indiquer qu’il était clairement temps pour Adrian d’abdiquer s’il ne souhait pas se retrouver dans une situation embarrassante un peu plus tard. Mais c’était peut-être aussi l’occasion où jamais de recueillir quelques informations maintenant que tout le monde semblait beaucoup plus détendu.

Au loin, il aperçut le regard noir de Ravena braqué dans sa direction et il se demanda un instant s’il en était le destinataire ou s’il se fourvoyait totalement.

- Elle n’a rien contre vous personnellement, lui dit Marielle lorsqu’elle comprit où son attention s’était porté.

Elle-même observait sa mère avec une pointe d’insolence dans le regard, comme si elle la défiait de venir s’enquérir de ce qu’ils pouvaient bien dire à l’écart de ses oreilles. Visiblement, Ravena détestait laisser sa fille sans surveillance et Adrian aurait juré qu’elle aurait parcouru les quelques mètres qui la séparaient de la demoiselle mais qu'elle n’avait pas voulu prendre le risque de froisser ses interlocuteurs.

- Elle a passé ces dernières années à faire tenter d’oublier au monde entier que votre père et le mien ont été proches au point de manger à la même table plusieurs soirs par semaine. Et maintenant vous m’invitez à dîner… Elle va faire un ulcère.

Marielle but une gorgée de son verre avant de lui sourire le plus naturellement du monde.

- Pardonnez-moi. Vous n’aimez pas qu’on vous parle de votre père.
Adrian Mayr
Adrian Mayr
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Mar 9 Aoû - 1:11
Tout en écoutant l'échange de politesse entre Marielle et Johan, Adrian jeta un coup d'œil discret par dessus leurs épaules, observant un tout nouveau manège de servants, plus discret que des ombres cette fois-ci, mais toujours en ordre de bataille et avec pour objectif de transformer certaines zones de la pièce principale afin d'y trouver une ambiance toute nouvelle. Il était si impressionnant de voir à quel point trois personnes soulevant une table pouvaient sembler si invisibles aux yeux de tout un groupe de personnes qu'Adrian se mit à songer une seconde fois aux propos de celle qui lui avait rendu visite. Maintenant qu'il était attentif à ce point précis, il ne se permettrait plus de remettre en doute ce genre d'affirmation.

Malgré sa distraction, Adrian gardait une oreille attentive au dialogue, conscient qu'il était encore acceptable qu'il ne réponde pas à la question de Marielle dans le contexte de la conversation mais qu'il ne lui faudrait pas jouer éternellement la sourde oreille. Comme pour illustrer cette pensée, Johan ne tarda pas à s'éclipser et Adrian s'efforça de ne pas lever les yeux au ciel en voyant son confrère lui adresser un clin d'œil. Les deux promis à un rendez-vous arrangé se retrouvèrent seuls pour la première fois de la soirée.

S'il avait été attiré par le regard de Ravena pesant sur eux, Adrian n'avait étrangement que peu de crainte de la voir trop insister pour qu'il reste à l'écart de Marielle. Après tout, n'était-elle pas de ceux ayant montré de la sympathie pour lui, et ce dès leur rencontre autour de la table?

- Elle n’a rien contre vous personnellement.

Soit il paraissait plus inquiet qu'il ne le pensait, soit Marielle envisageait la possibilité que l'apothicaire se sente rebuté par l'œillade presque hostile dont il était la cible. Au vue du défi que la fille lançait à la mère, il se rassura sur le fait que l'intervention de Ravena ne viendrait en aucun cas perturber les tentatives d'approche d'Adrian. Qui plus est, une dispute entre mère et fille au sujet de l'épineux passé qui liait les parents des deux jeunes Amaranthis n'aurait été qu'une source supplémentaire d'informations exploitable, si l'on prenait en compte la tendance de Marielle à mettre les pieds dans le plat.

Adrian demeura silencieux, haussant légèrement la tête en signe de compréhension face aux propos de Marielle. Il redoubla d'attention lorsqu'elle prit finalement son silence pour un besoin d'explications supplémentaires, et ce qu'il entendit ne manqua pas de faire remonter un frisson le long de son échine. Forcement, converser avec une personne aussi directe que la jeune femme avait son lot d'avantage, mais aussi un inconvénient majeur, celui de rendre imprévisible chaque mot capable de sortir de sa bouche. Adrian parvint à contenir son sang froid derrière un impassible visage, mais il dut tout de même prendre une gorgée de son verre afin de ne pas laisser apparaître trop de crispation.

- Pardonnez-moi. Vous n’aimez pas qu’on vous parle de votre père.

Le sourire qui accompagnait ces propos troubla Adrian, si bien qu'il se demanda si elle ne faisait pas volontairement preuve d'aussi peu de tact. Toujours est-il qu'il se devait d'accepter que ce sujet allait arriver sur la table. Finalement, ce n'était peut-être pas plus mal que cela commence sans détours...

- Ce n'est rien. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas ici pour regarder en arrière. Je comprends que votre mère soit méfiante, c'est assez normal dans ce genre de situation vous ne trouvez pas ?
- On voit que vous ne connaissez pas ma mère. Dit-elle d'un ton léger laissant presque penser à un message caché. Vous savez ce qui la rendrait vraiment folle ? Que nous disparaissions de sa vue sans prévenir.

Cette invitation à défier le regard inquisiteur de Ravena était aussi prévisible que périlleuse. Certes, Adrian n'appréciait guère de se sentir observer avec tant de prédation, mais il se devait également de ne pas faire d'excès de zèle. L'apothicaire adressa un léger sourire à Marielle avant de répondre.

- Aussi tentante que soit l'idée de défier le regard inquisiteur de votre mère pour vérifier votre théorie, j'aimerais tout autant ne pas me retrouver face à une porte scellée à tous visiteurs lorsque je vous rendrai visite. Ou pire...à une tentative d'agression.
- Vous n’êtes pas joueur Adrian. répondit-elle d'une moue boudeuse, vite remplacée par un sourire. Mais je comprends que vous ne souhaitiez pas ouvrir les hostilités dès ce soir.

"Ouvrir les hostilités”, une métaphore si directe pour parler d'un rendez-vous qu'elle réussit à surprendre Adrian qui se croyait pourtant désormais préparé au franc parler de son interlocutrice. Il ne s'en offusqua pas en revanche et ne trahit rien de sa surprise au grand jour. Il prit quelques secondes avant de répondre, l'air détendu mais un peu sérieux.

- Je suis de nature à rester discret comme vous le savez. Même si j'ai décidé d'être plus présent au sein de notre peuple, je me sens encore un peu trop entouré d'animosité ce soir. Il jeta un regard discret vers Ravena, avant de reporter son attention vers Marielle, prenant un ton plus léger, Et puis avouons-le, votre mère sait se montrer menaçante.
- J’ai aperçu la vôtre jeter un regard dans notre direction tout à l’heure ; j’ai l’impression qu’elle ne s’attendait pas du tout à vous voir participer à ce divertissement et qu’elle aurait aimé échanger un mot avec vous. Si vous vouliez vraiment être discret ce soir, je crois que c’est raté.

Évidemment, Magda n'était pas non plus du genre à laisser passer une seule information, et si Adrian ne l'imagina pas adopter le même regard noir que Ravena, il n'éprouva aucune difficulté à la voir croiser les mains devant elle en fixant les deux jeunes gens sans laisser déborder la moindre émotion, ce qui était parfois encore pire qu'un excès d'expressivité. Adrian savait d'ores et déjà que Magda finirait par venir émettre des commentaires et poser des question sur la mouche qui avait piqué son fils ce soir. Le plus inquiétant restait à savoir de quel œil voyait-elle le fait qu'il soit dès ce soir en train de chercher la compagnie de la fille De Langret.

- Vous marquez un point. Mais je ne pouvais manquer une occasion de faire un don et de me voir accorder un peu plus de temps en votre compagnie. Après tout, nos familles ont été autrefois très proches l'une de l'autre...Même si cela ne joue aujourd'hui pas en la faveur de votre père...

L'air désolé qu'il employa à la fin de sa phrase était à demi feint. Si Aurélius n'était peut-être pas l'homme à plaindre dans cette histoire, d'autres personnes ayant gravité autour du géniteur d'Adrian avaient eux fait les frais de sa proximité. La jeune femme ne sembla pas se fermer autant que lui à l'évocation de ce pan de leurs histoires familiales, mais elle parut tiquer sur quelque chose.

- Vous dîtes ne pas vouloir regarder en arrière mais vous évoquez le passé comme la raison qui vous a poussé à rechercher ma compagnie. Que recherchez vous vraiment Adrian ?

La question laissa planer un silence de quelques secondes. Une nouvelle fois Adrian ne laissa rien transparaître. Si une partie de lui tenta de le persuader qu'il s'agissait là d'une suspicion voire d'une accusation, son bon sens le ramena instantanément à la réalité, chassant par anticipation toute rumination inutile de sa tête. Toujours dans le calme et sur son ton habituel, l'Apothicaire reprit.

- Je ne faisais que relier deux faits l'un avec l'autre, loin de moi l'envie que vous pensiez cela. Ce qui m'a poussé à remporter cette vente relève surtout de votre faculté à passer au-delà des on dit lorsque vous vous êtes adressé à moi ce soir. Il marqua une pause dans son élocution pour lever les yeux au plafond et prendre une grande inspiration, avant de finalement poser à nouveau le regard sur Marielle, Aussi froid que je puisse paraitre dans mon travail, je reste l'égal de quiconque face au déni, à la haine, et à l'injustice.

Encore une fois, son propos ressemblant à demi à un aveux n'était pas si exagéré que ça. Si Adrian voulait avoir un jour accès aux clés de toute cette histoire, il se devait de ne pas systématiquement feindre un comportement qui ne serait pas le sien. Qui plus est, ce sentiment de ne plus avoir qu'une seule option pour s'en sortir l'encourageait à ne pas faire dans la retenue lorsque cela était nécessaire.

Cette fois, ce fut au tour de Marielle de laisser planer un silence, pendant lequel elle regarda longuement Adrian. Lorsqu'elle s'apprêta à rétorquer quelque chose, Ravena arriva finalement à leur hauteur, comme si elle avait interprété le silence de sa fille comme un moment propice pour s'interposer dans leur discussion, laissant Adrian avec la frustration de devoir se contenter de ses conjectures quant aux propos de Marielle. Ravena adressa un sourire très pincé à l'apothicaire.

- Allons, Marielle, j’espère que tu n’ennuies pas ce cher monsieur Mayr avec ton babillage incessant. Ne lui faisons pas regretter d’avoir dépensé son argent pour toi ce soir.

Marielle ne répondit rien, et Adrian se demanda si cette remarque assassine avait cloué sur place la jeune femme ou bien si elle n'avait pas simplement l'habitude de ce genre de réflexions au point de les ignorer.

- Je crois qu’il est temps pour nous de partir. Reprit Ravena avant d'incliner brièvement la tête vers l'apothicaire, ce fut un plaisir. Vous êtes le bienvenu chez nous quand vous voulez. Disons… la semaine prochaine peut-être ?

Si aucune obligation réelle n'était mentionnée par la matrone De Langret, Adrian comprit aisément qu'il n'était pas spécialement le bienvenue avant la semaine prochaine, ce qui en soit ne lui posait pas spécialement de problèmes. Poliment, Adrian inclina la tête également en guise de salutation, adressant un sourire à Ravena.

- Le plaisir est partagé Ravena. Je n'aurais pas passé une aussi bonne soirée sans vous deux à ma table. J'accepte votre invitation avec grand plaisir.

Il détourna alors le regard pour sourire et saluer Marielle également, soutenant un peu plus longtemps le regard de la fille que de la mère.

- Merci de m'avoir accordé encore un peu de votre temps. Bonne fin de soirée.

Si Marielle voulut répondre quelque chose, elle n'en fit rien avant que sa mère ne lui prenne le bras pour l'inciter à prendre avec elle la direction de la sortie.

Adrian poussa un long soupir, sentant un peu de pression se libérer de ses épaules. Il accompagna cette détente de l'ultime gorgée que contenait encore son verre, accueillant la brûlure typique de cette liqueur qu'il appréciait généralement pour ses vertus anesthésiantes non sans une certaine délectation. Les quelques minutes qui suivirent le départ des femmes De Langret furent salvatrices pour l'apothicaire, qui eut l'impression de pouvoir enfin se plonger un temps dans ses pensées, un exercice qu'il affectionnait tout particulièrement après de longues interactions sociales. Il commença ainsi à marcher lentement dans la pièce, évitant subtilement les groupes de personnes, n'hésitant pas à exploiter les lumières tamisées à son avantage pour se faire discret et ainsi divaguer en paix. Il se trouva un espace légèrement en retrait qui lui sembla suffisamment calme pour qu'il puisse s'aérer l'esprit un peu. Assis sur un fauteuil individuel qui n'était pas là en début de soirée, Adrian laissa libre cours à ses pensées.

Pendant de longues minutes, Adrian s'affaira à décortiquer chaque détail de ses échanges, surtout ceux impliquant Marielle et sa mère qui étaient à ses yeux les seules bribes de conversations réellement intéressantes pour ce qu'il avait à faire. Il prit malgré tout un temps pour recréer mentalement la discussion avec Oward Lameroy, un échange houleux qui lui avait montré de plein fouet les conséquences de l'incident et les implications que les gens lui attribuaient. Il passa vite à autre chose, chassant par la même occasion ce goût amer qui emplissait sa bouche chaque fois qu'il repensait à certains instants de son périple sous la bibliothèque.

Comme si elle connaissait suffisamment bien son fils pour lui laisser le temps de faire le point avec lui-même, Magda arriva à la hauteur d'Adrian au moment où celui-ci envisageait de se lever et possiblement de partir. Adrian leva les yeux vers sa mère, pas vraiment surpris de la voir finalement venir à lui. Il quitta son siège afin d'être à la hauteur de sa mère.

- Je n'ai guère eut le temps de venir vous voir avant mère, mais sachez que je comptais le faire avant de partir.
- Je n'en doute pas Adrian, tu ne m'en veux donc pas de venir à ta rencontre n'est-ce-pas?

Le ton que Magda employait aurait pu paraître similaire à d'habitude pour quiconque fréquentait l'herboriste, mais Adrian détecta une subtilité dans le propos et l'intonation de la voix, comme si Magda avait tempéré son propos pour ne pas se montrer désagréable. Adrian esquissa un sourire à sa mère.

- Absolument pas, vous avez bien fait, je commençais à me dire que je n'allais jamais vous retrouver dans ce manoir.

Un léger silence s'installa. Machinalement, Magda croisa ses mains devant-elle comme à son habitude. En revanche, elle attrapa cette fois son poignet gauche de sa main droite, un subtil changement de gestuelle qui soulignait une certaine nervosité.

- J'ai vu que tu t'es prêté au jeu des ventes aux enchères pour faire un don, c'est très louable de ta part.
- J'étais venu pour ça, comme je vous l'avais dit. Répondit-il en sentant un sens caché derrière la remarque de sa mère.
- Tu sais que tu avais la possibilité de donner d'une manière plus traditionnelle n'est-ce-pas?

Adrian marqua un silence à son tour et ses sourcils se froncèrent légèrement. Instinctivement, il passa sa main dans sa barbe.

- Où voulez-vous en venir exactement?
- Je dis simplement que je suis assez surprise de te voir te mettre en avant alors que tu avais l'occasion de te faire discret...Je te connais Adrian, tu ne fais jamais dans le cérémonieux. Elle marqua une pause pour se forcer à lâcher son poignet, ramenant ses mains dans leur position habituelle. Dois-je comprendre que tu éprouves de l'intérêt pour la fille d'Aurelius?

S'il crut déceler une variation de ton dans la question, elle fut trop subtile pour qu'il ne prenne ce détail en considération.

- J'ai conversé avec Marielle et sa mère pendant tout le repas, à une table où certains étaient prompt à me traiter de tueur d'enfant, alors oui, j'éprouve une forme de reconnaissance envers ceux qui ne me condamne pas.

Magda sembla contrarié d'apprendre une telle accusation vis à vis d'Adrian, ou bien était-ce d'apprendre le rapprochement entre Adrian et Marielle qui la crispait ? Si la question lui brûla les lèvres, il comprit qu'il n'en aurait jamais la réponse et abandonna l’idée de la poser. Après un silence plus long que les précédents, Magda reprit finalement.

- Je comprends ton point de vue, mais prend garde à ne pas te précipiter. Je sais que...Je sais que tu n'es pas encore totalement remis de tes problèmes de santé qui t'ont retenu loin de chez toi.
- Est-ce parce qu'il s'agit de la fille d'un des plus proche amis de Jörgen que vous m'avertissez ainsi?

Magda parvint à rester impassible, tout comme Adrian, rendant l'échange étrangement fermé à la limite de l'hostilité.

- Je n'aime pas te voir fouiller dans le passé, c'est un fait, mais Marielle n'a rien à voir avec tout ça. Tout ce que je te demande ici et maintenant, c'est un peu de prudence. Comme tu l'as constaté toi-même, tu n'as pas que des amis depuis ton retour.

Un nouveau frisson parcourut l'échine d'Adrian face à l'avertissement de sa mère. Habitué à la voir faire des commentaires sur ses choix de vie, encore plus depuis le décès de son épouse, l'apothicaire ne resta pas moins étonné de la voir insister sur la prudence. Certes, Adrian s'aventurait sur un terrain glissant, mais Magda ne savait théoriquement rien de ses intentions. Il en venait parfois à croire qu'il était impossible pour lui de cacher la vérité à sa mère...

Il accorda finalement un acquiescement de la tête à sa mère en guise de réponse, avant de changer de sujet.

- J'ai comme l'impression que la soirée est sur le point de dégénérer...
- Il y a encore quelques heures pendant lesquelles les pièces principales sont vivables, mais je pense que je vais partir incessamment sous peu. Je te déconseille en revanche les salles privatives des ailes latérales si tu souhaites rester dans une bonne ambiance.
- Je vous fais confiance, avez-vous besoin que je vous raccompagne chez-vous?
- Nos voisins partent en même temps que moi, je n'arpenterais pas les rues seules.
- Vous m'en voyez ravi. Faites attention à vous mère.

Après un ultime hochement de tête, Magda fit volte face et prit à son tour la direction de la sortie, rejoignant sur le chemin le couple d'Amaranthis qui semblait l'attendre non loin de la porte.

De nouveau seul, Adrian eut - à son grand étonnement - la volonté de ne pas le rester. Sans attendre plus longtemps dans le recoin sombre qu'il occupait, l'apothicaire prit la direction de l'un des buffets sur lequel des verres avaient été soigneusement entreposés. A cette heure-ci, Adrian prit soin de ne pas se servir quelque chose de trop fort, optant ainsi pour un verre de vin blanc aux odeurs légères et fruitées. Balayant la foule du regard, l'apothicaire chercha une éventuelle personne à saluer, car s'il était en disgrâce aux yeux de beaucoup, certains semblaient encore prompt à converser avec lui.

Finalement, ses yeux s'arrêtèrent vers une silhouette familière, celle de Johan, qui lui tournait presque le dos. Le jeune homme semblait en pleine conversation avec un autre individu qu'Adrian ne distinguait pas clairement avec son confrère dans son champ de vision. En se décalant un peu, il reconnut rapidement Cole, l'homme qui s'était présenté comme comptable et représentant de Madame de Richefer. L'apothicaire fronça les sourcils lorsqu'il remarqua la différence nette d'attitude entre Johan, visiblement à un état d'alcoolémie avancée, et Cole qui semblait à l'inverse en pleine possession de ses moyens. Beaucoup trop curieux de ce que pouvait bien se dire cet homme aux airs mystérieux et un Johan complètement ivre, Adrian se décida à se diriger vers les deux hommes afin d'éventuellement se joindre à leur conversation.
Maître du Jeu
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Mer 10 Aoû - 22:49
Il n’aurait su dire sur quel sujet portait exactement la conversation de Cole et Johan mais il vit que ce dernier était le plus volubile des deux et que le second semblait ne pas perdre une miette de toutes les informations que lui donnait si généreusement son interlocuteur, quand bien même celles-ci se révélaient sans intérêt. Il n’avait pas tout à fait fini de franchir la distance qui les séparait que son confrère se tourna vers lui.

- Oh, Adrian ! Son état d’ébriété avancé se lisait dans son regard, et sa capacité de contrôle des émotions semblait tout aussi émoussé ; à peine avait-il adressé un sourire jovial à l’apothicaire que son visage s’affaissa soudain. Je n’ai pas réussi à trouver Judith…

De son côté, Cole l’observait en silence, un léger sourire en coin.

- J'imagine qu'elle vous a filé entre les doigts pour ce soir.
- Et je ne suis pas le seul à qui quelqu’un a filé entre les doigts, on dirait, remarqua Johan constatant qu’il n’était pas venu accompagné. Au moins, vous, vous avez l’assurance de la revoir très vite, ajouta t-il en poussant un long soupir résigné auquel Adrian répondit par un discret sourire.
- Allons allons, il ne s'agissait là qu'une banale discussion.
- Pour l’instant. Johan avait-il toujours été aussi insupportable ou l’alcool accentuait-il ce trait de sa personnalité ? Vous savez déjà où aura lieu votre rendez-vous ? Si j’étais vous, je choisirai un endroit où l’on peut danser, les femmes adorent danser. D’ailleurs si vous avez besoin de conseils…

Adrian jeta un coup d’oeil à un peu gêné en direction de Cole avant de répondre.

- Pourrions-nous éviter d'étaler ma vie privée Johan ?

Encore une fois, Johan passa de la joie la plus sincère à la déception la plus amère. Malgré son état, il semblait encore parvenir à comprendre lorsqu’il était sur le point de franchir une limite.

- Oh. Oui, bien sûr…
- La soirée a t-elle été à la hauteur de vos attentes ? demanda brusquement Cole à Adrian, cherchant visiblement à dévier la conversation dans une direction moins gênante.

Il ne pensait pas que son salut viendrait de cet inconnu qu’il n’avait pas réussi à sonder totalement depuis le début de cette soirée. Cole donnait l’impression de s’amuser de tout, mais en particulier des réactions d’Adrian, aussi le voir écourter une distraction comme celle qui venait de se jouer était surprenant.

- Milon est digne de sa réputation d'hôte selon moi. Je ne regrette pas d'avoir finalement accepté son invitation.
- Et dans votre situation, il est important d’avoir des alliés aussi influents. À votre place, j’aurais également accepté de jouer le jeu… Nul doute que cela vous sera profitable dans le futur.
- Profitable dans le futur vous dites…, répliqua Adrian, soudainement intrigué. Faites vous partie de ceux qui pensent que je cours un risque à être finalement libre ?
- Le seul risque que vous courrez, c’est de placer votre confiance dans les mauvaises personnes.

Cela sonna presque comme une menace aux oreilles d’Adrian qui resta impassible avant de boire une gorgée de son verre.

- Aux vues des évènements récents, j'ai peine a m'imaginer accorder ma totale confiance à qui que ce soit.
- Je ne peux vous en tenir rigueur mais il n’y a qu’en acceptant de saisir une main tendue que vous pourrez savoir si celle-ci est couverte de sang.
- Il n'est pas exclu de faire preuve de prudence. L'observation est un don bien trop souvent gâché par la précipitation.

Les deux hommes se jaugèrent du regard devant un Johan totalement incapable de saisir ce qui se jouait devant lui. Une partie de lui semblait pourtant assez lucide pour réaliser que le ton qu’ils employaient n’était pas vraiment compatible avec l’ambiance festive qui régnait dans la demeure de Milon.

- Allons, vous êtes bien macabres tous les deux…, fit-il remarquer presque timidement dans l’espoir de les voir se dérider un peu.
- Loin de moi l’idée de gâcher la soirée.
- Je suis sûr que Madame de Richefer ne vous en voudra pas de vous amuser un peu, Cole.
- Qui vous dit que ce n’est pas déjà le cas ?
- Vous êtes aussi sobre qu’un Ascanien !

Cole fronça les sourcils et jeta un regard presque hostile dans la direction de Johan ; visiblement, être comparé à un Ascanien ne lui plaisait pas beaucoup.

- Soit, allez donc me chercher un verre, ordonna t-il tout à coup avec une autorité qu’Adrian fut surpris d’entendre dans la voix d’un simple gratte-papier.

Comme s’il venait de gagner un combat d’arguments avec le mystérieux Cole, Johan s’empressa d’accéder à la demande du jeune homme, laissant l’apothicaire seul avec ce curieux personnage. Lorsqu’il fut assez loin, ce dernier reporta son attention sur Adrian et lui sourit avec assurance.

- C’est un grand bavard, votre ami. Il parle vraiment beaucoup lorsqu’il a un peu bu...
Adrian Mayr
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Ven 12 Aoû - 19:14
Voir Johan s'éloigner n'enchanta guère Adrian. La simple écoute du court échange entre les deux hommes avait laissé s'immiscer chez lui une forme de scepticisme quant au comportement de Cole vis-à-vis de Johan. Certes, le médecin n'était plus apte à faire fonctionner son cerveau correctement, mais était-ce là une raison pour qu'il s'active face à une phrase dénuée de toute forme de politesse? Le ton ferme et imposant de Cole dans cette situation ne manqua pas d'intriguer l'apothicaire, étonné de voir une personne ne se plaçant pas en meneur d'homme parvenir à s'imposer avec tant d'aisance. Il n'émit cependant aucun commentaire dans ce sens et écouta attentivement les dires de son interlocuteur.

- C’est un grand bavard, votre ami. Il parle vraiment beaucoup lorsqu’il a un peu bu...

Le manque de respect allié à un commentaire pouvant être interprété comme désobligeant tiqua quelque peu l'humeur d'Adrian. Certes, Johan avait la fâcheuse tendance de s'étendre sur tout et n'importe quoi lorsqu'il se retrouvait en état d'ébriété, mais Adrian décela une certaine condescendance qui n'était pas sans lui rappeler un comportement qu'il n'appréciait guère chez les Amaranthis. Conscient malgré tout qu'il était parfois trop prompt à interpréter, l'apothicaire fit comme si de rien était et prit les dires de Cole comme un simple commentaire courtois.

- Il n'a pas besoin de boire pour être loquace, bien qu'il soit en effet particulièrement atteint ce soir. Il reste généralement de bonne compagnie.
- Une bonne compagnie, oui, si tant est que l’on aime les personnalités futiles. Ne m’en veuillez pas, mais je préfère de loin la vôtre.

C'était donc bel et bien une forme de condescendance. Adrian fronça légèrement les sourcils face à cette insistance, mais garda totalement son calme malgré tout.

- Je suis flatté de l'apprendre, mais vous ne devriez pas juger Johan trop vite, il reste quelqu'un de brillant dans son domaine.
- Lui confieriez-vous la vie d’un proche si vous n’étiez pas médecin vous-même ?

Ce n'était pas la première fois de la soirée qu'une désagréable sensation de jugement s'emparait d'Adrian lorsqu'il s'adressait à Cole. Comme si chaque phrase qu'il prononçait était susceptible de l'entraîner dans un débat aux allures piégeuses. Grand absent des soirées mondaines, Adrian restait un Amaranthis, et Cole n'était certainement pas le premier à agir ainsi avec lui.

- Si je le faisais, j'aurai au moins l'impression que le dit proche ne risquera pas de devenir un sujet d'expérience pour érudit détraqué. Lacha Adrian sans animosité, avant de prendre une nouvelle gorgée de son verre.

Cole croisa les bras sur sa poitrine avant de toiser Adrian d'un air sérieux.

- Et qu’est-ce qui vous rend aussi sûr de vous, Adrian ? Cette idée vous répugne tellement que vous préférez la nier totalement ou avez-vous quelque chose de tangible auquel vous raccrocher ?
- Je n'ai nulle certitude sur le sujet, et prétendre le contraire ferait de moi un bien piètre médecin. Qui sait, peut-être que providence me guide vers des choix de vie plus radieux?

Une pointe d'ironie évidente résonna dans la seconde phrase d'Adrian. Si Cole aimait l'entraîner sur son terrain, Adrian eut la grande satisfaction de voir que son interlocuteur n'était pas non plus impassible face à certaines mentions. Par deux fois déjà, Cole avait exprimé un certain rejet face à la mention du peuple Ascanien. Était-ce simplement à cause d'un héritage culturel fortement ancré en lui, ou bien était-il de ceux ayant vécu de mauvais souvenir au contact des Ascaniens?

- Laissez ces inepties aux Ascaniens. Répondit-il finalement.

Cette phrase amusa presque Adrian, au point qu'il dut se retenir d'insister et de questionner Cole sur les raisons de ce froid rejet. Comprenant qu'il n'en tirerait rien, si ce n'est de faire basculer le dialogue dans l'animosité, il n'en fit rien et reprit finalement.

- Je trouve toujours amusant cette faculté à justifier l'inexcusable au nom d'une entité supérieure., mais je m'égare, pardonnez mon excès de zèle. Dit-il avec un semblant de légèreté avant de marquer une pause, Et vous Cole, en qui pensez-vous pouvoir avoir confiance ?
- Au risque de paraître arrogant, je n’ai confiance qu’en moi-même.

Une réponse aussi décevante que prévisible.

- C'est tout à votre honneur, ce doit-être une qualité dans votre métier ?
- Les principales qualités qu’exige mon métier sont la minutie et la discrétion. Je pense ne rien vous apprendre si je vous dis que l’on est amené à apprendre beaucoup de choses lorsque l’on se penche attentivement sur un livre de comptes ? Ce n’est pas très palpitant en apparence, j’en conviens...

Adrian hocha très légèrement la tête.

- Les écrits ne deviennent palpitant que lorsque l'on sait se les approprier, qu'il s'agisse de chiffres ou de lettres. Il est presque dommage que la discrétion soit un maître mot, je suis sur que vous feriez fureur en faisant le récit de vos plus épineux sujets.

Une nouvelle fois, la fin de la phrase de l'apothicaire fut teintée d'ironie. Cole émit un léger rire qu'Adrian interpréta plus comme une politesse qu'un réel amusement.

- Ce serait une gloire provisoire et plus aucun client fortuné ne me laisserait mettre le nez dans ses affaires. Répondit-il, faisant lentement disparaître son sourire. Non, vous savez ce qui intéresse réellement les gens ? Le récit de ce que vous avez vu ce jour-là, dans les profondeurs de la ville.

Un froid sembla s'installer entre les deux hommes, à l'image de l'expression sur leurs visages respectifs. Silencieux, Adrian porta son attention sur son verre. L'espace d'un instant, son esprit divagua au gré de l'ondulation circulaire qu'il venait de créer d'un geste vif. Ses yeux émeraudes observèrent la surface agitée du liquide telle une porte ouverte sur l'esprit et le tumulte qui y régnait. Volontairement, il enterra au plus profond de sa tête les dizaines de questions qui menaçait de jaillir face à la démarche de Cole d'aborder soudainement le sujet de manière si abrupte. L'Amaranthis ne releva la tête que lorsque le calme revint, désormais certain d'avoir écarté un risque de perdre son sang froid. Lorsqu'il reporta son attention sur Cole, il paraissait toujours aussi impassible.

- Rien de plus qu'une armée de gardes prête à m'arrêter pour ne pas avoir emprunté le même chemin qu'eux vers les coupables. Croyez-moi, le récit d'un survivant resté en surface serait probablement bien plus palpitant pour nourrir la curiosité morbide qui nous anime tous.

Il n'y put rien, mais l'image de la créature la plus horrible qui lui ait été donnée de rencontrer refit surface dans sa tête, suggérant à Adrian son odeur pestilentielle et l'imminence du danger de mort qu'il avait ressenti à l'époque.

- Vous devez terriblement en vouloir au Conseil pour ce simulacre de procès… Vous rendre votre liberté tout en insinuant auprès du reste du monde que vous n’êtes peut-être pas aussi innocent que vous le clamez… Heureusement j’ai entendu dire que vous aviez obtenu le soutien du gouverneur lui-même. Un allié insoupçonné, n’est-ce pas ?

Adrian tiqua sur les propos de Cole, sentant l'hostilité monter dans son esprit. Les propos que venait de tenir Cole n'étaient pas connus de tous, du moins c'est ce que l'apothicaire croyait encore jusqu'à aujourd'hui. Ou alors il était devenu - sans s'en rendre compte - une cible première pour d'innombrables rumeurs dont il n'avait guère connaissance, ce qui n'était guère mieux que de s'imaginer qu'un semblant de vérité puisse divaguer au gré des bouches d'éminents représentants Amaranthis. Plus la conversation avançait, et moins Adrian ne trouvait Cole à sa place dans son métier de gratte-papier, à moins qu'il n'ait sous estimé l'influence d'une personne officiant dans l'ombre de notables.

Soudainement plus froid, Adrian reprit le fil de la conversation sans perdre de temps.

- Je n'ai pas de temps à perdre à chercher à blâmer la justice, encore moins si je souhaite faire taire les rumeurs sur ma culpabilité.

L'apothicaire marqua une pause, et son regard se durcit, sans forcément que cette expression ne soit directement adressée à Cole.

- J'ai été victime de mon propre procès, ma défense n'avait aucune valeur et je ne dois mon salut qu'à une intervention tierce. En revanche, je n'ai guère eu vent d'une quelconque intervention du gouverneur en personne, n'est-ce-pas là un bruit de couloir si cher à notre remarquable société ?
- Alors, vous ne l’avez pas rencontré ? Intéressant…murmura-t-il presque pour lui-même. Toutefois, vous avez forcément rencontré son Corbeau, sinon vous ne seriez pas devant moi ce soir. Je ne puis vous blâmer d’avoir saisi la main qu’on vous a tendu, mais vous vous rendrez bientôt compte à quel point celle-ci est couverte de sang.


Son corbeau...Les mots firent écho aux souvenirs d'Adrian. S'il n'avait pas entendu le terme une seule fois, il ne lui fallut pas réfléchir bien longtemps pour que son esprit fasse un lien immédiat avec une personne. Cole parlait d'Erzebeth, il ne pouvait en être autrement. Le froid qui semblait s'être installé devint encore plus intense, couvrant un peu plus les sons d'ambiance qui parvenaient encore aux oreilles d'Adrian. Cette ambiance pesante ne fut guère atténuée par le fait que Cole avait occulté la question d'Adrian comme s'il ne croyait pas vraiment en la véracité de son interrogation. Tout chez l'homme semblait tout à coup savamment mesuré, du choix des mots à l'intonation, et une vive impression de malaise vint s'additionner aux nombreux désagréments que ressentait l'apothicaire à cet instant.

Avant qu'il n'ait pu ne serait-ce que s'engager dans une réponse, Johan débarqua brusquement, un verre à la main, ne semblant pas réaliser l'importance de la conversation qui se déroulait devant ses yeux.

- Cole, votre verre, pardonnez-moi pour ce délai mais figurez-vous que j’ai…
- Ça ira. Répondit l'Amaranthis avec impatience. De toute façon, j’allais partir.
- Mais…

La phrase de Johan mourut dans sa gorge lorsqu'il vit Cole déjà en train d'amorcer quelques pas pour s'éloigner. S'il ne faisait plus du tout attention à Johan, il continua d'observer Adrian un instant de plus. L'apothicaire ne décrocha pas non plus le regard, témoignant sans se cacher le soudain intérêt qu'il avait pour cette conversation, aussi périlleuse qu'elle ait semblé être.

- Saluez donc notre amie commune de ma part.

Lorsque Cole s'en alla finalement, Johan poussa un profond soupir en regardant ce verre plein.

- Pas drôle la vie de comptable apparemment...

La tension que ressentait Adrian diminua rapidement lorsque son regard se posa sur Johan, incapable de filtrer la moindre émotion et témoignant par un équilibre précaire son ébriété avancée. Il poussa à son tour un long soupir, comme pour chasser un peu de sa frustration de ne pas avoir pu en savoir plus.

- N'être qu'un intermédiaire parmi nous l'a peut-être mit en émoi, ne soyez pas trop dur avec lui Johan. Dit Adrian d'un ton faussement détendu dans le but de ne pas s'étaler sur le sujet de sa conversation précédente.
- Si vous voulez mon avis, il a dû glisser sur un balais et il a vite besoin de voir un médecin. Rétorqua Johan, pouffant de rire suite à sa remarque.
- Un balais? Voir un médecin? Que voulez-vous d...Adrian s'interrompit en voyant le regard de Johan, soulignant qu'il était sur le point de rater une blague, Oh...Oui vous n'avez pas tort. Dit-il dans un sourire quelque peu forcé.
- Enfin ! Je ne vais pas laisser un rabat-joie me gâcher ma fin de soirée. Allons donc explorer les annexes de cette charmante demeure, qu'est-ce-que vous en dites ?

L'engouement de Johan était presque communicatif, mais l'esprit d'Adrian était déjà ailleurs. Il adressa tout de même un sourire à son confrère.

- Je crois que je vais rentrer, je commence à fatiguer, et une longue journée m'attend demain.
- Comme vous voudrez Adrian ! Répondit Johan avec entrain, comprenant qu'il ne servait à rien d'insister auprès de l'apothicaire.
- Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne fin de soirée.
- Vous de même Adrian, puissiez-vous dormir sur vos deux oreilles et trouver un peu de repos.

S'il fut intrigué par la formulation de la phrase, Adrian n'émit aucun commentaire, mais il prit tout de même la parole.

- Johan?  L'intéressé s'arrêta dans son demi tour pour tourner le regard vers son confrère. Prenez soin de vous.

D'un simple hochement de tête suivant une fugace expression de surprise, Johan sembla indiquer qu'il avait prit au sérieux l'ultime propos d'Adrian, comme s'il avait compris que cette banale phrase n'était pas uniquement une formule de politesse. L'apothicaire quitta les lieux quelques minutes plus tard.


Une semaine presque jour pour jour s’était écoulée depuis la soirée. S’il avait pu commencer à assembler les pièces de l’interminable puzzle de sa mission chez Milon, il ne pouvait pas en dire autant de ces derniers jours plein d’une morosité presque déroutante. Chaque fois que la porte avait tinté de l’impact qu’elle provoquait avec la clochette de l’entrée, Adrian s’était préparé à recevoir une visite plus ou moins importante n’ayant rien à voir avec une quête de préparation médicinales. Si ce constat se voulait rassurant pour son bien être mental, il ne l’était pas tant que l’apothicaire se trouvait incapable de décrocher ses pensées de ce fameux rendez-vous convenu avec la fille De Langret. Aussi charmante qu’ait été la jeune femme, l’Amaranthis se focalisait exclusivement sur cette possibilité d’approcher Aurélius, bien qu’il se forçait régulièrement à se rappeler qu’il ne pouvait pas ignorer complètement une jeune femme au caractère si direct que celui de Marielle. Chaque jour approchant de la date butoir avait été source d’appréhension et d’impatience.

Le jour venu, Adrian s’arrangea pour fermer boutique plus tôt et ainsi sortir Whisper en avance, ce qui ne manqua pas d’interloquer la boule de poil habituée à dormir avant de venir quémander son heure de promenade quotidienne. Il prit ensuite un long moment pour se rafraîchir de la chaleur encore quelque peu écrasante de fin d’après-midi et se préparer pour la soirée. Il opta pour une tenue sobre qui n’en était pas moins élégante, dans des tons sombre et quelques décoration de sa couleur habituel, un vert émeraude assorti à ses yeux.

Il quitta ensuite le Lys d’Argent, non sans s’assurer de quelques sécurité supplémentaires au niveau des fenêtres. Il vérifia une dizaine de fois au moins que la porte était bien fermée également, avant de scruter discrètement les alentours de sa maison, comme s’il avait été capable de déceler un potentiel danger. L’idée de laisser Whisper seul ne l’enchantait jamais, mais c’était encore plus vrai lorsqu’il partait pour des raisons importantes impliquant sa mission.

La fraîcheur gagna les rues les moins exposées, ravivant l'énergie des passants et annonçant peu à peu le début des hostilités festive typiques des soirées Amaranthis. Adrian passa de rues en rues sans traîner, laissant son instinct le guider au travers de ce quartier qu’il ne connaissait que trop bien. Par chance, il ne croisa personne qu’il connaissait personnellement, ou pas suffisamment pour qu’il ne se fasse interpeller, ce qui l’arrangea grandement, lui permettant ainsi de rester concentré sur la soirée à venir. Malgré cet attrait naturel pour la rumination mentale, il se força à ne pas partir dans de grandes théories quant au déroulé de ladite soirée, histoire de ne pas complètement inventer un scénario susceptible de ne jamais arriver.

Adrian arriva finalement devant une grande bâtisse aux toitures sombres et pentues, surmontées de pointes de cheminées. S’il existait une base centrale à la demeure, elle était difficile à deviner lorsque l’on regardait le bâtiment dans son ensemble. Si la grande porte centrale voûtée n’imposait pas sa présence aux visiteurs, il aurait été difficile de deviner qu’il s’agissait là d’une seule et unique maison. De grandes portes fenêtres également voûtées en leur sommet habillaient la façade latérale, tandis qu’une tour de trois étages surplombait l’entrée tout en étant elle-même entourée de deux annexes plus petites d’un étage. Adrian observa un moment l’architecture du lieu non sans une pointe d’admiration. Si elle paraissait quelque peu austère dans l’obscurité, les lumières intérieures aux couleurs chaudes émanant des larges fenêtres de certaines pièces donnaient au moins un aspect sécuritaire et presque accueillant à l’intérieur de la demeure.

L’apothicaire prit quelques longues inspirations tout en contemplant les lieux, se demandant s’il était vraiment prêt pour ce qui allait se passer ce soir. Plusieurs voix s’élevèrent dans sa tête pour formuler une réponse mentale à cette interrogation. Il se força à les faire taire, pas vraiment satisfait d’entendre la vérité. Il ne s’attarda pas plus longtemps à l’observation et prit le heurtoir doré dans sa main, frappant celui-ci contre la lourde et massive porte d’un geste appuyé, avant de finalement attendre que quelqu’un vienne ouvrir.
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Ven 12 Aoû - 23:45
Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour entendre le loquet derrière la porte avant que le battant ne pivote sur ses gonds dans un grincement sinistre ; visiblement, il était attendu. Dans une demeure de ce prestige, il était de coutume d’être accueilli par un majordome, un rôle très souvent tenu par un homme d’âge mûr, à l’image de Hans, dont la fidélité à la famille qu’il servait avait été éprouvée au fil des années. Cette fois, en plus d’être bien plus jeune et bien plus féminin, le visage qui l’accueillit fut tout sauf inconnu pour Adrian : elle avait beau porter tous les atours d’une simple servante, il était impossible pour lui de confondre la jeune femme blonde qui s’était invité au Lys d’Argent il y a de cela une semaine avec qui que ce soit d’autre.

Elle n’osa aucun sourire dans sa direction et se contenta d’ouvrir la porte en grand devant elle en s’écartant pour le laisser entrer.

- Monsieur Mayr, je vous en prie, entrez, vous êtes attendu, s’écria t-elle assez fort, comme pour prévenir ses maîtres de son arrivée.

Une fois dans le hall, Adrian laissa promener son regard autour de lui. De ce qu’il en voyait, la demeure n’était pas loin de lui rappeler le manoir dans lequel il avait grandi, quoi que le décor soit un peu moins chargé de plantes en tout genre – une lubie de sa mère qui ne manquait jamais de faire son petit effet auprès des invités. La version qu’il avait sous les yeux était un peu plus austère, même si elle n’était pas dénuée de charme, mais Adrian savait que le propriétaire des lieux avait choisi de mener un train de vie en deçà des standards de la noblesse Amaranthis et qu’elle avait sûrement été plus richement meublée et décorée du temps où Aurélius exerçait encore sa profession.

- Ce n’est pas du tout ce que vous pouvez imaginer, souffla la jeune femme dont il ignorait toujours le nom lorsqu’il reporta son attention sur elle. Elle abdiqua très vite quand elle croisa son regard inexpressif, qu’elle interpréta peut-être comme une désapprobation. Bon, d’accord, c’est exactement ce que vous imaginez.

Il l’avait senti dès son départ du Lys d’Argent ; cette femme n’avait jamais eu aucune intention de se tenir à l’écart comme l’avait souhaité Erzebeth et de ne rien tenter par elle-même comme il le lui avait demandé.

- S’il vous plaît, vous ne me connaissez pas, vous ne m’avez jamais vu, d’accord ? lui demanda t-elle, suppliante, comme si elle imaginait déjà qu’il puisse sciemment trahir son identité lors de cette soirée. Il n’eut hélas pas le temps de la rassurer.
- Nina ! Vous n’avez pas proposé à notre invité de le débarrasser ?

Les inflexions autoritaires dans la voix de Ravena qui les observait depuis l’autre bout du couloir firent remonter un frisson d’effroi le long de la colonne vertébrale de la pauvre servante.

- Pardonnez-moi, ma dame. Monsieur Mayr, si vous permettez…

Elle l’aida à ôter sa veste et il constata avec soulagement que les vieilles pierres de la bâtisse avaient conservé une fraîcheur assez agréable en ce début d’été caniculaire. Et tandis qu’il sentait le regard lourd de Ravena peser sur eux, il oublia l’idée de glisser un mot ou deux à la jeune femme avant de rejoindre l’hôte des lieux.

- Veuillez l’excuser, elle n’est là que depuis quelques jours, lui confia la maîtresse de maison tout en l’invitant à entrer dans un petit salon où la famille avait probablement l’habitude de prendre le thé. Il aurait pu rétorquer qu’il n’y avait aucune offense mais visiblement, Ravena avait beaucoup de mal à accepter que son personnel puisse entacher sa réputation d’une façon ou d’une autre. C’est un plaisir de vous revoir, Adrian.

Encore une fois, il ne put s’empêcher de remarquer que cela ne devait pas vraiment être le cas.

- Je sais que l’offre que vous avez faite chez Milon ne concernait que ma fille mais… Je me disais que ce serait agréable de dîner tous ensemble ce soir. Je me rends compte que nous n’accueillons que très rarement des visiteurs ici et votre compagnie s’est révélée tout à fait agréable.


Pas besoin d’être un génie pour voir qu’elle le flattait uniquement pour qu’il n’oppose aucune résistance. Pour l’instant, ils n’étaient que tous les deux dans le petit salon, mais il s’attendait à voir arriver la fille De Langret d’un instant à l’autre. Devait-il accepter la proposition de Ravena quitte à décevoir les attentes de sa fille concernant un rendez-vous en tête à tête pendant lequel elle n’aurait plus sa mère sur le dos ? Ou bien accepter en espérant croiser Aurélius ? Était-il seulement présent ce soir ?
Adrian Mayr
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Sam 13 Aoû - 2:37
Adrian salua cette idée qu'il avait eu - et trouvé un peu stupide de prime abord - de travailler le contrôle de ses émotions et de sa respiration. Quitte à sacrifier involontairement du temps de sommeil, il s'était finalement convaincu que le mettre à profit allait minimiser ce mal être qui parfois le tiraillait des heures durant, sous couvert de l'abîme nocturne. L'exercice n'avait pas été une partie de plaisir, faire face aux réactions psychosomatiques de son corps lorsque l'on sort tout juste d'un cauchemar se révélait insurmontable sur l'instant. Au fil des heures à fuir le sommeil, l'Amaranthis en était même parvenu à se placer dans un état de stase aux abords du pays des songes, suffisamment près pour reposer son corps et son esprit, et à distance raisonnable de ses démons. Toute cette expérience avait cependant renforcé cette désagréable impression de guider sa vie sur la corde raide d'un funambule.

S'il s'en félicita intérieurement, ce fut bien car l'impassibilité qu'il parvint à afficher à celle qui lui ouvrit la porte sembla totalement crédible si l'on en jugeait les réactions de la jeune femme blonde qu'il ne pensait pas voir apparaître dans son champ de vision, ici et maintenant. Déjà crispé par la potentielle longue soirée qui l'attendait, l'apothicaire fut encore plus secoué de devoir assimiler la présence de la blonde dans la demeure De Langret. Son mutisme et sa neutralité face à la situation lui apportèrent même une inattendue réponse de la part de la prétendue servante. Il prit soin de retenir chaque mot qu'elle prononça, toujours en silence, conscient désormais que cette femme, aussi précieuse puisse-t-elle être dans une histoire comme celle-ci, se révélait également un facteur d'aléatoire pouvant mener à devenir même un élément perturbateur. S'il repensa à l'intérêt qu'il avait eu pour les servant et l'invisibilité de ceux-ci chez Milon, donnant ainsi du crédit aux propos qu'elle lui avait tenu, il en vint à nouveau à les remettre en question en la découvrant ici ce soir...

Sauvé des apparences par son mutisme, il n'eut à cause de ça pas le loisir de lui dire quoi que ce soit, ne répondant ainsi pas à la question de la jeune femme avant que finalement Ravena ne fasse son apparition, toujours aussi autoritaire qu'à l'accoutumé. Il n'eut pas le loisir de croiser son regard pour tenter de lui communiquer un signe discret, tant elle semblait ne pas vouloir risquer quoi que ce soit en gardant sa tête basse. Soit, peut-être aura-t-il l'occasion d'agir plus tard.

Adrian s'avança dans le salon indiqué par la maîtresse de maison, profitant non sans soulagement de la fraîcheur conservée de la maison aux épais murs de pierre. Le ton que Ravena employait avec lui ne le surprit guère, il était identique aux derniers échanges qu'ils avaient pu avoir chez Milon.

- Je sais que l’offre que vous avez faite chez Milon ne concernait que ma fille mais… Je me disais que ce serait agréable de dîner tous ensemble ce soir. Je me rends compte que nous n’accueillons que très rarement des visiteurs ici et votre compagnie s’est révélée tout à fait agréable.

Et ainsi Adrian se trouva face à un choix qu'il aurait préféré éviter, probablement pas le seul auquel il serait confronté ce soir d'ailleurs. Si l'on se basait sur l'étrange hostilité qui animait Ravena à l'égard d'un rapprochement entre Marielle et Adrian, il n'était pas difficile d'imaginer que cette invitation - aussi polie qu'elle soit - n'était pas sans cacher une tentative d'éviter que les deux jeunes gens ne se retrouvent en privé. Adrian prit quelques secondes pour réfléchir, feignant de s'avancer dans le salon pour y observer les subtilités avant de répondre à son interlocutrice, un délai qui rendait sa gestuelle et son attitude très théâtrale, et si cela ne dura que quelques secondes, elles en parurent de longues minutes pour l'apothicaire.

Certes, accepter un dîner dont l'intitulé était "tous ensemble" s'avérait une offre intéressante. Cependant, il n'avait aucune garantie qu'Aurélius soit comptabilisé dans l'appellation. Adrian se doutait également que Marielle ne verrait pas d'un bon œil de se faire spolier son rendez-vous au profit d'un diner de famille décidé par sa mère. Se retrouver en privée avec l'héritière De Langret était une option intéressante également, si l'on considérait le franc parler de la jeune femme, mais Adrian s'imaginait difficilement être dans les bonne grâce de la famille s'il commençait d'ores et déjà à désobéir à la matrone De Langret. Qui plus est, peut-être pourrait-il jouer de cette déception pour convaincre la jeune femme de reporter leur entrevue à un autre moment, et peut-être plus à l'abri du regard de sa mère, si cela était possible. Finalement, les options qui s'offraient à lui n'étaient pas si vastes que cela, et il se devrait de faire face à quelques désagréments, quoi qu'il arrive.

Adrian se tourna vers Ravena avec une gestuelle mesurée et élégante, lui adressant un sourire poli.

- Je vous remercie pour votre accueil Ravena. Je dois avouer que j'avais presque peur de m'imposer avec cette histoire de vente aux enchères.

Il remarqua une lueur fugace passer dans le regard de son interlocutrice. Adrian savait que la mère De Langret venait de se retenir d'exprimer son ressenti face aux propos d'Adrian. Si elle se l'était permis, probablement qu'elle aurait confirmé ses dires. L'apothicaire parvient à faire abstraction de cette tension qu'il ressentait pour rester concentré sur la situation présente.

- Pour ce qui est du dîner, je ne suis pas contre l'idée. J'espère en revanche que Marielle ne sera pas contrariée de ce léger changement si elle s'attendait à une soirée en tête à tête.

Adrian marqua une nouvelle pause et fit mine de s'intéresser quelques secondes aux détails d'un élément de décoration non loin de lui. A nouveau il se doutait que Ravena n'était pas à son aise avec les propos qu'il tenait, surtout lorsqu'il avait mentionné un tête à tête entre lui et la fille de celle-ci. Malgré tout, il s'imaginait assez bien que tout cela n'avait rien de personnel et qu'elle semblait essentiellement préoccupée par le fait d'éviter que Marielle ne brille à nouveau par sa manie de mettre les pieds dans le plat. Lorsqu'il reporta son attention sur elle, il vit également qu'elle paraissait plus détendue, soulagée qu'Adrian ne proteste pas. L'apothicaire se fendit d'un nouveau sourire poli, trait pour trait le même que précédemment.

- Je trouve même votre idée très bonne, voilà de nombreuses années que je n'étais pas venu ici, et revoir votre famille après tant de temps me donne satisfaction.

Il marqua une nouvelle pause, mais ne laissa pas le temps à Ravena de répondre avant d'ajouter quelque chose.

- Excusez-moi de vous demander cela mais, pourriez-vous m'indiquer un endroit pour que je me lave les mains? Dit-il en les frottant l'une contre l'autre, cette chaleur dehors est assez désagréable et j'ai l'impression de devoir m'en débarrasser en les passant dans l'eau froide.

Si cette simple manœuvre pouvait lui permettre de s'éclipser le temps de quelques précieuses minutes, peut-être qu'Adrian aurait l'opportunité de glisser un ou deux mots discrets à la prétendue servante. Même s'il n'envisageait pas de se risquer à la chercher dans chaque recoins de la demeure, il considérait que simplement la rassurer sur le fait qu'il ne dirait rien pouvait être un message important à lui faire passer, encore plus s'il voulait profiter lui aussi des informations qu'elle serait capable de lui fournir. Malgré tout, il garda en tête que la moindre contrariété dans ce plan le mènerait à abandonner toute tentative, tant le risque de tout gâcher lui paraissait trop grand.
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Mar 16 Aoû - 22:42
En accédant à sa requête, Adrian sentait qu’il venait de gagner quelques points auprès de la dame de Langret, comme en témoignait son sourire satisfait. À défaut de pouvoir contrôler tous les faits et gestes de Marielle, Ravena semblait au moins vouloir la surveiller ; était-ce parce qu’elle considérait qu’un rapprochement entre leurs deux familles était une mauvaise chose ? Que la jeune femme avait la langue un peu trop bien pendue ? Ou que la mère qu’elle était avait l’intuition qu’il ne s’intéressait pas vraiment à sa progéniture et qu’elle tentait maladroitement de la protéger ? Une chose était sûre : pour se mettre la mère dans la poche ce soir, mieux valait éviter de se montrer trop proche de la fille.

- Bien sûr, répondit Ravena, visiblement plus détendue maintenant qu’il avait fait preuve de docilité. Nina !

La servante apparut derrière eux comme si elle avait toujours été là. Cette faculté qu’avaient les domestiques pour se rendre totalement invisibles lorsqu’on ne les sollicitait pas était presque surnaturelle.

- Veuillez montrer à monsieur Mayr où se trouve la salle d’eau.
- Bien, ma dame.

La dénommée Nina – il doutait que ce soit son véritable nom – se fendit d’une légère révérence avant de l’inviter à la suivre d’un geste. Elle semblait étrangement dans son élément ; il n’aurait jamais pu suspecter que la femme qui était venue le voir au Lys d’Argent il y a une semaine soit capable de cacher quoi que ce soit à quelqu’un, pourtant force était de constater qu’elle exécutait son rôle parfaitement et qu’elle ne laissait jamais rien transparaître même lorsqu’elle posait les yeux sur lui. Le masque de neutralité qu’il revêtait en permanence lui permit heureusement d’en faire autant.

Il ne lui adressa pas la parole immédiatement, s’assurant d’abord qu’aucune paire d’oreilles curieuses ne traînait dans les parages. Nina le conduisit au bout d’un long couloir, leurs pas étouffés par des tapis persans un peu délavés, et lui indiqua la fameuse salle d’eau sans pour autant en franchir le seuil. Il profita de ce moment pour la rassurer, alors que le silence pesait tout autour d’eaux.

- Je ne vous ai jamais vu, je ne vous connais pas. En échange, et vu que vous êtes là, j'espère pouvoir compter sur vous si jamais quelque chose m'échappe ce soir. Et si vous pensez avoir quelque chose à me communiquer pour… tout ça, arrangez-vous pour me communiquer l'information ailleurs que chez moi, s'il vous plaît.

Elle hocha simplement la tête sans rien répondre. Ne lui avait-elle pas proposé son aide après tout ? Il savait qu’à travers lui, c’était Erzebeth qu’elle voulait aider, mais puisqu’elle avait été évincée par la brune, elle ne pouvait rien faire d’autre que s’en remettre à lui.

Elle le laissa se rafraîchir dans la salle d’eau sans rien ajouter de plus et l’attendit patiemment pour le guider à nouveau dans le petit salon. Comme elle ne chercha pas à communiquer avec lui sur le trajet, il se demanda si elle avait simplement eu peur qu’il se perde ou si elle avait reçu la consigne de ne pas le laisser se balader seul dans cette grande demeure. Connaissant Ravena, la seconde option était la plus vraisemblable.

- Adrian !

Ils n’avaient pas tout à fait regagné le petit salon que la voix de Marielle le stoppa dans sa course tandis qu’elle finissait de descendre les marches du grand escaliers qui jouxtait le couloir. Il s’était plusieurs fois demandé ce qu’elle avait pensé de lui après leur ultime échange chez Milon mais le sourire qu’elle lui adressa dissipa tous les doutes qu’il aurait pu avoir : elle était heureuse de le revoir. Il ne put s’empêcher de remarquer la très jolie robe qu’elle portait, un choix de toilette qui n’était probablement pas étranger à sa venue.

- Alors, avez-vous choisi l’endroit où vous allez m’emmener ce soir ? Par pitié, ne me laissez pas la surprise, je déteste les surprises, lui dit-elle dans un sourire alors qu’elle arrivait à sa hauteur.

Elle qui semblait si heureuse d’échapper le temps d’une soirée à sa mère et à son quotidien allait sûrement vite déchanter lorsqu’il lui annoncerait la nouvelle.
Adrian Mayr
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Jeu 18 Aoû - 1:48
Bien qu'il sache pertinemment que Nina n'était qu'un nom d'emprunt, Adrian se satisfaisait de pouvoir mentalement poser celui-ci sur le visage de la blonde lorsqu'il ruminait l'éventualité de faire appel à elle. Éventualité qui avait d'ailleurs été forcée ce soir par le fait qu'elle ait pris les devants. S'il n'était pas serein quant à cette initiative, il ne s'accorda aucune légitimité à être l'acteur principale de cette fastidieuse entreprise dans laquelle ils étaient tous les deux embarqués. Si l'on faisait fi de son ascendance lui offrant la possibilité d'enfoncer des portes restées closes depuis trop longtemps, Adrian n'en restait pas moins un rouage installé dans un mécanisme qui le dépassait encore. Ce constat ne l'empêcha cependant pas de s'armer de prudence, tant au contact de la prétendue servante que face à ses futurs interlocuteurs.

Il ne profita guère longtemps du silence qu'ils observèrent sur le retour vers le salon. Rappelé à la réalité par une voix qui devenait presque déjà familière, Adrian se força de sourire lorsque Marielle se dessina dans son champ de vision. La tenue de soirée qu'elle portait n'arrangea en rien l'appréhension que l'apothicaire avait depuis sa brève conversation avec Ravena. Il dissimula comme à son habitude ses doutes derrière son masque de neutralité. Il s'efforça même pour une fois à rester avenant dans sa façon d'être.

- Alors, avez-vous choisi l’endroit où vous allez m’emmener ce soir ? Par pitié, ne me laissez pas la surprise, je déteste les surprises.

Le sourire d'Adrian disparut pour de bon, laissant place à un air contrarié qui n'était qu'à demi feint. Certes, dîner au manoir de Langret était bon pour ses affaires, mais Adrian se demanda s'il avait pris la bonne décision, étant donné qu'il n'avait dès lors aucune confirmation de la présence d'Aurélius à ce repas. Et puis, allait-il vraiment être suffisamment libre de parler à l'ami de son père sans éveiller trop de soupçon? Rien n'était vraiment sûr. Qui plus est, il savait d'ores et déjà que son choix contrarierait Marielle, d'une façon ou d'une autre. Ne se privait-il pas d'une discussion sur laquelle l'héritière De Langret en viendrait à aborder les plus épineux sujets en faisant tout cela ? Peut-être bien. Quoi qu'il en soit, ne pas brosser Ravena dans le sens du poil, et ce dès leur deuxième rencontre aurait été une potentielle erreur.

Face à ce dilemme, Adrian s'efforça de ne pas penser qu'il avait fait un mauvais choix. Quitte à se lancer sur un chemin, autant ne plus regarder en arrière en se questionnant sur ce que l'on avait raté au précédent carrefour.

Ne quittant pas son air désolé, Adrian poussa un profond soupir et parla calmement, sans excès de voix afin de s'éviter l'écoute indiscrète d'une mère trop protectrice.

- Marielle, vous êtes ravissante ce soir. Dit-il avant de marquer une pause, Je crains malheureusement que ce que j'avais prévu ait subi un changement.
- Oh ? Un changement ? Répondit-elle, plus intriguée que déçue pour le moment.

Adrian aurait presque espéré ne pas avoir à s'expliquer sur le dit changement, mais évidemment, jamais rien n'était simple quand il s'agissait de prononcer une décevante réalité à quelqu'un.

- Votre mère à...suggéré que nous pourrions rester dîner ici. Cela fait apparemment longtemps que vous n'aviez pas eu de visiteurs...

Il était évident dans le ton de la voix d'Adrian qu'il ne croyait pas lui-même à ce qu'il disait, mais c'était un peu le but recherché de son élocution. Ce n'était pas pour rien qu'il avait appuyé le mot "suggéré" d'ailleurs. Qui sait, peut-être eût-elle été moins contrariée si elle comprenait qu'Adrian n'avait pas eu son mot à dire dans l'échange avec sa mère sans qu'il n'ait à le justifier explicitement. Aux vues du froncement de sourcil et de cet air reflétant une volonté de le convaincre que ce n'était pas une bonne idée, Adrian comprit que ce ne serait pas si simple. Elle parut réaliser finalement qu'Adrian avait fait son choix.

- Et vous avez accepté.

Adrian hocha la tête avec un air déçu.

- Je crois qu'il n'aurait pu en être autrement, pour être tout à fait honnête avec vous. Je doute qu'un refus de ma part nous aurait permit de profiter d'une sortie ce soir.

Le visage désormais fermé, Marielle semblait beaucoup plus froide suite aux aveux de l'apothicaire.

- Oui, peu de personnes osent tenir tête à ma mère et… visiblement vous n’êtes pas l’exception.

Malgré l'évidente distance qu'elle venait de mettre entre eux, Adrian sentit que la jeune femme était malgré tout déçue, voire même blessée d'apprendre que sa soirée venait de tomber entre les mains de sa mère. S'il se devait souvent de mettre son empathie de côté, Adrian fronça les sourcils en se trouvant face à une situation qu'il aurait pu connaître si Jörgen avait encore été de ce monde. Tout comme Ravena, le père d'Adrian avait passé de nombreuses années à contrôler les faits et gestes de son fils, lui imposant son emploi du temps et traçant son avenir sans forcément le consulter. La principale différence restait peut-être que Jörgen ne faisait pas ça pour protéger Adrian, si tant est que l'Amaranthis ne se trompait pas en voyant Ravena comme une mère cherchant à couvrir sa fille de ses propres défauts et des nuisibles potentiels. Quoi qu'il en soit, le mal qu'il en ressortait présentait une déroutante similitude.

- Je viens pour vous ce soir malgré tout et cela ne change pas. Et si l'on veut espérer que ça ne soit pas la seule fois, il faudra visiblement traverser ce...contretemps.

Adrian crut percevoir que la jeune femme doutait de sa bonne foi, mais elle finit par hausser les épaules.

- Vous savez, je ne vous en tiendrai pas rigueur si vous me disiez que passer la soirée en tête à tête avec moi ne vous intéressait pas vraiment. Soyez juste honnête avec moi ; les gens manquent cruellement d’honnêteté, surtout dans notre milieu.

Cette main tendue appelant à l'honnêteté fut si tentante qu'une voix s'immisça dans la tête d'Adrian, prenant le dessus sur certaines pensées plus rationnelles. Sifflante et persistante, elle semblait essayer d'occulter complètement toute possibilité de raisonnement pour ne laisser place qu'à une volonté qu'Adrian tentait tous les jours d'enfouir au plus profond de lui.

Avouer, se confier sur tout ce qui lui arrivait, était devenu une envie qui en devenait irrépressible chaque fois qu'il sortait de son lit, tremblant et frissonnant tandis que son corps ruisselait de sueur. Systématiquement, il lui avait fallu plusieurs minutes, ne serait-ce que pour se calmer, puis plusieurs autres pour se rappeler les dires bien trop réalistes d'Erzebeth sur le fait qu'il était désormais engagé sur une route longue et solitaire. Bien sûr, il aurait pu faire fi de cet avertissement, laissant son libre arbitre décider, mais une part de lui savait à quel point il était périlleux de mêler les personnes les plus chères aux plus profondes ténèbres tapies au fond de son âme.

Dans l'absolu, Marielle ne lui tendait pas vraiment la main, ils n'étaient après tout pas beaucoup plus que des inconnus l'un pour l'autre en cet instant. Cela n'empêcha pas Adrian de se laisser bercer quelques secondes par cette voix interne qui le poussait à avouer à cette personne tout ce qu'il avait à cacher. Fort heureusement, la part rationnelle qui l'habitait depuis toujours parvint à reprendre le dessus, lui rappelant instantanément à quel point il aurait été une erreur de dévoiler quoi que ce soir, encore plus en plein cœur d'un lieux pouvant être la première clé vers les secrets qu'il recherchait. La voix mourut dans un sifflement qui lui parut durer une éternité, bien qu'elle ne lui fit garder le silence qu'une seconde de plus en réalité.

Sur le moment, il ne réalisa que l'idée de dévoiler la vérité à Marielle devint une option que son esprit garda soigneusement dans un coin de sa tête, que ça soit pour obtenir plus de réponse, ou simplement parce qu'une part de lui réalisait qu'il n'était pas forcément le seul porteur d'un héritage maudit menaçant à tout moment de devenir un fardeau trop lourd a porter. Revenant à la réalité après ces quelques secondes de silence, Adrian adressa à nouveau un sourire, plus discret.

- Si je n'avais pas eu la volonté de passer du temps avec vous, je me serais contenté de faire un don sans me prêter au jeu de Milon.

Adrian jeta un œil sur la côté, comme s'il s'attendait à apercevoir Ravena en train de les observer. Il reporta son attention sur Marielle la seconde qui suivit et reprit.

- Disons que je préfère ne pas entrer en conflit, encore moins lors de ma première visite. De nouveaux Adrian sourit, Mais j'ai peine à croire que votre mère vous suive partout, et étant donné que je ne conduis plus cette soirée, je vous dois encore un dîner.

S'il remarqua que cela ne sembla pas totalement convaincre la jeune femme, il n'aurait pu jurer qu'elle fut insensible à son discours non plus. D'un geste gracieux, Adrian invita la jeune femme à s'avancer, ouvrant lui même la marche vers la salle dans le salon dans lequel se trouvait encore Ravena. Quitte à ce qu'ils dînent tous ensemble, autant qu'Adrian se montre exemplaire auprès de l’ensemble des membres de cette famille.
Maître du Jeu
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Mar 23 Aoû - 21:02
La mine défaite et le regard éteint de Marielle ne passèrent pas inaperçus auprès de sa mère lorsqu’elle franchit les portes du petit salon en compagnie de l’apothicaire mais ce dernier n’aurait su dire si cette vision la contrariait ou la réjouissait tant ses micros expressions étaient contradictoires.

- J’imagine qu’Adrian t’a annoncé la nouvelle ?

Avec la grâce naturelle de ces femmes qui apprennent à apparaître sous leur meilleur jour en permanence, Marielle se laissa tomber dans l’un des deux divans disposés face à face. Le sourire qu’elle adressa à sa mère était plein d’insolence, tout comme le ton qu’elle adopta lorsqu’elle lui répondit.

- Oui, Mère, vous semblez avoir été très persuasive, comme toujours.
- Allons, ma fille, pondère un peu tes humeurs devant notre invité.

La tension aurait pu monter de quelques crans si Adrian n’avait pas déjà eu un aperçu de la relation tumultueuse qu’entretenaient Ravena et sa fille ; quelque chose lui disait que ce genre de scène était quotidienne dans la demeure de Langret et que le tempérament respectif des deux femmes ne pouvait que difficilement s’accorder trop longtemps. Il avait toutefois noté que Marielle n’osait jamais se rebeller pleinement face à sa mère, même lorsque celle-ci franchissait une limite, et que ce soir ne serait probablement pas une exception.

- Au moins Père aura d’autres sujets de conversation à aborder durant la soirée que nos éternels commérages, soupira Marielle avant de reporter son attention sur lui. Pour être tout à fait honnête, je crois qu’il ne nous a pas réellement prises au sérieux, Mère et moi, lorsque nous lui avons dit que vous viendriez ce soir.
- Mais je suis certaine qu’il sera très agréablement surpris de vous voir, Adrian, s’empressa d’ajouter Ravena pour dissiper tout malaise.
- Oui, j’en suis sûre, qui n’aime pas se voir imposer les décisions des autres...

Elle avait beau avoir parlé tout bas, elle ne put esquiver le regard noir que sa mère jeta dans sa direction, exactement comme l’on aurait jeté un couteau.

- Nina ? Voulez-vous bien prévenir mon époux que notre invité est arrivé ?
- Tout de suite, ma dame.

Difficile de savoir si le soulagement prenait le pas sur l’appréhension ou tout le contraire ; d’un côté sa rencontre avec Aurélius aurait bien lieu ce soir, de l’autre il n’était pas certain que l’ambiance électrique autour de lui soit propice aux confidences avec l’ancien rival de feu son père. Toujours debout dans le salon, il profita que les deux femmes dans la pièce soient trop occupées à s’adresser mutuellement des reproches pour s’intéresser à la décoration des lieux - ou plutôt faire mine de s’y intéresser, tandis que ses pensées convergeaient toutes vers la même personne : Aurélius de Langret

L’homme qui apparut dans l’encadrement de la porte quelques minutes plus tard était presque similaire en tous points au souvenir qu’il avait gardé de lui ; plus grand que la moyenne, des cheveux longs que le temps avait nuancé de gris et un regard acéré qui n’avait rien perdu de son intensité – les lunettes qu’il posait toujours loin de son visage pour pouvoir observer ses interlocuteurs par dessus donnaient parfois la désagréable impression d’être l’objet de son nouveau sujet d’études.

- Adrian.

La sobriété de la salutation aurait pu lui faire craindre que sa présence n’était pas une si bonne surprise mais très vite – après une légère hésitation - l’Amaranthis franchit la distance qui les séparait pour lui tendre la main. Et à cette seconde moururent toutes les craintes qu’il aurait pu avoir et tous les scénarios désastreux qu’il aurait pu imaginer. Acéré, le regard de l’homme qui lui faisait face l’était indubitablement, mais il en émanait surtout une chaleur, une bienveillance qu’il ne s’était pas attendu à voir.
Adrian Mayr
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Dim 28 Aoû - 0:21
Si Adrian comprenait de mieux en mieux l'aigreur de Marielle à l'égard de sa mère, se rappelant à certains de ses propres griefs familiaux passés, il n'en resta pas moins soulagé de voir qu'il pouvait se soustraire à la conversation. Comme de juste, l'esprit d'Adrian se mit presque instantanément à divaguer sur d'innombrables conjectures concernant l'arrivée d'Aurélius. Pendant un instant, il se demanda même s'il n'était pas en train de faire prendre à cette rencontre des proportions démesurées. Si une partie de lui pensait effectivement que c'était le cas, il n'en resta pas moins méfiant, trop peu désireux qu'il était de pêcher par excès de confiance.

- Adrian.

L'heure du face-à-face lui parut arrivé bien trop vite, mettant fin à ses ruminations et interprétations tandis que le regard acéré d'Aurélius l'observait. Face à cet homme, Adrian eut l'impression de retourner plusieurs années en arrière, tant il faisait partie d'un passé depuis longtemps révolu. Il s'était déjà interrogé vaguement sur ce qu'étaient devenus les proches de Jörgen, mais il n'avait évidemment jamais eu la volonté d'approfondir le sujet, et voilà qu'aujourd'hui le destin l'amenait face au plus éminent représentant de ces fameux proches. Des bribes de souvenirs bataillaient pour se faire une place dans les pensées de l'apothicaire, sans jamais qu'une ne prenne le pas sur les autres. Il avait vu cet homme un nombre incalculable de fois, à tel point qu'Aurélius lui paraissait identique à son souvenir. Pourtant, il réalisait à cet instant qu'une grande partie de sa mémoire concernant ce pan de vie n'était qu'une sorte de vague nappe brumeuse tapie au fond de sa tête. Quoi qu'il en soit, aucun souvenir spécialement négatif pouvant impliquer le rival de son géniteur ne lui revint en tête.

Satisfait de ne pas se sentir autant en déroute qu'il ne l'avait imaginé, Adrian parvint à rester stoïque à l'approche d'Aurélius, faisant étrangement écho à la sobriété qu'il lisait dans les yeux de son interlocuteur. Le plus surprenant arriva surtout ensuite, lorsqu'Adrian réalisa que le maître des lieux n'exprimait à son égard aucune hostilité ni de retenue particulière. Il observa une seconde la main qui se tendit vers lui, avant de croiser de nouveau le regard d'Aurélius. Cette vision diminua les quelques restes d'anxiété qui émanait de cette rencontre pour offrir à l'apothicaire un léger regain de confiance qu'il se promit de tempérer au mieux pendant la soirée.

Adrian ne fit attendre Aurélius guère plus de trois secondes avant de tendre lui aussi sa main et d'empoigner celle de son interlocuteur. Finalement, Adrian brisa le léger silence qui s'était installé et esquissa un discret sourire poli.

- Aurélius, je suis ravi de vous voir ce soir. Cela fait si longtemps.

Le maître de maison esquissa également un sourire, presque gêné.

- En effet. J’admets avoir été un peu surpris de savoir que vous seriez présent ce soir. Agréablement surpris. Dit-il sur un ton emprunt d'une certaine sincérité. Comment allez-vous ?

Aussi banale qu'était cette question et malgré le ton relativement bienveillant de son interlocuteur, Adrian ne put s'empêcher de contrôler la spontanéité de sa réponse, comme s'il risquait de s'aventurer dans une discussion piégeuse à la moindre question qu'Aurélius lui poserait. Il s'efforça tout de même de ne pas laisser planer un trop long silence.

- Bien, la vie reprend son cours malgré les quelques...désagréments que j'ai rencontrés récemment. Je me réjouis surtout d'avoir retrouvé ma demeure intacte d'ailleurs.

Voyant qu'Aurélius était attentif à ses dires et qu'il ne ferait pas un commentaire immédiat - un détail qu'Adrian trouva presque appréciable -, il reprit la parole.

- Et vous? Comment allez-vous ?

Une nouvelle fois, la banalité de cette question laissa mûrir dans son esprit des doutes quant au bien fondé de sa curiosité. Allait-il mettre en doute le bien fondé de sa visite sur une simple question courtoise, probablement pas, mais cela ne l'empêcha pas de l'envisager. Le léger froncement de sourcil qu'Adrian avait remarqué chez Aurélius lorsqu'il avait fait mention d'un désagrément ne vint en rien arranger ce faux apriori.

- Il ne fait pas bon d’être Amaranthis en ce moment mais j’imagine que j’ai été suffisamment discret ces dernières années pour que personne n’ait encore eu l’idée de venir fouiller ma demeure.

Difficile pour Adrian de ne pas tomber d'accord avec les propos que tenait Aurélius, surtout à propos du fait que son peuple n'était guère en odeur de sainteté ces derniers temps.

- Ce n’est plus de la discrétion, Père. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles vous seriez mort. Plaisanta Marielle, faisant réaliser à Adrian que les deux femmes avaient cessé leur rixe familiale.

La pression qu'Adrian ressentait sembla descendre d'un cran à nouveau, voyant qu'il avait vraisemblablement complexifié l'échange entre lui et Aurélius. Rassuré sur ce point, l'apothicaire n'en restait pas moins impressionné de constater à quel point le regard du maître des lieux ne semblait avoir rien perdu de son intensité, témoignant notamment d'une expérience de vie qu'il aurait été maladroit de sous-estimer.

- Les on dit filent plus vite que la vérité de nos jours, surtout au sein de nos plus bruyants représentants. Commenta Adrian tout en adressant un regard presque complice à Marielle. Ayant tendance moi-même à opter pour la discrétion, je serai bien mal avisé de juger votre choix.

- J’ai été attristé d’apprendre la décision du Conseil. Votre affaire était prospère et vos patients ne tarissaient pas d’éloges sur vous. J’aurais aimé vous apporter mon soutien mais… je ne suis pas sûr d’avoir l’influence nécessaire pour les faire changer d’avis.

Adrian apprécia les dires d'Aurélius, tant pour le témoignage de respect que lorsqu'il constata que celui-ci ne se comportait pas comme la masse de gens ayant souhaité faire un commentaire sur son histoire récente. Contrairement à eux, Aurélius présentait les faits et son ressenti d’une manière plus sincère que ce qu’Adrian avait l’habitude d’entendre au sujet de sa condamnation. La simplicité du propos et l’absence de commentaires désobligeant et foncièrement inutiles furent deux points que l’apothicaire apprécia particulièrement. Entendre cependant que la confiance qu'il avait gagnée auprès de ses patients n'était pas qu'une simple idée qu'il se faisait lui laissa un goût amer qu'il fut pénible d'ignorer. Ce constat le ramena à la triste réalité de cette liberté conditionnelle qu'était devenue sa vie. Une fugace expression déçue était d'ailleurs apparue sur son visage sans qu'il ne le réalise.

- Je suis sincèrement honoré de savoir que vous auriez eu l'intention de m'aider s'il avait été possible de changer cette décision. Aujourd'hui, je me réjouis de ma relative liberté, une chance qui n'a pas été donné à tout le monde.

L'apothicaire marqua une pause et fit disparaître toute négativité lisible sur son visage pour afficher cette assurance qu'on lui connaissait. Ne pas penser au dernier message de Lorenzo fut un véritable défi qu'Adrian ne put relever complètement, revoyant se dessiner dans sa tête l'écriture d'adieux de celui qui avait payé pour les crimes de leurs aïeux.

- Toutefois, je ne perds pas l'espoir que les choses évoluent et que je puisse exercer à nouveau, un jour. Accepter une fatalité n'est pas dans mon tempérament.

S'exprimer ainsi sur ses motivations aurait pu être un risque si l'on considérait le fait qu'Aurélius pouvait être devenu méfiant à l'égard de toute personne faisant irruption dans sa vie, encore plus lorsque ladite personne faisait autrefois partie de son histoire. S'il s'était réfugié dans l'ombre, ce n'était probablement pas pour rien. Pour autant, Adrian avait l'impression qu'il ne gagnerait rien de bon à tenter de se dissimuler derrière une argumentaire se voulant tangible et de fausses déclarations. Certes, il se devrait de faire quelques omissions quant à ses intentions, mais il y avait fort à parier que l'apothicaire se devrait de jouer un peu plus franc jeu qu'il ne l'avait imaginé au départ.
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Dim 28 Aoû - 2:50
Visiblement Aurélius appréciait ce qu’il entendait et un discret sourire vint étirer ses lèvres longtemps après qu’Adrian eût prononcé ces dernières paroles. Il manifesta une surprise polie lorsque Ravena confessa son odieux crime – à savoir piéger Adrian avec une invitation à dîner impossible à décliner – et l’apothicaire remarqua aussitôt le regard presque tendre qu’il adressa à sa fille.

- Cela ne te dérange pas, Marielle ?

Il vit cette dernière hésiter à répondre. Sans doute une partie d’elle souhaitait s’engouffrer dans la brèche tandis qu’une autre semblait réticente à l’idée de priver son père d’une compagnie qu’il avait étonnamment l’air d’apprécier.

- Non, Père. Adrian m’a promis un tête à tête une autre fois et je suis certaine que c’est un homme de paroles.

Le savait-elle ou voulait-elle s’en convaincre ? Difficile à dire. En tout cas elle semblait prête à lui pardonner de s’être laissé si facilement mener par le bout du nez par sa mère, au moins cette fois.

- Dans ce cas, passons à table, je vous prie.

Un tas de souvenirs entremêlés s’imposèrent à lui lorsqu’il franchit les portes de la salle à manger ; il avait été convié à de nombreux dîners dans cette même pièce avant de rassembler assez de courage pour refuser de venir à tous ces repas interminables qui avaient émaillé sa jeunesse, remplis de notables peu intéressants qui étaient supposés remplir son futur carnet d’adresses. Il n’en eut pas vraiment conscience mais ses pas l’éloignèrent naturellement du siège qu’occupait toujours son père lors de ces réceptions : celle en bout de table, à l’exact opposé où se tenait toujours Aurélius. Ce dernier ne sembla pas s’offusquer qu’il choisisse de s’installer près de lui, à sa gauche.

Autour d’eux s’affaira la prétendue servante qui peinait visiblement à tenir tous les rôles qu’on lui avait confiés ce soir ; elle s’était vraisemblablement occupée de dresser la table, de les servir et Adrian aurait pu jurer qu’elle avait également aidé en cuisine et passé le reste de sa journée à nettoyer la demeure de fond en comble pour qu’elle soit la plus présentable possible, probablement en raison de sa venue – il en culpabilisait presque. Malgré l’ampleur de la tâche, il dût reconnaître qu’elle s’en sortait admirablement bien, à un détail près, ce qui n’échappa pas au regard intransigeant de la maîtresse de maison. Celle-ci darda sur la servante un regard lourd qui la fit réagir à retardement.

- Oh, j’ai oublié le vin. Je… je vais le chercher tout de suite !

Et elle disparut dans un ensemble confus de membres, de jupons et de tablier.

- Elle ne tiendra pas le reste de la semaine, soupira Ravena une fois qu’elle fut partie.
- Oh, Mère, ayez un peu pitié de cette pauvre fille, elle vient d’abattre le travail de trois personnes aujourd’hui.
- Notre ancienne domestique en faisait tout autant, sinon plus, et avait le double de son âge.
- Vos souvenirs vous font défaut, Joséphine se faisait aider de sa nièce chaque fois qu’elle le pouvait et je l’ai surprise plus d’une fois en train de faire la sieste dans la buanderie.

Ravena fit mine de pas entendre cette dernière réplique et Marielle, qui s’était installée aux côtés de l’apothicaire, lui adressa un sourire charmant avant d’expliquer :

- Notre ancienne servante a été gravement blessée lors de l’attaque, elle ne pourra probablement plus jamais marcher. Depuis que Mère s’est mis en tête de la remplacer, nous avons droit à un véritable défilé ici. Personne ne semble convenir, hélas, de là à dire que les exigences de Mère sont en cause…
- Allons, aurais-tu voulu que je garde la précédente, alors qu’elle se servait dans nos bijoux ?
- Peut-être pas elle, très bien, mais qu’en est-il de la première ? Qu’avait-elle fait de si terrible ?

Ravena pinça les lèvres, visiblement peu ravie d’être ainsi questionnée. Elle finit toutefois par répondre.

- Elle faisait un raffut incroyable chaque fois qu’elle dépoussiérait les tapis, je n’arrivais plus à m’entendre penser. Devant la mine hilare de sa fille mais surtout devant l’absurdité de ses propos, elle finit par soupirer. Il est parfois… difficile d’accorder sa confiance. Mais j’imagine qu’il faut savoir laisser entrer de nouvelles personnes sans toujours penser au pire.

Adrian ne sut dire s’il avait rêvé le regard appuyé de Ravena sur lui.

- Je pense que vous avez raison. En parlant d’inviter de nouvelles personnes, pourquoi n’inviterions-nous pas votre mère la prochaine fois, Adrian ? proposa tout à coup Marielle, visiblement ravie de son petit effet auprès de ses parents – l’un fronça les sourcils, l’autre fit mine de n’avoir rien entendu. On m’a dit que c’était la botaniste la plus douée de sa génération et que la serre dont elle s’occupe est la plus belle de la ville.
- Elle l’est.

Aurélius se sentit le besoin de préciser, comme si ce n’était pas évident pour tout le monde :

- La serre, j’entends.
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Dim 28 Aoû - 23:44
Malgré les failles d'attitudes dont faisait parfois preuve celle qui se faisait appeler Nina à son poste de domestique, Adrian n'en fut pas moins impressionné par sa faculté à rester dans son rôle quoi qu'il lui en coûte. Sachant que ce moment n'était probablement pas une partie de plaisir pour elle, il ne put que constater la labeur de la jeune femme sans pouvoir plaider sa cause sur l'intensité du rythme que lui imposait Ravena. Aussi abusives que soient les exigences de la maîtresse de maison, il n'était pas de convenance pour un Amaranthis de haut rang d'émettre un commentaire sur la façon qu'avait un hôte de traiter son personnel de maison, encore moins lors d’une visite du type de ce soir.

Attentif à l'échange entre mère et fille malgré le manque d'intérêt qu'il avait pour leur conversation, Adrian eut une nouvelle preuve irréfutable de l'invisibilité d'un domestique aux yeux de leurs maîtres. En effet, le sujet avait beau traiter des personnes ayant défilé à leur service, aucune des deux femmes ne semblait se cacher de leur propos, donnant leur avis comme s'il était improbable que les oreilles indiscrètes des employés de maison soit capable de s'intéresser à une conversation qui les dépassait. Cette pensée attisa encore un peu plus la curiosité de l'apothicaire vis à vis de tout ce que la prétendue Nina avait pu glaner depuis qu'elle était présente ici.

Les propos de Ravena traitant de la confiance le ramenèrent directement au cœur de la conversation, conscient que cette phrase concluait probablement le sujet dès domestique. Il en eut la conversation quelques secondes plus tard lorsque Marielle lui posa directement une question. Il porta toute son attention sur elle en faisant mine de ne pas voir les réactions des parents de la jeune femme à la mention de sa mère. Avant même qu'il n'ait pu formuler une réponse, Aurélius le devança.

- Elle l’est. [...] La serre, j’entends.

Le silence qui avait marqué la transition entre les deux phrases d'Aurélius n'avait échappé à personne, bien qu'il ne s'agisse probablement que d'une simple pause entre deux phrases. Adrian avait d'ailleurs été interpellé par la vitesse à laquelle le maître des lieux s'était imposé dans le dialogue. Il n'aurait su dire si la légère tension qu'il sentait dans l'air était le fruit de son imagination cependant.

Adrian regarda successivement ses trois compagnons de table, laissant volontairement planer un léger silence en signe de politesse et au cas où quelqu'un souhaiterait ajouter quelque chose. Il prit finalement la parole sur son ton habituel.

- Il est vrai que la serre de notre demeure familiale s'est embellie au fil des années. J'aime m'y rendre parfois pour travailler, l'endroit est propice à la réflexion et au calme. J'ai beaucoup de respect pour le travail de ma mère dans son vaste ensemble, mais il est vrai qu'il s'agit là de sa plus grande réussite.

Réalisant qu'il n'avait pas encore répondu à la question - certes un peu ironique - de Marielle, Adrian reporta son attention sur elle.

- Je pourrais éventuellement lui en toucher un mot la prochaine fois que je la vois. Qui sait, elle pourrait même vouloir organiser un de ces dîners en petit comité dont elle à le secret.

Adrian se rappela le dernier échange qu'il avait eu avec sa mère, plus précisément lorsqu'elle l'appela à la prudence. Bien qu'il vienne d'affirmer le contraire, l'apothicaire doutait que sa mère soit ravie à l'idée de se retrouver autour de la table en compagnie des De Langret, et le fait qu'elle ait encouragé Adrian à s'éloigner de tout ce qui gravitait dans le paysage de son géniteur ne jouait pas non plus en faveur de ses propos. Il se demanda quand même si Magda ne serait pas capable d'organiser le fameux dîner, ne serait-ce que pour s'assurer que son fils n'allait pas au devant de trop gros ennuis.

Pour ne rien montrer de ses doutes, Adrian fit le choix d'ignorer sciemment les éventuelles réactions des parents de Marielle. Avant que quelqu'un ne relance sur un autre sujet, il se permit de reprendre la parole en prenant un air presque amusé.

- Il y a fort à parier que sa curiosité à votre sujet à déjà été piquée au vif à l'instant même où je me suis offert le droit de vous inviter à dîner Marielle. Dit-il, satisfait de voir que la jeune femme sembla comprendre le paralèle avec sa propre mère.

Alors qu'il terminait sa phrase sur un ton assez avenant, témoignant d'une humeur plutôt positive, Adrian déplora que le vin n'ait pas été encore versé dans leurs verres, tant il aurait aimé ne serait-ce que penser à autre chose qu'à ce qui se tramait peu à peu dans son esprit et qu'il tentait en vain d'ignorer. De vagues souvenirs vinrent à nouveau s'immiscer dans la mémoire de l'apothicaire, mêlant quelques bribes d'images de la demeure dans laquelle il se trouvait à d'autres au milieu du salon de la demeure de sa famille. Aussi distincts que furent certains détails, il constata qu'il lui était presque impossible de voir apparaître son père dans ces fameuses images. Même lorsqu'il se concentrait à contrecœur sur d'éventuelles réminiscences de conversations impliquant Jörgen et Aurélius, il ne parvenait qu'à entendre de vagues bruissements indistincts et dérangeants pour son esprit. Adrian savait qu'il ne pourrait pas éternellement faire l'impasse sur ce que son esprit tentait d'occulter, mais il devait se rendre à l'évidence qu'il n'était pas encore totalement prêt à totalement plonger dans les cicatrices de sa mémoire torturée.

Fort heureusement, s'il vacillait parfois dangereusement, le masque derrière lequel Adrian se voilait était encore bien loin de craquer.
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Lun 26 Sep - 16:14
La mauvaise humeur de Marielle s’était dissipée plus rapidement qu’Adrian ne l’aurait cru ; soit il était naturel pour elle ne pas se morfondre trop longtemps, soit elle imaginait déjà un plan pour faire regretter à sa mère de les avoir retenus ici ce soir. Le petit sourire qu’elle arborait de temps en temps lui faisait craindre la seconde option.

- C’est parce que vous n’invitez pas assez de jeunes femmes à dîner, lui répondit-elle en souriant de plus belle. En quelques secondes, vous avez fait de moi la personne la plus intéressante du quartier. J’ai reçu un nombre incalculable d’invitations à prendre le thé ces derniers jours et nul doute que j’en recevrai le double la semaine prochaine.

Et ce n’était pas un reproche. Marielle rayonnait et appréciait visiblement toute cette nouvelle attention sur sa personne. Elle ne précisa pas si elle avait honoré toutes ces invitations ni le degré d’indiscrétion dont avaient fait preuve ses nouveaux amis mais nul doute que le nom d’Adrian avait été prononcé plus d’une fois. Ce dernier haussa les sourcils de surprise.

- La curiosité des gens de notre peuple ne connaît que peu de limite… Je doute cela dit que vous ayez besoin de moi pour susciter l'intérêt de nos pairs.

Marielle rosit de plaisir, visiblement très réceptive au compliment. Personne ne jeta un regard vers la domestique lorsqu’elle revint avec une carafe de vin dans les mains ; ses joues à elle aussi étaient toutes roses, mais probablement pas pour les mêmes raisons. Elle avait passé tellement de temps à courir d’un bout à l’autre de cette immense demeure qu’elle ne semblait plus capable de se déplacer autrement.

- Disons que nous formons une bonne équipe, répondit Marielle en ponctuant sa phrase d’un clin d’oeil qu’Adrian aurait trouvé provocateur s’il n’était pas évident pour lui qu’il était volontairement surjoué. Faîtes attention Adrian, certains s’attendent à ce que vous me demandiez en mariage ; avez-vous l’intention de les décevoir ?

Ravena s’étouffa à moitié dans son verre de vin et Marielle ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. Elle avait beau faire semblant d’être excédée par la réaction épidermique de sa mère, Adrian était persuadé qu’elle jubilait au fond d’elle. Il ne put s’empêcher de sourire d’amusement, comme s’il voulait se persuader lui-même qu’elle n’était pas vraiment sérieuse.

- Je plaisantais, Mère, détendez-vous.
- Quelle drôle d'habitude ont-ils que de se lancer dans de grande théories. Je m'attends presque à ce que nous soyons suivis par les plus audacieux d'entre eux lors de ce fameux dîner. Il marqua une brève pause avant de risquer un autre regard dans la direction de Ravena, elle aussi désormais aussi rouge que son vin. Je pense cela dit que je ne décevrais personne si l'on me voyait en public en compagnie de votre fille.

La maîtresse de maison le regardait maintenant sans faire l’effort de cacher ce qu’elle pensait de lui, et visiblement ce n’était pas très flatteur ; avait-elle pris cette dernière phrase comme une provocation ? Elle fut plus acerbe que jamais lorsqu’elle répondit, avant d’avaler une gorgée de vin :

- Oui, quel joli tableau vous ferez, la fille De Langret et le fils Neuthall.

Même Marielle ne s’était pas attendu à cette réaction comme en témoignaient ses yeux écarquillés. Adrian, lui, ne répondit pas ; ses sourcils s’étaient involontairement froncés lorsque son patronyme lui fut jeté au visage mais il se contenta d’imiter le geste de Ravena et avaler une trop longue gorgée de vin pour s’éviter d’empirer les choses. Mais les choses pouvaient-elles seulement empirer ?

Dans le silence pesant de la pièce, l’on aurait pu entendre une mouche voler.

Ce fut Aurélius qui brisa enfin la glace, sa voix grave était aussi calme d’un lac d’été.

- Pardonnez ma femme, elle a mis tellement d’énergie et de temps à faire oublier à toute notre société que votre famille a côtoyé la nôtre qu’elle ne sait plus comment se comporter avec ses hôtes.


En un éclair, Ravena délaissa Adrian pour poser son regard venimeux sur son mari. S’il souhaitait détourner son attention de lui, c’était plutôt réussi. Rien ne garantissait cependant que l’ambiance s’en trouve allégée.

- Oh, pitié, ne me faites pas la leçon. Vous n’avez pas mis un seul pied dans « notre société » depuis des années. Et tandis que le monde tourne sans vous, je dois assurer un avenir à notre fille. Elle tourna brièvement les yeux vers Adrian. Je crois que vous oubliez ce que notre famille a vécu pour accueillir ce garçon comme si l’on pouvait faire table rase du passé.

Quel que soit ce que cette famille avait vécu après le procès de feu son père, il était évident qu’Adrian venait de faire remonter tout un tas de vieux souvenirs – pas forcément agréables – à la surface.

- N’est-ce pas vous qui avez manigancé pour qu’il en soit ainsi ?
- Dans le seul but d’éviter un scandale public.
- J’ai la plus grande admiration pour vous.

Ce compliment inattendu eut au moins le mérite de laisser Ravena sans voix. Aurélius finit cependant par rajouter.

- Vous soucier autant de l’opinion de gens que vous méprisez, cela force le respect.

Marielle étouffa un rire ; son dos dans le fond de son siège, elle appréciait visiblement le spectacle.

- Quant à toi, reprit Aurélius en adressant un regard contrarié à sa fille qui se raidit tout à coup, cesse de jouer avec les nerfs de ta mère. Vous quereller en public donne l’impression que nous sommes désunis et certains pourraient en tirer profit. N’oublie pas qu’elle agit toujours dans ton intérêt.

Marielle faillit rétorquer quelque chose mais l’intensité dans le regard de son père l’en dissuada. Ce dernier porta sa serviette pour s’essuyer les commissures des lèvres avec une lenteur calculée. Le silence était revenu dans la pièce et le maître des lieux prit de la distance avec son assiette comme si toute cette discussion lui avait coupé l’appétit.

- Vous aviez au moins raison sur un point : entamer des retrouvailles sans évoquer le passé n’était peut-être pas la meilleure des idées.
- Vous… restez quand même pour le dessert, Adrian ?

Si Ravena resta totalement interdite, le visage de Marielle se détendit d’un sourire.
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Jeu 19 Oct - 0:22
Prétendre que l’ambiance fut bonne avant que Ravena ne se décide à s’exprimer de manière plus franche aurait été un mensonge digne de la mauvaise foi récurrente des Amaranthis. Cette phrase cinglante - qui marqua l’heure d’une pause dans le débat pour Adrian - se déversa autour autour de la table telle l’huile sur un feu déjà bien trop nourri au goût de l’Apothicaire. S’il s’était imposé ce mutisme, il n’en restait pas moins tendu par la mention de son nom de naissance. Il avait beau s’être mentalement préparé à devoir rouvrir des portes de son passé, cela ne l’empêchait pas de sentir le froid s'immiscer le long de son échine, rampant tel une créature munie de centaines de pattes jusqu’à atteindre la naissance de sa nuque. Fort heureusement, il parvint à se focaliser sur la conversation en cours et ne se laissa pas déborder. Adrian constata tout de même que ses défenses étaient encore capables de vaciller trop facilement face à ses démons.

S’il ne lui sembla pas que cette conversation était d’une importance capitale, il put au moins retenir quelques informations telle que le fait que Ravena semblait lutter bec et ongle pour rompre ce lien qui unissait leur deux familles encore aujourd’hui et qu’elle avait bel et bien souhaité que Marielle ne soit pas vue en public en compagnie d’Adrian, encore moins pour un dîner.

A demi envoûté par le flot de ses pensées, Adrian évitait soigneusement de se montrer trop observateur, préférant boire une gorgée de vin et laisser son ouïe faire le travail. Tournant la conversation en boucle alors même qu’elle n’était pas finie, il s’amusa presque des propos chargés d’ironie de la Maîtresse des lieux. Certes, le lien entre le géniteur d’Adrian et Aurélius fut un frein à la grandeur de la famille De Langret, tout comme elle l’eut été pour Adrian et sa mère, mais il était également clair qu’Adrian s’était peu à peu fait un nom suffisant pour qu’il soit reconnu par ses pairs et par ses clients et patients comme quelqu’un de compétent. Fuir son héritage n’avait pas été aisé, mais il avait réussi…Avant que le passé ne revienne le percuter en pleine face.

Lorsque Adrian sentit que la conversation allait se ponctuer d’un blanc ou d’une phrase à son intention, il se détacha de ses ruminations.

- Vous aviez au moins raison sur un point : entamer des retrouvailles sans évoquer le passé n’était peut-être pas la meilleure des idées.
- Vous… Restez quand même pour le dessert, Adrian ?

Le timide sourire de Marielle aurait pu être communicatif si seulement Adrian ne redoutait pas qu’il ne soit interprété comme une provocation de sa part. A en juger par l’attitude de Ravena, elle n’était clairement pas disposée à se détendre à son sujet, et elle ne le serait peut-être jamais hélas. Néanmoins, les propos d’Aurélius - aussi peu engageant qu’ils furent - laissèrent penser qu’il l’animosité de sa femme à l’égard d’Adrian n’avait pas été communicative. Bien sûr, l’Apothicaire savait qu’il ne pourrait pas se satisfaire de leur échange s’il ne commençait pas à recoller les pages du passé.

Adrian réajusta le bouton de sa manche déjà pourtant parfaitement en place tout en faisant montre de cette impassibilité qui le caractérise. Son regard passa d’un interlocuteur à l’autre, avant qu’il ne s’attarde finalement vers Aurélius.

- Il semble que j’ai fait une erreur, en effet. Il marqua une pause avant d'adresser un regard dénué d’animosité à Ravena. Et je vous dois des excuses.

Gardant toute sa contenance et pour ne pas paraître impatient dans le choix de ses mots, Adrian se tut une seconde de plus.

- Des excuses pour vous avoir laissé penser que mes actes ne sont que pure provocation à l'égard de notre société et de mes potentiels détracteurs, mais aussi parce que j’ai sûrement trop fait l’impasse sur l’histoire de nos familles respectives.

Une fois n’est pas coutume, Adrian n’avait que peu d'idées sur ce terrain vers lequel il glissait lentement. Lui qui aimait à considérer le choix de ses mots comme un comportement essentiel à adopter, voilà qu’il se retrouvait à s’exprimer presque instinctivement, se disant qu’il ne pourrait rien obtenir s’il ne commençait pas à prendre ce genre de risque.

- Cela dit, et vous devez le savoir au fond, je ne suis pas homme à attirer l’attention sur moi, bien que l’on aime m’en accorder à l’excès ces derniers temps, tout comme je n’ai pas délibérément choisi d’être à votre table lors de la réception. Pour être tout à fait honnête, je n’aurais même pas imaginé que vous alliez m’adresser la parole.

Adrian se racla la gorge pour s’éclaircir la voix une ultime fois.

- Mais vous l’avez fait, vous comme Marielle d’ailleurs, dit-il en laissant glisser un regard plus aimable vers la jeune femme, si bien que je puisse même considérer que mes échanges avec votre fille furent parmi les rares moments agréables de cette soirée. Je n’avais nulle intention politique, stratégique ni volonté de nuisance envers vous, bien au contraire, mais peut-être ai-je eu tort de penser que je n’avais pas que des ennemis à cette soirée.

Le propos de fin tranchait presque avec les excuses et l’évidente envie de tempérer les ardeurs de Ravena à son sujet, et Adrian en avait bien conscience. Cette dernière phrase sonnait presque comme une question que l’Apothicaire posait aux De Langret, car s’il n’était pas en odeur de sainteté auprès de la maîtresse des lieux, peut-être qu’il en était tout autre avec Aurélius et sa fille. Il savait également que cela pouvait directement l’amener à la fin du repas, même s’il espérait que ça ne soit pas le cas.

L’une de ses mains avait glissé sur sa cuisse, serrant sous couvert de la table ses doigts autour de son muscle. Cette soudaine crispation ne venait pas de nulle part.

Lorsqu’il avait prononcé la fin de son discours, Adrian aurait juré avoir entendu son père parler au travers de lui.
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