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Claircombe  :: Titre :: Quartier Amaranthis :: La liberté est au bout d'une corde - Partie 1 :: Page 1 sur 3 1, 2, 3  Suivant
La liberté est au bout d'une corde - Partie 1
Maître du Jeu
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Date d'inscription : 25/09/2020
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Dim 17 Juil - 1:02
- Début Été 83 -

L’implacable chaleur qui s’était abattue sur la ville était l’excuse idéale pour éviter d’affronter le monde extérieur, et surtout ces gens trop curieux qui ne manquaient pas de s’interroger sur votre longue absence, sur la petite mine que vous affichez depuis plusieurs semaines ou sur votre manque d’attrait pour de badines conversations à l’ombre des tonnelles jalonnant les rues. Mais le monde extérieur avait changé, et peut-être à jamais. Les conversations n’avaient plus rien de badines et plus personne ne s’offusquait du silence en réponse à des sollicitudes parfois maladroites. Une saison s’était écoulée depuis les événements tragiques qui avaient défiguré le quartier Amaranthis et la cité était toujours endeuillée.

Si reprendre un semblant de vie normale était impensable pour certains, c’était une nécessité pour d’autres. Certains avaient juste besoin d’aller de l’avant pour ne pas se laisser sombrer, d’autres… D’autres avaient juste une mission à accomplir, avant de pouvoir enfin penser au futur. C’est fort de cette conviction qu’Adrian Mayr endurait ces journées d’été bien trop longues et que le crépuscule ne soulageait jamais vraiment. Nul repos n’était permis à ceux dont les rêves se muaient invariablement en cauchemars.

Les clients ne se bousculaient plus à sa porte chaque matin. Une partie d’entre eux était peut-être morte, une autre avait peut-être prêté foi aux accusations qui voulaient faire de lui un responsable du désastre, et une autre avait simplement arrêté de le solliciter lorsque, pour la énième fois depuis qu’il était revenu, il avait dû faire le douloureux récit des raisons qui l’empêchaient de pratiquer la médecine. Cela lui laissait l’occasion de réfléchir à ce qu’il comptait faire ensuite, maintenant qu’il avait le nom de celui dont il devait se rapprocher : Aurélius de Langret.

Il en était venu à la conclusion qu’il était peut-être la seule personne dans cette ville à pouvoir approcher l’Amaranthis sans trop de difficulté : la curiosité l’emporterait fatalement sur la méfiance si le fils de son ancien rival et ami venait à se présenter sur le pas de sa porte. Et pourtant Adrian ne s’était pas précipité, il avait préféré envisager toutes ces autres options avant ; peut-être qu’une approche moins directe se révélerait plus profitable après tout.

Si Adrian n’était pas du genre à s’imposer la présence de gens qu’il détestait, Magda Mayr, elle, voyait toujours une façon d’en tirer un intérêt quelconque. Celle qui aimait souvent répéter le vieil adage « Garde tes amis près de toi mais tes ennemis encore plus » avait toujours tenu à garder un pied dans le panier de crabes qu’étaient les hautes sphères Amaranthis. Ainsi, il n’était pas rare qu’elle invite à sa table des gens dont elle estimait peu les qualités humaines, voire qu’elle méprisait totalement et ce dans l’unique but de ne jamais être prise de court par les querelles des uns et des autres.

Ce fut au détour d’une conversation autour d’une tasse de thé qu’il osa finalement la questionner sur Aurélius, une question qui sembla la tendre pour une raison qui lui échappait encore, et s’il n’apprit rien de plus sur l’ancien médecin que ce que le Corbeau lui avait déjà dit, il en sut davantage au sujet de la mère et de la fille. Apparemment ces dernières, contrairement au père, ne boudaient jamais les belles soirées de la haute société, même si elles ne semblaient pas y être invitées autant qu’elles l’auraient souhaité.

- Un riche homme d’affaires organise une collecte de fonds pour participer à la reconstruction du quartier, tu peux être certain de les y voir
, lui avait-elle dit.

Son léger reniflement de dédain n’était pas passé inaperçu, sans doute doutait-elle de la dimension philanthrope de leur présence… ou peut-être qu’il y avait autre chose. Questionnée sur le sujet, Magda Mayr avait simplement dévié le sujet - avec un peu moins de grâce et de subtilité que d’accoutumée cependant.

Ses options n’étaient pas nombreuses mais il avait au moins le luxe du choix dans l’approche qu’il voulait tenter ; l’une d’entre elle avait également le mérite de ne pas exclure la seconde en cas d’échec. Il en était là de ses réflexions quand le ciel se décida enfin à craquer au dessus de lui, plongeant le Lys d’Argent dans une brusque ambiance de fin du monde. La pluie qui martelait les fenêtres n’était pas sans lui rappeler des souvenirs qui le tenaient encore éveillé des heures certaines nuits, un phénomène que certaines personnes attribuaient à Providence et qui ne manquaient jamais d’y voir un signe.

Le signe qu’il ferait mieux de ne pas quitter son foyer, alors même que son compagnon à quatre pattes gémissait au rez-de-chaussée, le regard larmoyant braqué sur la porte d’entrée ?

Aussitôt il entendit la clochette résonner en bas, probablement un client tardif ou un badaud venu se protéger du déluge. Il descendit les escaliers mais s’arrêta brusquement au milieu, alors qu’une vision curieusement familière se dessinait devant lui. Là, en contrebas, se tenait la silhouette d’une femme dont le profil était caché par les longues mèches blondes qui s’échappaient de son capuchon, accroupie devant son chien qu’elle grattait gentiment entre les oreilles.

Lorsqu’elle tourna la tête vers lui, il ne reconnut pas immédiatement son visage et dut attendre que le souvenir cruel qui s’était superposé devant lui ne s’efface lentement.

- Bonjour Adrian.

Si le visage du Corbeau était froid et sans émotion, celui de celle qui avait pris soin de lui à sa sortie des cachots du Palais était son exact opposé. Il ne connaissait pas son nom, il ne lui avait jamais demandé et elle ne le lui avait jamais donné, ou du moins il n’en avait pas le moindre souvenir. Comme si elle imaginait être la source d’un inconfort en apparaissant ici brusquement devant lui, elle lui adressa un sourire contrit, tandis qu’elle triturait ses doigts devant elle.

- Je vois que vous avez retrouvé votre chien, lui dit-elle dans l’évident but d’amorcer la conversation de façon agréable, sachant que leur première rencontre n’avait pas eu lieu sous les meilleures auspices. Je suis désolée, vous alliez probablement fermer d’un moment à l’autre, je ne vous dérangerai pas très longtemps.

Puis avec hésitation, elle ajouta finalement :

- Vous… vous vous souvenez de moi ?
Adrian Mayr
Adrian Mayr
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Métier : Apothicaire
Dim 17 Juil - 23:26
Le soleil n'avait pas encore daigné accorder sa lumière aux rues de la cité, laissant à la nuit son ultime heure d'existence avant que le ciel ne se pare d'un manteau gris, annoncé par l'absence d'étoiles dans la voûte céleste nocturne. La chaleur était en revanche déjà bel et bien présente, s'insinuant en courant d'air chaud dans les demeures d'habitants espérant profiter d'un brin de fraîcheur pendant leur sommeil. Malgré ce désagrément, nombre d'Amaranthis étaient ravis d'accueillir l'obscurité, salvatrice en cette période de forte chaleur. Comme chaque été d'ailleurs, les rues se voyaient plus peuplées en soirée, notamment au sein des quartiers aisés où les nobliaux semblaient en perpétuelle quête de fraîcheur. Une animation malgré tout en demi-teinte en cet été succédant à la tragédie de la bibliothèque Amaranthis.

Voilà bien longtemps que le sommeil n'était plus l'allié d'Adrian, et cette nuit ne dérogeait pas à la règle. Levé aux aurores et après trois essais infructueux, Amaranthis avait abandonné l'idée que la qualité de son sommeil s'améliorerait s'il se rendormait,. A la faible lueur d'une chandelle se mêlant aux timides lueur naissantes du jour, Adrian se tenait face à son reflet, le dos légèrement voûté en avant et les bras tendus vers les deux extrémités du meuble qui se tenait entre lui et le miroir. Sur celui-ci se tenait un bac d'eau froide qu'il avait préalablement installé. Dans un silence uniquement ponctué par sa respiration lente et profonde qu'il s'efforçait de contrôler depuis de longues minutes, l'apothicaire resta impassible un temps. De ses cheveux encore en bataille perlaient des gouttes de sueur qui venaient se mêler à son visage lui-même humidifié par les bouffées de chaleur qui s'étaient emparé de lui avant qu'il ne décide de quitter son lit. Bien que torse nu, son corps tout entier était enveloppé de cette désagréable sensation de moiteur dont il rêvait de se débarrasser.

Il se redressa lentement et plongea ses mains dans l'eau froide, déjà tiédie à cause de la température ambiante. Le contact avec l'eau pure n'en resta pas moins salvatrice, saisissant un instant ses sens et l'empêchant de se concentrer sur autre chose que sur ses mains immergées dans le bac. Joignant ses paumes, il approcha son visage de la bassine et s'aspergea sans ménagement le visage. Une fois, deux fois, trois fois. Le choc thermique entre sa peau fiévreuse et l’eau le força à respirer plus bruyamment et plus vite, une sensation dont il se délecta tant elle l'éloignait de cette énième nuit cauchemardesque. Une fois redressé devant son miroir, il s'appliqua à quelques ablutions plus appliquées.

Il ne fallut malheureusement pas longtemps avant que les nombreux tracas de la nuit ne lui reviennent en tête, se mêlant aux appréhensions nouvelles qu'il avait à chaque entame d'une nouvelle journée. Nombreux avaient été ses rêves cette nuit, tous plus sombres les uns que les autres et entremêlés dans une macabre chorégraphie qui n'avait eu de cesse de le torturer. Face à lui-même ce matin-là, il en venait à nouveau à se questionner sur les récents évènements. Prenait-il la bonne direction, avait-il bien fait d'accepter face au chantage qui s'était présenté à lui? Et d'ailleurs, était-ce vraiment à cause de ces fameuses conditions imposées qu'il s'était investi de cette mission? Ne l'avait-il pas fait pour des raisons bien plus personnelles qu'il peinait encore à comprendre? Tels étaient les questions qu'Adrian se posait presque chaque matin. Mais au-delà de tout cela, avait-il bien fait de ne rien lui dire et de lui demander de partir? Ne se berçait-il pas d'illusion en pensant qu'elle l'attendait? Pourquoi devrait-elle le faire d'ailleurs, elle avait été là pour lui et il l'avait congédié de la plus cruelle des façons, au plus douloureux des instants.

Cette ultime pensée réveilla ses émotions, entremêla sa colère avec sa peine, sa rancœur et sa peur, heurtant ses pensées dans un fracas détonnant. La migraine qui n'était que latente devint furieuse, pulsant dans ses veines jusqu'à lui donner le vertige. Il ne contrôlait rien, il n'en n'avait pas la force. Son propre reflet semblait rire de lui et de sa faiblesse. Des images défilaient dans son esprit, occultant épisodiquement sa vue jusqu'à lui rendre à nouveau sa vision de la réalité. Sans qu'il ne s'en rende compte, ses doigts suivaient invariablement les sillons des cicatrice qu'il arborait sur sa joue, un peu comme pour vérifier qu'elles étaient bien réelles, que tout ce qui lui était arrivé n'était pas que facétie de son esprit torturé.

Avoir un objectif concret avait été quelque peu salvateur pour lui ces derniers jours. Il avait un nom, une piste qui le rapprochait au moins un peu de son but. Mais ce matin, ces avancées n'eurent été d'aucune aide, et peu à peu son esprit sombrait encore et encore.

Les lumières…elles étaient insuffisantes...Il n'y en avait que quarante deux, ou bien était-ce quarante-huit, dans tous les cas, il ne pouvait y en avoir assez pour combler les soixante-huit pavés qui venaient de réapparaître sous lui, glaçant la voûte de ses pieds nus. Le monde était redevenu sombre et seul un livre éclairé par une faible chandelle semblait suivre son regard quel que soit la direction dans laquelle il tentait de le diriger. Il était de retour dans sa prison, une fois encore. Croyant contrôler sa respiration - ce qui d'un œil extérieur n'était pas le cas - Adrian chercha au plus profond de son être à rationaliser ses sens. Ses doigts insistèrent de pression sur ses cicatrices, jusqu'à ce que soudainement sa main quitte son visage pour venir se saisir fermement de son bras opposé. Telle la serre d'un rapace sur une proie déjà condamnée, l'Amaranthis empoigna son muscle à l'exact endroit où s'était logé le carreau d'arbalète qu'il avait encaissé en s'interposant entre l'assassin et son chien. Avec toute l'énergie que son état voulait bien lui accorder, il serra impitoyablement la blessure qui, bien que refermée, lui envoyant une décharge de douleur dans tout le corps.

Dans un cri étouffé par une respiration sifflante et des dents serrées, l'apothicaire vit son reflet reprendre sa place dans le miroir devant ses yeux. Il ne relâcha pas pour autant, jusqu'à ce que la douleur l'obsède au point de ne plus pouvoir penser à autre chose. Lorsque le vide vint s'installer dans son esprit pour n'y laisser que de la souffrance physique, il s'autorisa à libérer la pression. Haletant et fatigué comme s'il avait déjà terminé une journée complète, l'Amaranthis recommença ses ablutions avec un soin aux limites de l'exagération. Dans un coin de la pièce, son regard se posa sur Whisper, qui s'était silencieusement installé non loin de lui, comme à son habitude lorsque son maître était en souffrance. Cette vision lui arracha un léger sourire et chassa définitivement ses terreurs nocturnes de sa tête.

La journée en elle-même ne fut qu'un vaste enchaînement de banalités, à savoir une alternance entre clients cherchant diverses décoctions de plantes et ancien patient qu'il fut contraint de congédier poliment. Il éprouva même quelques difficultés à rester concentré sur son travail, tant il était impliqué dans ses actions à venir. Il accueillit la fin d'après-midi avec un certain soulagement. Le nombre de clients décroissait grandement en soirée depuis qu'il n'était plus à même d'exercer la médecine, ce qui lui laissait un peu plus de temps libre.

Motivé par l'idée de sortir Whisper en fin de journée, il déchanta rapidement lorsque le ciel décida de finalement faire s'abattre une pluie torrentielle sur la ville. Bien qu'il n'ait pas eu peur de sortir malgré l'incident récent, l'averse qui déversait des torrents d'eau contre ses fenêtres ne l'inspirait guère, lui rappelant un peu trop cette scène dont il avait été l'un des acteurs. Il avait ainsi décidé de s'accorder un peu de repos, le temps que la pluie cesse.

Bien entendu, ses plans furent assez vite contrariés par le son caractéristique de la clochette qui annonçait l'arrivée d'un visiteur. Intérieurement, il se maudit de ne pas avoir fermé avant de s'enquérir d'une pause. Professionnel malgré tout, l'apothicaire ne perdit pas de temps pour descendre les escaliers à la rencontre du visiteur.

La femme - car s'en était une à n'en point douter - qui venait d'arriver était bien trop dissimulée à son regard pour qu'il ne comprenne réellement qui elle était. Cependant, son corps semblait s'être instinctivement mit en alerte. Était-ce parce qu'une silhouette encapuchonnée s'approchant de son chien était une potentielle menace? Non, bien que cohérent, ce n'était pas ce que son instinct essayait de lui dire. Lorsque finalement sa mémoire rassembla les fragments de ce dont il était capable de se rappeler, son sang lui parut se glacer dans sa poitrine.

- Bonjour Adrian.

Cette femme, c'était elle, dans la tour. Celle à qui il avait demandé d'éteindre les lumières, ou bien de les allumer ? Il n'aurait su le dire, celle qui l'avait assisté alors même qu'il ne semblait plus apte à se comporter normalement. Celle qui avait remplacé l'inconnue...Non, celle qui avait remplacé Erzebeth, pour des raisons qui lui échappaient encore. Pourquoi était-elle ici, devant lui, elle qui avait été - à sa façon - une geôlière ayant porté les entraves qui enserraient son existence. Les voix voulurent se réveiller dans sa tête, mais ce fut celle de la jeune femme qui prit les devants.

- Je vois que vous avez retrouvé votre chien. Je suis désolée, vous alliez probablement fermer d’un moment à l’autre, je ne vous dérangerai pas très longtemps.

Lui avait-il déjà parlé de son chien? oui, il l'avait fait, peut-être? La seconde partie de la phrase tomba à la trappe. Impassible de l'extérieur, l'apothicaire avait cessé de s'avancer une fois qu'il s'était retrouvé sur le sol du rez-de-chaussée. Sa méfiance s'était éveillée, car des explications manquaient encore pour qu'il ne se sente en confiance.

- Vous… vous vous souvenez de moi ?

De longues secondes de silence planèrent entre les deux interlocuteurs. Adrian jaugeait la jeune femme sans laisser déborder une seule émotion. Il s'avança finalement de deux pas, attirant ainsi l'attention de Whisper, qu'il rappela à lui d'un geste discret de la main, que son compagnon comprit immédiatement. Ses yeux émeraudes semblaient vouloir percer les mystères de la présence de cette personne ici. Aux dernières nouvelles, il s'agissait d'une personne gravitant aux cotés d’'Erzebeth, mais quel était leur lien en réalité? A cet instant, Adrian n'aurait su le dire.

Il poussa un discret soupir avant de briser le silence.

- Oui, je me souviens.

Le ton n'était pas aussi froid que l'apothicaire l'aurait voulu. Bien qu'il n'ait pas la volonté de congédier cette jeune femme, il n'avait pas non plus grande motivation à l'accueillir chaleureusement. Malgré ça, une part de lui l'avait ramené à cette période où elle avait eu pour tâche de l'assister, tout en haut de cette tour. L'Amaranthis fit à nouveau quelques pas en avant, jaugeant un peu plus son interlocutrice. Il résista à l'envie de lui asséner tout un tas de questions, se contentant de tout condenser en une seule et simple interrogation, la plus simple de toute.

- Ne passons pas par quatre chemins voulez-vous, quelle est la raison de votre visite ?

Une nouvelle fois, le ton était neutre et dénué d'agressivité. La curiosité naturelle de l'apothicaire ne faisait que renforcer cette volonté d'en savoir plus. Il dut se retenir malgré tout de poser quelques autres questions qui lui brûlait encore un peu plus les lèvres. Et toutes ces questions incluaient bien évidemment Erzebeth, et les raisons qui faisaient que ce n'était pas elle qui s'était présenté chez lui aujourd'hui.

Maître du Jeu
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Lun 18 Juil - 0:57
La jeune femme ne parût pas s’offusquer de sa froideur, pas plus que de son impatience. Ses doigts s’agitaient maintenant autour de ses manches, signe d’une nervosité évidente, et il s’attendit presque à l’entendre s’excuser une nouvelle fois d’être ici. Qui qu’elle soit, elle n’avait pas reçu le même entraînement que le Corbeau pour dissimuler ses émotions : on lisait en elle comme dans un livre ouvert. À bien y réfléchir, elle se comportait un peu comme quelqu’un qu’on aurait forcé à entrer seul et désarmé dans la cage d’un lion, et il réalisa tout à coup qu’il était la cause de la légère crainte qu’il voyait dans son regard ; sans doute que le spectacle qu’il avait donné de lui dans les plus hautes tours du Palais était encore vivace dans sa mémoire.

- J’imagine que la plupart des gens qui passent le pas de votre porte le font pour vous demander de l’aide. Je n’ai rien à vous demander, à vrai dire… c’est plutôt moi qui espérais vous offrir de l’aide.


Consciente qu’il ne se satisferait pas de paroles aussi cryptiques et devant son injonction à aller droit au but, elle poursuivit avec empressement.

- Je pense être l’une des rares personnes dans cette ville à savoir dans quelle situation vous vous trouvez réellement et… ce que l’on attend de vous. Je voudrais vous aider. Peut-être que vous pensez ne pas avoir besoin d’aide, ou peut-être que vous ne voulez pas de mon aide, mais… Eh bien en fait, vous n’avez peut-être pas tort…

Son visage s’affaissa soudain et elle empoigna l’un de ses poignets pour se forcer à garder ses mains immobiles.

- Ce n’est pas elle qui m’envoie.


Et il sut très bien à qui ce « elle » faisait référence. Pour une curieuse raison, la jeune femme semblait ne pas vouloir prononcer son nom à haute voix en sa présence. Peut-être au cas où ces seules sonorités seraient suffisantes pour lui faire perdre la raison ? Raviver une rancoeur qu’elle imaginait qu’il entretenait en secret depuis qu’elle l’avait libéré ?

- Et si je n’avais qu’une seule faveur à vous demander, que vous acceptiez ou non mon aide, c’est de ne pas lui dire que je suis venue vous voir. Elle… Elle préfère que je me tienne à l’écart.


La blonde soupira mais son regard se fit soudain plus déterminé.

- Écoutez, je pense que nous voulons tous les deux la même chose : en finir avec cette histoire le plus vite possible et retrouver un peu de ce qu’on nous a enlevé. Vous pensez ne pas avoir besoin de moi, vous pensez ne pas pouvoir me faire confiance… mais pensez-y quand même. Mon visage n’est pas connu de ceux que vous poursuivez, contrairement au vôtre. Et les risques ne me font pas peur. Comme vous, je pense être prête à tout.


Il sentit tout de même une légère hésitation.

- D’accord, à peu près tout.
Adrian Mayr
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Lun 18 Juil - 16:57
A défaut d'être ravi de cette visite improvisée, Adrian eut au moins la satisfaction d'entendre son interlocutrice aller à l'essentiel, comme il lui avait demandé. Peut-être avait-il amplifié cette évidente nervosité en ne se fendant d'aucune banalité verbale, mais il aurait été incapable d'agir autrement face à cette femme qui, de près ou de loin, était concernée par son fardeau. Attentif aux moindres mots, il n'en resta pas moins impassible, scrutant son interlocutrice comme s'il cherchait à en savoir plus rien qu'en étudiant les gestes de la jeune femme. Il fit mine de détourner le regard lorsqu'il comprit enfin qu'il ne l'aidait pas à tempérer sa nervosité.

- Ce n’est pas elle qui m’envoie. Et si je n’avais qu’une seule faveur à vous demander, que vous acceptiez ou non mon aide, c’est de ne pas lui dire que je suis venue vous voir. Elle… Elle préfère que je me tienne à l’écart.

Cette phrase piqua plus encore sa curiosité, même s'il s'attendait presque à ce qu'elle tienne de tels propos. Ce qu'il n'avait pas imaginé en revanche serait d'apprendre qu'Erzebeth avait elle-même exprimé la volonté que cette femme se tienne à l'écart des eaux troubles dans lesquelles ils s'apprêtaient à plonger. Était-ce par précaution personnelle? Avait-elle envie d'éviter le risque que l'on interfère dans ses plans ? Ou bien était-ce pour préserver la blonde d'éventuels risques inconsidérés. Cette dernière hypothèse lui aurait paru improbable avant leur dernière rencontre.

En silence, Adrian écouta la fin de l'élocution de la jeune femme. Lorsqu'elle eut terminé, il s'avança vers son bureau et tira une chaise pour la poser face à une autre assise que l'on devinait être la sienne. Sans un mot, il se dirigea vers la porte d'entrée, passant à coté de la jeune femme sans un regard. Le bruit du verrou de la porte tinta dans la pièce, étouffé en grande partie par les trombes d'eau s'abatant encore contre les fenêtres du Lys d'Argent. Voyant que la jeune femme n'avait pas vraiment bougé, il prit la parole en retournant vers son bureau.

- Simple précaution, je ne me sens plus à l'abri nulle part, et encore moins dans le lieu où l'on me trouve le plus souvent.

Il faisait bien évidemment référence à cette attaque dans la rue, ne sachant pas si la blonde était au courant de tout cela, il ne s'éternisa pas sur le sujet. Revenant à hauteur du bureau, il s'installa dans son siège et indiqua d'un signe de main celui d'en face. L'Amaranthis s'adossa à sa chaise et joua distraitement avec sa barbe tandis qu'elle prenait place en face de lui. Il ne tarda pas à reprendre, presque impatient de continuer cette conversation.

- Je ne peux vous faire confiance, comme vous l'avez mentionné, mais à qui pourrais-je me fier de toute façon?

Il marque une brève pause après cette première question évidemment rhétorique, hésitant sur le choix de ses mots.

- Vous dites qu'elle préfère que vous soyez tenue à l'écart de toute cette affaire, mais que vous voulez tout comme moi en finir avec cette histoire. J'aimerai en savoir plus, quelles sont les motivations qui vous poussent à vouloir accélérer les choses ? Est-ce pour elle que vous faites ça ?

Voyant qu'elle s'apprêtait à répondre, il fit un geste poli de la main, indiquant qu'il n'avait pas fini.

- Je dois en savoir bien plus pour simplement considérer votre proposition et ainsi aller à l'encontre de l'inc...d'Erzebeth. Si elle vous a tenu à l'écart, c'est qu'elle avait sûrement une bonne raison...Mais je dois admettre que j'aimerai en finir également le plus vite possible avec toute cette histoire.

Instinctivement, son regard se porta sur une des fenêtres, obstruée par la pluie, en quête d'éventuels regards indiscrets. Il était évident cette fois qu'il n'avait pas encore terminé son élocution.

- Ceux que je poursuis comme vous dites, n'ont probablement pas connaissance de votre existence en effet, mais ceux qui m'incitent à ne pas aller plus loin dans mon investigation, eux...je l'ignore. Dites m'en plus, quel rôle pensez-vous jouer dans cette histoire ?

Si lui avait déjà envisagé quelques utilité au fait d'avoir un allié anonyme et potentiellement invisible, il était foncièrement intéressé d'entendre ce que cette jeune femme pensait réellement pouvoir lui apporter.
Maître du Jeu
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Lun 18 Juil - 22:41
Le coup d’œil inquiet qu’elle jeta derrière elle au moment où il verrouilla la porte d’entrée faillit passer totalement inaperçu car très vite la jeune femme sembla prendre le parti de faire comme s’il s’agissait d’une simple visite de courtoisie au cours de laquelle ils échangeraient des banalités autour d’une tasse de thé. Hélas, il n’y eut nulle tasse de thé pour rendre la scène crédible, simplement une série de questions qu’elle peina à mémoriser avant qu’il daigne enfin lui laisser la parole.

La blonde installée devant lui paraissait plus à l’aise qu’à son arrivée mais Adrian savait au fond de lui qu’il n’en était rien. Avait-il toujours été autant attentif à tous ces petits détails qui trahissaient les véritables émotions et intentions de ses interlocuteurs ou était-il davantage alerte car il s’agissait cette fois d’une personne en lien direct avec le Corbeau ?

- Cela va peut-être vous surprendre mais j’appréciais beaucoup de travailler pour elle. Vivre au palais, dormir dans des draps de soie, écouter aux portes… Beaucoup plus agréable que la vie que j’avais avant.

Le discours lui fit froncer les sourcils, quelque chose clochait ; soit elle lui mentait, soit elle ne lui disait pas toute la vérité. Lentement, il posa ses coudes sur la table, joignant ses mains sous son menton.

- Ce qui me surprend le plus est de vous entendre broder une histoire alors que vous voudriez que j'accepte votre aide.

Elle parût déboussolée l’espace d’un instant, prise de court par cette réponse.

- Qu’aurais-je dû vous dire ? Que je trouve injuste que des hommes comme vous aient à payer pour d’autres et que je ne supporte pas l’idée que les vrais coupables soient, eux, toujours en liberté ? J’ai de la compassion pour vous, Adrian, mais je ne vais pas vous mentir en vous disant que votre sort m’importe plus que le mien. Nous avons des objectifs en commun, cela ne vous suffit pas ?

Cette fois, au moins, il sentait sa sincérité. Ce n’était effectivement pas pour lui qu’elle était là, même si quelque chose lui disait que ce n’était pas vraiment pour elle non plus, ou très indirectement. Instinctivement, il questionna :

- Est-ce son sort à elle qui vous inquiète tant ?

À voir l’air abattu qu’elle eut bien malgré elle, il sut qu’il avait touché juste. Elle s’affaissa légèrement sur son siège, comme fatiguée de devoir jouer un jeu de dupes avec quelqu’un qui, contre toute attente, avait bien plus en commun avec le Corbeau qu’il n’en avait conscience. Un soupir franchit ses lèvres, ultime preuve qu’elle rendait temporairement les armes.

- Je ne m’attends pas à ce que vous compreniez… Si elle a changé votre vie pour le pire, sachez qu’elle a aussi changé la mienne pour le mieux. Je sais ce qu’elle est et je sais ce qu’elle a fait mais... Elle finit par lui sourire timidement, un sourire un peu fade qui n’était sûrement que l’ombre de ce qu’il aurait pu être si les circonstances avaient été tout autre. Peu importe, je suis sûre que vous n’avez pas envie de m’entendre lui trouver des excuses. Je crois qu’elle ne le souhaiterait pas elle-même.

- Ce n'est pas ce que je veux, en effet, mais vous avez en quelque sorte répondu à ma question. Il prit le temps de réfléchir quelques secondes. Je ne peux vous garantir que j'aurais besoin de votre aide, mais je n'ai pas envie de me priver d'opportunités non plus. J'ai besoin d'être sûr cependant que vous ne prendrez pas les devants, même si vous avez l'intime conviction que vous pourriez faire bouger les choses…
- Vous parlez comme elle…

Cette remarque murmurée n’était pas destinée à ses oreilles et pourtant il l’entendit très distinctement. Il ne savait pas bien si la jeune femme en face de lui s’en amusait ou au contraire y voyait une sorte de mauvais présage. Lentement, la blonde se leva du son siège mais s’attarda à l’observer un moment.

- Vous avez vos accès dans les hautes sphères de ce monde, très bien, peut-être encore plus maintenant qu’on voudra vous entendre faire le récit de ce que vous avez vu dans les entrailles de la cité pour satisfaire la curiosité malsaine des uns et des autres. Mais partout où il y a des puissants, il y a aussi tous les invisibles qui les servent et auxquels personne ne prête jamais la moindre attention. Ceux-là voient et entendent beaucoup de choses mais ils ne se confieront jamais à vous, parce que vous n’êtes pas de leur monde, et aussi parce que, que vous le vouliez ou non, vous êtes désormais associé au massacre.

Elle tenta d’adoucir cette dernière vérité d’un sourire, lui nota qu’elle n’avait pas vraiment répondu à sa requête. Il eut alors l’intime conviction que le destin la remettrait sur son chemin, qu’il sollicite son aide ou pas.

- Vous arriverez peut-être à vous passer de mon aide, c’est vrai, mais n’hésitez pas à la demander si vous en avez besoin. Je ne suis peut-être pas aussi douée qu’Erzebeth et vous pour cacher la moindre de mes émotions mais parfois les gens préfèrent s’épancher auprès de personnes qui leur ressemblent.

D’un air entendu elle inclina légèrement la tête vers lui, comme un salut, puis fit quelques pas vers la porte. Il entendit la clé dans la serrure mais elle resta un moment à fixer le verrou sans rien faire. Au bout de quelques secondes, elle tourna à nouveau la tête vers lui.

- J’ai essayé de la dissuader de vous faire confiance. Je ne trouvais pas raisonnable de croire que vous ne chercheriez pas simplement à vous venger d’elle par tous les moyens – parce que c’est ce que j’aurais fait à votre place – mais elle semble penser que vous débarrasser de l’héritage qui vous colle à la peau a plus d’importance pour vous que n’importe quoi d’autre. J’espère qu’elle ne s’est pas trompé.

Comme si cette soudaine confession n’attendait pas vraiment de réaction de sa part, elle rabattit son capuchon sur son visage avant d’affronter le déluge qui sévissait au dehors ; le Lys d’Argent replongea alors dans un silence uniquement troublé par le bruit de la pluie et des griffes de Whisper sur le parquet, tandis que l’animal posa sa tête sur la cuisse de mon maître.
Adrian Mayr
Adrian Mayr
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Mar 19 Juil - 2:04
Adossé au fond de son siège depuis que la jeune femme avait quitté les lieux, Adrian se laissait divaguer au gré des nouvelles informations qui s'étaient présenté à lui tout en caressant la tête de son chien, immobile tout contre lui. De son point de vue, l'échange n'avait pas été désagréable, car même si elle avait tenté d'enrober quelques vérités, elle n'avait pas perdu de temps pour en venir aux faits. Après réflexion, il en vint même à se demander si les propos qu'il avait eu pour elle ne l'avait pas fait briller de cette condescendance naturelle qu'il essayait continuellement d'éviter, l'héritage d'un monde où l'on avançait en piétinant les autres. Insister sur le fait qu'elle ne devait pas prendre les devant n'avait pas été un acte visant à montrer quelconque supériorité. Certes, il appréhendait la précipitation dont il la pensait capable, mais les raisons derrière ces propos résidaient bien plus dans le fait de ne pas envoyer quelqu'un d'autre - une innocente qui plus est - au front à sa place, tandis qu'il se contenterait de rester en retrait.

Il ne se flagella pas éternellement sur le sujet, la conclusion restait la même :  Elle pouvait l'aider en cas de besoin, et Adrian aurait été stupide de simplement exclure cette possibilité, quand bien même cela aille à l'encontre de ce qu'Erzebeth souhaitait pour cette jeune femme. Après tout, ça ne l'engageait à rien, pour le moment.

L'Amaranthis prit mentalement un peu plus de recul, essayant de jauger la situation dans son ensemble. Cette gymnastique mentale l'amenant à réaliser que tout, absolument tout ce qui le concernait désormais était lié à cette mission qu'il devait accomplir. Ces chaînes qu'il avait longtemps imaginé autour de ses poignets, de ses chevilles et de son cou lui semblaient soudainement bien réelles. Cette jeune femme dont il ignorait encore le nom avait raison, qu'il le veuille ou non, il était désormais associé au massacre, et il n'y avait pour l'instant qu'un seul chemin pour espérer s'en sortir, un chemin sinueux sur lequel il n'avait aucune garantie.

D'un bref coup d'œil à l'extérieur, Adrian vit que la pluie s'était tempérée, se transformant en un crachin insistant ponctué de quelques intensité. Les menaces qu'il avait entendues résonnaient encore dans sa tête, mais rien ne le rapprochait de nouveau à sa mission depuis l'incident. Quoi qu’il en soit, se réfugier à l’ombre de son foyer n’était pas une solution.  Son regard se posa sur Whisper, qui remua la queue au moment où il remarqua l'attention de son maître. Adrian se fendit d'un timide sourire.

- Tu sais ce que l'on dit n'est-ce-pas? Après la pluie, le beau temps.

Bien que sourd, le chien comprit rapidement qu'il était l'heure pour lui de sortir. Agité et impatient, il se rua vers la porte, faisant des allers et venues entre l'entrée du Lys d'Argent et son maitre enfilant un vêtement de pluie.


La liberté est au bout d'une corde - Partie 1 W69b20

- Il y a au moins un avantage au fait que tu ais besoin de moi, c'est que tu daigne m'accorder l'honneur de ton illustre présence, Adrian.

L'apothicaire sentait toujours une certaine crispation lorsque sa mère finissait une phrase pleine de reproches par son prénom, et elle le savait très bien. Toujours très douée pour garder main mise sur une conversation, elle s'était pourtant partiellement privée de ce talent avec son fils depuis qu'il était revenu d'elle ne savait où. A croire que les habitudes avaient la vie dure au sein de la famille Mayr. Malgré ça, il y avait depuis le retour d'Adrian un dialogue moins fermé entre la mère et son fils. Il n'était pas question de démonstration ni d'expression de sentiments non plus, mais les conversations filaient parfois bon train, autour de leur traditionnelle tasse de thé.

- Autant joindre l'utile à l'agréable, n'est-ce-pas là un adage de votre cru, mère ?

Oui, Magda éprouvait cette même crispation lorsqu'il répéta le même procédé dans sa réponse, et il le savait également très bien. Après un regard soutenu de quelques secondes pendant lequel ils se défièrent sans animosité, Magda reprit comme si de rien était, d'un ton légèrement plus engageant.

- Tu es désormais sur la liste des invités pour la collecte de fonds.
- Merci de m'avoir rendu ce service. Répondit-il simplement avant de prendre une gorgée de thé, d'un ton qui se voulait sincère.

Magda posa avec un soin presque exagéré sa tasse exactement à l'endroit d'où elle l'avait enlevé. Ses yeux se plissèrent légèrement tandis qu'elle tentait de sonder les pensées de son fils, qui ne trahissait rien.

- Ca n'a pas été difficile. Tu sais bien que Milon a essayé maintes et maintes fois de t'inviter chez lui. Visiblement, chaque refus ne faisait que te donner de la valeur à ses yeux...Elle poussa un léger soupire en levant les yeux au ciel, pas vraiment étonnant venant de lui cela dit...
- Vous savez que je ne porte pas les soirées mondaines dans mon cœur, encore moins les plus extravagantes...Qui plus est, je doute qu'il m'ait invité à cette collecte sans votre intervention.
- Pourquoi penses-tu cela?
- Parce qu'il s'agit d'une soirée directement liée au...drame.

Un lourd silence tomba pendant quelques secondes. Un bref regard de compassion passa dans les yeux de Magda, une expression qui échappa à Adrian, qui avait détourné le regard et qui se frottait le bras lentement.

- Tu n'as pas complètement tort, mais les raisons que tu évoques ne sont pas les bonnes. Milon est plein de défaut, mais il connaît les règles de bienséance sur le bout des doigts. S'il n'a pas essayé de t'inviter cette fois, c'est parce qu'il ne voulait pas que tu prennes une telle démarche comme une provocation. Crois le ou non, mais il est ravi de pouvoir te compter parmi les convives.

"Afin de satisfaire son égo d'hôte de luxe, bien sûr." Se dit-il intérieurement.

Les propos que tenaient Magda étaient vrais, à n'en point douter. Elle qui avait été rassurée de voir son fils essayer de ne pas se renfermer sur lui-même ne se doutait pas qu'il n'avait jamais réellement été inquiété de ce que pouvait penser une personne comme Milon de lui. En demandant à sa mère d'agir pour lui, l'Amaranthis avait agi dans un tout autre intérêt, celui de garder visible une part de la souffrance qu'avait été l'épreuve de sa condamnation. Personne, ou presque, ne savait ce qu'il avait vraiment vécu, et évoquer le traumatisme d'un marteau s'abattant sur sa sentence au milieu d'une cour de juristes n'était rien en comparaison des souvenirs qui s'insinuaient dans sa tête chaque fois qu'il essayait de trouver le sommeil.

Cette vie de condamnée était aux yeux de tous la sienne, et il se devait de l'assumer pleinement afin d'arriver à ses fins.

Réalisant qu'il s'était égaré dans le silence depuis trop longtemps, Adrian reprit la conversation.

- L'essentiel est que grâce à vous, je pourrais me rendre à cette réception.

Soigneusement, Adrian avait évité de mentionner de près ou de loin Aurélius et sa famille. Il n'avait pas été aveugle aux esquives du sujet de sa mère, la dernière fois. Non, cette conversation-là arriverait sûrement plus tard.

La liberté est au bout d'une corde - Partie 1 W69b20

- Une chose est sure, monsieur Mayr, cela faisait bien longtemps que je ne vous avait pas habillé !

Guillerette comme à son habitude, la petite rousse replète s'affairait à ajuster les manches d'un vêtement spécialement fait sur mesure pour l'apothicaire. Adrian se contente d'un petit hochement de tête discret en réponse à la couturière. Ignorant les questions de prix, il se devait de se montrer sous son meilleur jour, bien qu'il n'en ait au fond aucune envie. Pour cela, hors de question de se montrer avec une tenue déjà portée, un principe bien stupide selon lui, mais qui prenait tout son sens lorsque certains étaient capable de vous rappeler que vous portiez la même tenues des années auparavant lors d'une soirée...

- Je vous trouve bien agité, vous qui êtes si calme d'habitude !

Adrian réalisa seulement que sa jambe gauche bougeait nerveusement sous l'impulsion de la pointe de son pied contre le sol. Il cessa immédiatement après le constat.

- Excusez-moi, comme vous l'avez si bien souligné, cela fait longtemps que je ne m'étais pas prêté à l'exercice.

La rousse se fendit d'un sourire amusé.

- Oui je me souviens de la dernière fois...Dit-elle avant de glousser dans son dos, vous étiez accompagné d'une demoiselle qui avait bien besoin de mes talents ! Elle était jolie mais...un peu sauvage sur les bords...

Après le sourire et le gloussement vint le rire bruyant, qui trouva pour réponse un simple sourire amer de la part de l'apothicaire. Elle ne sembla pas s'en rendre compte, ce qui arrangea grandement l'Amaranthis qui essaya tant bien que mal de ne trahir aucune émotion face à ces douloureux souvenirs qu'il aurait préféré éviter pour le moment.

Après de longues minutes de manipulation en tout genre, la couturière s'éloigna d'Adrian pour détailler l'Amaranthis de haut en bas, avant de sourire à nouveau.

- Encore et toujours le vert n'est-ce-pas ? Vous avez raison de faire ce choix, c'est assorti à vos yeux !
- Pourquoi changer les choses lorsqu'elles sont très bien en place, finalement ?
- Tout à fait, je vous laisse vous changer, je finalise quelques détails ce soir afin qu'elle soit prête pour demain, comme vous me l'avez demandé.
- Merci pour tout, bonne fin de journée.

Après s'être changé, Adrian quitta la boutique sans plus de cérémonie, d'ores et déjà concentré sur cette fameuse soirée.
Maître du Jeu
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Mer 20 Juil - 0:08
La vue du Lys d’Argent baigné dans les rayons du soleil ne lui causa pas autant de tourments qu’à l’ordinaire. Il y avait dans l’air cette subtile fragrance qui apaisait ses craintes, enivrait ses sens et perturbait sa concentration. Son regard se posa sur le désordre ambiant ; il fut un temps où il se serait empressé de tout remettre en place mais aujourd’hui cela n’avait pas la moindre importance.

Dès qu’elle apparut dans son champ de vision, son cœur fit une embardée dans sa poitrine. S’il eut envie de faire ou de dire quelque chose, il se rendit compte que ses membres étaient paralysés, et sa bouche totalement asséchée. Spectateur, cette fois il n’était qu’un simple spectateur.

« Tu as encore besoin d’aide pour tout remettre en ordre ? »

Cette scène, son esprit tourmenté lui rejouait inlassablement dans ses songes. Il avait appris à craindre les moments où il basculerait dans le sommeil, ivre d’épuisement ; parfois il pouvait parler, mais simplement pour s’entendre répéter mot pour mot ce qu’il lui avait dit ce jour-là. Parfois il pouvait se mouvoir, mais uniquement pour la voir s’éloigner de lui à grand pas et disparaître dans les escaliers.

« J’ai arrosé les lys au deuxième étage mais je n’ai pas osé toucher à quoi que ce soit d’autre, peut-être qu’on devrait s’y attaquer aujourd’hui. »

Le cœur au bord des lèvres, son regard détailla son visage une dernière fois avant de glisser avec réticence sur ce qu’elle tenait à la main.

Rien.

Il se souvenait pourtant qu’elle tenait quelque chose, quelque chose d’important. Et tout son univers avait basculé.

« Tout va bien ? On dirait que tu as vu un fantôme. »

Pourquoi rien ne se passait comme d’habitude ? Et pourquoi devait-il rester muet et immobile ? Son regard remonta jusqu’à se plonger dans l’ambre de ses yeux, s’égarant sur le petit sourire mutin qu’elle lui adressait souvent. Et puis la tristesse les voilèrent un instant devant son absence de réponse et elle sembla réaliser qu’elle avait encore sans doute dit quelque chose de travers.

Elle lui parlait de fantôme à lui qui, il n’y pas si longtemps encore, partageait cet endroit avec quelqu’un qu’il aimait.

« Pardon. Excuse-moi. »

Elle franchit tout à coup la distance qui les séparait pour passer ses bras autour de son torse et resta un moment le front collé contre lui.

« Je devrais apprendre à réfléchir avant de parler. »

L’entendre se maudire pour quelque chose qui n’avait pas lieu d’être était frustrant mais plus cruel était encore de ne pas pouvoir la détromper. Lentement elle s’écarta suffisamment pour plonger ses yeux dans les siens et elle finit par lui sourire un peu tristement.

« Un jour, j’espère que tu seras heureux, comme je le suis quand tu es prêt de moi. »

Et il se réveilla seul dans son lit à l’instant où leurs lèvres auraient dû se toucher.

La liberté est au bout d'une corde - Partie 1 W69b

Bien loin de l’extravagant, du sensationnel et de la démesure, la soirée qui se profilait dans le fastueux manoir de Milon ce soir-là semblait curieusement sobre, au grand soulagement d’Adrian. À lui seul, Milon incarnait tout ce qu’Adrian méprisait chez son peuple, pourtant il fallait reconnaître le tour de force que l’homme d’affaires avait accompli en devenant une quasi célébrité dans le monde de la nuit, des excès et des divertissements dont raffolaient généralement les Amaranthis, lui qui n’eut pas la chance de grandir dans l’opulence.

Si la haute société Amaranthis semblait être un bloc hétérogène aux yeux de tous ceux qui ne connaissaient pas les subtilités de leur système, il existait en réalité une rivalité presque ancestrale entre les hommes de science, érudits et médecins comme l’étaient Adrian, Von Ziegler ou encore Aurélius, et les marchands et riches hommes d’affaires comme Milon qui avaient réussi à se hisser à leur niveau de vie grâce à de fructueux placements d’argent. L’on pouvait penser ce que l’on voulait de Milon mais il avait au moins réussi l’exploit de réunir des gens qui se méprisaient cordialement sous le même toit l’espace d’une nuit.

Adrian avait beau ne pas avoir cherché à attirer l’attention sur lui dès son entrée dans le manoir, tous les yeux se tournèrent dans sa direction lorsqu’il se retrouva, un peu perdu, au milieu de la grande salle de réception. Bien vite un serveur arriva à sa hauteur, présentant à sa vue une coupe remplie d’un liquide vermeil et dont il s’empara aussitôt – au moins, si la soirée virait au cauchemar, il pourrait toujours se noyer dans son verre. Trop polie pour le fixer du regard pendant des heures, l’assemblée finit par détourner son attention de lui, même si Adrian pouvait presque sentir de temps à autre un regard acéré braqué sur sa nuque et aurait pu jurer que la plupart des conversations qui avaient repris mentionnaient maintenant son tristement célèbre patronyme.

Dans la foule, au moins reconnut-il un visage amical ; au loin, Johan lui adressait un sourire cordial tandis qu’il levait légèrement son verre devant lui dans un salut muet. S’il n’avait pas été aux prises avec des harpies qu’Adrian connaissait de réputation pour être de véritables mêle-tout, sans doute que son confrère l’aurait rejoint sans tarder pour entamer la conversation. Autour de lui, les brides de discussion qu’il entendait lui confirmaient que le coeur n’était pas vraiment à la fête, même si son peuple se débrouillait toujours pour avoir l’air de s’amuser même en période de crise. Il n’y avait d’ailleurs que les Amaranthis pour organiser ce genre de soirée en hommage aux disparus.

Au moins eut-il la satisfaction d’entendre qu’il n’était pas la seule victime du zèle des autorités lorsqu’il en entendit certains se plaindre des perquisitions qui avaient eu lieu à leur domicile. Maigre consolation…

- Adrian ! Quelle agréable surprise !


Et il apparaissait soudain, le maître de cérémonie, l’homme de toutes les attentions. Milon semblait tout jovial en comparaison de ses invités, ce qui était de nature à crisper Adrian qui n’avait jamais goûté cette propension à l’exubérance. Comment ne pas douter de la sincérité d’un homme qui avait l’air de vous accueillir comme son meilleur ami alors que vous n’avez jamais échangé que quelques mots avec lui de toute votre vie ?

- Quand votre mère m’a dit que vous seriez des nôtres ce soir, j’ai cru qu’elle me faisait marcher. Mais ce n’est pas vraiment le genre de votre mère, n’est-ce pas ?

Encore une fois, tous les regards s’étaient tourné vers lui et les messes-basses reprirent de plus belle.

- Ne faîtes pas attention à toutes ces langues de vipère, Adrian, reprit l’hôte des lieux en dardant un regard presque courroucée à son assemblée. Et pardonnez à certains d’oublier la plus élémentaire des politesses en votre présence. Ils n’ont eu que de vagues ragots à se mettre sous la dents lorsqu’ils ont cherché à savoir ce qui vous était arrivé, et vous savez comment les rumeurs enflent et se déforment chaque fois qu’elles passent d’une oreille à une autre, n’est-ce pas ?

Adrian sentit une main se poser sur son épaule et se crispa davantage. Décidément, Milon était bien familier ce soir avec lui. Il eut presque le réflexe de se dégager de cette étreinte avant de comprendre les intentions de l’Amaranthis à ses côtés : recevoir ce genre d’attention de Milon faisait de vous quelqu’un d’intouchable à ce genre de soirée. Peut-être que son hôte souhaitait simplement et sincèrement qu’il passe une soirée agréable et que les autres invités se tiennent tranquille ?

- Peut-être vous demanderai-je simplement d’éviter les Lameroy ce soir
, lui dit-il sur le ton de la confidence. Ils ont perdu leur fils unique dans le massacre et vous savez comme moi que le chagrin peut parfois faire dire aux gens des choses qu’ils ne pensent pas vraiment.

Le visage grave de Milon se métamorphosa la seconde d’après et il lui adressa un sourire débonnaire. Comme s’il ne souhaitait pas s’attarder sur des sujets aussi déplaisants, il enchaîna avec la prochaine banalité qu’il trouva. Une banalité doublé d’un mensonge éhonté.

- Vous avez l’air en forme ! Je suis ravi de voir que vous ne vous laissez pas abattre par toute cette histoire.
Adrian Mayr
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Jeu 21 Juil - 1:28
Adrian déplorait presque que cette soirée ne soit pas une banale réception aux codes vestimentaires alliant masques et costumes, il aurait eu au moins l'avantage de ne pas forcer plus encore pour dissimuler ses tourments. Barricadé derrière une neutralité qui lui était caractéristique, l'Amaranthis se devait de ne montrer aucun excès d'obscurité, les rumeurs allant déjà suffisamment bon train pour qu'il n'ait pas intérêt à en rajouter une couche. A contrario, il ne valait mieux pas entrer dans le jeu inverse, qui évoquerait une forme de provocations aux plus conflictuels de l'assemblée...Autrement dit, il ne fallait rien prendre pour acquis ce soir.

Attentif aux dires de son hôte, l'apothicaire évitait au maximum de croiser les regards les plus insistant, donnant ainsi plus de crédit à son interlocuteur qui, il le savait, aimait être au centre de l'attention. Il devait reconnaître que - malgré ses faux airs - Milon était un maître de cérémonie expérimenté, exerçant le savoir vivre d'un noble Amaranthis modèle à la perfection. Afin de se donner un peu de contenance, Adrian s'efforça de faire fi de tout ce qui le crispait chez lui pour simplement se comporter de la façon la plus neutre possible.

La mention des Lameroy le fit imperceptiblement tressaillir. Avant le drame, le couple s'était déjà présenté aux portes du Lys d'Argent, pour divers soins en tout genre. S'il ne se souvenait pas exactement de leurs tempéraments respectifs, il se rappelait parfaitement de leur fils à qui il avait également prodigué des soins. Apprendre que le garçon avait trépassé fut un électrochoc dans le crâne d'Adrian, réveillant un instant une voix à la tonalité glaciale dans son esprit.

" Deux cent treize personnes ont perdu la vie, dont quarante-deux enfants. "

S'il n'avait pas été galvanisé par l'imminence d'une avancée dans sa mission, il aurait été clair que l'Amaranthis se serait isolé un instant pour tenter de faire fuir cette voix qui s'immisçait parmi tant d'autres dans sa tête. Impassible de l'extérieur, il glissa une main dans sa poche pour dissimuler la naissance d'un tremblement qu'il sentait sous ses chairs.

" Quarante-deux enfants "

Il eut soudainement envie de se rendre auprès des Lameroy pour plaider sa cause, leur expliquer ce qu'il s'était réellement passé. L'inutilité d'une telle entreprise lui revint aussitôt en tête. Pour eux, il était probablement un assassin impuni ou une autre atrocité du genre. Plaider une énième fois ne servirait à rien, il fallait agir autrement, telle était la raison de sa présence ici, ce soir-même.

Tout ce tumulte mental ne le perturba pas tant qu'il l'aurait cru, si bien qu'il ne manqua pas une miette du discours de Milon. Lorsque celui-ci eut fini, Adrian prit une délicate gorgée de son verre avant de finalement répondre.

- A quoi bon se laisser abattre lorsque l'on nous a offert la chance de survivre là où d'autres ne l'ont eu. Il marqua une pause et jeta une œillade aux curieux encore tourné vers eux, si la ville n'a voulu entendre ma défense dans son entièreté, je ne blâmerai personne et choisirais un autre moyen pour me racheter. Je vous remercie pour cette invitation qui n'a certainement pas fait l'unanimité.
- Allons, allons, ne me remerciez pas, ça me fait vraiment plaisir de vous avoir avec nous ce soir. Vous ai-je présenté ma nouvelle épouse ? Voilà encore un sujet qui n’a pas fait l’unanimité, mais comme je leur offre du divertissement, ils font tous semblant d’être ravis pour moi. Répondit l'hôte, visiblement à l'aise avec l'idée de déplaire à ses invités.

Adrian esquissa un sourire poli, toujours emprunt d'autant de neutralité que d'assurance.

- J'ai l'impression que les on-dit vous amusent, est-ce là vos habitudes d'hôte de renom?

Le sourire narquois qu'afficha Milon avant de le dissimuler derrière son verre confirmait bien cela.

- Peut-être devriez-vous vous en inspirer. Certaines personnes pensent que vous êtes ici dans l’unique but de vous racheter une vertu ; ne les détrompez pas, ce serait une perte de temps. S’il y a une chose que j’ai apprise ces vingt dernières années, c’est qu’on ne débarrasse jamais vraiment des étiquettes que l’on nous colle sur le dos.
- Je suis apothicaire et pendant un temps médecin, vous seriez étonné de voir le nombre de fois où l'on m'a prétendu marchand de sommeil avant de devoir se rendre à l'évidence que j'était compétent.

Adrian entrait dans le jeu de Milon, prêt à s'exposer comme il le faisait lui-même, quitte à contrarier l'opinion publique. Après tout, il fallait bien montrer une certaine valeur à un hôte qui s'était vu de nombreuses fois essuyer des refus à ses invitations. Milon éclata d'un rire foncièrement exagéré assez typique des haute sphère Amaranthis. Il reprit son calme en remarquant une personne arriver dans le dos de l'apothicaire.

- Fran, ma douce, viens donc ici un moment !

Le nom que Milon évoqua parut familier à Adrian. Il pivota de moitié pour découvrir la jeune femme qui se tenait derrière lui. D'une beauté remarquable, la jeune femme au teint mat surmonté d'une longue chevelure frisé et se déplaçant avec une grâce rendu féline par d’interminables jambes n'était effectivement pas une inconnue. Fran était une résidente de la Belle-de-Nuit, établissement pour lequel Adrian traitait quelques échanges médicaux. N'ayant pas eu souvent affaire à elle par le passé, Amaranthis se demanda s'il n'était pas en train de se tromper. Elle vint alors s'installer aux côtés de Milon en posant une main sur son torse, avant de lancer à Adrian un sourire aimable.

- Fran, je te présente Adrian, c’est un…
- Nous nous sommes déjà rencontrés, pour tout dire. Bonsoir Adrian. Dit-elle, dissipant les doutes sur son identité.
- Vous… Ne me dites pas que…

Fran éclata d'un rire moqueur.

- Allons, mon cher, que vas-tu imaginer !

Adrian esquissa un sourire et un signe de tête en guise de salut, avant de prendre la parole.

- Bonsoir Fran, vous êtes ravissantes ce soir. Dit-il avait de tourner les yeux vers Milon pour rattraper le sujet de leur conversation, Voilà un parfait exemple de ce que j'avançais. Gagner la confiance de ces dames ne fut pas une mince affaire.

Milon se détendit lorsqu'il comprit qu'Adrian n'avait jamais été un client de la jeune femme. Suite aux dires de l'apothicaire, Milon regarda la jeune femme du coin de l'oeil en prenant un ton faussement bougon.

- À qui le dîtes-vous…

Fran fit mine d'ignorer son compagnon pour observer Adrian, les yeux rieurs.

- Je suis ravie de vous voir, j’avais peur que tous les visages de ce soir me soient inconnus. Vous pensez que nous allons nous répartir équitablement leurs regards désapprobateur et remarques désobligeantes, hm ?

- Ce n’est pas une compétition, ma chère. Et si quiconque vous fait une remarque ce soir…

Voyant que Milon ferait systématiquement en sorte de participer à la moindre esquisse de conversation, Adrian fit mine de les observer à tour de rôle, passant sa main distraitement dans sa barbe.

- Croyez-vous que l'on se risquerait à vous contrarier sous votre propre toit? Je doute que le nombre de courageux capables d'agir ainsi ne dépasse les doigts d'une seule main. Mais pour répondre à votre question Fran, je pense être un sérieux candidat à la désapprobation ce soir.

La sérénité l'avait gagné de nouveau, facilitant le rôle qu'il s'était décidé à jouer. Fran lui adressa un sourire moins radieux, mais emprunt d'une certaine compassion.

- J’espère que vous passerez une bonne soirée malgré tout. Sachez que vous n’avez pas que des ennemis ici.

Étrangement, cette ultime phrase sonna agréablement aux oreilles de l’apothicaire, qui n’en montra rien. L'attention de la jeune femme se porta alors derrière lui lorsqu'elle aperçût un nouveau couple arriver dans la salle.

- J’aimerais rester un peu plus longtemps avec vous mais mon nouveau rôle m’impose d’aller saluer tous les invités personnellement.
- Rien ne t’impose une telle chose.
- C’est l’occasion de leur montrer qu’ils se trompent tous. Répondit-elle avant d'adresser un nouveau sourire à l'apothicaire, se fendant d'une révérence volontairement portée sur l'exagération, Adrian, ce fut un plaisir.

Adrian exerça également une révérence, bien plus discrète, mais accompagné d'un sourire sincère. La jeune femme était certes habituée à devoir jouer un rôle qui n'était pas le sien, mais elle semblait conserver une part de personnalité qui n'était pas sans dénoté avec l'hypocrisie généralisée du monde riche. Milon quant à lui suivit du regard la jeune femme, totalement éprit d'elle. Il réalisa seulement après de longues secondes qu'Adrian était encore à ses côtés.

- Aaaah, Adrian, Adrian… Je sais qu’il est inconvenant de ma part d’être aussi heureux alors que tant de gens viennent de vivre l’horreur mais… Tout ceci m’a fait réaliser à quel point la vie est courte, à quel point tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Dit-il avant de taper sur l'épaule d'Adrian, se donnant des airs paternalistes.

Cette fois, Adrian dut tout de même se retenir de se crisper face à ce geste, associé à des paroles aussi vides de sens que celles qui venaient d'être prononcées.

- Qui serais-je pour vous contredire après tout ce que nous avons vécu...Il marqua une pause et esquissa un sourire presque arrogant avant de faire un signe de tête en direction de Fran, Allez donc la rejoindre Milon, je suis sur que je n'ai pas que des ennemis ce soir, nous nous retrouverons plus tard, la soirée ne fait que commencer.

Le marchand ne se fit pas prier, acquiesçant des paroles qu'il n'avait probablement pas écouté pour finalement retourner à la suite de sa dulcinée. L'espace d'un instant, Adrian resta immobile à digérer les propos de Milon, perdant son regard dans les ramifications du plafond bien trop chichement moulé à son goût. Garder son calme et ne s'offusquer de rien, telle était la clé de voûte de cette soirée. Il se força à ancrer cette idée, tout en laissant son esprit formuler des dizaines de réponses toutes plus amères les unes que les autres face à la philosophie de comptoir de l'hôte de la soirée.

Lorsqu'il parvint à redescendre, il se concentra sur l'assemblée qui l'entourait. Difficile pour lui de juger qui était disposé à discuter avec lui. S'il n'était pas un paria pour tous et si certain était même emprunt de beaucoup de compassion pour l'injustice dont il était victime, cela restait difficile de savoir qui aurait été de son côté, a l'image des Lameroy par exemple...Ignorant cette douloureuse nouvelle pour ne pas ruminer, l'Amaranthis prit une généreuse gorgée de son verre avant de se mettre en mouvement, en quête de quelques rencontre et d'une visite des nombreuses pièces qui composaient la très renommée maison de Milon.


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Dim 24 Juil - 13:47
Plus curieux qu’hostiles, bon nombre d’invités se contentèrent de lui adresser regards appuyés et sourires polis lorsqu’il passa près d’eux mais toutefois aucun ne sembla vouloir être le premier à l’inviter dans une conversation, et ce malgré l’intervention de Milon. Adrian nota qu’aucun membre du Conseil présents pendant son procès n’était là ce soir ; s’il avait voulu profiter de l’occasion pour plaider sa cause, c’était peine perdue, mais au moins ne pourrait-on pas l’accuser d’utiliser cette soirée comme prétexte à ses intérêts personnels.

Le maître de cérémonie les convia finalement à rejoindre une salle plus vaste dans laquelle étaient dressées une dizaine de tables rondes coiffées de nappes immaculées et surmontées de somptueuses orchidées. Même lorsqu’il s’essayait à la sobriété, Milon ne pouvait visiblement pas s’empêcher de mettre les petits plats dans les grands et de chercher à impressionner ses convives. Chaque table pouvait accueillir jusqu’à six personnes autour d’elle et s’il incombait d’ordinaire à l’hôte des lieux de faire le placements de ses invités lui-même, Milon s’était semblait-il dispensé de remplir ce rôle ce soir ; comment Adrian aurait pu le lui reprocher alors que lui-même n’aurait su où se placer ?

Du coin de l’oeil, l’Amaranthis aperçut la rousse chevelure d’Oriana lorsque cette dernière partit s’installer à une table en compagnie de son père, un avocat très connu du quartier. Si l’idée de s’offrir la sympathie d’un tel homme lui traversa brièvement l’esprit, le souvenir de son dernier échange avec Oriana dans la serre familial fut plutôt de nature à l’en dissuader. D’ailleurs, la demoiselle d’ordinaire si prompte à pousser la porte du Lys d’Argent pour n’importe quelle broutille avait été curieusement absente ces derniers mois. De là à penser qu’elle croyait à toutes les folles rumeurs qui couraient à son sujet, il n’y avait qu’un pas qu’il s’était pour le moment gardé de franchir…

Chaque table se retrouva bien vite occupée par une personne dont Adrian aurait évité la compagnie s’il avait été présent dans l’optique de passer une bonne soirée - malheureusement pour lui, il n’était pas vraiment là pour ça. Ses hésitations lui firent perdre tellement de temps que le sort en décida pour lui ; heureux coup de pouce du destin ou cruelle ironie, il se retrouva installé à la même table que la mère et la fille de Langret et… les Lameroy. Le cinquième larron de ce curieux tableau était un homme qu’Adrian n’avait jamais vu, un homme austère à peine plus âgé que lui dont les cheveux mi longs étaient aussi noirs que l’était son costume. Lorsque ce dernier leva les yeux vers lui, Adrian crut y lire un mélange d’intérêt et de méfiance. Les Lameroy, eux, ne cachaient en rien leur dédain et lui adressèrent à peine un regard, encore moins un mot.

- Monsieur Mayr, salua poliment la mère de Langret. Vous ne devez sans doute pas vous souvenir de moi. Ravena de Langret, et voici ma fille Marielle.

Maintenant qu’il l’avait devant lui, il se souvenait des quelques repas mondains auxquels ils avaient tous les deux participé dans un lointain passé. Au contraire de Magda, Ravena avait toujours boudé les échanges passionnés entre les érudits qu’ils recevaient parfois au manoir familial, si bien qu’Adrian n’avait jamais réellement échangé quoi que ce soit avec cette presque inconnue. Quant à sa fille Marielle, la très jolie jeune femme qu’il avait devant lui n’avait plus rien à voir avec l’enfant à peine entrée dans la puberté qu’il avait croisé une fois ou deux.

Au moins les deux femmes s’étaient fendu d’un léger sourire en le voyant contrairement à tous les autres personnes attablées devant lui, ce qui le rasséréna quelque peu... juste avant que la dénommée Marielle n'ouvre la bouche pour interroger sa mère d'un chuchotement tout sauf discret.

- Mayr ? Mais ce n'est pas le fils de J...
- Par pitié, mon enfant, tenez votre langue et contentez-vous de sourire ce soir, coupa sa mère avec agacement.

À sa gauche, l'homme vêtu de noir eut un rictus amusé, comme s'il appréciait déjà le dîner spectacle qui se profilait à l'horizon.
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Dim 24 Juil - 23:22
Partagé entre réjouissance et déception, Adrian opta bien rapidement pour le pendant positif de sa dualité dès lors qu'il se rappela aux raisons de sa présence ici. Sortir était une activité qu'il négligeait trop souvent, au détriment de sa sociabilité déjà fortement entachée par un caractère solitaire développé ces dernières années. Papillonner n'était malgré tout pas à l'ordre du jour, et Adrian semblait en avoir bien conscience. Au fond, il remerciait presque que le hasard l'ait placé autour d'une table aussi disparate, cela aurait au moins le mérite de le rappeler à l'ordre s'il se trouvait hasardeusement à prendre un peu trop ses aises.

L'Amaranthis observa la table et son dressage minutieux, appréciant un instant le sens du détail et de la perfection dans l'installation des couverts et décorations en tout genre. Ses yeux se posèrent sur les orchidées, de superbe représentantes de l’espèce, dédiées à faire encore un peu plus sensation auprès des convives. Adrian aurait été prêt à parier une coquette somme d'argent qu'ils s'agissait là des fleurs favorite de Fran, cette jeune femme qui occupait visiblement les pensées du maitre de maison en tout temps.

Lorsqu'ils furent tous correctement installés, les regards s'échangèrent une première fois en silence, comme s'il était de coutume de jauger ses voisins de table en respectant un mutisme de convenance avant d'engager quelconque conversation. Bien entendu, Adrian n’insista lorsque son regard se heurta à l’hostilité des Lameroy. L'Amaranthis s'attarda un peu plus sur la seule personne qu'il n'avait jamais vu, échangeant avec l'inconnu un regard de quelques secondes dans lequel il put lire une forme d'intérêt pour lui, évoquant en son fort intérieur une méfiance qu'il ne laissa pas apparaître dans l'expression de son visage. Les échanges muets avec les deux femme de Langret était quant à lui bien moins hostile. Comme pour illustrer cet accueil plus ouvert, la plus âgée des deux prit la parole.

- Monsieur Mayr. Vous ne devez sans doute pas vous souvenir de moi. Ravena de Langret, et voici ma fille Marielle.

S'il aurait été capable de se rappeler de la mère en fouillant dans sa mémoire, il lui aurait été impossible de faire le lien entre le souvenir qu'il parvenait à trouver de Marielle et ce qu'elle était devenue aujourd'hui. Toutes deux élégantes, les femmes de Langret faisaient montre d'une ressemblance certaine dans les mimiques et attitudes qu'elles adoptaient. Lorsqu'elles se fendirent presque simultanément d'un sourire, l'air de famille devint encore plus évident. Répondant à leur politesse par un sourire discret et un mouvement de tête, l'apothicaire n'eut pas le temps de prendre la parole avant que Marielle ne commence une phrase, vivement interrompue par sa mère. L'Amaranthis réprima sa crispation en interprétant l'évident nom qui n'avait pas été prononcé.

Il le savait, cela devait arriver, il lui faudra tôt ou tard arrêter de faire l'impasse face à sa propre histoire, quoique cet instant lui parut un peu abrupt pour se lancer dans l'aventure d'un grand pas. Poliment, Adrian renouvela un sourire détendu en ignorant quelque peu l'affirmation endiguée de la jeune femme.

- Dame de Langret, je me souviens de vous, bien que notre dernière rencontre remonte à plusieurs années. Il semblerait que le temps n'ait guère de prise sur vous. Son regard se tourna ensuite vers la plus jeune des deux femmes, quant à vous Marielle, je dois avouer que ma mémoire ne m'aurait pas permis de vous reconnaître tant vous avez changé, il faut dire que nous étions très jeune lors de notre dernière rencontre.

Marielle adressa un sourire charmant à l'apothicaire, semblant déjà avoir oublié les consignes de sa mère.

- Je ne vous aurais pas reconnu moi-même si toute l’assemblée n’avait pas chuchoté votre nom lorsque vous êtes entré tout à l’heure.

Du coin de l'œil, Adrian perçut la tension de Ravena, craignant probablement que sa fille ne mette une nouvelle fois les pieds dans le plat. L'Amaranthis resta silencieux un instant, esquissant un nouveau sourire aimable en réponse à celui de son interlocutrice. Il hésita alors entre jouer franc jeu et assumer totalement sa condition et se montrer plus discret. S'il n'avait pas été en présence de personnes le tenant pour responsable de la mort de son fils, il ne se serait certainement pas posé de questions.Les propos qu’avait tenu Milon au sujet de ces personnes et de leur ressenti face à ce qu’il incarnait lui revinrent en tête. Selon lui, il était vain de chercher à se décoller des étiquettes que certains s'évertuaient à leur attribuer. Sur ce coup là, l'apothicaire ne put qu'admettre que cet homme était dans le vrai. Toutefois, Adrian préféra garder une certaine retenue instinctive, propre à son caractère.

Après quelques courtes secondes, il reprit finalement la parole.

- Il faut dire que je n'ai pas brillé par ma présence aux réceptions de ces dernières années, encore moins récemment. Je suis tout de même content de voir que je n'aurait pas à me contenter d'observer le fond de mon verre en silence avec votre mère et vous à ma table.
- Allons, personne ne vous laissera simplement vous asseoir en silence après ce que vous avez vécu. N’est-ce pas d’ailleurs pour cela que vous êtes ici ce soir ?
- Comment va votre mère Adrian ? Coupa Ravena une nouvelle fois.

Il était évident que Marielle disposait d'une faculté à mettre les pieds dans le plat sans détours, un trait de caractère qui, dans la finalité, arrangeait beaucoup Adrian, presque déçu de ne pas pouvoir formuler une réponse à la jeune femme sans se montrer impoli avec sa mère. Dans ce genre de soirée, il était de convenance que la parole d'un parent prônait sur celle de sa descendance, quel que soit son âge. Bien sur, il y avait bien quelques exceptions, mais dans le cas d'une femme comme Ravena, le respect des normes était de mise. Malgré tout, Adrian avait bien conscience que cette question n'intéressait guère celle qui l'avait posée. Désireux de ne pas perdre totalement le fil de la conversation, l'apothicaire adressa un regard entendu à Marielle, lui soulignant qu'il ne se désintéressa pas de leur échange. Il tourna le regard en direction de Ravena et répondit calmement à la question factice.

- Elle se porte comme un charme. Vous la connaissez, rien ne semble jamais capable d'atteindre son moral. Elle doit être présente ce soir, mais je ne l'ai pas encore croisée. Il marqua une pause et effectua un arc de cercle avec ses yeux pour contempler les alentours.  Aux vues de la taille de cette demeure, il est possible que nous nous soyons raté jusqu'alors.

Une nouvelle fois, Adrian hésita à avancer un peu plus dans sa mission, mais il préféra faire preuve d'un peu de retenue. La soirée promettait d'être longue, et à voir l'intérêt que portaient les femmes de Langret au fait de se montrer lors de telles occasions, il n'y avait pas de toute que la conversation se prolongerait suffisamment longtemps. Qui plus est, il n'avait aucune certitude que la mention d'Aurélius auprès de sa femme et de sa fille soit une très bonne approche. Peut-être attendrait-il que l'une d'elles en parle ou qu'il puisse entamer une discussion plus privée avec l'une des deux. Marielle semblait être un meilleur choix, tant elle semblait capable d'aborder d'épineux sujets avec une certaine décontraction.

Réalisant qu'il n'était pas de bonne augure de se fermer à la sociabilité ce soir, Adrian tourna la tête vers la seule personne qu'il ne connaissait pas à cette table, cet homme aux cheveux sombres qui ne manquait pas de le dévisager et d'écouter leur conversation. Sans un sourire mais sans se montrer non plus désagréable, Adrian s'adressa à l'homme en soutenant son regard.

- Je crois que nous n'avons jamais été présenté, Adrian Mayr. Dit-il en hochant légèrement la tête. Et vous-êtes ?
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Lun 25 Juil - 16:19
Marielle gonfla légèrement les joues après cette deuxième interruption et l’air boudeur qu’elle afficha brièvement ne fut pas si éloigné du dernier souvenir qu’Adrian avait d’elle. Son visage reprit une expression tout à fait normal une seconde plus tard, signe que la demoiselle devait hélas être habituée à ce que sa mère prenne le monopole de toutes les conversations autour d’elle. Discuter avec Ravena pouvait se révéler tout aussi intéressant mais l’apothicaire sentait qu’elle aurait beaucoup plus de retenu que sa fille lorsqu’il s’agirait de faire tomber le masque de l’hypocrisie.

S’adresser directement à la seule personne qu’il ne connaissait pas au moins de réputation était l’occasion de pouvoir l’observer sans être malpoli. Son costume très élégant mais sans aucune fioriture d’aucune sorte dénotait au milieu de tous les autres convives ; soit il n’avait pas l’habitude des codes vestimentaires qui régissaient ce genre de réception guindée, soit il avait sciemment décidé de les ignorer.

La nonchalance avec laquelle prit le temps d’avaler une gorgée de son verre avant de lui répondre faisait pencher la balance vers cette deuxième option.

- Vous pouvez m’appeler Cole, juste Cole, répondit-il dans un sourire qui n’atteignit jamais ses yeux. Acceptez-vous d’accueillir un banal comptable à votre table ce soir ?

Le ton était à la plaisanterie mais Adrian conserva une expression relativement neutre tandis qu’il se passait distraitement les doigts dans sa barbe.

- Il n'y a guère de différenciation à faire ce soir, nous sommes tous les invités d'un seul et même hôte et nous partagerons le même repas. Enchanté de vous connaître.

Au moins était-il toujours capable de dire quelque chose qu’il ne pensait pas du tout, l’une des premières compétences de survie lors d’une soirée dans les hautes sphères. Le dénommé Cole semblait ne pas être dupe un seul instant et son sourire s’accentua davantage, cristallisant dans celui-ci toute l’arrogance dont était capable un Amaranthis.

Adrian continua sans même en avoir conscience son examen minutieux, presque comme s’il cherchait à percer sa réelle nature. Il émanait de l’homme une discrète odeur d’encre et de parchemin, et ses doigts délicats ne semblaient pas avoir manipulé autre chose que des registres de toute sa vie. Jusqu’ici, il n’était pas possible d’affirmer que Cole n’était pas simplement ce qu’il affirmait être, un banal comptable. L’apothicaire en était là de ses réflexions que la voix de Marielle se fit entendre, presque mutine.

- Vous avez dû mettre votre nez dans une comptabilité particulièrement opaque pour obtenir une invitation ici ce soir. Je n’ose vous demander le nom de votre client.

Si Marielle était douée pour mettre les pieds dans le plat, elle le faisait chaque fois avec tant d’innocence dans le sourire et le regard qu’Adrian se demanda si ce n’était pas elle, en définitive, l’adversaire la plus redoutable dans le jeu des faux semblants, et si elle n’avait pas parfaitement conscience de ce qu’elle faisait chaque fois qu’elle ouvrait la bouche.

- Rien de tout cela, ma dame, s’amusa Cole, pas le moins du monde déstabilisé par le sous entendu. Ma cliente a tenu à faire une généreuse donation pour la levée de fonds mais sa santé ne lui permet plus d’assister à ce genre de réceptions ; elle m’a fait assez confiance pour la représenter ce soir.

Cette fois, ce fut au tour de l’épouse Lameroy de faire entendre sa voix que les sanglots semblaient avoir irrémédiablement éraillé. Cernée et malingre, elle donnait l’impression d’avoir vécu les trois derniers mois dans une pièce dont les rideaux étaient constamment tirés et n’avoir avalé que le strict minimum pour survivre.

- Puis-je vous demander le nom de cette généreuse donatrice ?
- Madame de Richefer.

Quelque chose se détendit dans le visage endeuillée de l’épouse Lameroy. Elle qui avait observé Cole avec intensité une seconde auparavant se perdit à nouveau dans la contemplation de son verre. Ses prochaines paroles furent à peine plus audibles qu’un murmure, et pourtant tout le monde les entendit distinctement.

- Oui, je connais bien Madame de Richefer. C’est très aimable de sa part de penser aux autres dans sa situation. J’espère qu’elle se remettra vite...

L’échange était bref et banal mais le silence qui s’ensuivit fut presque religieux. Adrian remarqua seulement maintenant les serviteurs qui s’affairaient autour d’eux, déposant plateaux garnis de petits amuse-bouches raffinés à leur table, autant de gens auxquels aucun des convives ne prêtaient réellement attention. Ils étaient comme invisibles… Et l’Amaranthis ne put s’empêcher de se demander combien d’entre eux entendraient quelque chose d’important ce soir, sans même réaliser la valeur de ce qui pouvait tomber dans leurs oreilles.
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Mar 26 Juil - 23:15
Malgré ses airs de gratte-papiers confirmant sa présentation, Adrian ne put s'empêcher de tenter de détailler un peu plus cet inconnu avec qui il partagerait sa table. Dire qu'il se méfiait de lui était un bien grand mot, étant donné que l'apothicaire était toujours prompt à se méfier de quiconque ne lui serait pas familier. La neutralité de ses vêtements et ses manières sobres laissaient effectivement penser que cet homme était un habitué à se faire discret, sans pour autant dénoter dans le paysage fantaisiste de la mondanité Amaranthis. Au risque d'être impoli, l'apothicaire cessa de dévisager son interlocuteur lorsque Marielle l'interpella à son tour. Il demeura silencieux jusqu'à la fin de l'échange auquel l'épouse Lameroy s'était mêlée.

Le petit manège des serviteurs l'hypnotisa un instant. Répété et chorégraphié, le comportement du personnel était aussi minutieux et précis que tout ce qui touchait à l'hospitalité dans cette demeure. Leur ballet de plateaux et assiettes ressemblait à une véritable représentation destinée à faire briller encore un peu plus les yeux des convives. La plupart d'entre eux semblaient ravis de contempler les assortiments d'entremets apportés à leur table, se désintéressant de leur porteur à la seconde où il s'éloignait de leur périmètre. Adrian les regarda un instant de plus, remarquant des jeux de regards et échanges de sourire discrets entre les employés de maisons, probablement amusés par des discussions passées traitant de certains invités où de leur patron. La conversation avec celle qui lui avait rendu visite et dont il ignorait toujours le nom lui revint en tête, et il dut admettre que le point de vue qu'elle lui avait exposé à propos des oreilles traînantes de ceux qui se rendent invisible au monde de la haute société devint encore un peu plus crédible. Combien aurait-il donné aujourd'hui à ces serviteurs s'il avait pu avoir un compte rendu de tout ce qui se disait lors d'une telle soirée ? Probablement une coquette somme.

Lorsqu'il reporta son attention sur la table, il suivit le regard des autres convives, tous dirigés vers le plateau central, contemplatifs. Adrian se prêta au jeu et observa les amuses bouche colorés et variés qui habillaient désormais le centre de la ronde. Encore une fois, Milon n'avait pas fait les choses à moitié. Salé,, Sucré, Iodé, tiède, froid, il y en avait pour tous les goûts et chacun s'affairait désormais à faire un choix que les plus gourmands de l'assemblé jugeaient cornélien. Adrian repéra une pièce probablement à base de langoustine et le prit délicatement tandis que ses voisins de table faisaient de même avec leurs prises respectives. Une nouvelle fois, l'Amaranthis jaugea l'assemblée qui, terrée dans le silence, semblait attendre que quelqu'un se décide à parler. Une fois n'est pas coutume, et aussi parce qu'il se devait d'apparaître sous un "bon" jour, Adrian se risqua à prendre la parole, s'adressant principalement à Marielle et Ravena.

- Si l'on m'avait dit que la nourriture était si bonne aux soirées de Milon, peut-être aurais-je consenti à faire plus d'effort pour assister à ses réceptions. Dit-il, se montrant relativement détendu.

Tout aussi à l'aise que lui, Marielle prit la parole sans attendre de voir si sa mère comptait le faire, adressant à l'apothicaire un sourire qu'il aurait juré être plein de sous-entendus.

- Comptez-vous rattraper le temps perdu ce soir, Adrian ?

Concentrant un peu plus son attention sur celle qu'il considérait comme la plus prompte à lui apporter des réponses, Adrian prit son verre devant lui sans le lever.

- Du mieux que possible. J'ai peut-être pris un peu trop le pli de l'isolement ces dernières années. Dit-il sur un ton léger avant de boire une gorgée de liqueur.
- Il est vrai que le destin a été particulièrement cruel avec vous. La perte de votre épouse, cette histoire de procès, vos problèmes de santé… ça n’a pas dû être facile.

N'attendant visiblement qu'une occasion pour questionner Adrian, Cole semblait n'avoir cure de faire preuve de tact avec l'apothicaire, n'hésitant pas à aborder les sujets sensibles de la plus décontractée des façons. Suite à ses mots, il but une gorgée de sa boisson, observant la réaction de l'apothicaire par-dessus son verre. Surpris mais pas déstabilisé, Adrian répéta mentalement les informations que l'homme avait avancé à son propos. Visiblement, il n'avait fait qu'un simple énoncé de tout ce qui avait pu se dire sur son histoire ces dernières années. Après quelques secondes de silence qui se serait voulu pesant s'il avait duré un peu plus longtemps, Adrian prit la parole, fixant Cole de la plus neutre des façons.

- Rien de tout cela n'a été simple, non. Je vous le confirme. Mais je ne suis pas certain que regarder en arrière soit une bonne stratégie pour moi. Si je suis ici, c'est aussi pour aller de l'avant.

S'entendre exprimer une mentalité qui aurait été son mode de vie s'il n'avait été enchaîné à sa mission l'attrista intérieurement, mais il s'était suffisamment préparé à devoir encaisser pour se laisser déborder ce soir. Même s'il devait mentir, Adrian ne laisserait rien transparaître d'inhabituel. En réponse, Cole se contenta de sourire, intriguant un peu plus l'apothicaire qui s'attendait presque à le voir lancer une nouvelle question plus indiscrète encore. l'homme n'en fit rien, et ce fut le patriarche Lameroy qui prit la parole d'une voix pleine de fiel et de rancœur.

- Quelle chance vous avez, de pouvoir regarder vers l’avenir, quand tant d’autres personnes en ont été privés…

Adrian sentit un frisson lui remonter l'échine, constatant l'inévitable conversation se présenter à lui.

- Oward… Tenta de dire sa femme, l'avertissant de ne pas faire d'esclandre ce soir.
- Allons, Oward… Intervint Ravena, diplomate. Ne traitez pas ce garçon comme s’il était à l’origine de tous vos maux. Nous connaissons tous le nom des coupables, Von Ziegler et son fils, et ils ont payé pour ce qu’ils ont fait.

Profitant de se minuscule répit, Adrian resta attentif à l'échange, passant instinctivement sa main sur le côté de son visage, longeant avec une effrayante précision les lésions encore visibles de son visage. La seconde suivante, il laissa glisser sa main contre son bras jusqu'à ce qu'elle regagne la table, feignant d'avoir maîtrisé son geste en ne trahissant aucun manque d'assurance. Au yeux de presque tout les convives, Adrian donnait l'impression de ne pas avoir sourcillé.

- Je ne suis pas là pour plaider ma cause. Je sais également que je ne pourrais guère vous faire changer d'avis à mon sujet, malgré mon innocence. Je vous accorde mes plus sincères condoléances quant à votre perte.

Le ton qu'il avait employé avait sûrement été familier aux Lameroy tant il était similaire à celui que l'on avait l'habitude d'entendre lorsque qu'Adrian était dans l'exercice de ses fonctions. Neutre sans excès de froideur ni d'émotions, ce qui n'entachait nullement la sincérité que l'on pouvait entendre dans sa voix. S'il n'était pas coupable de la mort de l'héritier de leur famille, il ne se sentait pas moins responsable dès lors qu'il s'imaginait ne pas avoir agi assez bien, ni assez vite, dans les égouts de la ville. Avec du bon sens et tous les éléments de l'histoire, il était évident qu'il n'aurait rien pu faire de plus pour cet enfant...

Adrian se rendit bien vite à l'évidence. Face à des parents endeuillés, il n'était guère possible de plaider sa cause et tout ce qu'il pourrait avancer trouverait sourde oreille. C'est finalement le ton un peu plus calme qu'Oward se décida à répondre.

- Des années que vous jouez les fantômes… Et il a fallu que vous choisissiez cette réception pour faire votre grand retour parmi les vivants. Votre démarche est-elle sincère ou est-ce votre image que vous êtes venu soigner ce soir ?

La crispation semblait vouloir prendre le pas sur le calme de d'Adrian, si bien qu'il dut boire une nouvelle gorgée pour s'éviter de répondre immédiatement. Il savait que cela ne servirait à rien, mais il se refusait à ne pas répondre.

- Restez chez vous et l'on vous dit homme se sachant coupable, sortez et l'on vous affuble des habits d'un quêteur de rédemption. Je sais très bien que votre prochain argument à propos de la sincérité de ma démarche est prêt à m'exploser au visage.

L'anticipation d'Adrian mêlé à son franc parlé sembla troubler Oward, qui n'osa pas intervenir. Profitant de l'ouverture, l'apothicaire reprit son élocution, toujours sur ce ton dénué d'excès.

- Je ne vais pas m’inventer une vie pour satisfaire la curiosité des uns et des autres, je suis ici pour contribuer à l'effort collectif, celui qui permettra peut-être d'alléger votre peine et celle des autres. Je ne suis pas un faiseur de miracle, mais je ne suis pas non plus un meurtrier, alors permettez-moi de sortir de l'ombre que je m'étais imposé afin de pouvoir apporter un peu de l'aide qu'il m'est encore autorisé de donner. A l'image de votre deuil, notre peuple fait face à une épreuve qu'ensemble nous sommes capable de surmonter.

Si la phrase ne fit pas mouche pour qu'Oward ne se décide à relancer, elle eut au moins le mérite de tempérer la conversation, sans pour autant atténuer le regard noir que le Patriarche Lameroy lui adressa avant de se concentrer sur son verre et son assiette.

Un brin soulagé de voir que la conversation allait possiblement prendre une autre direction, Adrian profita comme tous les autres convives du second service d'entremets, venu succéder le premier à la seconde même où le dernier amuse-bouche quittait le plateau. Le repas promettait d'être long, mais il se rassura en pensant qu'il n'avait pas que des ennemis à sa table ce soir. Qui plus est, la soirée durerait surement assez longtemps pour que le diner ne soit qu'une étape à passer avant qu'il ne puisse se saisir d'une occasion d'aller plus loin dans sa mission.
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Sam 30 Juil - 14:57
Avait-il été convaincant ou Oward Lameroy ne rendait-il les armes que par égard pour son épouse, prostrée à côté de lui ? Ce court échange avait au moins eu le mérite de confirmer qui étaient ses alliées autour de la table, même s’il était étrange d’entendre la version des autorités assénée comme une vérité dont il n’était pas permis de douter ; Adrian savait mieux que personne que même si Von Ziegler était impliqué dans l’histoire, il était loin d’être le seul, et que seul un naïf ou un coupable aurait pu croire ou voulu faire croire le contraire. Combien d’autres personnes présentes ce soir avait eu connaissance ce qu’il se passait sous la ville avant le drame ? Et combien avait participé à ces expériences ?

- C’est courageux à vous d’être venu ce soir. Beaucoup ne s’y serait pas risqué à votre place.


Ce fut Ravena qui brisa le silence qui s’était installé et l’apothicaire sentit cette fois que malgré sa retenue habituelle, ses mots étaient sincères. Marielle renchérit après elle.

- Et puis, vous savez ce qu’on dit : en bien ou en mal, l’essentiel est que l’on parle de vous.

Adrian les regarda successivement, un léger sourire amusé sur les lèvres, voyant là une opportunité de faire dévier la conversation sur des sujets bien plus légers.

- Je devrais faire attention à ne pas voler la vedette à notre hôte, il pourrait bien ne jamais me réinviter.

- Ne vous inquiétez pas pour ça, Milon ne se laisse jamais distancer très longtemps. J’ai hâte de voir ce qu’il aura inventé pour qu’on ne parle que de lui lors de la prochaine réception. Marielle baissa le ton suffisamment pour que seule sa mère puisse l’entendre mais Adrian n’en perdit pourtant pas une miette. Peut-être aura t-il ouvert un bordel d’ici là...
- Marielle…
- Oh, je n’ai rien contre les prostituées, ajouta Marielle, toujours sur le même ton, juste avant de boire une gorgée de son verre, juste que d’habitude on ne les épouse pas…

D’ordinaire si prompte à reprendre sa fille au moindre écart de conduite, cette fois Ravena se contenta d’imiter son geste, jetant bien malgré elle un regard vers la table de Milon et sa nouvelle épouse. Apparemment, elle avait beaucoup moins de scrupules à aborder les sujets épineux lorsque les intéressés n’étaient pas présents, ce qui laissa supposer à Adrian qu’elle ne l’avait probablement pas épargné avant qu’il ne rejoigne leur table.

Lui qui s’était réjoui d’avoir habilement dévié la conversation de sa trajectoire initiale se replongea dans le mutisme le temps qu’elles se lassent de cancaner sur la pauvre Fran, n’ayant aucune envie d’acquiescer à leurs propos pour se faire bien voir de ses compagnes de tablée. À sa gauche, Cole restait lui aussi étrangement silencieux, se désintéressant totalement des conversations autour de lui ou feignant de s’en désintéresser.

Plusieurs fois pendant le repas, il remarqua également que Marielle veillait à ce que le verre de Ravena soit toujours rempli, probablement pour échapper à sa vigilance plus tard dans la soirée et à ses constantes remontrances. On pouvait penser ce que l’on voulait de Marielle, au moins œuvrait-elle – certes sans le savoir – à lui faciliter la vie ce soir.

Adrian accueillit la fin du repas avec soulagement même s’il en ressortait plus informé que jamais sur le triste monde de la haute société Amaranthis, un monde où la vacuité régnait en maître et qu’il ne regrettait pas vraiment d’avoir évité ces dernières années. Cole et les Lameroy s’éclipsèrent sans tarder après le dessert tandis que Marielle et sa mère s’attardèrent un peu avant d’aller saluer d’autres de leurs connaissances, le laissant vagabonder dans la trop grande demeure de Milon.

La main qui se posa sur son épaule l’agaça prodigieusement avant que le visage souriant de Johan n’apparaisse dans son champ de vision.

- Adrian. Pardonnez-moi de ne pas être venu vous saluer plus tôt, je ne pensais pas être autant sollicité ce soir. Par pitié, dites-moi que vous aussi vous êtes l’une des mises de la vente aux enchères de ce soir et que je ne suis pas le seul imbécile à m’être prêté aux fantaisies de Milon.
Adrian Mayr
Adrian Mayr
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Lun 1 Aoû - 17:13
Un peu pris de court, Adrian réalisait la sous jacente nervosité qui menaçait de jaillir s'il s'autorisait trop de détente lorsqu'il sentit la main de son confrère médecin se poser sur son épaule. Aussi innocent qu'ait été le geste, il apparaissait là similaire aux attitudes de Milon, ce qui laissa penser à l'apothicaire qu'il allait d'ores et déjà devoir se confronter à une longue conversation avec l'hôte de maison. Son soulagement fut presque visible lorsque Johan apparut dans son champ de vision. La crispation qui était de nouveau sienne s'apaisa tandis qu'il écoutait les dires du jeune homme. Une fois n'était pas coutume, Adrian accueillit son confrère avec moins de retenue, tendant vers lui une main en guise de salutation, geste que Johan parut apprécier en répondant à cette poignée de main.

- Je ne vous en veut pas, il y a foule ce soir et je comptais venir à votre rencontre dès que l'on aurait un peu de liberté. Dit-il avec une pointe d'amabilité.

Sans qu'il ne le considère comme un véritable proche, Adrian avait au fil du temps et de quelques réceptions appris à apprécier Johan. Certes, le médecin n'était pas un modèle de droiture dès lors que l'argent entrait en ligne de compte, mais il n'en restait pas moins une compagnie plus agréable que la plupart des notables que l'apothicaire ait pu connaître. Pourtant, en apparence, Johan se comportait pratiquement comme tous les autres Amaranthis présents à la soirée, n'hésitant pas à abuser du paraître et des ronds de jambes. Au yeux d'Adrian, il donnait malgré tout l'impression de moins se cacher lorsqu'il était en sa compagnie, comme en témoignait leur dernière rencontre où il avait été un camarade de soirée plutôt agréable.

Pendant un instant, Adrian se demanda si le médecin était impliqué de quelconque façon dans l’incident de la bibliothèque et donc dans les complots les plus sombres qui sévissaient au sein de leur peuple. S’il se fiait à son instinct, l’apothicaire aurait dit que Johan n’avait rien à voir dans toute cette histoire, mais les récents évènements l’avaient amené à réviser ses préjugés et à se méfier plus encore de quiconque ayant une proximité avec cette histoire. Il préféra cependant se convaincre de l’innocence du jeune homme pour le moment, car il ne pouvait se permettre de se priver du peu d’alliés éventuels qu’il pourrait avoir dans toute cette histoire.

- Les grands esprits se rencontrent ! Je dois admettre que je suis ravi de vous voir en notre compagnie ce soir. Vous avez tout à fait votre place ici.

La maladresse du propos n'entacha pas l'idée qu'Adrian en tira, se rassurant de compter un détracteur de moins parmi une foule aussi variée que ce soir. Afin de ne pas s'étaler sur le sujet de sa présence ici, l'apothicaire se contenta d'un hochement de tête ponctué d'un rictus discret. Son regard se fit plus interrogateur ensuite, à l'image de sa main venant passer dans sa barbe, sous son menton.

- Je n'ai pas rebondi sur vos dires, mais il me semble bien vous avoir entendu mentionner une vente aux enchère...Pour laquelle vous êtes l'une des mises ?

Johan eut une moue déçue, un brin exagérée.

- J'ai donc la réponse à ma question...Je crois que je suis le seul homme à m'être engagé dans cette farfelue idée...Il toussota de gêne avant de reprendre un peu d'assurance, Milon aime bien en mettre plein la vue, vous le savez.
- Oui, je constate que les rumeurs n'étaient que de doux euphémismes.
- Et bien voilà sa nouvelle idée. Faire une collecte de fond n'était pas assez prestigieux pour ses illustres réceptions, il a donc décidé d'ajouter un peu de piment à tout ça, et voici donc qu'il organise une vente aux enchères durant laquelle il sera possible de s'octroyer un rendez-vous en compagnie de la personne mise en vente...Exotique n'est-ce pas ?

Adrian resta silencieux un instant. Aussi contestable qu'eût été l'idée de Milon, la vente aux enchères garantissait à l'Amaranthis que la soirée durerait suffisamment longtemps pour qu'il ne soit pas obligé d'accélérer les choses dans ses tentatives d'approche. Cette nouvelle soulagea cette appréhension qui l'avait gagnée pendant le repas et qui lui laissait envisager qu'il n'aurait guère le temps d'agir pour le bien de sa mission.

Revenant au fil de la conversation, l'Amaranthis haussa les sourcils en prenant une grande inspiration qui soulignait une légère exaspération.

- Disons que cette pratique n'a pas la même incidence dans tous les contextes...Mais j'imagine qu'il s'agit là d'une façon bon enfant de divertir le plus grand nombre, malgré les événements récents.
- Je suis partagé entre l'amusement de cette situation et le regret, alors pitié Adrian ne soyez pas trop critique ce soir. Répondit Johan d'un air faussement inquiet.
- Dites-vous que c'est pour la bonne cause, qui sait, peut-être allez vous passer une soirée en tête à tête avec madame Al'thor...

Johan sembla pâlir à l'écoute des dires d'Adrian.

- Madame Al'thor n'a plus l'âge de jouer à cela voyons…
- J'ai cru l'apercevoir discuter avec un jeune homme de votre âge, plus tôt dans la soirée, elle semblait enchanté d'avoir un peu de compagnie...
- Vous avez gagné, j'ai peur désormais...Dit-il en souriant, soulignant son amusement.

Johan plissa les sourcil tout en dévisageant Adrian, comme soudainement intrigué par l'apothicaire. S'il remarqua les cicatrices sur le visage de celui-ci, il n'en fit aucun commentaire. Son sourire réapparu avant qu'il ne reprenne la parole.

- Dites-moi Adrian, je n'avais pas souvenir que vous étiez taquin à ce point...Est-ce là l'œuvre de cette pétillante demoiselle qui vous accompagnait la dernière fois? Une charmante personne si vous voulez mon avis, vous étiez un couple remarquable. Je ne l'ai pas vu ce soir, est-elle présente?

Le visage d'Adrian se ferma tandis qu'il s'efforçait de fuir le regard de son interlocuteur pendant quelques secondes. Afin de s'éviter de parler avec le souffle court, l'apothicaire resta silencieux quelques secondes, avant de finalement reporter son attention sur Johan, qui avait d'ores et déjà comprit qu'il venait de mettre les pieds dans le plat, sans le vouloir.

- Elle est très occupée et...Je n'ai guère envie de lui imposer mon emploi du temps en permanence.

Son mensonge fit remonter un goût amer dans la bouche de l’apothicaire, l’amertume d’une situation qu’il n’avait pas souhaité.

S'il ne parut pas rassuré par les propos d'Adrian, Johan eut au moins la décence de faire semblant de croire aux propos de son confrère, comme en témoignait son acquiescement de tête. Intérieurement, Adrian le remercia pour ça, conscient qu'il pourrait éviter de s'étaler sur ce douloureux sujet.

- Il faut savoir prendre du temps pour soi, quoi qu'il arrive, j'espère que vous profitez bien de cette soirée ! Et si ce n'est pas le cas, je m'assurerai que ça change. Commençons donc par prendre un verre, il y a encore un peu de temps avant que je ne devienne un bien à vendre ! S'exclama-t-il avec vigueur.

Avant qu'Adrian ne puisse répondre, une nouvelle personne s'approcha d'eux. Élégante et pleine d'assurance, une jeune femme brune et au visage marqué par un sourire aussi arrogant que provocateur vint se camper sur le coté des deux médecins, accordant un regard à l'un et l'autre successivement. Si Adrian parvint à regarder la nouvelle venue dans les yeux, ce fut moins le cas pour Johan dont le regard sembla glisser le long de sa robe écarlate jusqu'à un décolleté aux limites de l'indécence. La grâce féline et la posture de la jeune femme lui donnaient des traits séducteurs.

- Prenez gare à ne pas boire trop avant la vente Johan. Dit-elle d'une voix langoureuse en adressant un regard sans équivoque au médecin. J'espère bien faire une offre défiant toute concurrence pour m'octroyer votre compagnie une nouvelle fois.

Tandis qu'elle courtisait Johan sans passer par quatre chemins, Adrian prit le temps d'analyser la nouvelle venue, se rappelant rapidement de l'identité de celle-ci. Il s'agissait de Judith, la soeur de Milon. Bien qu'il ne la connaisse pas personnellement, il était impossible de prétendre que celle-ci passait inaperçue dans les hautes sphères Amaranthis. Connue pour ses penchants sulfureux, elle semblait aussi prompte à défier la chronique que l'était son frère, comme en témoignait l'aisance permanente dont elle semblait faire preuve. Avant même que Johan n'ait pu formuler un argument, elle tourna la tête vers Adrian et lui adressa un sourire plein de convoitise.

- Adrian Mayr, vous avez finalement accepté une invitation de mon frère. Je suis sur qu'il est ravi de vous avoir, si l'on en croit cette obstination qu'il semblait avoir à l'idée que vous pourriez accepter de venir.

L'Apothicaire cacha sa lassitude quant à la répétition de certaines conversations, à commencer par celle concernant sa présence en ces lieux, mais il s'agissait là d'un prix à payer lorsque l'on brillait trop souvent par son absence dans le monde de la noblesse Amaranthis. Qui plus est, chaque entame de conversation prenant une telle direction semblait être la garantie qu'il n'apprendrait rien de spécial pendant encore un certain temps. Cette contrariété mineure n'entacha pas le masque qu'il s'efforçait de garder en toute circonstances. Poli, l'Apothicaire afficha même un sourire courtois à la jeune femme.

- J'ai fini par céder comme vous le voyez. Et je ne le regrette pas, cette soirée est une réussite.
- Moi non plus je ne le regrette pas...

Même Adrian, pas vraiment spécialiste en sous entendus de séduction, comprit l'allusion que la jeune femme semblait accentuer avec son regard. Délicatement, elle laissa glisser le bout de son doigt le long du bras d'Adrian, remontant jusqu'à la naissance de son cou, avant de finalement retirer sa main.

- J'espère que vous vous êtes vous aussi porté volontaire pour contribuer aux fantaisies de mon frère... Je crois que je serais prête à donner beaucoup d'argent ce soir... Elle ponctua sa phrase d'un clin d'œil avant de reprendre. Pour la bonne cause bien sur...

Ne souhaitant pas rentrer dans le jeu de Judith, Adrian esquissa un non de la tête avant de parler toujours sur le même ton.

- Au risque de vous décevoir, je suis ici en tant que donateur. Mais je suis sûr que mon confrère ici présent vaut son pesant d'or. Dit-il en adressant un regard à Johan, qui semblait très peu gêné de la situation.
- J'ose espérer que je ne serai pas un lot bon marché, sachez-le ! Dit-il en riant.

La jeune femme accorda à nouveau un regard à Adrian, soulignant qu'elle ne s'avouait pas vaincue, puis elle gratifia à nouveau Johan d'un sourire enjôleur.

- Vous êtes un prix de premier choix, soyez en sûr. Messieurs, j'aimerais passer plus de temps en votre compagnie mais j'ai encore beaucoup de monde à voir, je vous dis à plus tard, certainement...

Les deux hommes regardèrent la soeur de Milon s'éloigner en laissant ses hanches onduler sous sa robe moulante, attirant par la même occasion le regard de deux autres Amaranthis sur son passage. Johan poussa un soupir presque soulagé avant de reprendre la parole.

- Mon cher Adrian, je crois que si vous aviez été un prix de vente ce soir, vous seriez passé à la casserole !
- Je me disais bien que je finirais par regretter d'avoir accepté...
- Ohh allez ! Oublions cette histoire et allons prendre ce verre voulez-vous ?

Ce n'était probablement pas une bonne idée d'accepter, mais peut-être qu'un verre de plus l'aiderait à se sentir un peu plus à l'aise pour la suite de la soirée...
Maître du Jeu
Maître du Jeu
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Mar 2 Aoû - 23:30
Le son cristallin d’un couvert contre la surface d’un verre résonna dans la pièce et le bruit des conversations se tarit aussitôt. Tous les regards convergèrent au centre d’une petite estrade installée pour l’occasion et occupée par un Milon distribuant sourires et signes discrets de la tête à certains membres de son auditoire ; le silence s’étira un peu plus longtemps que nécessaire tandis que le maître de cérémonie semblait se délecter d’être au cœur de toutes les attentions.

- Mes chers amis, merci d’être présents ce soir, déclara t-il finalement, ouvrant ses bras devant lui non sans une certaine théâtralité, comme s’il avait voulu étreindre chacun d’entre eux. La saison précédente nous a laissé son lot de malheur, il est temps aujourd’hui d’entamer une nouvelle page de notre histoire. Cette soirée est un peu particulière, vous le savez ; je ne vous ai pas simplement convié pour que nous tournions cette page ensemble, je voulais que chacun puisse apporter son aide, à hauteur de ses moyens. La collecte de fonds de ce soir ne servira pas simplement à restaurer notre si beau quartier, elle servira également à financer la construction d’un mémorial en hommage aux disparus.

La nouvelle fut accueillie par les applaudissements de l’assemblée, certains timides, d’autres beaucoup plus chaleureux ; à côté de lui, Johan avait posé son verre pour applaudir des deux mains. Adrian n’avait qu’à balayer la pièce du regard pour distinguer ceux qui avait été durement impactés par le massacre de la Bibliothèque de ceux qui faisaient acte de présence uniquement par souci des apparences.

- Nous avons tous perdu quelqu’un ce jour-là, un proche parent ou un ami, un confrère ou une lointaine connaissance que nous avions pourtant l’habitude de saluer chaque matin… La brutalité des événements a empêché bon nombre d’entre nous de faire correctement le deuil ; c’est pourquoi chacun de leurs noms sera gravé dans la pierre, pour que tous se souviennent, et pour offrir un lieu de recueillement à leurs proches.

Milon leva son verre, invitant ses convives à porter un toast avec lui.

- Disparus mais pas oubliés.

Ils répétèrent tous ces derniers mots dans une curieuse symphonie avant de porter leurs verres à leurs lèvres.

- Si on m’avait dit que Milon était capable de parler d’autre chose que de lui pendant autant de temps..., chuchota Johan à l’attention de l’apothicaire après avoir avalé une gorgée de son verre. Je crois que sa jeune épouse a vraiment eu un effet bénéfique sur lui.

Au loin dans la salle, Adrian aperçut Fran, encourageant Milon de ses regards et sourires.

Mais après le temps du recueillement et des hommages, c’était le temps d’oublier qu’ils avaient tous été épargnés par un heureux concours de circonstances et que la mort pouvait les surprendre n’importe quand. À ce petit exercice de déni, son peuple pouvait se révéler extrêmement doué. Les prochaines paroles de Milon le confirmèrent, comme si la haute société Amaranthis n’était pas capable de rester trop longtemps à se morfondre.

- Mais nous ne sommes pas là pour pleurer ce soir et je n’ai pas la réputation de laisser mes convives sans divertissement. Pour motiver certains d’entre vous à faire des dons pour cette collecte, j’ai eu l’idée d’organiser une petite vente aux enchères. Il ne sera pas question cette fois de repartir avec une œuvre issue de ma collection personnelle mais… de gagner un rendez-vous avec l’un ou l’une des célibataires les plus en vue du moment.

Quelques exclamations se firent entendre parmi la foule et Milon profita du petit effet qu’il avait suscité avant de reprendre.

- Ils ont tous très généreusement accepté de se prêter au jeu et je les en remercie beaucoup. Sans plus attendre, veuillez accueillir comme il se doit le premier célibataire de la soirée : Johan.

Les regards se tournèrent vers l’intéressé qui se racla la gorge avant d’afficher un sourire un peu forcé. Il n’était pas vraiment dans la nature de Johan de faire preuve de timidité mais l’idée d’être vendu au plus offrant ne semblait pas être une perspective qui l’enchantait énormément, surtout depuis qu’Adrian l’avait taquiné au sujet des vieilles veuves avides de jeune compagnie et qui étaient présentes à toutes les soirées de Milon.

- Je vais bientôt regretter que mon nom ne soit pas gravé sur le mémorial de Milon, dit-il à mi voix à l’attention d’Adrian avant d’avaler d’une traite le contenu de son verre. Souhaitez-moi bonne chance.
- Allons, venez Johan, ne soyez pas timide !

Lorsqu’il arriva à sa hauteur, Milon passa un bras autour des épaules du jeune médecin pour le rapprocher de lui. Au moins Adrian pouvait se rassurer, il n’y avait pas qu’avec lui que Milon se montrait aussi tactile ; un trait de famille si l’on en jugeait par l’attitude de sa sœur un peu plus tôt.

- Est-il vraiment utile que je vous présente Johan ? Je crois que tout le monde le connaît déjà ici. Un jeune médecin prometteur, très beau garçon et curieusement toujours célibataire. J’ose espérer que la demoiselle qui aura la chance de vous avoir pour elle seule le temps d’une soirée y remédiera sans tarder.

Il y eut quelques rires dans l’assemblée auquel le jeune médecin répondit par un sourire enjôleur. Adrian n’était pas dupe en revanche : il savait que Johan chérissait sa liberté plus que tout et qu’il était peu probable que qui que ce soit ne parvienne à lui passer la corde au cou. Les enchères démarrèrent timidement mais les quelques intéressées se livrèrent un combat acharné. Après de très longues minutes, seules deux participantes restaient en lice : la sulfureuse Judith et la veuve Al’thor.

- Je crois que vous avez tapé dans l’oeil de ma sœur Johan.

Hélas pour Johan, ce fut la veuve Al’thor qui se montra la plus féroce dans ce duel impitoyable.

- Désolée mon mignon, mais je vais devoir vendre toutes mes robes si je continue d’enchérir. Et alors que pourrais-je bien porter pour notre rendez-vous ?

Personne ne lui fit l’affront de lui faire remarquer qu’elle ne gardait jamais ses robes très longtemps et Johan afficha une mine totalement défaite lorsqu’il réalisa que les prophéties d’Adrian s’étaient réalisées. Lorsqu’il revint prendre position aux côtés de l’apothicaire, il l’entendit presque grincer des dents.

- Non, ne dites rien. J’aurais pensé que vous auriez surenchéri pour me sortir de ce mauvais pas Adrian, je l’aurais fait pour vous. Enfin…

Mais Adrian connaissait suffisamment bien Johan pour savoir qu’il n’en aurait rien fait et que, pire encore, il se serait amusé de la situation avec encore moins de retenue.

Le défilé de prétendants et prétendantes se poursuivit et il ne fut pas surpris de voir qu’Oriana s’était elle aussi prêté au jeu ; il ne s’attendit pas en revanche à voir Marielle monter sur l’estrade juste après elle, avant de se souvenir que les finances de sa famille ne lui permettaient plus de vivre aussi confortablement qu’auparavant et que c’était peut-être sa seule façon d’apporter une contribution visible à cette collecte.
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