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Claircombe  :: Titre :: Les alentours de Claircombe :: Les oiseaux se cachent pour mourir - Markus, Eredin et Uraïa ::
Les oiseaux se cachent pour mourir - Markus, Eredin et Uraïa
Uraïa
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Dim 3 Oct - 19:46

Les oiseaux se cachent pour mourir


Alentours de Claircombe | Bois de l’Orée | An 83, 2ème mois de Printemps, Jour 20



Près d'un mois plus tôt, dans les Faubourgs...

La taverne de l’Oie Blanche n’avait rien de très remarquable. Située à l’extrémité des faubourgs de Claircombe, son seul avantage était qu’elle se situait dans l’une des zones les plus tranquilles de la ville. La clientèle d’habitués y venait pour la bière à bas prix et le caractère peu loquace du tenancier, Jol. Il accueillait aussi les voyageurs de passage de retour en ville ou et plus exceptionnellement encore -  une certaine Utgardienne qui se moquait bien que la bière soit coupée à l’eau. Depuis plusieurs années, la jeune femme payait rubis sur l’ongle une petite chambre qui donnait sur un ancien poulailler transformé en volière. Elle avait déposé une somme assez conséquente et avait demandé d’y installer ses faucons, ce à quoi Jol n’allait pas dire non étant donné la jolie marge des travaux nécessaires et l’avantage d’un loyer régulier. De plus, l’Utgardienne ne posait pas de problème, et passait le plus clair de son temps dehors. Jol avait presque fini par l’apprécier bien que la rousse ne cherche pas à créer des liens. Elle venait payer tous les mois ou en avance lorsqu’elle s’absentait trop longtemps, et montait directement dans sa piaule sans s’arrêter pour discuter. De temps en temps, elle venait boire une bière ou commander une assiette de ragoût et c’était la à peu près tout. Elle s’occupait de la volière ou un jeune nomade le faisait pour elle. Le jeune homme était plus remarquable. Mince comme un chat, le regard vif, il dormait avec les oiseaux, se faisait oublier dans la foule mais dévorait des quantités impressionnantes de nourriture, qui disparaissaient sous ses peaux sans lui apporter la moindre épaisseur. Il était presque aussi peu bavard que la rousse mais semblait d’un caractère doux et rêveur. Les deux s’entendaient sans parler et il n’était pas rare de les voir attablés ensemble. Cependant le jeune homme ne dormait pas avec l’Utgardienne et ne louait jamais de chambre.

Ces derniers temps, il y avait eu du changement à cette routine morne, cependant. Alors que la rousse avait disparu pendant plus longtemps que d’habitude, elle était revenue comme de rien un beau jour, sans lui adresser un mot, le visage couvert d’ecchymoses et l’air fatigué. Le nomade n’avait pas tardé à monter à sa suite, l’air plus heureux que d’habitude. Il était resté à surveiller la volière durant tout le temps qu’elle s’était absentée, prenant soin des volatiles comme une mère dévouée.

Puis une heure après, le nomade avait redescendu les escaliers en courant et s’était précipité sur lui, Jol, pour lui demander d’urgence l’adresse d’un médecin. Jol avait semblé surpris et vaguement inquiet, et lui avait donné la seule adresse qu’il connaissait dans le quartier Amaranthis. Le nomade avait disparu aussi sec, avant de revenir avec un homme qui ressemblait bien à son médecin. Il était monté puis redescendu à son tour quelques temps après. L’Utgardienne n’était pas redescendue, elle. Ni le soir même, ni le lendemain, ni celui d’après.

Jol avait bien tenté d’interroger le nomade quand il le croisait ou de monter dans la chambre, mais chaque fois le jeune homme lui barrait strictement l’accès arguant que l’Utgardienne ne voulait pas être dérangée et que personne ne devait entrer à part lui. Jol s’inquiéta un moment, se demandant si l’archère avait attrapé un virus quelconque, ou si elle risquait de mourir auquel cas il voulait pouvoir prendre des précautions. Le nomade lui avait opposé un regard si menaçant qu’il avait battu en retraite vers son comptoir et n’avait pas demandé son reste.

Le temps passait et rien ne bougeait. Le nomade avait finalement reparu avec une petite bourse, plantant son regard dans celui de Jol.

— Si on te demande où est l’Utgardienne, elle est partie chasser. Personne monte là haut. Sauf moi.

Jol avait soupesé la bourse et ses scrupules et avait finalement penché en faveur de l’or. Et sa routine avait repris. Des jours que ça durait et parfois il remontait le regard vers l’étage en se demandant ce qu’il trouverait finalement derrière la porte..


Dernière édition par Uraïa le Dim 3 Oct - 23:02, édité 1 fois
Eredin Lautrec
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Dim 3 Oct - 19:51
Marchant à travers les faubourgs d'un pas décidé, le guerrier Utgardien était à la recherche de l'Oie Blanche. Il connaissait le quartier vraiment bien, mais pour la partie en dehors des murs Eredin avait encore des efforts à faire. Les faubourgs de se coté de la ville étaient les plus grands, normal en connaissant le tempérament des Utgardiens. Qu'importe les dangers et le confort moins importants qu'à l'intérieur ! Ici, au moins, ils étaient véritablement indépendants et libres. Rare étaient les fois où la milice venait, généralement, elle s’arrêtait aux grandes portes ou elle ne faisait que passer pour se rendre dehors. C'était les protecteurs du clan qui assuraient l'ordre et assuraient la défense de la zone à la moindre alerte même si la plus part des habitants savaient se défendre et n'avaient pas peur qu'une créature ose s'approcher trop près. Chaque personne ici était capable de vendre chèrement sa peau, pas comme les bâtards des autres quartiers, mais pour vivre en dehors des gigantesques remparts encerclant la cité, il fallait au moins ça.

Eredin jura en mettant le pied dans une flaque d'eau qu'il n'avait pas vu, trop occupé à se demander ce qu'il allait bien pouvoir lui dire. Ce matin, il avait ignoré ses devoirs et avait décidé de venir la surprendre pour avoir des réponses ! Depuis cette fameuse soirée, plusieurs jours étaient passés sans qu'Eredin ait de nouvelle d'Uraïa. À défaut de pouvoir la revoir, il aurait au moins dû recevoir des informations, d'une manière ou d'une autre, à propos de l'expédition pour ramener les cendres du nomade. Il avait sagement patienté avant de commencer à se poser des questions. Il avait passé une bonne soirée et d'après se qu'il en avait vu, elle aussi. Alors pourquoi ? Regrettait-elle d'avoir franchi cette ligne avec lui ? Sûrement, ça expliquerait tout. Lui-même s'était remis en question le soir après le départ d'Uraïa. De nouveau dans la Hutte de l'Hurlsk avec ses frères, l'alcool l'avait poussé à s'interroger à propos de cette relation. Avait-il le droit de faire ça alors qu'il n'avait pas réglé son histoire avec Liveig ? Que diraient les gens ? Depuis toujours, il n'en faisait qu'à sa tête et n'écoutait que son cœur quand il était question de ses relations, mais cette fois même lui était un peu gêné à propos de cette aventure. Pour l'instant il n'avait pas vraiment de sentiment pour la chasseuse, mais le guerrier sentait au fond de lui que cette histoire pouvait être quelque chose ! Pas comme avec sa catin ou toutes les autres filles qu'il avait côtoyé durant l'année écoulée. Et c'était là tout le problème ! Ne devait-il pas clore son histoire passée pour pouvoir en entamer une nouvelle ? Que disaient l'honneur et le respect ? Que ferait une personne meilleure que lui dans cette situation ? Il avait tenté de trouver les réponses au fond de son verre toute la soirée sans succès. Une autre de ses interrogations, moins importantes, car il avait le temps d'y répondre, était de savoir s'il voulait vraiment replonger la dedans ? Eredin avait aimé Liveig de tout son être, il l'avait soutenue contre vents et marées. Qu'importe l'avis de ses parents, de ses beaux parents, de l'Hurlsk et de toutes les personnes qui pensaient pouvoir se permettre de lui dire comment vivre ! Il avait tenu bon et avait fait éclore cette fleur si sensible que fut Liveig à une époque. Et c'est bien parce qu'il l'avait aimé si fort qu'elle avait put autant l'atteindre. Si son attaque l'avait brisé, sa fuite l'avait totalement anéanti. Aujourd'hui, seulement, il commençait à se relever. Alors voulait-il prendre le risque de se donner à une autre ? De lui donner les armes pour le blesser ? Le bon sens voudrait qu'il prenne du recul, qu'il n'aime qu'un petit peu pour que plus jamais une personne puisse lui faire ça, mais était-ce la voie à suivre ? Heureusement pour lui, avec suffisamment d'alcool, on oublie ses problèmes et ce genre de question.

Remontant l'artère principale en faisant un peu plus attention maintenant, il dut demander plusieurs fois son chemin vers l'Oie Blanche. Il s’arrêta encore plus de fois pour prendre des nouvelles de connaissances et de personne du clan. N'oubliant pas ses obligations, le bracelet d'argent s'arrêta aussi pour aider à pousser un vieux chariot tellement chargé qu'il grinçait à chaque mouvement dans un bruit sinistre. Ça lui prit bien au moins deux bonnes heures pour simplement faire le trajet de chez lui à l'auberge là où une personne normale n'aurait eu besoin que de vingt minutes, mais il avait fini par l'atteindre. Maintenant devant la porte de l'Oie Blanche, Eredin hésita à rentrer. Ça ne faisait que cinq jours ! Pourquoi était-il ici ? Il avait l'impression d’être une jeune femme que l'on ignorait après avoir offerte sa première fois, c'était ridicule ! Avait-il suffisamment attendu ? Eredin jura et se décida enfin à rentrer.

L'endroit était à l'image du faubourg, austère, et le guerrier ne voyait aucun lien avec une Oie Blanche. La salle principale n'était pas bien grande et ne pouvait pas accueillir plus d'une vingtaine de couverts à la fois, mais ça devait bien suffire pour un tel endroit. Il ignora simplement le décor et s'avança directement vers se qui semblait être un comptoir. Il n'y avait absolument personne, pas vraiment étonnant vu l'heure, mais tout de même ! Il se demanda d'ailleurs, au vu de l'emplacement de l'auberge qui se trouvait sur la bordure extérieure du faubourg, s'il y avait beaucoup de clients.


- Patron ? Il y a quelqu'un ? Dit-il en élevant la voix pour tenter de se faire attendre.
- J'arrive – J'arrive.


La voix venait d'une pièce derrière, quelqu'un rangeait ou déplaçait des choses et malgré la réponse, la personne continua ses affaires pendant un petit moment avant de daigner venir accueillir un potentiel client. Interrompu dans son travail, le propriétaire se présenta en grognant, le regard mauvais. Jol ! Une personne charmante ! Eredin comprenait pourquoi Uraïa avait choisi un tel endroit.

- Uraïa Beklaga, une jolie rousse avec le même air que vous, ça vous dit quelque chose ?
- Ouais ça me dit quelque chose.
- J'aimerais la voir, elle m'a dit qu'elle avait une chambre ici.
- C'est bien vrai, et qui la demande ?
- Lautrec
- Et vous venez la voir pourquoi ?
- Vous posez toujours autant de question ?
- Seulement quand on m'en pose autant.
- J'aimerais la défier à l'arc !
- Bah ce sera pour une autre fois, la petite est pas la, elle est en chasse.
- Elle a dit quand elle reviendrait ?
- Non.


Eredin observa un moment l'aubergiste avant de jeter un regard à l'escalier. Elle était donc vraiment partie sans lui ? Eredin sentit la déception l'envahir. Si elle ne voulait plus qu'il vienne, il suffisait de le dire. Le respect aurait dû la pousser à le lui dire, mais elle avait préféré fuir... Eredin se passa les mains dans les cheveux en se remémorant les paroles de son père qui l'avait mis en garde contre la nature de sa propre fille. Il rigola dans sa barbe à cette situation, c'était comique le don qu'il avait de choisir les femmes. Il remercia Jol, tapota nerveusement le comptoir et quitta l'établissement sans un regard derrière lui. Une fois dehors, il jura à nouveau, mais contre sa propre stupidité cette fois ! Comment pouvait-il se faire des histoires aussi facilement ? L'Utgardien cracha au sol avant de partir.

[Dix jours plus tard]


La chasse avait été sacrément mauvaise, le petit groupe avait passé la journée dehors et n'avait absolument rien croisé. C'était presque un miracle, mais dans le sens inverse ! Sur une terre aussi riche, il fallait avoir vraiment zéros chance pour ne rien croiser du tout. Pas un sanglier, pas une biche, pas de lapin et encore plus surprenant, aucun prédateur ! Toutes les traces étaient anciennes ou trop compliquées à suivre pour le groupe. En fin de journée, les chasseurs s’entraînaient à tirer sur un arbre dans les alentours de Claircombe histoire de dire qu'ils avaient tirés quelques flèches et pour s'amuser un peu. La première fois, Eredin toucha l'arbre, mais rata sa cible de justesse. Soufflant calmement, il fit le vide dans son esprit pour se concentrer uniquement sur le morceau de tissus accroché au centre du tronc. Le guerrier encocha, banda son arc, retint son souffle et lorsqu'il sentit le bon moment, il lâcha sa flèche. Elle s'envola pour venir se planter un peu trop à gauche, à quatre centimètres pour être exact, du centre ce qui faisait de lui le plus éloigné. Putain de journée ! Il allait devoir payer sa tournée à tous les autres du coup. Grinçant des dents, il ne décrocha pas un mot pendant le chemin de retour. Proche des faubourgs, il fit faire un détour à la petite bande pour passer devant l'Oie Blanche. Sa mauvaise idée en tête, il décida que ça serait ici qu'il payerait son coup ! Les autres n'eurent aucun problème avec ça, du moment qu'il sortait la monnaie. Eredin commanda donc quatre bières à Jol. Cette fois-ci, comme la journée prenait fin, il y avait forcément plus de monde, mais l'auberge était loin de faire salle pleine. Une fois sa tournée payée, Eredin retourna voir le patron.

- Beklaga, elle est là ?
- Ha mais je me souviens maintenant ! Tu ne lâches pas l'affaire mon gars hein !?
- Dit moi simplement si elle est là !
- Non, en chasse !


Eredin fit rouler ses yeux et retourna boire avec les autres. Il lui fallut seulement dix minutes pour revenir au comptoir. Cette réponse ne lui convenait pas !

- Elle est partie quand ?
- Hum ? Tu crois que je tiens un journal avec chacun de ses déplacements peut être ?
- Une rousse comme ça, on la remarque forcément ! C'était quand ? Hier ? Avant hier ?
- Mais qu'est-ce que j'en sais moi ?


Eredin le scruta suspicieusement en se pinçant la lèvre inférieure. Comment un aubergiste digne de se nom dont le métier consistait une bonne partie du temps à observer ses clients pouvait ignorer la dernière fois qu'il avait vu une habituée si inhabituelle !? Il esquivait la réponse.

- Allez patron ! La semaine dernière ? C'était avant ou après que je sois venu la première fois ?
- Merde !
Le visage commençant à virer au rouge, Jol posa les deux mains sur son comptoir. Tu vas arrêter de poser tes foutues questions ? C'est un établissement respectable ici, je ne vais pas cracher sur mes clients moi ! Alors va boire ta bière tranquillement ou sors d'ici.

D'abord une journée de merde et maintenant un vieux con se foutait de sa gueule ? Un sourire commença à se dessiner sur le visage d'Eredin, il fit glisser sa bière de la main droite à la main gauche, puis il sortit sa hachette qu'il planta dans le comptoir. Les bruits s’arrêtèrent dans la salle et les têtes se tournèrent vers eux. L'Utgardien remonta sa manche pour que son bracelet d'argent soit bien visible.

- Tu sais ce que ça représente ?

La colère avait disparu, le patron acquiesça simplement de la tête pour dire qu'il comprenait parfaitement. Laissant son arme dans le bois, Eredin reprit calmement.

- J'ai passé une foutu journée donc... juste, raconte !
- Elle est rentrée quelques jours après votre passage, elle est repartie avant hier.


Sûrement déjà convaincu par lui même, il ne fit pas attention à la nervosité de Jol et accepta ses paroles sans broncher. La mâchoire serrée, Eredin arracha son arme du comptoir pour la remettre à sa ceinture. Il balança quelques pièces pour le dérangement, abandonna sa bière et s'en alla sans un mot en laissant les autres chasseurs. Énervé et ayant besoin de passer ses nerfs, l'Utgardien se dirigea directement vers l’Éveil des Sens dans le quartier Amaranthis pour retrouver Evangeline. À défaut d'une bonne journée, il passerait la soirée comme un roi !
Uraïa
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Lun 4 Oct - 0:44
Mais alors qu'il dépassait la devanture de l'Oie Blanche, un bruit attira son attention. Tournant la tête pour lancer un regard noir, l'Utgardien s'arrêta net en voyant des faucons dans une volière. Ce n'était pas courant. Ce n'était même pas normal ! En voyant les oiseaux, il voyait surtout le tatouage d'Uraïa. Eredin s'approcha de la cage doucement en réfléchissant. Rares étaient les personnes travaillant avec de tels animaux, ils appartenaient forcément à l'Utgardienne, mais quel était le principe de les laisser ici lors d'une chasse ? Jol avait menti !? Pourquoi ? Sur le côté, un homme accroupi coupait des morceaux de viande au-dessus d'un seau rempli de graines. Le guerrier l'observa sans rien dire jusqu'au moment où cette personne se releva pour ouvrir la volière. Le regard des deux hommes se rencontra. C'était le nomade dont elle avait parlé, il ne se souvenait absolument pas de son prénom, mais c'était impossible de s'y tromper ! Ça faisait trop de coïncidence.

— Jolis oiseaux...

Aucune réponse venant du nomade, il se contenta de se tenir droit et de l'observer, l'air méfiant. Les deux faucons, eux, commençaient à sicler d'impatience en attendant leurs nourritures qui se trouvaient juste là.

— J'aimerais la voir.
— Elle est partie chasser.

Les violons étaient bien accordés à ce qu'il voyait, tout le monde avait le même refrain, mais ça ne prendrait plus. Penchant la tête sur le côté avec un petit sourire, l'Utgardien s'appuya contre la volière en sifflant doucement pour attirer l’attention des deux chasseurs ailés juste devant lui, l'un des faucons tourna la tête quelques secondes avant de report son attention sur le seau que tenait le nomade.

— Sans ses faucons ?
— Pas besoin d'eux pour toucher une cible.
— Pas besoin d'un compagnon non plus ? Elle est donc seule, dehors, c'est bien ça ?

La tête toujours tournée vers les oiseaux, son regard lui était planté sur le visage du nomade. Le jeune homme avait hésité à répondre, comme s'il cherchait quoi dire pour se sortir de cette situation sans qu'Eredin ne comprenne. Se tournant vers lui, Eredin se mordit la lèvre en souriant. Il ne marchait plus ! La décision était prise, il allait simplement monter en haut et la chercher, elle ne pouvait pas être bien loin !

— Quelle chambre ?
— Non ! Elle n'est pas là, elle est sortie !
— Je l'attendrais dans sa chambre dans ce cas, quelle chambre ?

Eredin ayant commencé à se déplacer, le nomade posa le seau et se plaça devant lui en écartant les bras. Il ne voulait pas le laisser passer ! Il était courageux malgré sa carrure.

— Je ne lui veux aucun mal, je veux simplement la voir et lui parler !
— Elle ne veut pas te voir, tu-

Bien que courageux, il n'était pas téméraire et s'arrêta de parler en voyant le changement brutal sur le visage du guerrier Utgardien. Eredin n'était absolument pas d'humeur, en plus de ça il était plus grand, plus fort et avait l'air bien plus motivé que lui dans cette histoire, mais malgré ça, le jeune nomade resta devant lui, les bras écartés. Elle avait un bon groupe ! Eredin s’avança droit sur lui. Le nomade tenta de le repousser des deux mains, les pieds plantés dans le sol ! Qu'espérait-il faire ainsi ? L'Utgardien attrapa les deux épaules de son adversaire, car oui, il était devenu son adversaire en se mettant sur sa route, et lui balaya d'un coup puissant les deux pieds. Le nomade tomba sur les fesses et un genou vint s'appuyer sur sa poitrine avant qu'il ne comprenne ce qui s'était passé, comprimant ainsi sa cage thoracique et l’empêchant de respirer facilement.

— Reste ici ou je vais devoir te faire mal... je ne lui ferais rien, promis.

À aucun moment, Eredin n'avait daigné abaisser son regard, il se concentrait déjà sur son prochain objectif en observant la porte de l'établissement. Des tapes du plat de la main sur la jambe qui maintenait le nomade au sol lui confirmèrent qu'il avait compris. Il se releva donc et rentra une nouvelle fois dans cette foutue auberge en espérant que ce soit la dernière.

Ignorant les acclamations des chasseurs, content de voir qu'il avait changé d'avis. Eredin sortit sa hachette (encore) et la lança droit devant lui. L'arme passa juste au-dessus de l'épaule de l'aubergiste qui se jeta derrière son comptoir et se planta dans le mur derrière lui. Eredin sauta par-dessus le meuble en bois. Qu'allait-il faire de lui ? Jol, allongé sur le dos, leva les mains vers lui en demandant pardon. Selon lui, il n'avait fait que répéter ce qu'on lui avait demandé de dire ! Le problème, c'est qu'il avait menti face à un bracelet d'argent, et même s'il ne faisait pas partie du clan, ça ne devait pas rester impuni. L'Utgardien récupéra son arme et observa le patron un moment.

— Quelle chambre ?
— La six ! Elle est dans la six !

Eredin leva la tête vers les chasseurs pour s'apercevoir qu'ils s'étaient tous levés prêts à se battre au cas où l'un des autres habitués tentaient quoi que ce soit.

— Le patron vous invite ce soir... vous avez intérêt à boire et à manger comme il faut !

Ils acclamèrent la nouvelle en rigolant et en invitant tout le monde à reprendre comme si de rien était. Puis Eredin plaça le tranchant de son arme sur le cou de Jol.

— La prochaine fois que tu racontes de la merde à quelqu'un présentant un bracelet... ça ne se passera pas aussi bien ! Je vais faire passer le mot.

Voyant que Jol faisait oui de la tête, il se releva et sauta une nouvelle fois le comptoir, aussi souplement qu'un chat. Rangeant son arme, il monta quatre à quatre les marches pour chercher la chambre numéro six. Il s'arrêta quelques instants devant la porte, se passa les mains dans les cheveux puis sur le visage et finalement sur ses vêtements. Hésitant, il finit finalement par ouvrir cette foutue porte pour obtenir des réponses !
L’Utgardien n’eut pas beaucoup de mal à entrer. La porte opposa une maigre résistance avant de céder sous la pression, le bois craquant de manière sinistre. La chambre semblait réduite et plongée dans une demi-obscurité les volets entrebaillés laissant passer un peu d’air. La première chose qui le saisit fut l’odeur de sang et de fièvre très semblable à celle d’une infirmerie au lendemain d’une bataille. L’endroit était tout aussi austère, du reste. Il était difficile d’imaginer qu’une personne ait pu vivre là depuis des années. L’utgardienne n’avait presque aucun effet personnel si ce n’était une armoire branlante contenant ses vêtements courants et ses renforts d’armure, son équipement. Aucune décoration, aucun objet inutile. Peu de meubles à part une petite table accolée à la fenêtre et une chaise. Le tout était encombré de remèdes et de fioles. Dans le lit au centre de la pièce, le guerrier retrouva une forme recroquevillée sous un drap, et une masse de cheveux roux en dépassant. Un grognement l’accueillit.

— Je t’ai dit que je ne voulais pas manger, Xan’ti…

L'odeur l'arrêta, une main sous le nez il s'approcha du lit où se trouvait l'Utgardienne. En marchant, il fit un tour sur lui-même pour observer la pièce. Rien ne prouvait qu'elle venait ici régulièrement, rien de notable en tout cas. Par contre, elle devait être malade depuis un moment au vu des nombreuses fioles sur la table de chevet. Elle donna signe de vie en disant ne pas vouloir manger au nomade qui s'appelait donc Xanti. Eredin ne répondit pas instantanément. Depuis combien de temps était-elle ici ? Et qu'avait-elle ?

— Pourtant ça fait toujours du bien de prendre des forces.

Sa voix était neutre, d'un côté il était soulagé de voir que si elle n'avait pas donné de signe de vie, c'était à cause de son état, mais la situation lui avait aussi ouvert les yeux et il essayait de prendre du recul. Il s'approcha de l'unique fenêtre pour l'ouvrir légèrement, ne serait-ce que pour évacuer cette odeur. Elle ne saisit pas d’emblée ce qui était en train de se passer. A travers sa fièvre, elle perçut vaguement un profil qui n’était pas Xan’ti. Elle saisit sa lame sous son oreiller, et la serra piteusement. Elle était incapable de bouger, de toute manière. Avant de réaliser en clignant des yeux qu’elle le reconnaissait.

— Eredin ?

La lame s’échappa de sa main bien trop tremblante pour s’échouer avec fracas sur le sol. Elle se recroquevilla de nouveau sous le drap en grimaçant. Elle ne voulait pas qu’il la voie ainsi.

— Laisse-moi…

Un sentiment de honte la submergea en même temps que le malaise d’avoir été percée à jour malgré ses tentatives pour se dissimuler. Il l'observa sortir un couteau avant de le laisser tomber, trop faible pour pouvoir se défendre. Uraïa lui demanda de partir, sûrement pour ne pas qu'il puisse la voir dans cet état. Quel caractère à la con ! Même dans un état comme ça, elle refusait de l'aide ? "pas cette fois" La dernière fois qu'il avait  laissé quelqu'un dans son lit, il l'avait perdu et Eredin ne comptait pas refaire cette erreur. Souriant, il s'assit dans le lit à côté d'elle et tira sur le drap pour la voir, elle était faible et n'était que l'ombre d'elle-même. L'Utgardien posa sa main sur le front de la jeune femme, elle était brûlante de fièvre ! Depuis combien de temps ça durait ?

— Tu devrais être chez un soigneur, tu as vu Sturla ?

Eredin se leva et fit le tour du lit pour observer les fioles du plus près, elles étaient nombreuses, mais rares étaient celles portant une étiquette. Elles n'avaient pas été achetées, c'était du fait maison à coup sûr !  Elle avait besoin de vrai soin !

— Je vais t'emmener chez Sturla !

Elle secoua frénétiquement la tête, la douleur lancinante dans son ventre la tenaillait aussi bien qu’un fer ardent. Les crampes ne l’avaient pas lâchée depuis des jours, même la nuit. Elle avait perdu trop de sang, et manger la faisait vomir. Elle prenait quelques bouillons mais en l’espace d’une quinzaine de jours, elle était amaigrie au point de flotter dans sa chemise et de ne plus tenir sur ses jambes. Sa faiblesse l’écœurait plus que tout, mais un sentiment de peur la domina un instant.

— Non, pas la bas.

Elle chercha Xan’ti du regard, l’œil trouble, frissonnant sans le contact du drap et pourtant étouffant dans la fournaise de la fièvre. Elle souffla laborieusement en ne le trouvant pas. En désespoir de cause, elle aurait voulu chasser le guerrier et s’essaya à un regard noir. Mais elle n’avait plus la force de mordre. Son esprit divaguait, elle peinait à se concentrer sur une pensée cohérente.

— Maudite. Je suis maudite.

Retournant auprès d'elle, à genou à côté d’elle pour être à son niveau, il lui attrapa une main pour qu'elle sente sa présence à travers la fièvre qui la rongeait. Il secoua la tête en voyant son état et en l'entendant.

— Ce n'est pas une malédiction qui te met dans cet état, mais une maladie ! Tu dois voir quelqu'un, Uraïa.

Ce n'était ni une question, ni un ordre, mais un fait ! Si elle continuait comme ça, elle avait peu de chance de survivre. Eredin se demanda si il devait la déplacer ou non, elle avait l'air trop faible, peut être que le mieux était d'aller chercher un médecin ! Il ne comprenait pas, et elle n’avait ni la clarté d’esprit ni la parole pour lui expliquer. Voulait-elle seulement le faire ? Non elle avait trop honte. Voilà pourquoi elle avait tant voulu se cacher. Mais c’était complètement raté. Elle se contenta de secouer la tête encore et encore, croisant le regard d’un nomade qui se scalpait le crâne avec un couteau dans un rictus fou. Il se confondait avec Eredin et jamais elle ne l’avait tant comprise, cette rage tournée vers soi, la cuisante humiliation. Le regard brillant de douleur, elle finit par détourner la tête, incapable de se refléter dans ce miroir pathétique. A ce moment, Xan’ti entra à son tour dans la chambre, encore essoufflé par la course précipitée dans les escaliers.

— Tu as vu. Elle veut pas que tu sois là.

Oui, elle était trop faible pour qu'il la porte jusqu'au quartier Utgardien ! Et surtout, elle lui en voudrait sûrement de l'avoir trimbalée à la vue de tout le monde dans cet état. Elle ! L'Utgardienne qui n'avait peur de rien et qui possédait une fierté un peu trop grande. Ignorant les paroles du fameux Xan'ti, il ne se retourna pas et se contenta de remettre le drap sur elle pour la couvrir. Il tira la seule chaise de la pièce et la positionna à côté du lit tourné vers la porte.

— Va chercher Sturla dans le quartier Utgardien, si tu ne sais pas où ça se trouve... eh bien débrouille toi. Dis lui de prendre son matériel et que c'est Eredin Lautrec qui t'envoie.

Non, il ne l'abandonnerait pas elle ! Voyant que le nomade ne bougeait pas, Eredin se leva de la chaise et s'approcha de Xan'ti. Le jeune homme recula d'un pas et serra les poings, au cas où. Mais Eredin s'arrêta avant.

— Elle va mourir si elle ne reçoit pas de vrai soin ! Alors dépêche toi.

Puis Eredin quitta la chambre sans un mot, laissant Uraïa avec son compagnon. Il refit surface quelques minutes plus tard avec une bassine d'eau et des linges propres. Il déposa un linge mouillé sur le front de l'Utgardienne pour faire baisser sa fièvre en attendant l'arrivée de Sturla. Il lui murmura au passage des mots de réconfort à l'oreille.

Uraïa retomba dans ses divagations, marmonnant des choses incompréhensibles concernant Njörd, la volonté des dieux, et un certain Baldhramn. Xan’ti lui, dansait d’un pied sur l’autre. Uraïa était pour lui l’équivalent d’une matrone. Il n’aimait pas aller à l'encontre de ses désirs, mais il se sentait aussi cruellement coupable d’avoir trop souvent cédé à sa volonté. S’il ne l’avait pas fait, peut-être ne serait-elle pas au fond de ce lit, se vidant de son sang de manière effrayante. Le guérisseur Amaranthis était venu et ses remèdes n’avaient apporté que peu de répit à l'Utgardienne. Tout au mieux, elle s’endormait parfois, un peu apaisée pour quelques heures, mais elle continuait de s’affaiblir de jour en jour.

Lui même n’était qu’un herboriste mineur et se sentait plus que dépassé par la situation d’autant qu’elle n’avait pas voulu qu’il aille chercher Markus. Mais puisque l’Utgardien semblait décidé à rester et ne cherchait pas à lui faire du mal, il allait peut-être choisir de lui obéir. Son regard d’alarme n’avait l’air que trop sincère et faisait écho à son inquiétude. Il hocha finalement la tête et s’en fut.

Sa quête lui prit moins de temps qu’Eredin aurait pu le croire. Xan’ti était capable de courir vite et longtemps, il avait acquis de ses années en compagnie des shogs un sens de l’observation accru et des repères dans toute la ville. Il trouva rapidement le quartier Utgardien et la vieille Sturla elle aussi occupée à ébouillanter des linges. Il fut bien plus long à lui expliquer correctement la situation mais elle finit par réunir tout le nécessaire dans une grande trousse de soin avant de prendre la route de l’auberge d’un pas alerte. Xan’ti la laissa poursuivre avant d’aller vers la boutique du tanneur...
C’est ainsi que la guérisseuse Utgardienne débarqua dans la chambre de sa propre initiative fronçant le sourcil en apercevant la scène qui se présentait à elle.

— Par Njörd qu’est ce que c’est que cette histoire encore.

— Je n'en sais pas plus que toi Sturla, j'ai envoyé le garçon dès que je l'ai découverte. Selon elle c'est sa malédiction... je ne sais même pas si elle a déjà vu un médecin. Aide la Sturla, s'il te plait.

La soigneuse commença par ouvrir la fenêtre en grand avant de lui demander de sortir. Il examina les fioles en faisant des commentaires sur chaque flacon, s'ils étaient bons ou pas. Puis elle commença à observer Uraïa. Voyant qu'il était toujours là, elle se répéta une nouvelle fois. Il devait partir.

— Je serai en bas...

Il lança un dernier regard à la sorcière qui gisait dans le lit. Au moment de quitter la pièce, Sturla l'arrêta d'une main sur l'épaule pour lui dire que ça irait. Peut-être avait-elle senti son besoin d’être rassuré. Eredin hocha la tête avant de partir, il descendit en bas s'installer à une table avec une bière, laissant les autres, il préférait être seul cette fois.

Sturla ne réapparut qu’une heure plus tard, la mine à la fois sombre et furieuse. Elle se dirigea droit vers Eredin sans saluer personne et l’entraîna dehors, près de la volière, loin des oreilles indiscrètes. Elle planta son regard dans celui d’Eredin et lâcha tout à trac :

— C’est la dernière fois que tu m’impliques dans tes histoires, Eredin ! Je veux pas finir sur un bûcher…

Sans lui laisser le temps de poser une question elle poursuivit, sur le même ton lourd de reproches :

— Tu sais ce qu’on fait aux guérisseuses qu’on accuse d’aider des femmes à avorter ? C’est ma réputation qui est en jeu…

Elle lui montra un mélange d’herbes pour preuve de ce qu’elle avançait :

— Ça c’est un mélange d’herbes redoutable pour provoquer les saignements. Ou pour se tuer quand on a la folie d’en prendre comme si c’était du bouillon ! Elle ne doit son état qu’à elle-même…

Elle haussa les épaules de dédain.

— Je lui ai donné de quoi purifier le sang et dormir un peu. Mais son destin est entre les mains de Njörd. Puisse-t'il avoir pitié d’elle.

Il comprenait maintenant que c'était en partie de sa faute et posa son visage dans ses mains en s'accroupissant comme si ça pouvait l'aider à réfléchir. Après plusieurs secondes, il se releva et les mains glissèrent dans ses cheveux.

— Elle est persuadée que les femmes de sa famille sont touchées par une malédiction... elles mourraient toutes au moment d'accoucher, as-tu déjà entendu parler de quelque chose comme ça ?

Il pouvait en partie comprendre pourquoi elle avait fait ça, mais il ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'elle était stupide de croire à une telle chose ! Et pourquoi avoir couché avec lui si c'était pour s'infliger ça après ? Eredin regrettait presque de l'avoir poussé à s'offrir à lui...

— Merci Sturla !

Sturla soupira et répondit à sa question, retrouvant son calme peu à peu :

— Ah oui. Je me demandais bien pourquoi je la reconnaissais… j’ai connu sa famille. C’est un fait. Il y a des femmes qui n’ont pas les hanches. Sa mère en faisait partie. Elle s’est épuisée en couches et à la fin, elle nous a suppliés de sauver son enfant. Alors on a fait ce qu’il fallait.

Son regard se voila d’une certaine ombre.

— C’est toujours un choix cruel.

Elle haussa finalement les épaules.

— Je ne sais pas si c’est une malédiction ou non. Mais les femmes de sa famille ne sont pas faites pour concevoir.

— Toutes les femmes ? il n'y a rien à faire ? Doit elle choisir entre se priver toute sa vie ou donner la vie une fois ?

Il n'avait pas cru Uraïa lorsqu'elle lui avait parlé de malédiction, mais maintenant que c'était une professionnelle qui parlait et décrivait concrètement le problème, Eredin eut de la peine pour l'Utgardienne. Pourquoi Njörd était-il si cruel ? Empêcher une femme de devenir mère... Sturla fit une moue :

— Je ne suis pas assez vieille pour connaître toute la lignée de cette famille. Je te dis ce que j’en sais. Elles ont les hanches étroites. C’est toujours à double tranchant et ça dépend aussi de la force de l’enfant. On ne comprend pas toujours la volonté de Njörd. Pour le reste, c’est à elle de faire son choix. Mais ce qu’elle a fait jusque là… C'est contraire à la volonté des dieux.

Eredin la remercia une nouvelle fois et la paya pour ses services. Il remonta ensuite dans la chambre pour voir comment allait Uraïa, même s'il se doutait que Sturla n'avait pas de pouvoir et que la situation n'avait pas évolué d'un pouce. Il se posa sur la chaise à côté du lit, posa sa bière à ses pieds et sortit un tout petit livre d'une trentaine de pages à peine (et il en avait déjà lu une partie), prêt à prendre sa garde auprès de la sorcière. Mais avant, il décida une nouvelle fois de s'asseoir sur le lit à ses côtés. Remettant une mèche de cheveux du bout des doigts, il la regarda un petit moment.

— Dors, je veillerais sur toi.

L’Utgardienne poussa un long soupir épuisé. La guérisseuse lui avait donné de quoi supporter les crampes et un bref répit avait déferlé sur elle comme une vague d’apaisement. Elle avait cessé de s’agiter et de se recroqueviller sur elle-même et ses traits s’étaient détendus. Presque aussitôt, elle avait sombré dans un sommeil profond, et c’est tout juste si elle réagit au contact d’Eredin. Elle flottait presque au-dessus d’elle-même, pour un temps loin de toute souffrance, d’où qu’elle vienne. Comme à l’aube d’une nouvelle chasse, elle prit une profonde inspiration.

Elle dormit ainsi deux jours, presque sans bouger, son souffle seul laissant à penser qu’elle n’était tout simplement pas morte. Elle demeurait aussi pâle que ses draps de lit, mais la fièvre semblait moins intense. Xan’ti revint pour apporter du bouillon mais dès lors que le guerrier était là, il se contentait de rôder comme une ombre passant d’un coin à l’autre, présent mais furtif.

Ayant des devoirs et des obligations, Eredin ne pouvait se contenter de rester à l'Oie Blanche au grand soulagement de Xan'ti et de Jol. Il se contentait donc de venir le soir à l'heure du repas et passait la soirée au chevet de la rousse. Parfois il lisait à haute voix son livre du moment, parfois il restait cloîtré dans le silence et d'autre fois encore il lui racontait simplement sa journée. Bizarrement, ça lui faisait un bien fou de veiller sur elle. Ces moments étaient paisibles, reposant et il avait l'impression de faire la bonne chose pour une fois. Il était simplement présent pour elle dans un moment de faiblesse, c'était normal.

Après une toilette sous la surveillance du nomade qui s'assurait qu'il la traite dignement et qu'il ne profite pas de la situation, Eredin tenta de l'inviter à jouer aux cartes, mais Xan'ti disparut simplement en silence. C'était sûrement trop tôt, peut-être n'avait-il pas confiance ou il n'avait toujours pas accepté sa défaite, le guerrier n'aurait su dire. Il se contenta donc d'aiguiser une nouvelle fois son couteau en marmonnant une vieille ballade Utgardienne.

L’Utgardienne émergea le troisième jour après le passage de Sturla. Quelque chose l’avait tirée de son profond repos et elle grimaça quelque peu en retrouvant le monde des vivants, les joues creusées. Si son ventre la faisait toujours souffrir, c’était pour une autre raison cette fois. Et la fièvre était enfin tombée, comme le jour qui se lève après une longue nuit de ténèbres. Elle cligna des yeux en retrouvant la lumière, la gorge terriblement sèche.

Eredin ne s’aperçut pas qu'Uraïa venait enfin d'émerger, il continua de chantonner doucement en testant le tranchant de sa lame contre son pouce. Satisfait, il rangea le couteau à son emplacement et se leva pour s’étirer longuement, alors seulement il remarqua les mouvements de la jeune femme. Il se tut et s'accroupit à ses côtés, posa le dos de sa main doucement sur son front et se mit à sourire en voyant que la température avait commencé à baisser. Il lui tendit un verre d'eau et l'aida à boire avant de la laisser tranquille. Il se contenta de l'observer sans rien dire, elle allait sûrement se rendormir de toute façon.

C’était cette voix qui fredonnait un air familier qui l’avait sortie de ses limbes. Eredin était resté. Elle accepta l’eau et but comme si elle venait de traverser un désert. Ses mains tremblaient toujours mais elle se sentait de nouveau vivante. Elle lui jeta un regard reconnaissant en se hissant tant bien que mal contre son oreiller. Elle n’avait jamais senti à quel point elle était lourde. Soupirant finalement, elle tourna la tête vers les volets pour tenter de deviner l’heure qu’il était. Elle était complètement perdue dans le temps. Il aurait pu s’être passé toute une éternité.

— J’ai dormi longtemps ?

Elle ne délirait plus aussi, elle se sentait de nouveau penaude et embarrassée, sans oser même regarder dans quel état elle était présentement.

— Six mois ! Il rigola doucement à cette mauvaise blague mal placée. Non, ça fait trois jours. Voyant qu'elle tentait d'observer dehors, il ajouta : Il doit être 22h ou quelque chose comme ça.

Il bougea sa chaise pour être face à elle. Ca faisait du bien de voir qu'elle arrivait à parler, il était maintenant persuadé qu'elle allait s'en sortir. La jeune femme était forte ! Que ce soit physiquement ou de caractère, il ne s'en faisait plus pour elle.

— Tu as besoin de quelque chose ?

Elle esquissa un nouveau rictus, difficile de savoir ce qui la faisait grimacer, il y avait l’embarras du choix. Elle finit par tourner le regard vers lui, difficilement, et tenta maladroitement un peu d’autodérision :

— De ma dignité ? Tu ne l’aurais pas retrouvée quelque part….

Eredin se mit à rire, un long fou rire qui ne s'arrêtait pas, mais qui voulait dire tellement ! Oui, elle allait bien mieux et elle allait survivre. Il s'arrêta de rire après un moment.

— Non, elle a totalement disparu ! Mais rassure toi, seulement auprès de moi !

Il se leva et disparu plusieurs minutes avant de revenir avec une assiette de bouillon tiède qu'il posa sur la table de chevet.

— Tu n'as pas à avoir honte, si j'étais  à ta place, je sais que tu en ferais autant pour moi.

Elle ne s’était pas permis le luxe de rire à son tour, mais elle esquissa une sorte de demi sourire en entendant celui d’Eredin. Elle se reprit bien vite néanmoins et guigna vers l’assiette qu’il venait de déposer. Son estomac se mit à grogner furieusement. Elle lâcha tout espoir de conversation et mangea tout simplement. Elle n’avait jamais eu aussi faim de sa vie. Elle dut ralentir pour ne pas se sentir mal mais reposa finalement l’assiette avec l’esprit un peu plus clair. Tout lui revenait peu à peu et elle réalisa ce qui l’attendait.

— Peut-être. Mais si tu sais tout, tu ne devrais pas rester ici.

Elle reposa sa tête contre l’oreiller, fatiguée de nouveau. Il faudrait qu’elle touche deux mots à Xan’ti mais plus tard.

Le guerrier soupira, c'était la deuxième fois qu'elle lui demandait en partir dans le peu de temps où il l'avait vu éveillé. Il comprenait, mais il refusait et elle n'avait aucun moyen de l'y obliger.

— Ce n'est pas une malédiction qui t'a mise dans cet état, simplement une potion de mauvaise qualité...

Ou une personne qui, de peur, en avait pris plus que la dose recommandée ! Mais il se retint de le dire. A l'Eveil des Sens, les filles travaillaient chaque soir sans interruption, maintenant qu'il y pensait, elles devaient utiliser le même genre de potion. Il allait voir avec Évangeline pour se renseigner.

— Économise tes forces, je vais rester ! Et si tu es pas contente, je suis prêt à me battre à nouveau avec toi... Je partirais si tu gagnes.

Dans son état, elle n'était même pas capable de se lever ! C’était fourbe de sa part de suggérer qu’elle pourrait se battre avec lui. Mais elle donna le change d’une mine plus sévère. Elle aurait besoin de quelques secondes pour rattraper son couteau sur le sol… mais avait envie d’’économiser cet effort. Quoi qu’il en dise, elle ne pouvait ignorer le sort qui s’était abattu sur elle mais n’avait pas forcément envie d’en parler, précisément avec lui. Pour une fois, elle détourna le regard, fixant quelque chose qui n’existait pas sur la porte de sa chambre.

— Eh bien reste, mais tu devrais passer ton temps autrement. Je ne peux rien t’apporter de ce que n’importe quelle Utgardienne pourrait faire facilement à ma place.

— C'est à dire ? Me faire rire ? M'impressionner à chaque fois que l'on passe du temps ensemble ? Me sauver d'une bagarre perdue d'avance ? Me redonner un peu d'espoir dans cette longue nuit ?

L'Utgardienne ne pensait qu'à ce qu'elle ne pouvait pas lui offrir, comment lui en vouloir ? mais elle pouvait lui apporter autre chose !

— La facilité c'est surfait... j'aime le challenge !

Le pire moment pour faire de l'humour...

— Et je ne me souviens pas t'avoir demandé quoi que ce soit à part me montrer comment tu chasses, donc arrête de te torturer l'esprit ! Je suis au courant pour ton problème, j'aurais pu partir de nombreuses fois, j'ai eu le temps pour y réfléchir en trois jours, pourtant il me semble que je suis encore là non ?

Il parlait doucement et s'était retenu de lui attraper une main pour partager un peu de tendresse. A la place il les avait jointes et posées sur le drap à côté d'elle. Elle se raidit à son discours qui valait déclaration. Il ne pouvait mesurer le poids de la honte qu’elle se traînait depuis si longtemps. Elle avait toujours eu le sentiment d’être défectueuse. Et pire que ça : elle était née meurtrière. Jamais elle n’avait senti les mains de sa mère sur elle, ni son regard. Elle avait vécu sous le joug du jugement implacable d’un père longtemps inconsolable. Elle était un lot défectueux et empoisonné. Et la dernière chose qu’elle voulait c’était de contaminer quelqu’un d’autre.

— Les choses ne sont jamais aussi simples, fut tout ce qu’elle put répondre, la gorge serrée.

— Et pourtant ça le pourrait...

Il suffisait qu'elle accepte qu'il reste, qu'elle arrête de se torturer l'esprit pour rien, qu'ils voient simplement où leur aventure allait les mener. Mais non, il fallait répondre maintenant à cette question alors qu'elle était malade et en proie aux doutes.

— Tu crois au Destin ? Tu crois que Njörd nous impose à tous des épreuves ? Chacun les siennes, parfois communes, parfois solitaires... ?

Lui, il en était persuadé ! Et il n'arrivait pas à croire que tout ce qui arrivait maintenant n'était que pure méchanceté de la part de son Dieu. Elle ferma les yeux un instant. Elle ne parlait jamais beaucoup de ce sujet là. Mais aujourd’hui, clouée dans un lit, elle était obligée de s’y confronter sous le regard d’un homme en qui elle n’avait pas placé toute sa confiance. Elle dut faire un effort, privée de sa retraite.

— J’ai tué ma mère en naissant. Je le vois comme un châtiment. Et je l’accepte. C’est mon fardeau. A moi seule.

Son ton était plus ferme, plus résolu.

— Personne d’autre n’a à en porter le poids.

— Et moi je n'étais pas là pour protéger Liv'... et je chassais ses agresseurs quand elle a disparu au lieu de veiller sur elle...

Il marqua une pause.

— Tu m'as pourtant dit que je devais me pardonner... je te retourne le conseil.

C'était un sujet glissant, mais il s'aventura sans savoir où il mettait les pieds.

— Ta mère savait à quoi s'attendre en te mettant au monde, tu n'y es pour rien ! Et qu'importe les dires de ton père, un bébé ne peut pas être responsable. Son amour était plus fort que sa peur.

Eredin se leva lentement, il avait l'impression de gêner, de ne plus avoir le droit d'être ici.

— Connerie...  on est plus fort a plusieurs ! A deux par exemple !

Il l'observa, il se doutait être allez trop loin et cette fois, si elle lui demandait, il n'aurait d'autre choix que d'obéir. Elle inspira et expira douloureusement. Pourtant la fievre, ses terribles crampes n’y étaient pour rien. Ce n’était rien en comparaison de se croire maudite. Elle prit néanmoins sur elle pour afficher le même visage digne.

— Plus forts à deux oui. Mais sans avenir. C’est vraiment ce que tu veux ?

Elle le vrilla du regard avec intensité. Il méritait d’être heureux et d’avoir une famille. Une femme qui ne serait pas obligée d’empoisonner son sang de peur de voir la tragédie de sa propre famille se répéter. C'était maintenant un moment important, il devait réfléchir, peser le pour et le contre, et si il changeait d'avis plus tard ? Peut être que dans quelques années, il ne supporterait pas de ne pouvoir obtenir de descendance !  Du coup qu'est ce qu'il ferait ?

Mais cette question, pour l'instant, il ne voulait pas y répondre. Il voulait d'abord tenter sa chance avec elle ! Voir si ça fonctionnait. Ça serait peut être trop tard pour faire marche arrière, mais c'était mieux que d'abandonner maintenant sans essayer !

— Je sais que je veux être avec toi Uraïa !

S'avançant à nouveau, il s'assit sur le lit à côté d'elle et lui prit une main.

— Me laisseras-tu rester à tes côtés ?

Elle ne l’avait pas quitté des yeux. Il ne répondait pas vraiment à sa question, ce qui confirmait ses doutes. Eredin était un fonceur. Il suivait son instinct du moment et ses élans. Mais il ne voyait pas dans cinq ou dix ans. Elle même évitait de le faire car elle savait qu’elle ne serait jamais mère. C’était un deuil qu’elle avait fait. Elle projetait toute sa force et sa détermination dans sa nouvelle famille, dans la chasse. Sa vie personnelle était aussi dénudée que sa chambre et les touches de couleur dans son quotidien étaient rares. Elle en obtenait parfois au prix d’un risque conséquent. Mais au moins c’était son choix. Elle serra doucement ses doigts en dépit de son opinion. Elle n’avait pas envie d’être seule même si c’était sa faiblesse qui dictait son choix.

— Je ne peux rien te promettre. Mais ce que j’ai déjà promis, je peux le tenir.

Depuis quand faisait elle des concessions ?

— Trouver des nomades en pleine nature, c’est déjà un gros risque.

Puis elle relâcha ses doigts doucement.

— Je te montrerai ce que je sais. C’est tout ce que je peux faire.

Elle n’avait pas envie de risquer la colère des dieux une fois de plus. Les remèdes de Xan’ti ne pourraient plus lui servir de recours et la guérisseuse avait été formelle. Si elle tentait d’en prendre de nouveau, elle n’aurait pas autant de chance. Il l'observa longuement sans rien dire, elle avait fait son choix et il ne pouvait que s'y plier. Une boule au fond de la gorge, Eredin finit par hocher la tête doucement. Elle n'était pas du genre à s'ouvrir au premier venu, elle avait un caractère difficile, donc si elle l'avait fait avec lui, c'était pour une raison ! Ce n'était pas un simple coup de tête si ? alors pourquoi le repoussait-elle ainsi ? A cause de sa malédiction ? Il s'en foutait royalement ! Mais malgré ça, ça ne suffisait pas ?

— Très bien...

Les mots avaient eu du mal à s'échapper. Il détourna le regard pour observer le mur en serrant les poings et en soufflant. Une nouvelle fois il ne pouvait rien faire ? Non !

— Je t'ai dit que tu ne pourrais pas fuir Beklaga ! Et je vais te le prouver ! Je refuse d'abandonner. Puis il planta un regard de défi sur Uraïa. Tu as peur ? Très bien, je comprends, je vais te rassurer ! je te prouverais que je suis sérieux !

Il refusait d'accepter la défaite sans se battre ! Eredin avait donc un voyage entier pour tenter de la convaincre, il n'était pas sûr de réussir, mais il allait tout tenter ! Eredin avait voulu prendre du recul et il se retrouvait à plonger tête la première ! Pourquoi s'emballait-il tout le temps aussi facilement ?

Un moment, elle avait cru le battre facilement, comme lorsqu’elle l’avait retourné dans la poussière. Mais il en redemandait ! Elle afficha une expression surprise, car plus d’un aurait déjà fui et il avait fait machine arrière. Elle devait lui reconnaître ça, il était incroyablement tenace. Ou était-ce peut être le goût du défi. Elle ne pouvait croire qu’il se soit déjà préparé à un tel sacrifice alors qu’il la connaissait si peu. Elle poussa un profond soupir, dans l’expectative. Elle avait imaginé les choses beaucoup plus simplement.

— C’est à toi et à ton avenir que tu devrais songer, Eredin.

Elle s’exprimait d’un ton calme et doux, et sa propre voix lui semblait incroyablement vieille, tout à coup.

— Tu parles comme si tu savais de quoi était fait l'avenir, la fièvre t'as fait entrevoir quelque chose ? Non Si tu ne peux me donner d'enfant et que je ne le supporte pas, j'irais en voir une autre... Ou peut être que toi et ton caractère allaient réussir à déjouer ta malédiction... ou peut être que je n'ai jamais voulu d'enfant ! Qui sait a par Njörd ?

Il l'observa durement.

— Et au lieu de penser à moi, pense à toi ! Que veux-tu vraiment ? Hein ? Si tu veux vraiment que j'abandonne et que je te laisse seule avec ta peur, dit le ! Il attendit un peu avant de reprendre ou si tu veux tenter notre aventure... Je ne te garantis pas que ça se terminera bien, j'ai trop fait de promesses intenables pour en faire une nouvelle... mais si tu veux tenter, alors arrête de me repousser !

Il croisa les bras et leva la tête vers le plafond en se balançant. Raaaah bordel, pourquoi tout devait être si compliqué ?

Il avait un sacré culot. On ne l’avait probablement pas sermonnée de la sorte depuis des années. En tout cas, pas sans prendre une raclée en retour. Elle sourit étrangement sans répondre. Elle n’était pas beaucoup plus avancée que lui. Elle ne savait même pas si elle se permettrait encore de toucher un homme sans la perspective d’un remède. Elle ne savait pas si c’était lui, cet arrogant blondinet qui avait déboulé dans sa vie et ses petites habitudes. Il comblait un vide, c’était évident. Quelque chose qu’elle désirait depuis des années sans le nommer ni oser le réclamer. Il l’obligeait à se remettre en question, et à vouloir un peu plus que ce qu’elle avait déjà. C’était dangereux a bien des égards. On est bien plus vulnérable lorsque l’espoir d’une vie meilleure nous saisit. Mais aussi capable de grandes choses.  Elle déclara finalement, souriant toujours :

— Je tuerai pour du pain et des saucisses.

— Du pain et des saucisses ! Répéta t'il plus fort Très bien ! Je crois pouvoir arranger ça !

Uraïa avait habilement esquivé le sujet, mais au moins elle ne le repoussait pas et elle souriait ce qui était en soit une belle victoire après ça. Le guerrier lui lança un sourire avant de commencer à prendre la direction de la sortie, mais a mi chemin il fit demi tour pour ramasser sa bière au pied de sa chaise. Si elle pensait pouvoir taper dedans, elle se foutrait le doigt dans l'œil ! Il quitta la pièce pour déranger Jol et lui demander du pain et des saucisses. En attendant Eredin sirota sa bière et fit semblant de ne pas voir Xan'ti monter l'escalier en silence.

Mais peu après Xan’ti ce fut un autre Utgardien qui débarqua dans l’auberge avec une mine inquiète. Ignorant Eredin, il le poussa d’un coude pour atteindre le comptoir et demander abruptement au tenancier :

— Uraïa Beklaga ? Quelle chambre ?

Le tenancier claqua son torchon sur le comptoir avec mauvaise humeur et désigna Eredin du pouce

— Mais elle me les casse celle là ! Demande lui donc !

Et il posa son assiette de saucisses devant Eredin avant de faire demi tour. Le tanneur cligna des yeux avec surprise avant de grogner et de tourner le visage vers Eredin :

— Euh ouais… d’accord… t’es qui toi ?

Eredin s'était gentiment décalé sur le côté sans rien dire après avoir été bousculé. Il ne voulait pas créer de problème dans l'établissement ! Ou du moins pas plus qu'il n'en avait déjà fait. Mais laaaa... Que voulait cet homme à Uraia ? Repoussant sa bière vide, il se tourna vers le nouvel arrivant.

— Une personne qui aime pas être bousculée !

Toujours souriant, on pouvait clairement voir qu'il cherchait maintenant les ennuis ! Les yeux plissés et la lèvre pincée, Eredin s'approcha de l'Utgardien.

— Et toi ? Qui es tu ?

L’Utgardien fronça les sourcils aussi mais son attitude n’était pas vraiment belliqueuse. Il semblait foncièrement inquiet.

— Je m’appelle Orik. Je suis le frère de lait d’Uraia. Il paraît qu’elle va pas bien…. J’ai fait aussi vite que possible.

L'attitude d'Eredin changea du tout au tout ! Il leva les mains à hauteur d'épaules pendant que ses yeux roulaient dans leurs orbites. Il s'esclaffa et tapota du dos de la main la poitrine d'Orik !

— Fallait le dire plus tôt mon gars ! J'étais prêt à te sauter la gorge. Moi c'est Eredin.

Il attrapa l'assiette de saucisse et le pain posé à côté pour se diriger vers l'escalier.

— Viens, tu as de la chance elle s'est réveillée tout à l'heure, elle commence à retrouver ses forces ! Et son caractère de cochon !

Ils surgirent tous deux dans la pièce en même temps. Eredin posa l'assiette et le pain sur la table de chevet avant de redescendre pour réapparaître à nouveau avec deux bières cette fois ! Orik souffla un bon coup et retrouva son sourire malgré l’inquiétude qu’on lisait dans son regard. Il suivit Eredin en se frottant la barbe puis eut l’air penaud en voyant sa cousine dans le fond de son lit. Il commença naturellement à l’engueuler pour la forme. Il lui était difficile d’admettre tout autre sentiment. Elle répondit mollement à ses invectives et se contenta d’entamer l’assiette qu’elle convoitait depuis un moment. Finalement Orik se massa la nuque et trouva un endroit où s’asseoir et entamer sa chope. Xan’ti fila par la porte trop à l’étroit dans cette réunion d’Utgardiens. Le tanneur but un peu et déclara droit au but :

— Je comprends pas, faut qu’on m’explique… comment vous vous connaissez tous les deux ?

Orik était sincèrement déboussolé. Uraïa n’avait pas d’amis en dehors de son groupe de chasse c’était un fait.

Cette dernière finit une bouchée de saucisse, au bord de la nausée. La nourriture était un peu trop riche pour un premier repas et elle décida de faire une pause. Elle regarda les deux gaillards assis sur de pauvres chaises en paille.

— Eredin était à mon audience, Orik. T’as vraiment pas la mémoire des visages…

Le tanneur haussa les épaules.

— Je regardais pas vraiment dans sa direction, hein… Il est pas trop mon genre.

Uraïa roula des yeux sans pouvoir retenir un sourire. Orik était impayable.

— Je l'ai sauvé ! Ou du moins il avait voté pour lui venir en aide. Puis j'ai veillé sur elle ! Surveillé était le bon mot. Et maintenant je l'aide ! C'était sûrement le pire résumé possible.

Les jambes tendues, il les croisa et lança un grand sourire à Orik.

— Tu n'es pas mon genre non plus ! Bien trop de barbe...

Orik passa une nouvelle fois sa main sur son visage, qui reflétait toute la perplexité du monde. Uraïa, elle ajouta en marmonnant :

— Ah bon, la barbe ça te dérange maintenant…

Elle retrouvait un peu d’elle même avec la présence d’Orik. Elle avait craint un moment de ne pas le revoir. Le tanneur reprit :

— Eh ben d’accord… j’ai l’impression d’avoir raté des choses moi…. Et je note encore une fois que tu me préviens même pas… tu as une tête horrible, Uraïa… qu’est ce que t’as foutu ?

Le reproche était assez évident. Mais l’Utgardienne se contenta de soupirer en détournant le regard. Il fit une moue à la rouquine en haussant les épaules, si elle pouvait éviter de se laisser pousser la barbe ça l'arrangerait en effet ! Puis reportant son attention sur Orik, il l'apprecia instantanément en voyant qu'il n'avait pas peur de l'engueuler !

— Ouais Uraïa, raconte lui, qu'est ce que t'as foutu ?!

Était-ce bien d'enfoncer une personne malade ? Non ! Alors pourquoi ça l'amusait ? Détournant le regard, le guerrier se cacha dans sa bière. Elle jeta des regards noirs aux deux.

— Si vous êtes venus pour m’achever, attendez votre tour…

Elle souffla du nez pour Orik, l’œil sombre.

— Je vais bien… j’avais pas envie que tu me voies comme ça, c’est tout. Mais Xan’ti a dû baver partout…

Orik eut un geste de désarroi en prenant Eredin à parti.

— Elle va très bien, hein ! Parfaitement… Vraiment, je vois pas pourquoi je me bile a courir en pleine nuit pour débarquer jusqu’ici… C’est l’évidence…

Sa nature expansive le poussait à en faire des tonnes, au contraire de sa sœur de lait. Il était reparti à s’énerver en faisant de grands gestes, ressassant les derniers événements.

— C’est ça ! Ne dis rien… je ne suis que ton frère… pourquoi me parler hein ?

Oui, il l'appréciait ! Il rigola dans sa barbe en voyant la jeune femme bloquée et dans de beaux draps. Il l'a laissa se débrouiller seule un moment avant de voler à sa rescousse, par pitié.

— Elle a un caractère de cochon ! J'ai dû m'accrocher pour découvrir la vérité... Et elle était pas belle à voir ! Trop faible pour faire quoi que ce soit, je l'ai fait voir une soigneuse du clan, depuis elle n'a fait que dormir. C'était il y a trois jours.

Il lui lança un regard pour voir si elle lui en voulait de profiter un peu de la situation.

— Je ne savais pas qu'elle avait un frère...

Uraia aurait voulu qu’Eredin se taise et n’entre pas dans tous les détails sordides de son histoire mais la machine lui échappait totalement et Orik tourna une fois de plus un regard furieux teinté d’inquiétude dans sa direction. Il s’offusqua encore à la remarque d’Eredin.

— De mieux en mieux… mais ça c’est parce que je suis le plus beau et le plus aimable de la famille. Du coup, elle me planque.

Il avait fini par retrouver son humour habituel pour compenser la gravité de la situation. Uraïa roula des yeux en profitant de cette diversion.

— J’ai essayé de l’étouffer plusieurs fois sous un oreiller mais il survit toujours…

Il afficha un sourire aux répliques que les deux se lançaient. Jugeant avoir fait sa part et maintenant sûr qu'Orik n'avait pas de mauvaises intentions, Eredin se leva.

— Je vais vous laisser discuter ! Je serai en bas.

Après un sourire, il quitta la pièce pour laisser les deux membres de la famille discuter en toute intimité. Ça ne le regardait pas, pour l'instant.

Orik resta un moment auprès d’Uraïa, avant que celle-ci ne sombre de nouveau dans le sommeil, épuisée par les derniers événements. Orik redescendit en se massant la nuque, s’installant au comptoir avant de commander une nouvelle chope. Les émotions donnaient soif. Il avait l’air plus calme et on devinait sur son visage que la journée avait été longue.

— Elle s’est rendormie.

— Elle en a besoin.

Il marqua une pause en observant le fond de sa bière. L'heure commençait à être tardive et il ne restait que les habitués du coin venu pour la bière pas cher.

— Elle a un sacré caractère, trop têtue pour mourir comme ça. Le plus dur est passé, elle va s'en sortir, maintenant elle a plus qu'à se reposer et reprendre des forces.

Il disait ça autant pour convaincre Orik que pour lui-même.

— Frère de lait hein ? Elle a toujours été comme ça ? Solitaire !?

Orik pencha la tête et acquiesça aux paroles du guerrier.

— Merci pour ce que tu as fait. Je parie qu’elle a pas songé à le dire alors je m’en charge.

Il reprit ensuite après avoir cogné symboliquement sa chope contre celle d’Eredin :

— Ma mère était la sœur de son père. Quand Uraïa est née, j’avais juste un ou deux mois de plus alors ma mère nous a élevés tous les deux. C’est vrai qu’elle a toujours eu du caractère… très jeune. C’était une vraie bourrique. Mais elle prenait tous les coups à ma place. Et crois moi qu’on en faisait des conneries…

Le tanneur songea dans un sourire à leurs années d’enfance.

— Elle souriait un peu plus à cette époque. C’est quand on a grandi qu’elle est devenue plus taciturne. Moi je m’intéressais plus aux jupons qu’à ma sœur, je l’avoue !

Il émit un petit rire :

— Et de son côté, elle fuyait les garçons. C’est comme ça qu’elle a fini chez Brön, le fauconnier. Après ça je la voyais plus ! Elle aimait bien le vieillard et il l’a prise sous son aile, je crois. Il causait pas beaucoup non plus, celui-là, ils faisaient la paire.

Il trinqua volontiers avec le tanneur après ses remerciements. Eredin écouta attentivement la suite car Orik lui donnait des précieuses informations qu'il aurait eu bien du mal à arracher à L'Utgardienne.

— C'est à cause de sa soi-disant malédiction ! Elle est persuadée d'être maudite et comme elle refuse de partager son fardeau, elle reste seule. C'est d'ailleurs aussi à cause de ça qu'elle est dans cet état...

Il sentit de nouveau cette vague culpabilité ressurgir et préféra ne pas en dire plus. Il était en partie responsable du coup ! Tss, idiote !

— N'y a t'il aucune femme du côté de sa mère qui a eu plusieurs enfants ?

Si tel était le cas, ça pourrait lui ouvrir les yeux  ! Mais Eredin doutait que ça soit si facile car Uraïa aurait forcément fait le rapprochement elle-même sinon. Orik fit la moue.

— Déjà quand son père a voulu épouser Isold, on savait que ça allait poser problème. Mais il voulait rien entendre. Il disait la même chose que toi… que c’était pas une malédiction. Il y croyait pas…

Il inspira tristement.

— Quand Uraïa est arrivée, Isold savait. Elle était comme résignée, de ce que m’a raconté ma mère. Puis Yvar a du l’achever…

Il s’ébroua comme on chasse une ombre.

— Il a plus jamais été le même après ! Mais il reste personne de la lignée d’Isold pour dire s’il y a eu d’autres enfants, ou des femmes qui ont survécu… Personne y peut rien… et c’est con mais quelque part je comprends un peu ma sœur.

Son éternel sourire s'effaça lentement, ce n'est pas ce qu'il voulait entendre, d'un coup Orik paraissait moins agréable ! Peut être était-il stupide de toujours garder espoir. Lors de sa dernière entrevue avec Liv', elle lui avait reproché et s'était moqué de son optimisme... était-ce finalement un défaut ? Un frisson lui parcourut tout le corps, partant de ses pieds et remontant le long de son dos. Il venait de se voir achever une Uraïa plus vieille...

— Pourtant sa mère a eu un enfant ? Et sa mère avant elle aussi... pourquoi s'infliger ça si on connaît la fin ? ça n'a pas de sens.

Eredin avait du mal à lâcher prise, mais sans options il allait finir par devoir se résigner... Il ouvrit la bouche pour parler, mais rien n'en sortit et il se contenta de boire un coup. Njörd paraissait bien cruel.

— C'est de ma faute si elle est dans cet état... je l'ai invitée à boire un coup... Abruti ! Lança t-il pour lui même

Orik esquissa un sourire fataliste.

— Les femmes de la lignée d’Uraïa sont courageuses. La mère d’Isold croyait qu’elle y parviendrait, mais sa fille avait plus de doutes. Elle était prête à se sacrifier pour sa famille… et puis c’est pas comme si les hommes pouvaient porter les enfants hein ! Qui peut lutter contre la Nature ! Même Uraïa… elle finira par craquer un jour.

Il haussa une épaule.

— Puis qu’est-ce que j’y connais ? Peut-être qu’elle aura plus de chance ?

Il observa le guerrier, finalement, son visage passant d’une expression à l’autre, comme si quelque chose venait de le frapper. Il désigna Eredin de l’index :

— Oh ! Oh je vois…

Il paraissait enfin comprendre la situation et paraissait… perplexe. Dubitatif.

— J’aurais pas cru ça d’elle… Même si je l’ai déjà vue sortir de chez Markus à l’aube… j’ai jamais trop creusé la question.

Courageuse hein ? Il l'avait vu armée d'une pelle affronter des hommes de Krox sans une once de peur ! Elle avait d'ailleurs affronté la horde de morts et ses monstruosités dans le quartier Amaranthis sans fuir... oui, courageuse était le bon mot ! Mais si il n'y avait aucun espoir de survivre à un accouchement, ça se rapprochait plus d'un suicide...

— Hum, même elle a des besoins... et puis comment résister ? Dit-il en se désignant sur un ton neutre, presque froid.

Il avala sa bière d'un coup pour chasser l'orage de mauvaises pensées qui s'annonçait dans son esprit.

— J'ai pas envie de lui faire du mal... mais j'ai envie d'être avec elle ! Sauf que du coup, j'ai l'impression que les deux sont incompatibles...

Pourquoi disait-il le fond de sa pensée à Orik, il ne le connaissait absolument pas ! Peut être était ce parce qu'il était un proche d'Uraïa, une personne qui la connaissait depuis toujours devait pouvoir être de bon conseil non ? Mais avant qu'il réponde, Eredin balaya le vide devant lui avec une main.

— Oublie, j'ai trop bu... je vais aller me coucher.

Et Eredin commença à se lever. Orik était penaud. Il n’avait jamais abordé ces questions avec sa sœur. Elle n’était pas du genre à se confier, il n’était pas des plus à l’aise pour résoudre ce genre de problème. Dans un sens, ça l’arrangeait car il ne voyait pas d’issue favorable. Il tapota l’épaule d’Eredin en signe de compassion.

— Je crois que c’est pas vraiment à toi de prendre ce genre de décision… mais tu comprends pourquoi elle a préféré vivre hors du clan.

Il n’essaya pas vraiment de le retenir. Il lui lança seulement un regard désolé. Comme s’il n'attendait que ça, Eredin abandonna l'idée de partir et se rassit au moment même où la main d'Orik toucha son épaule.

— Je comprends tout à fait ouais... mais je veux pas la forcer à faire le mauvais choix... Même si on est très loin d'en être là !

En effet, c'est à peine si il pouvait prétendre avoir une histoire avec elle ! Il se tortilla sur place comme si quelque chose rampait sous ses affaires. Il était juste mal à l'aise malgré lui et pourtant, il continua de s'ouvrir à Orik.

— Elle a un sacré caractère, c'est un combat pour chaque pas ! Même s’il avait l'impression de réussir à progresser rapidement, Uraïa n'était pas du genre à baisser ses défenses facilement. Tu aurais pas quelques conseils ?

Orik leva les mains en l'air, comme pour signer sa reddition.

— Oh là ! Ça fait peut-être des années que je la connais, mais je ne sais pas s'il y a un secret... Pour tout te dire, je croyais qu'un autre avait réussi avant toi. Sans parler du fait qu'elle me tuerait si elle savait que je discute de ce genre de sujet... Je suis pas fou...

Eredin sourit à nouveau en voyant l'Utgardien botter en touche de peur qu'Uraïa apprenne qu'il avait parlé de ce genre de chose.

— Hum ! Je vois que je suis pas le seul à qui elle fait peur !

Il donna une tape dans l'épaule du tanneur avant de se lever à nouveau.

— Mais je suis le seul assez fou pour l'affronter... A la prochaine Orik !

Et Eredin remonta en haut dans la chambre numéro six, il allait passer une petite heure à essayer de terminer son livre avant d'abandonner l'idée et de s'endormir sur sa chaise. Il allait rêver de choses terribles, mais heureusement pour lui il n'aurait absolument aucun souvenir des horreurs commises dans ses rêves.

Orik poussa un profond soupir fatigué en voyant Eredin remonter. Voilà qui allait singulièrement compliquer les choses. Uraïa qui vantait une vie simple et sans attache avait donc finalement changé de pied. Orik demeurait pensif, songeant à ce que ça impliquerait égoïstement pour leur petit groupe, leur famille. Il devinait que tout ça ne serait pas sans conséquence et voyait avec anxiété venir une ère nouvelle et inconnue. A cet instant, Xan’ti réapparut et s’installa silencieusement à côté de lui. Il avait faim. Jol ne tarda pas à revenir pour le servir. Il connaissait bien le nomade et ses habitudes.

— Tu l’avais vu venir toi ?

Le nomade secoua la tête.

— Non. Mais même le ciel change d’humeur quand on s’y attend pas.

Orik opina à ces paroles pleines de sagesse.

— Je me demande bien à qui elle a pu acheter ce genre de remède. C’est pas dans le quartier Utgardien qu’on trouve ça…

Xan’ti garda le silence, se renfonçant dans sa culpabilité. Orik était trop plongé dans ses pensées pour soupçonner le nomade d’aucune façon.

— J’ai toujours cru naïvement qu’elle préférait rester seule.

Le tanneur continuait son soliloque tout seul s’adressant parfois à son voisin peu loquace.

— Elle te parle à toi ?

Xan’ti haussa une épaule.

— Surtout des oiseaux. Et du dîner.

Le nomade était un gouffre vivant. Il était d’ailleurs en train de dévorer son assiette, parlant la bouche pleine.

— Parfois elle dort pas ici. Elle reste chez Markus, hasarda le nomade, qui ne savait pas vraiment ce que le tanneur attendait.

— Ouais tout ça va mal finir. Je le sens.

Orik poussa un lourd soupir avant de se replonger dans son houblon dilué à l’eau.

— Putain, cette bière est aussi claire que de la flotte…
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Lun 25 Oct - 15:32

Encore trois jours après, Xan’ti décida de prendre le chemin du quartier Ascanien. Le secret n’avait que trop duré et c’est ainsi qu’il frappa à la porte de Markus, l’œil inquiet. Un Markus mal réveillé lui ouvrit et grogna ce qui ressemblait à un bonjour dans le langage de l’ascanien.

— Qu’est ce que tu veux, Xan’ ?

Il laisse échapper un long bâillement.

Xan’ti affichait une mine tout à la fois mal à l’aise, coupable et anxieuse.

— C’est Uraïa. Elle est malade. Elle voulait pas que je le dise mais…

Tout devenait confus dans la tête du nomade.

— Il y a un Utgardien qui a débarqué… Il m’a dit d’aller chercher la guérisseuse… alors c’est plus un secret.

Markus plissa un œil en digérant les informations avec encore la tête à moitié dans ses rêves.

— Comment ça Uraïa est malade ? Elle fait pas ses travaux chez les Utgardiens ? Quel secret ?

Le nomade poussa Markus à l’intérieur et commença un récit confus qu’il dut interrompre et reprendre à plusieurs reprises, tournant comme un fauve en cage dans la maison de Markus. Depuis des années, il gardait le secret d’Uraia. Il lui fournissait des plantes, celles qui provoquent des crampes dans le ventre et font partir les germes de progéniture indésirable. Il l’avait pourtant bien avertie que les femmes nomades ne prenaient pas ces traitements à la légère. Mais Uraïa avait voulu tenter sa chance et jusque-là, le destin lui avait souri. Jusqu’à ce qu’elle revienne de ses travaux d’intérêt général. Lui s’était occupé des faucons comme d’habitude et il lui avait fourni une de ses fioles à sa demande. Et quelques heures après, elle s’effondrait dans une mare de sang dans sa chambre des faubourgs. Paniqué, le jeune homme avait voulu appeler le reste de la bande à la rescousse mais l’Utgardienne dans sa fierté et son acharnement l’avait envoyé chercher un médecin Amaranthis. L’homme leur avait fait dépenser une petite fortune pour des soins mineurs qui n’avaient pas eu d’autre effet qu’aggraver les malheurs de sa patiente.

Xan’ti avait assisté impuissant à la dégringolade de la chasseresse, l’assistant et la soignant comme il pouvait, soudoyant l’aubergiste pour empêcher quiconque de venir déranger l’Utgardienne. Xan’ti se montrait penaud. Pour lui, Uraïa était sa matrone. Et si sa matrone ordonnait qu’elle voulait régler ça seule, alors il devait lui obéir et lui agréer du mieux qu’il pouvait. D’autant qu’il se sentait directement responsable de son état, et Uraïa n’avait pas hésité à tirer sur cette corde pour le faire obéir.

Puis tout s’était précipité quand un guerrier Utgardien avait débarqué un beau jour, l’agressant presque alors qu’il nourrissait les faucons. L’homme avait réclamé à voir Uraïa et avait forcé le passage pour monter à l’étage. Il l’avait envoyé lui chercher la guérisseuse du quartier Utgardien et le nomade avait été pris d’un conflit de loyauté sans savoir que faire d’autre. Le guerrier avait passé trois nuits à veiller sur Uraïa qui avait finalement repris conscience. Xan’ti avait alors décidé de mettre fin à son silence et atterrit chez Markus pour le prévenir. A la fin de son récit, il semblait sur le bord de la crise de panique, roulant des yeux affolés en direction de Markus.

— Je voulais pas la trahir…

Markus avait écouté le récit, dessoûlant de son sommeil au fur et à mesure que l’histoire de Xan’ti avançait sans chercher à le couper. Il comprenait peu à peu ce qu’Uraïa faisait à chaque fois qu’ils s’étaient « réconfortés » l’un l’autre avant d’être piqué dans sa fierté de savoir qu’un autre avait pris soin d’elle dans sa maladie. Il porta donc un regard mauvais sur Xan’ti.

— Uraïa est au bord de la mort et toi tu attends deux semaines pour me prévenir ? Le concept de groupe et de camarades ça te parle ? Si elle était morte seule dans ces draps, tu m’aurais dit quoi ? Désolé Markus, elle a voulu en faire qu’à sa tête comme d’habitude et moi j’ai laissé faire ?

Le chasseur commença à s’habiller, fouillant dans son bazar pour trouver de quoi rapidement se couvrir.

— Félicitations. Tu ne l’as pas trahie.

Markus traversa la pièce non jeter un regard blessé au jeune nomade.

— Mais ne viens pas me parler de loyauté, tu n'en as eu aucune pour les autres membres de ce groupe. Je pensais qu’on était un peu plus que des camarades de chasse, surtout avec toi qu’on a trouvé dans la rue. Tu étais mon ami. Si tu veux chasser, tu iras voir Uraïa mais nos sorties ensemble c’est terminé.

L’Ascanien se dirigea ensuite vers la porte. Xan’ti ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais rien ne lui vint. C’était l’aube et il n’avait pas dormi depuis un moment. Une lueur de souffrance passa dans son regard avant qu’il se mette à courir derrière Markus, comme un animal qui vient de prendre un coup de pied et tente de se racheter.

— Je voulais…

Il ne sût pas quoi ajouter, il ne voyait pas comment il pouvait apaiser la colère de Markus, il croyait ne l’avoir jamais vu en colère. Encore moins contre lui.

— Tu voulais quoi ? Que tu préfères Uraïa c’est bien ton droit mais je pensais avoir au moins ton respect pour venir me voir alors qu’elle est en train de crever.

Le chasseur ouvrit la porte en grand pour laisser le nomade sortir avant de refermer derrière lui. Puis il se mit en route, le pas pressé. Xan’ti baissa la tête en signe de soumission. Il avait suivi les ordres et rien ne pouvait venir contrecarrer la logique des événements, c’était indéniable. Il sortit et recula ensuite, laissant le chasseur prendre de l’avance et disparaître à sa vue. L’auberge de l’Oie Blanche, elle, était calme. Quelques rares clients et un aubergiste à l’œil plus que taciturne s’activant déjà avec ses outils. Il semblait pour le moins fatigué et d’humeur exécrable alors qu’il tentait de remettre son comptoir en état, une large entaille fendant le bois sur le plateau. Markus rentra dans l’auberge en saluant l’aubergiste d’un signe de la tête avant de monter à la chambre que lui avait indiquée Xan’ti et posa la main sur la poignée pour entrer.

Dans cette chambre qui n’avait pas connu de visiteurs pendant des années, il régnait une odeur de maladie et de sang un peu atténuée par une lucarne restée entrebâillée. Le silence régnait, seulement entrecoupé par les ronflements d’un tanneur Utgardien affalé sur l’unique petite chaise de la chambre, la tête renversée contre le mur derrière lui. Au centre, le lit étroit paraissait encore trop large pour contenir une silhouette frêle et méconnaissable, figée dans son repos, les traits creusés encadrés de cheveux emmêlés d’un roux terni. Uraïa ne se réveilla pas lorsque la poignée tourna doucement, épuisée par trop de nuits interminables de souffrances.

Le nez de Markus frémit sous l'odeur de renfermé de la chambre et il rentra en fermant la porte devant lui, il fronça les sourcils en avisant Orik avant de s'attarder sur la silhouette dans les draps. La vision lui serra le cœur et la colère disparut aussi vite qu'elle était arrivée, d'un pas calme il se dirigea au chevet de la rousse sans chercher à réveiller son frère pour tirer un tabouret et s'asseoir dessus. Il passa une main sur les mèches de cheveux pour dégager le visage bien trop blanc de la chasseresse.

A travers les limbes de son repos, elle finit par ouvrir un œil et fixa Markus comme s’il s’agissait de la vision onirique du chasseur. Sa gorge se serra, et un frémissement parcourut son visage. Ce n’était pas le Markus de ses cauchemars, celui que le Giganta jetait sur son bout de toit pour la dévorer. Il était bien vivant et c’était une émotion indescriptible et confuse que de le voir là et de se savoir si faible sous son regard. Elle ferma de nouveau les yeux pour dissimuler le sentiment de honte qui lui venait.

— Tu as vraiment une sale gueule.

Le chasseur esquissa un faible sourire tout en continuant d'écarter un à un ses cheveux roux avec douceur. Elle soupira longuement, la respiration pesante.

— Je ne voulais pas…

Pourtant, elle se sentait infiniment soulagée de le retrouver malgré tout. Elle ouvrit les yeux pour détailler ses traits. Il avait l’air en bonne forme.

— Tu ne voulais pas me voir ?

Il soupira doucement sans pour autant mettre un ton amer, il posait simplement la question même si on pouvait le sentir blessé par le fait d'arriver après tout le monde. D'être le dernier au courant.

— Je ne voulais pas que tu me voies… comme ça.

Le dernier mot était lourd et chargé du courroux divin qui s’était abattu sur elle. Pourtant en fixant le visage de Markus, elle ne pouvait comprendre ce qu’il pouvait y avoir de mal à s’attacher à lui.

— Tu sais, je t'ai vue un lendemain de soirée plus d'une fois… La chambre avait la même odeur.

Il continua de lui sourire malgré tout, il voyait bien que la chasseresse était bien loin d'être dans un état normal et que la mort n'était pas passé loin et peut être pas encore totalement écartée.

— Je te laisse chez les Utgardiens quelques semaines et tu t'entiches de l'un d'entre eux pour revenir dans cet état.

Elle détourna le regard un instant. La honte continuait de la ronger et ce n’était pas que son état physique qui la préoccupait. Elle secoua doucement la tête :

— J’ai eu tort et les dieux m’ont bien punie.

Elle avait voulu tricher avec sa malédiction et en avait payé le prix fort. Il soupira à nouveau.

— Chacun ses dieux. Le mien est plus clément il faut croire. Parle moi des plantes que Xan… En parlant de lui. J'aimerais que tu laisses les membres de notre groupe en dehors de ça. Tu sais dans quel état je l'ai trouvé à cause de son cas de conscience... Et je ne parle pas dans l'état que je l'ai laissé.

Elle haussa vaguement un sourcil.

— Il était là, c’est tout. C’est lui qui me donnait les remèdes… tu crois que c’est facile de se procurer ce genre de choses ?

Elle fixa le plafond en serrant les dents.

— De toute façon, c’est terminé… J’ai compris ma leçon… mais ne sois pas trop dur avec lui, il a fait ce qu’il a pu. Et il a bien veillé sur moi, malgré tout.

La main sur le front de la rousse et chercha de coin le rafraîchir, trouvant une bassine d'eau dans un coin de la pièce sale et un linge qu'il sortit d'une sacoche à sa ceinture. Markus trempa le linge qui devait sans doute servir à ses bricolages habituellement et comme toujours, en gardait un propre. Il appliqua le tissu froid sur le front de la malade avant de lui répondre.

— Tu aurais pu mourir et il a choisi de le garder pour lui. Je n'appelle pas ça un ami même si nous sommes d'accord que la faute te revient. Je te botterai le cul quand tu seras sur pied, fais moi confiance.

Le chasseur continua de serrer délicatement le tissu pour en faire couler l'eau fraîche.

— Et donc ? Tu t'envoies un Utgardien pendant tes semaines de travaux, on peut en parler plus de ça ?

Elle soupira d’aise au contact de l’eau fraîche. Même si elle ne délirait plus de fièvre, elle aurait donné cher pour un vrai bain, elle avait la sensation de se confondre avec son matelas. Face au rappel de ses responsabilités, elle afficha une mine fataliste.

— Botte moi le cul si tu veux… Je ne comptais pas mourir.

Elle retrouvait un peu de sa fierté même si elle mentait un peu. Bien des fois elle avait voulu mourir pour en finir avec les douleurs atroces de son ventre. Elle en sentait encore le tison bien que la souffrance soit nettement plus supportable. Elle fut davantage prise au dépourvu par sa question.

— De quoi veux-tu parler ?

Markus secoua la tête.

— Un Utgardien que Xan'ti ne connaît pas et qui passe plusieurs jours à ton chevet. Tu veux que je te fasse un dessin, même moi je l'ai compris.

— Je sais pas ce que tu as vraiment compris… Mais il n’y a pas d’avenir pour moi. C’est tout.

Elle essayait de garder la face mais c’était plus difficile en face de Markus qui la connaissait si bien. Elle se rappelait ses hésitations certains matins. Des petites parenthèses accordées par le destin. Est ce qu’elle devait les payer aussi ?

— N'importe quoi, t'es encore en vie ou alors j'éponge le front d'une maudite bien calme.

Il remit le linge dans l'eau et l'essora avant de le remettre sur le front de l'Utgardienne qui ne voulait pas répondre, voilà qu'une pointe de jalousie venait percer son cœur déjà malmené par le fait d'être le dernier au courant de son état. Uraïa avait elle retrouvé goût à la vie Utgardienne qu'elle avait tant décriée, peut être un autre qui lui avait fait changer d'avis. Et cet autre n'était pas lui. Le chasseur posa un coude sur le lit et sa tête sur la main.

— On va accueillir un nouveau membre dans le groupe ou c'est toi qui t'en vas ?

Elle soupira à son tour :

— On peut jouer avec les mots tant qu’on veut. L’avertissement est clair. Je ne veux entraîner personne avec moi dans cette malédiction…

Et pourtant et pourtant… combien de regrets encore ? Elle inspira un peu plus fort, réprimant sa propre faiblesse, avant d’écarquiller les yeux à sa question.

— Jamais je ne quitterai le groupe… Il n’a jamais été question de ça…

Elle voulut chercher sa main pour la serrer entre ses doigts mais sentit ses muscles trembler. Elle ne fit que tendre la main, interrompant son geste.

— Je ne retournai pas vivre dans le clan.

Il la vit tressaillir et dans un sens cela le rassura, il ne voulait pas d’un groupe de chasse sans Uraïa. C’était sa partenaire avec qui tout s’était construit, et maintenant qu’on avait failli la lui enlever, il repensait à chaque soir où il avait eu bien plus que de l’amitié à son égard. D’avoir un rival devait sans doute aider, il ne fallait pas se mentir. Markus tendit sa main pour la récupérer celle d’Uraïa.

— Tant mieux. Ça m’évite de brûler un quartier avant de te laisser sortir de cette chambre.

Elle esquissa un sourire alors que leurs mains se retrouvaient et que Markus montrait un aspect de lui un peu éloigné de sa nonchalance habituelle.

— Le feu c’est mon domaine, oui.

— Je sais bien. J’ai passé mes dernières semaines à remettre en état une partie d’un quartier Amaranthis à cause de ce « domaine ».

Il souffla un rire.

— Tu veux vraiment rester dans cette auberge miteuse ? Tu pourrais te reposer chez moi et je pourrais garder un oeil sur toi.

Elle roula des yeux mais son expression trahissait son amusement. Si c’était à refaire, elle brûlerait de nouveau ce quartier maudit. De fond en comble. Sans hésiter.

— Ils ont eu ce qu’ils méritaient.

Puis elle reprit plus doucement.

— Rester chez toi et me laisser vivre pendant que tu joues les infirmières ? Je ne suis pas ce genre de femme…

Elle aurait pu en rire mais la situation était trop pathétique.

— C’est moi qui te couvre pendant nos sorties.

— Si tu veux ressortir un jour, il faut d’abord que tu te remettes. J’ai besoin de toi dehors alors laisse moi prendre soin de toi si tu préfères y voir une relation de camarades pour sauver ta fierté Utgardienne.

Le chasseur soupira tout en massant la main de la rousse, les Utgardiens et leur fierté devait leur coûter la vie bien plus que la leur sauver.

— Après tout, tu me dois bien ça à me laisser sans nouvelle pendant des jours et à me prévenir en dernier que tu as risqué ta vie. Si tu refuses encore, la Providence seule sait comment je pourrais le prendre…

Elle souffla du nez.

— C’est une menace ?

Elle espérait qu’il comprenne. Il la comprenait mieux que beaucoup la plupart du temps. Même s’il râlait sur son mauvais caractère. Les oiseaux se cachent pour mourir. Il devait s’en douter.

— Plutôt du chantage.

Il lui retourna un léger sourire en espérant qu’elle comprenne que Markus s’en voulait de ne pas avoir été là pour elle. Sans compter que cette histoire de plante, il était tout aussi fautif qu’un autre amant. Elle eut du mal à soutenir ce regard si bienveillant. Elle finit par souffler à demi mots.

— Je ne sais pas si je peux me lever.

Elle avait si peu bougé en près de trois semaines, et elle avait déjà du mal à tenir une assiette et avaler quelque chose… rien que se redresser lui donnait parfois le tournis. Et elle n’osait pas soulever les draps de peur de ce qu’elle allait y découvrir. Elle n’avait jamais été aussi faible et c’était une perspective à la fois humiliante et terrifiante.

Il souffla doucement, soulagé qu’elle cède et de ne pas la laisser dans cette chambre qui avait l’allure d’une veillée funèbre.

— On va attendre la nuit et ton frère va me donner un coup de main. On va te porter. Toi tu restes dans les couvertures et avant que tu dises quoi que ce soit, je prends les décisions. Tu me feras part de tes doléances une fois sur pied.

Elle le regarda d’un drôle d’air. Décidément les hommes de son entourage n’hésitaient pas à prendre un ton bien plus autoritaire avec elle depuis qu’elle était alitée. Il faudrait qu’elle y remédie. Mais le souci dans les yeux de Markus suffit à la faire acquiescer, de mauvaise grâce. De nuit, au moins, elle s’épargnerait de donner un spectacle trop affligeant. Elle se racla néanmoins la gorge.

— J’ai besoin d’un bain, Markus….

Elle savait qu’il faudrait bien à un moment ou un autre la lever et elle ne pouvait soutenir l’idée de la vue de ce corps amaigri, sale et collé de sang. Non, c’était trop indigne.

Il finit par lui lâcher la main pour se lever et regarder autour de lui à la recherche d'un bac pour essayer de répondre aux besoins de la chasseresse mais c'était peine perdue. Ce genre de luxe n'était pas compris dans la location d'une chambre, il fallait payer un supplément dans la plupart des auberges.

— Je vais voir ce que je peux faire. Il est sympa ton aubergiste ou c'est du genre à profiter de la misère ?

— C’est une peau de vache. Mais Eredin l’a dressé…

Elle fit une petite moue. Il était notable que l’Utgardien n’avait pas été tendre avec l’aubergiste.

— C'est donc le nom de ton Utgardien ?

Eredin, voilà donc un nom sur celui qui avait fait ça à Uraïa et celui qui avait l'air d'avoir chamboulé leur train de vie habituel. Elle maugréa en acquiesçant vaguement.

— Ce n’est pas « mon » Utgardien…

Qu’est ce qu’ils avaient tous avec le possessif ? Ce n’est pas comme si elle s’était montrée si démonstrative ou fait preuve de la moindre assiduité dans ses relations sentimentales depuis toujours.

— On a déjà deux Utgardiens dans le groupe. Je vais devoir ramener une Ascanienne pour compenser...

Il souffla un rire avant de sortir de la chambre pour trouver l'aubergiste. Il demanda à louer un bac ainsi que plusieurs seaux d'eau chaude, quitte à payer un supplément pour une paire de bras. Markus avait toujours quelques pièces sur lui car il aimait fureter dans les marchés et autres boutiques. Elle avait de la chance qu'il n'avait pas encore dépensé tout son pécule. Elle vit sortir Markus avec le cœur étrangement serré et poussa un lourd soupir avant d’appeler Orik qui mit un bout de temps à se réveiller, et maugréa sur sa nuque raide. Elle l’envoya aider Markus pour le bain et attendit sagement dans son lit, cachée sous ses draps jusqu’au menton.

Orik et Markus remontèrent d'abord le bac, circulaire et juste assez large pour une personne puis ce fut un ballet d'aller retour des deux hommes avec des seaux pour remplir le bac. Pendant cette préparation, Markus en profita pour discuter avec le frère d'Uraïa.

—Tu étais au courant pour les plantes ?

— Penses-tu ! Tu crois que je l’aurais laissé prendre ces saloperies si j’avais su ?

Orik souffla en reprenant son seau en main. C’était le matin et il était déjà en sueur.

— C’est pas le genre de sujet dont on discute elle et moi…

Pour tout dire, ils ne discutaient jamais beaucoup. Ils étaient plutôt du genre à s’apprécier silencieusement. Mais pour les détails, c’était rare. Le chasseur grogna pour toute réponse avant de rentrer dans la chambre et de verser les derniers seaux dans le bac. L’eau était encore bien chaude mais il ne fallait pas tarder si Uraïa voulait vraiment en profiter. Il se dirigea vers le lit et sourit à l’Utgardienne qui devait faire bien des efforts pour se tolérer dans cet état. Elle était l’Utgardienne, l’endurance du groupe… Il tendit la main pour la poser sur sa joue.

— C’est prêt. Je vais te donner un coup de main.

Elle acquiesça, le visage tendu. C’était une situation des plus embarrassantes et Orik fila sans demander son reste, fermant la porte derrière lui. Elle se redressa difficilement dans son lit et avec un geste maladroit tenta de repousser le drap qui la recouvrait. Elle évitait de trop y regarder, soufflant avec appréhension.

Markus ne chercha pas à la presser, il lui tendit simplement son bras gauche pour qu'elle s'appuie dessus tout en passant son bras libre délicatement pour la soutenir. Son regard quant à lui restait fixé sur le visage de la rousse, il ne voulait pas la mettre mal à l'aise en regardant ce corps qui était devenu faible et il savait que cela lui faisait aussi mal que les herbes.

Elle se défit de sa chemise avec des gestes raides tandis que Markus la soutenait et en fit rapidement une boule. Blafarde, elle s’appuya pesamment sur lui pour ne pas fléchir et serra les dents en redressant le menton pour atteindre la baignoire.

Sur la fin, il la porta tendrement pour la glisser dans l’eau chaude et c’est là qu’il sentit la différence de poids. Markus se retint de faire une moue et se contenta de se laisser guider par la chasseresse pour ne pas non plus la faire souffrir.

— En douceur.

Elle était aussi raide que la justice entre ses bras, toutes ses douleurs réactivées et ses muscles courbaturés par les trop nombreuses crises, le poison dans son sang et l’absence de nourriture tangible depuis trois semaines. Elle souffla entre ses dents puis se laissa aller dans l’eau chaude qui parut presque brûlante à son contact. Elle garda les yeux fermés un moment avant de se laisser inonder par la chaleur d’une eau bientôt savonneuse. Elle soupira longuement comme elle relâchait enfin son souffle et toutes les crispations de son corps. Elle se détendit peu à peu dans l’eau et lâcha le bord de la baignoire, profitant de la chaleur jusqu’au bout de ses doigts.

Markus se contenta de rester à côté d’elle pour vérifier que tout se passait bien et quand il sentit que la chasseresse ne finirait pas la tête sous l’eau, il alla chercher de quoi la savonner. Il revint avec un gros bloc de savon mais il ne la brusqua pas, laissant Uraïa profiter de son moment, sans doute le plus doux depuis plusieurs semaines.

— Tu vas devoir dévorer un cerf entier pour reprendre du poids sinon c’est moi qui vais devoir te défendre maintenant. Tu imagines la catastrophe ?

Elle soupira en sentant le contact osseux de certaines articulations sous ses doigts. Ses muscles avaient drastiquement fondu à certains endroits et elle redoutait ce que ce serait quand elle pourrait quitter le lit.

— Ne compte pas trop là dessus… Une pisteuse ne sert à rien en arrière du groupe…

Elle tâtonnait pour frotter sa peau énergiquement mais se fatigua plus vite qu’un nourrisson.

— Laisse…

D’un geste, il récupéra l’éponge pour frotter les parties qu’elle voulait bien lui laisser faire, après tout il avait dû masser chaque centimètre de cette peau pendant certaines nuits mouvementées. Néanmoins, il faisait attention à ne pas la forcer car l’Utgardienne avait sa fierté à nu et cela la rendait bien plus sensible qu’elle ne voulait bien l’admettre.

Markus était là. Elle avait voulu l’empêcher de la voir dans cet état et elle réalisa soudainement qu’elle n’aurait jamais eu de pire regret que d’avoir raté une dernière occasion de lui parler, d’être avec lui et de serrer sa main contre sa paume. Alors elle baissa la tête et lui laissa frotter son dos et ses épaules. L’oiseau de proie tatoué dans sa peau n’était plus si fier dans son vol alors que ses côtes saillaient dans son dos.

— Uraia…

Le chasseur ne savait pas vraiment comment aborder ce sujet mais pourtant quelque chose au fond de lui le poussait à en parler maintenant.

— Je ne veux plus que tu me laisses à l’écart. Si j’avais dû te perdre sans pouvoir être là, sans pouvoir essayer…Je m’en serais pas remis. Je veux dire…

Il continuait de la savonner tout en cherchant ses mots.

— Toi et moi, on a tout construit tous les deux et j’imagine pas la chasse, le groupe, la vie sans toi… Alors quand j’ai appris ça. J’étais furieux contre toi et cette foutue fierté.

Elle l’écoutait en silence, la tête toujours baissée, la gorge nouée. Dissimulée sous un rideau de cheveux emmêlés et humides, les bras croisés autour de sa poitrine, seule sa respiration hachée traduisait une émotion difficilement contenue. Elle finit néanmoins par croasser d’une voix enrouée et faible.

— Je suis désolée, Markus. J’ai paniqué.

— Je suis désolé de pas avoir été là. J’ai l’impression que tout c’est passé si vite et de ne pas avoir de tes nouvelles même après la fin des travaux, j’ai cru…

Markus se mordit la joue.

— Je me suis dit que tu avais peut-être repris goût à la vie Utgardienne.

Elle laissa flotter un long silence. Était-ce vrai qu’elle avait repris goût à la vie au sein du clan ? Elle finit par soupirer doucement.

— Je me suis laissée éblouir… C’était comme retrouver… mon enfance. Ma vie d’avant. Mais il y a tant de choses… que je ne retrouverai jamais là- bas…

Elle souffla :

— Je suis Utgardienne. Mais j’ai trop goûté à la liberté… je ne peux plus retourner dans les murs… et j’ai une famille.

Elle se mordit violemment la lèvre au point de sentir un goût métallique lui envahir la bouche.

— Tu n’as pas à t’excuser. Tu as pris les coups avec moi. Et je n’étais pas là… Je ne dormais plus…

Elle s’interrompît. Elle se sentait trop faible et trop pathétique pour continuer. Le chasseur ne chercha pas à continuer non plus, il n’était pas là pour lui faire un procès, surtout pas dans cet état. Markus pourrait lui en vouloir d’avoir pris du bon temps chez les Utgardiens mais qui était il pour la juger après tout. Ce n’est pas comme s’il était en droit de le faire, lui qui n’avait jamais rien voulu de sérieux et ce qui convenait aux deux. Pourtant, d’avoir failli la perdre lui faisait réaliser à quel point Uraïa était devenue importante dans sa vie.

— S’il faut je me ferais des tatouages…

Il souffla un rire. C’était mieux que de grogner.


Uraïa
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Lun 25 Oct - 16:30
C’était si impromptu qu’elle lâcha un rire en écho. Nul doute qu’elle aurait pu lui trouver quelques tatouages adaptés. Mais elle comprenait confusément le regret qu’il exprimait. Un regret qui en appelait un autre, silencieux, qui avait perduré pendant des années. C’était vraiment trop cruel. Elle décroisa les bras pour saisir sa main doucement dans l’eau, la portant à son cœur et la gardant là. Il devait pouvoir sentir à quel point, Uraïa sous son caractère acerbe dissimulait un maelström d’émotions puissantes et parfois contradictoires.

— Il n’y a rien que je changerai chez toi. Rien.

Markus se pencha pour déposer un baiser sur le front de l’Utgardienne et ne chercha nullement à retirer sa main. Elle était la chasseresse bougonne, l’amie loyale et l’amante magnifique, même dans cet état.

— Tu m’as manqué.

Elle souffla longuement, comme si elle était restée en apnée pendant tout ce temps.

— Tu m’as manqué aussi, Markus. Cette journée continue de me hanter… et je te vois… et…

Elle ne pouvait pas retranscrire les visions horrifiques que son esprit traumatisé lui imposaient trop souvent. Elle se fit violence pour ne pas déborder de nouveau et serra sa main contre sa poitrine un peu plus fort. Elle avait besoin de lui maintenant plus que jamais. Tout le reste ne comptait plus que cet instant précis.

— Je suis là, Uraïa. On a vécu ça ensemble. On le surmontera ensemble.

Il resta comme ça, assis au bord du bac en la serrant contre lui pendant de longues minutes, peut-être même pendant plusieurs dizaines. Markus n’était pas du genre à compter, il écoutait simplement le cœur de la rousse. Il battit comme un oiseau affolé pendant de longues minutes encore, chargé de tout ce qui l’empêchait de prendre son essor dans la vie. La peur, la honte, la culpabilité. Uraïa ne pouvait les nommer ces monstres qui pesaient sur sa vie mais Markus les portait avec elle sur un petit bout de chemin, vaillamment, sans se formaliser de ce que ça impliquait pour lui. Son cœur reprit un battement plus lourd, moins frénétique à mesure qu’ils restaient là, étrangement enlacés autour de cette baignoire. Elle frissonna finalement et déposa un léger baiser sur la paume de cette main qui ne l’avait pas lâchée de même que ce bras qui la soutenait.

— Je sais…

Alors tout doucement, il dégagea son bras et reprit l’exercice pour nettoyer sa traqueuse après ce moment bien plus intime que leur plus folle soirée. Le chasseur lui montrait simplement que rien n’avait changé, que ça n’allait pas prendre fin même après un si douloureux malheur et que ceux qui l’aimaient étaient toujours là.

Il n’y eut pas d’âpre lutte pour la fierté ce matin-là. Uraia ne songea plus à rien que cette sensation bienfaisante sur sa peau, son cœur soulagé d’un poids énorme, apaisé pour quelques moments de répit. Elle ferma les yeux et se débarrassa de la souffrance en même temps que les stigmates de la maladie, s’abandonnant aux bons soins du chasseur. Tranquillement, il arrêta de la laver pour la laisser se reposer dans son bain tout en gardant un œil sur elle, sentinelle vigilante. Puis après plusieurs dizaines de minutes, Markus ne put s'empêcher de discuter avec la rousse pour lui parler de ce qu’il avait fait pendant ses travaux avant de lui expliquer en détail un piège qu’il disait révolutionnaire mais pratiquement infaisable. Bref, l’Ascanien de bonne humeur.

C’était si bon et si simple de retourner à leurs habitudes. Elle l’écouta en souriant parfois. Markus avait un don pour se faire des contacts et des aventures partout où il passait. Et sa créativité n’avait de limite que le fouillis indescriptible de sa maisonnée. Quand il commençait à perdre son matériel dans son fatras. Il fallut encore quelques longues minutes pour s’occuper des cheveux roux de l’Utgardienne et les démêler ne fut pas une mince affaire non plus. Elle abandonna son peigne à dents larges à la délicatesse de l’Ascanien tandis qu’il poursuivait son récit.

— Et comment tu comptes déplacer un truc pareil pendant nos sorties ? Il faudra au moins une charrette pour le transporter… sans parler de la pose…

Markus n’avait pas son pareil pour cacher les défauts sous de fausses qualités quand il s’agissait d’une de ses idées. Le chasseur se contenta de parler du manque de panache et de fois des Utgardiens.

— Tout de suite quand c’est un peu plus compliqué en logistique que de remplir un carquois, j’en fais trop.

Il avait beau râler, l'Ascanien prenait bien soin de ne pas trop tirer sur les nœuds dans les boucles rousses. Markus ne se coiffait jamais donc lui refiler un peigne revenait un peu du saut de foi mais il faisait en sorte de faire ça bien.

— Tu connais un peu les geôles de la ville toi ?

Elle fit semblant de rouler des yeux à sa pauvre défense, tandis qu’il se battait avec sa tignasse.

— Oh pardon. C’est vrai qu’attirer l’attention des prédateurs avec un convoi lourd et bruyant, ça peut être une stratégie en soi… Pourquoi on ne leur prépare pas un concert ? Orik pourrait jouer des claquettes….

Elle aussi en faisait trop dans leur petite joute souriant tout autant qu’elle le tâclait. C’était toujours à qui pourrait avoir le dernier mot. Et la mauvaise foi des deux était légendaire quand il s’agissait de gagner. Elle reprit ensuite en haussant un sourcil, à ce changement de sujet.

— Pourquoi est ce que je connaîtrais les geôles ? Parce que je suis Utgardienne ?

Elle sourit de plus belle, le laissant s’empêtrer tout seul.

— Ce n’est pas ce que j’ai dit mais c’est un bon point vu que tu le remarques.

Le chasseur enchaîna ensuite pour lui parler de ses travaux avec les forcenés et les repris de justice car lui n’avait pas eu la chance d’être envoyé avec une bande d’Ascaniens.

— C’est sans doute qu’on fait moins de conneries.

Une mèche après l'autre, il démêla ce tas de cheveux qui semblaient avoir tout fait pour faire les pires des nœuds. Il dut s’aider d’eau et de savon pour ne pas avoir à arracher plusieurs boucles innocentes.

Elle l’écouta parler, et raconter ses aventures, retrouvant la musique familière des récits du chasseur. Elle lui conta en retour ses propres mésaventures. Comment on s’était joué de son audience jusqu’aux travaux dans le quartier Amaranthis. La chute de l’échafaudage, l’échauffourée avec les Ascaniens, ce moment douloureux où elle avait confronté son père à l’arrière de la hutte de l’Hurlsk… et finalement le coup de couteau qu’elle avait donné à cet Utgardien, durant la bagarre contre les Morth, la famille qui s’en était pris à Eredin.

— A croire que je n’ai pas ta chance.

Attentif à son récit, il nota que cet Eredin avait tout de même pris une certaine place auprès de l’Utgardienne. Quitte à se mettre en danger pour lui mais bon comment lui en vouloir, Uraïa fonçait toujours tête baissée dans les problèmes.

— Allons toi au moins, tu as dormi au chaud. Tu veux imaginer la chaleur entre prisonniers ? Moi non plus.

Un souffle moqueur se percuta dans la nuque de la rousse tandis que le peigne semblait enfin trouver un chemin sans nœud dans les boucles. Markus récupéra le savon et lui frictionna les cheveux avec pour nettoyer tout ça.

— Allez hop. La tête sous l’eau.

Elle frissonna sous ce courant d’air chaud dans sa nuque. Cette intimité retrouvée avec Markus dans ce contexte où elle n’avait jamais été si vulnérable lui faisait tout drôle. Elle prit une profonde inspiration et plongea sous l’eau. L’absence totale de bruit fit ressortir plus que jamais le battement frénétique de son cœur, comme si maintenant plus que jamais, elle prenait conscience de l’importance de la vie et de ceux qu’elle aimait. Elle émergea après un temps plus long que prévu et prit une brusque inspiration, les poumons sur le point d’exploser.

Markus avait sans doute aidé un peu à la faire remonter, s’inquiétant de la voir garder la tête sous l’eau pendant trop longtemps. Le visage inquiet, le chasseur fut rassuré de la voir reprendre son souffle à grand bol d’air.

— Je t’ai demandé de rincer tes cheveux, pas de battre un record d’apnée.

Il fronça les sourcils et repassa un coup de peigne dans les cheveux de la rousse en maugréant. Elle lui sourit un peu.

— J’avais besoin de me sentir vivante…

Cependant elle se trouvait maintenant à grelotter comme une feuille d’automne ballotée par le vent. L’eau refroidissait et celle qui ne sourcillait pas à se baigner nue dans des les courants de montagne se sentait refroidir à vue d’œil.

Evidemment après un échange de regard entendu, le chasseur se leva pour trouver de quoi sécher la rousse. Il jeta son dévolu sur un drap encore propre qu’il déplia de tout son long avant de le laisser reposer sur le bord du lit. Markus se retourna pour aider l’Utgardienne à sortir de l’eau, la sachant revigorée mais encore faible.

Elle se tira de l’eau comme un chat efflanqué et mouillé, et se mit à claquer des dents sans pouvoir se contenir. Elle s’appuya sur lui pour sortir du baquet, se laissant à moitié porter avant de s’enrouler dans le drap, les lèvres blêmes.

— Merci.

Elle frissonna violemment plusieurs fois, mais sortir de son lit de souffrances, sentir de nouveau l’odeur du savon plutôt que ses propres remugles, tout ça ressemblait à une nouvelle naissance.

— L’Ascanien qui prend soin de l’Utgardienne. Tout fout le camp de nos jours.

Toujours prêt à rendre service ou simplement qu’il aimait se coller à elle, le chasseur passa ses bras autour des épaules de la chasseresse pour lui tenir chaud. Les mauvaises langues diraient que c’était de l’abus de faiblesse, Markus leur répondrait que c’était sans doute un peu vrai. Elle esquissa un maigre sourire à cette remarque pleine de pertinence, et se laissa frotter vigoureusement. Sa peau s’échauffa ce qui diffusa une onde de chaleur bienvenue.

— Je vais m’habiller….

— Je dois aussi t’aider ?

Le chasseur la libéra, un sourire narquois aux lèvres tandis qu’il reculait d’un pas. Visiblement, il était beaucoup moins anxieux qu’à son arrivée, sans doute rassuré par le fait qu’elle pouvait encore bouger ou simplement par leurs moments partagés. Sa bouche se tordit en une grimace peu amène. Elle essaya de se lever et de faire un pas ou deux mais le sol se mit à tanguer, quelque chose lui vrilla le ventre et ses jambes se mirent à trembler violemment. Elle se rattrapa au baquet.

— Dans l’armoire….

Difficile de la rater, c’était l’un des rares meubles de la pièce et elle contenait toutes les affaires que l’Utgardienne possédait. Markus qui avait voulu faire un trait d’humour se retrouvait bien penaud en voyant son amie lui réclamer véritablement son aide. Sans un mot, il se dirigea vers l’armoire et l’ouvrit en grand, suivant les indications de la rousse pour lui trouver des vêtements.

Elle soupira sur sa propre faiblesse et se rassit sur le bord du lit avec des gestes maladroits, serrant le drap autour d’elle avec des gestes fébriles. Finalement, Markus trouva des braies de cuir, quelques sous-vêtements et une tunique bleue. De quoi couvrir l’Utgardienne à peu près décemment.

Les bras chargés des vêtements nécessaires, il revient vers elle avec la dignité d’un page qui apporte ses guêtres à une noble dame. Il déposera les sous-vêtements à ses côtés et la laissera faire, quitte à lui donner un coup de main discrètement avant de véritablement lui venir en aide pour enfiler les plus grosses pièces.

Elle s’habilla avec des gestes pénibles. Quand elle en eut presque fini, elle découvrit qu’elle flottait dans des vêtements qui lui allaient encore un mois plus tôt.

— Markus… tu peux chercher ma ceinture dans le tiroir du bas ?

Elle désigna d’un mouvement las les deux tiroirs qui se trouvaient en bas de l’armoire. Il n’était pas difficile de voir que l’Utgardienne avait perdu du poids, terrible moment pour les souvenirs de l’Ascanien qui se souvenait de ces courbes fermes et musclées. Il se rendit compte qu’Uraia lui désignait quelque chose.

— Hm ? Ah ! Oui. La ceinture. J’y vais.

Posant genou à terre il fouilla dans les tiroirs à la recherche d’une ceinture pour la rousse même s’il se demandait bien à quoi allait servir une ceinture pour ce tour de taille maigrichon.

Elle attendit patiemment, laissant Markus fouiller, tout en essayant de coincer le tissu en trop de son pantalon.

— Je vais laisser une note, ici, au cas où on me chercherait….

Il finit par relever la tête puis le reste de son corps pour se tourner vers la rousse, la ceinture dans une main. Pourtant le chasseur est concerné par son autre pogne qui tient un étrange morceau de cuir au reflet rouge.

— Je reconnais ce cuir…

Le chasseur reporta son attention sur son amie, plissant légèrement le regard. Elle pencha la tête, dans l’expectative un instant puis elle comprit en voyant ce qu’il tenait.

— Oh ça. Oui… C’est une chute de cuir rouge… notre première chasse.

Un moment des plus houleux. Leur rencontre et le début de leur relation de travail. Bien avant que le groupe soit formé. Au dos, elle avait inscrit leurs initiales et cette fameuse date. Elle ne possédait aucun bibelot ni superflu dans ses affaires. Mais elle entreposait parfois quelques souvenirs précieux. Une lueur s’alluma dans les yeux du chasseur, retrouvant un sourire un peu trop large tandis qu’il observait le cuir sous toutes ses coutures.

— Je t’avais déjà tapé dans l’œil à notre première rencontre…Tu peux l’avouer maintenant.

Un brin de malice illumina le visage de Markus qui attendit que la rousse daigne lui répondre. Elle se sentit un peu gênée. Elle n’avait pas l’habitude de montrer ce genre de choses ni encore moins de faire du sentimentalisme. Elle souffla un peu du nez.

— Je suis retournée plus tard chez le tanneur, il avait déjà tout vendu au client. Il lui restait cette chute.

Elle avait dû marchander âprement pour récupérer ce petit bout de cuir rare.

— Un cerf rouge, on ne voit pas ça partout…

Markus haussa une épaule et s’approcha de la rousse un peu abîmée pour venir la prendre dans ses bras délicatement mais dans une étreinte qui voulait en dire long.

— Je chéris la Providence, tes dieux, ceux des nomades et ceux que je ne connais pas de t’avoir volé ce contrat. Je voulais simplement que tu le saches.

Il avait toujours été plus à l’aise qu’elle pour exprimer ses sentiments et ses attachements. Elle fut donc happée dans cette démonstration soudaine, qui faillit avoir raison de sa posture digne qu’elle essayait de se donner. Alors que le chasseur l’entourait de ses bras, elle laissa sa tête aller contre son épaule, passant ses bras autour de lui avec moins de force qu’auparavant mais tout autant de sincérité. Elle dut attendre un peu pour lui répondre, la gorge serrée.

— Et je ne regrette pas d’être tombée dans ton foutu piège…

— Tu ne regardais pas où tu allais, tu parles d'une pisteuse...

Il souffla un rire, nostalgique de ses souvenirs avant de la relâcher, se redressant pour le regarder avec des yeux tendres.

— Tu veux partir maintenant ?

— J’étais trop furieuse qu’un saligaud de première m’ait volé mon contrat… je voulais lui mettre la main dessus.

Elle sourit en coin, troublée par toutes ces démonstrations. Fallait-il frôler la mort pour en arriver à dévoiler ce qui comptait vraiment ? Elle jeta un œil dehors. Le jour était encore haut et elle tergiversa. Une part d'elle-même avait envie de voir la lumière, sentir l’air frais. D’un autre côté, elle n’avait pas envie qu’on la voie descendre dans l’auberge entre deux hommes pour la porter. Elle jeta un regard à Markus. Pouvait-il comprendre ? Le chasseur la regarda comme s'il attendait une réponse puis finalement il secoua la tête.

— C'est bien ce que je me disais. On va attendre la nuit bien tombée.

Avec un léger sourire, il ajouta à l'attention de l'Utgardienne qui ne semblait pas bien farouche.

— Cela fait combien de temps que tu n'as pas manger quelque chose de consistant ?

— J’ai tenté les saucisses…

Elle avait quelque peu regretté cette impulsion car son estomac n’avait pas aimé la différence de traitement brutal. Un beau gâchis… quant à sortir, Markus avait résolu la chose de lui-même. Bientôt elle pourrait se pencher à sa fenêtre, ce qui serait mieux que se lamenter dans sa chambre d’auberge qui commençait à ressembler à une cellule de prison. C’était dur de lutter contre sa claustrophobie naturelle dans un tel endroit.

— Je vais aller voir si l’aubergiste a pas quelques patates écrasées, ça sera plus consistant que de la soupe pas autant que de la viande.

Markus n’était pas un médecin mais il savait comment une bête malade se remettait, un endroit sécurisé et une bonne réserve de nourriture. Si Uraïa ne prenait pas de force, elle serait vulnérable à la moindre maladie. Il se redressa après lui avoir caressé la joue sans vraiment savoir pourquoi, le chasseur n’avait pas l’habitude d’être démonstratif avec l’Utgardienne. Pourtant avoir failli la perdre sans le savoir, d’avoir vécu sa petite vie alors qu’elle jouait la sienne lui avait fait l’effet d’un coup de poignard. Il ramena rapidement ses mains contre lui en toussant un peu et lui offrit un sourire bienveillant.

— Toi, essayes de marcher un peu dans la chambre mais jamais trop loin du lit, que je te retrouve pas les quatre fers en l’air.

L’Ascanien se dirigea vers la porte, il devait rameuter le frère de la rousse pour descendre le baquet et lui expliquer la suite du plan. Il devait faire sa commande aussi auprès de l’aubergiste.

Elle le laissa prendre les choses en main et se retrouva prise dans un nouveau tourbillon entre la nourriture, les déplacements et l’organisation de son départ. Elle en profita pour écrire une note à Eredin, afin qu’il puisse savoir où la retrouver. Elle observa la note d’un air songeur, passant sa main évasivement sur sa joue, là où Markus s’était attardé. Elle évita de songer à sa situation trop longuement. Elle devait d’abord survivre, retrouver ses idées. Chasser la brume qui l’avait envahie ces dernières semaines de souffrance. Ensuite, elle verrait. Oui, c’était le plus raisonnable à faire.
Orik attendait comme une âme en peine dans la salle commune de l’auberge et fut ravie d’avoir quelque chose d’utile à faire. Il se releva d’un bond en abandonnant sa chope coupée à l’eau, se prêtant aux directives de Markus.

— Pas fâché de bouger. Cette auberge me colle le bourdon.

Il haussa une épaule à l'attention d'Orik.

— C'est Uraïa en même temps, tu t'attendais à quoi ?

Il allait partir quand il finit par demander à Orik sur le ton de la confidence.

— C'est qui ce type Utgardien ? Tu le connais ?

Orik haussa les épaules, un brin mal à l’aise.

— Pas vraiment… il était là quand je suis arrivé… mais il était à l’audience d’Uraia… il bosse pour le fils de l’Hurlsk…

Le tanneur ne savait pas vraiment ce que l’Ascanien attendait de lui, un peu comme un genre de corvée dont il voulait rapidement se débarrasser. Le chasseur ne savait pas vraiment quoi en penser, une histoire d’un soir ou quelque chose de plus sérieux. En tous cas l’homme s’était retrouvé en premier chez Uraïa alors que lui ne savait même que l’Utgardienne était en danger.

— Tant qu’il ne nous emmerde pas. On sort avec ta sœur ce soir, on la ramène chez moi qu’elle quitte ce bouge.

Il allait partir après un petit hochement de tête puis il s’arrêta pour lui demander autre chose.

— Si tu croises Xan’ti, tu peux lui dire qu’elle est à la maison mais il doit continuer à s’occuper des faucons.

Orik se racla la gorge en dansant d’un pied sur l’autre, avant de serrer l’épaule de Markus et de hocher la tête.

— Je lui dirais…. Même si je sais pas où est passé ce foutu gamin…

Il soupira. Des emmerdes, il pensait bien qu’ils allaient en avoir. A quoi Uraïa avait-elle pensé ? Si elle avait pensé à quoi que ce soit…. Il bougonna vers l’étage en regardant Markus repartir avant de le suivre à son tour.

Le jour passa et enfin le soir arriva. Uraïa regarda Markus et Orik avec une petite moue d’appréhension, son paquetage serré entre ses bras. Elle avait retrouvé visage humain, mais la journée l’avait fatiguée comme si elle avait couru toute une semaine dehors, et son front était moite d’une légère fièvre.

— Comment vous comptez vous y prendre ?

Son frère s’esclaffa :

— Je te prends comme un rouleau de fourrures et hop, dans le chariot. Facile.

Il s’avança vers elle, bras en avant avec une moue taquine sur le visage et elle se raidit en roulant des yeux affolés de son côté.

— C’est bon. Je vais marcher….

Un petit rire échappa au chasseur qui secoua la tête avant de poser une main délicate sur l’épaule de la rousse.

— Orik va passer devant et toi, tu vas discrètement t’appuyer sur mon bras tandis que je te soutiendra. Ton frère a pu ramener la charrette qu’il utilise pour sa tannerie, ça t’évitera un périple jusqu’au quartier Ascanien.

Le chasseur fit un signe de tête rassurant à sa compagne de chasse et lui tendit son bras. Elle souffla doucement du nez et se résolut à suivre le plan bien huilé  de Markus. Elle attrapa son bras et se redressa dans une grimace alors que son ventre se tordait dans une crampe. Elle souffla un peu, trouva son point d’équilibre pendant qu’Orik prenait son sac avec un clin d’œil et ouvrait la porte. Elle serra les dents alors qu’ils se dirigeaient vers les escaliers, et se prépara à descendre avec l’aisance d’une vieillarde.
Il l’accompagnait comme telle en effet, comme cette vieille folle qui venait frapper à sa porte tous les jeudis pour lui demander de l’aide. Il rechignait à la tâche mais finissait par s’exécuter alors autant dire qu’il avait l’habitude de manipuler les petites choses fragiles. Avec autant de délicatesse qu’un voleur qui ne veut pas faire le moindre faux pas, Markus suivit Orik en tenant Uraïa, la laissant prendre son temps.

Elle était concentrée comme jamais, et surtout, elle ne voulait croiser aucun regard et encore moins celui du tenancier qui ne pouvait s’empêcher d’observer ce drôle d’équipage. Arrivée en bas le front en sueur, elle déposa sa note pour Eredin, d’un hochement de tête un peu sec et reprit son chemin, vaille que vaille vers la sortie. Ces quelques pas ne lui avaient jamais semblés si fastidieux. Une bourse s'ajouta à la note pour payer les frais engendré pour le déplacement de la rousse et notamment ce bain qui avait couté bien trop cher à son goût mais ils n'avaient pas eu le choix. Après un rapide signe de tête face à l'homme sui s'empressa de soupeser la bourse, Markus dirigea Uraïa vers l'extérieur à pas lent tout en tâchant de rester aussi digne que possible. Orik les attendait aux commandes d'une petite charrette qu'il fallait tirer à main, le tanneur leur fit un sourire tandis que l'ascanien aidait son amie à grimper à l'arrière.

— Bien accrochée ?

Markus offrit à son tour un sourire à la rousse, tout en réajustant ses vêtements pour se tenir chaud. Elle lui accorda un petit sourire en retour. Le plus dur était passé… et surtout, l’air printanier l’avait heurtée de plein fouet, le ciel étoilé, la douceur de l’été approchant… tout cela l’envahît comme une bouffée d’oxygène. Elle était toujours vivante.

— Toujours…

Et Orik prit les choses en main en prenant la direction de la maison de Markus. Le chemin fût calme, bien que la nuit fraîche donne son lot de frisson à nos chasseurs et le seul incident notable fût une inspection par une patrouille Ascanienne qui se demandait bien ce que faisait deux Utgardiens sur leur pavé. Heureusement, Markus leur expliqua dans les grosses lignes qu'ils étaient un groupe de chasse qui rentrait d'une sale journée dehors et ils s'en tirèrent avec un simple rappel à l'ordre : Éviter de se déplacer la nuit. La pas de la porte de Markus sonna l'arrivée pour le groupe peu mécontent.

Uraia n’avait pas fait d’histoire pour une fois. Même devant une patrouille ascanienne, elle ne se sentait pas de jouer les impudentes et répondre au regard qu’elle reçut quand ils la découvrirent à l’arrière du chariot avec  Markus. Heureusement on pouvait compter sur l’Ascanien d’adoption pour traiter avec son propre peuple…. Alors que Markus la soutenait, Uraïa semblait désormais pressée de retrouver un autre lit où se reposer. Orik décida que c’était l’endroit ou jamais où tirer sa révérence. Il déposa le barda d’Uraia devant la porte et frappa dans ses mains.

— Je vais trouver Xanti pour qu’il s’occupe des faucons.

Le chasseur s’attendait à ce que le frère de lait d’Uraïa reste avec eux vu l’heure tardive mais d’un autre côté, il n’avait pas envie de devoir attendre Xan’ti, l’Ascanien ne digérait pas ce manque de confiance de la part du nomade.

— Fais attention sur le retour, depuis l’Incendie les patrouilles sont à cran.

De son côté, il aida sa partenaire à rentrer après avoir ouvert la porte, la baraque était fraîche à cause de l’absence de son propriétaire pour alimenter le foyer.

Orik oscilla puis vint saisir sa sœur brièvement pour la serrer contre lui avant de partir. Elle lui retourna son étreinte, encore faible et le teint livide puis rattrapa l’épaule de Markus pour entrer à l’intérieur de la maison. Malgré le frisson qui lui parcourut l’échine en l’absence de feu, elle retrouva les odeurs familières de cuir, de graisse et de plantes qui faisaient l’intérieur de la demeure du trappeur, des odeurs qui étaient associées au repos et au confort d’un retour d’expédition après une longue marche. Elle poussa un bref soupir. L’angoisse de sa chambre de souffrance s’éloignait un peu malgré la précarité de son état.

— Tu as fait du ménage…

Elle trouvait l’endroit mieux rangé qu’à l’accoutumée ce qui lui tira un sourire. D’habitude on se prenait toujours les pieds dans le bric à brac de Markus. Mais il était plus probable qu’il n’avait pas eu beaucoup de temps pour se reposer chez lui dernièrement.

— J'ai pas eu le temps de foutre le bordel surtout.

Comme si elle avait lu dans ses pensée, l'Utgardienne avait deviné que Markus n'avait pas passé beaucoup de temps dans son taudis, il faut dire que ses travaux d'intérêts général ne lui en avait pas laissé l'opportunité. Il se pressa un peu pour mettre quelques bûches dans le foyer et allumer le tout avec du petit bois et un briquet à silex. Le feu se fit un peu attendre mais bientôt une petite lueur confirma la réussite du chasseur.

— Installe toi devant, je vais te chercher de quoi te couvrir.

Elle se laissa tomber devant l'âtre sans plus de manières. Ses jambes ne la porteraient pas plus loin de toute évidence. Elle fixa les flammes en espérant qu'elles montent vite, réprimant les frissons qui lui secouaient l'échine, les bras serrés autour d'elle. Comment pouvait-il faire si froid si proche de l'été ?

Markus n'avait pas si froid mais Uraïa avait encore de la fièvre, elle devait se réchauffer quitte à transpirer alors il lui ramena la large couverture dont il se servait habituellement pour dormir. Il plia les genoux pour la passer autour des épaules de l'Utgardienne puis il s'avança pour souffler sur les braises qui dansèrent comme des lucioles. Peu à peu, les petites flammes éclairent l'endroit, projetant les ombres difformes du bric à brac de Markus pour un étrange spectacle nocturne tout en réchauffant les abords de l'âtre.

Elle s'enroula dans la couverture comme une grand-mère frileuse et savoura la tiédeur qui se répandait dans ses muscles, estompant les raideurs et les crispations que les frissons et les crampes lui tiraient. La couverture avait l'odeur de Markus, une observation qui s'imposa d'elle-même à l'Utgardienne qui se contenta d'étirer un petit sourire.

— Merci.... Mais tu n'as pas d'autre couverture...

Elle le savait pour avoir dormi souvent dans cette bicoque où ils se retrouvaient tous. Toujours à soufflé sur les braises, le chasseur tourna la tête vers elle pour lui offrir un sourire.

— J'ai dormi de manière bien pire tu le sais. Tu te souviens de cette chasse où il n'a pas arrêté de pleuvoir pendant trois jours d'affilée ? Même nos couvertures étaient trempées...Et on avait pas un toit au-dessus de nos têtes.

— Je me rappelle comment on s'était réchauffés, oui.

Elle sourit vaguement à cette réminiscence, qui lui semblait à la fois si lointaine et si proche. Ils avaient eu si froid dans leurs vêtements trempés qu'ils avaient dû s'en défaire pour tenter de les sécher. Même Orik ne faisait plus le malin à ce moment-là…

— Un grand moment de camaraderie.

Markus souffla un rire et n'en rajouta pas, même lui n'avait pas forcément était à l'aise ce soir mais c'était une question de vie ou de mort.

— Tu veux dire… Raquel obligeant Orik à se mettre devant elle ? Je n’avais jamais vu Orik si penaud…

Elle même n’en gardait qu’un souvenir amusé. La pudeur n’était pas pour les chasseurs qui se connaissaient depuis des années.

— Il a surtout ronflé comme un bébé dans ses bras. Je me souviens de la tête tout aussi penaude de Xan'ti quand il a su qu'il ne dormirait pas contre toi...Tu lui as vraiment retourné la tête à ce gamin.

L'Ascanien était partagé entre grognement et sourire, le nomade l'avait trahi pour ne pas trahir Uraïa qu'il considérait comme sa cheffe, enfin comme tous les nomades considèrent les femmes chez eux. Mais pourtant, il pensait avoir lié une relation d'amitié avec le jeune homme et il se sentait blessé par son dernier aveu.

— Xan’ti a confiance en moi… et il a très bien dormi au milieu de nous tous.

Elle ajouta ces dernières paroles comme pour apaiser l’ombre dans le regard du chasseur. Elle devinait sa colère en arrière-plan. Et elle regrettait d’avoir tant fait pression sur Xan’ti pour qu’il garde le secret.

— Hm. Il a surtout une loyauté qui n'appartient qu'à toi. Je crois que mon égo en a pris un coup, tu l'aurais pris comment toi ?

Finalement, il vint se caler contre elle après avoir retiré ses pardessus de cuir pour ne pas mourir de chaud sous cette couverture face au foyer. Elle lui fit tout naturellement une place, comme ils avaient si longtemps tout partagé. Leurs déboires comme leurs jours de chance.

— Ne lui en veux pas trop. Je ne lui ai pas beaucoup laissé le choix.

Machinalement, il passa une main autour de sa taille et posa la tête contre l'épaule de son amie fatiguée.

— Je sais. Tu vas avoir fort à faire pour te rattraper.

Elle esquissa une petite moue à cette perspective. Le trappeur ne serait pas facile à convaincre. Soufflant du nez, elle reposa sa tête contre la sienne.

— Un nouveau couteau de chasse avec plusieurs lames rétractables multifonctions ? Je t’ai vu loucher dessus lors de la foire….

Il souffla du nez en fixant les flammes.

— Comme si on pouvait m'acheter avec un couteau...

Finalement, il se décida à déposer un baiser sur cette joue tendue en soupirant.

— Je ne veux juste pas te perdre pour des conneries de plantes...Tu aurais dû m'en parler.

Elle parut presque surprise à ce geste d’affection si explicite avant de se tendre un peu à ce nouveau reproche.

— C’est mon fardeau…

— Je connais la rengaine… Mais tu m'accorderas que si tu as besoin de ces plantes, c'est quand même à cause de nous.

Elle s’assombrit alors qu’un nouveau frisson lui parcourait l’échine.

— J’ai voulu contourner la volonté des dieux… et j’ai perdu.

Markus n'osait pas aller à l'encontre des dieux Utgardiens et n’avait pas envie de lui parler de la Providence.

— La théologie c'est un domaine particulier, qu'importe nos croyances cela revient à mettre notre destin dans des mains inconnues. Néanmoins, on peut espérer que les dieux sont bienveillants, même dans l'épreuve. Si tu subis un tourment c'est pour t'en sortir grandie.

Il se surprit à parler comme son prêtre de père.

— Enfin c'est que disait mon paternel.

Elle sembla réfléchir à ses paroles. Elle n’était pas certaine de vouloir suivre les préceptes d’un prêtre Ascanien mais d’un côté il avait élevé le Markus qu’elle respectait et avec qui elle avait passé une bonne partie de la décennie passée.

— Je ne vois pas ce que je pourrais tirer de ça.

Il haussa doucement une épaule, l'air de ne pas vouloir insister.

— Je dirais qu'il faut le voir comme une chose logique. Qu'est ce qu'une épreuve sans but ? Tu n'as peut être pas encore toutes les clefs en main.

Elle secoua la tête sans répondre. Elle avait ressassé bien des fois cette question. Pour trouver du sens à sa solitude, elle avait cherché pourquoi son dieu lui imposait une telle chose. Mais elle n’avait pas trouvé de réponse ou celles qu’elle avait trouvées ne lui convenaient pas. Elle finit tout de même par exprimer le fond de sa pensée après un temps infini à regarder les flammes.

— Peut-être que les dieux attendent que je me sacrifie comme ma mère ou sa mère avant elle. Mais je n’ai pas leur courage.

Elle pinça les lèvres. Elle avait affronté maints dangers mais celui-là lui glaçait les sangs.

— Oulah, doucement. Doucement.

Le chasseur regarda l'Utgadienne comme si elle avait dit une énorme connerie.

— Personne ne parle de se sacrifier, surtout pas moi. Si tu meurs, je sais pas ce que je ferais.

Les mots étaient sortis tout seul de sa bouche quand elle avait évoqué sa disparition, déjà qu'il avait failli la perdre sans le savoir, c'est tout simplement son cœur qui avait parlé. Il bredouilla quelques mots mais n'ajouta rien de plus. Elle fut prise de court par la réaction instinctive de Markus. Elle plissa le front en regardant les flammes, avant de balbutier.

— Tu ferais… ce que tu fais, avec le reste du groupe ? Je suis pas la seule pisteuse…

L’idée la révulsait un peu d’imaginer une autre rousse à sa place, ou brune ou blonde… Il leva les yeux au ciel.

— J’ai monté ce groupe avec toi, Uraïa. Tu n’es pas juste une pisteuse. Tu es toi et tu n’es pas remplaçable c’est tout.

Elle sourit à demi sans rien dire, une fois de plus et profita du crépitement du feu qui réchauffait des muscles et ses os. Elle réalisait seulement à quel point elle avait eu froid. Après un nouveau temps de silence, elle énonça seulement :

— Merci, Markus.

Elle ne savait pas, à la réflexion, ce qu’elle ferait sans lui. Elle avait passé une bonne partie de ces dernières années à lui éviter autant d’ennuis qu’il lui en avait provoqués, mais elle se demandait si finalement ce n’était pas lui qui l’avait protégée sans qu’elle le sache. Une nouvelle pensée troublante qu’elle préféra ne pas trop creuser.

Le chasseur haussa mollement une épaule, comme si cette reflexion était une évidence à ses yeux mais il se rendait compte que les deux n'avait jamais pris le temps de discuter de leur relation. Ils s'étaient trouvés par un hasard ou le destin, qu'importe. Quand on parlait de Markus, on parlait d'Uraïa et inversement, c'était comme ça que le voyait le chasseur.

— Qu'est ce que tu vas faire alors ?

Elle haussa à son tour une épaule.

— J’ai une mission à accomplir, avant toute chose. Un devoir.

Elle ne désespérait pas d’y parvenir bien que son affaiblissement complique singulièrement les choses. On ne pouvait montrer aucune faiblesse dehors.

— Dans cet état ? T'es bonne pour ne pas sortir avant un ou deux mois, Uraïa. T'es aussi faible qu'une jeune biche. On peut pas être faible dehors.

Le chasseur secoua la tête, grogna quelques mots dans sa barbe sur les Utgardiens et leur honneur. Elle souffla du nez à son tour.

— Je ne peux pas trop attendre. C’est pour ça que j’ai besoin d’y aller accompagnée.

Elle lui coula un regard qui en disait long.

Il gronda ce qui en disait long sur ce qu’il en pensait mais il se résigna bien malgré lui.

— Tu veux que je rassemble le groupe ?

Elle secoua la tête:

— Ce n’est pas une chasse… Je veux rendre les cendres de Baldhramn à son clan. Qu’il trouve le repos. Xan’ti pourrait nous aider à les trouver…

— Comment ça rendre les cendres de Boldrem ? C’est qui ? Pourquoi les nomades ?

Cette fois, le chasseur s’était tourné vers elle de tout son corps, haussant ses deux sourcils bien haut.

— Baldhramn. Le nomade qui a été exécuté. Je le connaissais… c’est une longue histoire. J’ai assisté à son exécution et j’ai récupéré ses restes. Je compte rendre ses cendres à son clan. Il mérite une meilleure fin… je dois trouver la paix moi aussi, Markus…

Elle soupira la tête basse.

— J’en ai assez de rêver, le soir. Et je ne peux pas demander à tout notre groupe de mettre sa vie et ses gains entre parenthèses pour me suivre…

— Uraïa. Tu ne peux pas entamer ce voyage dans ton état, enfin c'est complètement insensé, tu as la peau sur les os !

Il désigna ses côtes du doigt avant de souffler.

— Et juste deux personnes pour venir avec toi ?

Markus secoua la tête, désabusé.

— C'est du suicide.

— Eredin s’est proposé… j’ai accepté. Laisse-moi seulement une dizaine de jours et je serai comme neuve.

Elle lui adressa un sourire teinté de sa fierté habituelle. Elle était loin d’avoir une telle assurance en réalité mais c’était quelque chose qu’elle n’était pas décidée à admettre.

— A quatre, on sera assez.

Il haussa un sourcil puis deux.

— On va prendre ton nouvel ami avec nous ? Dehors ? Alors qu’on à jamais bossé avec lui ? C’est la maladie qui parle, ce n’est pas possible ou alors tu as le béguin pour cet Utgardien.

Il avait sans doute dit ces derniers mots avec un peu plus de venin qu’il ne le voulait vraiment. Enfin c’était vrai quoi. Ce type débarquait de nulle part et maintenant, il faudrait se le traîner partout juste pour faire plaisir à Uraïa.

Elle fut un peu décontenancée. Markus était habituellement le plus ouvert du groupe, celui qui accueillait sans discuter d’autres chasseurs voire même des clientes inexpérimentées dans leurs sorties… Son premier réflexe aurait été de se défendre mais elle préféra poser sa tête contre la sienne, trop à l’aise devant le feu avec lui pour mettre fin à ce moment.

— Il n’est pas totalement novice. Et tu n’auras pas à t’en occuper. De plus, il se bat bien, ça peut être utile face aux nomades.

Elle ne répondit pas à son accusation mais ajouta tout de même, pour le rassurer.

— Ce n’est que pour cette expédition, Markus…

Le chasseur laissa simplement un blanc en guise de réponse et se contenta de fixer l’âtre en maugréant dans sa barbe. Elle ne bougea pas plus, fermant les yeux en profitant de la chaleur du feu et de la présence de Markus, qui repoussait peu à peu les ombres morbides qui l’attaquaient sans répit dans sa chambre de malheur de l’Oie Blanche.

Eredin Lautrec
Eredin Lautrec
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Dim 9 Jan - 13:45

Les jours suivants, Eredin ne put être là et eut juste le temps de prévenir Xan'ti avant de devoir partir, il espérait que le nomade passe le message, mais c'était difficile de savoir si il allait le faire ou non. Il y avait eut une grosse attaque au campement de la mine dans le nord et on paya l'Hurlsk pour qu'il envoi des guerriers, Eredin fut l'un d'entre eux. Il était la pour réparer les dégâts et protéger les survivants contre un meute de loups bien plus grande que la normal et comprenant plus de six alphas, leur leader étant le loup Alpha le plus grand qu'il n'avait jamais vu. Après trois jours, la meute abandonna l'idée d'agrandir son territoire après avoir perdu deux alpha lors d'une nouvelle attaque particulièrement violente, elle quitta la zone et retourna chasser sur son territoire. Eredin resta deux jours de plus a la mine pour terminer les réparations et pour s'assurer que c'était bien terminé. Il fut dans la première charrette de retour et se présenta à l'Oie Blanche six jours après le réveil d'Uraïa. Il frappa a la porte et attendit une réponse avant de rentrer, tenant entre ses mains l'une des canines d'un loup Alpha, elle faisait la taille d'une dague.
Le guerrier n’eut pas de réponse lorsqu’il frappa. Ni Xan’ti ni Orik ne semblaient dans les environs mais il entendit bientôt une voix familière dans son dos. L’aubergiste ne l’avait pas oublié et lui tendit une feuille pliée en deux.

- Son frère et un autre type qui chasse avec elle sont venus la chercher. Ils l’ont emmenée pour la soigner à ce qu’ils m’ont dit. Elle t’a laissé ça.

En effet, la note semblait rédigée d’une main peu assurée et portait effectivement son nom. L’archère expliquait en quelques mots où elle se trouvait désormais, donnant une adresse dans le quartier Ascanien. « Eredin,
Markus est passé. Je vais chez lui me reposer quelques jours. Retrouve moi là-bas quand tu seras prêt à partir. Prépare un équipement solide mais léger et de bonnes bottes.
Uraïa. »


Lorsque Jol lui donna le papier, Eredin le remercia d'un signe de tête et l'observa s'éloigner avant d'ouvrir la lettre. Il fronça les sourcils en découvrant le message, Uraïa avait donc décidé de terminer sa convalescence chez Markus, son « ami ». Il avait l'adresse, quelque part dans le quartier ascanien. Eredin froissa le papier et le rangea dans une poche en se demandant ce que ça pouvait bien signifier. Pourquoi avoir décidé cela ? Elle avait refusé d'aller chez Sturla, mais pas chez son compagnon. Pourquoi ? Et si elle avait fait son choix, pourquoi continuer à l'inviter pour l'aventure ? Refusant de se triturer l'esprit pour rien, le guerrier se contenta de rentrer chez lui. Il fit un tour dans les cabanes de sudation avant de passer une nouvelle soirée dans la Hutte de l'Hurlsk avec ses frères, l'alcool lui fit terminer la nuit dans le quartier Amaranthis. Le lendemain, à la première heure, il arpentait les rues du quartier ascanien avec son équipement de chasse, des provisions et son équipement. Eredin n'avait aucune envie d’être ici et de toute façon, il n'y était pas le bienvenue. Il était trop différent pour passer inaperçu. Entre sa fourrure, sa hachette, sa coiffure et ses tatouages, absolument tout le monde lui jetait des regards. Que pouvait bien faire un sauvage ici ? Un prédicateur de rue qui parlait devant quelques badauds l’interpella pour parler de Providence, pour tenter de lui ouvrir les yeux sur la seule et unique vrai religion. Eredin ralentit le pas pour écouter, n'étant pas qu'un sauvage comme ils le pensaient tous, il cracha simplement au sol à chaque fois que le prêcheur évoqua Providence. La foule s'offusqua de son petit manège, Eredin rigola dans sa barbe en disparaissant au détour d'un carrefour avant que ça s'envenime trop. Foutu quartier ! Mais d'un coté, personne du clan Mörth ne viendrait jamais la chercher ici.

Perdu, mais refusant de demander son chemin à un ascanien, le guerrier erra un sacré moment. Au final, Njörd lui vint en aide en mettant sur sa route un autre guerrier du clan. Il offrait ses talents contre de l'or à marchand ascanien, l'Utgardien lui indiqua comment trouver la rue qu'il cherchait et l'invita contre une coquette somme à se joindre à lui pour la journée, c'était une idée, mais Eredin refusa en lui souhaitant de trouver la force de réussir à supporter les habitants du quartier. Au final, après être revenu sur ses pas, il trouva la fameuse adresse. Eredin resta un moment devant la porte sans rien faire... était-ce une bonne idée de venir ? Le guerrier frappa finalement deux fois.


Markus s’était contenté de veiller sur la rousse pendant toute la semaine, l’obligeant à manger pour reprendre des forces ou la forcer à se lever pour faire un peu d’exercice. Cette folle voulait retourner dehors après avoir passé des jours dans un lit mais essayer de se mettre en travers du chemin de l’Utgardienne revenait à ralentir l’inévitable alors autant la préparer au mieux. Xan’ti avait fini par les rejoindre, le jeune homme n’avait pas osé frapper à la porte du chasseur et avait attendu plusieurs que ce dernier sorte pour quelques course. Markus avait longuement regarder le nomade avant de partie s’occuper de ses affaires tout en laissant la porte ouverte. L’exilé s’y était engouffré sans demander son reste pour rejoindre Uraïa et occupait maintenant une place non loin du foyer, préparant l’expédition avec l’ascanien dans un silence d’église la plupart du temps. Markus comptait sur la chasse pour subvenir à la plupart de leur besoin en viande et avait surtout pris des provisions en eau et légumes, ainsi que de la viande séchée pour les premiers jours. Il voulait voyager léger car en cas de pépin, les chasseurs devraient sans doute s’occuper d’Uraïa, qui malgré ses dires, était bien loin d’être en état. De toute façon, il amenait un Utgardien qui servirait de mule si besoin. Le trappeur était occupé à confectionner des collets et s’arrêta bien malgré lui, il ne savait pas quoi penser de cet Eredin. Tout ce qu’il savait c’est la traqueuse s’était entichée de lui après ses travaux généraux, pour la première fois l’ascanien s’était senti jaloux d’un autre. Il se doutait qu’Uraïa n’était pas une sainte ascanienne, lui non plus après tout mais Markus sentait bien qu’elle avait douté à retrouver sa vie avec son peuple. Plus qu’une relation affective, le chasseur ne voulait tout simplement pas la perdre. Il fût tiré de ses pensées par deux coups frappés à da porte, Markus se redressa en pensant ouvrir à Orik venu voir sa soeur.
C’était pourtant un autre homme qui se tenait devant lui quand il entrouvrit la porte après avoir retiré le loquet. Pas difficile de deviner qui il était au vu de son accoutrement, il détonait autant que les Utgardiens de son groupe dans le quartier Ascanien.

- Uraïa ! Ton Utgardien est là !

Il avait élevé la voix avant de l’inviter à rentrer dans sa masure en tirant sur la porte, l’endroit était un véritable fouillis à cause des préparatifs mais cela ne semblait gêner personne.

Uraïa était occupée à un jeu d’osselets avec Xan’ti quand Markus se leva pour ouvrir la porte. Elle avait repris des couleurs, et se remplumait un peu après des jours d’agonie dans le fond de son lit. Le remède de Sturla avait aidé son organisme à se nettoyer du poison et les crampes avaient peu à peu cessé. Elle avait retrouvé un environnement familier dans l’univers de Markus et le ciel ne paraissait plus si obscur. Le calme était revenu, ainsi que la volonté bien ancrée de vivre. Désormais, elle comptait les pas et le moment où elle pourrait de nouveau sortir, et retrouver le grand air. Elle en avait presque oublié le fil des jours et fut surprise quand Markus cria son nom depuis la porte. Le ton du trappeur s’était quelque peu durci et elle grogna en en comprenant la raison.

- Ce n’est pas « mon » Utgardien…

Ce jeu des pronoms n’aurait jamais de fin. Elle ajouta, comme il ne réagissait pas plus.

- J’arrive, j’arrive…

En soufflant, elle laissa les osselets à Xan’ti qui lui offrit une main secourable pour l’aider à se relever. Elle se tint debout fermement. La force lui revenait, c’était un fait. Elle tira sur sa chemise et repoussa quelques mèches rousses en arrière, avant de s’avancer vers la porte.

- Markus, voici Eredin. Eredin, Markus.

Les présentations étaient faites désormais, et elle observa les deux tour à tour, avant de reprendre pour Eredin.

- Tu as eu ma note, c’est bien… Je n’étais pas sure que Jol accepte de faire la commission après ce que tu as fait subir à son comptoir…


Comme attendu, ce fut un homme qu’il ne connaissait pas qui lui ouvrit la porte, sûrement le fameux Markus. Il ne se présenta pas, ne sembla pas surpris de le voir et l’invita à rentrer après l’avoir rapidement examiné. Uraïa avait sûrement dû parler de lui ou au moins le décrire pour qu’il ne pose aucunes questions et le reconnaisse au premier coup d’œil, bien qu’Eredin ne soit pas bien difficile à reconnaître. Le guerrier Utgardien pénétra donc dans la petite maison après en avoir reçu l’invitation, c’était la première fois qu’il rentrait chez un ascanien et il observa donc tout en détail. Est-ce que c’était partout pareil ? Si oui, on pouvait parler des Utgardiens, mais les ascaniens n’étaient pas mieux ! Par les apparences ils pouvaient prétendre être mieux qu’eux, mais en voyant le désordre du lieu, Eredin comprenait qu’ils étaient pires ! Mais qu’importe, il n’était pas ici pour juger et si cet homme était l’ami de la chasseuse, alors il devait faire un effort. Rapidement, la jeune femme fit son apparition sur ses deux jambes, elle avait retrouvé des forces depuis la dernière fois. Eredin la gratifia d’un sourire, il était heureux de la revoir en meilleure forme. Elle fit les présentations, Markus, Eredin. C’était donc bien lui. Ignorant l’ascanien, il se concentra sur elle et l’observa de la tête aux pieds comme pour tenter de juger si elle était assez en forme pour partir.

- C’était trois fois rien… puis il a retenu la leçon ! Il m’a donné ton invitation.

Après son examen, il se remit à observer autour de lui, ils étaient en plein préparatifs du voyage. L’Utgardien déposa son sac, son arc et son carquois le long du mur à côté de lui. Ils n’avaient pas l’air prêt et il ne savait pas combien de temps il allait devoir attendre, donc autant se mettre à l’aise.

- Je vois que tu peux marcher maintenant, tu reprends des forces, c’est bien.

Il lança un regard a l’ascanien, et lui alors ? Serait-il un boulet pour le voyage ? Sûrement pas, après tout c’était l’un des partenaires de chasse d’Uraïa et il avait l’air d’être en forme.

- Ça va allez pour l’expédition ? On devrait pas attendre un peu plus que tu ailles mieux ? J’ai pas envie de devoir te porter après quelques heures de marche…


L’Utgardienne avait souri en voyant Eredin prendre ses aises. Quelque part, elle était sure qu’il ferait un bon ajout au groupe durant leur expédition. Il avait l’entraînement et assez d’équipement pour ne pas peser sur les ressources du voyage. Elle grogna davantage quand il s’inquiéta de son état physique.

— Personne ne me portera… l’expédition me fera récupérer. Ce n’est pas à végéter ici que je vais reprendre des forces…

- En effet, personne te portera... donc tu dois être sûr de pouvoir tenir le coup !

Il voulait être sûr que ça irait une fois dehors, qui sait encore sur quoi ils allaient bien pouvoir tomber ! Eredin se tourna vers l'ascanien.

- Tu étais avec elle les derniers jours... selon toi elle va tenir le coup ?


Jamais elle n'allait avouer avoir besoin de temps, donc autant demander a l'autre personne capable de répondre à cette question.

Accoudé à son bureau, le trappeur avait écouté la conversation sans y ajouter son grain de sel mais il était plutôt ravi qu’il ne soit pas le seul à se soucier des dangers que l’Utgardienne semblait occulter. Markus se contenta d’hausser une épaule en désignant Uraïa du menton.

- Elle tiendra le coup si on ne tombe pas sur des emmerdes à répétition. On a l’habitude de s’aventurer dehors mais pas en terre nomade…

Il ajouta cette fois sur un ton plus soucieux.

— C’est elle la pisteuse du groupe, si elle fléchit en plein milieu, on peu considérer qu’on est mort.

Markus se redressa en jaugeant l’homme avant de lui tendre la main.

Autant faire les présentations dans les règles avant de risquer nos vies pour l’honneur d’un mort. Markus Falsom.


Eredin planta son regard dans celui du fameux Markus Falsom un petit moment avant de le détourner pour observer un point vers le bas sur le côté. L'ascanien faisait un pas vers lui, mais le guerrier avait-il envie d'en faire autant ? Il ne supportait pas ces chiens et ne voulait rien avoir à faire avec eux... mais comme le lui avait répété plusieurs fois Uraïa, ce n'était qu'un orphelin élevé par des ascaniens, il pouvait peut être faire un effort ? Mais est-ce que ça changeait quoi que ce soit ? Son hésitation dura trop longtemps pour ne pas passer inaperçu, mais au final il serra la main tendu en plantant a nouveau son regard dans le sien en souriant.

- Si c'est pour l'honneur d'un mort alors... Eredin Lautrec !

Puis il reporta son attention sur la rousse en continuant de sourire comme pour lui dire: "tu vois, je fais des efforts avec ton ascanien".

- Si lui aussi dit que tu tiendras le coup... alors croisons les doigts pour que tout ce passe bien ! Mais je te porterais pas donc tu as intérêt à tenir le coup.

Il lui lança un clin d'oeil joueur, bien sûr qu'il la porterait si il le fallait vraiment... si non comment retrouver son chemin sans la pisteuse ?

Elle observa les deux avec attention, alors que Xan’ti se faisait petit dans la demeure de Markus. L’atmosphère s’était emplie de testostérone pendant un bref instant puis elle avait senti l’ambiance se détendre tandis qu’Eredin cherchait son approbation du regard. Elle hocha doucement du chef. Elle avait tout intérêt à ce que les deux s’entendent bien, car elle tenait à la réussite de leur mission et elle ne voyait pas à qui elle pourrait demander de l’accompagner sinon. Elle souffla finalement du nez à la charge qui lui revenait.

— Tout ira bien.

Eredin n'était absolument pas convaincu, mais que pouvait-il faire ? Si il refusait de la suivre, elle partirait simplement avec Markus qui ne disait rien. Il n'avait pas le choix et allait devoir suivre.

- Très bien...


Il croisa les bras et observa à nouveau les préparatifs autour de lui. Il avait de nombreuses questions et comptait bien les poser !

- Donc quel est le plan ?

Il avait serré la main du guerrier sans ajouter autre chose, l’homme était là pour Uraïa et pas autre chose. Ce n’était pas non plus une future recrue de leur groupe, juste une lubie de l’Utgardienne et qu’il allait devoir se coltiner. Néanmoins, il avait l’air capable, peut-être qu’Eredin n’était pas un chasseur mais semblait pouvoir se défendre. Il se trouva un siège et répondît à la question.

— Uraïa a des informations sur le clan nomade auquel appartenait son « ami ».

Markus avait fait des guillemets avec ses doigts en parlant de Baldram, tout ce qu’il savait c’est que les deux s’étaient battus et les deux avaient finalement eu du respect l’un pour l’autre. Bref, un truc d’Utgardien.

— Alors on y va, on prend le chemin le plus rapide, on prie la Providence ou le dieu qui vous plait pour que les nomades nous laissent parler avant de nous égorger comme des bêtes. Et ça, c’est en partant du principe qu’on croise pas une bestiole plus ou moins énervée.

Il soupira un bref instant avant de continuer, en désignant la rousse du menton.

— On doit parler à qui déjà ?


La rousse se fendit d’une petite grimace.

— Une fille avec des plumes, de son clan. Il avait gardé un petit coffret sur elle, avec quelques affaires. Je suis retournée à la cabane qu’il avait au delà des Faubourgs. Xan’ti dit que ça vient du clan Var Orée.
Je pense que c’était une de ses proches. Peut être sa sœur ou sa matriarche.


Le chasseur haussa une épaule et désigna le nomade du doigt.

- J’imagine que tu sais où se trouve le territoire de Var Orée ? Enfin, au moins une direction, ce ne sont pas des nomades pour rien.


Xan’ti cligna des yeux, presque surpris que Markus lui adresse de nouveau la parole et balbutia :

- Oui, je peux aider.


Le chasseur hocha la tête et tourna à nouveau son visage vers la rousse.

- Tu as intérêt à être sûre de toi, Uraïa. Tu n’as pas le droit de nous lâcher car tu ne te seras pas assez reposé.

Il se redressa sur ses jambes et s’approcha de la traqueuse pour flatter ses hanches d’une main comme pour vérifier qu’on ne sentait plus ses os au travers de la peau.

- On peut encore attendre.

Elle lui donna une petite tape sur la main, accompagné d’un regard noir comme il la comparait à un genre de jument.

- Je suis sure de moi. Tu sais très bien que je ne survis pas longtemps enfermée. Je tiendrai le coup.


Elle n’avait jamais été autant remise en question. Elle se promit de ne jamais se retrouver si faible a l’avenir.

Il leva les yeux au ciel devant le caractère de bourricot de l’Utgardienne qui ne pouvait pas s’empêcher de s’imaginer qu’être faible était indigne d’elle.

- Si tu es déterminée alors qui suis je pour me mettre en travers de ta route ?

L’Ascanien retourna sur son coin de bureau pour finir de préparer ses collets, tâches interrompues par l’arrivée d’Eredin.

La rousse maugréa à ce ton narquois qu’il s’avait si bien employer pour lui dire qu’elle avait tort tout en exprimant l’exact opposé. Redoutable fourberie ascanienne. Elle souffla du nez et retourna s’asseoir près du feu, le visage fermé.

Eredin observa l'échange de loin sans rien dire comme un étranger dans cette maison. Il était d'accord avec Markus, il fallait attendre pour qu'elle soit assez forte, mais elle ne l'entendait pas de cette oreille. Il regrettait simplement que l'homme n'ose pas aller au fond de sa pensée. Comme deux enfants après une dispute, ils se séparerent pour bouder chacun dans leur coin. Rigolant dans sa barbe, l'Utgardien se pencha sur son sac pour sortir un petite sacoche, puis il alla s'installer à son tour à côté du feu. Il déballa son nécessaire lentement avec grande précaution, ouvrit un petit sac pour en sortir du tabac avant de le fourrer dans sa pipe en ébène. Après sa préparation, il rangea le tout puis se pencha vers le feu pour ramasser un tison. Une fois allumée, il tira dessus plusieurs fois avant de recracher une longue nappe de fumée vers le feu. Enfin, il porta son attention sur la jeune femme.

- Il a raison, on devrait attendre.

Il souffla sur le tabac pour éteindre la flammèche qui venait de s'allumer avant de reprendre.

- Un guerrier doit savoir quand se battre, il n'y a pas de honte à se reposer avant une bataille.

Il savait pertinemment que c'était peine perdu et qu'il n'avait surement pas plus de chance que Markus de réussir, mais Eredin se devait de le lui dire au risque de juste un peu plus l'énerver. Il posa une main sur la sienne pour qu'elle le regarde.

- Et puis qui tu essayes d'impressionner ici ? On connaît tous ta valeur...

Elle était impressionnante sur bien des points, elle n'avait plus besoin d'essayer de l'impressionner car pour sa part, c'était déjà fait.

Elle secoua la tête en rajustant sa tunique qui flottait bien trop à son goût, dissimulant sa gêne dans un souci bien futile.

— Je dois régler cette histoire pour trouver la paix. C’est mon devoir et j’ai besoin d’y aller.

Elle marqua une pause en fronçant les sourcils avant de tourner de nouveau les yeux vers lui.

Ça me poursuit la nuit. Je sais que je fais peine à voir. Elle grimaça de dépit. C’est pour ça que je ne pars pas seule. Elle se sentait déjà bien assez humiliée de devoir demander de l’aide et n’en rajouta pas.

— Les nomades se déplacent constamment, si on attend davantage qui sait où ils pourraient aller au passage de l’été ?

Il retira sa main et contempla le feu en tirant a nouveau sur sa pipe.

- Je comprends bien et c'est bien pour ça que nous t'accompagnons... tu es trop têtu pour changer d'avis et si je n'avais pas peur que tu partes sans moi, je partirais pour ne revenir que la semaine prochaine et ainsi te forcer à prendre du repos...


Il secoua la tête de gauche à droite, toute cette histoire partait mal. Elle n'avait pas les forces pour un tel voyage, ils n'avaient aucune idée où pouvait se trouver les nomades et ils recherchaient une femme avec des plumes, mais ca représentait absolument n'importe qui chez eux. Mais malgré ça, il refusait de la laisser seule et comptait bien aller jusqu'au bout avec elle.

- Tu m'avais promis une aventure et je vois que tu as mis la barre haute... c'est une sorte de test ? Il la regarda un instant en souriant avant de replonger son attention dans le feu J'ai pas peur, je le relèverai...

Il ne termina pas sa phrase car il était encore perdu, mais le message était passé. Eredin ne venait que pour elle !

- Du coup, quand partons-nous ?

Elle sourit à demi devant la détermination de l’Utgardien. Une des raisons qui faisait qu’elle avait accepté de l’emmener et une des raisons pour lesquelles elle avait proposé de lui montrer ce qu’elle savait. Il avait le bon caractère pour la chasse. Même s’il devrait apprendre la mesure pour choisir le meilleur chemin en pleine nature. C’était toujours plein de choix décisifs. Elle en faisait un sur le champ en connaissant les risques. Mais elle préférait peiner à marcher plutôt que d’affronter encore ces nuits de combat contre des fantômes. Elle inspira longuement.

- C’est pas un test. Mais je verrai si j’ai eu tort ou non de te mêler à cette histoire… On saura vite si tu as ça en toi ou pas…

Elle parlait de la chasse, car c’était ce qu’elle connaissait le mieux. Un domaine où elle était capable de lire à bien des niveaux ce qu’elle peinait encore à déchiffrer dans la nature humaine.

- On partira dans deux jours, le temps d’avoir tout ce qu’il nous faut.


Et qu’elle puisse encore dormir deux nuits complètes. Mais ça, elle évitait de le dire.

"C'est pas un test, mais !" La tournure de la phrase le fit sourire encore plus, il se contenta de fumer pour cacher son amusement.

- On verra bien ! Dans deux jours du coup...

Deux jours, que faire ? Lui était déjà prêt a partir. Ça n'avait pas été bien compliqué, depuis qu'on avait tenté de l'acheter en lui offrant une place dans le groupe de chasse du clan, il avait le droit de se servir dans l'équipement et de demander un paquetage au groupe... un privilège qu'il n'avait jamais utilisé jusqu'à aujourd'hui. Mais ce n'était pas passé inaperçu, on lui avait fait des remarques car il se servait dans l'équipement mais refusait de venir chasser avec eux... du coup, si il revenait pendant deux jours dans le clan, de quoi aurait-il l'air ? Pas grave, il commençait à avoir l'habitude de toute façon.

- Très bien, je vais vous laisser... Il tourna la tête et dévisagea la sorcière quelques instants. Je reviendrai dans deux jours...

Elle lui sourit en retour, devinant son impatience.

— Ça passera vite, ne sois pas en retard. On s’en ira à l’aube pour profiter du jour au maximum.

Markus n'avait pas bougé de ses collets qui était maintenant parfaitement en ordre, classé par taille, qu'il rangea ensuite dans son paquetage, ils avaient beau sortir pour une mission suicide, la trappeur en profiterait pour poser des pièges et le relever sur le chemin du retour. Du moins, si retour ils avaient et si le temps était avec eux et pas contre eux, il avait déjà croisé les nomades, ils ne peuvent pas encadrer les Claircombois. Même quand ces derniers leur font une fleur, peut être qu'il pourra utiliser sa connaissance chez eux pour leur éviter de se faire transpercer aux première paroles. Le chasseur se redressa ensuite en observant les deux au coin du feu, se demandant si Eredin serait un boulet ou une chance...Il avait l'air capable mais aussi bien trop sûr de lui pour un type qui à l'air de ne pas avoir peur de ce qui se trouve en dehors des murs. Boarf, l'ascanien se faisait sans doute du mauvais sang car l'homme était Utgardien et sortait de nul part, Markus faisait confiance à Uraïa pour ne pas emporter n'importe qui...Même s'il n'arrivait pas à s'enlever cette gêne que lui apportait la présence de l'homme. Il ne le connaissait pas.

- On risque pas de partir sans toi de toute façon, déjà que c'est dangereux alors on ne va pas se passer d'une paire de bras.

- Je ne serais pas en retard. Et il ajouta plus bas. Merci d'avoir laissé un message.

Puis Eredin se releva, attrapa ses affaires et s'arrêta au niveau de Markus. Il avait voulu le rassurer, mais se rendait il compte que ça sonnait autrement ? On aurait dit un ascanien qui avait peur de sortir sans un Utgardien pour le protéger.

- Ne t'inquiètes pas, je te protegerais aussi... j'ai pas envie qu'elle pleure ta mort.


Il donna une tape sur l'épaule de l'ascanien en souriant puis quitta la pièce pour retourner chez lui. Sur le chemin vers le quartier Utgardien, il se demanda simplement si il aurait dû se montrer plus proche d'elle ou non...

Markus regarda l'Utgardien avec ses grands airs de protecteur avec une mine curieuse, entre incompréhension et étonnement comme si l'homme ne l'avait pas écouté depuis le début. Finalement, il avait peut être raison de se méfier de lui, comme si un Utgardien allait le protéger dehors il avait déjà Uraïa dans ce rôle là habituellement, il en avait pas besoin d'un deuxième. Il balaya l'air de sa main devant cette attitude pompeuse.

- C'est ça. Te perds pas en rentrant.

Uraia regarda l’échange entre les deux d’un air hautement dubitatif. Elle ne savait pas si Eredin était vraiment en train d’insinuer que Markus avait besoin d’une protection rapprochée ou si c’était un genre de provocation à sa manière. Elle le savait assez doué pour se montrer énervant. Il lui avait sévèrement tapé sur le système à ses débuts. Mais elle savait également qu’il était du genre loyal, dévoué et particulièrement obstiné. De fait, elle ne sût que faire de cette sortie et encore moins du ton employé par Markus. Mais connaissant le trappeur, il était vexé. Elle soupira en revenant à la contemplation du feu et croisa le regard de Xan’ti.

- Quoi ? Me regarde pas comme ça…

Le jeune homme détourna les yeux en haussant les épaules.

- Chez nous, les nomades, les hommes se battent pour avoir la faveur d’une femme et passer le premier dans sa couche. Le préféré passe en premier.


L’Utgardienne fut prise d’une quinte de toux soudaine.
Le nomade haussa un sourcil surpris et lui apporta un verre d’eau.

- Encore un peu de repos…


L’Utgardienne but à long trait puis tourna un regard prudent vers Markus. Priant pour qu’il n’ait rien entendu.

Le chasseur regardait la porte qui avait vu le guerrier disparaître pour rentrer chez lui et il se tourna finalement après la quinte de toux d’Uraïa.

— Une tête brûlée qui se croit invincible et assez condescendante pour se penser notre sauveur.
Le chasseur secoua la tête, désabusé.

Tu devrais peut-être juste partir avec lui, non ? Il a l’air de vouloir conquérir Claircombe et ses alentours juste pour tes beaux yeux.

Uraïa soupira. Elle ne pouvait pas donner complètement tort à Markus mais les apparences jouaient contre Eredin et son caractère provocateur.

— Je sais qu’il peut être agaçant quand il s’y met… Mais il a ses qualités aussi. Il sait écouter et faire ce qu’il faut quand c’est nécessaire.

Markus regarda Uraïa en cherchant une raison de continuer cette discussion et n’en trouva pas.

- Je ne vais pas t’expliquer ton boulot et encore moins te faire la morale sur ce qui se trouve dehors. Ça ressemble pourtant à un caprice de ta part de vouloir l’emmener, sans doute une promesse Utgardienne à la con qui fait passer l’honneur avant le reste.

L’ascanien attrapa sa lance ainsi qu’une pierre a aiguisé, retrouvant son coin de bureau fétiche.

— Espérons qu’il est au moins aussi capable que la moitié de son égo.


Elle fronça les sourcils de son côté.

— Ce n’est pas une promesse Utgardienne à la con, Markus. Tout ne se rapporte pas toujours à mon clan.

Tout en aiguisant la pointe de sa lance et sans même la regarder, il ajouta non sans une pointe acerbe.

— Je me souviens d’une Utgardienne qui refusait de recruter quelqu’un dans notre groupe sans lui faire passer toute une série d’épreuves.
Alors qu’est-ce que c’est
?

Elle soupira en ramenant ses genoux contre sa poitrine.

- Ses épreuves, il les a passées durant les semaines de travaux généraux. Et qui te dit que cette expédition n’en est pas une ?

Le chasseur redressa un peu trop vivement la tête.

- Tu parles de cette expédition comme une épreuve ? On va en plein territoire nomade avec une traqueuse qui se remet à peine d’un truc qui a failli la tuer ! Putain, Uraïa. C’est pas un jeu dehors !

Cette fois, s’en était trop pour l’ascanien qui se leva et reposa sa lance contre le bureau.

- J’étais pas là pendant tes travaux généraux, je connais rien de ce type et tu l’imposes comme s’il était une révélation de la Providence alors qu’il se comporte comme un jeune adolescent en manque de prouesses. Les types comme ça font d’excellents maudits qui amuseront les nomades.

Il balaya l’air de sa main comme avec Eredin.

- Je vais aller faire un tour au Félon Fêlé.

Il se dirigea déjà vers la porte de son taudis.

Elle se redressa aussi vivement qu’il s’était levé comme en écho à cette tension qui avait soudain envahi ce petit cocon qu’était le refuge de Markus. Xan’ti s’était instinctivement blotti contre un mur près du feu. Uraïa toisa Markus qui prenait la fuite vers la porte.

- Markus, je ne comprends pas. Toutes ces années ensemble et tu me crois vraiment capable de nous mener à notre perte ? Et toi qui m’as seriné pendant des années sur la confiance, sur l’ouverture aux autres… sur le fait de donner sa chance aux gens.

Elle s’avança vers lui pour planter son index dans la poitrine avec un air d’incompréhension.

- Tu m’as montré la voie, Markus. Comment voir le meilleur en chacun. Et tu me le reproches maintenant ?

Le trappeur regarda cet index accusateur et un froncement de sourcils outrés lui échappa.

— Mais il est peut-être tout gentil ton Utgardien et tant mieux que tu t’ouvres à lui et aux autres ! Je te parle pas de ne pas lui donner sa chance mais peut-être pas pendant une expédition aussi dangereuse ! Demain, je te ramène quelqu’un que tu connais ni du Livre ni de la Providence, que je l’embarque avec nous alors qu’elle se comporte comme une conne, tu ne me ferais aucune réflexion ?!

Elle marmonna en levant les yeux au ciel.

— On est plus qu’à une réflexion. Et tu sais ce que tu me dirais ? Tu ne l’as même pas encore vu en action.

Il grogna devant cette mauvaise foi digne des Utgardiens.

— Dans une chasse, sans doute. Pas en plein territoire nomade pour les beaux yeux d’un mort. J’essaye de ne pas te mettre en danger plus que tu ne le fais déjà.

Elle prit sa main et croisa ses doigts avec les siens, à la façon du serment qu’ils avaient tissé des années plus tôt.

— Et c’est pour ça que j’ai besoin de toi. Toujours. Comme tu as besoin de moi.
Elle planta son regard dans le sien. Il n’allait pas faillir maintenant.


Evidemment, l’Ascanien ne pouvait pas résister à une telle démonstration d’affection, la rousse sortait l’artillerie lourde. Avec ses grands yeux dans lesquels Markus se perdait si facilement…Un grognement lui échappa, faussement désabusé.

— Le jour où je te laisse partir sans moi n’est pas venu. L’attitude de ce type m’a gonflé, c’est tout mais si t’es sûr de lui…Et bien, j’ai pas le choix de toute façon.

Elle aurait voulu trouver un moyen de le rassurer, de lui faire comprendre que les choses ne changeraient pas. Mais c’était difficile à faire sentir quand tout avait été si vite chamboulé ces dernières semaines. On ne pouvait être sûr de rien à Claircombe et la volonté des dieux était parfois bien nébuleuse. Elle lui sourit néanmoins comme elle souriait rarement.

- Je ferai en sorte que tout se passe au mieux.

C’était une parole qui valait promesse, Uraïa n’avait pas l’habitude d’y déroger.

Comment résister à un tel sourire ? Markus ne cherchait même pas le réponse et il avait hoché la tête, signe de sa confiance.
Les deux autres jours suffirent à préparer l’ensemble de l’expédition, Markus avait même prévenu Orik et Raquel d’essayer de les chercher s’il mettait plus de temps que prévu. Du moins d’essayer de retrouver leur trace même si l’Amaranthis lui avait retourné son habituel regard pragmatique, l’air de lui dire qu’ils allaient juste mourir pour des conneries. L’Ascanien était bien d’accord mais cela tenait à cœur à Uraïa alors il s’était contenté de hausser les épaules. Plutôt crever que de la laisser sortir dans cet état sans pouvoir garder un oeil sur elle.

Le trio attendait Eredin devant la grande porte Nord à la jonction entre le quartier Utgardien et Ascanien. Markus et Xanti étaient les plus chargés des trois, Uraïa voulait porter sa part mais Markus avait dû bataillé pour lui expliquer que ce n’était ni dans son état ni le rôle du pisteur de porter les sacs. Aux pieds du chasseur reposait un autre sac pour les épaules du guerrier qui ne devrait plus tarder à arriver.
Eredin Lautrec
Eredin Lautrec
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Dim 9 Jan - 14:39
Les deux jours furent extrêmement long, impatient d’enfin partir, le guerrier n’avait fait que de penser au départ rendant l’attente encore plus longue. Pour tenter de passer le temps, il avait entrepris de mettre à jour son carnet de chasse avec se qu’il avait appris depuis la dernière fois qu’il l’avait touché et se qu’il jugeait bon de retenir, mais le travail était loin d’être terminé. Heureusement, c’était maintenant l’heure de partir et de retrouver Uraïa. Ils avaient rendez-vous à la porte entre  les deux quartiers. Chargé de son sac, son arc, son carquois et sa hachette, Eredin fut le dernier à arriver. Il s’approcha en souriant et salua tout le monde avant de se poster à côté de la sorcière.

-    Tu te sens d’attaque ?

Il remarqua que comparé aux deux autres, elle ne portait pas de sac. Sûrement une idée de l’ascanien pour la « protéger », mais elle était consciente de son état et du risque encouru une fois dehors, elle devait donc assumer son choix normalement !

« Si elle n’est pas capable de porter ses affaires alors on ne devrait pas partir, c’est trop dangereux pour elle… »

Normalement, Eredin aurait dit quelque chose dans ce sens la si il avait été chef de groupe, mais il ne l’était pas et la ferma donc. A la place il observa Markus et le sac à ses pieds.

-    Je vois que tu t’es trouvez des biens jolies mules… Dit-il a Uraïa avant d’attraper le sac qui lui était destiné Ta dette s’alourdit sorcière !

Il fit rouler sa langue dans sa bouche avant d’installer le nouveau sac sur son dos, puis Eredin s’avança vers elle et s’arrêta juste devant en l’observant froidement. Le guerrier sortait affronter le monde extérieur pour elle, il acceptait de faire le voyage avec un ascanien et en plus de ça il devait porter son sac, ho oui sa dette venait clairement d’augmenter. Puis un sourire se dessina lentement et son regard pétilla de malice, il se pencha en avant et l’embrassa simplement.

-    Hum, oui, ça devrait suffire pour le sac…

Oui, il aurait dû l’embrasser en la retrouvant chez Markus ! Ça l’avait travaillé pendant les deux jours, donc autant y mettre un terme maintenant tant que c’était encore le moment. Peut être qu’elle allait être gênée par cette soudaine preuve d’affection, surtout devant d’autres personnes, mais Eredin s’en foutait complètement ! Et au moins, il serait fixé directement. Il fit ensuite quelques pas vers la sortie.

-    On y va ?

L'Utgardienne était occupée à bougonner lorsqu'Eredin arriva et s'empara de son paquetage sans même prendre le temps de saluer quiconque. Elle reconnaissait là les manières utgardiennes et ne s'en formalisa pas trop... à moins que... il ne pouvait s'empêcher de faire une remarque ou deux sur la répartition des bagages. Elle allait riposter quand il s'avança vers elle et fit la seule chose qui pouvait la prendre au dépourvu en l'embrassant devant tout le monde.
Elle resta parfaitement stupéfaite, alors que Vidhar, perché sur son épaule poussa un cri outré, sans pour autant agresser le nouveau venu. Mais Eredin ne laissa pas le temps à Uraïa de se reprendre, très fier de lui, sans doute et s'avança déjà pour prendre la marche. Soufflant du nez en ronchonnant, et sans regarder personne, elle suivit pour ne pas rester en arrière alors que Vali décrivait déjà de vastes cercles dans les cieux.

Maintenant Markus comprenait pourquoi il n’arrivait pas à encadrer l’Utgardien depuis la première fois où ils s’étaient rencontrés. L’Ascanien avait fait les yeux ronds devant l’attitude prétentieuse du guerrier qui se croyait en terrain conquis dans leur groupe. Évidemment, il s’était jeté sur Uraïa comme un mort la faim qui avait besoin de marquer son territoire, tel le chien en chaleur. A croire que les Utgardiens avaient besoin de se conduire comme des bêtes pour s’assurer d’être le plus fort, le plus bruyant ou le plus désirable.
Laissant sa lance reposer sur son épaule il se mit en marche sans commenter les propos de l’agaçant Utgardien pour s’approcher d’Uraia.

- Tu passeras devant quand on sortira des chemins.


Le ton était moins léger que d’habitude, plus froid qu’il ne l’aurait voulu mais la situation n’était pas pour le mettre à l’aise. Ensuite, il reprit sa place à l’arrière du groupe, laissant Xan’ti marcher devant lui tandis qu’ils franchissaient les murs de Claircombe.

Uraïa se contenta d’incliner du chef tout en avançant, pressée de retrouver les grands espaces et la liberté, loin des problèmes de la cité. Elle était faible, certes, plus qu’elle ne pouvait décemment l’admettre mais chaque pas semblait lui conférer un peu plus d’énergie. Du reste, il régnait une certaine tension depuis qu’Eredin était arrivé et le ton de Markus avec elle le confirmait. Le trappeur était rarement d’aussi méchante humeur, surtout à l’approche d’une sortie.

Content de lui, Eredin marchait en tête dans les faubourgs de se côté de la ville. Il se demandait encore pourquoi ils avaient quitté Claircombe par cette sortie alors qu'ils allaient partir vers l'Ouest, mais il garda ça pour lui. Ralentissant le pas pour tomber au niveau d'Uraïa, il observa l'oiseau toujours sur son épaule en se demandant comment elle avait réussi à apprivoiser un tel animal pour la chasse.

- Tu en as deux non ? Un seul suffit pour la chasse ?


Il n'avait pas pensé que l'autre pouvait déjà voler dans le ciel.

- Il a un nom ?

D'ailleurs, est-ce que ça répondait à son nom ? Ou y avait-il une façon spécial pour communiquer avec ? L'Utgardien avait beaucoup de chose à apprendre, il cessa d'observer le rapace pour regarder sa maîtresse.

Elle pointa le ciel pour lui montrer où se trouvait le deuxième, plus farouche.

- Ils sont de la même couvée. Mais ils ont des caractères très différents. Ils se complètent. Vidhar est le plus tranquille désignant le rapace sur son épaule et le plus massif. Il est bon pour dégoter les proies et n’hésite pas à attraper les plus grosses. Vali est plus farouche. Lui, on ne le dresse pas. On lui fait croire que l’idée vient de lui.


Elle étira un sourire avant de poursuivre tout en marchant.

— C’est une question de confiance et d’habitude. Seul le temps peut permettre de tisser un lien assez fort pour la chasse.

- Ça fait combien de temps que tu es avec eux ?


Comment on faisait croire à un oiseaux que l'idée venait de lui ? De combien était la durée de vie d'un tel partenaire ? Et ça pouvait ramener des proies de quelle taille sans aide ? Beaucoup de questions se bousculaient, mais Eredin savait avoir le temps pour l'interroger donc il ne posa qu'une question a la fois. Bien qu'il savait pertinemment qu'il ne chasserait jamais avec une telle aide, il était sincèrement intéressé par le sujet et tentait de retenir le maximum d'informations.

- A peu près de dix ans. C’est une espèce résistante. Ils peuvent vivre jusqu’à 15 ans. Il m’a fallu un an pour obtenir leur totale confiance et leur apprendre les codes.

Uraïa n’aimait rien mieux que de parler de son sujet favori. Si Eredin voulait des réponses, elle lui fournirait. Peu de personnes chassaient avec des faucons, aussi elle n’avait pas souvent l’occasion d’en discuter avec d’autres. Seul Xan’ti partageait son amour des rapaces dans le groupe. Markus avait appris à apprécier Vidhar, le plus délicat des deux rapaces, mais il gardait un mauvais souvenir des serres et des becs des deux volatiles à leur rencontre. Uraïa y était peut être pour quelque chose.

Il siffla d'étonnement.

- Une année entière ? Tu es patiente ! Et tu n'as pas peur qu'ils s'envolent pour ne jamais revenir ? Ou alors c'est possible de les dresser comme les chevaux pour qu'ils reviennent a chaque fois ? Même si ça me semble bien plus indépendants que des chevaux...

Et avant même de s'en rendre compte, le groupe venait de sortir des faubourgs Ascaniens. Ils devaient encore passer les champs et les tours de garde avant de devoir commencer à s'inquiéter du monde extérieur.

Elle reprit son souffle après une légère montée qui l’avait mise en sueur, mais poursuivit son exposé comme si de rien n’était, toute à son sujet.

— On ne peut jamais savoir. Mais c’est ce qui est beau, non ? La confiance ne repose pas sur des chaînes. Il y a forcément une part de risque. Si tu emprisonnes un faucon, que tu l’empêches de voler et de faire tout ce qui fait de lui un rapace, c’est la meilleure façon de le perdre.
A ces mots, elle gratta le cou de Vidhar qui roula sa tête dans le creux de sa main.

Même si Vidhar ferait un parfait oiseau d’intérieur…

Elle dédia à l’oiseau une œillade moqueuse mais teintée de tendresse.

* "Jusqu'au jour où il disparaîtra et tu regretteras de ne pas l'avoir enchaîné..."

Cette pensée lui vint en tête, mais il se garda bien de la dire, même pour lui ça ne lui ressemblait pas... Ça faisait simplement écho à Liv' et il chassa bien loin cette pensée pour se concentrer sur les oiseaux.*

- Je comprends, mais ça demande une sacré dose de confiance tout de même... la première fois que tu les as lâchés, ça devait être tellement stressant, comme un pari, vont-ils revenir ou non ? Je ne sais pas si beaucoup en serait capable...

Après tant d'efforts et d'investissement, qui prendrait le risque de perdre tout ce pour quoi il avait travaillé si dur ? Mais elle avait osé et maintenant elle pouvait se vanter de chasser avec des rapaces !

Elle haussa les épaules. La pensée ne lui était même pas venue.

- Quand les faucons sont prêts, ils sont prêts. C'est un moment qu'on sent. Est-ce que ça m'inquiète quand Vali ne revient pas ? Elle réfléchit à sa propre question, puisque Vidhar était toujours collé à ses basques. Evidemment. Mais je sais aussi que si je le perdais ainsi, je lui aurais offert la meilleure vie possible. Je ne suis pas leur maître.

Elle souffla doucement du nez.

— Ils pourraient m'arracher le visage, et je ne pourrais pas y faire grand chose. Ils le savent et je le sais. Autant ne pas jouer à ça.

L'Utgardienne savait de quoi elle parlait et surtout elle aimait ça, ça se voyait clairement. Seul les pationnés et les amoureux des oiseaux pouvaient pretendre avoir une relation de confiance avec eux, qu'importe les risques et les dangers.

- C'est vrai qu'une fois sur ton épaule, la tête dans ta main, j'ai juste envie de le caresser... En oubliant presque que c'est un animal dangereux ! Tu as vraiment réussi à créer une relation hors du commun ! C'est incroyable, j'ai hâte de voir comment tu travailles avec maintenant !

Il n'avait pas fait l'ombre d'un mouvement vers l'oiseau car il n'imaginait que trop bien les dégâts que pouvaient provoquer les serres de l'animal, mais il n'en restait pas moins émerveillé devant lui.

On oubliait facilement en effet. Mais Vidhar était perché sur un épais renfort de cuir qui couvrait toute l’épaule de l’Utgardienne et dans lequel il avait planté solidement ses serres, se laissant balloter au gré de la marche contre le cou de la fauconnière. Et il pesait son poids mais Uraïa en avait pris l’habitude. A tel point qu’elle le sentait parfois encore même quand il n’était pas là. Elle glissa à Eredin une lamelle de viande séchée d’une de ses sacoches.

- Avec Vidhar, c’est facile. Il suffit de l’avoir par son estomac. Vali est plus dur à convaincre. Essaie.

Elle saisit un de ses gants épais et lui tendit.


Markus suivait le duo d’un oeil blasé, l’un se prenait en rendez vous galant et l’autre était aussi candide qu’une jeune fille adolescente. Pourtant il se souvint que lui aussi il avait discuté faucon avec Uraïa, venant même à attirer une de ses terreurs à plumes avec un peu de viande séchée qu’elle lui avait fourni. Voilà qu’elle faisait de même avec Eredin qui semblait aussi heureux qu’un gamin à un spectacle de foire. Il se surpris à espérer que la Providence énerve l’un des oiseaux et que l’Utgardien finisse avec une belle trace de serre sur son visage de sale gosse. Par le Saint Livre, que l’homme le rendait aigri, il secoua la tête pour se remettre les idées en place et se concentrer sur le chemin. Ils arrivaient aux tours de garde de toute façon, plus personne n’aura le temps ni l’envie de conter fleurette sauf pour rejoindre la Providence rapidement. Enfin tout dépendait de sa religion.

Avec appréhension, Eredin se saisit du morceau de viande et enfila le gant en cuir. Il ne savait pas trop comment s'y prendre, il tendit donc son bras devant lui en tenant le morceau de viande et appela l'oiseau par son nom. Il crut que rien n'allait se passer jusqu'au moment où Vidhar s'élança vers lui a toute vitesse, Eredin se força à ne pas reculer et se prépara à l'impact qui semblait inévitable, mais au dernier moment l'oiseau deplia en grand ses ailes pour ralentir et se poser sur le bras protégé de cuir. Vidhar lui lança un cri avant de s'attaquer au morceau de viande qu'Eredin tenait. L'Utgardien se mit à rire en voyant l'animal sur son bras, il avait eu peur quelques instants, mais maintenant il était de nouveau en admiration devant sa majesté.

- Il pèse son poids ! Je peux ?

Sentant les serres de l'animal enfoncé dans le cuir et voyant son bec occupé, il osa approcher son autre main pour le caresser doucement sans le gêner dans son repas.

- Incroyable !

La rousse observa Vidhar bondir sur la friandise. Elle n'était pas surprise de voir sa gourmandise prendre le pas sur son repos et son caractère prudent. Elle voulut prévenir Eredin lorsqu'il voulut aller plus loin, mais il approcha sa main trop vite de l'animal qui recula la tête aussi brutalement qu'il s'était posé sur son bras. Battant des ailes dans une stridulation aigüe, il s'arracha à son perchoir pour échapper à l'ombre du gant sur sa tête et retrouva les airs pour rejoindre son frère.

— Il ne te connaît pas. Patience.

Uraïa hocha du chef comme pour illustrer ses propos. Plus de peur que de mal pour le guerrier.

Déçus, mais toujours émerveillé, il se mit à rire devant sa propre bêtise, elle l'avait pourtant prévenu !

- Je comprends maintenant ton caractère...


Il termina de rire en lui rendant le gant de cuir.

- Et je comprends pourquoi tu les aimes, ils sont fascinants !

Elle récupéra son gant tout en continuant de marcher, un léger sourire aux lèvres.

- Sauf que je ne suis pas un rapace...

Même si tout autre qu'elle aurait pu en douter, certainement. Elle souffla finalement tout en fixant les nuages où les rapaces plongeaient avant de resurgir, piquant et se croisant, avant de reprendre de larges cercles, profitant de la caresse du soleil sur leurs ailes étendues.

- Ils sont fascinants parce qu'ils sont libres.


A l'arrière, Xan'ti ralentit un peu le pas, comme pour marcher à côté de Markus, l'air éternellement penaud depuis la maladie de l'Utgardienne. Il tendit son outre au trappeur dans un geste de solidarité.

— Soif ?


Le chasseur était occupé à chercher quelque chose dans sa ceinture après avoir observé les oiseaux dans le vide, se souvenant que les rapaces bien que teigneux étaient les meilleurs donneurs d'alerte en cas de danger. Il n'avait même plus besoin d'Uraïa pour les comprendre depuis le temps et c'est la voix du nomade qui le sortit de sa recherche. Markus regarda Xan'ti sans vraiment d'émotion sur le visage, l'exilé avait clairement merdé à ses yeux et il avait bien du mal à lui pardonner, pourtant cela allait faire deux semaines, quasiment trois, que ça durait. Markus finit par tendre la main pour récupérer l'outre, hochant la tête pour son compagnon de chasse avant de boire une longue gorgée.

Le nomade sourit en réponse, ravi de ce pas timide qu’il venait d’accomplir vers Markus mais fut bien en peine de le poursuivre. Alors il continua de marcher à son rythme, offrant sa compagnie silencieuse à l’Ascanien, les yeux fixés sur le duo devant eux, comme s’il attendait que Markus entame une conversation, quel que soit le temps que ça prendrait.

Un silence s'installa, quelque peu gênant et finalement Markus ouvrit la bouche.

- Tu penses quoi de nos chances ? Les nomades ne nous aiment pas. Même toi, ils ne risquent pas de vouloir te tuer ?


Eredin marchait avec le regard planté sur les deux oiseaux qui s'en donnaient a coeur joie dans le ciel.

- Heureusement pour moi.

Et il continua silencieusement en profitant simplement du spectacle.

Uraïa reprit peu à peu la tête du groupe, allongeant l’allure malgré la fatigue de ses muscles. Comme elle le prédisait, l’exercice et la perspective des grands espaces la galvanisaient et elle avait hâte de laisser la civilisation derrière eux.

Xan’ti lui, se plia à l’exercice de la discussion, trop heureux que Markus semble lui accorder un peu de crédit. Aussi répondit-il le plus sérieusement du monde :

- Ils pourraient. Mais les nomades pourraient apprécier ce geste. Ou déclarer la guerre à Claircombe pour avoir tué un des leurs. Mais Uraïa est forte, elle pourrait être nomade si elle avait pas les cheveux de feu. Elle trouvera les mots. Je la suivrai quoi qu’il arrive.


Le chasseur poussa un long soupir, le jeune nomade vouait une admiration sans borne à la l'Utgardienne, tout ça de par ses origines vu de ce qu'il avait compris des Nomades. Ils les avaient côtoyés un peu trop à son goût et à chaque fois, le chasseur avait failli y passer. Puis d'un œil avisé, il vit Uraïa accélérer le pas car ils sortaient peu à peu des chemins balisés. D'un geste bref, il fit un signe à Xan'ti qui sans poser de question se plaça légèrement en arrière du groupe aux aguets et Markus accelera le pas pour mettre une tape vive sur l'épaule d'Eredin.

- Allez finit de batifoler. On presse le pas et on se tient prêt.


Sans attendre une réponse de l'Utgardien qui, de ses dires, savait à quoi s'attendre dehors, le groupe se mit en formation pour avancer à bonne allure.

Néanmoins, malgré l’avertissement de Markus, rien de très dangereux ne vint troubler cette belle journée de printemps. Ils marchèrent et tournèrent pour aller vers l’Ouest puis le Nord, et bientôt, le soleil atteint son zénith, dardant ses chauds rayons sur les marcheurs. La pisteuse connaissait la direction à suivre sans savoir exactement jusqu’où elle devrait se rendre. De fait, elle restait attentive au moindre indice, ce qui était un bon prétexte pour ne pas parler et conserver son souffle qui menaçait de lui manquer, à mesure que la matinée avançait. Les faucons piquaient au loin pour dégoter des rongeurs ayant l’impudence de sortir de leurs trous, et ne revinrent que lorsqu’ils décidèrent de marquer une pause. Uraïa trouva une souche d’arbre contre laquelle s’appuyer, et vida une bonne moitié de son outre d’eau, le visage en sueur.

Ce ne fut qu’ensuite que l’un des faucons poussa un cri d’avertissement, faisant redresser la tête de l’Utgardienne automatiquement. Silencieusement, elle se saisit de son couteau de chasse et écouta les bruits alentour.

Eredin n'avait rien dit et avait suivi les dires de Markus. Il avait arrêté de batifoler, avait suivi le rythme de la sorcière et avait prêté attention à son environnement. Et absolument rien ne s'était passé depuis maintenant deux heures, rien d'anormal, rien de spécial, rien du tout. Ils avaient juste marché silencieusement, l'Utgardienne avait l'air de savoir où se rendre donc ils n'avaient qu'à la suivre sans un mot. A vrai dire, Eredin appréciait toujours ses moments où il n'avait juste qu'à mettre un pas devant l'autre en observant le paysage autour de lui. Il pouvait y passer des heures sans s'ennuyer, il trouvait simplement ça reposant comparé à toute l'activité du clan. Lorsqu'Uraïa décida de s'arrêter pour faire une pause, Eredin en profita lui aussi pour boire un coup d'eau. Mais après un énième cri d'oiseau qui pour lui ne voulait rien dire, il remarqua la sorcière relever la tête et observer les alentours. Si c'était juste ça, il ne se serait pas alarmé, mais la voir sortir son couteau suffit pour le pousser à se préparer. Il déposa les deux sacs et s'empara de son arc.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Elle posa un index sur ses lèvres pour lui signifier d'écouter, accroupie près de son arbre. Quelques craquements de branche se firent entendre, et la pisteuse jeta un regard à Markus, instinctivement. Elle se positionna à l'opposé, dans la direction des bruits et indiqua à Eredin de faire de même. Elle n'était pas encore tout à fait inquiète, juste prudente. Il pouvait tout autant s'agir de non morts que de prédateurs, ou d'inconnus. Les faucons ne lançaient jamais d'avertissement pour rien.

Naturellement, il l'a suivi pour se mettre a l'avant pendant que les deux autres prenaient postion a l'arrière. Deux groupes séparés pour mieux réagir à une attaque. Une flèche encoché, il attendait de voir avant de se préparer à tirer, ce qui de toute façon ne prendrait pas plus d'une seconde pour bander son arc et lâcher le projectile. Peut être que ce n'était rien et qu'ils s'alarmaient pour rien, mais en dehors de la ville il valait mieux en faire trop que pas assez.

Markus était d’une nature prudente et ne prenait jamais un bruit inhabituel dans la foret pour une simple coïncidence, il avait toujours son bout de viande séchée entre les dents mais ses deux mains serraient maintenant la hampe de sa lance. Xan’ti se tenait déjà derrière lui avec son couteau dans la main et après avoir croisé le regard d’Uraïa, il s’avança rapidement vers les bruits qui se rapprochaient, se glissant derrière un arbre et le nomade s’accroupît derrière un gros buisson. On pouvait distinguer des brides de phrases, qui dans un sens était rassurant, ce n’était pas une bête sauvage et pas des nomades non plus. Ils étaient encore trop prêt de la ville pour ça, de quelques signes rapides à Uraïa il lui indiqua de pas tirer à vue. Le potentiel danger n’était plus qu’à quelques mètres et finalement trois silhouettes se détachèrent du paysage devant eux, l’une d’elle portait une lourde carcasse de biche fraîchement abattue. Une femme et deux hommes qui se figèrent au moment où Markus se montra, lance en main mais relevé vers le ciel, comptant sur ses alliés en cas de problème.

— Tout doux, les amis. On est des cha…Hey mais on se connaît.

Il désigna la grande marmule qui portait la carcasse, c’était tout simplement l’Utgardien du défunt groupe de Patti.

Deux visages connus, un inconnu. Gloria et Darel, les derniers rescapés d’un groupe de chasse concurrent qu’ils avaient tenté d’aider. Elle se rappela soudain les visages des non morts, ces cadavres désossés se traînant lamentablement au sol, cherchant à la dévorer de leurs yeux vides juste avant qu’elle leur transperce le crâne. Rassembler leurs restes avait été l’une des plus sales besognes de son existence. Soudain ces visages décomposés se mêlèrent à d’autres… Uraïa s’ébroua et prit quelques instants pour se reprendre, avant de réaliser qu’on s’était adressé à elle. Darel, la marmule Utgardienne lui tendait la pogne dans un grand sourire qui commençait à vaciller.

- Eh ben Uraïa tu me remets plus ? Tu m’avais bien amoché la gueule pourtant.

Elle se força à sourire en remballant son arme, et prit sa main vigoureusement.

- Comment oublier ta tronche d’abruti ? Toujours les chevilles fragiles ? J’aurais tapé là si j’avais su… je me serais moins fatigué les bras.

Ils échangèrent quelques plaisanteries d’usage chez les Utgardiens, mélange de provocation et de vantardise. Elle étreignit ensuite Gloria, la discrète et douce traqueuse du groupe qui supportait Darel au jour le jour. Il était évident que les deux s’étaient rapprochés depuis l’évènement qui avait anéanti leur groupe.
Restait le nouveau, qu’elle ne connaissait pas. Un Amaranthis sûrement il n’avait pas le côté guindé des Ascaniens ni l’assurance Utgardienne.

- Et toi, tu es ?

- Arnaud. On s’est associés pour un contrat de la Guilde.


Le jeune homme avait l’air avenant et sympathique et ils se tournèrent ensuite vers Eredin, qu’ils ne connaissaient pas. Comme à son habitude, Xan’ti restait en retrait mais c’était son habitude et il avait déjà eu l’occasion de croiser les autres durant cette fameuse chasse où tout avait tragiquement dégénéré.

- Vous avez embauché un nouveau ? Mais attends je connais cette trogne…


Darel réfléchit intensément ce qui se traduisait par un froncement de sourcils laborieux tout en balançant son index vers le guerrier, l’air hésitant.


Markus se contenta de saluer les deux hommes non sans une remarque narquoise pour l'Utgardien après l'avoir aidé à déposer le cadavre de la biche dans un coin et qu'il l'abandonne pour allez saluer Uraïa, les deux s'étaient battus et souvent cela aidait à la naissance d'amitié chez les Utgardiens. Ils s'étonnaient ensuite qu'on les traite de sauvage...Même si l'Ascanien avait lui aussi participé au combat. Lui préféra discuter avec Gloria après lui avoir offert un sourire amical.

- Vous avez retrouvé l'envie de sortir chasser à ce que je vois.


La femme dodelina de la tête avec un maigre sourire.

- Darel et moi, on ne sait pas faire grand chose d'autres. Il faut bien manger.


Avec un soupir, elle ajouta.

- Et ne pas rester bloqué sur le passé.

Le trappeur se contenta de hocher la tête, compatissant avant de changer de sujet, désignant l'homme qui se nommait Arnaud.

- Un ami ?

Gloria secoua doucement la tête tout en débouchant sa gourde après l'avoir récupéré à sa ceinture.

- Un Ascanien qui ne voulait pas sortir tout seul pour un contrat qu'il avait dégoté, on l'a rencontré dans une taverne non loin de la Guilde, ça nous remet le pied à l'étrier. Et vous ?

Markus entama alors un long récit, dissimulant la vérité sous les traits d'une expédition pour un client privé, ce que Gloria sembla accepté sans rechigner.

En voyant le groupe arrivé, Eredin rangea son arc et se détendit. Les autres avaient l'air de les connaître donc il resta légèrement en retrait. Il reconnaissait deux Utgardiens, notamment l'homme avec qui il s'était déjà battu par le passé, Uriel ayant un peu trop pris ses aises avec une de ses amies, ça avait tourné au vinaigre. C'était un chasseur faisant partie d'un groupe plus grand normalement, Darel ou quelque chose dans le genre ! Avec un sourire aux lèvres, Eredin s'avança et tendit son bras pour le saluer lui, puis sa compagne. Quand a l'ascanien, il n'y prêta aucune attention.

- Lautrec, je t'ai cassé la gueule il y a quelques années je crois !

Direct et franc, a quoi bon tourner autour du pot !

- Mais j'ai l'impression que je suis pas le seul ici...


- Eredin Lautrec, mais oui ! Par Njörd, je me rappelle surtout mon mal de crâne le lendemain… Hm ouais. Elle m’a eue par surprise.

Il désigna Uraïa du menton qui rétorqua avec un sourire.

- Deux fois de suite ? Ça fait beaucoup de surprises.

Darel choisit d’en rire, le son de sa voix se répercutant dans les arbres.

- La prochaine, c’est moi qui te colle le nez dans la poussière… Ce sera pas dur, je crois.

Il la détailla du regard. Visiblement, il l’avait connue moins maigre.

- Raconte pas de conneries, je te casse les genoux quand je veux.


Mais le ton d’Uraia était loin d’être belliqueux, elle se contenta de lui coller une légère tape dans l’épaule.

- On allait faire une pause, vous mangez avec nous ?


Et sans attendre de réponse, la rousse déballa ses vivres là où ils comptaient faire une pause, avant d’alpaguer Xan’ti.

- Viens ici, Xan. Je sais que tu meurs de faim.


Elle lui tendit du pain et de la viande séchée derrière son épaule. Le nomade s’était approché aussi discrètement qu’une ombre dans son dos mais l’Utgardienne y semblait habituée. Quelques minutes après, ce furent les faucons qui se rapprochèrent, se perchant sur les branches supérieures au dessus de leur maîtresse.

- Te laisse pas avoir par son joli minois et ça devrait le faire... A moins qu'elle utilise encore une autre magie...

Il était bien placé car lui même avait perdu à cause de ça, mais malgré son conseil il n'était même pas sûr de gagner ! A l'annonce du repas, Eredin se posa a côté de son sac  et s'attaqua à un reste de poulet cuit de la veille.

- Ah la magie… je savais qu’il y avait un truc !

L’Utgardien s’installa non loin du groupe, invitant sa dulcinée à se rapprocher avec Markus. Il ajouta.

- Pour le reste, c’est de celle là dont je me méfie maintenant. Elle me casse la gueule si je fais une connerie.

Il désigna Gloria qui se contenta de sourire doucement à côté de lui. Elle était la parfaite image du calme et de la tempérance.

— Tu ne fais rien d’autre que ce dont tu as envie, Darel. Comme toujours. Tu es bien assez doué pour récolter ce que tu sèmes.
L’Utgardien hocha la tête comme si ces paroles sibyllines allaient parfaitement dans son sens.

Eredin rigola en observant le couple d'Utgardien.

- Après tout, qu'importe notre force et notre entraînement, on aura toujours peur de notre compagne, même si on ne l'admettra jamais !

Darel se mit à rire avec lui en faisant semblant de se protéger de sa dulcinée.

Celle-ci se contenta de rouler des yeux et de sourire.

- Je ne suis pas une sauvage, moi.

Son sourire sous entendait : pas Utgardienne. Uraïa intervint, tout en tendant son outre à Arnaud, qui demeurait un peu en retrait.

— Ne les écoute pas, Gloria. Ils se cherchent des excuses.
Gloria hocha de la tête, l’air de son avis.

Apres avoir mangé un bout, les chasseurs échangèrent quelques nouvelles du dehors, comme c’était l’usage entre trappeurs.

Visiblement, le beau temps avait profité aux chasseurs qui n’avaient pas rencontré beaucoup de difficulté à trouver leurs proies et rentraient avec une jolie commande pour la guilde. Ils étaient satisfaits et avaient hâte de rentrer à Claircombe pour profiter d’un repos bien mérité et d’une jolie prime.
Les chasseurs semblaient néanmoins heureux de se retrouver et bavardaient gaiement, prenant des nouvelles des uns et des autres, soucieux de rattraper le temps perdu. Difficile de croire qu’ils avaient pu être ennemis quelques temps auparavant. Les épreuves semblaient avoir fait fi des différences et des antagonismes potentiels.
Arnaud interrogea Markus sur ses pièges, dont l’un des mécanismes dépassait d’une de ses sacoches, et Gloria questionna Uraïa sur le reste du groupe, Orik et Raquel qui ne s’étaient pas joints à leur expédition.

- Ils avaient mieux à faire ailleurs.

L’Utgardienne préférait rester évasive sur le sujet.

- Mais ils vont bien. Raquel sera heureuse de savoir que tu vas bien.


Les deux s’étaient particulièrement bien entendues au moment de leur rencontre. La pondération des deux en faisait naturellement des alliées.

Les deux Ascanien semblaient bien s’entendre, même si Arnaud ne partageait pas sa passion des pièges, il était intéressé par les collets de Markus. Ils finirent par se mettre d’accord sur un échange en bon et du forme, le trappeur lui céda deux de ses pièges contre une sacoches munies d’une sangle pour la porter au bras ou a la jambe. Un troc qui lui assurait surtout une nouvelle relation avec un chasseur qu’il ne connaissait pas, les deux se serrant la main en souriant.

- Tu n’as qu’à les poser sur le retour, je connais un coin à lièvre…

Utilisant une carte fournit par le chasseur, Markus lui désigna un endroit dans le Bois de l’Oree. Évidemment, il ne lui partagea pas ses meilleurs endroits de chasse mais comme l’échange cela faisait parti des bases d’une bonne entente. Il se tourna ensuite vers la traqueuse après qu’Arnaud lui ai posé une question.

— Uraïa ? Cela fait combien de temps qu’on chasse ensemble déjà ?


Uraïa détourna un instant les yeux de la conversation qu'elle suivait avec le reste de l'assemblée et répondit naturellement à Markus sans trop réfléchir.

- Quelque chose comme dix ans, je dirais.

Il hocha la tête dans un sourire puis se retourna vers son interlocuteur.

- On se complète depuis le temps, on a monté ce groupe ensemble. C’est difficile de trouver un pisteur digne de ce nom de nos jours mais elle fait l’affaire.

Le chasseur souffla un léger rire.

— Elle a un sacrée caractère mais je m’y suis habitué. Et puis, ne le dis pas trop fort, elle a des qualités qui compense les défauts Utgardiens.

Elle haussa un sourcil, s'intéressant d'un peu plus près à ce que racontait Markus.

— Ah oui ? Les défauts Utgardiens hein ? J'aimerais bien savoir ce qui compense...

Arnaud secoua la tête alors que Markus tourna la tête une nouvelle fois, le regard faussement surpris. La rivalité entre les ascaniens et les utgardiens remontaient à si loin qu'on en avait sans doute oublié la cause depuis longtemps...Bon le fanatisme religieux Ascanien était une bonne raison, Markus pouvait le reconnaître.

- Tu écoutes les conversation des autres ? Un défaut de plus ça...
Il lui retourna un sourire narquois.

- Et tu parles dans mon dos maintenant ? Bien un truc d'Ascanien ça...

Elle lui retourna son sourire sur le même ton.

Markus se contenta de lui tendre une partie de sa viande séchée en guise de réponse, Uraïa était simplement la rousse qui était pratiquement ce qui se rapprochait le plus d'une compagne avec leur mode de vie.

- Pour compenser ces défauts, je dirais que tu as toujours eu un don pour t'occuper des rapaces et qu'ils sont plutôt utiles malgré leur sale caractère.

Pour ne laisser place à aucun sous entendu, il désigna les deux faucons du doigts en hochant la tête.

- Tu n'es pas mauvaise pour remonter la piste d'une bête ou d'un humain même si ton sens de l'orientation laisse parfois un peu à désirer.


- Mon sens de l'orientation ? Je ne crois pas nous avoir tant égarés que ça, jusque là... C'est pas de ma faute si on sort par un temps de chien et que les coulées de boue nous obligent à faire des détours...

- Ou quand tu charges une créature plutôt que de me suivre, hm ?

Elle prit à parti le reste du groupe pour les rallier à sa cause, ils étaient là lorsqu'ils durent affronter un béhémoth sous une pluie torrentielle.

Elle souffla du nez pour toute réponse, alors que Darel plissait une moue.

- Je vais pas lui reprocher...

Uraïa acquiesça en guise de remerciement.

— Je ne faisais pas exprès de foncer dans la mauvaise direction...

- Vaut mieux mourir en combattant qu'en fuyant...

Marmonna Eredin dans sa barbe, plus pour lui que pour le groupe. Il continua de fumer sa pipe en observant et en continuant de se retenir de répondre aux provocations de l'Ascanien.

Le chasseur souffla un rire et leva les mains en l’air pour calmer l’ire Utgardienne, hochant la tête avec son sourire.

- Pour le Behemoth, je pense que même avec tous le courage du peuple Utgardien, il faut mieux courir que d’affronter une telle bête sans avoir préparé le terrain avant.

Pourtant il pointa du doigt la rousse.

— Le coup de foncer sur le géant à plusieurs têtes, ça c’était de la folie ! Pas du courage.

Elle voulut sourire mais n’y parvint pas. Elle secoua doucement la tête.

- Je ne voulais pas les vaincre, ni le béhémoth ni le giganta… je voulais juste…


Darel tapa dans le dos d’Uraïa.

- Me sauver les miches, on peut le dire.

Elle souffla du nez doucement.

- Avec des résultats mitigés.

— Je suis plutôt content, moi.


— Moi aussi. Je râle pour la forme mais je dois la vie à Uraïa plus d’une fois à cause de ce courage insensé, je n’aime pas quand elle se met en danger pour les autres. Mais c’est sa nature, on ne change pas la nature des gens.
Markus croqua sans un autre morceau de viande séchée.

— Je suis le gars prudent du groupe. Elle, c’est la tête brûlée.

Uraia ne sût que répondre et se racla la gorge pour toute réaction. Elle ne digérait pas de ne pas avoir réussi à tirer Baldhramn de là. Elle n’avait pas le sentiment de mériter l’admiration de Markus.

— Tu as sauvé la mienne bien des fois, aussi. finit-elle par répondre à son tour. Peut être n’était ce pas toujours en sortant les poings. Mais il l’avait fait à sa manière.

Le chasseur se contenta de hausser les épaules, il ne pensait pas mériter l’admiration de l’Utgardienne.

— Bref, tout ça pour dire qu’à nous deux, on fait un chasseur correct et stable.

Elle sourit à demi, retrouvant un peu de sa bonne humeur du moment, car il arrivait à Uraïa de desserer les dents.

— Tu oublies le reste du groupe… mais oui, on se complète.
Elle lui dédia un léger clin d’œil. Elle n’était pas très douée pour les démonstrations en public.

- Hum.


Deux personnes pour faire un chasseur correct, peut être n'avait-il pas grand chose à apprendre de l'Utgardienne finalement... Finissant sa pipe, Eredin la tapota contre le sol pour vider les restes de tabacs avant de la ranger dans son sac.

Peu de temps après, ce fut l’heure des adieux. Les trois chasseurs saluèrent les trois autres en promettant de se revoir bientôt, Darel planifia une pinte avec Eredin, lui décernant une tape dans le dos avant de retrouver sa brune. Il fut bientôt temps de reprendre la route, et Uraïa reprit sa place d’éclaireuse. La suite du voyage pouvait se compliquer à mesure qu’ils s’éloignaient des environs de la ville, et ils bifurquèrent bientôt vers le nord, qui devenait plus sauvage. Les paysages étaient moins vallonnées mais plus boisés et l’air sentait l’environnement proche des montagnes peu élevées qui faisaient la frontière avec le désert plus haut.

L’Ascanien tenait le rythme imposée par la pisteuse, plutôt facilement à vrai dire, l’Utgardienne était loin d’être remise. Elle avait beau se forcer pour garder l’allure, après dix ans à travailler avec la même personne, la moindre fausse note se ressentait. Markus se contenta de ne pas la presser, la laissant prendre les décisions et les chemins tout en les notant mentalement dans sa tête au cas où. Tout comme il laissa de temps en temps un collet quand il repérait un endroit propice, laissant Eredin et Xan’ti le doubler sur le moment avant de rapidement les rejoindre en forçant le pas. Le temps avançait avec eux et bientôt le soleil commença lentement à décliner, signalant le besoin de se trouver un endroit où dormir.

Les heures avaient passé sans encombres, tout était clame, peut-être même trop, mais qui pourrait bien s'en plaindre ? Le rythme avait légèrement diminué d'heure en heure, personne n'avait rien dit, mais l'état de fatigue d'Uraïa n'échappait à aucun d'entre eux. Perdu dans son imagination débordante, Eredin avait passé une bonne partie de l'après midi en se demandant comment ils allaient réussir à approcher les nomades sans se faire tuer, l'Utgardien s'était imaginé tout un tas de scénarios différents. Après de longues heures, le soleil avait commencé son inexorable course pour se coucher et il allait bientôt disparaître pour laisser sa sœur prendre le relais.

- On devrait commencer à chercher un endroit calme pour cette nuit.


Ce n'était que pur logique, il ne faisait qu'exprimer à voix haute l'idée que tout le monde avait eu, mais il se sentait obligé de le dire puisque la sorcière refusait de s’arrêter malgré sa fatigue apparente.

- Ménage ton groupe ou demain on arrivera plus à te suivre.


Ou surtout, elle allait brûler toute l'énergie qu'elle pensait avoir déjà retrouvée.

Uraïa savait reconnaître les signes. Ses jambes ramollissaient à vue d’œil depuis deux heures déjà et elle ne pouvait pas attendre d’être trop fatiguée si c’était pour trébucher devant les autres. Elle afficha donc une sourire assuré devant Eredin et hocha de la tête.

- Je cherchais juste le bon endroit. Par ici.

Elle découvrit une petite trouée dans un bosquet, un endroit discret et en partie couvert, où il serait facile de faire un feu. Les faucons étaient partis en chasse à la tombée de la nuit et ne tarderaient pas à revenir.

— Il va nous falloir du bois. Établir le camp pour la nuit.

S'avançant au centre de l'endroit qui allait servir de campement pour la nuit, Eredin lâcha les sacs qu'il portait et se massa les épaules en observant autour de lui.

- Pas mal pour une pisteuse...

Il lui envoya un petit sourire avant de commencer à se diriger vers les bois plus loin.

- Je vais chercher de quoi faire un feu !

- Pas seul. La nuit tombe, mieux vaut ne pas traîner dans le sous-bois sans protection.

Elle l’avertit avant de faire signe à Markus et Xan’ti.

Eredin s'arrêta donc, il tapota sa hachette sans rien dire en se demandant qui des deux hommes lui servirait de protection...

Au choix, il aurait préféré choisir le nomade, car il ne parlait pas (Ou du moins, pas à lui...), mais Eredin se contenta d'observer, il voyait bien qu'Uraïa appréciait l'ascanien, donc il tentait de ne pas être trop hostile envers lui ! Et une technique qui fonctionnait bien, c'était de simplement l'ignorer, même si c'était compliqué pour lui.

Evidemment c’est Markus qui se proposa pour accompagner l’Uthgardien et l’aider à récupérer du bois. Uraïa avait raison sur ce point, se balader seul était une connerie même pour un truc aussi simple que cela. Il confia sa lance à la rousse avant de saisir une hachette dans un des sacs, invitant Eredin à ouvrir la marche une fois à sa hauteur.

— Deux paires d’yeux valent mieux qu’une. On est jamais à l’abri d’une sale bête dans les hauteurs ou dans un fourré.

Uraïa fut reconnaissante à Markus qu’il se dévoue pour la bonne cause, et dépasse quelque peu son animosité pour le guerrier. Elle les laissa donc partir ensemble et resta avec Xan’ti, pour préparer le campement. Elle profita de quelques secondes de répit, appuyée contre le tronc d’un arbre puis se ressaisit pour ne pas laisser Xan’ti tout faire.

L'Utgardien s'avança donc dans les bois en compagnie de Markus. Une fois hors de vue du campement et suffisamment éloigné, Eredin en profita pour se soulager derrière un arbre. Une fois terminé, il se mit en quête de bois mort. Heureusement pour eux, la tache n'était pas bien compliqué, très vite il se retrouva avec plusieurs branches sous le bras. Ses pas le rapprochant de l'ascanien, Eredin en profita pour ouvrir la conversation... L'ignorer aurait été la meilleure des tactiques, mais Eredin ne pouvait s'empêcher d'assouvir sa curiosité.

- J'ai cru comprendre que ca faisait un moment que vous vous connaissiez... elle ma parlé de votre "relation" et j'ai bien compris que vous avez confiance l'un envers l'autre... par contre j'arrive toujours pas à comprendre comment votre histoire a put commencer, une Utgardienne comme elle et un... ascanien ?

Il se retint de dire comme toi, car si il avait été riche ou moins ascanien sur les bords, pourquoi pas, mais malgré sa retenu on pouvait facilement ressentir  le mépris dans sa voix. Il avait bien du mal à comprendre comment ça avait accroché au départ. Eredin oubliait souvent que tous les Utgardiens n'était pas aussi extrémiste que lui.

Markus gardait une distance raisonnable avec l’Utgardien pour optimiser leur ramassage de bois sans pour autant se mettre en danger plus que de raison. Il avait patiemment attendu qu’Eredin se soulage, tout en profitant pour découper un bûche un peu trop grosse à la hachette. C’est avec surprise qu’il entendit le guerrier se rapprocher pour discuter avec lui alors que d’habitude il n’en avait que pour sa compatriote. A croire qu’il était là que pour son minois et pas la mission.

— Tu as l’air d’avoir un sacré apriori sur les Ascaniens, certes on a les religieux qui gueule plus fort que les autres mais pour la plupart on reste des gars normaux. Enfin…C’est sûr que la normalité entre un Utgardien et un Ascanien est rarement la même.

Il haussa une épaule, Markus était le premier à faire un commentaire réprobateur sur des aspects de la vie Utgardienne qu’il n’aimait pas. Notamment cette mission où l’honneur risquait de tous les tuer mais c’était une certaine forme d’honneur de la part du trappeur que d’accompagner Uraïa dans cette mission. Du moins, c’est comme ça qu’il se l’expliquait ou alors c’était tout autre chose. Il soupira.

— On est tous les deux des chasseurs, on était sur le même contrat de la Guilde et on a failli s’entretuer pour la récompense. Puis finalement, l’un comme l’autre on a compris qu’on s’en sortirai bien mieux à plusieurs dehors. C’est comme ça que ça à commencé et qu’on recruté les autres.

Il ajouta avec un sourire narquois.

— Je n’ai pas ma copie du Livre avec moi et je ne fais pas un sermon à chaque humain qui n’est pas Ascanien. Ça fait peut-être de moi un homme acceptable pour un Utgardien…Et toi alors ? Qu’est-ce que tu fais ici, hein ? Tu connais Uraïa depuis quoi…À peine un mois et tu es déjà prêt à mourir dans une de ses lubies ?

Eredin se mit à rire, comme si le problème entre les deux clans était simplement la religion. Et pour la rencontre entre les deux, ca avait commencé par un combat d'après ce qu'il comprenait, ça expliquait beaucoup de chose. Quoi de mieux qu'échanger le fer pour obtenir le respect d'un Utgardien. Il observa en souriant l'ascanien tenter de se vendre avant de répondre à son tour.

- A peine un mois en effet, mais elle m'a sauvé la vie, donc je lui dois bien ça, non ? Et je n'ai pas l'intention de mourir, pas encore ! Il se frotta l'arrière du crane Et je dois bien me montrer un peu digne d'elle non ? rester en ville, ça marche peut être avec les ascaniennes, mais je doute que ça fonctionne aussi bien avec Uraïa.

C'était la vérité non ? Comment obtenir le respect d'une chasseuse si ce n'était effectuer une sortie avec ! Ramassant une branche, il ajouta:

- Elle m'a dit que tu n'étais qu'a moitié ascanien... un adopté, c'est vrai ?

Pour l'instant, loin de la sorcière et de son pouvoir, c'était la seule chose qui le retenait de lui dire pourquoi il n'acceptait pas les ascaniens.

Markus se baissa pour prendre une autre branche qu’il rajouta à son fagot puis il regarda Eredin de haut en bas, perplexe.

— Te montrer digne d’elle ? C’est donc pour ça tout ton manège depuis le début. Bordel, je comprends mieux maintenant…Conseil d’ami, laissa la tranquille pour le moment, tu fonces comme un âne en rut alors qu’elle a faillit crever à cause d’une partie de jambes en l’air.

Le chasseur souffla un rire tout en secouant la tête avant d’ajouter.

— Mon père m’a recueilli dans la rue. Il était Ascanien, un prêtre en plus donc désignez moi sous l’étiquette que vous préférez ! Vous m’entendrez quand même jurez sur la Providence et dire que les Utgardiens agissent trop souvent avant de réfléchir.

Le ton était à la taquinerie mais maintenant il était sûr du pourquoi du comment le guerrier n’avait pas trop hésité à les rejoindre. Uraïa avait le don de faire tourner la tête à n’importe qui, il en savait quelque chose.

"Un rat d'égout adopté par un chien du coup..."

- Merci pour le conseil, "l'ami"... mais je ne ferais pas la même erreur que toi, je n'attendrais pas qu'un autre me passe devant...
ca crevait les yeux qu'il l'aimait et quand je disais me montrer digne, c'est surtout une question d'honneur, tu sais ? cette chose si futile chez nous les Utgardiens. Car ce voyage, c'est juste pour ça ! pour rendre à Baldrahm l'honneur qu'il mérite.

Au passage, Eredin enfourna son bois dans les bras de Markus, ça devenait compliqué de se baisser pour ramasser des branches pour l'un comme pour l'autre, donc l'un d'entre eux devait bien se sacrifier n'est-ce pas ?

- Les chiens ne font pas des chats... dit-il en observant l'Ascanien avant de ramasser un nouveau morceau de bois.

Markus fut d’abord surpris par le ton employé par l’Utgardien comme si l’homme se sentait menacé par ses paroles. Il l’écouta en haussant les sourcils comme on écoute un ivrogne raconter son histoire puis d’un habile pas sur le côté, il laissa le paquet de bois que lui déposait Eredin dans les bras tomber sur le sol.

— Les chiens ne font pas des chats… Je ne vais pas te contredire. Tu dois t’y connaître en matière de chien vu comment tu te comportes. Tu agites la queue comme un jeune mâle qui reniflé une femelle qui lui est passé sous le nez et qu’en te pressant derrière elle, tu espères qu’elle va t’ouvrir ses cuisses.

Markus ramassa une nouvelle pièce de bois qu’il posa entre ses bras avant de faire demi tour en direction du campement, laissant Eredin continuer si cela lui chantait.

— Pour le reste, concentre toi sur cet honneur si cher à tes yeux au lieu de jouer les rivaux effarouchés, on est pas dehors pour essayer de combler ton égo incompressible.

Et la protection alors ? A quoi bon venir ramasser du bois a deux si Markus repartait seul en l'abandonnant ici ? Il suffisait d'un échange qui ne lui convenait pas pour qu'il abandonne ainsi son poste ?

- Tu es bien un ascanien dit-il en ramassant le bois par terre que Markus avait refusé de prendre.

Au moins, ils étaient tout deux d'accords, les chiens ne faisaient pas des chats ! Markus était bien un bâtard sans honneur à qui on ne pouvait faire confiance, comme ses traîtres d'ancêtres ! Car le vrai problème entre les deux clans, c'était bien ça ! Les ascaniens avaient trahis le clan Utgardien à l'arrivé sur le continent... Et grâce à cette trahison, ils avaient pris l'ascendant sur eux et ne l'avait jamais lâché. Mais qu'importe, Eredin avait eu raison de l'asticoter un peu, il savait maintenant a quoi s'en tenir avec lui, surtout que ça le faisait rire la façon dont Markus le voyait. L'Utgardien continua de ramasser du bois seul en se concentrant un peu plus sur son environnement maintenant qu'il n'avait plus de bouclier...

- On a assez de bois, sauf si tu veux faire un feu de joie.

Markus avait de quoi faire un bon feu et de le faire durer, si Eredin ramenait sa part cela suffirait sans aucun doute. Cela ne l’étonnait pas du personnage, d’abord de le prendre pour son âne avant de chercher à ramener plus de bois que nécessaire. Toujours dans l’excès et à vouloir avoir la plus grosse. Un Utgardien pur souche finalement mais il ne comptait pas tomber dans le piège d’Eredin. Il n’était pas venu pour se la mesurer mais pour faire en sorte que tout le monde s’en sorte en vie. Si le guerrier préférait foutre la merde, le jugeant sur une pseudo appartenance à un peule et sa relation avec la chasseresse, il n’avait qu’à s’en sortir sans l’aide d’un Ascanien qu’il déteste tant.
Il rebroussa chemin, ils n’étaient pas parti si loin et posa son tas de bois au centre du campement, avisant Uraïa l’air blasé mais aussi énervé.

— Il est sans doute entrain de te ramener un arbre pour se montrer « digne » de toi. La dernière fois qu’on prend un type comme ça avec nous.

Une fois les bras chargés, Eredin retourna au campement en trainant les pieds. Il arriva quelques minutes après Markus et lâcha son tas de bois sur celui de l'ascanien. Le sourire aux lèvres, comme toujours, il s'afféra ensuite à préparer le feu de camp pour le soir.
Eredin Lautrec
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Dim 9 Jan - 14:39

L’Utgardienne avait commencé à préparer le terrain pour le feu, avait sécurisé les lieux du mieux qu’elle pouvait avec Xan’ti avant qu’un Markus grognon ne resurgisse avec du bois, seul. Uraïa fronça les sourcils, soucieuse de savoir ce qui était advenu d’Eredin et comprit rapidement au ton de Markus que les choses n’allaient pas en s’arrangeant entre ces deux là. Elle connaissait le caractère impétueux d’Eredin pour l’avoir vu à l’œuvre et elle connaissait la réserve et le pragmatisme de Markus. Elle aurait espéré que la diplomatie naturelle de ce dernier compense le côté très « Utgardien » du guerrier mais il n’en fut rien. Elle voulut négocier avec Markus mais Eredin ne tarda pas à se montrer à son tour, plus arrogant que jamais. C’était à la fois ce qui le rendait très agaçant et charmant tout à la fois, mais elle sentait bien que ce n’était pas ça qui allait convaincre Markus. Xan’ti prêta main forte a l’Utgardien pour ne pas se retrouver au milieu et Uraïa glissa un long regard à Markus comme pour l’enjoindre à la patience. Lui même avait beaucoup usé de ce regard avec elle.

— Il nous faudra du repos pour la journée qui nous attend. Je vais siffler les faucons.


Elle rappela les rapaces qui ne tardèrent pas à revenir, Vali larguant un lièvre gras au milieu du campement. Vidhar déposant avec plus de délicatesse un petit volatile qu’il avait pourchassé.

Markus se renfrogna pour le reste de la soirée, ne cherchant pas à parler avec Eredin plus que nécessaire. Il se concentra plutôt sur le dépeçage des proies rapportées par les faucons à l’aide de son couteau de chasse. Le chasseur sortit aussi quelques patates pour accompagner la viande afin de faire un repas digne de ce nom. Une fois le feu lancé, il improvisera une broche avec du bois issus de la récolte pour la viande et les légumes dans une poêle grossière que le groupe utilisait depuis maintenant plusieurs années. Il ne décrocha aucun mot pendant ce temps, préférant se concentrer sur sa tâche plutôt que de repenser à l’épisode précédent.

Eredin fut réellement surpris en voyant les deux oiseaux ramener des proies pour le groupe. C'était si simple !

- Ils font ça a chaque fois ?

Une fois le feu lancé, Eredin s'installa autour et observa le chasseur préparer le repas d'une main de maître, puis se tournant vers Uraïa :

- Il est un peu susceptible je crois …

Eredin avait l'air de s'amuser de la situation.

— Ils chassent souvent à la tombée de la nuit et en les rappelant, à force d’entraînement, ils ont appris à ramener leurs proies. Je leur laisse leur première prise, celle ci c’est la deuxième.
Elle désignait les animaux que Markus s’ingéniait à dépecer.

- C’est à ça que je les prépare pendant des mois. Chasser et ramener. Les deux prennent du temps. Le prédateur ne lâche pas facilement sa proie.

Elle haussa les épaules après avoir terminé ses explications. Elle laissa Markus et Xan’ti s’occuper des préparations et attira Eredin par la manche un peu à l’écart. L’air plus sérieux que jamais, compensant la fatigue qu’elle ressentait jusque dans ses os.

— Markus est tout sauf susceptible. Je l’ai pratiqué pendant des années. Je sais pas à quel jeu tu joues avec lui, mais ça ne m’amuse pas de vous voir vous chamailler. Demain, tout pourrait se compliquer. On aura besoin de compter sur chaque membre du groupe. Tu pourrais lui devoir la vie et réciproquement. Il n’y a personne à impressionner ici. Juste à survivre.

Voyant son air sérieux, il se laissa attirer à l'écart en comprenant qu'il allait en prendre pour son grade. Était-ce sa remarque qui n'était pas passé ou Markus avait eut le temps de pleurer dans les bras de l'Utgardienne ?

- Il me conseillait d'arrêter de te tourner autour... j'ai juste dit que je ne ferais pas la même erreur que lui, je ne laisserais pas passer ma chance !

Il savait qu'elle était faible, mais Eredin s'avança vers elle avec énergie.

- Il n'a pas aimé... mais j'ai été gentil tu sais ! Il lui sourit. D'habitude avec les ascaniens je suis bien plus méchant... surtout quand ils s'amusent à rabaisser les membres de notre clan. Son sourire s'effaça.

Il détourna le regard pour observer le camp.

- Mais je ferais attention à ne plus le froisser si tu veux...

Un ascanien qui se cachait derrière une femme, il n'avait donc aucun honneur ? Si il y avait un problème, il suffisait d'en parler entre homme quitte à échanger quelques coups ! Mais non, ca ne le surprenait pas vraiment, c'était un lache d'ascanien après tout. Eredin arrêta de regarder Markus pour reporter son regard sur Uraïa et après un effort il s'excusa.

- Désolé.

Elle l’écoutait se justifier et tentait de cerner ce qui n’allait pas. Elle sentait bien cette rivalité entre ses deux compagnons, et pas seulement à cause de leurs origines aux antipodes. Eredin laissait explicitement entendre qu’il essaierait de gagner son respect et son affection tout en jugeant Markus sur son manque d’initiative. Uraïa n’avait jamais vu les choses sous cet angle. Peut être parce qu’elle n’avait jamais envisagé prétendre à une relation officiellement établie. Revendiquée. Elle inspira avant de se pincer les sinus.

- Ce que je veux, c’est qu’on se serre les coudes jusqu’à ce que ce soit terminé. Ensuite chacun pourra faire ce qu’il veut.

Elle porta une main à son épaule comme pour ajouter du poids à ce qu’elle disait.

- Ce n’est pas un défi, Eredin. Je t’ai dit que je ne pouvais pas te donner ce que tu attends. Je ne veux ni te décevoir ni te blesser.


Elle relâcha son épaule et afficha à son tour un sourire teinté d’amertume.

— C’est moi qui suis désolée. C’était peut être une mauvaise idée.

Son sourire s'effaça petit à petit, il ne comprenait pas pourquoi elle réagissait ainsi. Il venait pourtant de s'excuser alors qu'il n'avait rien fait de mal ! Avait-il laissé croire qu'il ne prenait pas la sortie au sérieux ? était-ce lui qui avait abandonné son partenaire au ramassage du bois ? avait-il dit que c'était un défi ? Non, pourtant c'était bien lui qui était en porte-à-faux, mais c'était de sa faute car il était le nouveau du groupe, celui qui devait faire ses preuves, celui qui perturbait l'ordre établi.

- Je vois.

Eredin se retourna simplement pour retourner s'assoir dans le camp autour du feu. A quoi bon tenter de discuter, il était l'enfant qui venait de se faire gronder et rien de se qu'il dirait ne serait pris au sérieux.

Elle le regarda s’éloigner la poitrine serrée, avec le sentiment d’avoir commis une lourde erreur. Avait elle eu tort de lui proposer de venir ? Lui avait elle laissé de faux espoirs ? Il ne comprenait pas, c’était visible. Elle secoua la tête avant de revenir, l’esprit lourd de doutes et de questions. Elle n’était pas du genre à jouer avec les sentiments d’autrui pourtant elle avait l’air de ne pas savoir comment parler à Eredin. Comme si ce qu’elle disait se trouvait distordu sous un autre prisme. Ou comme on parle une langue qui n’est pas la sienne. Un sombre présage pour la diplomatie à venir. Elle s’installa elle aussi autour du feu, la mine fermée, et s’occupa de problèmes plus matériels comme le partage de la nourriture ou le roulement des quarts pour la nuit. Elle se sentait éreintée mais aussi tendue que la corde de son arc. Un mélange qui lui promettait peu de repos.

Belle ambiance que de début de soirée où chacun se tenait autour du feu avec la mine renfrognée pour une raison ou une autre. Ironiquement, Xan’ti semblait être le plus amène à vouloir parler, preuve que la situation était loin d’être au beau fixe. Markus de son côté distribua une quantité égale de nourriture à chacun, du moins entre les trois hommes mais Uraïa avait le droit à une ration supplémentaire dû à son état. Il s’installa de nouveau autour du feu avec sa part avant de finalement briser le silence.

— On va faire un roulement pour veiller cette nuit. Uraïa je te conseille de prendre le premier, c’est toi qui nous guide demain autant essayer de te faire un semblant de nuit complète.

Il avisa ensuite les autres l’air de leur demander leur préférence, Markus occuperait la place qu’il resté habitué au réveil nocturne. Le chasseur en profita pour mastiquer sa viande en attendant leurs réponses.

Après avoir mangé silencieusement, Eredin avait sorti son petit carnet de chasse pour s'occuper, lire et relire des informations... lorsque Markus évoqua les tours de garde, l'Utgardien se porta volontaire naturellement.

- Je ne dors pas beaucoup, je prendrais le tour qui n'arrange personne.

C'était vrai, il ne dormait pas beaucoup, surtout à cause des soirées beuveries et de ses obligations qui le levaient tôt, mais ce n'était pas utile de le préciser.

Etant donné l’état de tension, et la fatigue qui s’accumulait, Uraïa ne fit pas d’histoire. Elle accepta le premier quart sans barguigner, mangea ce qu’elle put de l’énorme part que lui avait servie Markus, et se mit bien vite à l’écart, faisant mine de s’affairer à quelque chose.

Xan’ti n’ajouta rien mais les chasseurs savaient que le nomade ferait ce qu’on lui demande et qu’il n’attendait que sa place dans les tours de gardes. Markus observa les uns après les autres et annonça finalement le meilleur ordre de passage selon lui.

- Uraïa, moi, Eredin et Xan’ti. Ça convient à tout le monde ?

Le trappeur avait avec Eredin les moins bons quarts mais au moins Uraïa et Xan’ti serait relativement en forme, les deux plus importants pour que cette mission ne tourne pas au drame.

Eredin accepta sans rien dire, signifiant son accord d'un simple mouvement de tête. Il se fichait bien de son tour de garde ou même si il en avait deux de toute facon. Puis, sans attendre plus longtemps, il s'allongea autour du feu après avoir sorti sa petite couverture de voyage. Il n'allait pas réussir à trouver le sommeil rapidement, mais les yeux fermés, le dos au feu, il allait l'attendre !

Uraïa attendit, donc. Elle attendit d’abord le calme, focalisant son attention sur le crépitement du feu. Puis elle fit taire les pensées qui l’agitaient. La vision du nomade aux cheveux amputés lui revenait alors qu’elle fixait la face de la lune et elle ne se l’expliquait pas vraiment. Machinalement elle plaça sa main sur l’urne, simple boîte de bois fin qui contenait ses cendres. Comme pour confirmer qu’il était bien là. Vidhar vint se placer sur son épaule, sa tête calée dans son cou à l’endroit le plus chaud, tandis que Vali trouvait une position dominante dans un arbre bien placé. Et enfin, l’archère, les sens déployés à leur plein potentiel, écoutant tous les bruits alentours, s’évada d’elle même et se détendit enfin.

Markus était resté dans son coin occupé à fixer les flammes en ruminant sur la dernière conversation avec Eredin, que l'homme ne le porte pas dans son coeur était une chose mais qu'il en vienne à insulter son père en était une autre. Il se demandait bien comment Uraïa avait pu trouver quelque chose à un type comme lui qui avait déjà condamné le chasseur pour son appartenance à un peuple. Il n'était pas là pour défendre son quartier ni ce que les siens avait pu faire aux Utgardiens, cela ne l'intéressait pas et encore moins se sentir responsable pour les actes d'un autre. Il passa tellement de temps à grogner contre leur nouveau compagnon qu'il en oublia presque de relever la rousse pour la laisser dormir. Ses muscles s'insurgèrent devant ses mouvements après autant de repos, déjà prêt à s’endormir et Markus fit la grimace avant de s'étirer. Il se rendit vers le feu pour trouver une Utgardienne a moitié endormie devant le feu, tout comme ses faucons et soupira longuement, tu parles d'un gardien. En évitant de brusquer les faucons pour ne pas se retrouver avec des serres acérées comme ennemi, il secoua doucement l'épaule de la rousse.

- Uraïa...

Elle fixait les flammes dansantes en essayant de garder les yeux ouverts. Sa tête était si lourde que sa nuque en devenait douloureuse. Uraïa aurait du se lever et commencer à marcher pour rester éveillée, mais son corps refusait tout simplement d’agir. Et soudain il fut la. La silhouette massive du nomade, ses cheveux amputés. Cette coupe rase lui serrait la poitrine mais elle ne se souvenait plus pourquoi. Il la fixait au delà du feu sans la voir, comme si elle n’était pas vraiment là et lui non plus. Ses traits n’exprimaient rien d’autre que leur gravité figée dans le marbre, insondable. Puis sans crier gare, il se détourna à pas lents, et elle se retrouva à le suivre alors qu’elle croyait son corps incapable de faire le moindre mouvement jusque là. Il se dirigeait à travers bois et soudain, il ne faisait plus nuit. C’était l’automne et la forêt avait pris sa robe mordorée aux milles reflets changeant, comme la réalité. Il s’accroupit sans prêter gare à elle, et examina des traces au sol. Des traces de pas. Multiples. Il prit le temps de les étudier comme pour évaluer leur nombre, leur poids comme l’aurait fait Uraïa. Mais cette fois, ce n’était pas elle la pisteuse. Après un temps, il se releva, passa une main sur ses genoux pleins de feuilles et de terre et poursuivit sa route. Elle tenta de l’interpeller tout en le suivant, mais chaque fois qu’elle croyait l’atteindre, il se retrouvait dix mètres plus loin en avant. Elle se prit à courir, tendit une main alors qu’elle atteignait enfin son dos et il se vaporisa dans l’air de la nuit, comme un nuage de cendres. Elle fronça les sourcils.

- Uraïa…

Elle ouvrit les yeux brutalement, un mal de crâne lancinant entre les yeux. Elle retrouva les traits familiers de Markus, et se rendit compte qu’elle était soudain essoufflée. De l’autre côté du feu, personne. Elle cligna plusieurs fois puis se rappela qu’elle était censée monter la garde.

— Désolée.
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