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[Le Phoque Rieur] Chasser des fantômes au risque d'y perdre l'âme
Maître du Jeu
Maître du Jeu
Date d'inscription : 25/09/2020
Messages : 517
Sam 6 Mar - 23:21
Chasser des fantômes au risque d'y perdre l'âme
Jezabelle Linderoth & Eccho

Soirée | Claircombe | Quartier Utgardien | Les Quais  | An 83, 2ème mois d’Hiver, Jour 15





[ Lire le sujet précédent → Ma vie pour une plume ]

Trois mois. C’était le temps qu’il avait fallu à Eccho pour se faire à l’idée qu’il ne pouvait plus reculer. Ce qu’il cherchait se trouvait dans ce tombeau géant qui grouillait de Sang-Maudits. S'aventurer là-dedans, c’était comme rentrer dans un charnier, accepter que son âme pût être perdue à tout jamais. Mais que lui restait-il à perdre, à lui, Sans Tribu Eccho ? Plus grand-chose à part ça, justement. Son âme pour une quête dérisoire. Il cracha la bile qui lui remontait à cette réalisation. Il suivait un fantôme et il allait bientôt marcher au milieu des morts-à-venir.

Plusieurs semaines. Ca faisait plusieurs semaines qu’il contournait la ville sans jamais dépasser les tours de guet qui marquaient la limite du territoire shog dans la Vallée. Il observait les allées-venues, les prises de gardes, les grandes-portes, les routes, l’activité des faubourgs, les paysans dans leurs champs, les éleveurs de bétails, la criée près du Tentacle. Quelle plaie de vivre seul, toutes les tâches lui revenaient, et sa survie dépendaient d’elles toutes . Pour respecter le Trois-Nul-Car, il ne pouvait pas rester plus d’une dizaine de jours au même endroit. Alors, il devait démonter sa modeste tente, la déplacer, puis la remonter. Il se nourrissait de petits gibiers des plaines, mais plus souvent de poissons. Les soldats du haut de leur perchoir voyaient d’un mauvais œil les feux qu’il allumait pour sa propre survie. C’était l’hiver, la pire saison s’il en est pour se retrouver seul en plaine, à devoir garder les braises chaudes avec la neige et le vent glacial. Enfant, il avait connu des températures plus froides, là-bas dans ses montagnes des Griffes Acérées, mais dans les tentes maternelles, il y faisait toujours chaud et ça sentait bon le ragoût. Il ramassa de la neige avec sa gamelle en métal pour la faire fondre. Les infusions étaient toujours agréables pour se réchauffer. Pourquoi retardait-il tant le moment fatidique où il devrait passer ces foutues portes ? C’était une peur ancestrale : la peur de l’inconnu.

Alors un jour, il se résolut à prendre son courage à deux mains et s’en remit à la Tridéité. Il ne pouvait pas vivre éternellement ainsi, le temps n’allait pas en s’arrangeant. A contre-coeur, il roula les peaux tannées de sa hutte autour des piquets, et les enterra sous la neige. S’il mourrait après tout, il n’en aurait plus besoin. S’il survivait et qu’il devait s’en procurer une nouvelle, il le ferait. Il avait remarqué dans les alentours des faubourgs des hommes et des femmes qui tannaient toutes sortes de peaux, qui traitaient les fourrures, les cuirs que leur abandonnaient les chasseurs en échange de petites bourses. Les Shogs avaient une monnaie d’échange à eux qui leur permettait d’emprunter aux uns et aux autres des biens sans avoir à troquer. Cette même monnaie pouvait être prêtée à n’importe quel autre Shog en échange d’un bien ou d’un service.  

Maintenant. Ni l’épaisse fourrure sur son dos, ni sa carrure ou même sa barbe ne le différenciaient  de certains Echoués, en particulier ceux qui sortaient par les Portes du Tentac. Il avait cru comprendre que les Shogs se distinguaient entre eux, mais au-delà de leur apparence physique, il ne comprenait pas comment ils s'identifiaient les uns des autres. En réalité, entre Vaar’Ana, lorsqu’on parlait de Shog, on pensait qu’ils avaient tous les cheveux et les yeux délavés, comme des échoués restés trop longtemps dans l’eau. Mais à part certains Utgardiens, les sédentaires n’étaient pas tous ainsi. Plus Eccho examinait ces autres, plus ils lui semblaient complexes. Leur société, leur relation aux autres, leur mode de vie, tout échappait à Eccho. Il sortit d’une petite bourse deux Asomnes et les engloutit. Consommés en petite quantité, ces champignons séchés pouvaient calmer un esprit agité, mais à plus forte dose, ils pouvaient induire de fortes fièvres voir plonger un adulte dans le coma. Il n’avait pas besoin d’être guérisseur pour savoir ça, tous les Initiés nomades le savaient. Aux herses, les gardes interrompirent leur discussion pour l’arrêter. Thorian Jargson s’avança, l’air autoritaire.

— Halte-là. Aucune tribu ne campe, d’où viens-tu ? Quelles sont tes intentions à Claircombe ?

Eccho avisa l’homme qui lui parlait, le détailla de haut en bas. Il était assez grand mais plus gras qu’athlétique, la vie entre quatre murailles ne lui seyait guère. Son visage encore juvénile était rasé de près, et on devinait que c’était certainement parce que sa pilosité éparse ne lui permettait pas d’arborer une barbe. Deux collègues l’encadraient : un plus âgé, les traits fatigués, l’autre l’air un peu idiot. Puis, derrière eux, une femme plus petite, elle aussi en tenue de garde. C’est donc naturellement à elle qu’Eccho s’adressa, puisque ce devait être elle le chef .

— Je cherche un homme.
— La vengeance est interdite à Claircombe. Retourne dans ta tribu ! Le contentieux de chasse est clos, reprit le jeune homme, en bombant le torse. Le nomade lui glissa un regard en biais qui signifiait qu’il n’attendait pas vraiment l’avis des sous-fifres dans son genre. La tension monta d’un cran. Ses yeux revinrent sur la femme, cette dernière commençait à se sentir mal à l’aise d’être prise à partie alors qu’on ne s’apercevait même pas de son existence d’habitude. Tous portaient leur main à leur arme, prêt à en découdre au moindre signe d’hostilité. Eccho serra les dents, mais insista.

— Il s’appelle, Kranbyr, il a une croix sur le bras, comme moi.

Le chasseur fit un mouvement pour écarter sa cape et le groupe de garde s’écarta vivement de lui comme s’il allait dégainer une arme puissante. Et en effet, il brandit son énorme bi… ceps. Tout à fait, et sur son épiderme on pouvait voit le dessin d’une ancre de navire. Tous se lancèrent un étrange regard, incertains de la farce, sauf la femme qui ne put retenir sa conclusion.

— Un Bédouin.

Elle prit un petit coup de coude dans les côtes, comme si elle venait de révéler un secret du gouverneur lui-même. Les soldats se concertèrent à voix basse, puis, une fois d’accord, le jeune reprit la parole :

— Ecoute, nous avons des informations sur cet homme, et nous te les révéleront à une condition… il fit une pause, consultant ses acolytes avant de reprendre, que tu sois notre combattant ce soir, combats à mains nues.
— C'est reparti ! soupira le vieux en roulant des yeux.
— C’est tout ?
— C’est tout.
—  Ici ?
— Non. Reviens avant le crépuscule.


[Le Phoque Rieur] Chasser des fantômes au risque d'y perdre l'âme W69b


La soirée venait à peine de commencer, la taverne se remplissait d’habitués et de clients à la recherche d’un peu de détente après une dure journée de labeur. Après avoir terminé leur service, Knut avait rejoint sa femme sans grand empressement, mais tout de même, il ne tenait pas à tremper dans les idées à la con des deux autres gugus. Car Thorian l’Imberbe et Gunter l’Idiot étaient bien décidés à gagner le pactole ce soir. Devant l’auberge du Phoque Rieur, les combattants aux poings s’empressaient de s’inscrire pour les paris de ce soir. Gunter faisait la queue avec le sauvage. Thorian lui entra dans l’auberge pour des petits arrangements de dernière minute.

— Hey Linderoth ! Remplis moi ces gourdes d’eau et celle-ci de mon « spécial », s’il te plaît ! Voici pour la peine ! Fit-il en posant quelques pièces pour payer le service. Le spécial, c’était le liquide transparent dont l’odeur s’apparentait à un puissant désinfectant Amaranthis. Personne ne voulait de cette horreur, à part les ivrognes fauchés déterminés à ne plus se souvenir de leur journée. Dans les outres d’eau, il versa quelques gouttes d’un puissant produit récupéré lors de l’arrestation d’un contrebandier.

— Ce soir, je te paye mon ardoise tout entière ! déclama-t-il au comptoir si fort que de nombreux habitués se tournèrent vers lui.

— Bah alors, Jargson ! T’as gagné le pactole ou quoi ? Tu nous rinces, du coup ?

— C’est pour ce soir ! Un sauvage qui m’en doit une ! Z’allez voir, ça !

— J’en crois pas un mot !

— On connaît tes entourloupes Thorian ! Tu nous auras pas cette fois ! Je parierai pas une piécette sur ton badaud ! Encore un ivrogne à qui t’as promis une bouteille de vinaigre ?

— Crois-moi pas, si ça te chante, c’est pas tes poches trouées qui vont m’enrichir. Un nomade  je vous dit ! L’est grand comme la porte, il a des dents de félon et le regard dément ! Cannibale, à ce qui paraît ! Il va aplatir le Roc d’Utgard, tenez-le pour dit ! Prenez vos paris !


[Le Phoque Rieur] Chasser des fantômes au risque d'y perdre l'âme W69b


Sur les quais, dans un cercle de terre battue, comme on en trouve partout dans le quartier Utgardien, parieurs, spectateurs et participants encourageaient les combattants. A l’avenir, Eccho y songerait à deux fois avant de conclure un arrangement à la va-vite sans en connaître tous les termes. Il avait accepté de combattre pour eux ce soir, pour une durée indéterminée, pour un nombre de combats indéterminé. Et ce n’est qu’une fois sa part du contrat rempli qu’il obtiendrait les informations qu’il espérait. Quel abruti il faisait. Au moins avait-il eu droit à son premier repas de sédentaire : des racines étrangement épicées, de la viande cuite à l’eau, une boisson mousseuse et amère. Vraiment, en s’enracinant dans ce sol, les shogs avaient perdu les rudiments gastronomiques les plus basiques. Le nomade n’avait qu’une hâte à l’aube : chasser un lapin qu’il ferait griller au feu. Mais tout cela semblait encore si loin.

Les combats à mains nues comme les enfants n’avaient pas leur place dans la tribu : quand deux hommes nomades en venaient aux mains, c’était pour qu’il n’y ait qu’un seul survivant. Mais ici les consignes étaient claires : aucun mort n’était toléré, ou l’offre ne tenait plus. Drôle de monde. Ses phalanges endolories et gonflées commençaient à souffrir du froid hivernal. Les bandages autour de ses mains avaient viré à l’écarlate. Les feux autour du cercle diffusaient une maigre chaleur et une lumière jaune. Le nez en sang, la joue gauche tuméfiée, il tenait bon. Il était plus rapide que ses adversaires et frappait juste, mais il n’était pas aussi à l’aise qu’eux dans « l’art de la castagne ». Il combattait des hommes dont la force était malhabile mais brute, leur surpoids leur assuraient un centre de gravité redoutable : ils campaient bien sur leurs pattes et encaissaient sans broncher. Aussi, le coup qu’il prit cette fois lui éclata la lèvre inférieure, emplissant sa bouche de sang qu’il évacua d’un jet précis au sol. La pause de mi-combat sonna, et comme les autres pauses, il saisit la gourde que lui tendit Thorian. Il se rinca la bouche et bu une gorgée et la lui rendit. A chaque pause, son esprit semblait plus engourdi, ses réflexes plus lents. Il n’aurait peut-être pas dû reprendre des Asomnes après le repas. Puis, après quelques conseils, il se retourna pour retourner sur le terrain. Le garde l’arrêta et lui tendit  l’outre à nouveau :

— Une bonne grosse dernière !

Sans trop réfléchir, il descendit une grande rasade et cette fois l’eau lui brûla l’œsophage et lui enflamma l’intérieur. Il s’étouffa à moitié avec, recracha le peu qu’il lui restait mais le mal été fait. Foutu poison de Shog ! Il voulut se jeter sur Thorian pour lui rendre la monnaie de sa pièce mais déjà, la fin de la trêve sonna et des spectateurs le repoussèrent au milieu du cercle pour la dernière manche. L’adversaire était prêt à prendre sa revanche, et Eccho eut du mal à esquivé les séries d’attaques qu’il enchaînait. Plus le combat s’éternisait moins ses sens lui répondaient, ses muscles se fatiguaient, son corps était de plus en plus lourd à trimballer, le poison pesait sur son estomac. Enfin, un crochet bien l’envoya au sol sous hués de certains spectateurs, et les cris réjouis de Thorian qui venait de remporter le pactole à 1 contre 6. La foule se dissipa mais tout ça était loin d’Eccho qui n’aspirait plus qu’à s’abandonner au sommeil lourd. Après avoir payé leurs ardoises, les deux gardes le trouvèrent toujours là où ils l’avaient laissé. Il reçut un coup dans les côtes, qui le ramena brièvement à la réalité :

— J'ai donné ma parole pour ton info, la voici : la moitié des hommes de Port-aux-Echoués ont ce tatouage ! Attardé de sauvage.

Une douleur dans le ventre le plia en deux, tandis que tout devenait flou. A quelques pas de là, devant l'auberge du Phoque Rieur, une demoiselle aux longs cheveux noirs se tenait là, le visage interdit.



Dernière édition par Maître du Jeu le Mar 23 Mar - 19:01, édité 2 fois
Jezabelle Linderoth
Jezabelle Linderoth
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Âge du personnage : 26 ans
Métier : Aubergiste
Dim 7 Mar - 3:46
Cela faisait une dizaine de jours que Jezabelle prenait ces fioles au contenu énigmatique et à la couleur, l'odeur et au goût peu ragoutant. Pourtant, cela avait le mérite de l'apaiser un peu plus dans son sommeil. Ses nuits étaient plus douces, elles n'étaient plus hantées de démons et de vieux souvenirs. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne dormait pas aussi bien, elle se sentait reposée et plus calme. Cela n'effaçait en rien ses troubles mais ça les rendait plus doux. Elle était aussi satisfaite de voir qu'effectivement cela n'avait rien à voir avec l'horrible drogue qu'elle avait pu prendre quelques années auparavant. Elle ne souffrait pas spécialement de manque. Tout du moins, pour le moment. Restait à voir comment cela pourrait se présenter à la longue. Couplé aux anti-douleurs, le traitement était pour l'instant plutôt un succès. Aucune crise majeure n'était venu troubler ses jours. Juste quelques douleurs éparses.

Néanmoins, des mots lui revenaient en mémoire quelques fois... Des phrases, des questions. Sa voix... Elle se sentait tellement stupide de ne pas arriver à l'oublier. Mais il avait ouvert tellement d'interrogations en elle, jamais elle n'aurait pensé se poser autant de questions sur son passé et surtout celui de sa mère. Et sur son propre avenir...

Instinctivement, elle toucha son cou, sur cette griffe qu'il lui avait donné et qu'elle avait fait monter en pendentif. Elle était le souvenir de ce jour mais aussi le symbole de la force qu'elle avait fini par perdre au fil des jours. Aujourd'hui, elle arrivait à se ressaisir petit à petit grâce à ce qu'elle avait vécu.

Son regard était perdu au loin par la fenêtre de sa chambre et elle partait dans ses rêves éveillés, comme bien souvent. Elle finit par soupirer et refermer la vitre. Alors qu'elle se préparait, son regard se posa à travers le miroir, les cicatrices sur sa poitrine et sa jambe ne paraissaient plus qu'en des lignes fines à peine perceptibles. Contrairement à cette immondice qu'elle avait toujours sur son ventre... Elle détourna les yeux et passa une robe d'un bleu sombre remontant haut sur son cou, cachant ainsi tout ce qui pouvait l'être. Personne n'avait besoin ni même envie de savoir que sous la belle enveloppe se cachait un monstre. Elle coiffa sa longue chevelure et l'orna finalement d'une de ses coiffes. Ouvrant la commode, elle tomba sur la plume que Baldhramn lui avait offerte le mois d'avant et sourit. La jeune femme n'avait pas encore eu l'occasion de confectionner un ornement avec et la conservait précieusement dans le tiroir en attendant. Elle se demandait d'ailleurs ce qu'il avait bien pu advenir de ce nomade depuis. Cependant, un cri venant de plus bas la ramena au présent et elle soupira à nouveau.

Théodore était déjà affairé au rez-de-chaussée avec les quelques dockers venus là pour se réchauffer et se rincer le gosier. Quelques marchands étaient aussi présents ainsi que deux ou trois gardes en pause. Le froid mordait chacun au dehors et la taverne était un lieu idéal pour trouver refuge à travers la neige. Le bois était vite engouffré dans la grande cheminée à foyer ouvert de la pièce et l'alcool coulait à flot, réchauffant les corps et les coeurs.

Une fois en bas, Jezabelle enfila son tablier un peu à contre cœur et se mit à l'ouvrage. Les jours se suivaient, les corvées s’enchaînaient, toujours les mêmes journées, toujours la même routine... Quelques fois elle repensait à ce jour qu'elle avait vécu dans la forêt. Elle avait certes risqué sa vie, sa cohabitation avec le nomade ne s'était pas bien passée et elle avait perdu son argent sans compensation. Mais au fond en y repensant, jamais elle ne s'était sentie aussi vivante. Ses yeux se promenèrent autour d'elle, étudiant ce qu'elle avait là et elle constatait à présent à quel point sa vie lui paraissait fade. Son frère par contre n'avait pas été du même avis lorsqu'il avait entendu l'histoire de son périple... Une dispute avait même éclatée entre eux alors qu'ils ne s'étaient quasiment jamais disputé auparavant. Les deux jeunes gens n'avaient clairement pas la même vision de la vie.

« Jez' qu'est-ce que tu fais ? Y'a des gens qui attendent leur commande ! »

Théodore la ramena une fois de plus dans le monde réel, débordé par les clients toujours plus nombreux. Et la jeune aubergiste se remit alors au travail sans rechigner.

* * * * *

Le soir était là et les clients aussi. L'auberge se remplissait à vue d'oeil alors que la jeune femme levait les yeux au ciel. Encore un combat de ces abrutis d'Utgardiens. Et les paris étaient pris là, pratiquement devant leur porte.

« Allez fait pas cette tête petite soeur, ça ramène de la clientèle tu le sais bien. »
« Je sais bien. Mais je ne comprendrais jamais ces trucs. Qu'est-ce qu'on peut bien trouver d'intéressant à se taper dessus comme des imbéciles sans cervelle ? »
« Ben, de l'argent quelle question. C'est toujours une question d'argent. »
« Ils sont tellement stupides ! On dirait des combats de clébards, chacun son petit champion. »

C'est à ce moment que Thorian entra et s'accouda au comptoir, son petit air triomphant sur le visage. Lorsqu'il mentionna le « special », Jezabelle roula des yeux et lui sortit le vieux tord-boyaux pour en remplir son outre. Tant qu'il payait, elle se fichait bien de ce qui pouvait arriver à son estomac ou ses intestins voire même son colon. Ou même à son fameux « champion ». Elle n'appréciait pas ces bagarres de rue et elle ne s'en cachait pas. Théodore lui se mit à rire légèrement en écoutant l'homme clamer haut et fort qu'il allait régler son ardoise longue comme le bras.

« Ben tiens, tu embauches des nomades toi maintenant ? » fit la jeune fille avec une pointe de sarcasme dans la voix.

Thorian se contenta de lui pouffer au visage, sûr de son coup. Et la brune de lâcher l'affaire et de repartir en cuisine. Elle n'avait certainement pas envie de participer à tout ça.

* * * * *

La soirée avait été mouvementée à l'auberge, comme à chaque soir de combat. La garde avait même dû intervenir pour séparer quelques poivrots trop imbibés pour tenir debout. Rien que de très naturel au fond. Il y avait un peu moins de monde à présent, certains noyaient leurs pertes dans l'alcool alors que les deux compères idiots venaient fanfaronner au comptoir.

« Chose promise tavernier ! » lança Thorian en jetant une bourse à Théodore.

Celui-ci leva un sourcil et recompta les pièces, étonné. Effectivement, le compte était bon et il en fût le premier surpris.

« Comment toi, le roi des perdants tu as fait pour récolter tout cet argent ? »
« Haha ! Je te l'ai dit ! Ce sauvage m'a bien servi. »
« Encore un coup fumeux de ta part » soupira le tavernier.
« Tu as ton argent non ? Alors ne viens pas demander le reste. »

Les deux gardes partagèrent une bière en compagnie de l'aubergiste avant de repartir. Jezabelle elle ne pensait qu'à aller se coucher. Elle en avait assez de voir tout ce monde et avait bien besoin de repos après cette folle soirée. Lorsqu'elle eut fini la plonge, elle revint dans la pièce principale et regarda la bourse d'un air suspect.

« C'est quoi cet argent ? »
« Cet abruti de Thorian a effectivement payé ce qu'il nous devait » lui répondit alors son frère.
« Tu plaisantes j'espère ? »
« Non, pas le moins du monde. »
« Et il t'a dit comment ? »
« Non et je ne tiens pas à le savoir ! Il a encore dû arnaquer pas mal de monde. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'il nous a payé. Le reste, je m'en fiche. »

Le jeune homme rangea alors les pièces dans la caissette sous le comptoir. Il était bien content des revenus de la soirée pour le coup, cela allait considérablement aider en ces temps assez difficiles. Sa sœur s'accouda quand à elle sur le bar en regardant les clients de façon distraite.

« Non mais en plus, il n'a pas arrêté de me parler de son soit disant champion. »
« Pourquoi soit-disant ? »
« Bah il a perdu mais il en était content. Pourtant, c'était un nomade plutôt balaise avec plein de tatouages. Il avait l'air d'en imposer pas mal avec sa barbe et ses cicatrices. »

Jezabelle fronça alors les sourcils à mesure que son frère lui parlait. Impossible que...

« Il m'a raconté qu'il l'avait trouvé devant les portes, là et qu'il l'avait embauché car il voulait juste rentrer dans la ville. »
« Pourquoi il voulait rentrer ? »
« Il lui a montré un tatouage d'ancre en disant qu'il cherchait un type et... »

Théodore n'eut pas le temps de continuer que sa sœur lui jeta son tablier au visage et sortit de la taverne rapidement. Elle voulait retrouver les deux gardes idiots et leur demander ce qu'ils avaient pu faire du fameux nomade. Cependant, après seulement quelques pas vers le lieu du combat, elle stoppa.

La jeune femme resta un moment immobile face à ce qu'elle voyait. Un moment elle pensa à une hallucination provoquée par le traitement qu'elle prenait. Après tout, c'était bien possible et le visage de l'homme au sol était plutôt tuméfié. Elle s'approcha alors plus près et le reconnut enfin.

« Ils t'ont pas raté » fit-elle en s'accroupissant avant de soupirer.

Jezabelle tira un mouchoir de sa poche et commença à essuyer le sang qui commençait déjà à sécher. Son cœur battait plus fort qu'elle ne l'aurait voulu mais elle s'efforça de ne pas en tenir compte. Étudiant le corps d'Eccho sur le sol, elle en conclut qu'il ne pouvait délibérément pas rester là. Elle le sentit bouger quelque peu et fronça les sourcils.

« Laisse-toi faire ou tu vas te noyer dans ton propre sang. »

Hier, c'était lui qui prenait soin d'elle en terrain inconnu. Aujourd'hui, c'était à elle de le faire. Elle héla deux grands gaillards qui sortaient alors de la taverne, des habitués et les somma de l'aider à transporter le nomade à l'intérieur. Au début réticents, ils finirent par accepter vu l'insistance de la tenancière et surtout, la promesse d'une bière gratuite une fois le travail fait. Théodore arrondit des yeux en voyant passer le cortège mais Jezabelle l'envoya royalement bouler avant d'indiquer une chambre au premier étage. Les deux Utgardiens déposèrent le corps sur le lit et descendirent chercher leur dû.

« Dites à mon frère de ne pas s'en faire et que je connais ce type » leur dit-elle simplement avant de refermer la porte.

Une fois fait, elle s'approcha du malheureux. Elle posa sa main sur son front et constata qu'il n'était pas fiévreux. Elle se félicita qu'il n'ait pas opposé de résistance à son transport. Cela dit, elle savait que s'il n'avait pas rechigné c'est qu'il était en bien mauvais état. Elle tira un seau d'eau près du lit et se mit à laver son visage doucement. Quand ses doigts frôlèrent ses lèvres gonflées, elle frissonna. Elle en sentait encore le goût sur les siennes... Elle secoua finalement la tête et poursuivit en lavant les mains de l'homme tout aussi précautionneusement. Une fois fini, elle alluma un feu dans la petite cheminée de la pièce et revint se poster près d'Eccho. Il était toujours conscient mais n'avait franchement pas l'air dans son assiette. Jezabelle repensa alors à la bourse que Thorian avait déposé et au fait qu'il avait probablement truqué le combat. Après tout, c'était bien son style à cet abruti.

« Eccho, c'est moi » dit-elle d'une voix douce en caressant son front. « Tu es chez moi, ne t'en fait pas. »

La jeune femme ne savait trop quoi dire. Elle le voyait souffrir sans pouvoir faire grand chose. Apparemment, les nomades ne devaient pas tellement tenir l'alcool. Baldhramn aussi avait eu l'air de vite sentir les effets de ces breuvages. Et au vu de l'homme devant elle et de ce que l'idiot de garde lui avait demandé avant le combat, elle était au moins sûre qu'il aurait une belle gueule de bois le lendemain. Elle espérait juste que cela ne soit effectivement que de l'alcool.

* * * * *

Au rez-de-chaussée, Théodore bouillonnait en jetant des coups d'oeil vers l'étage. Il avait une furieuse envie de monter et d'avoir des explications. Même s'il savait très bien que sa sœur ne lui en donnerait pas.

« Allez Théo, t'en fais pas va ! » fit l'un des deux porteurs, accroché à sa bière.
« Ne pas m'en faire ? Alors qu'elle est seule avec un type à moitié mort dans une de nos chambres ? Un nomade en plus ! »
« Elle est assez grande pour savoir ce qu'elle fait » plaisanta le second.
« Ouais puis toutes façons, vu l'état du type, il est pas bien apte à faire grand chose. »

Le tavernier ne répondit rien et se renfrogna, sourcils froncés. Il n'arrivait pas à voir sa sœur comme une femme capable de se débrouiller seule, ayant tout au long de sa vie pris soin d'elle. Il avait toujours peur qu'il lui arrive quelque chose. Il s'était fait le serment de toujours la protéger des dangers du monde et il n'aimait pas du tout que ce type soit seul avec elle là haut.


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Dim 7 Mar - 20:43




Moins que les coups, le cocktail qu’il avait ingurgité à son insu couplé aux Asomnes l’avaient plongé dans une profonde confusion où il oscillait entre somnolence et inconscience. Il se débattait autant qu’un cadavre qu’on traînait au bûcher funéraire. Sa tête ballottait entre ses épaules et quand on l’allongea sur une surface moins dur que le sol glacial, il eut le sentiment qu’il était déjà dans le Grand Vide, à attendre que le Gardien des Âmes le guide vers le désert. Il entrouvrait les yeux pour contempler la nuit, elle avait rarement été aussi belle. Les couleurs des atours qui la couronnaient contrastaient avec les ténèbres qui l’entouraient comme un halo noir qui se fondaient dans une robe d’un bleu profond. Son teint diaphane attirait l’oeil comme l’éclat de la lune au plus tard de la nuit.

— ...choués… tenta-il d’articuler dans un élan de lucidité. Il ne fallait surtout pas qu’il oublie cette information. Il s’y raccrochait comme si c’était la seule chose qui comptait. Sa main se tendit vers la silhouette comme pour essayer de saisir son existence vaporeuse, les cheveux se dérobèrent entre ses doigts. Il croisa un regard clair et inquiet qui avait quelque chose de familier sans parvenir à le replacer dans sa mémoire. Un linge humide venait éponger son visage endolori, il parvint à attraper le poignet.

— Port-aux-Echoués… répéta-t-il avant de replonger dans sa confusion. Il ne comprenait rien de ce qu’on pouvait lui dire, les mots s’étiraient dans son esprit sans s’accrocher à leur sens.

[Le Phoque Rieur] Chasser des fantômes au risque d'y perdre l'âme W69b



Ses tempes pulsaient, une migraine lui fendait le crâne. Il avait froid mais son corps transpirait. Eccho essaya de se redresser, la bouche pâteuse. Il se sentait faible et passablement déshydraté. Le regard dans le vague il mit un long moment à comprendre qu’il se trouvait dans une habitation shog. Impossible de savoir quelle heure du jour ou de la nuit il était, enfermé entre quatre murs, volets fermés. Il attrapa la timbale remplie d’eau sur la commode et but quelques gorgées. Dans l’âtre, il ne restait que des braises. Accoudée au lit, la personne qui le veillait s’était endormie. Il souleva une épaisse mèche de cheveux noirs qui barrait le visage pour y découvrir Jezabelle, assoupie. Elle lui était apparue dans ses rêves, difficile de les dissocier de la réalité à présent qu’elle se tenait juste là devant lui. Quelle fourberie la Tridéité lui avait préparé là pour punir son audace ? Il s’extirpa de la couche, déterminé à nourrir le feu, c’est alors qu’il se rendit compte qu’il lui manquait des vêtements. Ses côtes protestaient, son équilibre lui faisait défaut. Prenant appui sur le mobilier puis sur la poutre de la cheminée, il finit par arriver à son but non sans mal. Les flammes reprirent rapidement alors qu’il se rassit sur le lit, en tenant sa tête entre ses mains comme pour maîtriser son mal de crâne. Comme rien ne changeait, il prit une profonde inspiration et observa ses poings. Il tira sur les bandes autour de ses mains pour voir l’étendue des dégâts causés par son manque de discernement. Ses doigts étaient gonflés, certaines phalanges avaient bleuies, mais rien de bien alarmant. Il écarta ses doigts doucement avec une grimace, pour lui replia. Ce n’était pas joli-joli, mais rien ne semblait cassé. Il s’était fait avoir comme un idiot, comme un enfant. A faire confiance à un sédentaire, il n’avait au final eu que ce qu’il méritait. De toutes les bâtisses qui faisaient cette foutue ville, il avait fallu qu’il vienne devant celle de Jezabelle. Quelle ironie, quand les dernières paroles dignes d’intérêt qu’il lui avait adressé lui certifiait qu’il ne participerait pas à son malheur. Les dieux se jouaient de lui, et quelque chose lui disait qu’ils étaient loin d’en avoir fini. Agacé, sa langue claqua contre son palais alors qu’il tirait à lui une des couvertures du lit pour la passer sur les épaules de la jeune femme qui fut tirée de son sommeil.

— Anauroch me guide, salua-t-il d’une voix faible.

Que dire d’autre ? Après qu’il avait compris qu’elle était perdue, ils avaient atteint un point de non-retour où la discussion n’était plus possible. Il repoussait en bloc le blasphème que l’existence de cette femme représentait, l’attirance qu’il éprouvait à son égard et le devoir de protection que ses mères lui avait inculqué. Il ne pouvait rien ni pour elle, ni pour son âme. Il n’était pas chamane, ce n’était pas à lui que ce devoir incombait. Maintenant tout devenait plus clair alors que sa raison s’évaporait dans son délire : ses prétentions avaient attiré le courroux des dieux, et ils le punissaient de son orgueil et d’avoir cru qu’il pouvait guider d’autres alors que lui-même s’égarait dans ses quêtes futiles.

— Je ne devrais pas être ici.

Toi, non plus d’ailleurs, poursuivit-il pour lui-même. Cette conversation n’avait plus lieu d’être, il fallait qu’il s’y fasse. Mais c’était beaucoup plus facile à accepter quand il ne l’avait pas en face de lui comme c’était le cas à présent. Dans la cité maudite. Il était encore dans la cité maudite. Il se leva brusquement et fut aussitôt prit d’un vertige qu’il ignora en se retenant posant sa main sur le mur derrière lui, le regard agité, le front perlé de sueur.

— Je dois partir. Mon sac ? Mes affaires ?

Jezabelle Linderoth
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Cela faisait déjà quelques minutes que Jezabelle veillait le malheureux lorsqu'il balbutia quelque chose. Elle se pencha légèrement vers lui pour mieux comprendre. Lorsqu'elle vit sa main se tendre et chuter brutalement, son coeur rata un battement. Elle était clairement inquiète pour lui. Elle prit donc un linge et lui épongea le front et soudain, elle sentit l'homme lui saisir le poignet en déclamant "Port-Aux-Échoués" avant de sombrer à nouveau. La jeune fille resta quelque peu interdite sans savoir de quoi il parlait, gardant cependant ces quelques mots en mémoire pour lui demander plus tard ce à quoi ils pouvaient bien faire référence.

Lorsque le nomade tomba totalement dans le sommeil, elle se dit qu'il serait tout de même mieux sans ses vêtements. Sans même penser à ce qu'elle faisait, se détachant de tout et surtout de son corps... de son... torse... et de... Elle détourna vivement le regard et fini enfin son oeuvre. Puis elle le glissa sous les couvertures en se pensant qu'il pesait tout de même pas mal son poids. Un moment, elle avisa ses mains et hésita à les débander. Elle se ravisa finalement, se disant que si certains doigts étaient cassés, mieux valait ne pas les détacher. S'assurant quelques secondes qu'il n'allait pas trop mal, elle plaça un seau non loin de la couche au cas où et sortit un moment de la pièce.

Jeabelle n'entendait plus que quelques voix éparses au rez-de-chaussée. Elle ne descendit cependant pas et monta plutôt vers sa chambre. Là, elle posa sa couronne de plumes sur sa commode et tira la petite fiole rouge de sa boîte. Eccho ou pas, Adrian avait été très clair à la bonne tenue du traitement. Elle avala le liquide amer d'un coup en fermant les yeux et esquissant une grimace non feinte. Elle ne se faisait décidément pas à ce goût si particulier... Puis elle reprit les escaliers et se dirigea vers la porte de son "patient", bien décidée à veiller sur lui cette nuit. En chemin cependant elle tomba sur son frère qui lui bloqua alors le passage, comptant fermement avoir quelques explications sur ce qui se tramait là.

"Laisse-moi passer Théo."
"Pas avant que tu m'explique."
"Que je t'explique quoi ?"
"Ben j'en sais rien. Qui est ce type par exemple ? Et pourquoi tu t'en occupes ?"
"Et en quoi ça te regarde ?"
"Ça me regarde que c'est ma taverne ici et que j'aimerais savoir qui y dort."
"Elle m'appartient à moi aussi" affirma la jeune fille en fronçant les sourcils.
"Mais bon sang, arrête de faire ta tête de mule et juste dis-moi qui est ce foutu gars !"

Théodore en avait plus qu'assez du caractère têtu de sa soeur. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire de lui expliquer les choses ? Après quelques secondes, la jeune fille soupira alors et abandonna.

"C'est le nomade qui m'a sauvé ce jour-là dans la forêt" avoua t-elle.
"Sérieusement ?"
"Apparemment..."
"Mais qu'est-ce qu'il fait là ? Enfin, en ville je veux dire."
"J'en sais rien. Thorian l'a apparemment enivré pour se faire son beau petit pactole si je comprends bien. Il ne va pas super bien. Alors laisse-moi passer que je m'occupe de lui s'il-te-plaît."

Le frère se poussa finalement du chemin, restant tout de même méfiant quant à ce qu'il pourrait bien se passer derrière cette porte entre les deux jeunes gens.

"Jez' ? Appelle-moi si ça ne va pas ok  ?" fit-il d'un air inquiet.
"T'en fais pas, tout va bien se passer."

La jeune soeur lui lança un sourire pour le rassurer. Mais elle-même au fond n'en savait rien. Elle entra finalement dans la pièce et retrouva l'homme toujours endormi, pour son plus grand bonheur. Il fallait qu'il se repose un peu, même si son sommeil avait l'air légèrement troublé. Elle-même finit par s'endormir quelques heures plus tard, ne pouvant plus lutter contre la fatigue.

* * * * *

Jezabelle sentit quelque chose sur ses épaules et s'éveilla. Elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle avait sombré dans le sommeil, là, assise sur son siège et courbée sur le lit. Elle se frotta les yeux et ne put s'empêcher de sourire en voyant Eccho face à elle. Il n'avait pas franchement l'air d'aller bien mais au moins, il allait visiblement mieux que la veille.

"Bonjour" lui répondit-elle faiblement avant de bailler à s'en décrocher la mâchoire.

Elle l'écouta prononcer cette phrase. Parlait-il du fait qu'il était en ville ? Ou bien sans doute du fait qu'il était sur cette Terre ? Pour ce qui était de la jeune fille, c'était souvent la seconde option à laquelle elle pensait. Cependant, elle s'était promis de ne pas flancher tant que les bouchers de son passé seraient toujours en vie. Elle se vengerait, elle n'avait pas le droit d'abandonner. Elle le vit soudain se lever et s'agiter, nul doute qu'il n'était pas à son aise dans cette maison. On aurait dit un chaton apeuré. En guise de réponse, elle soupira et reposa la couverture sur le lit.

"Assied-toi" dit-elle assez fermement en le fixant.

Le nomade se tenait au mur et semblait hésiter. Aussi Jezabelle réitéra sa demande, toujours son regard planté dans le sien.

"Assied-toi ou tu vas aggraver ton état."

Voyant qu'il accédait finalement à la requête elle se leva et fit le tour du lit pour se poster devant lui. Sans même lui répondre, elle posa sa main sur son front et fit une légère moue. Puis elle plaqua son propre front contre lui. Elle examina ensuite ses yeux puis ses mains. Elle n'était pas médecin, loin de là. Mais en tenant une auberge, elle pouvait aisément voir les signes d'une bonne gueule de bois. Couplé à tous les traitements qu'elle avait testé, elle pouvait au moins dire s'il avait simplement besoin de repos ou s'il fallait aller chercher quelqu'un de plus compétent. En se penchant vers lui, son collier avait surgit de son col et la griffe était à présent pleinement visible sur le fond bleu de sa robe.

"Règle numéro un : ne fais confiance à personne en ville. Les Hommes d'ici sont prêts à tout pour un peu d'argent, surtout s'il s'agit d'arnaquer un nomade."

Jezabelle tira finalement le seau rempli d'eau et passa le linge sur le front de l'homme.

"Tu as un peu de fièvre, ce n'est pas trop grave mais tu as dû faire une mauvaise réaction entre l'alcool que cet abruti de Thorian a dû te faire ingurgiter et autre chose" reprit-elle avant de soupirer. "Respecte les gardes mais ne marche pas dans leurs combines."

Elle s'occupait de lui sans même penser à ce qu'elle pouvait ressentir, sans même voir son corps. Elle avait juste à coeur qu'il aille mieux. Après tout, il avait été clair sur le sujet. Et elle... elle avait été stupide. Même si elle était heureuse de le revoir, elle ne se faisait pas de plans sur la suite et essayait de rester lucide.

"Tes vêtements sont sur la chaise, mais ils sont un peu couverts de sang. Quant à tes affaires, je les ai récupéré ne t'en fais pas."

Elle avait eu de la chance de trouver son barda un peu à l'écart du cercle. Ces idiots de gardes n'avaient même pas pensé à fouiller dedans fort heureusement. La jeune femme se redressa finalement et inspecta une nouvelle fois Eccho.

"Par contre, tu ne vas nulle part. Je vais te donner quelque chose pour apaiser cette belle ecchymose que tu as sur la joue."

En effet, il lui restait un fond du pot donné par Adrian pour sa propre bosse. Au prix où ça avait coûté, autant que ça serve tant qu'elle le pouvait.

"Si tu as faim je peux te préparer quelque chose et te le monter. Mais en attendant, tu dois te reposer."

Exit la jeune fille fragile de la forêt. Jezabelle paraissait plus sûre d'elle et plus confiante en ses propres capacités. Elle semblait avoir le contrôle de la situation et comptait bien ne pas laisser l'oisillon blessé s'envoler avant d'avoir au moins récupéré ses pleines capacités.

"Au fait, dans ton sommeil tu as parlé de Port-Aux-Échoués. Ça signifie quelque chose d'important ?"

La jeune femme ne savait pas trop ce qui l'avait attiré ici. Elle était assez curieuse mais elle préférait ne pas trop l'abreuver de questions. Elle voulait d’abord savoir si ses paroles étaient cruciales ou si ce n'était qu'un délire d'homme ivre.
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Par quelle sorcellerie les rôles s’étaient-ils inversés ? C’était lui l’égaré qui ne comprenait rien à son environnement tandis que le jeune femme naïve et intimidée prenait de l’aplomb dans son milieu naturel. Ici, elle n’était pas la petite Shog perdue, effrayée par le moindre bruit. Elle était l’aubergiste, et aucun homme n’était assez fou pour lui désobéir dans son établissement lorsqu’elle le menaçait avec un vieux torchon ou avec un chope vide, mieux fallait s’exécuter sur-le-champ au risque de se le prendre à travers la figure. Eccho n’avait pas besoin de savoir tout ça pour comprendre l’autorité qu’elle exerçait dans ce lieu. Elle était la chef ici, et on ne défie pas une femme de pouvoir. L’air absolument hébété, il s’installa sur le lit, troublé de se soumettre à l’autorité de la Shog. Mais il n’était pas au bout de ses surprises : le revirement de situation allait encore plus loin, voilà que c’était à la Sang-Maudit de lui faire des petites leçons de survie dans ce milieu hostile. Coudes sur les genoux, ses mains abîmées massaient ses tempes pour rassembler ses pensées.

— Je...

Il ne comprit pas tout ce qu’elle disait, mais sur le fond, il pensait être de son avis : Thorian l’avait arnaqué, et il comptait bien le lui faire payer, mais pas tout de suite, apparemment. En effet, Jezabelle ne comptait pas le laisser partir. Elle se donnait des excuses pour l’obliger à rester, il avait beau nager dans la confusion, il n’était pas né de la dernière pluie. Plusieurs fois il essaya de l’interrompre. Empressée de l’aider à tout pris comme elle l'était, elle continuait de s’affairer autour de lui alors sa migraine s’intensifiait. Elle voulait le soigner, puis le nourrir, puis qu’il se repose et en fait qu’il parle. Le plus important de la conversation, à savoir la raison pour laquelle il se trouvait à Claircombe, passa à la trappe illico, engloutie par tout le reste.

— Jezabelle ! Stop ! s’exclama-t-il soudain en écartant les bras pour qu’elle cesse enfin. Le regard abasourdi qu’elle lui adressa, les lèvres pincées le fit soupirer d’un mélange d’exaspération et d’amusement. Elle ne pouvait pas s’en empêcher, c’était plus fort qu’elle. Dès qu’elle voyait une opportunité de se foutre dans les emmerdes, elle plongeait dedans. Avant, c’était une aventure qui s’annonçait mortellement dangereuse, ou le cas désespéré de ce nomade qu’elle avait pris pour son sauveur sur un malentendu. Aujourd’hui, c’était le moment de le sauver pour lui rendre la pareille ou peut-être pour qu’il voit enfin qu’elle pouvait être utile et intéressante. Il n’avait pas besoin de ça pour le voir. Le silence froid qui retomba aussitôt le mit mal à l’aise. Il frotta sa barbe désemparé et releva son regard vers la jeune femme, raidie par son intervention.

— Il faut que tu arrêtes. Il faut que tu arrêtes de chercher à te punir à la moindre occasion. Il faut que tu arrêtes de chercher les ennuis, car tu les trouveras toujours. Puis eux aussi, ils te trouveront, regarde ! Fit-il en se désignant lui-même comme le nouveau problème de la situation. Comme elle ne semblait pas comprendre, il attrapa sa main pour la tirer doucement devant lui. Toujours assis, pour une fois, il devait lever les yeux pour lui adresser la parole.

— Je ne suis pas un enfant qu’on protège et qu’on nourrit. Je suis un homme, je suis un chasseur, fit-il en se relevant de toute sa stature. Il passa un doigt sur le menton de Jezabelle pour le relever vers lui. JE protège. JE nourris.

Comme pour le narguer son estomac gronda, brisant son air très sérieux. Ses propos très virils et très dominants, venaient d’être réduit à néant par un de ses besoins les plus primaires.

— Bon. Peut-être pas aujourd’hui… maugréa-t-il contrarié, en se laissant retomber sur le lit. C’était bien la peine de bomber le torse comme ça pour bouder exactement comme un enfant qui avait trop faim et qui n’avait pas assez dormi.

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Mar 16 Mar - 0:23
Jezabelle n'avait pas eu une enfance facile. Ni même une adolescence de rêve à bien y réfléchir. C'était pour cela qu'elle tentait lorsqu'elle le pouvait d'aider ceux dans le besoin. Et puis, Eccho n'était pas n'importe qui. Il avait été celui qui l'avait aidé elle lorsqu'elle en avait eu besoin dans cette forêt. Ils s'étaient quitté en des termes assez froids mais cela ne l'empêchait pas de se faire un devoir de l'aider à son tour. Elle était apparemment beaucoup trop empressée pour le malade qui en eut assez d'elle et le lui fit bien comprendre à sa façon.

La jeune femme stoppa net son entreprise et fixa son regard sur lui. Elle ne comprenait pas ce qu'elle avait bien pu faire de travers. Et lorsqu'il tenta de lui expliquer les choses, elle ne saisit pas d'avantage. De quoi parlait-il au juste ? Se chercher des ennuis ? Ce n'était quand-même pas sa faute à elle si ces fameux ennuis lui tombaient toujours dessus ! C'était un comble tout de même d'entendre un type qu'elle n'avait croisé qu'à peine vingt-quatre heures lui parler de la sorte !

Cependant, lorsqu'il prit sa main, son corps frissonna sans même qu'elle puisse y faire quoi que ce soit. Les yeux verts du nomade la hantait quelques fois la nuit. Et aujourd'hui, il était là devant elle. Comment pouvait-elle encore défaillir alors qu'il était parfaitement imbuvable avec elle ?! Il se leva finalement et la fixa de toute sa hauteur. Mais Jezabelle se mit une énorme claque mentale et se rappela alors de ses mains qui avaient enserré son cou et la sensation qu'elle avait ressenti à ce moment-là.

Lorsqu'elle le vit retomber mollement sur le lit, elle fronça les sourcils et se détacha un peu trop vivement de lui. Il était le chasseur mais il ne disait pas non à ce qu'elle lui fasse la cuisine. Mais bien sûr ! Tous les même !

"TU protèges et TU nourris dis-tu ? Et en attendant, regarde-toi ! Tu es là tel un vieux chien à trois pattes qui refuse de l'aide !"

Jezabelle soupira alors mais son regard dur restait fixé sur l'homme devant elle. Elle en avait plus qu'assez que tout le monde sache exactement ce qu'elle devait ou ne devait pas faire et ce qu'elle devait être. Et elle se détestait de ressentir autant d'émois envers lui, ce type, qui était là en train de la rabrouer, juste devant elle ! Là tout de suite, la rage montait en elle et elle l'aurait bien giflé s'il n'avait pas été aussi mal en point. Un moment, ses yeux se fermèrent et elle se pinça l'arrête du nez comme pour rester maîtresse d'elle-même. Mais s'en était trop pour elle.

"Rassure-toi, je ne vais pas te laisser mourir de faim dans mon établissement !" fit-elle alors d'un ton sec. "Mais à ta convenance, la prochaine fois que je te vois à moitié mort dans la rue, je te laisserai crever tout seul et ce même si tu viens pisser le sang sur le pas de ma porte !"

Puis sans même écouter une quelconque réponse, elle claqua la porte derrière elle en sortant. Il fallait que ça sorte, elle en avait marre des jérémiades et des excès de testostérone. Il ne voulait de son aide ? Grand bien lui fasse ! Elle allait lui faire à manger afin qu'on ne dise pas d'elle qu'elle aurait laissé un client affamé sortir de chez elle et ensuite, dehors le nomade ! A croire que c'était un trait de leur race d'être aussi pénible et incompréhensible !

Tout au long de la descente d'escaliers et du chemin qui menait à la cuisine, Jezabelle maugréait sur les nomades et sur les hommes en général. Ils étaient tous les même, ils ne valaient rien, ils pouvaient aller se jeter dans le fleuve, etc, etc. Elle ne faisait même pas attention à ce qui l'entourait ni même à son frère qui se demandait ce qu'il lui prenait en la voyant passer. La jeune femme arriva finalement près des fourneaux et comme par automatisme se mit au travail, toujours en ronchonnant, sourcils froncés. Quelques instants plus tard, son frère apparut dans la pièce, se risquant à quelques explications avec elle.

"Jez' ? Qu'est-ce qu'il se passe ?"
"Rien !"
"Parle-moi. Est-ce que ce type t'a fait quelque chose ?"
"Ce type est un crétin fini !"
"Ok. Mais sinon ?"

Théodore avait bien remarqué qu'elle n'avait pas rejoint le deuxième étage de la nuit. Il avait donc espéré qu'elle lui explique tout ça, sans les détails bien évidemment. Si jamais elle avait une aventure avec ce gars, il aurait bien aimé le savoir.

"Sinon quoi ? C'est juste un abruti et c'est tout !"
"Jez'..." se risqua le jeune homme avant de se racler la gorge.
"Quoi ?!"
"Est-ce que... Enfin, j'ai vu que tu n'étais pas montée dans ta chambre cette nuit alors..."
"Alors tu penses que j'ai couché avec ce nul ?" cria t-elle, se fichant royalement que les clients entendent. "C'est ça l'opinion que t'as de moi ? Que je couche avec tous les types qui se présentent à moitié crevés devant la porte ?"
"Non non ! Écoute, laisse tomber ok ? Je retourne en salle et toi... fais ce que tu veux."

Jezabelle ne répondit rien et le laissa repartir. Elle finit par pousser un cri de frustration et jeta une assiette contre le mur. Elle posa ses mains sur son visage et hurla à l'intérieur. Cette auberge ! Elle ne pouvait plus la voir ! Cette vie, ce n'était rien de plus qu'une illusion ! Elle en avait assez de tout ça, de toutes ces corvées, de tous ces poivrots ! Toute sa colère et sa frustration remontait d'un coup, tout ressortait comme une boîte de Pandore qu'on venait d'ouvrir. Mais y avait-il l'espoir au fond de Jezabelle ? Elle commençait à en douter... Est-ce que tout cela était un effet secondaire du traitement qu'elle avait entamé ? Ou bien ce n'était rien de plus que ce qu'elle avait enfoui en elle depuis si longtemps et qui sortait enfin au grand jour ?

Prenant un siège, la jeune femme s'affaissa un moment et fixa le sol. Comment une simple journée avec cet idiot de nomade avait pu semer autant le trouble en elle ? A présent, elle doutait de tout et même d'elle-même. Elle promena son regard autour et se demandait si sa place était vraiment ici. Elle avait toujours douté de ce fait, peut-être qu'elle avait toujours eu raison au fond... Peut-être... Peut-être qu'elle pourrait en parler à Adrian un jour ? Elle ne savait pas trop si cela allait servir à quelque chose mais il fallait bien qu'elle en parle à quelqu'un. Sinon cela allait continuer à la ronger de l'intérieur...

Jezabelle soupira une nouvelle fois et prit sur elle. Elle reprit alors ce qu'elle était en train de faire. Plusieurs minutes plus tard, le ragoût était en train de mijoter à gros bouillons. Elle en avait fait bien assez pour plusieurs portions de sorte qu'elle n'ait pas à cuisiner toute la journée pour la taverne entière. Et puis pour une fois, Théodore n'avait qu'à se débrouiller tout seul. Sur un plateau, elle dressa une assiette de viande revenue dans la sauce ainsi que quelques légumes et un bout de pain frais. Elle hésita un moment puis ajouta quelques petits gâteaux miel-gingembre-canelle qu'elle avait confectionné la veille. En voyant le plateau, elle leva les yeux au ciel et soupira bruyamment, se sentant parfaitement stupide de prendre autant soin de ce malade totalement antipathique. Alors même qu'il ne voulait pas de son aide ! Elle poussa un nouveau cri de frustration, empoigna le plateau et monta les marches d'un pas décidé.

Sans même frapper, elle ouvrit la porte et se dirigea vers la commode. Puis elle posa le plateau dessus sans grande finesse. Rien ne fut cependant renversé, fort heureusement.

"Mange ce que tu veux" se contenta t-elle de dire froidement sans même le regarder. "Je reviendrais chercher le plateau tout à l'heure, je te laisse tranquille."

Tout son corps tremblait tant elle se contenait. Mais se contenir de quoi au juste ? De lui en coller une ? Ou bien de lui sauter au cou ? Elle-même n'en savait rien au final. Et elle ne voulait pas le savoir en fait, elle préférait repartir comme il le souhaitait. Toujours de dos, elle avisa la porte mais n'arrivait pas à la franchir. Soudain elle fit volte-face et le toisa d'un regard déterminé.

"Pour ton information, c'est pas moi qui cherche les ennuis, ce sont eux qui viennent à moi ! Que je sache, je n'ai jamais cherché à ce que tu te tortilles à moitié crevé dans une flaque de sang à deux pas de chez moi ! Je dois effectivement être plus maudite encore que ce que tu pensais !"

* * * * *

Pendant ce temps, au rez-de-chaussée...

"Elle a pas l'air commode la tavernière aujourd'hui."
"Non pas vraiment..."
"T'as essayé de la calmer Théo ?"
"Quand elle est comme ça, y'a rien à faire. Je préfère ne pas insister, je ne veux pas me prendre un coup perdu."
"Ouais comme tout à l'heure ?"

Toute la tablée se mit à rire à la dernière remarque alors que le frère lui, baissait les yeux, un peu honteux que tout le monde ait entendu la conversation qu'il avait eu avec sa soeur.

"Va bien falloir que tu la laisse partir un jour ou l'autre tu sais."
"Je sais..."


Dernière édition par Jezabelle Linderoth le Mar 16 Mar - 14:54, édité 1 fois
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Mar 16 Mar - 12:41


Bien fait, c’était bien fait pour lui. Mais qu’est-qu’il lui avait pris de se mettre à argumenter avec une femme ? A l’écouté il l’avait forcée à l’aider en attendant devant sa porte pour quémander son aide, un comble ça aussi. La dernière chose qu’il aurait souhaité, c’était la revoir, car elle représentait tout ce qui le terrifiait : l’inéluctabilité d’un destin de déchu. A nouveau il enserra sa tête entre ses mains pour atténuer la douleur provoquée par les cris aigus. Vaarkarsh le prenne en pitié, voilà qu’il était enfermé entre quatre murs avec cette femelle en lune rouge. Son regard chercha une échappatoire, impossible d’atteindre la porte sans y risquer ses tympans, la seule issue restait la fenêtre. Avant qu’il ait le temps d’agir, Jezabelle disparut claquant la porte derrière elle, furieuse de son impassibilité, ou peut-être simplement d’avoir entendu la vérité.

Un silence mortel retomba dans la pièce, Eccho souffla de soulagement. En bas, il pouvait entendre un fond de brouhaha où beaucoup de personnes semblaient discuter et rire. Il se leva pour ouvrir la fenêtre, dû observer un moment le mécanisme avant de parvenir à ses fins. Un vent glacial s’engouffra par l’ouverture, le nomade inspira profondément. L’air n’était pas aussi bon qu’à l’extérieur, des odeurs de nourriture ou de puanteur parasitaient son odorat. Il fronça le nez contrarié et se pencha pour voir ses options. La neige s’amassait sur les toits, les rendant glissants. Cependant, ses aptitudes à l’escalade lui permettraient certainement d’emprunter ce chemin dangereux s’il s’y trouvait obligé. Les poutres qui émergeaient de la pierre offraient des prises intéressantes et pratiques. De là, il pouvait accéder à d’autres bâtisses, en marchant sur les toits. Une vue imprenable pour qui voulait voir sans être vu, comme les nomades le faisaient depuis les arbres. Un sourire d’excitation se dessina sur ses lèvres à l’idée d’explorer cette drôle de jungle créé par l’homme. Comme pour le rappeler à l’ordre, la douleur dans son crâne se remit à le lancer, il se rallongea sur le lit. Le courant d’air faisait gronder le feu, mais rafraîchissait la pièce devenue trop chaude au goût du chasseur qui pourtant n’était pas si vêtu. Il s’assoupit à nouveau.

Combien de temps ? Deux minutes ? Deux heures ? Pas assez en tout cas pour que la brune est décoléré. Elle déboula subitement, le faisant bondir hors du lit sans qu’il ne trouve son couteau de chasse habituellement toujours près de lui. Ce changement de position soudain provoqua un vertige. Il lui fallut de longues secondes pour se rappeler d’où il était. Jezabelle quant à elle n’avait jamais cessé de se rappeler ce qui s’était passé, elle avait peut-être rejoué la dispute plusieurs fois dans sa tête en imaginant quoi lui balancer lors de son retour. Remontée à bloc, elle continuait la dispute qu’il avait initié quelques heures plus tôt. Car oui, à ne pas s’y tromper, ce ton froid et ce mépris n’étaient que la suite. Et c’était loin d’être fini, il le savait, ça allait repartir, à n’importe quel moment. Eccho n’aimait pas être surpris, il préférait de loin contrôler la situation même si lorsqu’une femme s’y trouvait tout devait être justement dosé au risque de déclencher un cataclysme inébranlable. Il se contenta donc de serrer la mâchoire dans un premier temps. La colère la faisait trembler, mais elle ne pouvait pas se résoudre à partir, puisque c’était à lui qu’elle voulait s’en prendre. Alors il lui en donna l’occasion.

— Ne fais pas comme si j’avais eu le choix de refuser ton aide. C’est toi qui a choisi. Tu fais l’offusquée, tout ça pour répété mes mots, mais tu en oublies la moitié. Les ennuis viennent à toi, oui, mais parce que tu leur ouvres la porte.

Bien peu de personnes peuvent accepter une vérité déplaisante, surtout quand on n’est pas assez serein pour l’entendre. La réaction ne se fit pas attendre, la gifle partit, aussitôt attrapé au vol par des réflexes encore aiguisés. Merde, merde, merde. Il se maudit aussitôt, il aurait dû la laisser avoir cette satisfaction-là au moins, ça l’aurait soulagée, mais trop tard. La colère de la jeune femme se mua instantanément en rage, ses yeux lançaient des éclairs. Le poing libre qui restait ne tenta pas sa chance comme on l’aurait cru, mais son genou, oui. Les femmes et les coups au-dessous de la ceinture. L’intensité de la douleur était telle qu’elle lui coupa le souffle, sa vue se zébra de blanc et son corps se plia en deux comme pour vomir sa souffrance. La pulsation insupportable vibrait encore le long de son système nerveux alors que sa main se restait crispée, empêchant la sournoise de se dégager de sa poigne. A l’inspiration suivante, la douleur d’Eccho se changea en colère à son tour. D’une main, il maintenant fermement le bras droit de la fourbe, de l’autre, il agrippa le creux de son genou gauche pour la soulever dans un craquement de tissus et la faire basculer sur le lit, l’écrasant sous son poids. D’un vif mouvement de jambe, il força la cuisse qu’il ne tenait pas à s’écarter avant de bloquer tous ses mouvements de bassin, car il savait apprendre de ses erreurs. Haletants, enragés et tendus par l’incompréhension de sentiments contradictoires qui les tourmentaient, une fraction de seconde passa. Son teint porcelaine détonnait entre les mèches de cheveux noires ébouriffées qui retombaient un peu partout sur son visage et autour d’eux. Sa belle robe bleue était désormais fendue jusqu’à la naissance de sa cuisse, laissant cette dernière complètement nue dans la main du nomade. Il sentait ses formes féminines contre son torse, et leurs bassins collés l’un à l’autre n’arrangeait pas l’éveil d’un danger encore endolori par l’attaque furtive. Elle ne pouvait plus lui échapper, il ne pouvait plus s’y soustraire. Comme leurs regards ne se quittait plus, il l’embrassa sans plus retenir la violente attraction qu’elle exerçait sur lui, surtout maintenant qu’elle était furieuse. S’il y avait bien une manière de calmer une femme en colère c’était peut-être de la faire crier d’autres sentiments. Il s’arracha à ses lèvres, décidé à entretenir ce cocktail explosif quitte à foirer les doses pour construire une frustration plus grande encore.

—Tu n’es plus obligée de te retenir, murmura-t-il. Un sourire narquois et joueur étira ses lèvres. Pour crier mon nom, je veux dire.

Jezabelle Linderoth
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Mar 16 Mar - 15:51
[Le Phoque Rieur] Chasser des fantômes au risque d'y perdre l'âme Pegi1811

Ces mots... S'en était trop pour Jezabelle ! Quel culot avait-il de la juger de la sorte ? Sa main se leva d'instinct, son geste empli de fureur voulait trouver une fin à tout ça. Cependant, elle se trouva arrêté en plein vol et la frustration l'emplissait toute entière. Elle aurait hurlé de rage mais ce fut comme un réflexe et son genou trouva son chemin de lui-même. Une réelle satisfaction se dégagea de ce geste même si quelque part au fond d'elle, elle s'en voulait d'en être arrivée là. Elle essaya par tous les moyens de dégager son bras, tirant dessus jusqu'à s'en faire mal mais rien à faire, il tenait bon le bougre. La situation commençait sérieusement à déraper... S'il s'en prenait à elle, elle ne ferait clairement pas le poids. Et en parlant de poids... Sa légèreté lui joua des tours alors qu'il la soulevait comme une vulgaire plume, faisant craquer sa robe au passage.

La jeune femme émit un léger cri lorsqu'il la plaqua sur le lit, plus par surprise et par frustration que par douleur. Elle se débattait comme une furie alors qu'il s'occupait de verrouiller une à une ses chances de fuite. Elle finit par abandonner dans un cri de rage et malheureusement pour elle, le bruit au-dessous faisait que personne n'entendrait si elle venait véritablement à crier sa détresse.

Une fraction de seconde passa.

Jezabelle se rendit enfin compte du corps du nomade contre le sien. Elle pouvait sentir son coeur battre à tout rompre tout contre lui, leurs souffles se mêlaient l'un à l'autre tout comme cette fois-là près de la rivière... Elle releva ses yeux et croisa le regard hypnotique d'Eccho et elle sut alors qu'elle était perdue. Elle restait dans cet état d'adrénaline qu'ils avaient entretenu mais elle ne pouvait résister à ce qui se présentait devant elle. Un moment elle eut peur. Cette même peur qui l'avait submergé. Elle ne voulait pas qu'il parte, elle ne voulait pas qu'il la laisse seule... Et pour son plus grand plaisir, ce fut lui qui prit ses lèvres sauvagement. Elle savoura pleinement ce baiser comme une véritable bouffée d'oxygène, comme l'air qui lui était absolument nécessaire pour vivre.

Tant de choses passaient dans sa tête, du désir, de l'appréhension, de la peur. Mais d'instinct, sa jambe s'enroula autour du corps du nomade, dévoilant un peu plus sa cuisse. La phrase qu'il prononça alors la fit sourire et en guise de réponse, elle empoigna sa tignasse et initia un autre baiser. Sa langue passa langoureusement sur la lèvre tuméfiée d'Eccho démontrant là qu'elle ne comptait pas abandonner. Lorsqu'elle sentit sa main remonter le long de sa cuisse, un frisson remonta de ses reins tout au long de son échine et jusque dans sa nuque. Elle ne put retenir un gémissement alors qu'il dévorait son cou et émit même un petit cri alors qu'il la mordillait. Les ongles de la jeune femme s'enfoncèrent dans le bras de son amant et lui arrachèrent une égratignure le long de l'avant-bras.

Ce moment, elle en avait rêvé.

Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas partagé de couche avec un homme. C'était étrange le flot de sentiments qui la parcourait en ce moment... Tout était confus mais l'instant restait délicieux. Et elle finit par s'abandonner totalement à tout ça, laissant son esprit flotter dans un flou empli de chaleur.

La main d'Eccho passa sur sa gorge et elle frémit. Malgré tout, elle sentait que cela faisait seulement partie du jeu et malgré elle, elle aima ça. Un autre baiser appuyé la submergea alors et tandis qu'il se relevait elle sentit d'un coup les boutons de son corsage céder, libérant ainsi sa poitrine de son carcan. Elle n'était pas opulente mais ses monts étaient comme moulés pour entrer exactement dans la main. Seules les trois lignes fines qui la zébrait, héritage de son affrontement avec le félon, venaient gâcher cette perfection. Mais comme pour se rappeler à son bon souvenir, son passé refit surface alors que le nomade effleurait cette immonde marque sur son ventre. Et mue par un réflexe, elle la cacha de ses bras et détourna le regard. Tout son corps tremblait à présent sans qu'elle puisse rien n'y faire.

Jezabelle maudissait l'homme qui lui avait infligé ça. Mais plus encore, elle se maudissait elle-même de ne pas pouvoir passer outre. Une larme commença à perler sur sa joue sans qu'elle puisse la retenir et elle ferma les yeux.

Non. Elle ne voulait pas être ce genre de femme. Pas alors qu'il était là avec elle. Parce que c'était lui que son corps avait choisi. Et elle ne pouvait pas faire marche arrière, pas maintenant. Elle prit une grand inspiration et reprit contenance peu à peu. Elle l'avait sentit hésiter et stopper. Alors elle reporta non sans difficulté son regard sur lui et tendit sa main vers lui. L'amenant à elle, elle passa ses bras autour de son cou et enfoui sa tête contre lui.

"Continue..." souffla t-elle à son oreille, toujours tremblante.

Malgré une douleur qui pointait dans son ventre, elle ne voulait pas que ça s'arrête. Cela ne devait pas s'arrêter. Il fallait briser le cercle infernal dans lequel elle s'était enfermée. Et si ce n'était pas lui alors ce ne serait personne... Elle savait qu'elle aurait mal. Mais elle devait continuer et profiter de ce désir qui pulsait en elle à chaque fois qu'elle croisait ses yeux.
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Mar 16 Mar - 23:18


Lutter pour deux était déjà bien difficile, peut-être même encore plus difficile pour un homme quand rien ne l’oblige à assumer les conséquences de ses actes. Toutes les excuses qui avaient pu faire barrage à ses envies bestiales, sa morale, sa foi, ses traditions, ses convictions, sa raison, toutes avaient tenu bon jusqu’ici. Jusqu’à ce que la colère balaye le bon sens pour ne laisser place qu’au présent. Et dans ce présent, une créature séduisante qui incarnait ses peurs, ses interdits et l’inconnu à la fois, se retrouvait coincée à sa merci. La volonté de contrôler toutes ces choses, couplée à la beauté indubitable de cette femme qui l’électrisait par son simple contact ne pouvait qu’attiser son désir. Quoi qu’il entreprit, Jezabelle ne résistât pas, au contraire. Ses réactions épidermique de surprise et de plaisir jetaient de l’huile sur le feu de la passion que même la brise hivernale ne sut refroidir. Quand Eccho effleura son cou, ce n’était pas seulement pour caresser l’idée du pouvoir qu’il pouvait exercer, c’était surtout pour choisir de ne pas en abuser. Puisqu’il ne pouvait pas libérer son âme, au moins il saurait libérer son corps. Sur sa poitrine, les griffures du félon s’étaient bien estompées mais restaient encore visibles tant la peau était fine. Ses doigts coururent le long des traits s’égarant sur quelques reliefs. Continuant son exploration, il fut interrompu lorsqu’il arriva à la cicatrice qu’elle redoutait tant. Crispée par l’appréhension et beaucoup d’autres choses, son bras se rabattit pour la cacher. La honte la poussa à détourner le regard. Doucement, il l’enveloppa d’un bras alors que son autre main se glissait sous la joue de la jeune femme encore coincée dans ses cauchemars. Son pouce écrasa la larme pour l’essuyer sans la presser. Quelques inspirations la calmèrent avant qu’elle ne se blottisse au creux de son épaule. Quoiqu’elle en dise, il sentait bien que ce n’était pas tout à fait le moment de continuer. Il n’avait rien oublié de tous les mots qu’il avait pu lui dire. D’abord parce qu’ils étaient peu nombreux. Ensuite parce qu’il avait pesé chacun d’entre eux. Contre son oreille, il lui chuchota des paroles qu’elle avait déjà entendues.

— Les lâches n’ont pas de cicatrices.

Il se redressa un peu pour qu’ils échangent un regard, peut-être de quoi lui accorder la confiance pour ce qu’il s’apprêtait à faire. Il la sentit se détendre un peu alors il se mit à la couvrir de baisers, lentement. Depuis son cou jusqu’à la clavicule, puis s’attardant sur les creux et monts qu’il rencontrait jusqu’à descendre toujours plus bas, près de sa  cicatrice, pour embrasser doucement la peau abîmée et la peau lisse sans distinction aucune. Si elle n’aimait pas son corps, il l’aimerait pour elle. Et c’est ce qu’il fit, après s’être débarrassé des derniers pans de tissus qui lui faisaient obstacle. Les gémissements de Jezabelle lui indiquaient les zones où il devait s’attarder. Il prenait un malin plaisir à contrôler la dose de plaisir qu’elle pouvait recevoir en prenant soin de ne pas la satisfaire totalement, la laissant sur cette limite où elle se languissait encore. Ce petit jeu avait le mérite d’assouvir ses pulsions de contrôle mais bientôt il se trouva pris au piège de ses propres envies. Il se redressa pour s’agripper à ses hanches et l’inviter dans une danse autrement plus intéressante.

Jezabelle Linderoth
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Mer 17 Mar - 3:28
Ces mots qu'il susurra au creux de son oreille... Elle s'en souvenait. Elle se devait d'être forte et d'affronter enfin ses démons. Si elle arrivait à dépasser sa peur en cet instant alors elle aurait franchi un cap et serait à n'en point douter sur le chemin de l'acceptation. Les yeux du nomade finirent par la rassurer et son corps trembla un peu moins. Elle frissonna tandis qu'il entreprenait là un tout autre voyage, plus lent, plus doux mais tout aussi agréable.

La douleur était toujours présente dans son bas ventre. Elle ne put d'ailleurs l'empêcher de s'intensifier alors qu'il embrassait cette zone ô combien tabou pour elle. Mais la douceur dont il faisait preuve la mettait irrémédiablement plus à l'aise. Ses caresses étaient telles une brise soufflant un soir d'été dans les feuilles. Et ses baisers électrisaient chacun des endroits que ses lèvres touchaient. La bouche de la brune s'entrouvrait à chaque toucher et elle ne pouvait contenir les geignements qui s'en échappaient. Les yeux mi clos, Jezabelle sentait bien qu'il savourait le jeu dans lequel il l'avait embarqué. Ses légers cris de frustration alors même qu'il l'abandonnait à la limite de la jouissance rythmaient la cadence.

La jeune femme sentait les doigts de son amant se poser aussi bien sur elle qu'en elle et elle agrippait fermement les draps afin de contenir ses ardeurs. Tout ce temps passé seule, sans aucune forme de plaisir partagé, toute cette privation absolue de promiscuité... Elle essayait tant bien que mal de ménager les choses mais ses mouvements de bassin démontraient bien là une envie plus forte encore, l'envie de finaliser la danse qu'ils avaient entamé ensemble.

Et c'est ce qu'ils firent.

Le premier instant arracha un cri à Jezabelle. De la douleur mêlée à un plaisir intense. Elle grimaça légèrement et son souffle se fit plus court. Cependant, plus l'étreinte durait, plus sa souffrance s'amenuisait au profit du délice de l'instant. Le volume sonore de la jeune femme montait en décibel et elle se mordit alors la lèvre pour s'empêcher de crier. Dieu merci, le brouhaha au rez-de-chaussée se faisait plus intense lui aussi et coupait tout ce qui pourrait provenir de la chambre. Elle sentait les mains de son amant parcourir son corps et à ce moment, les parcelles qu'il caressait n'avaient plus aucune importance. Il avait levé le blocage et l'amenait tout droit vers l'infini et au delà. Elle le sentit un moment ralentir la cadence et se pencher vers elle et malgré la brume qui embrouillait son esprit, elle l'entendit répéter cette même phrase qu'il avait prononcé au départ. Puis il mordit à nouveau son cou comme pour la faire réagir.

Le nom du nomade franchit instantanément les lèvres de Jezabelle en un cri plus fort qu'elle n'aurait voulu et ce fut apparemment le coup de fouet qui l'excita d'avantage. La chevauchée redoubla d'intensité, secouant leurs corps et les faisant haleter comme s'ils couraient depuis des heures. Et ce fut le feu d'artifice pour Jezabelle. Mille étoiles passèrent devant ses yeux alors que son cri était étouffé par les lèvres de son amant. Tout son corps fut parcouru de spasmes tandis que Eccho venait à son tour en un soufflement rauque.

Tout retomba dans la pièce. Seuls leurs souffles courts se faisaient entendre alors qu'ils se remettaient de l'expérience. Et malgré le froid glacial qui soufflait par la fenêtre, l'un comme l'autre étaient en sueur.

Jezabelle gémissait à n'en plus finir, se tortillant sur les draps. Son coeur battait à tout rompre et elle n'arrivait clairement pas à descendre de son nuage. Son corps avait visiblement oublié l'effet que cela pouvait faire et il comptait bien en profiter au maximum. Elle était dans un monde cotonneux où plus rien n'avait d'importance. Et au bout de plusieurs minutes, elle se mit à rire alors même que des larmes coulaient sur ses joues. Elle ne savait pas trop quoi penser ni éprouver, c'était comme un barrage qui avait cédé et toutes les eaux du monde se déversaient en elle et sur elle.

Comment avait-elle fait pour se priver aussi longtemps de cette immense sensation de bien-être ?... Autrefois cela avait peut-être du sens. Mais à présent, elle se posait réellement la question. Lorsqu'elle se calma enfin, elle se tourna vers Eccho, lui adressant le sourire le plus béat qu'elle n'avait jamais arboré de sa vie. Elle lui caressa doucement la joue et embrassa ses lèvres avec douceur. Puis elle vint se blottir juste contre lui, ne voulant absolument pas briser l'étreinte.
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Mer 17 Mar - 19:19


S’il ne connaissait pas le secret derrière cette cicatrice, Eccho se serait demandé si toutes les Shogs souffraient d’un tel manque d’attention de la part de leurs hommes. Mais Jezabelle n’était pas comme les autres femmes de Claircombe, son passé était lourd, son corps blessé avait été scellé par un monstre, enfermé dans  une peur qu’elle n’avait affronté qu’aujourd’hui. Ses larmes en témoignaient, mais celles-ci exprimaient la libération tant attendue. Elle n’était plus victime de ce qu’on lui avait fait, elle pouvait désormais choisir ce qu’on lui faisait et en jouir pleinement. Son visage et ses caresses n’exprimaient plus que de la reconnaissance. Il lui rendit son sourire et la laissa se glisser près de lui et poser sa tête sur son torse. Pourtant quelque part, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’ils n’auraient jamais dû. Il sentait qu’elle se raccrochait à lui, pire il la laissait s’accrocher à lui alors qu’ils savaient tout deux qu’aucune union n’était possible. Elle était sédentaire. Il était nomade. Ni l’un ni l’autre ne renoncerait à sa vie.

Cette pensée le percuta de plein fouet et le refroidit aussitôt. Quelques battements de cils suffisaient-ils donc à le détourner du droit chemin ? Quel genre de croyant était-il pour résister si faiblement aux épreuves de la Tridéité ? La migraine le reprit et il se frotta la tempe comme si ce geste pouvait l’aider à trouver une solution. Son regard se posa sur le plateau abandonné à côté de lui, le creux dans son estomac le poussa à se sustenter, il tendit le bras pour se saisir le plat. La céramique était froide mais il n’était pas du genre à rechigner là-dessus, bien que Jezabelle suggéra la possibilité de le réchauffer. En quelques cuillères c’était engouffré, il observa le pain, curieux, le cassa pour en observer l’intérieur et le dévora à son tour. Les choses les plus curieuses restait ces autres petits pains tout collants de miel. Il les observa intrigué, renvoya un regard interrogateur à Jezabelle.

— Goûte ! C’est des gâteaux, s’exclama-t-elle amusée par tous ces examens. Comme elle l’y encourageait, il croqua à pleine dent dans la texture briochée. Le goût du miel, du gingembre qu’il utilisait habituellement en soupe ou avec la viande, et le sucre explosèrent dans sa bouche. Troublé, il se mit à mâcher lentement.

— Il n’y en a pas dans vos tribus ? demanda-t-elle étonnée récupérant une brioche.

— Des comme ça, non. On a des sucreries au miel pour les enfants, mais pas moelleuses comme ça, fit-il pensif. A bien y réfléchir, les nomades n’avaient que très peu de mets sucrés. Traditionnellement, ils préféraient la viande séchée pour les en-cas ou des biscuits secs aux fruits pour leur facilité de conservation et le peu de place que ça prenait. C’est très très sucré. C’est très bon, conclut-il en se resservant. Il sentait ses yeux sur lui, il lui jeta un regard en biais en cessant de mâcher, puis avala sa bouchée. Ce minois attendrissant devenait difficile à ignorer.

— Ne me regarde pas comme ça… déconseilla-t-il en penchant la tête comme si il savait très bien ce qui se tramait. Le pire était sans doute qu’il le savait mieux que la principale intéressée.

— Comment, « comme ça » ?

L’insouciance dont elle faisait preuve avait quelque chose de troublant. Elle semblait totalement déconnectée de la réalité. Il la sentait bien s’attacher, il ne pouvait pas l’en empêcher mais il devait lui rappeler que tout ça ne mènerait à rien.

— Comme une femme qui veut que j’emménage dans sa hutte, remarqua-t-il sans tourner autour du pot. Immédiatement elle détourna le regard en s’enfermant dans un mutisme qu’il lui connaissait. Elle n’aimait pas les conflits et le silence était son meilleur bouclier. Cependant, il n’était pas là pour l’attaquer.

— Ne sois pas fâchée, je ne t’ai rien caché. Tu savais déjà. « Nul ne s’installera sur les terres de Vaarkarsh. ».  Je suis nomade, c’est notre loi. Je ne peux pas vivre ici. L’âme n’a aucun prix.

N’en a-t-elle vraiment aucun ? Et à combien s’élevait le prix du bonheur ? Existait-il seulement ?

— Je ne peux rester ici que jusqu’à la nouvelle lune, cinq soleils. Je dois trouver ce qu’est « Port-aux-Echoués. Tu connais ?

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Jeu 18 Mar - 18:00
Jezabelle était juste bien. Sa main se promenait nonchalamment sur le torse de son amant et pour la première fois, elle ne voyait aucune ombre devant ses yeux. Elle pensait... Non c'était stupide... Il était le premier qui lui faisait ce genre d'effets et pourtant, elle savait bien que c'était idiot de laisser son esprit divaguer... Le voir attraper de la nourriture la sortit un temps soit peu de ses rêveries et malgré les protestations de la jeune femme, il engloutit tout le repas froid. En le voyant manger de bon coeur, elle ne put s'empêcher de rire. Il était comme un enfant qui découvre de nouvelles choses. Et son coeur rata un battement lorsqu'il la complimenta sur ces simples petits gâteaux.

Les yeux de la brune étaient remplis d'étoiles en le regardant. Et son sourire ne quittait pas ses lèvres. Une fois de plus elle se perdit dans ses pensées. Et c'est là qu'il fit pointer les ténèbres... S'enfermant dans son mutisme, elle détourna les yeux tel un aveux... Elle aurait rêvé que cette journée ne finisse jamais. Et ce même si elle savait pertinemment que ce n'était pas possible, elle n'était pas si stupide. Pourquoi cela faisait-il aussi mal alors quand il abordait le sujet ?... Soudain, elle sentit le froid sur elle et entoura ses jambes de ses bras.

Cinq soleils disait-il... C'était le temps qu'elle pourrait profiter de lui. Est-ce que le bonheur ne devait être que de courte durée ? Était-elle condamnée à errer dans le noir alors qu'elle avait enfin trouvé sa lumière ?... Elle finit par sourire et secouer la tête, se sentant parfaitement idiote de penser tout ça. Et à la question du nomade, elle tourna son visage vers lui. Ce n'était donc pas qu'un délire d'homme ivre, ça semblait vraiment important.

"Port-aux-Echoués ? Bien sûr que je connais. C'est le village de pêcheur dans la Baie d'Ecueils."

Jezabelle se demandait comment un nomade ne pouvait connaître cet endroit. Après tout, il voyageait sans cesse, c'était tout de même étrange. Elle faucha une petite brioche dans la main de Eccho et l'enfourna dans sa bouche avant de remonter le drap sur elle, non pas par pudeur mais à cause du froid.

"J'y ai vécu pendant plusieurs années quand j'étais plus jeune. J'habitais chez un tavernier qui m'a élevé comme sa propre fille. C'était plutôt sympa comme endroit. Enfin, si on occulte les créatures qui se promènent dans les rues la nuit... Mais bon, j'y ai passé de bons moments."

Elle sourit alors en repensant à tout ça. C'était sans doute les seuls moments heureux de sa jeune vie. Mais bientôt, son expression changea et l'ombre passa dans ses yeux alors qu'elle baissait la tête. Penser à sa soeur ne la mettait jamais de bonne humeur... De même qu'à ses propres démons... Elle secoua à nouveau la tête, nul besoin de ressasser ce genre de choses, surtout pas maintenant, pas avec lui.

Le regard de Jezabelle se fixa sur le tatouage d'ancre du nomade face à elle. Elle plissa un peu les yeux et pencha la tête sur le côté une seconde. Elle n'avait pas fait le rapprochement au premier abord dans la forêt mais à présent qu'elle le voyait mieux, elle en était quasiment sûre.

"D'ailleurs, y'a pas mal de types avec ce tatouage là-bas" fit-elle en le pointant du doigt.

Elle ne savait pas trop ce que c'était sensé représenter au fond, elle n'avait jamais vraiment demandé.

"Mais pourquoi tu veux des informations sur cet endroit ?" ajouta t-elle, ne saisissant pas exactement où il voulait en venir. "C'est pour ça que t'es venu ici ?"
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Ven 19 Mar - 19:11


A sa réponse, Eccho comprit que le lieu était probablement très connu des Shogs et se contenta de hocher la tête en assimilant les informations.. En réalité, les nomades le connaissaient aussi. La cité maudite était si incontournable dans la Vallée de la Perdition et par delà le Nid de Vaarkarsh que tout le monde connaissait le nom de « Claircombe ». Les accords de paix entre les indigènes et les Claircombois étaient très clairs et le troc avait fini par s’installer entre les deux civilisations puisque la ville fortifiée se trouvaient au milieu de nombreux territoires nomades. Ce n’était pas le cas de Port-aux-Echoués qu’ils appelaient « village maudit » s’il fallait le nommer. Non seulement il était géographiquement isolé des plus grandes tribus, mais aussi la faune était particulièrement hostile à l’installation d’un campement. Sans compter que les pécheurs n’avaient de tout façon pas grand-chose à offrir à par leur poisson et leurs perles. En somme, la majorité de la population nomade vivant hors de la Baie se désintéressait complètement du village d’échoués. Le chasseur tiqua lorsqu’elle raconta qu’elle avait grandi là-bas. L’idée de l’emmener l’effleura, mais il balaya cette possibilité : elle avait été clair, elle avait ses obligations ici, elle ne souhaitait pas partir, même pas pour son âme. Il la vit frissonner et son regard se porta sur la fenêtre encore grande ouverte. Il se leva pour la refermer à contre-coeur. Comme elle évoquait la marque shog sur son bras, Eccho ne put s’empêcher de plaquer la paume de sa main dessus, comme pour vérifier qu’elle y était toujours.

— « Pas mal de types »… reprit-il lentement, le regard décontenancé. Tout ce temps, il avait appréhendé cette rencontre avec son géniteur, et pas une fois avait-il imaginé qu’il aurait pu être difficile de le retrouver avec le peu d’information qu’il avait. Il aurait cru que cette marque-là était unique puisque sa mère lui en avait fait part et l’avait redessiné pour lui à contre-coeur, et voilà qu’il s’apercevait que ce n’était rien d’autre qu’une indication géographique. Pensif, il tisonna les braises de la cheminée et rajouta une bûche au foyer. Jezabelle était de plus en plus intriguée par la raison de sa venue, et maintenant qu’il savait qu’elle pouvait l’aider, pourquoi lui cachait ? Après tout, il était justement là pour découvrir la vérité sur le plus grand secret de sa vie.

— Oui, fit-il simplement. Je suis venu pour ça. Pour trouver le Shog de ma mère. Il est au village maudit, peut-être. Maintenant, c’est là-bas que je vais, conclut-il en se redressant, la main appuyée contre la hotte chaude. Je vais faire des provisions pour le trajet les prochains jours, puis je partirai en longeant le fleuve.
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Jezabelle Linderoth
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Date d'inscription : 21/10/2020
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Âge du personnage : 26 ans
Métier : Aubergiste
Ven 19 Mar - 23:59
Elle avait vu son regard lorsqu'elle avait parlé du tatouage. Et lorsqu'il lui avoua la raison de sa venue à la ville, le chemin se traça seul dans sa tête. Par contre, le fait qu'il désire partir d'ici peu la transperça de part en part. Sa mine se fit plus morose, elle n'avait clairement pas envie qu'il la quitte si tôt... Son regard passa sur Eccho, puis sur la fenêtre, observant le temps au dehors et enfin elle baissa les yeux. Ses mains jouèrent avec ses pieds alors qu'elle réfléchissait à toutes sortes de choses. Tout se compliquait pour la brune, elle pensait que tout irait mieux, elle avait commencé ce traitement avec l'apothicaire, il n'y avait plus de traces d'Eccho dans sa vie, plus de problèmes apparents et plus de perturbations. Et là... Là... Tout s'embrouillait dans son esprit et les rouages se mettaient en route bien trop vite pour elle. Elle leva ses yeux et son regard se posa à nouveau sur l'homme toujours nu face à elle. Son coeur tambourina dans sa poitrine malgré elle. Elle se détestait qu'il lui fasse autant d'effet mais elle ne pouvait ignorer cela. Et si c'était là la dernière chance qu'elle avait d'enfin vivre sa vie pour elle et de quitter cet endroit ? Ne serait-ce que pour quelques jours... Ses doigts touchèrent la griffe qu'elle avait toujours autour du cou et le brouillard se leva dans son esprit presque instantanément.

"Je t'accompagne" dit-elle finalement d'un air décidé.

Et devant l'air surpris du nomade, elle ne manqua pas de préciser les choses.

"Tu ne sauras pas comment te débrouiller en ville sans moi, toi comme moi on le sait, même si ça t'embête de l'avouer. D'autant plus que j'ai déjà un contact là-bas. Ça va grandement te simplifier la tâche. Et en ce qui concerne les provisions, y'a bien assez de nourriture ici pour le voyage. J'irais fouiller dans les réserves t'en fais pas."

Sa décision était prise et elle était sans appel. Son air déterminé n'accepterait aucune objection à ce qu'elle venait de dire. Et au fond de lui, le nomade savait sûrement qu'elle avait raison.

"D'ailleurs pour voyager plus facilement, on pourrait se joindre à une caravane. Surtout en hiver, ça sera plus simple que de voyager seuls. Enfin, ça, c'est si j'arrive à sortir d'ici avec des vêtements" ajouta t-elle avec un sourire en coin.

Jezabelle se pencha vers le sol, laissant au passage une vue splendide sur son petit derrière. Puis elle se releva avec les restes de sa robe en main et soupira.

"Encore une tenue de fichu... Impossible de la récupérer celle-là non plus. Bon."

La jeune femme se leva du lit et tira un drap dans lequel elle s'enroula, telle une robe antique. Cela ferait sûrement l'affaire pour monter au moins jusque dans sa chambre et chercher des vêtements décents. Tout du moins, si elle ne croisait personne en chemin. Elle s'approcha de lui et l'embrassa sans même lui donner l'occasion d'objecter ou de dire quoi que ce soit. Puis elle sortit de la pièce le sourire aux lèvres.

Jezabelle avait enfin pris une décision par elle-même et pour elle-même. Elle avait hâte de faire ce petit voyage même si cela ne durait que quelques jours au fond. Elle referma donc doucement la porte toujours souriante. Cependant, lorsqu'elle se retourna elle tomba nez à nez avec Théodore, planté là en haut des escaliers.

Leurs regards se croisèrent, aucun son ne sortit. Cela dura seulement une minute, peut-être moins et la jeune soeur finit par détourner le regard, plaquant ses bras contre elle, un peu honteuse.

"Je dois en déduire qu'il va mieux" finit-il par dire, ses yeux rivés sur la marque de morsure dans le cou de la jeune femme..

Alors qu'elle ouvrait la bouche pour répondre, il la coupa instantanément.

"Tu sais quoi ? En fait, je ne vais rien dire du tout et me contenter de redescendre."

Il joignit le geste à la parole et regagna le rez-de-chaussée. Jezabelle, elle, soupira et passa une main lasse sur son visage. De toutes les personnes qu'elle ne voulait pas croiser dans cette tenue, son frère était en premier sur la liste. Et malgré ça, elle aurait plutôt voulu qu'ils se disputent plutôt que cette réaction froide qu'il lui avait donné... Cependant, chaque chose dans l'ordre. Elle devait d'abord passer de nouveaux vêtements.

Une fois apprêtée dans sa chambre, elle tira un sac de voyage et commença à y fourrer toutes les affaires dont elle pensait avoir besoin. Elle ne manqua pas de mettre sa dague fétiche à l’intérieur. Puis elle fixa un moment le petit coffret contenant les fioles rouges que lui avait confié l'apothicaire. Plus que trois... se dit-elle. Elle en glissa une dans la poche de sa robe et fit tourner les deux autres dans sa main quelques secondes. Consciente qu'elle ne pouvait décemment pas demander un acompte -elle n'en avait clairement pas les moyens- elle fourra les deux autres dans la boîte, ajouta quelques anti douleurs et mit le tout dans le sac avec le reste. Advienne que pourra après tout. Elle n'avait clairement pas envisagé le fait de devoir s'absenter de Claircombe aussi tôt. Elle posa sa besace sur le lit et redescendit, non sans avoir paré sa tête d'une couronne de plumes.

Il fallait vraiment qu'elle ait cette discussion avec son frère, qu'elle lui explique les choses. Elle ne pourrait partir sereinement sans avoir posé les choses à plat. Arrivée dans la salle principale, elle prit une grande inspiration et salua quelques habitués. Puis elle se dirigea dans la cuisine, bien déterminée à crever l'abcès.

"Théo, il faut qu'on parle" lui dit-elle tandis qu'il venait reposer un plateau.
"Je n'ai rien à te dire" répondit-il froidement.
"Très bien alors tu vas m'écouter."
"Il y a des clients qui attendent."
"Je m'en fous des clients ! Écoute-moi !"

Le frère aîné se résigna et lui fit finalement face. Il savait bien qu'il n'aimerait pas ce qu'elle allait dire.

"Je ne vais pas te cacher ce qu'il s'est passé dans cette chambre. Tu le sais très bien, je n'ai pas besoin de te faire un dessin."
"Non effectivement."
"J'ai vingt-six ans Théo. Tu te doutais bien qu'à un moment, je reprendrais ma vie en main. Tu ne pourras pas me protéger indéfiniment. Et tu ne pourras pas me garder ici indéfiniment."
"Est-ce que je dois comprendre que tu pars avec lui ?" demanda t-il la voix un peu tremblante.
"Écoute..."
"Non c'est toi qui m'écoute ! C'est un nomade Jez' ! Un sauvage ! Ces types ne sont pas stables ! Il va te laisser comme une vieille chaussette une fois qu'il en aura marre. Et je vais encore une fois te ramasser au fond du trou. C'est ça que tu veux ?"
"Ce n'est pas un sauvage !"

Leurs cris commençaient à se répercuter jusque dans l'auberge. Personne n'osait dire quoi que ce soit et tous restaient le nez dans leur choppe.

"Bien sûr que si ! Ils ne sont pas... comme nous ! Ils nous tuent dès qu'on ose franchir les limites de la ville ! Et c'est avec ça que tu veux aller vivre ?"
"Tu es bien comme papa..." fit alors Jezabelle en fronçant les sourcils.

Le silence s'abattit soudain. La jeune femme n'aurait jamais pensé que son frère aurait ce genre de préjugés. Elle le voyait tout à coup d'une façon tout à fait différente. Il soutint son regard, furieux lui aussi qu'ils en soient arrivés là.

"Et peut-être que toi tu es comme maman."
"Peut-être."

Un nouveau blanc s'installa alors que les deux jeunes gens se toisaient.

"C'est stupide Jez..." fit le jeune homme, baissant sa garde le premier. "On va pas se disputer pour ça."
"Théo, je pars."
"Jez..."
"Non. D'ici quelques jours je m'en vais. Je pars avec Eccho. Je sais pas ce qu'il va se passer, peut-être que t'as raison et qu'il va m'abandonner comme une moins que rien. Mais au fond, si je pars pas, je vais le regretter toute ma vie."

Théodore soupira, visiblement impuissant face au choix de sa soeur. Il n'avait aucune envie de la laisser partir avec ce type. Mais il savait qu'elle avait la tête plus dure qu'un roc.

"Et vous allez où ?"
"A Port-aux-Échoués."
"Je suppose que tu ne vas pas me dire pourquoi" fit-il en riant légèrement et secouant la tête. "Passe voir Lennart, ça lui fera plaisir."

La jeune femme sourit et prit son frère dans ses bras.

"Théo, t'es un type bien. Tu as presque trente ans, vis ta vie et arrête de vivre pour moi. Tu devrais te trouver une femme, tu plais à beaucoup de jolies filles tu sais."

Le tavernier se mit à rougir, il n'arrivait pas à se dire comment la conversation avait tourné de la sorte. Il accepta volontiers l'étreinte avec sa soeur et se fit à contre-coeur au fait qu'elle avait décidé de le quitter. Il savait au fond qu'elle ne reviendrait peut-être pas de là-bas, quoi qu'il se passe. Il savait qu'elle n'était clairement pas heureuse ici. Et même s'il se méfiait grandement de ce gros balèze duquel elle s'était entichée, il ne pouvait rien dire. Après tout, elle était grande. Et il serait toujours là pour la rattraper si elle tombait.

"Prends soin de toi petite soeur. Et le laisse pas te marcher sur les pieds."
"Haha compte sur moi."
"Tu es forte, ne l'oublie jamais."
Maître du Jeu
Maître du Jeu
Date d'inscription : 25/09/2020
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Sam 20 Mar - 15:05


Etonné par cette décision soudaine, il mit quelques seconde à lister dans sa tête toutes les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas l’accompagner mais il n’eût pas l’occasion de les formuler. Jezabelle enchaîna sur des arguments plus ou moins recevables pour justifier qu’elle l’accompagne. A son ton, il comprit qu’il n’avait pas son mot à dire, il renonça à énumérer toutes les raisons évidentes qui auraient pu lui prouver qu’elle avait tort, car c’était un jeu qu’aucun homme ne pouvait gagner contre une femme. Elle suggéra de prendre une caravane, il fit la grimace sans rien ajouter : s’il devait voyager avec elle en pleine neige en coupant à travers la forêt ils mettraient certainement une semaine à arriver à leur destination. En caravane, au moins elle aurait le confort nécessaire pour tenir la distance, il ne put retenir un soupire. La jeune femme déplorait la tragique perte de sa robe, et puis décida de se draper du dessus de lit sous le regard perplexe du nomade – qui n’avait même pas songé un seul instant à se rhabiller. La pudeur n’avait pas sa place lorsqu’on vivait en groupe, qu’on se lavait en groupe, qu’on dormait même parfois en groupe. A voir tant de chichi, un sourcil interrogateur s’éleva, elle déposa un baiser sur ses lèvres et sortit. Ah bon. Dans un dernier espoir d’échapper à la situation, il jeta un regard désemparé à la fenêtre, comme s’il évaluait encore les possibilités de disparaître. S’il partait seul, il voyagerait plus vite, mais devrait passer plusieurs jours à préparer son départ. Au bout du compte, la solution de Jezabelle s’avérait peut-être la plus arrangeante pour lui. Il soupira en se laissant tomber dans le lit.

Le reste de la journée fut consacrée aux préparatifs : de la nourriture sèche et calorique, des outres d’eau, des vêtements chauds et propres. Lorsqu’il se saisit du sac de Jezabelle, Eccho fronça les sourcils en le soupesant, incertain de si elle y transportait un cadavre. Non sans protester, elle finit par accepter de laisser des objets « absolument nécessaires » quoi que parfaitement inutiles dans le cadre d’un voyage de quelques jours. Le nomade s’insurgea lorsqu’il vit la petite lame car « une arme était faite pour se défendre, pas pour être transportée dans un sac ». Aussi, il la convainquit de la porter sur elle. Enfin, la brune lui montra l’arc de sa mère tout en avouant à demi-mots qu’elle était incapable de s’en servir. Eccho examina le bois, et conclu que l’objet était de qualité et que sa taille correspondait assez bien à la stature de la jeune femme, aussi, ils décidèrent de l’embarquer. Il insista pour retourner chercher sa tente, il mit quelque heure à retrouver son emplacement sous la neige mais fini par la fixer au dessus de son sac.

Aube | Vallée de la Perdition | Alentours de Claircombe | Porte de Jadis  | An 83, 2ème mois d’Hiver, Jour 18


La caravane partait au lever du soleil, aussi Eccho & Jezabelle avaient dû se lever avant que l’aube pointe pour arriver à temps à la porte de Jadis. La tavernière paya les droits de voyage aux chargés de la caravane ce qui contribua à mettre le nomade de mauvais poils.

— Jamais dans tout l’Avalone, on a vu des hommes exiger des femmes qu’elles paient pour voyager en leur compagnie et sous leur protection, se scandalisa-t-il. On n’aurait jamais dû venir ici, on aurait jamais dû leur donner quoi que ce soit. Je ne leur fais pas confiance, ni pour nous guider, ni pour nous défendre.

— Ici ça fonctionne comme ça. On paie pour un service ou un bien. C'est ce que j'ai fait avec les chasseurs que j'avais engagé la dernière fois. Je ne leur fais pas plus confiance que toi mais par ce temps et avec cette neige, on n'a pas vraiment le choix.

Il interrompit sa marche et se retourna vers elle comme si les derniers mots qu’elle avait prononcé ne faisait que prouver son point.

— Rappelle-moi, qu’est-ce qui s’est passé la dernière fois que t’as engagé des Shogs ?
— Oui bon, c'était pas la meilleure de mes idées, j'avoue !

Il leva les bras aux ciels pour faire demander aux dieux de lui insuffler toute la patience dont il avait besoin.

— Tu vois, c’est ce que je te dis : tu fais les mêmes erreurs et tu attends un résultat différent !
— Très bien ! Lança-t-elle finalement, agacée. Partons seuls dans la neige, c’est tellement mieux ! Comme ça, tu devras t’occuper tout seul de moi, encore !
— Pour changer.

Le départ était imminent, la caravane s’organisait encore. La dispute avait interpellé un cavalier qui s’arrêta à leur hauteur. L’homme avait une moustache impérieuse, et un équipement de très bonne facture. Il s’adressa à Jezabelle, ignorant tout bonnement le nomade et allant même jusqu’à parler de lui comme s’il n’existait pas.

— Laissez, belle demoiselle, ce genre de sauvage ne mérite pas votre colère. Laissez-le donc se perdre dans la tempête, vous n’avez plus besoin de lui, je peux vous prêter assistance. Je suis moi-même un habitué de ce genre de voyage : Angus Griffenoire. Venez, à cheval, vos pieds n’auront pas à souffrir du froid ! Prenez-ma main, accompagnant la parole au geste, il tendit le bras pour aider la jeune femme à prendre place derrière-lui.

Aussitôt, Eccho interposa son bras pour ramener la brune derrière lui, l’air mauvais, sa main posée sur la hache à sa ceinture.

— Je vais te la prendre, ta main. Définitivement, assura-t-il en sifflant entre ses dents. Griffenoire avait beau être à cheval, Eccho n’avait pas besoin de lever la tête pour le menacer. Il n’avait que faire de son statut social ici, et c’était bien ça le problème. L’Ascanien était un homme de pouvoir, et aujourd’hui, c’était lui qui menait le groupe à Port-aux-Echoués. Lorsque ses hommes virent l’air belliqueux du nomade, tous sortir leurs armes, prêts à en découdre. Leur chef éclata de rire, apparemment amusé.

— Du calme, messieurs ! Le sauvage a de l’humour je vois.

Il se pencha un peu, et baissa un peu la voix en indiquant les mercenaires :

— A ta place, je me tiendrai à carreaux, tous ces hommes là sont à moi. Tu peux faire le malin autant que tu veux, mais à un contre trente, tu crèves, ajouta-t-il avec un rictus vainqueur.

Les deux hommes se défièrent du regard, Eccho finit par cracher au sol avant de tourner les talons son sac sur le dos.

— Quoi mais… Eccho, arrête ! Tu vas pas partir comme ça ?

Incrédule, Jezabelle le rattrapa, avec son sac sur le dos.

— Non, tu viens avec moi, fit-il en lui agrippant le bras pour qu’elle active le pas.
— Tu n’es pas sérieux ? J’ai déjà payé ! J’ai dépensé une fortune !
— Tant mieux, ça fait ça de moins à porter ! Toute cette ferraille nous aurait servi à rien de toute façon.
— La dame a payé, elle a droit à sa tente, tu la laisses tranquille. Nous sommes des gens civilisés, nous. On ne traite pas les femmes comme ça.

Cette nouvelle intervention du Shog à cheval fit ressortir une veine sur sa tempe, il avait de plus en plus de mal à contenir l'hostilité qu'il lui inspirait.

— Je ne t’oblige à rien, fit-il d’un ton froid en la regardant. Il n’avait jamais eu l’intention de faire ce voyage en caravane, il avait désormais une bonne excuse pour y renoncer.
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