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On ne change pas les règles en fin de jeu
Erzebeth
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Dim 31 Oct - 21:32

On ne change pas les règles en fin de jeu

Adrian & Erzebeth

Début de soirée | Cathédrale | Quartier Ascanien | Troisième mois du Printemps, Jour 3, An 83

On ne change pas les règles en fin de jeu Fst9


Le Quartier Ascanien avait la réputation d’être le plus austère de tous ; était-ce parce qu’il n’y avait aucune taverne bruyante à chaque coin de rue, des badauds ivres-morts répandant leurs tripes sur les pavés, des catins aux décolletés outrageusement provocants qui vendaient leurs charmes pour trois fois rien ? Ici, les hommes de foi tels des bergers de Providence veillaient à écarter les brebis égarées du vice tandis que des gardes à l’uniforme impeccable semblaient réussir l’exploit de maintenir l’ordre par la seule force de leur regard intransigeant. Même en ces temps troublés, les Ascaniens demeuraient une fois encore le dernier rempart face au chaos.

Mais ceux qui leur reprochaient leur rudesse ainsi que leur manque de fantaisie n’avaient probablement jamais mis les pieds dans leur Cathédrale. Dressé au milieu du quartier tel un phare dans l’obscurité, le bâtiment était l’une des plus belles merveilles architecturales de cette ville. Ambitieux dès qu’il s’agissait de leur foi, les Ascaniens n’avaient rien laissé au hasard et la Cathédrale avait subi de nombreuses rénovations et améliorations au fil des décennies. C’était bien là le seul domaine dans lequel ils ne faisaient preuve d’aucune sobriété, malgré les sacrifices qu’imposaient d’entretenir un tel édifice, sacrifices que chaque croyant semblait faire de bon cœur : « Quand on aime, on ne compte pas » disait-on.

Erzebeth ne venait pas ici aussi souvent qu’une bonne croyante le ferait. Au-delà du peu de temps qu’elle s’accordait en dehors de son travail, elle ne ressentait nul besoin de se rapprocher de Providence alors qu’elle avait le privilège de pouvoir directement adresser ses prières à son Élu. Depuis quelques temps, en revanche, tout était devenu différent, même si elle n’aurait su dire quand cela avait véritablement commencé. Elle ne trouvait plus aucun réconfort dans les rares moments que Sa Grâce voulait bien lui accorder ; elle avait l’impression qu’Il était là sans vraiment l’être, silencieux et froid comme une tombe, laissant chaque fois son âme plus tourmentée que la fois précédente dès que leurs échanges prenaient fin.

Elle avait attendu le début de soirée pour rendre visite à Providence en sa demeure, l’affluence était trop forte en pleine journée - elle suspectait les visiteurs de simplement profiter de la fraîcheur du lieu, ou alors le culte s’était trouvé de nouvelles brebis oisives à la faveur de l’harassante chaleur de cette fin de printemps. Son regard se perdit dans la dentelle de la pierre jusqu’aux vitraux aux couleurs saisissantes représentant l’inlassable combat de Providence contre Pernicie, le Bien contre le Mal. Au loin, une petite chorale chantait un cantique à la gloire de la Très Sainte tandis que leurs voix se mêlaient aux volutes des encens et cierges disposés un peu partout dans l’édifice. Et l’on disait des Ascaniens qu’ils ne s’intéressaient pas à l’art ?

S’il y avait un endroit capable d’apaiser une âme tourmentée, c’était celui-là.

Le Corbeau ne s’était pas assis sur l’un des nombreux bancs mis à disposition des dévots, pas plus qu’elle n’était allée rendre hommage à Providence ; elle n’avait pas l’habitude de ployer le genou devant des idoles de pierre, pas lorsqu’elle pouvait s’agenouiller devant Lui. Elle s’était convaincue qu’il n’y avait rien pour elle ici, la parole des prêtres était insignifiante, elle ne s’était jamais sentie égarée, elle n’avait jamais été en proie au doute contrairement à toutes les pauvres ouailles qui se précipitaient ici dès que leur petit monde était ébranlé. Longtemps elle s’était sentie au-dessus d’eux, privilégiée dans sa foi, inébranlable dans ses convictions ; aujourd’hui elle leur était semblable et ce constat la remplissait d’amertume.

Le cantique résonnait jusque dans son cœur, lui apportant une chaleur qu’elle ne soupçonnait plus exister chez elle, même s’il n’était pas capable de remplir totalement le vide qu’Il avait laissé. Dans la petite cabine de bois finement ouvragé où elle s’était enfermée, elle parvenait encore à l’entendre, comme si la pureté du chant ne pouvait pas être stoppée par d’aussi simples obstacles. Habillée dans un ensemble de vert et de brun, elle ressemblait à n’importe qui, ou plutôt à personne, même si l’ajustement de ses vêtements autour de son corps trahissait une certaine aisance. Menton contre la poitrine, ses cheveux noirs et raides tombaient de chaque côté de son visage comme un rempart contre la mise à nue de son âme. Depuis combien de temps ne les avait-elle plus coupés ?

À côté d’elle, derrière le bois ajouré, un raclement de gorge se fit entendre. Elle rassembla son courage pour prononcer des mots qu’elle n’aurait pas pensé formuler un jour.

- Pardonnez-moi mon Père car j’ai péché.

Elle avait toujours été trop orgueilleuse pour demander pardon. Mais était-ce véritablement de l’orgueil lorsque l'on était simplement convaincu de faire ce qui était juste, quel qu’en soit le prix ? Combien ici était prêt à mettre leur vie en jeu pour la gloire de Providence ? Combien était prêt à mettre bien plus de vies dans la balance pour le bien du plus grand nombre ? Erzebeth ne faisait peut-être pas l’effet d’une très bonne croyante, pourtant personne n’égalerait jamais sa dévotion envers Lui, et par extension, envers Elle.

- Je vous écoute, mon enfant.

Elle n’était pas venue ici pour s’épancher, elle était venue trouver la lumière. Comme si n’importe quel prêtre allait pouvoir Le remplacer.

- Il m’arrive de m’écarter de la Lumière, mon Père. Bien souvent mes intentions restent pures mais d’autres fois… d’autres fois je me sens simplement plus à l’aise dans les ombres.
- Providence nous met constamment à l’épreuve, mon enfant, et il est plus facile de succomber aux tentations que d’y résister. Qu’avez-vous fait qui mérite le pardon de Providence ?

Il lui parlait comme s’il ne doutait pas un instant qu’il puisse s’agir d’autre chose que d’une énième sordide histoire d’adultère. Ses crimes à elle étaient bien pires. Elle avait menti par omission à son Élu. Elle avait utilisé son influence et son pouvoir sans Le mettre au courant de ses projets, car Il ne daignait plus l’écouter depuis bien longtemps. Plus que jamais, elle évoluait sur un fil si mince qu’il menaçait de rompre à tout moment. Mais si Providence était capable de déceler ses intentions derrière ses actes, alors peut-être que… Peut-être qu’il resterait quelque chose de son âme à la fin. Ou peut-être qu’elle se fourvoyait depuis le début ?

- À vrai dire, mon Père, je ne pense pas mériter le pardon pour ce que j’ai fait, ni pour ce que je m’apprête à faire.

On ne change pas les règles en fin de jeu W69b

Fin de soirée | Lys d'Argent | Quartier Amaranthis | Troisième mois du Printemps, Jour 3, An 83

Aucune lumière n’était visible à l’intérieur du Lys d’Argent depuis la rue, signe que son occupant était absent ou au pays des songes ; connaissant les habitudes de ce dernier presque sur le bout des doigts – elle recevait des rapports hebdomadaires à ce sujet – Erzebeth pariait plutôt sur la première option. Ce n’était pas la première fois qu’elle venait ici, c’était en revanche la première fois qu’elle envisageait de franchir le seuil.

- Depuis combien de temps est-il parti ?

L’homme à côté duquel elle s’était postée comme une ombre sursauta en poussant un juron. L’Ascanienne ne savait pas vraiment si elle devait se réjouir d’être encore capable de surprendre ses agents ou si elle devait s’inquiéter de le faire avec autant de facilité.

- Une petite heure, je dirai. Il promène toujours son chien quand il est sûr de ne croiser personne.

Elle hocha la tête sans rien répondre, son regard toujours fixé sur les fenêtres obscures du premier étage. Elle repoussait ce moment depuis trop longtemps déjà.

- Je vais prendre relai ce soir, rentrez chez vous.

Visiblement ravi d’être dispensé de faire le pied de grue toute la nuit, l’homme s’inclina brièvement avant de disparaître dans les ombres. Et elle, elle resta plantée là, peut-être une minute, peut-être dix. Malgré ses appréhensions, malgré les avertissements qu’elle avait reçus, elle était déterminée à voir jusqu’où elle pourrait aller avec celui qui s’était retrouvé enchaîné à elle. De plus en plus, elle était convaincue d’avoir commis une grave erreur en lui rendant ce semblant de liberté et que son chantage n’était pas une laisse assez solide pour dominer quelqu’un comme lui.

« Même s’il me fait de la peine, je pense qu’il est trop imprévisible pour que tu puisses lui faire confiance. »

Maeve avait raison. Instable, imprévisible, c'était un homme qui à l’insu de tous exploserait un beau jour. Mais si elle était suffisamment prudente, elle pourrait s’arranger pour que l’explosion emporte ses ennemis plutôt qu’elle. C’était un pari risqué, probablement le dernier qu’elle aurait l’occasion de faire dans sa vie, mais maintenant que les graines étaient plantées elle n’avait pas d’autre choix que d’attendre de voir ce qu’il allait en germer.

Après un ultime instant d’hésitation, elle avança en direction de la boutique. Le verrou ne lui posa aucun problème, elle était même assez délicate dans ses gestes pour ne pas abîmer le mécanisme. Penserait-il avoir oublié de fermer la porte à clé lorsqu’il était sorti ? Il y a encore quelques semaines, cette simple idée lui aurait paru tout à fait inconcevable, mais qu’en était-il aujourd’hui ? En plus de la porte ouverte, il remarquerait presque instantanément la chandelle qui éclairait faiblement le premier étage de sa demeure. Avait-il oublié d’éteindre les lumières avant de partir ? Cette idée lui semblerait encore plus invraisemblable que la précédente.

Tous ces questionnements trouveraient leur fin dès qu’il poserait les yeux sur elle, assise devant l'hypnotique flamme, les yeux fermés comme si elle récitait mentalement une prière. Et d’autres questions feraient leur apparition. Un tas d’autres questions.
Adrian Mayr
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Mar 2 Nov - 1:28

Depuis quelques temps, et surtout depuis certains évènements, Adrian avait pris l'habitude de se faire discret lors de ses sorties, encore plus lorsqu'il était aux côtés de son compagnon canin. Véritable aimant à sympathie, la boule de poil aux couleurs orangées et blanches faisait sensation par son attitude avenante et son museau toujours en quête de nouvelles senteurs dans les airs ou au sol lorsqu'une piste valait le détour. Habitué à la présence de son maître et handicapé par sa surdité, l'animal ne se laissait pour autant jamais déborder par l'enivrement olfactif, prenant toujours soin de régulièrement tourner le regard vers Adrian, qui n'était généralement pas bien loin.

Le déclin du jour était un moment opportun pour l'apothicaire, car les gens étaient généralement pressés de rentrer chez eux -pour les plus tardifs - ou de partir s'enquérir de quelques festivités nocturnes. Ainsi, ils ne prêtaient guère attention au duo, les laissant divaguer dans les avenues du quartier Amaranthis plus sereinement. Adrian suivait toujours ou presque le même chemin, un tic inhérent à son caractère, mais aussi pour servir de repère à Whisper qui avait ainsi moins besoin d'attendre à chaque croisement que son maître lui indique la marche à suivre.

S'il s'en occupait déjà énormément depuis qu'il s'était retrouvé en garde chez lui, l'attention qu'Adrian lui portait avait redoublé après le départ de Meryl, au point qu'il en venait même parfois fermer boutique plus tôt pour s'accorder un peu plus de temps avec son compagnon. Ces derniers jours, il s'était rendu compte que ces moments étaient devenus précieux, bien plus qu'il ne l'aurait imaginé. La raison était simple et tournait en boucle dans la tête d'Adrian : il avait probablement perdu Meryl, il ne pouvait se permettre de perdre Whisper en plus. Il y avait cependant un léger point noir sur ce temps qu'il accordait à son chien. Ce chien lui avait été confié par Meryl, un geste dont il était encore reconnaissant aujourd'hui, mais qui faisait qu'il n'était pas rare que ses pensées de mettent à divaguer, rappelant à son bon souvenir toute ces perspectives d'un avenir plus radieux dont il avait dû volontairement se priver.

Ce soir-là n'était pas différent des autres, et Adrian dut chasser ses pensées vagabondes afin de dissiper la crispation qui prenait possession de ses mains fourrées dans ses poches. Il se força ensuite comme d'habitude à refermer cette porte de son esprit sur ces tourments qui menaçaient de lui faire perdre le contrôle. Il se décida à prolonger un peu plus sa balade afin de retrouver son calme avant de rentrer chez lui. Perdu dans son combat mental, il ne remarqua même pas le couple d'anciens patients qui venaient de le saluer au détour d'une rue. Lui qui était jadis reconnu comme cordial et bien élevé passait de plus en plus souvent pour quelqu'un d'arrogant et désagréable aux yeux de certaines connaissances.

Sur le chemin du retour, Adrian parvint à faire le vide et à penser à la seule chose qu'il devait s'autoriser à ruminer et qui lui ouvrirait théoriquement les portes vers la liberté. L'écho de ses pas s'immisça dans sa tête comme un métronome, dictant à sa tête des images qu'il aurait souhaité voir disparaître à tout jamais. Autour de lui, tout lui parut d'un coup bien sombre tandis que les murs semblaient se resserrer sur les pavés que foulait l'apothicaire. Son champ de vision s'était lui aussi réduit et les battements de son cœur s'agitaient de plus en plus vite. Voilà, il venait simplement de revenir à ce qui se définissait depuis quelque temps comme son état le plus courant, le répit était donc terminé. Dans ces moments, il n'avait que peu d'options, à part ingérer une décoction maison dont il avait le secret, s'enivrer d'alcool ou bien simplement s'allonger dans le noir et subir pendant de longues heures les affres de son esprit torturé.

Lorsqu'il approcha de sa demeure, sa tension baissa d'un cran. Même s'il se sentait de plus en plus à l'étroit au Lys d'Argent, cet endroit restait sa demeure, un lieu où il pouvait à sa guise se couper du monde extérieur et laisser du temps à son esprit de se remettre dans le droit chemin.

Les yeux dans le vague, il ne remarqua pas tout de suite l'attitude inhabituelle de Whisper qui - le nez en l'air - reniflait en direction de la porte comme s'il y humait quelque chose d'inhabituel. Ce n'est que lorsqu'il posa la main sur la poignée que le grognement de son compagnon attira son regard sur lui. Adrian fronça les sourcil en voyant l'animal approcher son museau de l'encadrement de la porte encore close, campé sur ses quatre pattes dans une position qui soulignait sa crispation et laissant apercevoir un début de hérissement de poil le long de son épine dorsale.

Les sens d'Adrian se mirent en alerte lorsqu'il commença à actionner la poignée sans avoir déverrouillé la porte, constatant par ce geste qu'elle n'était pas verrouillée. Depuis son retour du palais, il lui arrivait d'omettre ce genre de détails du quotidien, mais le comportement de Whisper l'alarma sur le fait que quelqu'un avait peut-être profité de son inattention pour se faufiler chez lui. Il tenta cependant de rationaliser en se disant qu'il avait bel et bien oublié de fermer à clés et qu'un client retardataire un peu audacieux s'était risqué à rentrer, un scénario plausible dans le quartier Amaranthis...

Lentement, l'apothicaire actionna la poignée pour libérer l'accès vers le Lys d'Argent.

L'obscurité était quasi totale, si ce n'est le faible rayon de lumière venant de derrière lui, au niveau de la devanture de son voisin d'en face. Adrian ne prit pas la précaution d'empêcher la clochette de sonner, mais il n'entendit aucun mouvement suspect en réponse à cette alarme soudaine. Bien que ça ne soit pas la bonne décision, l'apothicaire referma la porte lentement derrière lui et s'y adossa un instant. Whisper était immobile à ses pieds, il le percevait par la masse sombre et ses grognements occasionnels, mais l'animal ne bougeait pas, toujours prompt à rester aux côtés de son maître. Adrian se baissa légèrement et passa sa main sur la tête du chien pour lui adresser une caresse visant à tempérer ses ardeurs. Ses yeux émeraudes tentaient de percer l'obscurité à laquelle il s'habituait peu à peu.

La peur n'avait aucune prise sur lui à ce moment, et peu à peu les contours de sa boutique se dessinèrent suffisamment clairement devant ses yeux pour que sa mémoire ne complète les lacunes d'informations liées à l'obscurité. Il s'avança alors silencieusement, pas à pas, son regard balayant l'espace empli de ténèbres. Les griffes de Whisper claquaient sur le sol de pierre de la boutique à un rythme régulier, augmentant la tension ambiante qui régnait sur le lieu. Ce n'est que lorsqu'il s'approcha à quelques mètres de l'escalier qu'il distingua quelque chose qui lui fit froid dans le dos.

Une faible lumière dansante éclairait le sommet des marches. Adrian n'oubliait pas d'éteindre les lumières. Jamais.

Whisper sembla faire écho à ses pensées en posant ses deux pattes sur la première marche et d'émettre un grognement. Un frisson glacial remonta le long de l'échine d'Adrian. Cette faible lumière au milieu de tant d'obscurité le ramena soudainement dans un conditionnement mental qu'il aurait préféré oublier. Pendant de longues secondes, ses yeux écarquillés observèrent le ballet dansant de lumière à peine perceptible d'en bas. Sa main vint à nouveau trouver Whisper, comme pour s'assurer qu'il était bel et bien réel et toujours à ses côtés. Ses sens lui jouèrent des tours tandis que les battements de son cœur s'invitèrent dans sa tête, faisant pulser le sang dans ses tempes. Ses poings se serrèrent jusqu'à ce qu'il sente ses ongles à la limite de percer ses chairs. La douleur le rappela à l'ordre suffisamment pour qu'il garde un semblant de contrôle et réfléchisse. Après ce court instant qui lui parut une éternité, quelque chose l'interpella finalement : Aucun mouvement ne venait perturber cette lumière, ni ombre, ni bruissement de quoi que ce soit.

Si l'individu se cachait, il y avait fort à parier que l'odorat de Whisper le dénicherait avant qu'il ne bénéficie de l'effet de surprise. Reprenant son sang froid, Adrian entendit des sons dans sa tête, presque des voix, mais il les ignora, au point de ne pas identifier ces messages qu'essayait de lui transmettre son esprit. Il entreprit alors son ascension, lentement et avec prudence.

Lorsqu'il arriva finalement en haut, ses yeux émeraudes aperçurent finalement une silhouette, adjacente à cette seule et unique lumière qui éclairait trop faiblement la pièce. En une fraction de seconde, ses jambes manquèrent de défaillir et ses pieds parurent le figer sur place. Le frisson le long de son échine devint aussi douloureux qu'une centaine d'aiguilles rongeant son épine dorsale. Son souffle se bloqua et ses dents se serrèrent en même temps que ses poings aux phalanges déjà blanchies. Si la tension était déjà haute, elle venait d'atteindre un sommet dans l'esprit de l'apothicaire dont chaque détail sur lequel se posait ses yeux semblait le ramener à des souvenirs bien trop douloureux pour être ressassés. L'espace d'un instant, l'apothicaire eut l'impression de sentir le froid des barreaux de la cage contre son dos, bloquant toute retraite possible. Dans sa tête, les bruissements devinrent des voix, et toutes se mirent à répéter inlassablement la même chose.

" L'inconnue "

" L'inconnue "

" L'inconnue "

Dissonantes et en complète désynchronisation, les voix créèrent une cacophonie mentale qui diminua encore la perception de la réalité chez Adrian. Comme si sa détresse venait de se transmettre à Whisper, sur lequel Adrian avait posé sa main sans même s'en rendre compte, le chien poussa un aboiement colérique et très inhabituel chez lui qui se contentait souvent de grogner. Il ne bougea pas cependant, comme s'il sentait que le contact de sa fourrure était un besoin presque vital pour son maître. Les crocs de l'animal se dévoilèrent de ses babines retroussées et son grognement devint celui d'un prédateur prêt à attaquer à n'importe quel moment.

Adrian se débattait encore dans les méandres de sa tête. Lui qui arrivait parfois à penser à sa mission avec calme avait été totalement prit au dépourvu par cette visite et ce cadre bien trop ressemblant à celui de la torture qu'il avait subit. Au-delà de ça, il n'avait pas encore tout à fait récupéré du départ de Meryl, et il sentait qu'aujourd'hui, il en payait le prix fort.

De l'extérieur pourtant, seule une certaine crispation se lisait dans le comportement d'Adrian, tandis que toute cette débâcle mentale s'était déroulée en quelques secondes à peine. Les voix continuèrent de se manifester tel un Cyclone dont Adrian serait l'œil.

" Elle devait venir, tu le savais, et il va falloir que tu te mette au travail "

" Elle t'as pris tout ce que tu avais et t'as même forcé à te priver de tout ce dont tu rêvais..."

" Tue là, ici et maintenant, fais lui payer. "

La colère monta dans la tête d'Adrian. L'inconnue avait ouvert les yeux à l'aboiement de Whisper et son regard de glace dévisageait désormais Adrian. Pour lui, elle était l'incarnation de sa souffrance, celle qui l'avait contraint à une liberté conditionnelle en lui agitant de belle promesses sous le nez, celle qui l'avait torturé pendant des jours, mais aussi et surtout, celle qui avait forcé Adrian à demander à Meryl de partir...Cette ultime pensée fit grandir la plus sombre des voix qui tourbillonnaient dans sa tête, jusqu'à ce qu'elle occulte les deux autres.

Pendant un instant, Adrian s’imagina loger une lame en plein milieu du coeur de l’Inconnue.

Puis, une quatrième voix vint au-dessus, plus douce, plus apaisante, une voix qui ne disait rien de distinct, mais dont la douce mélodie enivra un instant l'apothicaire, réduisant de force au silence le maelström pour imposer le calme à son esprit. Les tremblements de ses mains cessèrent en même temps que ses pieds sortirent de leur engourdissement. Cette voix, il n'eut pas besoin de se poser de questions pour savoir à qui elle appartenait. Cette soudaine accalmie remit de l'ordre, permettant à l'apothicaire de se rappeler quelque chose de fondamental à ses yeux.

S'il voulait la revoir un jour, il se devait d'être libre. Pour cela, Adrian n'avait plus le choix, il avait une mission à remplir, et il ne devait laisser personne se mettre en travers de son chemin, pas même une voix aux pulsions meurtrières directement issue de sa tête. L'Inconnue devait vivre, car bien qu'elle fut sa tortionnaire, elle était également devenue celle qui devait lui ouvrir la voie vers le chemin de la liberté.

Adrian s'apaisa et caressa le dos de Whisper pour le calmer également. La communication non verbale entre ces deux-là était devenue telle que l'animal sembla tempérer ses ardeurs, bien qu'il laisse toujours échapper quelques grognements et que son regard ne se détachait pas de sa potentielle proie. Lentement, Adrian se déplaça vers le côté de la pièce en détournant le regard. Lorsqu'il arriva près d'un meuble mural, il prit une profonde inspiration et alluma un chandelier supplémentaire, dissipant un peu plus les ombres de la pièce et de son esprit.

Il se tourna alors vers l'Inconnue et lui adressa une expression dépourvue de joie et de haine, une expression purement neutre, comme il savait encore le faire. De nombreuses questions vinrent à Adrian, mais son instinct prit le dessus et il se garda toutes ses interrogations pour un autre moment.

- J'imagine qu'il serait mal avisé de m'offusquer que vous vous introduisez chez moi de la sorte, dois-je préparer deux tasses de thé ou êtes-vous simplement de passage ?

Le ton d'Adrian tranchait nettement avec l'attitude qu'il avait eu en arrivant. Son calme retrouvé, l'apothicaire semblait de nouveau en contrôle, concentré sur les tenants et aboutissants de la présence de l'inconnue ici. La réalité était tout autre, car les barrières mentales qui le protégeaient d'une brutale perte de contrôle n'étaient pas infaillibles et ne lui garantissaient pas de conserver cette maîtrise de ses émotions.

Il ne put se retenir de prendre la parole, torturé par une question bien plus terre à terre que la dizaine d'autres qu'il s'était gardé de poser.

- La porte était-elle verrouillée lorsque vous êtes arrivée?

Erzebeth
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Mar 2 Nov - 12:22
- Elle l’était.

L’Ascanienne éluda l’autre question, elle n’était pas venue pour boire le thé, encore moins pour échanger des mondanités avec lui, quoiqu’elle devait bien admettre qu’elle était curieuse de savoir comment se passait ce dur retour à la réalité. Combien étaient venus le trouver pour lui jeter au visage leur fausse sollicitude, pour espérer connaître les détails sordides de son histoire, pour entendre le terrible récit de son procès ? Et combien n’étaient jamais revenus le voir, par peur de se retrouver dans la même pièce qu’un potentiel coupable ? Plus que jamais, il était seul. Plus que jamais, il en prenait conscience. Rien ne devait lui sembler si faux que sa vie en ce moment.

Son regard s’attarda sur son visage, plus particulièrement sur les marques qu’il avait sur la joue, des marques qui n’étaient plus censées être visibles aujourd’hui. « Instable ». Depuis combien de temps n’avait-il pas dormi ? Pour quelqu’un qui ressemblait à un mort, il parvenait encore à donner l’illusion d’être en vie. Plus impressionnant encore, il arrivait à garder son masque face à elle, même si les sentiments qui l’habitaient à cet instant devaient être bien différents de la neutralité qu'il se bornait à afficher : on ne ressortait pas de l’épreuve qu’elle lui avait fait subir sans dégâts permanents, elle le savait mieux que personne.

Elle finit par détourner les yeux, comme si elle ne supportait plus de regarder ce qu’elle avait fait. Elle avait toujours été douée pour briser les choses, beaucoup moins pour les réparer.

Sa main vint fouiller sa poche droite avant d’en sortir un morceau de parchemin visiblement élimé à force d’avoir été lu et manipulé de nombreuses fois, puis elle se redressa et le tendit dans la direction de l’apothicaire, non sans jeter un regard méfiant à la bête qui se tenait à ses côtés. Elle n’avait jamais beaucoup aimé les chiens.

- C’est pour vous.

L’écriture à l’intérieur était saccadée, la main qui avait couché ses lignes sur le papier n’avait pas su retenir ses tremblements et l’encre avait bavé aux endroits où des larmes s'y étaient écrasées. Néanmoins, tout était encore parfaitement lisible.

« Adrian,

Si tout ceci n’est qu’un cauchemar alors je voudrais me réveiller au plus vite. La sentence a été prononcée et ma condamnation à mort est prévue demain ; seul un miracle pourrait me sortir de là, et je commence à regretter de ne pas être un homme de foi.

Si vous vous demandez pourquoi mes derniers mots sont pour vous, c’est parce que je réalise seulement aujourd’hui que je n’ai personne d’autre et que vous êtes peut-être le mieux placé pour comprendre ce que je ressens.

Pour une fois dans ma vie, j’ai essayé de faire ce qui était juste. Cet endroit devait disparaître et les preuves récoltées sur les lieux n’auraient pas amené à l’arrestation des vrais coupables. L’histoire se souviendra de moi comme d’un traître et je ne pensais pas que cela puisse m’affecter autant.

Si vous voyez mon père, je vous en prie, dîtes-lui que je suis désolé.

Lorenzo »


Elle n’avait rien pu faire pour retarder sa condamnation et on ne lui avait accordé que peu de temps pour pouvoir s’entretenir avec lui, mais pendant ce bref moment, elle lui avait apporté de quoi écrire. Ce mot, elle l’avait constamment gardé sur elle, l’avait relu jusqu’à la nausée pour espérer y déchiffrer un sens caché qui aurait échappé à quiconque ces mots n’étaient pas adressés. Et bien sûr, elle avait appris quelques heures plus tard que le père du condamné faisait partie des victimes et qu’il n’y aurait rien à tirer de lui.

Dans sa quête obsessive pour retrouver les responsables de ce massacre, elle oubliait parfois qu’elle avait simplement affaire à des êtres de chair et de sang, et qu’il n’y avait peut-être rien de plus à chercher que ce qu’elle avait déjà sous les yeux. Les mots dans ce message n’exprimaient rien de plus que ce qu’on y voyait au premier abord : la peur de mourir seul et incompris de tous. Avant de le quitter, Erzebeth avait prié pour son âme.

Il arrivait que les intentions soient pures, mais pas les actes.


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Adrian Mayr
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Mer 3 Nov - 2:33
Il ne su comment traiter cette réponse à propos de la porte, comme s'il réalisait seulement maintenant la futilité de sa question. Une petite pointe de satisfaction le gagna finalement, il n'avait pas encore complètement perdu la tête. Revenu à son point de départ, Adrian ne s'était pas approché plus que nécessaire de l'Inconnue tandis que ces prunelles émeraude étaient attentives aux faits et geste de cette femme aux yeux de glace. Aussi impassible qu'elle l'avait été lors de leur dernière rencontre, elle semblait insondable et dangereuse. Adrian n'avait pas besoin de preuve pour savoir que ce n'était pas une impression.

Whisper quant à lui se déplaçait en même temps que son maître, comme un garde du corps prêt à bondir au moindre faux pas. Seul Adrian savait que l'animal ne ferait rien d'autre que menacer. Tant que l'Amaranthis apparaissait hors d'un danger imminent, son compagnon canin se contenterait de rester près de lui. En revanche, le canidé ne semblait pas décidé à s'apaiser face à l'Inconnue, trahissant presque le fond d'inquiétude et de colère qu'Adrien dissimulait sous son masque. Whisper mit bien plus longtemps à s'apaiser, ne laissant finalement plus apparaitre ses crocs et réduisant ses grognements au silence.

Lorsqu'elle lui tendit la lettre, Adrian hésita un bref instant avant de s'avancer de quelques pas pour venir se saisir de la missive. Usée et non cachée de quelconque sceau, cette lettre ne semblait avoir rien d'officiel, ce qui le laissa quelque peu perplexe quant au contenu de la missive. Il se garda ses questions, presque sur qu'elle ne lui répondrait pas. Une fois le parchemin en main, il se détourna de l'inconnue en silence. L'appréhension le gagnait, était-ce simplement à cause de ce qu'il allait découvrir ? Ou bien simplement sentait-il que sa mission allait bientôt commencer ? Peut-être un peu des deux.

Il s'approcha de la table basse et ramassa ses lunettes, posées sur un livre à la reliure sombre. Il prit ensuite soin de s'approcher du chandelier de table qu'il avait préalablement allumé pour y voir plus clair. C'est avec un soin tout particulier qu'il déroula le parchemin tout en s'adossant au meuble mural, toujours sans le moindre bruit. Seul le claquement des griffes de Whisper venant s'asseoir à côté de lui perturbèrent ce silence religieux, mais Adrian n'y prêta pas attention.

Ses yeux parcoururent lentement les lignes rédigées d'une main fébrile. Il comprit assez vite d'où venait ce manque de soin dans la rédaction. Difficile de conserver son sang froid lorsque l'on prend la direction de l'échafaud, sans avoir la moindre chance de plaider quelconque innocence. L'apothicaire relut au moins quatre fois la lettre de Lorenzo, prenant soin de s'imprégner chaque détail de ces derniers mots, à la fois par respect pour le défunt qui avait décidé de s'adresser à lui dans son ultime tribune, mais aussi au cas où quelque chose lui sauterait finalement aux yeux. Il essaya de ne pas s'imaginer les conditions dans lesquelles avait évolué Lorenzo dans ses derniers jours, mais il ne put s'empêcher de penser que les rôles entre eux auraient très bien pu être inversés.

Il ne lisait plus vraiment, pourtant ses yeux continuaient d'observer chaque détail du message. Pas seulement l'encre utilisée pour la rédaction, mais aussi les traces de larmes du condamné soulignant le funeste destin qui suivit la missive. Instinctivement, sa main était remontée contre sa joue, il joua d'abord distraitement avec sa barbe, jusqu'à ce que finalement ses doigts longent les sillons creusés par sa propre auto mutilation. Avec une remarquable précision, il dessinait de son doigt cette cicatrice, remontant chaque fois ses doigts à leur base supérieur dès qu'ils touchaient l'autre extrémité des marques.

Finalement, il détourna le regard en poussant un soupire, replia la lettre soigneusement et la déposa sur le meuble à côté de lui, veillant à ce qu'elle ne tombe pas. Son regard vint trouver l'inconnue dans une expression dénuée de tout débordement d'émotion.

- Je ne sais pas si vous espériez que j'y vois un message caché que vous auriez raté en étudiant cette lettre sous toutes les coutures comme vous semblez l'avoir fait, mais il n'y a selon moi rien de secret à comprendre.

Adrian doutait fortement que l'Inconnue soit venue simplement pour lui faire analyser le sens caché d'une lettre d'adieu. Il marqua une pause et se décrocha du meuble pour faire quelques pas dans un sens, puis dans l'autre, lentement.

- Lorenzo est mort pour le compte de son père dont il subissait les pressions. Certes, il était versé dans toute cette histoire, mais c'est seulement parce que, contrairement à moi, il n'avait personne à qui se raccrocher s'il décidait de faire fi de ce que tentait de lui inculquer Hans Von Ziegler. Au delà de détruire des preuves, il nous à conduit assez rapidement à la bibliothèque et nous à permis de gagner suffisamment de temps avant que la mort ne se répande définitivement sur la ville...

Il n'insista pas plus longtemps. Sa voix était froide mais dépourvue de colère, il se contentait d'énoncer les faits. D'ailleurs, il s'imagina que l'Inconnue n'avait que faire de considérer le droit de vie ou de mort d'un Amaranthis, qui plus est impliqué dans une telle tragédie, et éloigné bien trop de providence à son goût. Adrian leva les yeux au ciel, marquant une nouvelle pause tandis qu'il observait les lueurs dansantes des ombres au plafond. Il reporta alors son attention sur l'Inconnue, toujours dénué d'expression, si ce n'est une pointe d'amertume.

- Il aimait son père malgré ce qu'il était, cette phrase parlant des preuves potentiellement inutiles peut-être prise comme une tentative de brouiller les pistes, mais je doute qu'il ait voulu agir ainsi dans ses derniers instants...J’imagine que cela vaudrait le coup de ne pas ignorer l’entourage de Von Ziegler sur ce simple postulat non plus...

Il savait, Adrian savait ô combien il était difficile de se défaire du joug de son père. Lorenzo n'y était pas parvenu, jusqu'au jour de sa mort, il était resté dans l'ombre. L'apothicaire eut un élan d'empathie pour cet homme qui lui ressemblait sur beaucoup de points, et avec qui il avait maintenu une certaine distance cordiale depuis toujours, simplement parce qu'il ressemblait trop à son père, un personnage que l'Apothicaire n'appréciait guère.

Lorsque son regard croisa une nouvelle fois l'Inconnue, les voix dans sa tête se mirent à bourdonner sans qu'il ne comprenne un traître mot de ce qu'elles tentaient de lui susurrer, un mal pour un bien probablement. Son regard se figea quelques secondes sur cette chandelle reposant aux cotés de la mince silhouette de la jeune femme, resserrant ses pupilles et rétrécissant une nouvelle fois son champ de vision. Il ne trahit rien de plus cependant et garda son calme, ruminant ses pensées une fois de plus.

- J'imagine que vous n'êtes pas venue uniquement me demander mon avis sur cette lettre. Alors dites-moi, qu'attendez-vous de moi précisément?

Dans sa voix sonnait soudainement une certaine assurance. La voilà, la plus simple et primaire de toutes les questions, celle pour laquelle Adrian n'aurait pu se retenir plus longtemps d'interroger l'Inconnue. Bien sûr, il savait ce qu'elle attendait fondamentalement de lui, mais ce qui l'intéressait était surtout de savoir la raison supplémentaire qui l'avait finalement poussée à refaire surface au Lys d'Argent, ici et maintenant.
Erzebeth
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Ven 5 Nov - 12:13
Ses yeux de glace le dévisagèrent tandis qu’il lisait la lettre, curieuse de voir s’il abaisserait le masque au moins le temps de la lecture ; ce ne fut pas le cas. Elle ne pouvait pas savoir ce qui se tramait réellement dans sa tête mais elle était prête à parier que le parallèle entre sa vie et celle du malheureux condamné était une chose qui le hanterait bien après ce soir.

De la vie de Lorenzo, Erzebeth n’avait pas pu apprendre grand-chose, sans doute parce qu’il était resté toute son existence dans l’ombre d’un père tyrannique et exigeant. Sa mère était morte en lui donnant la vie et son frère aîné s’était suicidé quelques années auparavant, certainement sous la pression que lui imposait son père ; de la famille Von Ziegler, il ne resta bientôt plus que Hans et un fils non désiré qui ne s’était jamais senti à la hauteur de quoi que soit. Et maintenant, il ne restait plus rien.

Contre toute attente et malgré le mépris qu’auraient dû lui inspirer les larmes et la faiblesse de Lorenzo derrière les barreaux de sa cage, Erzebeth s’était surprise à ressentir une forme de respect pour celui qui était allé au bout de la mission dont il était investi, alors même qu’il était évident que la mort l’attendrait au bout du chemin. La dévotion était une qualité qu’elle appréciait particulièrement, même chez des personnes qui ne partageaient ni son point de vue ni ses convictions.

- J'imagine que vous n'êtes pas venue uniquement me demander mon avis sur cette lettre. Alors dites-moi, qu'attendez-vous de moi précisément ?

Mais il le savait déjà, ce qu’elle attendait. Et elle imaginait qu’il n’avait rien d’intéressant pour elle, auquel cas il lui aurait déjà fait part de ses découvertes. Cela dit, s’il réclamait une requête plus précise, elle avait de quoi l’occuper un peu.

- J’aimerais que vous me laissiez accéder aux travaux de votre père, ceux que vous avez pu conserver.

Elle le vit se raidir imperceptiblement et son visage se crispa quelque peu. Lentement, il alla prendre place sur un siège avant de répondre.

- Tout prend actuellement la poussière dans son ancien bureau. Ses anciens travaux concernant les plus sombres de ses expériences avaient été saisies à l'époque de son procès, mais je peux vous laisser accéder au reste.
- Personne ne doit savoir que je m’y intéresse ou l’on risquerait d’ordonner leur saisie par les autorités, je m’étonne même que cela n’ait pas déjà été fait. Le mieux serait de me transmettre régulièrement quelques dossiers afin de ne pas éveiller les soupçons.

L’Amaranthis semblait contrarié pour une raison qui lui échappait et se passa machinalement la main dans sa barbe.

- Vous avez le pouvoir d'enfermer quelqu'un à même le palais pendant des jours, mais vous redoutez de vous faire remarquer par les autorités ? Voilà qui est original.


Elle ne savait pas si cette pique n’était que du sarcasme ou s’il pensait réellement qu’elle n’avait aucun ennemi disposant des mêmes privilèges qu’elle dans cette ville. Si c’était la deuxième option, il était plus naïf qu’elle ne le pensait. Il reprit à peine une seconde plus tard, comme pour éviter de s'étaler sur le sujet.

- Je ramènerai des dossiers ici, pour les ranger dans un placard que je vous indiquerai au rez-de-chaussée, au cas où vous voudriez les récupérer en mon absence.
- Bien. Je reviendrai dans trois jours, cela devrait vous laisser assez de temps. Et comme à chaque fois qu’elle estimait ne plus avoir quoi que ce soit d’utile à ajouter, elle amorça un mouvement vers la sortie.
- Est-ce tout ce que je peux faire pour vous ? L’impatience d’en finir avec cette histoire s’entendait dans sa voix. S’attendait-il à ce qu’elle lui dise par quoi commencer, où chercher ? Si elle savait ce genre de chose, elle n’aurait pas besoin de lui. Il était peut-être temps qu’il arrête de vivre comme un fantôme et qu’il s’intéresse davantage à ce qu’il se passait autour de lui.
- Pour le moment, lui répondit-elle, plus froide que jamais.

Malgré sa haute tolérance aux atmosphères pesantes, l’Ascanienne préférait les éviter si elle en avait le pouvoir. Une fois dehors, sa main droite se tortilla dans sa poche, à l’endroit où se trouvait encore quelques minutes auparavant le morceau de parchemin qu’elle avait l’habitude de conserver sur elle et son absence lui fit l’effet d’un grand vide.

Machinalement, ses pas lui firent faire le tour de la ville avant de rentrer au Palais. Peut-être finirait-elle par regretter la compagnie de l’apothicaire lorsqu’elle serait enfin « chez elle ».

On ne change pas les règles en fin de jeu W69b

Palais du Gouverneur | Quartier Asacanien | Troisième mois du Printemps, Jour 5, An 83

- Je suis désolée, sa Grâce ne souhaite pas vous recevoir pour le moment.


Elle avait rassemblé son courage pour se présenter devant Lui, encore. Cette fois, en plus de trouver porte close, elle devait subir l’affront de se faire renvoyer par l’une de ses marionnettes. De tous les conseillers du Gouverneur, Cole était celui qu’elle avait toujours eu le plus de mal à cerner. D’origine Amaranthis, il était entré à son service il y a presque cinq ans et leurs entrevues étaient presque toujours tenues au secret. Elle avait gardé sa méfiance pour elle pendant très longtemps, convaincue que l’Élu de Providence savait exactement ce qu’il faisait en traitant avec ce genre de personnage. Aujourd’hui, elle ne supportait plus de le voir arpenter les couloirs du Palais comme s’il était chez lui.

- Ce doit être difficile, je n’aimerais pas être à votre place.


Pendant un moment, elle crut qu’il allait pousser l’audace jusqu’à poser une main sur son épaule ; quelque chose dans son visage de marbre dut finalement le dissuader. Malgré l’étonnante passivité d’Erzebeth dans leurs échanges, Cole s’était toujours méfié d’elle, même si cette affirmation semblait de moins en moins vraie. Pourquoi Sa Grâce préférait converser de longues heures avec un homme comme lui, un homme qui ne montrait même pas le plus basique des respects envers Providence, plutôt qu’avec elle ? Quelque chose lui échappait. Elle n’avait pas toutes les pièces du puzzle.

L’insupportable rictus qui se dessina sur les lèvres de Cole réveilla une colère qu’elle pensait pourtant bien enfouie.

- Vous n’êtes plus vraiment en odeur de sainteté ici, Erzebeth. Qu’allons-nous bien pouvoir faire d’un Corbeau aveugle ?
- Ce n’est pas à vous d’en décider, conseiller.

Son sourire s’accentua et il passa près d’elle pour s’éloigner des appartements privés du Gouverneur, si près que leurs épaules se frôlèrent presque. Ce n’était pas le moment de jeter de l’huile sur le feu, il fallait continuer de jouer le rôle de l’oiseau trop blessé pour répliquer. Debout face à la porte close, elle attendit que les pas de Cole s’éloignent suffisamment. Il se stoppa finalement et lui lança par dessus son épaule :

- Oh, j’y pense… Si je vois encore votre servante fouiner dans mon bureau, je me ferai un plaisir de la renvoyer dans le bordel dont vous l’avez sortie.

Cette fois, elle serra si fort les poings qu’elle réveilla presque aussitôt une très ancienne douleur dans les os de sa main droite. Elle se fit la promesse qu’un jour elle lui planterait une lame aiguisée entre les cotes et qu’elle le regarderait agoniser de longues heures.

On ne change pas les règles en fin de jeu W69b

Fin de soirée | Lys d'Argent | Quartier Amaranthis | Troisième mois du Printemps, Jour 6, An 83

Cela allait devenir une habitude ; attendre qu'il parte, crocheter la serrure de son domicile, allumer quelques lumières à l'étage. Comme il le lui avait promis, il avait laissé une bonne douzaine de dossiers dans un placard du rez-de-chaussée. Plutôt que de les prendre et disparaître, Erzebeth était restée sur place. Au final, c’était prendre un risque supplémentaire que de les emmener avec elle pour les étudier au Palais. Elle avait ouvert et lu chaque dossier minutieusement et le sol du premier étage était maintenant tapissé de feuilles ordonnées d'une façon qui ne semblait avoir de sens que pour elle.

Elle fut presque déçue de voir que Jorgen ne citait même pas ses patients par leur nom, ils étaient tous réduits à une succession de numéro et de lettres qui donnait l’illusion d’avoir été attribuée totalement au hasard ; ce n’était sans doute pas le cas. Heureusement qu'il donnait d'autres précisions, comme le sexe, l'âge ou l'origine présumée. Parfois, il disait avoir reçu l’aide ou les conseils d’un confrère sur tel ou tel dossier, mais jamais de nom. Elle saluait la prudence de cet homme en même temps qu’elle la maudissait. Comment était-elle supposée apprendre quoi que ce soit d’utile avec ça ?

Les hommes comme Jorgen était pourtant réputé pour vouloir garder une trace plus personnelle de leurs travaux, mais peut-être que ce genre de recueil n’avait pas été laissé à la portée de n’importe qui. Et si quelqu’un était capable de mettre la main dessus, c’était son fils. L’Ascanienne se mit à faire les cents pas dans le salon, esquivant habilement les dossiers sur le sol. Son attention finit par être attirée par un petit livre à reliure noire posé sur un meuble. Son visage impassible l’étudia de loin un long moment avant qu’elle ne se décide à faire les quelques pas qui le séparaient de lui.

Elle n’avait pas besoin de l’ouvrir, elle connaissait son contenu par cœur, elle laissa cependant ses doigts glisser sur la couverture de cuir. C’était la première chose qu’Il lui avait offerte, ce qui lui conférait une valeur bien supérieure à tout ce qu’elle avait un jour possédé dans sa vie. Elle s’en était pourtant défait si facilement ce jour-là, juste pour apporter la Lumière à quelqu’un d’autre. Elle  entendit sans vraiment l’entendre la clochette qui annonçait le retour de l’apothicaire à son domicile. Lorsqu’il atteint finalement le premier étage, elle tourna lentement la tête vers lui, la bible dans les mains.

- Vous l’avez gardée.

Ce n’était pas une question, malgré tout la curiosité pouvait s’entendre dans sa voix.
Adrian Mayr
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Sam 6 Nov - 21:22
Demeure familiale Mayr | Quartier Amaranthis | Troisième mois du Printemps, Jour 4, An 83

Adrian dû se sécher pendant de longues minutes près d'un feu de cheminée en cette soirée de printemps où les éléments avaient décidé de ne pas faire que sa promenade habituelle se déroule dans de bonnes conditions. Il aurait certainement fait demi-tour en sentant les premières gouttes tomber sur lui vu la maigre distance qui le séparait encore à ce moment du Lys d'Argent, mais un objectif très précis l'avait empêché de se détourner de sa sortie. C'est trempé jusqu'à l'os qu'il était arrivé sur le pas de la porte de la demeure de sa mère, accompagné de son chien qui s'était évidemment ébroué en plein milieu de l'entrée avant même qu'il n'ait pu espérer le sécher un peu.

Les mains devant le feu et sa serviette sur les épaules, l'apothicaire observait les flammèches dansantes dévorant peu à peu le bois de l'âtre, parfumant la pièce d'une douce odeur qui aurait été réconfortante dans un autre contexte. A ses côtés, Whisper s'était lové sur un tapis, un œil attentif aux faits et gestes de son maître.

Magda se tenait également non loin, les bras croisés devant elle tout en affichant une expression neutre qui trahissait quelque peu sa contrariété lorsque ses yeux se posaient sur le compagnon canin de son fils.

- A part salir la moitié du salon et de l'entrée, j'imagine que tu ne viens pas simplement pour boire un thé n'est-ce-pas
- Non, en effet mère, je ne viens pas pour ça et j'en suis navré, Répondit-il avec calme et sans ironie.
- Je commence à avoir l'habitude, alors dis-moi ce qui t'amène.

Sans que cela ne sonne comme un ordre, le ton de Magda relevait d'une certaine autorité naturelle, inhérente au passé de leur famille entre autres. Habitué à la façon de s'exprimer de sa mère, Adrian ne s'en offusqua pas et encaissa la remarque acerbe dissimulée sans relever.

- Je dois consulter des documents...Il marqua une brève hésitation avant de reprendre, des documents que Jörgen à probablement dans son bureau.

Magda laissa planer un léger silence, l'atmosphère sembla perdre quelques degrés tandis qu'elle observait son fils, lui-même toujours hypnotisé par la lueur des flammes.

- Tu sais que tu as le droit d'y accéder à ta guise, mais pourrais-je savoir quelle sont tes motivations cette fois-ci?

Aussi détachée que puisse paraître la maîtresse de maison vis à vis d'Adrian, elle ne posait pas cette question simplement pour satisfaire sa curiosité. Lorsque Adrian annonçait devoir se plonger dans les dossiers de son géniteur, cela cachait systématiquement une raison externe, tant celui-ci évitait de s'aventurer de près ou de loin à tout ce qui touchait à Jörgen, exception faite de la discipline pratiquée. Il n'employait d'ailleurs presque jamais le mot père pour le désigner, un geste généralement au-delà de ses forces.

Un nouveau silence s'était immiscé dans la conversation. Adrian passa alors sa main le long de sa joue, suivant des doigts les sillons creusé par sa cicatrice d'une manière plus évasive qu'il n'en avait pris l'habitude. Pensif, l'apothicaire tourna son regard émeraude vers sa mère, affichant l'espace d'un instant un air inquiet - voire apeuré - avant de se cacher de nouveau derrière se masque que les Mayr affectionnait tant.

- Il me faut des réponses, des réponses que je ne trouverai qu'en allant là-haut.

Cette fois-ci, ce fut Magda qui afficha un regard inquiet pendant une fraction de seconde.

- Est-ce en rapport avec...les récents évènements ? Le ton de la maîtresse de maison se fit plus calme, plus maternel.
- Oui, mais je ne peux vous en dire plus pour le moment.
- Adrian...Tu es resté absent plusieurs jours. On m'a dit que tu avais eu un problème de santé...Mas depuis que tu es revenus, j'ai l'impression que tu es...différent, que quelque chose te torture l'esprit.

Il n'était allé la voir qu'une seule fois depuis son retour, et pourtant aucun détail n'avait échappé à sa mère. Il avait pourtant essayé de se montrer le plus normalement possible, prétextant de la fatigue due au surmenage de son retour, mais il en fallait visiblement plus pour qu'une mère ne voit pas les tourments de son fils, même au-delà des barrières que celui-ci tentait d'imposer. Magda ne décrochait plus les yeux d'Adrian. Il ne se détourna pas non plus, même si la culpabilité qu'il ressentait à l'idée d'inquiéter sa mère commençait à lui tordre l'estomac, déjà noué par son manque de nutrition de ce jour.

- Mère, je ne peux pas vous en parler pour l'instant, mais je vous promets que je suis hors de danger. Je cherche simplement des réponses à de nombreuses questions que je me pose depuis l'attaque.

Même si cette promesse manquait de conviction et qu’Adrian omettait volontairement certains détails plutôt importants, Magda comprit qu'elle n'obtiendrait rien de plus que cet aveu. Elle fit alors soudainement volte-face pour commencer à se diriger vers la sortie du salon, elle se stoppa alors pour parler une dernière fois, en se tournant à moitié vers lui.

- Tout ce qui se trouve dans cette pièce t'appartient, tu es libre d'en disposer à ta guise. Elle marqua une petite pause avant de reprendre, Reste au moins diner avec moi Adrian, s'il te plait.

Après un bref acquiescement de tête, l'apothicaire se dirigea vers le hall, talonné comme toujours par Whisper, afin de gravir les escaliers menant au bureau de Jörgen, en quête des documents .

On ne change pas les règles en fin de jeu W69b19

Fin de soirée | Lys D’argent | Quartier Amaranthis | Troisième mois du printemps, jour 6, An 83

Il avait beau s’être douté que la lumière se reflétant à nouveau dans l’encadrement de l’escalier indiquait la présence de l’Inconnue chez lui qu’une pointe de frustration et de colère s’était invitée dans son esprit. Comme à chaque fois qu’il passait cette porte d’entrée, il nourrissait un obscur espoir de voir Whisper trépigner d’impatience en reconnaissant une odeur familière le mettant presque immédiatement. Dans son imaginaire idyllique, elle serait là, à l’attendre une nouvelle fois. Une pensée somme toute assez ironique et vouée à ne jamais se réaliser, puisqu’il l’avait lui-même intimé de partir, craignant que les entraves solidement nouées autour de sa liberté ne finisse par lui nuire.

Bien sûr, le comportement de Whisper, bien que moins hostile que la première fois, ne permit aucune erreur, l’Inconnue était en haut, probablement déjà en train de consulter les dossiers qu’il avait entreposés comme convenu dans un coin. Il ne perdit pas de temps pour monter à son tour les marches, ignorant les protestations naissantes de ses pensées, exercice mental redondant en la présence de l’Inconnue.

En haut, il remarqua immédiatement le vaste étalage de dossier au sol, scène qui lui arracha un frisson. Pour la première fois depuis longtemps, son héritage paternel venait se mêler à sa vie et à ce qu’il avait de plus personnel, à savoir sa demeure. Les dents serrées, il jaugea sans un mot la disposition minutieuse des dossiers avant de finalement porter son attention sur l’Inconnue, augmentant encore un peu plus sa crispation lorsqu’il put l’observer tenant son carnet à la main.

- Vous l’avez gardée.

Adrian s’attarda longuement sur cette lecture qui l’avait probablement maintenu en partie la tête hors de l’océan de folie qui avait tenté de l’engloutir dans les sous-sol du palais. Il ne l’avait jamais rouvert depuis, bien qu’il ait passé plusieurs fois de longues minutes à simplement l’observer comme s’il s’agissait d’un objet précieux. Le contenu du carnet raisonna dans sa tête comme l’écho de sa voix contre les parois caverneuses et obscures de sa prison. Sans l’ouvrir, il aurait été capable de restituer pratiquement l’intégralité de l’ouvrage.

- Il est important de ne pas oublier le chemin parcouru, ni les origines de nos motivations présentes. Dit-il en relevant la tête pour plonger son regard dans celui de l’Inconnue.

Pas loquace pour un sou, elle se contenta de le fixer, sans rien dire. Adrian ne s’en offusqua pas et reprit son observation des dossiers minutieusement disposés au sol.

- Avez-vous pu détailler quelque chose servant votre intérêt ?

Après être visiblement revenue à elle, elle rangea la bible dans une de ses poches avant de finalement répondre.

- Non, il n'y a rien d'exploitable. Est-ce que tous les dossiers de votre père sont rédigés de cette façon ? Il n'a jamais tenu de journal, quelque chose de plus personnel ?

Adrian eut une moue peu satisfaite en entendant cette réponse, car cette fois un second souvenir lui revint en tête. Après quelques secondes de silence, il reprit.

- Ses dossiers les plus compromettant ont été saisis lors de son arrestation, voilà ce qui limite les informations à notre disposition. En revanche...il a toujours tenu un journal. J’ignore s’il à été réquisitionné aussi ou...

Adrian ne termina pas sa phrase, soudainement perdu dans ses pensées.

- Si vous pensez savoir quelque chose, dites-le.

Il faillit faire une remarque concernant le fait qu’il était difficile pour lui de trier les souvenirs de cette époque qu’il s’était efforcé d’effacer de sa mémoire. Revenant comme des réminiscences floues, ces pensées venaient s’additionner à son esprit encore difficilement ordonné, ce qui ne l’aidait pas à y voir clair.

- Je crois me souvenir de ma mère en possession de ce journal. Bien qu’elle ait condamné les actes de son mari en l’ayant elle-même conduit devant la justice, elle refusait de voir les travaux de Jörgen disparaître, si le journal à échappé à la garde, elle n’y est probablement pas pour rien.  
- Vous réalisez qu’elle était peut-être en possession d’informations sensibles pendant tout ce temps et qu’elle a sciemment décidé de garder tout cela pour elle ?

A cet instant précis, Adrian réalisait surtout à quel point sa mémoire se faisait sélective, car il aurait évidemment mis en lumière ce point précis directement si seulement cela lui était revenu en tête plus tôt, il se garda de quelconque remarque vis à vis de ce semblant d’accusation malgré tout, l’heure n’était pas à la joute verbale. Cette remarque amplifia cependant l’appriori qu’avait Adrian, celui qui lui laissait penser que l’Inconnue le voyait toujours comme un criminel, bon seulement à éxécuter ses demandes pour trouver la rédemption.

- Je ne jurerai pas qu'elle ait consulté le journal une seule fois. Elle considère tout ceci comme un héritage qui m'appartient, et rien d'autre. Ma mère n'est pas une criminelle.

Il ne sut si ce fut une nouvelle fois son appréhension, mais il crut observer que l’Inconnue se retint de répliquer quelque chose de désagréable.

- Alors il est temps pour vous de réclamer votre héritage.

Cette fois, ce fut Adrian qui resta silencieux. Quelques secondes plus tard, il se dirigea vers sa chambre, sans un mot de plus pour son interlocutrice qu’il laissa seule pendant une minute. Lorsqu’il revint finalement au salon, il déposa une clé sur le bureau non loin de l’Inconnue, tout en lui adressant un regard dénué de véhémence.

- Vous allez casser la serrure à force de la crocheter. Prenez cette clé si vous le souhaitez.

Puis il fit volte-face, prenant la direction de l’escalier, talonné comme toujours par Whisper qui s’était fait discret au pied de son maître. Il s’arrêta avant de descendre et se retourna une dernière fois.

- J’essaye de ne mêler personne d’autre que moi dans cette histoire, et pour cela, je ne vous dissimule rien. Vous n’en avez peut-être rien à faire de mes besoins, mais si je peux au moins vous demander de ne pas tenter de me devancer en allant vous-même à la demeure de ma famille, je vous en serai reconnaissant.

Dans sa voix sonnait un calme qui trahissait malgré tout une réelle inquiétude. Au fond, Adrian espérait vraiment ne pas avoir à embarquer d’autres personnes dans cette histoire, et il avait l’intime conviction qu’il ne supporterait pas non plus de voir l’Inconnue nuire à son entourage proche.

- Je m'y rend immédiatement, revenez demain soir et je vous apporterai ce journal.

Sur ces derniers mots, il descendit les marches lentement, s’enfonçant dans l’obscurité du rez-de-chaussée, jusqu’à ce que le tintement de la cloche annonçant son départ se fasse entendre à nouveau.
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Jeu 11 Nov - 21:43
Le silence était retombé dans la pièce après son départ et le Corbeau resta un long moment à fixer l’obscurité dans laquelle s’enfonçaient les escaliers qu’il venait d’emprunter. Était-il donc si effrayé à l’idée qu’elle ne s’en prenne à sa famille ? Cette crainte était sans fondement ; il n’était pas dans ses habitudes de malmener des vieilles dames. Elle ramassa les documents éparpillés sur le sol et les ordonna parfaitement sur la table du salon, exactement comme elle les avait trouvés, avant de descendre les marches pour quitter les lieux ; elle finit par faire demi-tour à mi chemin pour attraper la clé qu’il avait laissée pour elle sur le bureau.

Le soleil avait commencé à éclaircir le ciel lorsqu’elle arriva finalement dans ses appartements, elle fut totalement incapable de se souvenir du chemin qu’elle avait pris pour arriver là. Dans la salle d’eau, un bain désormais froid avait été préparé pour elle, et la cire des chandelles disposées partout avait eu le temps de fondre puis de se solidifier à nouveau. Elle avait dit qu’elle ne rentrerait pas tard ce soir, cette information n’était pas tombée dans l’oreille d’une sourde. Assise au bout de son lit, elle laissa tomber mollement le reste de son corps, sans rien enlever de ses vêtements ou ses chaussures.

- Mes yeux me joueraient des tours ?

Dans l’entrebâillement de la porte se tenait une silhouette qu’elle aurait reconnue entre milles.

- Erza est-elle vraiment en train de se reposer ?

Elle voulut se redresser, sans succès. Son corps pesait trop lourd, elle avait certainement sous estimé la fatigue accumulée ces derniers jours. Mais comment parvenir à faire des nuits correctes lorsque son esprit la tourmentait de la sorte ?

- Réveille-moi dans deux heures, j’ai un rendez-vous important tout à l’heure.

- Depuis combien de temps tu n’as pas dormi plus de deux heures ?

Trop longtemps pour s’en souvenir, visiblement. Elle avait la chance de ne pas avoir besoin de longues heures de sommeil pour récupérer totalement, mais deux heures, même pour elle, c’était vraiment peu. Elle prendrait du repos lorsque tous ceux qu’elle traquait seraient pendus au bout du corde, elle s’en fit la promesse. Après un long silence et avant que Maeve n’esquisse un mouvement pour s’éclipser, la voix inhabituellement fatiguée de l’Ascanienne se fit entendre.

- Je sais que je t’ai demandé de garder un œil sur Cole mais j’aimerais que tu ne t’approches plus de lui à l’avenir.
- Pourquoi ? C’est évident qu’il cache quelque chose, si seulement j’avais un peu plus de temps…
- Tu n’as pas vraiment été discrète, désolée mais c’est fini. Reste loin de lui, d’accord ? Je ne sais pas de quoi il est capable et je ne suis pas vraiment pressée de le découvrir.
- Tu t’inquiètes pour moi ?

Toujours cette insupportable légèreté dans la voix. Erzebeth soupira avant de lui tourner ostensiblement le dos. Après un moment et convaincue qu’elle n’obtiendrait aucune réponse supplémentaire, Maeve quitta la chambre avant de refermer doucement le battant derrière elle.

On ne change pas les règles en fin de jeu W69b19

Début de soirée | Lys d'Argent | Quartier Amaranthis | Troisième mois du Printemps, Jour 7, An 83

Ce soir-là elle n’eut pas besoin de crocheter la serrure du Lys d’Argent, pas plus qu’elle n’eut besoin de la clé qui restait désormais constamment dans sa poche ; Adrian lui ouvrit directement la porte puisqu’elle avait fait l’effort de ne pas s’inviter chez lui au beau milieu de la nuit. L’un comme l’autre s’était dévisagé un instant de trop, chacun reconnaissant dans le visage qui leur faisait face les signes de nuits probablement pénibles et bien trop courtes ; finalement Adrian l’avait laissé franchir le seuil de sa demeure sans un mot.

Lorsqu’il lui avait tendu ce pourquoi elle était venue, elle s’en était saisie avec empressement, alors que lui semblait plutôt impatient de s’en débarrasser : elle aurait pu jurer qu’il n’avait pas lu une ligne de ce journal depuis qu’il l’avait en sa possession. Sans attendre, elle s’était installé autour de la table, comme s’il s’agissait de son bureau personnel. Concentrée dans sa lecture, elle fit abstraction de tout le reste, même du regard noir et méfiant de la bête à quatre pattes qui suivait l’apothicaire comme son ombre.

Le journal de Jörgen retraçait tous les moments forts et anecdotiques de son existence, de sa vie de jeune adulte avide de faire ses preuves à son mariage avec une noble érudite qui lui donna un fils quelques années plus tard. Ses « amitiés », ses inimitiés, ses projets, l’ambition qu’il projetait sur son fils, son agacement envers sa femme qu’il jugeait trop douce avec ce dernier, chaque mot couché dans ce journal donnait une idée toujours plus précise de qui était réellement Jörgen Neuthall, un homme que même Erzebeth aurait qualifié d’antipathique.

Et pourtant donnait-il cette même impression au sein de sa société ? Sûrement pas. Elle l’avait aperçu lors de son procès et se souvenait d’un homme éloquent et plein d’assurance. De l’avis de ses pairs, il était également le médecin le plus doué et brillant de sa génération ; autant de reconnaissance qui aurait fait gonflé l’orgueil d’à peu près n’importe qui. Était-ce pour cette raison qu’il s’était permis de jouer à Dieu en mutilant des innocents ? De prendre part aux expériences dans les sous-sols de la Bibliothèque ?

Elle n’en était pas encore au premier tiers du livre qu’elle sentit l’impatience la gagner. Elle avait besoin de quelque chose, n’importe quoi qui lui indiquerait qu’elle était sur la bonne piste en exhumant de vieux souvenirs d’une plaie qui n’avait pas encore correctement guéri. Ce ne fut que lorsqu’elle découvrit qu’Adrian avait à peine six ans lorsque son père l’obligea à assister à sa première dissection de cadavre qu’elle releva finalement les yeux de cette lecture oppressante. De l’apothicaire, il n’y en avait plus aucune trace dans le salon, mais l’heure tardive indiquait qu’il était probablement parti se balader avec son chien, comme il en avait l’habitude. Elle ne l’avait même pas entendu partir.

Ses doigts massèrent l’arrête de son nez tandis qu’une vive douleur se logea entre ses tempes. Elle tenta de reprendre sa lecture où elle l’avait laissé mais se retrouva contrainte de fermer les yeux quelques minutes. Lorsque l’Amaranthis rentra finalement chez lui, il la retrouva profondément endormie, avec le journal de son père en guise d’oreiller.
Adrian Mayr
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Sam 13 Nov - 3:42
S'il avait maintenu les apparences au prix d'un conséquent travail sur lui-même lorsque les yeux de l'inconnue l'observaient un peu plus tôt, Adrian se sentait désormais sur le fil du rasoir, tant moralement que physiquement. Déterminé à coopérer pour s'acquitter de son nouveau devoir, plonger dans le passé de son géniteur une fois encore n'était pas chose aisée pour lui, encore moins depuis que de sombres accusations pesaient au-dessus de sa tête. Au fond, il avait toujours su qu'il devrait se confronter une énième fois à son héritage, bien qu'il redoutait ce moment. Chaque pas le menant au manoir familial lui semblait être un de trop, jusqu'à ce que finalement il ne franchisse la porte de la demeure Mayr, sentant son cœur tambouriner dans sa poitrine comme s'il courait à l'échafaud.

Au bout de quelques minutes à vagabonder dans l'obscurité, Adrian s'était finalement retrouvé face à Magda Mayr, noctambule invétérée. Nul échange de banalité entre la mère et le fils, car on ne dupait pas la maîtresse de maison. C'est après s'être éclipsée une poignée de minutes encore que Magda revint aux côtés d'Adrian, tenant à la main un carnet soigneusement fermé par un lien de cuir fin. Avant qu'elle ne concède lui donner l'ouvrage, elle ne put évidemment pas s'empêcher de dévisager son fils, songeuse.

- Tu as tout fait pour t'éloigner de Jörgen et aujourd'hui, voilà que tu reviens coup sur coup t'enquérir d'anciennes possessions.
- Rien n'a changé depuis ma dernière visite, mère. Je cherche des réponses que lui seul est capable de m'apporter. Répondit-il en anticipant la question à venir.

Magda eut une moue insatisfaite, puis son regard se posa sur le carnet qu'elle changea de main, comme s'il était soudainement devenu brûlant.

- Cet objet est dangereux. Je ne l'ai jamais consulté, mais pourtant je le sais, tout comme tu sembles le savoir aussi. Si je ne l'avais pas caché, il ne serait plus chez nous.
- Et c'est précisément ce qui m'amène vers vous pour vous demander de me confier.

Une nouvelle fois - et pourtant c'était un fait plutôt rare habituellement - une vague d'inquiétude passa sur le visage de Magda tandis qu'elle observait son fils. Elle laissa planer un long silence, partagée entre l'idée de brûler ce carnet ici et maintenant ou le remettre à Adrian. Pire encore, l'inquiétude devint soudainement méfiance.

- Adrian, j'espère que tu ne tente pas de reprendre le combat de ton père...Il est...
- Non. Coupa-t-il, catégorique. C'est même plutôt l'inverse.

Adrian sentit sa vulnérabilité prendre le dessus sur son être tout entier. L'espace d'un instant, sa propre mère insinuait qu'il était envisageable qu'il ait décidé de reprendre le flambeau de son père. Inconcevable pour lui, l'apothicaire semblait réaliser à quel point il pouvait apparaître différent aux yeux de ses proches depuis son retour. Sa soudaine fébrilité se lut aisément dans son regard, abaissant sans effort ce masque de neutralité qu'il affectionnait tant. Forcé à fuir le regard qu'il avait interprété accusateur de sa mère, Adrian laissait divaguer ses yeux aux alentours. Il reporta finalement son attention sur sa mère, retrouvant un semblant de détermination.

- Je conçois vous devoir quelques explications à propos de mon comportement. Soit, je vais vous raconter ce que j'ai vu ce jour là, mais je devrais m'en tenir à ça, et vous demander une nouvelle fois de me faire confiance, sans vous mêler de quoi que ce soit.

On ne change pas les règles en fin de jeu W69b19

Fin de soirée | Lys D’argent | Quartier Amaranthis | Troisième mois du printemps, jour 7 An 83

D'abord déterminé à rester non loin, si le besoin s'en faisait sentir, Adrian comprit bien vite que sa présence n'était pas primordiale pour le moment, ce qui l'arrangea grandement aux vues de la lecture dans laquelle l'Inconnue s'était engagée. Il profita alors de cette transe dans laquelle elle s'était plongée pour s'éclipser et tenter de s'aérer la tête. Malheureusement pour lui, l'air libre ne fut d'aucun réconfort tant son esprit était conditionné autour de ce maudit carnet. Chaque fois qu'il y pensait, il revoyait son géniteur attablé à son bureau en train de soigneusement coucher sur le papier ses confessions personnelles, et cette idée d'avoir l'image de Jörgen ancrée dans sa tête le dérangeait au plus haut point. Pour s'en défaire, il tenta même de répondre à la salutation d'un ancien patient à lui en évitant pour une fois de s'esquiver. Évidemment, la tentative se soldait machinalement par un échec.

Finalement, il se mit à penser au problème sous un autre angle, à savoir celui de régler les choses au plus vite. C'est d'ailleurs cette envie d'en finir qui le décida à faire demi tour pour finalement reprendre le chemin du Lys d'Argent.

Arrivé à l'intérieur, Adrian eut la désagréable sensation de ne pas se sentir chez lui à nouveau. A l'étage se trouvait l'inconnue, il le savait. Il avait beau lui avoir lui-même confié la clé de sa demeure, il était assez difficile pour lui d'accepter que l'on dispose de ses biens sans son consentement. Il chassa cette frustration aussi sec en pensant au fait qu'il était inutile de tenter de mettre des bâtons dans les roues à celle qui détenait selon lui le pouvoir de lui rendre sa liberté. Décidé à laisser ses griefs de côté, il monta finalement les marches calmement, tentant de calmer les battements irréguliers de son cœur dans sa poitrine.

Arrivé en haut, le spectacle qu'il découvrit le prit au dépourvu. Profondément endormie, l'inconnue n'avait pas bougé de l'emplacement où il l'avait laissé, à la différence près qu'elle était désormais le visage posé sur feu sa lecture. Adrian s'avança de deux pas en silence puis jaugea un instant le visage aux yeux clos de l'Inconnue.

Tout à coup, l'Inconnue lui paraissait être si humaine et normale qu'il fut pris au dépourvu. Les yeux fermés et la bouche légèrement entrouverte, elle semblait désormais à la merci de toute agression, dévoilant des faiblesses qu'il n'aurait jamais cru voir chez elle. Son cœur s'accéléra encore tandis que ses mains se mirent à trembler. Après quelques pas sur le côté, Adrian s'était approché d'un meuble sur lequel reposait un objet qu'il convoitait. Avec une extrême lenteur, sa main vint trouver un petit objet métallique longiligne. Ce n'était pas coupant, mais ce coupe-papier était muni d'une pointe acérée...

Il s'approcha alors de l'Inconnue, pas à pas, dans un silence pesant que même Whisper n'osa pas briser, immobile derrière son maître. Il s'immobilisa à mi-chemin, assourdi par le tambourinement furieux du sang dans ses veines. Tout pouvait s'arrêter, ici et maintenant. Il ne serait pas libre, pas de cette façon en tout cas, mais au moins sa douleur liée à son séjour dans les tréfonds du palais ne serait plus qu'un lointain souvenir, s'écoulant hors de lui comme s'écoulerait le sang de l'Inconnue sur le sol du Lys d'Argent.

Oui, il voyait on ne peut mieux la scène et tout ce qui allait suivre, alors pourquoi ne bougeait-il pas ?

Tétanisé sur place, Adrian tentant tant bien que mal de stopper ces pulsions qui avaient pris possession de lui, l'intimant à se saisir de cette arme ridicule et à s'avancer tel un prédateur vers sa victime. Peinant à reprendre le contrôle, il dut mobiliser toutes ses forces pour ne plus progresser vers l'Inconnue, entamant un long combat contre les voix dans sa tête et contre cette pulsion meurtrière qui n'était pas sienne. Une nouvelle fois, ce fut une vision intimement familière qui lui permit de regagner son esprit et son corps, calmant ainsi le flux ardent qu'était devenu le sang dans ses veines. Soudainement transpirant, Adrian dévisageait l'Inconnue, endormie sur le carnet. Il resta encore quelques minutes immobile, tentant d'être sûr d'avoir repris le contrôle.

Finalement, l'apothicaire alla déposer le coupe papier sur la table basse devant le divan et poussa un profond soupire en se massant la main sur laquelle les gravures de l'objet pointu avaient laissé de profondes marques tant il l'avait serré. Puis, il se dirigea dans la chambre, en silence, toujours talonné par son compagnon canin. Il revint quelques minutes plus tard seul dans la pièce et s'approcha de l'Inconnue à pas feutré. Elle n'était plus qu'à quelques centimètres de lui lorsqu'il leva les mains au-dessus d'elle, pour lentement déposer une couverture d'appoint sur ses épaules. Il s'éloigna ensuite, toujours en douceur pour gagner le fond de la cuisine, en quête d'un remontant.

Après s'être servi du vin de sauge, Adrian resta longuement assis sur le divan, le verre à la main, ponctuant ses ruminations par une gorgée à chaque fois qu'une transition se faisait dans ses pensées. Régulièrement, il tournait le regard vers l'Inconnue, mais surtout vers le journal qui reposait sous elle. L'idée de le récupérer en tentant de ne pas la réveiller lui avait traversé l'esprit, mais il ne put se résoudre à tenter un tel exercice avec son état de fatigue avancée. Cette tentation dans l'idée de consulter les écrits de Jörgen fut surprenante pour lui, comme si son esprit commençait peu à peu à accepter qu'il ne pourrait pas se soustraire éternellement à son héritage.

Les yeux perdus dans le vide, Adrian se laissait divaguer au gré de son esprit, oubliant même quelque instants la présence de l'Inconnue. Il termina finalement l'ultime gorgée de ce breuvage qu'il affectionnait tant, mais resta ainsi immobile, bras croisés. Sans vraiment savoir pourquoi, il redoutait l'idée même de gagner son lit. Peut-être était-ce cette désagréable impression qui lui laissait penser qu'il se réveillerait ailleurs, dans un profond cachot par exemple...Une pensée totalement absurde, mais Adrian n'avait à ce moment pas le recul pour s'en rendre compte. Il resta éveillé longuement, jusqu'à ce que finalement le sommeil s'empare de ses dernières forces et que son visage finisse par s'affaisser lentement, faisant choir ses lunettes sur ses bras croisés devant lui.
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Sam 20 Nov - 23:04
Elle avait toujours eu le sommeil léger, même lorsque sa tête était vide de contrariétés et son âme de tourments, cette nuit-là pourtant n’importe qui aurait pu la prendre par surprise sans qu’elle n’esquisse le moindre geste pour se défendre. Peut-être avait-elle finalement atteint ses limites, ou peut-être qu’inconsciemment elle aurait accueilli cette fin comme un soulagement. Il ne faisait pas encore vraiment jour lorsqu’elle ouvrit les yeux. Les bras repliés autour de sa tête comme un rempart contre le monde, elle pensa tout d’abord s’être assoupie sur son bureau, comme cela lui arrivait parfois lorsqu’elle passait trop de temps à étudier des rapports ; quand elle réalisa où elle se trouvait, elle se fustigea mentalement.

La part d’elle qui ne pouvait concevoir d’avoir abaissé sa garde si facilement tenta de se convaincre qu’elle avait été droguée par l’apothicaire… avant de se souvenir qu’elle n’avait jamais accepté de boire quoi que ce soit de ce qu’il lui avait proposé. Ses yeux de glace ne tardèrent pas à se poser sur ce coupable tout désigné, endormi un peu plus loin sur le divan, menton contre poitrine. Il aurait été si simple pour lui de lui planter une lame dans la nuque cette nuit, mais soit cette pulsion n’avait pas été assez forte, soit il avait pleinement conscience que sa vie dépendait d’elle à présent. La couverture avait glissé de ses épaules lorsqu’elle s’était redressée sur sa chaise ; elle n’avait aucun souvenir d’avoir poussé l’audace jusqu’à emprunter ceci à l’Amaranthis, et l’idée que ce dernier ait pu avoir un geste aussi prévenant à son égard lui paraissait aussi ridicule qu’invraisemblable.

Elle prit soin de ne pas faire le moindre bruit et se releva lentement, comme si elle avait l’intention de quitter les lieux sans réveiller l’apothicaire. Elle referma prudemment le journal qui lui avait tenu lieu d’oreiller, et dont la page sur laquelle elle s’était endormie était encore toute chiffonnée, avant de le faire disparaître dans les pans de sa veste. Alors qu’elle se dirigeait vers la sortie, une sorte de plainte étouffée la força à regarder en arrière. Toujours profondément endormi, Adrian semblait avoir un sommeil plus agité qu’il ne le laissait supposer au premier regard. Lorsqu’elle s’approcha de lui, elle nota ses mains crispés sur le tissu du divan et la sueur qui perlait sur son front malgré la température clémente de la pièce. Ici et maintenant, il ne pouvait plus mentir, ni faire semblant, un peu comme lorsqu’il était dans cette cage.

- Adrian, appela t-elle pour le tirer de ses songes cauchemardesques, comme mue par une soudaine compassion pour celui qu’elle avait endommagé. Toujours prisonnier de son esprit, il ne réagit pas. Alors elle s’approcha davantage, un, deux, trois pas, et posa finalement sa main sur son épaule avant de le secouer doucement mais fermement. Adrian !

Il ouvrit enfin les yeux qu’il écarquilla dès qu’il la reconnut. Sans doute y avait-il plus plaisant que de voir son visage dès le réveil.

- Je… Je dors depuis longtemps ? hasarda t-il comme s’il était mal à l’aise de la savoir ici.

Elle reprit très vite ses distances avec lui, à la fois pour dissiper sa gêne et aussi parce qu’elle ne voulait pas que l’horrible chien au pelage fauve qui dormait à ses côtés ne vienne à penser qu’elle avait des intentions belliqueuses.

- Je ne saurais le dire. Après tout elle ne savait pas s’il avait tardé ou non à s’endormir dans la nuit. Mauvais rêve ?

Il prit le temps de se relever avant de répondre.

- Oui, en quelque sorte…

Elle le laissa déambuler dans son salon sans le quitter du regard, regard qu’il pouvait sentir sur lui même lorsqu’il lui tournait le dos.

- Vous compartimentez vos émotions comme vous le pouvez mais elles vous rattrapent dès que vous baissez la garde.

C’était un problème qu’elle avait réussi à résoudre. Aujourd’hui, Erzebeth pouvait se targuer de ne plus jamais faire aucun cauchemar, raison pour laquelle ses nuits courtes étaient tout de même reposantes. Revers de la médaille, elle ne faisait jamais de rêves agréables non plus.

- J'imagine que je dois faire avec, n'est-ce-pas nécessaire à l'accomplissement des tâches que vous me demandez ? répondit-il avec un calme étonnant, là où elle se serait attendu à percevoir de l’amertume dans sa voix.
- Nécessaire, oui. Pensive, elle finit par détourner son attention de lui. Au bout d’un moment, son implacable jugement tomba sur le silence de la pièce. Vous êtes trop fragile.

Le ton n’était pas à la critique, elle énonçait cela comme elle aurait parlé de la météo. Loin de s’offusquer de ses paroles, Adrian lui répondit avec son calme coutumier.

- Pourtant vous pensiez que ma cervelle finirait par se répandre sur le sol de ma prison, ce qui n'est pas le cas. J'imagine que je ne le suis pas tant que ça.

Pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient, l’Ascanienne esquissa un sourire aussi léger que bref, vision si rare qu’elle semblait presque de mauvais augure. Peut-être qu’elle le jugeait un peu trop durement après tout.

- En effet. Si le fils Von Ziegler s’était retrouvé à votre place, il n’aurait pas hésité à sauter du haut de cette tour.
- C'est fort probable, en effet. Avez-vous choisi lequel survivrait selon des critères précis ?
- Il n’avait plus rien, pas l’ombre d’un espoir. Vous… Elle marqua une petite pause. Je ne sais pas ce qu’il vous reste mais il vous reste indéniablement quelque chose. Mais vous demeurez fragile car il suffirait de vous replonger dans l’obscurité pour vous faire perdre la raison.

Impassible dans un premier temps, Adrian finit par esquisser lui aussi l’ombre d’un sourire.

- Je mènerai cette mission au bout, et vous avez possiblement encore besoin de moi.

Pensait-il qu’elle proférait de vaines menaces ? Pourquoi prendre le risque d’éveiller de la méfiance chez un ennemi lorsque l’on pouvait le frapper sans prévenir ? Les intentions d’Erzebeth étaient tout autre, mais une fois encore la compassion dont elle faisait preuve n’était pas comprise de la sorte par son entourage. Une trace de lassitude passa dans son regard céruléen avant qu’elle ne finisse par se rasseoir sur la chaise qu’elle n’avait pas quitté de la nuit.

- Si je vous pointe vos faiblesses, c’est parce que j’espère vous voir vous en débarrasser un jour
, finit-elle par dire à mi voix avant de sortir le journal de Jörgen pour le poser devant elle. Vous avez l’air de croire que les injustices qui pleuvent sur votre vie ne sont que le fruit du hasard, que vous n’êtes qu’une victime du jugement hâtif et imparfait de vos pairs. Ne vous a t-il jamais traversé l’esprit qu’une plus grande puissance avait posé les yeux sur vous et que ces épreuves vous étaient envoyées à vous personnellement dans un but précis ?

Les Amaranthis étaient connus pour leur manque de foi, Adrian n’y faisait pas exception. Elle gaspillait sans doute sa salive en essayant d’allumer une étincelle dans un être aussi dépourvu de spiritualité. Cette absence de foi causerait sa perte, car on ne pouvait pas traverser des ténèbres aussi obscures sans une lumière divine à ses côtés. Mais encore une fois, pourquoi devrait-elle s’en soucier tant qu’il donnait satisfaction dans sa quête de coupables ?

Sans vraiment attendre de réponse à cette question rhétorique, elle reporta son attention sur le carnet.

- Je ne vous obligerai pas à le lire si vous n’y tenez pas, mais peut-être que cela vous apporterait un éclairage nouveau sur les agissements de votre père. Et peut-être des réponses à des questions que vous vous êtes déjà posées. Ma lecture a fait ressortir deux noms qu’il mentionne assez souvent : Edgar Haryson et Aurélius de Langret. Le premier est décrit par votre père comme un arriviste et opportuniste qui n’hésite pas à s’approprier le travail de collègues plus brillants que lui. Le deuxième semble être un ami de votre père, même si le terme n’est pas tout à fait correct. Je pense qu’il s’agissait davantage d’un rival à qui il témoignait beaucoup de respect.
Adrian Mayr
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Mer 5 Jan - 14:02
Adrian fut presque surpris d'entendre venir une justification spontanée de la bouche de l'Inconnue, et ce malgré le choix que l'apothicaire avait fait de ne pas s'étaler sur les raisons qui la poussait à lui parler de ses propres faiblesses. Pour lui, cette remarque trouvait raison dans la seule et unique motivation de sa présence ici, au Lys d'Argent, à savoir cette mission qui incombait à Adrian. Pour être précis, c'était même la première fois dans leurs échanges qu'elle précisait son propos de la sorte, comme si elle s'intéressait à ce qu'Adrian pouvait bien penser.

S'il avait volontairement éludé toute demande de précision vis à vis des dires de son interlocutrice, il n'en demeurait pas moins étonné, tant par cet étrange et éphémère bien-être - qu'il ressentait chaque fois que sa curiosité était satisfaite - que par le fait que ce comportement l'avait poussé à faire fi de tout ce qu’incarnait l'Inconnue à ses yeux, au moins l'espace d'un instant. Attentif au discours qui suivit, il trouva même un réel intérêt dans le postulat théologique qu'elle abordait durant sa justification. Entrevoir un possible dialogue apaisa quelque peu Adrian, ressentit certainement exacerbé par cet état d'épuisement lancinant qui manipulait ses nerfs depuis trop longtemps maintenant.

Bien entendu, il n’était pas question non plus de s’engager dans une conversation et la réponse qu’Adrian formulait déjà dans sa tête se devrait d’attendre, car l’Inconnue revint aux préoccupations essentielles de leur collaboration, à savoir le carnet de son géniteur. Attentif et silencieux, l’apothicaire faisait quelques pas dans le salon, avec une lenteur suffisante pour que sa gestuelle ne rende pas la situation énervante. Machinalement, sa main vint se loger dans sa barbe qu’il massa comme à son habitude lorsqu’il réfléchissait.

Il y a quelques temps, lire le journal de Jörgen aurait été exclu de toute considération. Mais Adrian n’était pas dupe, s’il voulait s’en sortir et être libre à nouveau, il ne pourrait pas faire les choses à moitié. Cette motivation n’atténua en rien appréhension cependant, ainsi son esprit se remit à faire le balancier entre l’inconfort et la détermination, chose qui ne se remarquait pas devant l’impassibilité de l’Amaranthis. Lorsque deux noms surgirent dans la conversation, des images se projetèrent dans sa tête.

Edgar Haryson était associé à la fois à quelques bribes obscures du passé, mais aussi et surtout à des événements bien plus récents qui réveillèrent en lui une profonde amertume. Cet homme avait été le point noir d’un évènement dont les souvenirs étaient jalonnés de joie et de bonne humeur. Intrusif et trop sur de lui, cet homme avait tenté de convaincre Meryl puis Adrian qu’il pourrait guérir l’affliction qui touchait la jeune femme. Il s’était heurté à un double refus, bien qu’Adrian ait consenti à lui céder du terrain pour qu’il ne se décide à s’en prendre à elle.

Aurélius de Langret évoquait simplement des souvenirs plus anciens. Il connaissait l’homme mais n’avait pas réellement cherché à le revoir depuis tout ce temps.

Adrian laissa planer un long silence pendant lequel il rumina un peu plus ses pensées, puis il posa son regard émeraude sur l’Inconnue.

- Ces deux noms ne me sont pas inconnus. Ils ont en effet fait partie du paysage professionnel de Jörgen.

Comme si ce qu’il s'apprêtait à dire menaçait de lui brûler la bouche, Adrian marqua une pause alors qu’il s’approchait d’une chaise qu’il tira en douceur pour s’y asseoir, non loin de l’inconnue et du bureau sur lequel reposait le carnet.

- Je suis bien obligé d’admettre qu’Haryson est bel et bien tel qu’il est décrit dans ce journal. J’imagine qu’il ne portait pas non plus Jörgen dans son cœur…J’ai eu affaire à lui récemment, dans un étonnant concours de circonstance qui me laisse penser qu’il s’était déjà renseigné sur moi.

Et sur mes fréquentation” se retint-il de dire.

- Je ne sais pas comment m’accueillerait Aurélius de Langret si je le voyais aujourd’hui, mais s’il lui témoignait du respect, c’est qu’il existait certainement une réciprocité entre eux. Nombreux sont ceux qui déplorent que je me sois éloigné des traces de mon père, Von Ziegler était de ceux-là, peut-être que de Langret l’est également.

Il marqua une nouvelle petite pause tandis que ses yeux se figèrent sur le journal.

- Haryson à beau avoir été visiblement en relation conflictuelle avec Jörgen, j’ai au moins la certitude qu’il ne refuserai pas de me laisser approcher, aux vues de notre dernière conversation…

Conversation dont le sujet principal avait été le seul et unique sujet qu’Adrian aurait aimé éviter coûte que coûte depuis qu’elle était partie…Mais aujourd’hui l’Amaranthis n’avait pas le choix, et aucune piste ne se devait d’être écartée, bien qu’il soit absolument convaincu qu’il ne la mêlerait pas à toute cette histoire.
Erzebeth
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Jeu 13 Jan - 0:24
Encore une fois, elle se félicita de l’avoir choisi lui parmi toutes les options qui s’étaient offertes à elle. La question de savoir si elle avait fait le bon choix s’était souvent posée mais le doute commençait à se dissiper ; même s’il avait fait tous les efforts du monde pour échapper à son passé, jusqu’à changer son propre nom, Adrian demeurait le fils de Jörgen, un statut qui lui ouvrirait assurément des portes. Déjà il pensait pouvoir approcher sans difficulté un nom qui était revenu plusieurs fois dans le journal de son père. Peut-être que c’était une perte de temps, peut-être pas, mais lui comme elle ne semblaient pas vouloir négliger de pistes.

- Vous pensez qu’il pourrait savoir quelque chose ? Ou même qu’il pourrait être directement mêlé à toute cette affaire ?
- Je ne suis pas sûr. Aux dernières nouvelles, ses recherches traitaient d'un sujet légèrement différent… Il marqua une pause, pensif. Bien que finalement ça n'en soit pas si éloigné. Mais s'il est bien l'opportuniste décrit par mon pè… par Jörgen, alors il y a fort à parier qu'il détient au moins quelques informations.
- J’avoue que son nom ne m’a rien évoqué lorsque je l’ai lu, contrairement à Aurélius. Je sais qu’il a pris une retraire anticipée lorsque votre père a été arrêté et qu’il se fait très discret depuis. Ce ne sera sans doute pas facile de l’approcher mais… Son regard se posa sur lui avec davantage d’intensité. Vous n’êtes pas n’importe qui, peut-être qu’il fera une exception pour vous.

La légère appréhension dans le visage d’Adrian ne lui échappa pas, mais celle-ci se dissipa presque aussi vite qu’elle était apparue.

- S'il fait partie de ces gens qui déplorent mon choix de vie, alors oui, je vous rejoins sur ce point, il acceptera de m'accorder une audience.
- Laissez-moi obtenir plus d’informations sur lui, ainsi vous n’avancerez pas en aveugle. Si de votre côté vous pensez avoir une piste prometteuse avec Haryson…
- Je vais avoir besoin d'une journée au moins, pour préparer une rencontre sans en dévoiler plus que je ne le voudrais.
- Vous en aurez même plus, j’aurais moi-même besoin d’un peu de temps.

Interroger l’ancien entourage d’Aurélius, trier les informations utiles des pures commérages de quartier, tenter de trouver l’angle le plus approprié pour l’approcher sans éveiller directement sa méfiance. Ses doigts se posèrent sur la reliure de cuir devant elle.

- Autre chose… Elle baissa son regard sur le carnet. J’aimerais en finir totalement la lecture avant de vous le laisser.
- Prenez-le, ou lisez le ici, comme vous le souhaitez, répondit-il sans hésitation.

Elle hocha doucement la tête, comme un remerciement silencieux, avant de le faire disparaître dans les pans de son vêtement. Il y a encore quelques semaines, cette prudence aurait été uniquement motivée par la peur que l’apothicaire s’enquiert du contenu du journal avant elle et falsifie des preuves ; aujourd’hui, elle s’inquiétait simplement de l’effet que cela pourrait lui faire de lire tout ce que Jörgen y avait consigné, surtout les passages qui le concernaient directement. Lui qu’elle avait qualifié de « fragile » quelques minutes auparavant – même s’il ne l’était pas tant – combien de combats était-il capable de mener de front ?

Comme souvent lorsqu’elle semblait en avoir fini, Erzebeth se levait et disparaissait sans rien ajouter ; cette fois en revanche, elle resta visée à sa chaise. Peut-être que cette invitation à rester davantage ou à revenir plus fréquemment n’était pas tombée dans l’oreille d’une sourde. De ce qu’elle savait, l’existence d’Adrian avait toujours été très solitaire, cela devait être bien pire aujourd’hui pour que même sa présence à elle ne lui semble pas si insupportable. Lentement elle reposa ses coudes sur la table, avant de croiser ses bras devant elle comme si elle ne savait plus vraiment quoi faire d’eux.

- Une tasse de thé ne me ferait pas de mal.

Elle se racla la gorge.

- Je veux dire, enfin… si ça ne vous dérange pas ?

Un petit silence passa, quelques secondes tout au plus, avant qu’il ne se dirige finalement vers la cuisine. Elle n’avait pas l’intention de rester ici pour bavarder de la météo, d’ailleurs elle n’avait pas vraiment envie de bavarder de quoi que ce soit. Savourer un thé ici dans le silence, c’était tout aussi bien. Son regard s’égara par la fenêtre, la ville était déjà baignée dans les rayons du soleil.

C’était une très belle journée.

On ne change pas les règles en fin de jeu W69b19

Début de soirée | Palais du Gouverneur | Quartier Asacanien
Troisième mois du Printemps, Jour 11, An 83

La fenêtre dans son dos avait été ouverte dans l'espoir de faire entrer un mince filet d’air mais même à cette hauteur le vent semblait jouer les timides. Malgré la chaleur, Erzebeth persistait à porter des vêtements qui recouvraient chaque centimètre de son corps ; le tissu autour ses bras était vaporeux mais elle se mit à souhaiter qu’il disparaisse. Dans un soupir las, elle lâcha le document qu’elle étudiait pour s’enfoncer dans son siège, massant l’arrête de son nez pour chasser la douleur qui s’y était logée. Le temps était orageux dehors, lourd, suffoquant ; tout irait mieux lorsque le ciel craquerait pour de bon. L’Ascanienne n’avait pourtant jamais été particulièrement sensible à la météo, ce qui lui laissait croire qu’il y avait une autre raison derrière sa soudaine fébrilité. Comme un mauvais pressentiment.

Elle avait entièrement fini de lire le journal de Jörgen mais ne cessait de revenir en consulter certains passages, inlassablement. Se plonger dans la tête de cet homme n’avait pas été un exercice évident, plus d’une fois elle eut envie de mettre un terme à la lecture, persuadée qu’elle n’y découvrirait rien d’autres que les délires mégalos d’un homme en mal de reconnaissance ; d’une certaine façon, elle n’avait pas vraiment eu tort. Prudent même dans ses écrits personnels, Jörgen n’évoquait jamais directement les choses, comme s’il avait peur que l’on puisse s’en servir un jour contre lui. Un visionnaire, en somme, vu que la personne qui détenait son journal aujourd’hui avait juré de purger la ville des gens de son espèce.

Et pourtant certains passages l’avaient troublée, notamment lorsqu’il affirmait détenir des informations qui, à coup sûr, bouleverseraient la stabilité politique de la ville. Évidemment, il n’en précisait rien à l’écrit. Les dernières entrées ressemblaient aux divagations d’un esprit malade, et l’Amaranthis semblait convaincu qu’on chercherait à lui nuire d’une façon ou d’une autre. Hasard ou prophétie auto réalisatrice, son procès eut lieu un mois jour pour jour après la dernière date du journal. Peut-être qu’elle en avait trop attendu et qu’il était temps de rendre cet indigeste témoignage de mépris et d’arrogance à son propriétaire légitime.

Elle ne savait pas trop pourquoi mais penser à Adrian allégea quelque peu son mal de tête. Il était peut-être temps de retourner auprès de lui, ne serait-ce que pour lui transmettre tout ce qu’elle avait appris sur Aurélius. Elle se redressa prestement et mis de l’ordre sur son bureau ; elle ne laissait jamais rien d’important sur place et emportait toujours tout avec elle. Elle savait très bien que personne ne se privait de fouiller dans ses affaires dès qu’elle avait le dos tourné, elle ne s’en privait pas lorsque c’était au tour des autres d’être absents. Parfois, elle laissait volontairement quelques documents compromettants à la vue de tous, juste pour conduire une petite fouine dans une mauvaise direction. Elle aurait donné cher pour savoir si cela fonctionnait parfois, et encore plus cher pour les voir perdre un temps précieux à suivre des fausses pistes.

Alors qu’elle s’apprêtait à quitter les lieux, une voix la fit presque sursauter.

- Vous alliez quelque part ?

Elle se maudit d’avoir trop attendu avant de prendre congé. À quelques minutes près, elle n’aurait pas eu à subir une altercation avec ce qui semblait être le nouveau favori de Sa Grâce. Ce qu’il pouvait trouver d’intéressant dans la conversation de ce jeune homme insipide était un bien grand mystère, mais elle n’était pas l’Élu de Providence et par conséquent beaucoup de choses devaient lui échapper.

- De toute évidence, répliqua t-elle, plus froide que jamais. Elle n’avait rien oublié de leur dernière discussion.
- À vrai dire… J’espérais que vous pourriez m’aider sur une affaire délicate.

Le ton était humble, presque timide. Tous ses mécanismes de défense s’activèrent presque immédiatement.

- Je n’ai pas le temps.

Et pourtant elle aurait été curieuse d’en demander davantage mais chaque fois qu’elle s’imaginait s’attarder, elle sentait comme un bourdonnement dans ses oreilles. Un mauvais pressentiment. Non, plus que ça : un avertissement.

- Je pense que vous trouverez un peu de temps quand vous connaîtrez tous les détails. Cette affaire m’a été confiée par Sa Grâce, vous savez. Si vous m’aidez, je pourrais intercéder auprès de lui en votre faveur.

« Il essaie de te retenir. »

Évoquer Sa Grâce était une façon presque assurée d’attirer son attention… d’ordinaire. Mais tout ce qui sortait de la bouche de Cole était du poison, et elle le regardait à présent comme on regarderait une vipère se tortiller dans un jardin tandis qu’un sourire mauvais vint courber ses lèvres.

- Allons, si Sa Grâce vous a confié cette mission à vous c’est qu’Il vous estimait à la hauteur de la tâche. Vous êtes l’homme de la situation, conseiller, sans nul doute.

Et elle le laissa planter là. Tourner le dos à cet homme, ce n’était pas vraiment comme tourner le dos à Providence. L’idée même que son geste puisse avoir des répercussions auprès de Lui ne lui traversa même pas l’esprit. Dans les rues de la ville, elle avait pressé le pas, un sentiment d’urgence au fond du cœur, mais une fois devant la boutique du Lys d’Argent, tout retomba comme un soufflé. Elle avisa avec soulagement les lumières au premier étage et la serrure de la porte intacte, sans comprendre vraiment de quoi elle devait se sentir soulagée.

Elle s’adossa doucement contre le mur de la devanture, comme si elle n’était plus tout à fait sûre de ce qu’elle était censée faire ici. Le bruit d’une porte qui s’ouvre mit fin à ses atermoiements et Adrian apparut, son immonde chien à ses côtés. Apparemment il ne manquait jamais cette balade du soir, même quand le ciel menaçait de déverser des litres d'eau d'un instant à l'autre.

- Il va pleuvoir, vous devriez prendre de quoi vous couvrir, lui dit-elle le plus naturellement du monde, comme s’ils avaient quitté la boutique ensemble, alors qu'elle-même n'avait rien sur le dos. Je peux vous accompagner ?
Adrian Mayr
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Ven 14 Jan - 15:48
Longtemps après le départ de l'Inconnue, Adrian eut la surprise de se sentir bien plus calme qu'il ne l'aurait imaginé. Habitué à sentir une tension à la limite du supportable à l'arrivée de l'heure du coucher, l'apothicaire avait même pris le pli de ce désagrément, retardant futilement le passage au lit au profit d'un verre ou deux (ou trois). Une très mauvaise manie qu'il avait déjà avant en somme, mais qui s'était ritualisée avec le temps. Généralement, ça n'avait pour résultat qu'un énième naufrage dans le monde du sommeil ponctué de sombres cauchemars, amenant un réveil courbaturé et plein d'inconfort.

Ce soir-là, il avait hésité avant de se servir de sa liqueur préférée et toisait son verre plein depuis, comme s'il regrettait ce qu'il venait de faire. Finalement, il s'était levé pour retourner en bas, rallumer quelques chandelles dans la boutique et se mettre à ordonner des choses, ce qui était plutôt bon signe chez lui. Face à l'appréhension de ce qu'allait être toute cette histoire dans laquelle il était embrigadé de force, Adrian pensait qu'il ne serait pas capable de tenir le choc de faire face à son passé de manière aussi abrupte. L'échange qu'il avait eu avec l'Inconnue à ce jour n'avait pas amélioré cette inquiétude, mais elle avait -au moins pour ce soir- tempéré la crispation qu'il avait pu ressentir au contact de l'Ascanienne au regard de glace.

Quiconque connaissait Adrian savait qu'une simple question à laquelle il n'avait guère de réponse suffisait à réveiller sa curiosité, pouvant le tenir en haleine tant qu'il n'arrivait pas à trouver un compromis avec lui-même pour se satisfaire d'une réponse, ou d'une théorie plausible au moins. Cette fois-ci, c'était un détail qui avait captivé son attention et qui fit opposition à ses plus sombres ruminations habituelles. L'inconnue était restée et avait même accepté une tasse de thé. Aussi futile et anodin que cela puisse paraître, cette information avait pris des proportions dans la tête d'Adrian. Aussi silencieux qu'ait été l'ambiance tandis que les deux protagonistes partageaient l’espace du salon, occupés à leurs tâches respectives, l'Amaranthis avait sentit une forme d'apaisement qui avait même calmé les voix dans sa tête, elles qui étaient si prompte à lui marteler l'esprit lorsque l'Inconnue était dans les parages.

Ses griefs contre elle n'étaient pas éteints, loin de là. Une grosse part de lui la considérait toujours comme une geôlière qui disparaîtrait lorsqu'il aurait accompli sa mission. Mais malgré ça, le simple fait qu'elle ait finalement consenti à s'impliquer dans quelques bribes de conversation limita cette impression que toutes leurs interactions se faisaient à sens unique. C'est d'ailleurs précisément ce point qui faisait que ce soir, Adrian se trouva d'humeur à s'occuper plutôt que de s'affaisser lentement dans son canapé, attendant un sommeil qu'il regretterait le lendemain.

Cela lui permit également de faire le point sur les choses qu'il aurait à faire pour sa journée de demain, afin d'anticiper au mieux l'entrevue avec Haryson. Adrian n'aimait pas cet homme, ce genre de personnes créait toujours un puissant sentiment d'inconfort en lui, tirant des sonnettes d'alarme dans son esprit, le rendant directement méfiant. Rares étaient les occasions où ces alarmes mentales se trompaient, et Adrian se doutait qu'il pourrait une nouvelle fois se fier à son instinct. Mais sa mission était ainsi, il se devait de le rencontrer.

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Matinée | Demeure Familiale Mayr | Quartier Amaranthis | Troisième mois du printemps, jour 9 An 83

Le beau temps de cette fin de matinée offrait la possibilité de passer du temps en extérieur. Il n'en avait pas fallu plus pour que Hans - Le majordome, pas le médecin - ait été invité à dresser une table sur la terrasse extérieure de la demeure familiale. Un large plateau contenant quelques amuse-bouches avait été entreposé entre les tasses de thé de tous les protagonistes. Magda, Haryson et Adrian échangèrent quelques mondanités sans grande importance, mais nécessaires au bon respect des conventions. Lorsque l'on invitait quelqu'un avec une raison précise en tête, il était de convenance de ne pas entrer dans le vif du sujet et d'au moins faire semblant que la rencontre n'était pas totalement intéressée. Bien sûr tout le monde, y compris l'invité savait qu'il ne s'agissait là que de quelques rond de jambes en plus.

Sur la demande d'Adrian, Magda avait organisé cette rencontre sans trop poser de questions quant au fait que son fils ne prenait pas ce rendez-vous dans sa propre maison. Après tout, il était toujours considéré un résident permanent de cette maison, jouissant ainsi des mêmes pouvoirs que sa mère en ces lieux, à une ou deux exceptions près. Qui plus est, la demeure familiale Mayr était très propice à ce type de rencontre, comme il en était historiquement le cas à l'époque où Jörgen était encore en vie.

La maîtresse de maison s'éclipsa bien vite finalement, prétendant avoir à faire dans la serre. Adrian l'en remercia intérieurement avant de reporter son attention sur Haryson, qui saisit l'occasion pour prendre les devants.

- Adrian mon garçon, j'imagine que vous ne m'avez pas invité pour parler de la pluie et du beau temps. Dit-il avec un ton frôlant l'impatience. J'imagine que vous avez reconsidéré ma proposition de la dernière fois, et que vous avez des réponses à m'apporter.

Adrian reposa avec soin sa tasse sur la table et fixa son interlocuteur avant de prendre la parole avec beaucoup d'assurance.

- Je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps en effet. Aux vues des récents évènements, mes disponibilités ont été plus que limitées, voilà pourquoi je n'étais pas revenu vers vous avant.
- J'imagine, je suis désolé pour vos...
- Allons, nul besoin de tergiverser à ce sujet, nous avons bien trop de choses à se dire pour s'attarder sur plus de mondanités.

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Début de soirée | Le Lys D'argent | Quartier Amaranthis | Troisième mois du printemps, jour 11 An 83

La journée avait été suffisamment dense pour qu'Adrian cesse de ruminer sa frustration. Trois jours après son entrevue, il ne parvenait toujours pas à contenir cet agacement latent couplé à une sensation d'avoir complètement tourné en rond pendant des heures. Pour la première fois depuis son retour au Lys d'Argent, l'apothicaire avait même fait une journée complète, sautant son repas du midi pour répondre aux demandes continues de ses clients de la journée. Au moins, ses pensées occupées à autre chose lui avaient permis de ne pas considérer les messages de soutien que certains clients récurrent avaient tenté de lui adresser, comme si cela pouvait alléger sa sentence. Le plus dur dans ces moments restait malgré tout de devoir rediriger certains patients vers un confrère, à partir du moment où les soins à prodiguer relevaient de la médecine pure. On lui avait bien demandé de faire une entorse à sa peine moyennant quelques finances supplémentaires, mais il s'y était également refusé.

Après la fermeture, il se força à prendre une pause à l'étage pour soulager ses nerfs d'une surcharge imminente. La tentation d'un verre apparut évidemment, mais il l'éloigna de son esprit lorsque le museau de Whisper vint soulever son bras, révélant la boule de poil en quête d'attention et son air innocent. Adrian lui sourit, sans même s'en rendre compte, avant de lui caresser la tête pour le gratter derrière l'oreille jusqu'à ce que son compagnon ronronne de satisfaction. Il se leva ensuite, réalisant qu'il était l'heure pour lui de faire sa promenade avec Whisper, un moment qu'il n'échangerait pour rien au monde. Ce n'est que lorsqu'il vit le mouvement de recul du chien près de la porte qu'il se douta que quelque chose ne se passerait pas comme prévu.

Après une brève hésitation, il déverrouilla la porte et l'ouvrit. D'un geste de la main discret, il empêcha les grognements de Whisper, toujours quelque peu méfiant lorsqu'il sentait la présence de la personne adossée au mur.

- Il va pleuvoir, vous devriez prendre de quoi vous couvrir. Je peux vous accompagner ?

Pas vraiment surpris par la présence de l'Inconnue, Adrian n'eut aucun débordement de réaction, gardant sa neutralité habituelle comme s'il était normal désormais qu'elle apparaisse dans son champ de vision, quelle que soit l'heure de la journée. L'apothicaire se demanda un instant si la question était rhétorique ou s'il avait réellement la possibilité de lui signifier qu'il aimait marcher seul. Il préféra s'imaginer maître de son choix et acquiesça d'un signe de tête, ignorant quelque peu l'annonce de pluie, chose qui ne le dérangerait pas plus que ça, vu la chaleur de cette fin de journée.

Les deux protagonistes se mirent en marche et entretinrent un silence religieux pendant plusieurs mètres, un peu comme s'ils avaient besoin de d'abord se fondre dans la masse avant d'aborder ne serait-ce que des bribes d'un sujet important. Pourtant, Adrian trépignait intérieurement de savoir ce qu'elle pourrait lui apprendre après cette absence de plusieurs jours, encore plus étant donné qu'elle avait étudié une piste qu'il espérait plus tangible que la sienne. Complices, Adrian et Whisper se lancèrent dans leur échange habituel, le chien prenant de l'avance sans pour autant se retourner régulièrement afin de voir son Maître et s'enquérir du chemin. Peu à peu, ils se retrouvèrent dans des rues plus paisibles, bien moins fréquentées mais relativement propres et agréables.

- Voulez-vous d'abord me donner vos informations ou connaître les miennes ? S'enquit-il finalement.
- A vous l'honneur.

Adrian poussa un soupire discret tout en regardant devant lui, non pas à cause de l'Inconnue, mais bien parce que sa frustration quant à Haryson faisait surface à nouveau.

- Haryson est fidèle à lui-même, opportuniste à souhait, mais c'est un idiot. Il n'y a absolument rien à tirer de lui à ce jour. Après les perquisitions, il s'est retrouvé à se faire confisquer des recherches sur un tout autre sujet.

Cette fois, ce fut l’Inconnue qui soupira..

- Au moins cette piste ne nous a pas fait perdre trop de temps.
- Non en effet, il est bien trop focalisé sur ses propres lubies. J'ai également pu être sur qu'il n'avait presque jamais eu affaire à Jörgen.

Adrian laissa son élocution en suspens pour faire un bref signe à Whisper lorsque celui-ci croisa le regard de son maître. Instantanément, le chien revint plus près d'eux pour reprendre ensuite sa marche à un rythme plus régulier.

- Corrigez-moi si je me trompe, mais j'imagine qu'Aurélius est une bien meilleure piste?

L'inconnue jeta un coup d'œil à l'apothicaire avant d'observer les alentours. Pendant un bref instant, Adrian sentit une certaine tension chez elle, qu'il ne put s'expliquer. Pour autant, l'attention qu'il lui accorda prit un peu plus d'ampleur, comme s'il se retrouvait directement concerné par cette crispation ambiante.

- J'aime à le croire. Mais j'aime aussi croire qu'ils sont tous coupables jusqu'à preuve du contraire, finit-elle par admettre.
- C'est tout à votre honneur, Dit-il en s'imaginant encore quelque peu faire partie des "Ils", pensée qu'il préféra occulter, j'espère que vous ne vous êtes pas trouvé autant dans une impasse que moi. Voulez-vous attendre que nous soyons dans un lieu plus discret ?
- Vous prenez toujours le même chemin quand vous sortez le soir ? Répondit-elle en lui coupant presque la parole.

Adrian tourna les yeux vers elle, quelque peu pris de court par cette question qui souligna à nouveau cette tension qu'il entrevoyait chez elle. Sans pour autant s'affoler, il ne tarda pas à répondre en gardant un calme olympien et une expression presque totalement neutre.

- Je pars toujours dans la même direction pendant les cinq premières minutes, ensuite je varie, selon les envies de Whisper.
- Et la couleur du ciel ne vous a pas dissuadé de mettre le nez dehors ? répondit-elle en levant le nez en l'air.

Comme si le ciel lui-même cherchait à convaincre Adrian de l'existence de Providence, un roulement de tonnerre sourd et lointain retentit des cieux. Adrian leva la tête à son tour pour observer ces nuages qu'il avait remarqué mais qu'il avait choisi d'ignorer. Il reporta ensuite son attention devant lui, croisant le regard de son compagnon canin, quelques mètres plus loin.

- La pluie m'aide parfois à faire le vide. Et puis, cette sortie ne m'appartient pas uniquement à moi, lui aussi à le droit de respirer un peu de grand air.

Comme si Whisper avait compris qu'Adrian parlait de lui, la boule de poil revint près de son maître, marchant tout à coup juste à ses côtés sans que l'apothicaire n'ait esquissé quelconque geste intimant cet ordre.

- Si vous le dîtes.

Le manque de conviction souligna assez bien la réticence de l'Inconnue à l'idée d'essuyer une averse principalement à cause d'un animal qui l'évitait au maximum et la grognait parfois à vue. Ce qui, en soit, était compréhensible. Malgré ça, Adrian ne déroge pas à la durée de sa promenade, et si l'Inconnue souhaitait parler uniquement sous couvert de quatre murs familiers, elle allait devoir attendre encore quelque temps.

Malgré tout, il s'efforça de garder une certaine sérénité, ne serait-ce que pour éviter d'attiser les tensions qu'il sentait encore persister chez elle. D'un côté, il aurait pu se réjouir de la voir afficher quelques faiblesses de la sorte, mais ce n'était pas vraiment son genre. A l'inverse, il s'interrogeait de plus en plus sur les raisons de cet état, bien qu'une nouvelle fois, il préfère garder cela pour lui, pour le moment.
Erzebeth
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Ven 14 Jan - 19:03
Le flegme de l’Amaranthis eut don d’exacerber la tension qu’elle ressentait entre ses deux yeux et une pointe d’agacement aussi vive qu’inattendue la submergea lorsqu’elle posa son regard sur l’animal au pelage fauve qui gambadait joyeusement quelques mètres devant eux. C’était donc à cause de lui qu’ils s’apprêtaient à prendre la pluie d’un instant à l’autre ? Elle soupira. Il n’y avait qu’un Amaranthis pour ignorer de façon aussi désinvolte les signes ostentatoires que lui envoyait Providence, pour sortir de chez lui alors que le ciel menaçait de lui tomber sur la tête. Non, juste Adrian en fait, rectifia t-elle mentalement en avisant les rues désormais vides autour d’eux.

Comme si toutes ces remarques menaçaient de jaillir de sa bouche si elle ne parlait pas d’autre chose immédiatement, Erzebeth enchaîna sur le seul sujet qui les intéressait vraiment.

- J’ai fait mes recherches sur Aurélius. Son parcours est quelque peu similaire à celui de votre père ; un homme brillant, une vie dédiée à la médecine dès son plus jaune âge, un mariage arrangé avec une fille issue d’une autre grande famille Amaranthis. La seule petite différence, c’est qu’aucun héritier n’a vu le jour de cette union. Après plusieurs années, sa femme finit par mourir dans des circonstances… mystérieuses. Il s’est remarié à peine quelques semaines après ce tragique événement.

Elle capta le regard qu’Adrian lui jeta de biais et sut presque immédiatement ce qui lui était passé par la tête.

- Comme vous l’imaginez, les rumeurs ne l’ont pas épargné mais il semble que dans votre monde il soit « acceptable » de se débarrasser discrètement d’une épouse qui ne saurait remplir son rôle. Les rumeurs ont fini par se tarir et jamais la réputation d’Aurélius ne sembla vraiment en souffrir. Quant à savoir comment il a pu savoir que le problème venait d’elle et non de lui… Il s’est murmuré qu’il se moquait de savoir si son héritier serait réellement de son sang ou non, et que sa femme était libre de prendre autant d’amants qu’elle le souhaitait.


Alors que le ciel gronda un deuxième avertissement, Adrian bifurqua dans une autre rue sans sembler en tenir compte, exaspérant l’Ascanienne qui finit par se demander s’il ne prenait pas plaisir à tenter Pernicie.

- Sa deuxième femme donna naissance à leur fille deux ans après leur mariage, malheureusement celle-ci ne démontra jamais d’intérêt pour le travail de son père et sembla plus s’intéresser aux soirées mondaines auxquelles il participait souvent de mauvaise grâce. Depuis la condamnation de votre père, il a cessé toute activité en lien avec la médecine, beaucoup ont regretté son choix, notamment sa femme et sa fille qui ont été contrainte d’ajuster leur train de vie. Ils vivent toujours dans une jolie demeure du quartier, mais de façon plus modeste et ils se sont séparés de la plupart de leurs serviteurs.

Instinctivement, sa main alla trouver le petit journal de cuir dans sa poche.

- Aurélius semblait suffisamment brillant pour s’attirer le respect de votre père, il était probablement son plus grand rival dans le domaine qu’il maîtrisait le mieux. Et pourtant, il a tout quitté du jour au lendemain, alors qu’il était peut-être au sommet de sa gloire…


Elle laissa sa phrase en suspend pour se perdre dans ses réflexions. Avait-il senti le vent tourner pour lui également ? Était-il lui aussi coupable d’un tas d’exactions et préférait-il se faire discret par peur de subir un sort similaire à celui de Jörgen ? Ils étaient tous coupables jusqu’à preuve du contraire, après tout. Ou alors la réponse était à la fois plus simple et plus compliquée.

- Contrairement à Jörgen, je crois qu’Aurélius ne cherchait pas la reconnaissance. Il cherchait autre chose, et je pense qu’il ne l’a jamais trouvé.

Troisième avertissement et cette fois Providence se fit plus pressante avec eux et leur envoya quelques gouttes éparses au visage. Ce fut une sorte de signal pour l’Ascanienne qui se décida enfin à dire :

- Est-ce qu’on ne ferait pas demi-tour ?

Elle eut à peine le temps de finir sa phrase qu’une silhouette encapuchonnée surgit à quelques mètres devant eux, immobile. Erzebeth plissa les yeux mais elle pouvait déjà sentir la pression entre ces derniers atteindre son point culminant. Elle avait pesté contre l’Amaranthis et son aveuglément vis à vis des signes que Providence lui envoyait mais ne venait-elle pas d’ignorer elle aussi les signes ?

- Adrian Mayr ? J’ai un message pour vous, cria presque la voix de l’homme sous la capuche pour couvrir la distance qui les séparait ainsi que le bruit de la pluie qui s’intensifiait autour d’eux.

Dans un mouvement ample, il écarta l’un des pans de son manteau, découvrant une arbalète pointée droit sur eux, ou sur ce qu’Erzebeth imagina être Adrian, puisque le message s’adressait à lui. En réalité, l’arbalète semblait plutôt viser une cible à leur pied, et l’Amaranthis comprit avant elle à qui le funeste carreau était destiné car il s’abaissa presque aussitôt sur son chien pour le recouvrir de son corps, dans un geste instinctif et protecteur. Le carreau l’atteint dans le bras gauche, sous le regard médusé de l’Ascanienne qui ne comprenait pas pourquoi cet homme venait sciemment de se mettre dans la trajectoire du projectile pour sauver… un chien !

- Adrian ! Par Providence, vous êtes fou !

Elle se pencha sur lui pour voir plus précisément où le carreau s’était planté et fut soulagée de constater que sa vie n’était pas en danger, du moins tant qu’une deuxième salve n’était pas tirée, elle releva vivement la tête pour s’en assurer. L’homme au bout de la rue détalait déjà dans la direction opposée et Erzebeth n’hésita qu’un bref instant avant de se lancer à sa poursuite, sous la pluie maintenant torrentielle qui l’aveuglait presque totalement. Après une brève course-poursuite, elle dut se résigner à abandonner : il avait disparu, et elle ne pouvait se permettre de s’éloigner d’Adrian trop loin et trop longtemps, au cas où quelqu’un serait mandaté pour finir le travail.

Ses cheveux, ses vêtements, tout lui collait déjà à la peau lorsqu’elle rejoint l’apothicaire, toujours penché sur son chien, les deux bras autour de lui comme s’il était la chose la plus précieuse en ce monde. Il s’y accrochait tant qu’Erzebeth se trouva bien incapable de lui faire la moindre remarque désagréable. A la place, elle se pencha vers lui et posa ses deux mains sur ses épaules.

- Venez, on rentre, lui dit-elle suffisamment fort pour qu’il l’entende malgré le déluge.
Adrian Mayr
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Sam 15 Jan - 0:45
Étrangement calme alors qu'il abhorrait toute discussion autour de son géniteur, Adrian était parvenu à faire un minimum la part des choses pour tenir une conversation correcte avec l'Inconnue sans avoir à tressaillir à la moindre mention de Jörgen. Fort de ce conditionnement, il put se concentrer sur les informations qu'elle lui donnait, se nourrissant de chaque mot et chaque détail tout en observant un silence religieux. Comme si sa mémoire tentait de percer l'épais brouillard qu'il avait sciemment posé sur une grande partie de son enfance, Adrian revit même parfois certaines réminiscences du passé, entendant Jörgen converser avec Aurélius autour de grandes tables. Oui, ces deux hommes avaient été proches, cela ne faisait aucun doute. Il comprit également pourquoi il avait presque entièrement oublié cette personne, car l'homme avait tout bonnement disparu du paysage de sa famille, et Adrian n'avait jamais cherché jusqu'alors à renouer avec le passé.

L'Amaranthis aurait aimé formuler une réponse - aussi simple qu'elle soit - à l'Inconnue, mais il n'en eut pas le loisir, car tout ce qui suivit alla beaucoup trop vite pour qu'il puisse traiter consciemment toutes les informations qui se présentait à lui. Les mots de l'homme encapuchonné face à eux raisonnèrent dans sa tête et ses sens se mirent immédiatement en alerte. Tout arriva ensuite au ralenti, l'arbalète cachée, sa cible, le mouvement qu'engagea Adrian sans même y réfléchir. Puis le choc.

L'impact contre son bras fut d'abord comme un dérangement, un corps étranger pénétrant la chair de son bras. Aucune douleur ne vint perturber cet instant où tout allait au ralenti. Ça ne dura qu'une fraction de seconde, pourtant il aurait pu être capable de détailler bon nombre de choses des évènements en cours. Conditionné mentalement à protéger Whisper coûte que coûte, Adrian avait baissé la tête pour se replier contre son compagnon canin qui, dans sa compréhension de l'urgence, n'avait pas bougé des bras de son maître. Lorsque la douleur s'éveilla, une vague de douleur foudroya son bras. La blessure était minime, mais le carreau était suffisamment profondément planté pour avoir abîmé le muscle du bras, provoquant une douleur de déchirement intense et difficilement supportable sur le moment.

Les dents serrées, il eut à peine le temps de se plaindre qu'il vit l'Inconnue partir. Il l'avait entendu parler, mais sans comprendre ce qu'elle avait essayé de lui dire. Ses yeux se rivèrent sur l'homme encapuchonné qu'elle prenait en chasse, mais déjà celui-ci se détournait de leur chemin et disparaissait du champ de vision derrière le rideau de pluie qui se formait entre eux. Adrian le fixa avec l'espoir de voir ne serait-ce qu'un détail permettant d'identifier l'agresseur, mais rien ne put être détaillé en dépit de tous ses efforts. Les dents crispées, Adrian resta à couvrir Whisper comme s'il craignait un second agresseur, ignorant la douleur tandis que la colère s'emparait de lui.

Il sentit alors les mains de l'Inconnue contre ses épaules, avant d'entendre sa voix.

- Venez, on rentre.

Les sourcils froncés, Adrian se releva sans un mot, réticent à l'idée de laisser Whisper sans protection. Celui-ci, conscient du danger, resta heureusement près de son maître sans qu'il n'ait besoin de faire quoi que ce soit. Lorsqu'il se redressa de sa position repliée, le carreau logé bougea dans la plaie en même temps que son bras, le faisant se crisper de douleur. Il regarda autour de lui, les yeux luisants de haine. Sans aucune émotion dans la voix, il parla d'une voix suffisamment forte pour passer au-dessus de la trombe d'eau qui leur tombait dessus.

- Brisez le carreau, s'il vous plaît, d'un coup sec.

Sans tergiverser plus encore, Erza attrapa la branche du carreau pour briser la tige en deux avec précision.

- Maintenant levez-vous.  Dit-elle d'un ton calme qui sonnait clairement comme un ordre.

Adrian s'exécuta, il n'avait nullement envie de s'éterniser ici. Ils se mirent alors en marche en direction du Lys d'Argent. Fort heureusement, l'Amaranthis connaissait suffisamment bien les avenues de son quartier pour faire que le retour dure presque deux fois moins longtemps. Impassible, il sentait le sang s'écouler sous la manche déchirée de sa veste. La douleur était elle-aussi bien présente à chaque pas, bien que le carreau bougeait beaucoup moins ainsi. Il progressèrent aussi vite que possible, sans pour autant courir sous cette pluie battante qui les assaillait. Adrian jetait régulièrement des regards à Whisper qui, oreille baissée, se protégeait au mieux de la pluie en restant aux pieds de son maître.

Une fois arrivé, Adrian déverrouilla la porte d'une main sans peiner, lui qui par prévoyance avait déjà sa clef en main. Il ne traina pas pour s'engouffrer dans la boutique, s'assurant surtout que Whisper était entré lui aussi. Immédiatement, il l'envoya dans un coin de la pièce où reposaient quelques coussins au sol, un coin que la boule de poils affectionnait la journée quand Adrian travaillait. L'inconnue prit le temps de vérifier plusieurs minutes par la fenêtre pour s'assurer qu'il n'aient pas été suivis.

Pendant ce temps, Adrian s'était activé pour chercher un outil destiné à l'extraction de corps étranger, une sorte de prince permettant d'écarter les chairs pour éviter d'avoir à tirer de force sur l'objet coincé dans la peau, une stratégie généralement prohibée par les médecin, au risque de causer des dommages bien plus grand à la personne blessée. Il posa l'instrument sur le bureau et s'assit sur une chaise lorsque l'Inconnue lui adressa la parole.

- Est-ce que c'est profond ?
- Oui, mais ça aurait pu être pire, je vais l'extraire.

Adrian parlait avec calme, mobilisant toutes ses forces pour ne pas se laisser déborder par la colère qui prenait possession de lui. Des dizaines de questions commencèrent à tourbillonner dans sa tête, à commencer par la plus simple d'entre toutes. Il tenta tant bien que mal de chasser ces pensées vagabondes pour se concentrer sur l'instant présent. Très régulièrement, il tournait les yeux vers Whisper, avec un besoin impérieux de s'assurer qu'il n'avait rien.

Vous-même ? Demanda-t-elle, incrédule.

Un lourd silence plana un instant dans la boutique, Adrian regarda son bras en fronçant les sourcil de frustration.

- Si vous vous sentez de le faire...

Sans hésitation, l'Inconnue s'avança vers Adrian tout en se saisissant de l'instrument qu'il avait déposé sur le bureau. Dans le principe, l'instrument était simple et les explications furent assez rapides. Elle installa l'outil avec soin pour écarter les chairs lentement et tenter d'extraire le carreau avec une pince dans sa seconde main. Adrian retint ses manifestations de douleur en serrant les poing et les dents, sentant chaque mouvement du carreau dans son bras. D'un coup, la tige en bois déjà cassée se délogea de la pointe métallique et sortit du bras de l'apothicaire qui jura sous le choc. Malheureusement pour lui, il sentit une douleur encore plus vive, car le décroché avait décalé la pointe sous sa peau, la rendant difficilement rattrapable sans dégâts avec une pince de la sorte.

Après avoir pris de grandes inspirations, Adrian ferma les yeux un instant en tentant de se calmer un peu. Il avait évidemment compris ce qui venait de se passer, et il ne pouvait pas blâmer l'Inconnue pour cette malchance. Regardant autour de lui tout en respirant toujours profondément, il avisa deux bouteilles sombres et âgées reposant sur une étagère. Sans demander quoi que ce soit, il se leva et alla se saisir de l'une des deux en ne prenant même pas compte ni de la douleur, ni du sang qui s'écoulait de la plaie ouverte. Il revint s'asseoir et débouchonna la fiole pour libérer une forte odeur d'alcool.

Sans attendre, il but une gorgée qui le fit tousser, agitant de spasme la douleur de son bras. Toujours en colère, Adrian ne jugeait nullement la maltraitance qu'il s'imposait. Après avoir bu l'horrible boisson, il se tourna vers l'Inconnue et regarda ses mains.

- Vous avez les doigts fins, ça devrait aller.

Avant qu'elle n'ait put dire quoi que ce soit, Adrian renversa une petite quantité d'alcool sur la pince, puis un peu sur les mains de l'Inconnue, et enfin sur sa douleur, s'arrachant un cri de surprise face à la brûlure de la boisson sur la plaie. Il reposa la bouteille pour se saisir de la pince de sa main libre. La plaie ayant déjà été ouverte, il eut moins de mal à se contorsionner un peu pour placer la pince, bien que son regard trahissait la douleur que tout cela lui évoquait. Avec force, il ouvrit la pince contre les bords de la plaie pour écarter les bordures de la blessure, réveillant un nouveau grognement.

Son regard émeraude se posa sur l'Inconnue puis il poussa un profond soupir.

- Retirez-là à la main, attrapez là, relevez la pointe si vous le pouvez et elle devrait sortir toute seule.

Du moins, il l'espérait.
Erzebeth
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Mar 1 Fév - 23:25
Comme si l’averse qu’ils venaient d’essuyer avait lavé tout ce qu’elle avait accumulé de tensions dans la journée, il ne subsistait plus rien de l’Ascanienne fébrile qui était venue trouver l’apothicaire devant sa boutique et elle arborait maintenant le calme de quelqu’un qui venait de trouver la réponse à une question insoluble. Non, elle n’était pas folle et Providence veillait bien sur eux ; mais c’était bien le seul réconfort qu’elle avait à cet instant. Elle ne chercha pas à s’interroger – pas immédiatement – sur les raisons qui avaient poussé l’Amaranthis à tenter la mort d’aussi près. Peut-être qu’il ne supportait plus son existence après tout.

L’on disait des médecins qu’ils faisaient les pires patients, et lorsqu’elle vit Adrian écarter ses chairs sans ménagement à l’aide d’une pince, Erzebeth se dit qu’il y avait sans doute un fond de vérité là-dedans. L’idée de l’envoyer chez un confrère plutôt que de le laisser péniblement gérer ça lui-même lui traversa brièvement l’esprit, mais elle finit par se dire que l’énergie déployée à le convaincre serait mieux employée à l’aider sans poser de questions. Ce qu’elle fit avec un sang-froid remarquable, malgré les tremblements du blessé provoqués par la colère ou la douleur – probablement un peu des deux.

Le sang ne l’avait jamais beaucoup impressionnée et si elle se prit à espérer qu’il y en ait moins, ce fut uniquement pour lui permettre d’y voir quelque chose. Lorsqu’il fut question d’aller récupérer la tête métallique qui était restée dans la plaie avec les doigts à l’aveugle, elle hocha simplement la tête. Comme souvent lorsqu’il fallait agir vite, Erzebeth ne tergiversait pas, ou pas très longtemps. Et heureusement pour Adrian, sa guérisseuse improvisée ne manquait pas de dextérité dans ses gestes – sans doute fallait-il remercier ces longues heures à travailler son doigté à la harpe – et ne fit pas durer le supplice plus de temps que nécessaire.

Elle finit par laisser tomber la tête métallique sur le bureau avant d’aviser la plaie béante.

- Il faut recoudre, dites-moi juste comment faire.

Ça non plus, il ne pourrait s’en charger seul, mais Erzebeth était une élève très appliquée comme il ne tarderait pas à le découvrir. Son œuvre achevée, elle se proposa de finir les soins – elle n’était pas médecin mais elle savait que laisser une blessure de cette nature sans rien pour la protéger n’était pas une très bonne idée – mais son patient s’éloignait déjà pour rejoindre la boule de poils pour laquelle il avait risqué sa vie. Soit, pas de soins supplémentaires…

Les médecins étaient effectivement les pires patients.

Elle n’insista pas, il n’avait pas l’air d’humeur à recevoir des conseils sur la conduite à tenir. Elle n’aurait pas aimé en recevoir non plus à sa place. Il avait trouvé refuge dans l’un des recoins les plus sombres de sa boutique, elle se posta assez naturellement à l’opposé de la pièce, près de la fenêtre martelée par la pluie. On ne voyait plus grand-chose à l’extérieur mais elle resta là un bon moment sans mot dire, à tenter de percer les ténèbres de la nuit. Ou plus exactement, à réfléchir sur ce qui venait de se passer.

Elle n’avait même pas besoin de s’interroger sur l’identité de celui qui avait commandité cette agression ; celui-là même qui aurait aimé la retenir un tout petit peu plus longtemps au Palais. Nul doute n’était permis, la seule question était de savoir s’il existait un donneur d’ordre encore plus haut placé, une question qu’elle voulait mettre sous le tapis pour le moment. Non, pour l’instant il était uniquement question de savoir comment elle allait lui faire payer. Le tuer simplement et proprement fut évidemment la première option qu’elle envisagea sérieusement.

Les premières idées n’étaient pas toujours les meilleures.

- Le fait de travailler pour moi vous met en danger.

Elle avait fini par briser le silence, puisqu’il ne semblait pas vouloir le faire.

- Je ne pense pas que l’on veuille votre mort, juste vous dissuader de mettre votre nez partout. Elle se tourna vers lui, sans pour autant quitter sa position. C’est de ma faute, j’aurais dû être plus prudente. Peut-être qu’il serait bon que je ne vous approche plus pendant quelques temps, au moins le temps de régler cette affaire.

De son côté, il ferait comme si l'intimidation avait fonctionné et on le laisserait tranquille pendant un moment. Juste le temps d'y voir plus clair au moins...
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