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Claircombe  :: Titre :: Sud - Vertes Etendues :: L'important ce n'est pas la destination, c'est de survivre au voyage - Autumn & Soren ::
L'important ce n'est pas la destination, c'est de survivre au voyage - Autumn & Soren
Soren Grim
Soren Grim
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Date d'inscription : 10/01/2021
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Âge du personnage : 24
Métier : Musicien à ses heures
Mar 27 Juil - 3:25
L'important ce n'est pas la destination, c'est de survivre au voyage

Autumn & Soren
Matinée |  Claircombe | Faubourg | An 83, 3ème mois du printemps, Jour 5



- Tu me la recopieras ton idée de génie !
- T'étais pas obligé de m'encourager dans le plan, tu voyais bien que c'était une mauvaise idée.
- T'es pas en train d'oser dire que c'est ma faute quand même?!

Essoufflés après une course effrénée dans les rues de Claircombe sous la douce lumière matinale des rayons du soleil s'élevant au dessus des toits, Soren et son comparse de toujours Leon tentaient de reprendre leur souffle adossés nonchalamment contre le mur d'une imposante maison au sud du quartier Amaranthis. Entre deux inspirations, Leon s'essayait à réprimander son ami quant à cette idée qu'il avait suggéré alors qu'ils avaient initialement pour but que d'aller se reposer un peu après une soirée bien trop arrosée. Expert en mauvaise foi, Soren n'en démordait pas, son plan avait un potentiel que les deux jeunes malandrins n'avaient sut exploiter, selon lui.

A vrai dire, le bon sens aurai plutôt donné raison à Leon qu'à lui. Car entreprendre de subtiliser des marchandises sur un charriot de transport Amaranthis plutôt bien gardé, en pleine rue, aux heures de début d'activités et avec une gueule de bois carabinée n'était surement pas le meilleurs choix à adopter. Fatigué et encore partiellement embrumé par une ingurgitation excessive d'alcool, Soren s'était peut-être un peu emballé sur ce coup là. Habile de leurs jambes, les malandrins avaient réussi à mettre de la distance avec le groupe de miliciens les ayant prit en chasse. La main sur le flanc, l'autre contre le mur, le jeune homme pesta intérieurement contre l'accueil trop fantasque de certaines tavernes Utgardiennes, un véritable pousse au crime menant à la résolution d'arrêter de boire définitivement jusqu'à la prochaine fois au moins. Le point positif dans tout cela était qu'ils avaient semé leurs poursuivant sans encombres.


- Ils sont là, attrapez les !

Ou pas...

Sans attendre, les deux jeunes hommes se mirent de nouveau en course, se ruant à l'opposé de leur poursuivants. S'ils se faisaient attraper, nul doute qu'un séjour en cellule était à prévoir et à ce compte là, ils avaient déjà eu chacun leur dose par le passé. Désavantagé par la déshydratation et la migraine, les malandrins comblaient leurs lacunes par une solide connaissance de la ville, plus précise et pointue que celle des gardes, habitués aux chemins conventionnels. Instinctivement, le chemin les mena aux portes de la ville vers lesquelles ils s'engouffrèrent pour atteindre les faubourgs sud. Bien entendu, la garde n'en resterai pas là, mais leur habitude du terrain était malgré tout amoindrie en dehors de l'enceinte de la cité.


- On se sépare !

Ce plan, somme toute assez mauvais en règle générale, était rudement plus efficace avec des enfants de la rue comme Soren et Leon. L'un partit à gauche, l'autre tout droit au croisement suivant, gagnant du terrain sur les miliciens qui durent choisir entre se séparer et se focaliser sur un seul d'entre eux. Pas inquiet pour son ami, Soren se concentra sur sa propre escapade afin de ne pas faire n'importe quoi. La distance qu'il commençait à mettre entre lui et les gardes le rassura, encore un détour ou deux et il se retrouverai tranquille. C'est d'ailleurs la stratégie qu'il adopta en bifurquant d'urgence dans ce qui de mémoire était une impasse franchissable par quelques pirouettes d'escalade. Arrivant à pleine vitesse, il s'assura d'un bref coup d'œil que les gardes l'avaient perdu de vue  et vira de bord en direction du fameux cul-de-sac. C'est au moment de passer d'une ruelle à l'autre qu'il fit la rencontre de ce jeune homme qui, innocemment, semblait sortir de l'endroit avec son sac à dos.

Enfin, la rencontre était un bien maigre descriptif, car Soren percuta littéralement le jeune homme avec une violence non contrôlée, l'entrainant comme un sac à patate dans l'impasse, s'écrasant au sol avec lui. Fort heureusement, quelque chose avait amorti la chute des deux jeunes gens. Du moins c'est ce qu'il eut semblé à Soren qui réalisa bien vite qu'il venait littéralement d'assommer le pauvre jeune homme en s'écrasant contre lui. N'ayant pas le temps de réfléchir, Soren mobilisa ses ressources pour tirer le jeune homme à part, entre deux caisses semblant appartenir à une boutique dont l'arrière porte donnait sur l'impasse. Dissimulant le corps inerte du garçon, Soren se dissimula dans un autre recoin sombre et n'esquissa plus un mouvement tandis que les bottes des gardes martelaient la rue adjacente. Ils s'étaient arrêtés au carrefour juste à coté de lui, et visiblement, ils étaient nombreux à avoir prit sa suite plutôt que celle de Leon.


-Ce morveux cavale vite ! Allez, on se sépare et on cherche.

C'était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle, car désormais il était probable que Soren et Leon croisent des gardes à tout les coins de rue...Par chance, les miliciens ne semblèrent pas s'intéresser à cette impasse où selon eux il était peu probable que Soren n'y ait tourné. Convaincu que le jeune homme courrait encore, ils ne se firent pas prier pour se mettre en marche. Une fois sur de ne pas être importuné, Soren s'extirpa prudemment des ombres pour s'enquérir de l'état de sa victime. Il lui tapota la joue pour le réveiller, ce qui le tira de sa torpeur un instant.

- Dame Dellinger...oh...je suis en retard il faut....
- Allez, là, là, ça va bien se passer.

Quel que soit ce qu'il fallait, ce pauvre garçon ne serai pas à l'heure. Désolé et ennuyé par la situation, Soren ne put que se résoudre à le laisser là pour ne pas risquer de trop s'attarder. D'un bref regard, il jaugea le jeune homme. A peu près sa taille...sa corpulence...Une tenue de travailleur avec une casquette sommes toute assez occultante reposant à coté de lui...Désole ou pas, Soren ne se fit pas prier pour enfiler le couvre chef en rabattant ses cheveux en dessous pour imiter les cheveux courts de sa victime. Habilement, il retira la veste qui ressemblait à celle d'un valet au jeune homme ainsi que sa ceinture équipée de deux escarcelles. Le plus rapidement possible, il enfila son nouveau costume et se tenta à entrer au plus vite dans la peau de ce nouveau personnage. Il n'oublia pas de récupérer également le sac pour terminer le tableau.

Habile dans l'art de la dissimulation, Soren sortit de la rue affublée d'une nouvelle identité. Marchant en rasant les murs, le jeune homme s'efforçait en revanche de ne pas se montrer trop suspect. Une juste balance entre le naturel et la prudence qu'il maitrisait presque à la perfection. Après quelques minutes de marche, il commença à s'écarter peu à peu des faubourg. Son but, sortir vers les champs pour se faire discret le temps que les recherches soient abandonnées. Il y retrouverai surement Leon à un moment ou un autre, car les deux jeunes gens adoptaient toujours des stratégies similaires. Il prit ainsi la direction des dites cultures, fier de sa dissimulation chaque fois qu'il croisait un garde au souffle court passant à quelques mètres de lui. Voyant les maisons devenir plus éparse, Soren accéléra le pas tout en s'efforçant de regarder autour de lui comme le ferai un promeneur. C'est à c'est instant qu'une voix l'interpella.


- Hé gamin ! Toi là avec la casquette ! T'es sourd ou quoi?

Par reflexe et au lieu de courir, Soren se retourna. C'est avec un certain soulagement qu'il découvrit que l'homme qui l'interpellait n'était pas affublé d'une tenue de garde. Jouant son rôle à fond, Soren afficha un sourire innocent et s'approcha de lui en trottinant et en se frottant la tête d'embarras.

- Désolé ! Je suis un peu perdu et je...La stratégie du bégayement pour laisser fuiter les informations était quasiment imparable.
- Tu cherche le convoi c'est ça ?
- Le convoi? Ah ! Oui tout à fait le convoi ! C'est pas par là?
- Suis moi, t'es à la bourre mon gars !

Soren étudiait minutieusement les informations qu'il recevait. Dans son élan de lucidité, le jeune homme qu'il avait laissé sur le carreau avait dit être en retard, se pouvait-il que Soren soit tombé sur la destination du dit inconnu? Ce qui expliquerai que l'homme devant lui ressemblant à un cocher ait reconnu son uniforme. Satisfait d'être dissimulé, Soren s'imagina avoir le loisir de prendre discrètement la fuite par la suite. Ils passèrent de nouveau inaperçu devant les gardes, arrachant un petit sourire au jeune homme. Arrivé aux détours de deux rues dans l'un des axes principaux en direction du sud, Soren comprit qu'il aurait peut-être du filer un peu plus tôt.

A vue, il devait y avoir une bonne quinzaine de personnes attroupées autour de deux charriots dont la qualité n'était pas contestable. Encerclant le convoi, des hommes d'arme à la stature rappelant celle des Ascaniens se tenaient à coté de leurs montures respectives, déjà en position pour faire office de ce qui semblait être un escorte. Soren voulut s'éclipser, mais l'homme se tourna vers lui précisemment à cette seconde.


- Allez, grouille toi et va retrouver faire ton boulot.

Soren retint son souffle un instant. L'homme ne le quitta pas du regard tandis qu'il fut contraint de s'avancer au milieu de la foule d'hommes d'armes, un contexte dans lequel Soren n'était pas vraiment à l'aise. Arrivant près des luxueux charriots, le jeune homme constata également que chaque monture avait bénéficié d'un soin exceptionnel. Puis ses yeux découvrirent au détour de la première voiture un groupe de personne se démarquant des autres. Tous habillés comme des aventuriers mais avec une tenue bien trop propre pour qu'ils ne soient pauvres, les trois personnes avaient tout l'air d'être les fameux commanditaires de cet attroupement. Un nœud tomba dans l'estomac du jeune homme. Il ne pouvait plus reculer. Prenant une grande inspiration, Soren s'avança vers les fameux nobles, entouré par deux personnes aux tenues identiques à la sienne. Il devina ainsi assez aisément quel était son rôle dans cette inédite affaire.

Sa priorité était de s'accrocher aux informations dont il disposait. Ainsi, son regard balaya l'assistance rapidement avec pour but d'y trouver une personne susceptible de répondre au nom de Dame Dellinger. Ses yeux se posèrent alors sur la seule représentante féminine parmi les nobles commanditaires de l'expédition. Maintenant, il fallait tenter sa chance avec cette femme aux cheveux roux et cette grâce féline naturelle qui émanait d'elle.


- Dame Dellinger ! Je me confond en excuses pour mon retard, je vous pris de me pardonner ! Dit-il en accompagnant sa parole d'une révérence et d'une gêne rudement bien jouée.

La femme répondant prétendument par ce nom posa ses yeux sur le jeune valet qui venait d’apparaître. Elle esquissa une moue dubitative puis se tapota la lèvre du doigt.


- Sebastian… vous avez fait quelque chose à vos cheveux ?
- Mes cheveux? Oh...Son hésitation se fit bien plus réelle cette fois-ci alors qu'il réalisait que sa tignasse n'avait pas tenu sous sa casquette et que ses cheveux dégringolaient de chaque cotés anarchiquement, l'obligeant même à retirer le couvre chef pour ne pas avoir l'air trop ridicule. Disons que...j'essaye de nouvelles choses. Cela vous incommode-t-il ma dame ?

A cet instant, Soren réalisa qu'elle l'avait appelé par un prénom qui n'était pas le sien, ce qui signifiait qu'elle connaissait très bien son valet en temps normal et qu'il n'était pas employé par une tierce personne. Nul besoin d'être un fin enquêteur pour deviner que sa couverture vacillait dangereusement dès à présent. Dame Dellinger fronça un instant les sourcils et avisa le jeune homme plus attentivement, son accoutrement, sa posture, son regard. Elle semblait le sonder intensément.

- Il faudra faire quelque chose. Indubitablement.

Elle fit le tour de sa personne comme un général inspectant ses armées. Soren se redressa, presque droit comme un "i" face à cet examen minutieux, commençant à s'imaginer devoir courir à nouveau en évitant de se faire attraper au vol par un garde.

- Ce sera fait dès que nous rentrerons, ma dame! Dit-il avec un entrain qu'il s'imagina être approprié, malgré que l'interrogation le gagnait de plus en plus.
Le rire que laissa échapper l'Amaranthis à cet instant ne le rassura guère.
- Allons bon, rentrer ? Nous ne sommes pas encore partis… Répondit-elle, apportant à Soren une précieuse information.
Aux coté de la noble, une femme d'Age avancé ressemblant elle aussi à une servante jeta un regard désapprobateur à sa maîtresse, s’apprêtant à intervenir dans cette drôle d’entrevue. Mais sa jeune maîtresse n’avait pas terminé et lui coupa l’herbe sous le pied.
- Allez donc vous occuper des derniers bagages voulez vous ? Et prenez en soin, mon matériel ne doit être abîmé sous aucun prétexte.
- Je m'en occupe de ce pas ma Dame ! S'empressa-t-il de répondre en se fendant d'une nouvelle révérence.

Sans trainer, Soren se dirigea vers les bagages encore au sol, prêt à être embarqués, entrevoyant là une possibilité de se "faire la malle"... Pendant ce temps, la vieille servante s’approcha de Dame Dellinger pour lui murmurer quelques paroles mais cette dernière lui dédia seulement un sourire malicieux avant d’observer les premiers pas de son nouveau valet de substitution.

- Veillez a ce qu’ils soient bien ficelés !

Cette phrase laissa Soren dubitatif quant à ses plans tant il se sentait soudainement observé.

Alors qu'il semblait pouvoir envisager de filer malgré tout, Soren dut enfouir sa tête dans l'un des charriot ou il entreposait les bagages pour éviter de croiser le regard d'un garde passant juste à coté de lui. Sans vergogne, le milicien vint interpeller les nobles de sa voix râpeuse et bruyante.


- Dites, vous auriez pas vu deux jeunes gars qui couraient et qui seraient passé dans le coin? Y'en a un qui a des cheveux noirs et l'autre est blond ! dit-il comme s'il venait de donner la plus précise des descriptions
Les notables présents ne surent que répondre mais la jeune femme dévisagea pensivement le milicien si bien qu’il se tourna vers elle.
- Dame ?
Celle ci affecta le sourire le plus doux et le plus candide du monde.
- Deux jeunes hommes dites vous ? Je n’en ai vu qu’un seul. Et c’est mon étourdi de valet, Sebastian. Ses cheveux sont une véritable entorse à la loi si vous voulez mon avis…

Le milicien se retint sûrement de souffler du nez, et se détourna bientôt, sûr de perdre son temps. Au moins, sa couverture avait été efficace. Ignorant totalement ce qui l'attendait, Soren du se résoudre à une chose, il ne se soustrairait pas au regard de celle dont il avait prétendu être le servant. Aussi reconnaissant que perturbé par le fait qu'elle ne l'ait pas dénoncé, Soren ne s'autorisa pas à sortir de son personnage. Tant pis...il allait falloir assumer maintenant.
Autumn Dellinger
Autumn Dellinger
Date d'inscription : 25/07/2021
Messages : 16
Âge du personnage : 23
Métier : Cartographe
Sam 7 Aoû - 0:59

Voilà qui formait un bien curieux départ. Autumn observait désormais ce drôle de Sebastian tout à son aise. Les gardes étaient repartis et le reste de son équipage avait enfin pris place. Elle même et sa suite était installée dans la voiture du convoi qui lui était réservée, comme l’hôte de marque qu’elle représentait. Elle avait besoin de place pour ses travaux et ses dessins, et cela lui valait quelques privilèges. De la précision de ses tracés dépendrait la fortune de ses clients, aussi ceux-ci avaient dépensé sans compter pour son confort. Néanmoins, un doute subsistait, tandis qu’elle détaillait le visage un peu gêné de son nouveau valet, qui semblait prêt à bondir d’une fenêtre à chaque instant.
— Qu’avez vous fait de Sebastian ? Le vrai, j’entends.
Après un regard discret pour s'assurer que leur discussion pouvait rester discrète, Soren répondit à voix basse :
— Disons que j'ai eu un...petit accident avec lui, il doit encore être en train de dormir dans cette impasse… Mais il va bien, je m'en suis assuré.
Elle haussa les sourcils, qui semblaient doués d'une vie propre, tant son regard était mobile, exprimant ouvertement chacune de ses émotions et de ses réflexions dans l'instant où elles traversaient son esprit. Repoussant une natte soyeuse de cheveux, elle jeta elle aussi un regard vers l'extérieur puis défit en partie sa coiffure, se débarrassant des épingles qui lui piquaient le crâne. Quel soulagement. Une fois sa chevelure rousse un peu plus libre, elle passa ses doigts contre sa peau et gratta les endroits qui la démangeaient depuis le matin avec un sourire de petite fille.
— Je serais curieuse d'entendre cette histoire... J'aime beaucoup Sebastian, c'est un gentil garçon. Je serais fâchée qu'il lui arrive quelque chose de malheureux.
L'idée que ce jeune homme ébouriffé puisse être un dangereux criminel l'avait rapidement effleurée, mais elle l'avait bien observé, et elle était persuadée qu'il n'en était rien.
— Rosa était convaincue que vous étiez un infâme assassin. Mais vous avez les mains trop calleuses pour quelqu'un qui manipulerait la dague. Et votre regard est trop doux pour un tueur de sang froid. Vous aviez une de ces têtes quand les miliciens sont arrivés !
Elle se prit à rire, mais elle n'y mettait aucune réelle mesquinerie.
— C'était trop drôle, vraiment !
Elle tenta une imitation assez peu flatteuse du pauvre jeune homme, et rit de nouveau. Dans une moue presque boudeuse, Soren fut tenté de retourner le jeu contre elle en lui faisant croire qu'il n'était pas si recommandable. Il abandonna bien vite cette entreprise au profit d'un timide sourire :
— Disons que je ne pense pas mériter un séjour en prison pour si peu. Je vous remercie de ne pas m'avoir dénoncé malgré tout.
Légèrement plus détendu, il émit même un petit rire discret :
— Vous avez raison sur un point, je suis bien loin d'être un assassin...
— A la bonne heure ! Je suis positivement ravie de l'apprendre !
Elle semblait parfaitement sincère, et tendit une main fine et délicate dans sa direction, le regard franc et droit. Elle affichait un profil mince et élancé, mais elle tenait davantage du félin que de la fragile colombe. Son caractère vif et hyperactif compensait son apparente délicatesse.
— Je suis Autumn Dellinger.

Pris de court par son habitude à être le plus à l'aise dans un groupe, Soren se surprit à hésiter quelques secondes en regardant la main tendue que lui adressait la noble. Finalement, il tendit la sienne à son tour en prenant soin de ne pas serrer outre mesure les doigts fins et soignés de son interlocutrice. Par précaution malgré tout, il répondit à voix basse :
— Soren, mais vous pouvez m'appeler Sebastian, je présume.
Un petit sourire se dessina sur le visage du jeune homme pendant quelques secondes. Une interrogation soudaine atténua son rictus cependant.
— Mais au fait, Dame Dellinger, où allons-nous?
— Soren ! Répondit-elle tout haut, Comme c’est joli ! Saviez vous qu’en langue ancienne Soren désigne l’astre solaire ? Quant à votre question, nous sommes actuellement et approximativement… aux portes perdues au Sud Ouest de la Ville ! Passage idéal pour notre itinéraire mais peu judicieux au vu du trafic à cette heure…
— Je voulais dire...Quelle est notre destination finale ?
La question avait l'air de réellement le préoccuper.
— Les Champs de Feu… fit-elle sur un ton évasif - très mal nommés si vous voulez mon avis, étant donné le peu de culture qu’on y fait ! Et puis personne n’a jamais cultivé de feu… enfin loin de moi de vouloir contrarier d’anciens confrères… les cartographes se laissent parfois emporter dans quelque esprit lyrique…
Elle se lança dans un babillage théorique, plongée dans ses pensées.
Le teint de Soren devint partiellement livide tandis qu'il n'écoutait plus les propos de la noble, seulement interloqué par la légèreté avec laquelle elle avait évoqué leur destination
— Pardon? Vous avez bien dit les Champs de Feu ?
Elle fit un geste vague de la main.
— Eh bien oui, les Champs de Feu ! Je l’ai prononcé correctement, il me semble…
Alors qu’elle édictait ces mots en articulant, le convoi finit par s’extirper des embouteillages et le cocher ordonna le trot. La voiture fit une brusque embardée en avant et la jeune femme se trouva projetée de même sur son interlocuteur, se rattrapant de ses deux mains à ses épaules.
Elle s’esclaffa :
— Voilà l’aventure qui commence !
D'instinct, Soren avait réussi à se maintenir en place malgré le choc, utilisant ses mains par réflexe pour retenir la jeune femme en train de lui tomber dessus. Par hasard, ses mains saisirent les hanches de la noble, le faisant rougir instantanément tandis qu'elle riait.
— Excusez-moi ! Je...Vous allez bien?
Voyant qu'elle s'amusait de la situation plus qu'elle n'était concentrée sur sa chute, Soren reprit avec un sourire un peu gêné.
— Je suppose qu'il est trop tard pour que j'aille chercher votre cher Sebastian ou que vous me déposiez en chemin...
Elle était vêtue d’une tenue civile classique mais raffinée, ayant délaissé les belles robes du quartier ascanien pour un pourpoint de cuir ajusté, et des braies confortables. Sa mère avait poussé des cris d’orfraie en la voyant embarquer dans cette tenue mais elle lui avait expliqué qu’elle ne pouvait partir en expédition en robe de soirée, ce qui avait clos la conversation. Elle nota les mains du jeune homme sur elle, mais apprécia plutôt la sécurité de sa poigne davantage que l’inconvenance de la situation avant de retrouver son siège.Sa mère aurait déjà fait une ou deux crises d’apoplexie.
— Ma foi, nous vous laisserons à la prochaine escale si vous voulez… mais je devrai expliquer le départ de mon cher Sebastian… enfin je ne peux pas vous forcer à ce voyage, évidemment.
Avec un air perplexe quant à ses possibilités de rentrer sans encombre après une escale loin de la cité, Soren eut finalement un regard résigné.
— Je vous ai subtilisé votre valet, j'imagine que je vous en dois un...
Puis un sourire se dessina à nouveau sur son visage. Elle tapa dans ses mains, ravie.
- A la bonne heure ! C’est parfait ! Ne craignez rien de Rosa, elle ne dira rien ! Quant à Vincente, il est à moitié myope… je crois qu’il ne fera pas la différence…
Elle se pencha vers lui comme pour partager la confidence d’un air rieur avant de reprendre plus sérieusement.
— Mais trêve de badinage ! Je veux tout savoir sur vous… Quelles sont vos qualités et vos compétences ? Que je vous emploie à bon escient dans cette expédition !
Rassuré de pouvoir compter sur l'autorité de la jeune femme pour ne pas être dénoncé ou arrêté, Soren se détendit plus encore. Lorsqu'elle lui demanda de parler de lui, il se racla la gorge, pas vraiment prêt à faire un portrait élogieux de lui-même, cependant.


— Je ne suis pas sûr que ma principale activité vous soit très utile. Je suis musicien… Mais si vous voulez mon avis, je suis assez habile de mes mains pour que vous n'ayez pas envie de vous débarrasser de moi...
Avec un sourire espiègle mais dénué de malveillance, Soren leva sa main droite pour montrer la chevalière qu'il tenait entre ses deux doigts. Chevalière qui était encore au doigt de son interlocutrice il y avait quelques minutes.
— C'est à vous, non ?
Elle écarquilla les yeux comme on assiste à un tour de prestidigitateur. Elle tendit la main aussitôt comme une enfant qui veut s’assurer de la réalité d’une chose en la touchant, saisissant la chevalière autant que les doigts de son nouveau compagnon de route. Elle ne se rendit compte qu’après de ce qu’elle aurait pu perdre au profit de cet inconnu, mais même après en avoir fait le constat objectif, elle restait fascinée par cette agilité dont il avait fait preuve pour la détrousser.
— Incroyable ! Mais je vous déconseille de faire ceci sur des nomades que nous pourrions croiser…
Elle esquissa un sourire malicieux. Il émit un petit rire presque aussi nerveux qu'amusé. La mention des nomades sonnait comme une plaisanterie, pourtant Soren ne put s'empêcher de considérer cette phrase comme un réel avertissement, ce qui lui arracha un frisson
— Alors disons que je me contenterai de faire profil bas pour m'acquitter de la tâche qui  m'incombe, à savoir celle de ce pauvre Sebastian...
Piqué par sa curiosité à son tour, Soren ne put s'empêcher de reprendre.
— Si j'ai bien compris Dame Dellinger, vous êtes cartographe c'est bien ça ? Ce voyage serait donc à but professionnel ?
— Vous ferez un acteur formidable à n’en pas douter et qui sait, vos talents pourraient servir de manière inattendue !
Elle décrocha son attention de lui un instant et observa le paysage au-delà des fenêtres qui semblait désormais passer à un décor moins policé, plus sauvage bien qu’à portée de Claircombe encore.
— Je suis cartographe en effet et un client m’a mandée à la place de mon père pour ce projet… c’est excitant n’est ce pas ? Étiez vous allé aussi loin de Claircombe, Soren ?
Soren suivit le regard de la noble et poussa un profond soupir :
— Pour être tout à fait honnête avec vous, je ne suis jamais sorti plus loin qu'aux alentours de Claircombe… Tout ce que je vais découvrir ici sera nouveau pour moi… J'essayerai de ne pas être un boulet !
Il parvint malgré tout à ne pas trahir son appréhension lui faisant imaginer toutes sortes de créatures dangereuses et nomades assoiffés de sang. Son visage était même resté guilleret, ressemblant davantage à l'optimiste personnage qu'il était en temps normal.
— Oh moi non plus ! C’est ma toute première expédition !
Elle sourit avec le même ravissement qu’elle affichait depuis le début. Ici tout lui paraissait à la fois possible et accessible, sans frontière, sans les freins de la société ascanienne. Elle saurait ce qu’elle vaudrait, pour ce qu’elle était. Et elle avait hâte de le découvrir. Il ne sut pas s'il devait s'inquiéter de cette dernière observation, mais un simple regard à l’extérieur sur l'un des nombreux gardes armés accompagnant le cortège calma aussi sec son trouble. Son regard se reporta sur la jeune femme dont les attitudes enjouées et rêveuses commençaient à l'amuser
— Eh bien, Dame Dellinger, j'essayerai de m'acquitter de mon rôle au mieux et de ne pas vous décevoir - dit-il en mimant une révérence quelque peu pompeuse depuis son siège, soudainement excité par la tournure que prenaient les évènements. Son regard se fit alors interrogateur, car une question le démangeait depuis plusieurs minutes maintenant.
— Mais dites-moi, qu'est ce qui vous a poussée à ne pas me dénoncer à la garde ?
— Aurais-je dû le faire ?
Surement se posait-elle réellement la question mais dans le fond la réponse l’intéressait assez peu. Il était là.
— Vous aviez l’air dans le besoin et vous portiez la veste de mon valet. J’étais curieuse de savoir pourquoi. Si la garde vous avait emmené, je ne l’aurais jamais su.
Le sourire de Soren s'élargit, décidément, cette femme l'amusait de plus en plus.
— Non, je pense que je ne méritais pas cette course poursuite, je vous remercie de ne pas l'avoir fait.
Le jeune homme plissa les sourcil, analysant son interlocutrice en silence.
— Soignée et gracieuse, une expression orale irréprochable mais surtout une curiosité si forte qu'elle vous a fait faire fi d'éventuelles appréhensions à mon égard, vous êtes Amaranthis n'est-ce pas ?
Elle se laissa prendre au jeu des questions car son naturel curieux et joueur s’y prêtait bien.
— Presque ! Mon père est Amaranthis mais ma mère est Ascanienne. Ce qui explique mon parler et mon plus strict respect des préceptes de Providence.
Elle le dit d’un ton si espiègle qu’il était difficile de la prendre vraiment au sérieux sur ce point. Soren ne put retenir un petit rire face aux propos dénotant avec l'attitude guillerette de son interlocutrice.
— Tout le monde respecte les préceptes de Providence ! Du moins...C'est ce que les Ascaniens ont tendance à penser...Quoi qu'il en soit, vous semblez être née du bon côté de la barrière.
Nulle animosité dans ce constat, au contraire, Soren l'en félicitait presque, affichant une bonne humeur toujours plus évidente. Elle haussa une épaule. Elle n’avait jamais manqué de rien ni ne s’était jamais posé la question. Elle était consciente des inégalités sans avoir jamais eu à s’y confronter.
— Êtes vous du mauvais côté de celle-ci ?
Une très légère pointe d'amertume se lut dans ses yeux, trop fugace pour entacher sa bonne humeur et son sourire.
— Il semblerait que oui, c'est d'ailleurs l'une des raisons qui font que je me suis retrouvé affublé du rôle de valet, finalement.
Pour souligner la légèreté de son propos, Soren adressa un petit clin d'oeil à la jeune femme
Elle parut un brin décontenancée face à ce geste, qui contrastait avec ses paroles et dit, sans réfléchir :
— Mais vous n’êtes pas valet habituellement… comment faites vous pour subvenir à vos besoins ?
Il marqua une plus longue pause, le temps de réfléchir à ce qu'il pouvait dire, puis finalement, il s'abandonna à l'honnêteté.
— Non en effet. La musique m'apporte quelques revenus, les services rendus aussi. Et puis parfois disons que...je me permets d'emprunter aux plus opulents… Mais rarement, hein !
Elle se permit un sourire parce qu’il avait l’air gêné.
— Et vous leur rendez ?
Il lui rendit son sourire aimablement et se détendit sur son siège, presque un peu nonchalamment.
— C'est un emprunt de long terme, et seulement lorsque je suis sûr que ça ne leur manquera pas.
Sa sincérité en était déroutante. Elle se prit à éclater d’un rire clair.
— Si vous voulez me faire un emprunt, prévenez moi, ce sera plus simple.
A nouveau, le jeune homme se feint d'une révérence assise et abusa de manières, soulignant son aisance dans l'art de se fondre dans son personnage
— Quel valet digne de ce nom oserait voler sa maîtresse ? Je me contenterai de faire mon travail pour cette fois !
Elle inclina gracieusement la tête à la manière des nobles ascaniennes.
— Et je vous en serai fort reconnaissante, mon cher Sebastian.

Oui ce voyage avait drôlement commencé, mais Autumn n’en regrettait aucune partie, et ne s’inquiétait ni de la route, ni de son nouveau valet. Pour tout dire, il avait de l’esprit et de la conversation, et avec lui le temps passa bien plus vite. Elle voulut l’interroger sur sa vie à Claircombe, ses occupations, si loin de son quartier Ascanien. Elle ne voyait le pays qu’à travers les cartes de son père depuis toujours, et jamais au-delà de son cabinet de cartographie. Lorsqu’elle était enfant, elle entendait de loin les conciliabules entre son père et ses clients dans son bureau qui sentait le noyer et l’acajou. Les hommes parlaient d’un ton absorbé un bourbon à la main, fumant la pipe et entrevoyant de grands projets. Elle les avait vus défiler, petite souris cachée dans un recoin sous l’escalier, jusqu’à ce que Rosa la trouve et la déloge, endormie là à force de tendre l’oreille en vain.

Et puis, trois mois auparavant, c’était elle qui avait été dans le bureau. Père n’était pas au mieux mais il avait tout de même tenu à être là, dans son fauteuil, écrasé sous une épaisse collection de couvertures. Perdu là dedans, il semblait se confondre avec la laine, aussi mince qu’une couche de mille feuilles, noyé dans cette masse informe. La vision lui avait tiré un frisson, alors que ses mains pâles et parcheminées tremblaient en cherchant quelque papier sur lequel apposer son sceau de cire.

— Père. Je vous en prie, vous n'êtes pas obligé… Cela peut encore attendre que vous alliez mieux.

Dans le fond, elle savait que ce n’était pas vrai, et une infime part d’elle-même rêvait et exultait d’avoir enfin sa chance de voir le monde, d’en découvrir tous les aspects de ses yeux, et plus seulement au travers de livres et de tracés à l’encre noire. Elle répugnait seulement à en payer le prix de la santé de son père, qui ne se remettait pas. Toujours pas. Combien de temps les médecins avaient-ils donné avant qu’il ne se rétablisse ? Chaque semaine, chaque mois, l’échéance semblait se repousser un peu plus. Désormais, à cette question, ils détournaient tous le regard, invariablement. Elle sentit un frisson la parcourir lorsque son père abattit avec une force insoupçonnée le sceau de cire sur le parchemin qu’il avait fait rédiger par son page. Finalement il tendit la lettre de cachet à sa fille et lui intima de lire à sa place, car parler le fatiguait depuis un moment, désormais, et il ne le faisait que lorsqu’il y était vraiment contraint ou qu’il avait quelque chose d’importance à dire.

Autumn se racla la gorge en observant les deux notables ascaniens et la femme Amaranthis. Seule cette dernière souriait d’un air enthousiaste. Pour les deux autres, la chose ne leur plaisait pas du tout, mais ils avaient tous les deux besoin d’un cartographe compétent. Il s’agissait d’une expédition de repérage géologique dans les Champs de Feu et ils allaient payer une fortune pour s’y rendre, nonobstant une lourde contribution de leur associée Amaranthis et rien ne devait être laissé au hasard. Bien que l’intérêt minier de la chose demeure obscur et soumis au secret pour l’heur, les trois notables avaient déboursé des fonds considérables pour attester de leur sérieux. Il ne manquait que l’homme - ou plutôt la femme - qui recenserait chaque point, chaque filon sur une carte détaillée des lieux, chose qui manquait à la plupart de leurs concurrents directs. Du reste, peu avaient été à même d’aligner une somme pareille pour les doubler, et ils n’avaient tout simplement pas été assez rapides. Autumn lut donc, devant les mines dépitées des deux Ascaniens, après les formules d’usage :

“Moi Louis Dellinger, atteste sur mon honneur être en pleine mesure de mes capacités mentales et spirituelles et désigner en ma seule et unique héritière, ma fille Autumn Dellinger, la garance de mon cabinet de cartographe, et en reprendre chaque contrat courant, pour mener à bien les missions auxquelles je me suis engagé et que je ne suis plus en mesure de mener sur le terrain. Je place en elle et ses compétences toute ma confiance.”

Il y eut un nouveau silence embarrassé, après quoi, Autumn déposa un baiser sur la joue de son père. Celle-ci était légèrement humide, son père avait les yeux brillants d’une rare intensité. Il serra son bras et étira un infime sourire qui craquela quelques unes de ces rides qui s’étaient formées si vite depuis sa maladie. Autumn se redressa et prit la mesure de la situation. C’était à elle de s’affirmer désormais.

— Eh bien messieurs, c’est à prendre ou à laisser. Choisissez vite et bien, j’ai d’autres clients qui m’attendent.

Soren Grim
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Jeu 12 Aoû - 2:14
Plus le choix, il fallait désormais faire fi de cette gueule de bois qui rattrapait Soren à chaque embardée de leur véhicule. Bien que la voiture les transportant semblait digne de figurer parmi ce qui se faisait de mieux à Claircombe, les secousses intermittentes empêchaient le jeune homme de tenter de faire passer sa migraine en fermant les yeux quelques minutes. N'étant pas valet de profession, il ne réalisait pas que la sieste lui était théoriquement interdite, après tout, il était au service de la noble cartographe et non en voyage en tant que passager libre. Après une énième secousse, Soren s'efforça de détourner le regard de son atypique accompagnante pour observer le paysage défiler, principalement dans le but de passer cette sensation montante de mal des transport. La vue des environs défilant à vive allure suffirent à calmer ses troubles, le laissant uniquement avec sa migraine et une certaine fatigue.

Le voyage gagna assez vite en monotonie tandis que le Soleil frôlait timidement l'horizon. Les alentours de Claircombe ne relevaient guère d'un danger capable de faire frémir une telle escorte de mercenaire. Soren profita de l'allure plus modérée des chevaux pour tenter de se ressourcer sans pour autant dormir. Après une longue route, une première escale fut faite à un relais de poste pour opérer un changement de chevaux, une manœuvre couteuse pour le nombre d'animaux à remplacer, mais un gain de temps non négligeable sur la durée du trajet. Trop courte pour être salutaire, le jeune homme avait au moins put se dégourdir les jambes, en veillant tout de même à rester près de celle pour qui il était sensé se plier en quatre. Lorsque la course reprit, son mal de crane était presque derrière lui. Pas vraiment spécialiste des expéditions, il ne se risqua pas à de nouvelles questions tandis que l'obscurité de la soirée gagnait leur entourage. Happé par sa contemplation du paysage, le jeune homme finit par s'assoupir sans même s'en rendre compte, finalement bercé par ces secousses qui le tourmentait un peu plus tôt.

Tout était si calme, la route devenait longiligne, accentuant le coté reposant de la pluie battant les sols autour d'eux. Depuis quand pleuvait-il? Soren n'aurait su le dire. Il ouvrit les yeux pour se délecter de cette vue, le ciel grisonnant envoutant la plaine d'une obscurité apaisante, brouillant l'horizon de brume. Son visage se tourna vers dame Dellinger dont le regard semblait ne pas s'être détaché de lui une seule seconde. Troublante, elle paraissait capable de s'exprimer simplement avec ses yeux et ses sourcil, bien qu'il ne comprit ce qu'elle cherchait à exprimer. Ses yeux s'égarèrent sur la longue chevelure aux airs de flamme, cascadant sur ses épaules d'une manière assez surnaturelle. D'ailleurs, est ce que ses cheveux touchaient déjà par terre un peu plus tôt? Sceptique devant ce constat, Soren regarda autour de lui et constata avec stupeur que la charrette n'était plus sur les chemins de la vallée, mais sur un pont de pierre sombre entouré de ravines. La panique le gagna, si bien qu'il s'empressa de mettre la tête en dehors pour constater que la voiture les conduisait désormais vers une bâtisse tout en pierre ressemblant bien trop à une prison à son gout. Sans réfléchir, Soren tenta d'ouvrir la porte pour s'extraire du charriot, sans succès. Une main se posa sur son bras, pas celle de Dame Dellinger, une main calleuse et épaisse. Lorsqu'il tourna la tête, un violent choc semblable à un coup de poing invisible lui heurta le visage.

Puis il se réveilla en sursaut...heurtant de sa tête le montant latéral de leur espace privatif, lui infligeant une vive douleur. Toujours pas réellement réveillé, Soren s'agita sur place.

Non ! vous aviez dit que vous ne diriez rien !
Autumn se réveilla au choc de la voiture puis ouvrit les yeux au cri de Soren, l'air déboussolé. Elle n'avait pas l'habitude de dormir hors de son lit et avait perdu ses repères, et un lancinant mal de cervicales lui cisaillait le cou. Néanmoins, elle reprit rapidement ses esprits et trouva le regard affolé de Soren en face d'elle.
Soren ? Que se passe-t-il ?
Puis réalisant que le jeune homme parlait de prison, elle tenta de le rassurer de son mieux.
Nous sommes en voiture, vous vous souvenez ? Vous ne risquez rien. Enfin pour le moment...
Penaud, Soren se massa le sommet du crane en grimaçant de douleur. Lorsqu'il entendit Autumn le raisonner, il sentit le calme le gagner peu à peu, jusqu'à ce qu'il se sente plus bête qu'inquiet.
Désolé je...J'ai eu une dure soirée hier, je vais essayer de rester éveillé.

A ces mots, une tête ridée et de mauvaise humeur passa à travers les rideaux du cocher et la vieille servante, qui était restée pour veiller au grain tourna un œil noir dans la direction de Soren. Autumn leva une main en signe d'apaisement.
Ce n'est rien, Rosa, rien qu'un peu de ballotage.
Rosa souffla du nez et maugréa en retour.
Mademoiselle désire boire ou manger quelque chose ? Vous n'avez rien pris ce soir.
Autumn hocha vivement de la tête même si elle avait été bien trop excitée par le voyage pour se soucier de son estomac.
Faites donc, Rosa ! Très bonne idée !
Elle glissa un sourire à Soren, hochant de la tête d'un air entendu.
J'ai mal dormi aussi.
Elle se massa la nuque comme pour appuyer son propos. D'instinct, Soren la regarda avec un léger sourire tout en se massant lui toujours la tête sur laquelle une bosse venait d'apparaitre sous ses doigts.
Ah oui? Il faut dire que vous aviez l'air plutôt mal installée pour vous assoupir.
Un toussotement derrière le rideaux du conducteur se fit entendre, insistant, sévère et tranchant. Bien qu'elle ne lui adressait pas un regard cette fois, Soren eut l'impression de sentir l'œillade funeste de la vieille servante sur lui, comprenant le message bien plus vite qu'il n'aurait pu l'imaginer.
Je voulais dire...Avez-vous besoin que je vous masse les épaules lorsque nous établirons un campement? Dit-il en rougissant légèrement à cette proposition incombant peut-être à son nouvel emploi.
Autumn rit à son tour, tout naturellement, alors qu'elle entendait déjà Rosa s'étouffer de l'autre côté de la voiture.
Ce n'était pas dans les attributions de Sebastian je vous rassure ! Vous n'aurez pas ce genre de corvée.

Difficile de savoir exactement ce en quoi retournait son rôle de valet. Pour lui, les valet des notables Amaranthis et Ascaniens se dédiaient à rendre service à leurs maîtres et maitresses, mais peut-être avait-il réduit dans sa tête ces pauvres employés à une condition d'esclave qu'ils ne méritaient pas. Ne sachant plus ou se mettre à cause de sa méprise, Soren accompagna le rire de la noble.

Il semblerai que j'ai encore beaucoup de chose à apprendre sur mon rôle dans cette histoire dans ce cas.
Rosa et Vincente vous guideront, ne vous en faites pas... Il s'agira surtout d'aider à dresser le campement quand nous serons en pleine nature, à changer le linge courant, et autres corvées habituelles. Mais Rosa m'aide pour la toilette... Bien que j'aie spécifiquement dit que je me débrouillerai bien seule, mais ma mère y a tenu presque autant que Rosa.... Elle s'occupe de moi depuis que je suis au berceau....

Une aide pour la toilette, voilà quelque chose qu'il n'avait pas imaginé possible en revanche. Fort de ce constat, il s'imaginait assez bien que l'on confiait généralement ce genre de tâche à un servant ou une servante du même sexe, à moins qu'il ne se fourvoie une nouvelle fois sur les traditions bourgeoises? La servante tira Soren se ses rêveries en passant un peu brusquement un panier de victuailles à Soren à travers le rideau, ainsi qu'une couverture de voyage supplémentaire.

Ah voilà de quoi nous restaurer ! Mangez donc un peu, ça vous fera du bien, vous aviez l'air d'avoir le sommeil troublé.
Soren récupéra le panier sur ses genoux pour en détailler rapidement le contenu à la faible lumière qu'offrait le chariot. Miche de pain, charcuteries, fromages, un vaste ensemble de plaisirs dont la qualité semblait être au rendez-vous et qu'il ne pouvait que peu s'autoriser dans la vie de tout les jours. Repensant aux tâches qui l'attendait au moment de dresser le camp, son estomac se manifesta pour l'obliger à accepter l'offre de la jeune femme.
Je vous laisse vous servir en premier, je prendrais ensuite dans ce qu'il reste. Dit-il en étant sur qu'il resterai quelque chose.
Tout en lui tendant le panier pour qu'elle récupère ce dont elle avait envie, Soren reprit.
J'ai fais un mauvais rêve, je crois que je paye encore mes abus de la veille...

Autumn ne se fit pas prier et releva une petite tablette entre eux, avant de la fixer habilement. Cette tablette allait lui servir de bureau et de table à manger au sein de la voiture, le temps qu'ils seraient en mouvement. Elle déposa une petite nappe blanche par dessus et installa les assiettes de fromage et de charcuterie, ainsi que du pain frais de la ville et de quoi boire. C'était somme toute une aventure palpitante qui commençait et tout ça avec l'imprévu de cet inconnu tout juste débarqué et qui semblait venir d'un autre monde. Elle commença à manger, sans façon, oubliant avec joie le protocole habituel et invita Soren à faire de même, amusée à l'idée de jouer les sauvages avec cet homme du peuple. Soren la regarda faire avec l'application qui semblait incomber à sa profession. Méticuleuse et habile, il s'amusa à lui imaginer une toute autre vie, un jeu qu'il affectionnait tout particulièrement. Pour elle, la vie celle d'une combattante à l'agilité féline semblait toute appropriée, exception faite des manières très prononcées de nobles.

Racontez moi.. Que vous est-il arrivé au juste ?
Tiré de ses rêveries contemplatives, Soren toussota pour dissimuler un nouveau gargouillis de son estomac, mis en appétit par les délicieux mets entreposés sur la tablette. Il se retint d'abord dans un premier temps, jusqu'à ce qu'elle l'invite à l'imiter. Un morceau de pain accompagné de fromage à la main, le jeune homme esquissa un petit rire.
Oh vous savez, trois fois rien, mon ami et moi avons décidé de nous accorder un peu de détente chez les Utgardiens...Une regrettable erreur si vous voulez mon avis !
Soren semblait avoir ravivé l'intérêt de la cartographe pour la discussion. Elle n’avait jamais eu l’occasion de traiter avec aucun Utgardien. En grande partie parce que ces gens haïssaient proprement les Ascaniens et réciproquement.
Ah vraiment ? Et pourquoi cela ?
Pas vraiment sur que le vin ne l'aide à soigner ses maux, le jeune homme se raisonna en imaginant qu'il devait avoir là une boisson d'une qualité non négligeable et qu'il serai dommage de passer à coté. Tout naturellement, il prit la parole après avoir bu une gorgée de ce nectar dont un discret roulement d'yeux témoignait d'une qualité effectivement remarquable.
Eh bien, ces gens sont...Vous voyez...Ce sont des rustres, mais des rustres toujours prêt à commander une nouvelle tournée de bière, puis une autre...
Comme s'il tenait un objet précieux, le jeune homme leva son verre devant lui pour en étudier son contenu à la lumière de la voiture, il reprit son récit malgré tout en agitant distraitement le nectar dans son contenant.
En plus de ça, ils sont joueurs, voila comment on en vient à faire un concours de lancer de hache en intérieur...
Autumn suivait avec grand intérêt son récit, agrandissant les yeux.
Un concours de lancer de haches ? Vous pratiquez ?
Soren ne put retenir un petit rire en voyant l'intérêt qu'elle portait à son récit.
J'essaye de limiter mes participations, mais il m'est arrivé de m'y essayer. La dernière fois, un concurrent à lancé la hache si mal qu'elle a rebondi contre le comptoir et m'est passé juste au dessus de la tête. Réalisant l'idiotie du jeu, le sourire de Soren se fit un peu plus gêné ,  ça reste bon enfant malgré tout...en général.

Elle essayait de se représenter la scène dans une auberge bondée, le soir. Ça avait de quoi être exotique en comparaison de ses soirées au coin du feu ou des réceptions mondaines et policées ou rien ne volait jamais. Soren s'amusa de l'expressivité de la jeune femme qui faisait travailler son imagination, lui laissant le temps de jauger ses propos en grignotant.
Et que pariez vous ?
Amusé de raconter cette histoire à une notable comme elle, Soren fouilla dans sa poche tout en parlant.
De l'argent, des tournées, ou...d'autre choses, comme ça...
Dans sa main se tenait désormais un bracelet finement élaboré.
Je retournerai le rendre à ce vieil idiot quand je reviendrai, il aura surement dessaoulé d'ici là. Il parait que ça appartenait à sa grand mère, je m'en voudrai qu'il ne le retrouve pas.
Autumn sondait l'objet brillant tout en grignotant du fromage, visiblement insoucieuse de l’heure tardive et des cahots de la route.
Mais si vous l’avez gagné honnêtement, n’est il pas juste que vous le gardiez ?
C'est plus une question de principe, j'ai des remords d'avoir profité de son ivresse plus qu'avancée, bien que nous étions pour le coup à armes égale sur ce point là...
Elle sourit un peu tout en saisissant le bijou, évaluant sa valeur.
Vous faites un bien piètre voleur, Soren…
Elle lui adressa un regard un peu moqueur avant de reprendre une gorgée de vin. A son tour, Soren sourit à cette pique avant de se délecter d'un peu de ce délicieux en-cas qu'il lui avait été permis de partager.
Peut-être bien. Du moment que je m'en sors vous savez...

Autumn hocha la tête. Elle n’avait jamais été dans le besoin et ne le serai probablement jamais, elle était donc naturellement désintéressée par les questions matérielles. Elle était cependant étonnée qu’un jeune homme dans une situation aussi précaire que la sienne le soit tout autant.

Vous n’avez pas l’air inquiet pour votre avenir.
Aussi naturel que possible, Soren répondit spontanément, toujours avec un petit sourire.
Quand on apprend qu'on à été retrouvé dans un coin de rue emmitouflé dans une couverture peu de temps après la naissance, on relativise toujours un peu tout vous savez.
Autumn écarquilla les yeux de confusion et se reprit ensuite, sa curiosité reprenant invariablement le pas sur tout autre sentiment.
Votre vie est vraiment beaucoup plus palpitante que la mienne ! Comment avez vous survécu étant si jeune et livré à la rue ?

Palpitante était un mot avec lequel Soren qualifiait volontiers sa vie. En revanche, il se sentit presque prit au dépourvu qu'une personne n'ayant jamais manqué de rien ne lui adresse un tel propos. Bien sur, beaucoup de nobles aux richesses indécentes semblaient difficilement réaliser qu'il était bon de ne manquer de rien, ce n'était pas la première fois qu'il pouvait se faire ce constat en tout cas. Le jeune homme ne s'en offusqua pas cependant, car la sincérité de cette jeune femme à la curiosité débordante et prompte à la bonne humeur faisait écho à son propre mode de fonctionnement, rendant ce comportement touchant à ses yeux. Un brin d'amertume vint cependant teinter le visage du jeune homme lorsqu'il s'apprêta à répondre, sentiment qui sembla disparaitre la seconde d'après.

J'ai été recueilli par une personne que j'ai naturellement toujours considéré comme mon père, sans lui, tout n'aurait pas été aussi palpitant et je ne serai peut-être pas là à vous parler.
Mon père à moi aussi est mon héros, sourit-elle en retour. Nous leur devons beaucoup, c’est une chance de pouvoir profiter de leur sécurité et de leur sagesse. Tant que c’est possible.
C’était son tour de s’assombrir un bref moment, avant de reprendre.
Votre père est il toujours en ville ?

Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'il ne finisse par répondre, ne pouvant dissimuler son amertume cette fois. Il avait remarqué l'instant d'obscurité qui avait peint le visage de l'Amaranthis enjouée, un détail qui bloqua sa curiosité dans un coin de sa tête, tant le sujet semblait sensible. Il profita de la question qu'elle venait de lui poser pour se réserver de lui demander des détails sur son histoire à elle plus tard, peut-être...

Non, il est mort il y a dix ans environ. Tué par ses geôliers en prison.
Autumn marqua un silence à son tour. Son expression attristée semblait parfaitement sincère.
Je suis navrée pour vous, Soren. Ses tortionnaires ont il été punis ?
Après un bref soupire, Soren reprit d'une voix moins engageante, plus resiliée.
Aux yeux de la loi, ils ne sont coupable de rien et nous n'existons pas. On s'y fait avec le temps, et puis le vieux Grim m'aurait remonté les bretelles s'il savait que je brouillais du noir à cause de sa disparition !
Elle haussa une épaule.
La justice devrait s’appliquer à tous. Il n’avait probablement pas mérité son sort, à la manière dont il vous a élevé…. bien que vous soyez un voleur, c’est vrai, vous semblez un voleur respectable.

Elle sourit à demi lui tendant le pain et la charcuterie. Elle était repue depuis un moment mais le jeune homme lui montrait le même regard brillant sur la nourriture. C'est avec la gourmandise et la joie d'un enfant qu'il récupéra la nourriture qu'elle lui tendit, comme s'il était important pour lui de garder le sourire, surtout lorsqu'il repensait au vieux Grim. Mué par le besoin de ne pas avoir eu comme dernières paroles à son sujet le jour de sa disparition, il reprit avec une certaine spontanéité.

Il faisait tout son possible pour nous, les gamins des rues, il était le seul à nous accorder de l'attention. Son regard s'éclaircit d'admiration, J'essaye de ne pas le décevoir, même s'il n'est plus parmi nous.
Qui sait, vous aurez peut être l’occasion de vous illustrer durant cette expédition ! C’est peut être Providence…
Elle émit un petit rire une fois encore.
Moi en tout cas, je l’espère… car j’ai rarement vu un endroit aussi inconfortable pour dormir…
Après avoir la dernière gorgée de son verre, Soren acquiesça d'un hochement de tête.
Souhaitons nous de la réussite dans ce cas !
Elle se rencogna dans son coin de banquette qui lui servait aussi de couchette.
Vous croyez que vous arriverez à dormir ? J’ai l’impression que le soleil ne va pas tarder à se lever…
Cependant, elle baillait déjà, réprimant un frisson sous sa couverture de voyage.
Je devrais y arriver oui, j'ai connu bien plus inconfortable par le passé !
Elle grommela quelque chose alors que chaque relief de la paroi de la voiture où elle était appuyée lui rentrait dans le dos ou les côtes.

Le terrain se faisait plus clément dans la vallée et le sentiment de sécurité y était important avec un tel entourage armé. Le jeune homme s'autorisa un instant de contemplation, car le ciel étoilé offrait une vue des plus imprenable au travers de l'ouverture laissant passer les rayons de lunes. Toute la nuit durant le cortège parcourut la vallée, avalant de la distance en pleine nuit avec une organisation militaire des plus impressionnante. Les pauses furent rares et optimisées, comme si chaque instant était millimétré et calculé pour être le plus rentable possible. Soren avait même pu capter une conversation entre celui qui devait être le cocher et l'acariâtre servante, stipulant que la première pause serait une escale vers la fin de matinée, afin d'opérer un point sur les déplacements et une longue pause jusqu'au repas. Il trouva étrange cette idée de chevaucher de nuit, mais visiblement, les décideurs de l'expédition semblaient savoir ce qu'ils faisaient. Il eut la réponse peut de temps après, lorsque le cocher expliqua que la vallée était probablement l'endroit le moins dangereux pour un tel cortège et que profiter de cela pour ne pas chevaucher trop longtemps en pleine chaleur était la bonne stratégie pour ne pas épuiser les bêtes et qu'il serai idéal d'atteindre le fleuve au plus vite pour y installer un premier campement.

Soren resta éveillé un petit moment après que son interlocutrice ne se soit assoupie, la tête de nouveau inclinée contre le bord de la voiture. Aux vues de la position visiblement douloureuse qu'elle avait adopté, le jeune homme grimaça quelque peu. Avec une infinie précaution, il se décolla de son siège, dégageant de lui la couverture qui lui avait été confié pour la rouler en boule. Sans un bruit, il se redressa pour s'approcher de l'Amaranthis endormie, se tenant d'une main à une poignée latérale. Mesurant chacun de ses gestes, il glissa lentement la couverture entre la tête d'Autumn et le bord de la voiture, lui évitant ainsi de se tordre de trop et limitant le risque de souffrir d'un nouveau ballotage. Satisfait de voir qu'elle semblait s'adapter parfaitement à ce nouvel oreiller de fortune avec une moue ensommeillée, Soren se réinstalla le plus confortablement possible sur sa banquette en rabattant sa veste de valet sur lui comme couverture de fortune. Fort heureusement, l'air était frais mais supportable.

Lentement, le jeune homme se laissa bercer par le cahotement du chemin et sombra dans un profond sommeil.
Autumn Dellinger
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Mer 18 Aoû - 0:39

Autumn rêva. Un rêve trouble et diffus, tissé d’impressions plus ou moins désagréables. D’abord ces secousses inconfortables puis ces cris stridents, comme des hurlements tribaux, une vague odeur de fumée… ça ressemblait davantage à un cauchemar mais elle restait fascinée par l’idée des flammes dansantes dans la faible lumière du petit matin…
A moitié debout dans le charriot et sur le qui-vive, Soren posa une main ferme sur l'épaule de la jeune femme et agita son corps endormi pour la tirer de ses songes
— Réveillez-vous, Dame Dellinger ! Des nomades !
Elle finit par sentir une main sur son épaule qui la secouait comme un prunier. Quel manque de délicatesse!
— Plus doucement, le massage… j’ai les épaules tendues….
Après un grommellement et un coup d'œil affolé sur les cris bien trop proches d'eux, Soren agita l'Amaranthis avec moins de ménagement, haussant la voix.
— Autumn ! Nous sommes attaqués !
La jeune femme finit par ouvrir brusquement les yeux comme on se tire d’un profond sommeil. Les cheveux en bataille, elle n’eut pas le temps de se frotter les yeux et bondit sur ses pieds avant de réaliser qu’elle avait ôté ses bottes… mais qu’elle n’aurait probablement pas le temps de les chercher et encore moins de les trouver.
— Comment ça, attaqués ?
Elle se pencha aussitôt à la fenêtre et manqua de peu une flèche qui aurait pu la tuer. Elle poussa un cri et se rabattit en arrière.
— Misère ! Des nomades.
Par réflexe, Soren se rabattit en arrière également, s'accrochant malgré tout fermement pour ne pas être déséquilibré.
— Tenez vous bien et éloignez vous des fenêtres, je doute que nous puissions faire grand chose alors ne vous montrez pas !

Autumn réfléchit à la situation, dépassant sa peur initiale. Elle devait reconnaître que leurs options étaient effectivement plus que limitées. A l’instant la voiture pila net dans un concert de hennissements terrifiés et Autumn alla valdinguer à l’autre bout de la banquette.
Malgré sa prise, Soren ne parvint pas à se retenir de basculer lui aussi, tombant lourdement entre les assises. En alerte malgré tout, il se releva rapidement pour se rapprocher de la jeune femme et s'enquérir de son état, tout en essayant de la maintenir contre une éventuelle embardée
— Est-ce que ça va ? Tenez vous fermement à quelque chose, vous allez vous blesser !

Un bref regard vers l'extérieur le remplit d'effroi tandis qu'un cavalier semblait combattre à moins de deux mètres d'eux. Le jeune homme sortit finalement la dague qu'il avait dissimulée jusque-là, la lame vers le bas, par précaution contre les secousses. Il savait que si tout tournait mal, cette petite lame ne les sauverait pas, mais il se devait de rester vigilant. Habile de ses membres, le jeune homme s'était solidement ancré dans une position lui permettant de ne plus basculer par accident.
— Surtout, ne bougez plus...
Autumn était assez sonnée pour ne pas vraiment chercher à désobéir. Elle hocha la tête pour le rassurer et se recroquevilla dans un coin de la voiture, cherchant à se faire plus petite que jamais, comme lorsqu’elle jouait à cache cache dans les rideaux du manoir. Soudain, la porte de la voiture s’ouvrît brutalement. Et Autumn regretta de n’être pas munie d’un poignard comme celui de Soren.
— Soren, attention !
Derrière le jeune homme, une silhouette menaçante se profilait déjà dans une clarté toute relative. Sans réfléchir aux conséquences, le regard d'Autumn guida son geste. D'une vive impulsion Soren envoya son pied en arrière, frappant visiblement en plein dans le corps de l'agresseur qui s'en trouva déséquilibré. Se retournant au mieux pour faire face à l'homme qui tentait de faire irruption dans la voiture, le souffle court. Profitant de ce répit, il laissa son instinct le guider et avança sa dague pour entailler profondément le poignet de l'homme accroché sur le cadre de la porte, faisant gicler le sang d'une plaie insuffisante pour lui faire lâcher prise. Dans un réflexe désespéré, le jeune homme se laissa tomber en arrière pour esquiver un coup maladroit visant son visage. Voyant que l'attention était portée sur lui, son regard se posa sur la jeune femme discrètement repliée sur le coté, invisible aux yeux de l'homme.
— Maintenant, frappez !

Autumn n’avait pas perdu son temps. Alors que le combat s’engageait avec son nouveau valet, elle avait empoigné un de ses lourds volumes de géographie et elle profita qu’il était au sol pour le dépasser et envoyer la lourde reliure dans la tête de leur agresseur. Elle frappa de toutes ses forces et faillit être emportée par son geste, manquant de tomber de leur refuge précaire.
Un cri étouffé lui répondit et Autumn s’exclama :
— Je l’ai touché !
La sensation était exaltante mais elle réalisa bien vite qu’elle écrasait le pauvre Soren. Elle avait trébuché sur lui en se jetant sur le nomade. Heureusement pour lui, la grâce féline de l'Amaranthis s'accompagnait d'une légèreté qui atténua les dégâts de sa chute. Pas vraiment prompt à se réjouir, Soren s'empressa de se relever avec une certaine habileté. Par réflexe, il agrippa fermement le bras d'Autumn pour la redresser en tirant sur son autre bras appuyé sur une banquette. Le nomade avait été contraint de lâcher sa prise, à moitié suspendu au bord de la charrette. Sans ménagement Soren attrapa la porte en s'étirant au maximum pour la claquer violemment, forçant le nomade à lâcher prise et sécurisant l'intérieur de la voiture. Sans s'en rendre compte, le jeune homme avait agrippé l'Amaranthis pour la maintenir contre lui. Il desserra son étreinte sans pour autant s'éloigner dans un premier temps.
— Bien joué... Vous n'êtes pas blessée ?
Elle même tâchait de reprendre ses esprits. Le contact de son compagnon avait quelque chose de rassurant dans ce chaos. Elle qui n’avait connu que les univers feutrés et policés des beaux quartiers, toute cette violence prenait une dimension apocalyptique. Ce qui était étrangement grisant, par certains côtés. L’œil brillant d’exaltation et de peur à la fois, elle se rendit compte qu’elle avait retenu son souffle jusque là.
— Je… je crois que non. Et vous ? Ohlala ma pauvre Rosa, elle doit être terrifiée !
Elle voulut à nouveau se jeter en avant en direction du cocher. Elle ne savait même pas si ce dernier était toujours vivant.
Soren posa une main ferme sur l'épaule de la jeune femme avant qu'elle ne s'élance.
— Ne faites pas ça ! Restez ici, nous devons rester aux aguets et ne pas attirer l'attention, ni sur nous, ni sur Rosa...

Il se garda de compléter sa phrase afin d'éviter de se montrer défaitiste. La dague à la main, Soren sondait frénétiquement leur entourage tout en essayant de se placer entre Autumn et la porte. Mais la jeune femme n’était pas tout à fait ce que Soren pouvait s’imaginer. Saisissant la dague qu’il tenait à la main, elle se jeta en direction de la fenêtre du cocher, cherchant à se faufiler par là quitte à se mettre en danger.
— Je ne laisserai pas Rosa toute seule !
Une fois la tête et les épaules passées, elle s'aperçut que le cocher était avachi sur son banc, geignant tout en se tenant le bras dans lequel était fiché une flèche. Autumn fronça les sourcils tout en poussant sur son bras pour voir davantage encore. Elle aperçut alors Rosa avec le fouet du cocher, jambes plantées dans la boue tout en faisant face à deux nomades qui tentaient de se saisir d’elle. Elle leur donnait du fil à retordre, la vieille femme mais ils auraient tôt fait de contourner son fouet, une fois la surprise de sa résistance passée. Tout autour d’eux, les voitures étaient arrêtées encerclées par des nomades bien plus nombreux qu’eux. Les hommes de la garde s’étaient répartis au mieux pour couvrir tous les flancs mais chaque garde devait affronter deux voire trois nomades en même temps. Seul l’équipement et l’entraînement des Ascaniens empêchaient les nomades de prendre totalement le dessus sur eux.

Retenant un juron devant l'entêtement de la noble téméraire, Soren se décida à agir au plus vite. Voyant qu'Autumn scrutait l'extérieur, le jeune homme sortit rapidement par la fenêtre à l'opposé de la porte avant de se faufiler dans le peu d'ombre qu'offrait le chariot. Il put voir Rosa aux prises avec deux nomades. Après un bref examen, le jeune homme s'empara d'une pierre au sol et commença à se faufiler dans l'angle mort des agresseurs, profitant de la cohue pour ne pas se faire repérer.
Mais Autumn était parvenue à se dégager de la fenêtre du cocher, et elle avait désormais une vue plongeante sur les assaillants de sa pauvre Rosa. Son sang ne fit qu'un tour, et sans qu'elle en ait conscience, elle se jeta comme une furie sur celui à sa droite qui menaçait de la déborder pour plaquer la vieille servante au sol. Non, elle ne laisserait pas sa vieille gouvernante se faire embrocher par un barbare ! Elle se rendit compte alors qu'elle avait bondi et entaillé sérieusement le cuir du nomade de la lame qu'elle avait volée juste avant. Elle eut un brusque sursaut de conscience, réalisant l'énormité de ce qu'elle était en train de faire. Mais Rosa, elle, rugit de plus belle, faisant claquer son fouet comme un dompteur devant des fauves. Elle en fit goûter le malotru qu'Autumn avait déjà entaillé et s'exclama :
—  Providence divine ! Autunm, ne restez pas là !

Aussitôt les deux nomades cherchèrent à charger les deux femmes qui leur tenaient tête, mais l'un prit un violent coup de fouet dans le visage et le deuxième glissa en essayant d'attraper une anguille qui bondissait déjà en arrière. Soren ne se fit pas prier, car son cerveau ne lui accorda pas le loisir d'analyser proprement la situation. Il s'élança sans attendre lorsqu'il vit les nomades s'élancer. Par chance, les deux femmes semblèrent s'en sortir rudement bien avant même qu'il n'arrive. Le jeune homme n'avait jamais appris à tuer, car Grim lui avait toujours interdit, en revanche, il avait appris à se défendre et à neutraliser. Guidé par son instinct, il écrasa la pierre contre la tête du premier venu, à savoir celui qui venait de trébucher en tentant de se saisir de la souple Amaranthis. Lancé dans sa course, Soren réalisa qu'il devait tenter de faire plus pour elles. Avant de pouvoir réfléchir au bien fondé de ses actes, il s'élança dans les airs pour saisir l'agresseur de Rosa dans sa charge, s'écrasant au sol avec lui. Désormais plongé dans la terre boueuse, le jeune homme profita du coup de fouet de Rosa pour garder l'avantage à l’atterrissage, frappant de deux coups sec au nez du nomade pour le mettre hors d'état de nuire.
Au son que produit le nez du nomade, il était fort probable que Soren lui avait cassé. Du reste, son adversaire se tenait le visage en hurlant, ce qui lui rendait difficile de se remettre à combattre. Il repoussa cependant Soren avec force, tâtonnant pour se redresser dans la boue. L'autre était tout simplement allongé de tout son long face contre terre, immobile.
Soren se releva en toussotant, sentant un goût cuivré dans sa bouche typique d'une arrivée de sang. En passant sa main sur sa joue, il put sentir une vive douleur sous ses doigts, lui arrachant un frémissement. Il semblerait que dans sa chute le nomade ait été en mesure de frapper le jeune homme, attaque qu'il n'avait même pas sentie alors que l'adrénaline l'avait porté à l'attaque

Autumn cherchait frénétiquement quoi faire. Tout autour d'eux, ce n'était que combats et chaos, cris de détresse et hennissements affolés des chevaux englués dans la boue à trop y piétiner. Elle réalisa alors qu'elle tenait toujours le poignard de Soren. Elle se jeta en avant sans plus réfléchir. Le nomade lui tournait le dos. A la dernière minute, elle réalisa qu'elle n'allait pas planter sa lame dans son dos, la chose lui semblait trop atroce. En lieu et place, elle frappa du manche le plus fort possible sur le sommet du crâne du nomade.
Comme un miracle de Providence ne se reproduit jamais deux fois, elle fut surprise de rencontrer une main qui se saisit de son poignet, un main brutale et d'une force sans commune mesure et qui lui tordit le bras avant qu'elle n'atteigne sa cible. Le nomade s'était retourné à temps pour jauger de sa tentative maladroite et l'attrapa fermement, ce qui lui tira un cri d'effroi, avant qu'elle ne cherche à se débattre vainement. Déjà la douleur de son épaule se faisait sentir à la torsion qu'il exerçait dans son bras. Se pouvait-il que tout finisse maintenant ?
Soren ne s'accorda aucun repos alors que le cri de l'Amaranthis résonnait à ses oreilles. Se lancer à l'attaque alors qu'il venait de constater que le nomade maîtrisait désormais la jeune femme devenait périlleux. Peu de solutions s’offraient à lui mais l'inquiétude ne prit pas encore totalement le pas. Voyant qu'une sorte de lance reposait au sol non loin de l'homme assommé, Soren s'élança pour s'en saisir et s'approcha de l'homme reposant face contre terre, inconscient. Sans ménagement, le jeune homme lui releva la tête par les cheveux en s’accroupissant près de lui, puis il parla à voix haute pour attirer l'attention du nomade. Il ne savait rien de leur tradition, mais il fallait au moins qu'il gagne du temps.
— Hé toi là, regarde par ici !
Lorsque le nomade lui adressa un regard tout en maîtrisant l'Amaranthis avec une aisance déconcertante, Soren sentit un regard inquisiteur se poser sur lui. Il posa alors la pointe de la lance sous la gorge de sa victime, dévisageant l'agresseur d'Autumn. Entraîné au bluff, le jeune homme afficha un regard sombre, celui d'un tueur.
— C'est elle contre lui, relâche-la et il reste en vie.
Discrètement, Soren jeta un coup d'œil vers Rosa, espérant qu'elle comprenne qu'une opportunité allait possiblement s'ouvrir pour elle.
Le nomade ricana à la tentative d'intimidation de Soren.
— Tu crois pouvoir me menacer, petit Shog ? Vas-y, tue-le.

Son ton à lui fleurait la mort et il tira sur le bras d'Autumn avec un plaisir non feint ce qui  provoqua une sévère grimace chez l'intéressée qui faisait de son mieux pour ne pas céder à la panique. Aller aussi loin de chez soi pour en finir ainsi... C'était vraiment trop moche.
Soren lâcha nonchalamment sa prise pour se relever, prudemment afin de ne pas suggérer de gestes brusques à l'homme qui lui faisait face. Il relâcha même la lance dans la foulée, l'homme en face de lui avait une vie autrement plus cruelle et sanguinaire, nul idée de négocier avec un otage n'était envisageable. Son regard resta figé sur l'agresseur d'Autumn, un regard qui ne trahissait nulle peur, car Soren cherchait toujours à gagner du temps, au moins le temps qu'une idée lui vienne.
—  Elle s'est ravisé à te tuer, alors dit moi, que comptes-tu faire.
L'homme n'était plus armé, Soren misa là-dessus pour se laisser la possibilité de se jeter en urgence sur eux.
Le nomade agrippa le cou délicat de la jeune noble avec un sourire carnassier, serrant la gorge entre ses doigts, et Autumn commença à se débattre furieusement dans sa poigne, comme un oiseau qui tente de quitter sa cage.
— Je pourrais la tuer devant toi, parce que vous êtes faibles et maudits. Ou je pourrais en faire mon esclave...
Il lâcha un rire goguenard en tirant sur les cheveux roux de la jeune femme.
Les poings désormais serrés, Soren sentait ses options se réduire et la vue de l'agression que subissait Autumn lui devenait insupportable.
— Est-ce la peur qui te pousse à reculer comme tu viens de le faire ?
Le nomade n'avait pas reculé, mais le ton sérieux du jeune homme trancha net le rire du nomade. Soren était prêt à bondir, au risque que tout tourne mal pour lui. Son bluff allait-il fonctionner suffisamment pour détourner son attention ? Avec un peu de chance, Rosa était désormais hors du champ de vision du nomade.

Le nomade faillit rétorquer quelque chose, mais soudain il fut coupé dans son élan brutalement, et un filet de sang épais s'écoula de sa bouche ouverte. Une lance venait de le traverser dans le dos, et Autumn poussa un cri en sentant la pointe lui effleurer l'échine. Son épaule se couvrit du sang du nomade qui mit quelques secondes à la relâcher avant de s'effondrer dans quelques convulsions d'agonie. Un cavalier venait de passer, et avait lancé le projectile en plein dans le mille. Il hocha la tête simplement et repartit au combat, alors qu'Autumn se dégageait en suffoquant, les yeux exorbités. Elle n'avait jamais envisagé une fin pareille. Et elle courut sur le côté du chariot pour rendre le contenu de son estomac, lorsqu'elle s'aperçut que ce qui poissait sa chemise était le sang de son ennemi.

Soren, tout comme Rosa, se précipita vers la jeune femme. Arrivant près d'elle, il lui laissa le temps de se reprendre avant de lui poser une main sur l'épaule.
— Il faut que vous remontiez dans le chariot, avec Rosa, je ferai diversion pour les éloigner si besoin, dit-il d'une voix trahissant une certaine détermination.
Elle sursauta presque mais finalement se rasséréna en sentant le contact devenu presque familier de Soren, puis de Rosa qui déjà lui essuyait le visage d'un mouchoir. Elle mit un peu de temps à comprendre ce que Soren projetait de faire.
— Venez avec nous Soren, il n'y rien que vous puissiez faire ici, les gardes sont...
Que pouvait-elle dire d'autre ? Mieux armés, mieux préparés ? L'ensemble du champ de bataille donnait plutôt à voir une joyeuse débandade, et les nomades semblaient occupés à isoler un charriot du reste du groupe, harcelant les flancs des cavaliers trop peu nombreux pour les contenir.
Il eut une moue frustrée à la simple idée de ne pouvoir rien faire, mais après tout, Autumn avait raison dans cette phrase qui n'eut jamais de fin. Malgré toute cette débacle, Soren parvint à afficher un timide sourire pour son interlocutrice.
— Je sais me faire discret, je reste autour du chariot, dessous peut-être, juste pour m'assurer que personne ne vous prenne par surprise.
Son regard sonda les alentours, voyant que les nomades semblaient se concentrer en un seul endroit. Il n'était pas stratège, mais le fait de les voir ne plus s'agiter en tout sens au profit d'un point précis le rassura quelque peu.
— Je vais aider le cocher avec sa blessure, comme ça, je reste près de vous...
La jeune femme finit signer sa reddition en hochant la tête pour lui, encouragée par la main ferme de Rosa sur son avant-bras. Une fois de nouveau en sécurité relative dans leur voiture, la vieille servante annonça d'un air attristé.
— Je crois que Vincente est mort, mademoiselle. Il est parti en courant lorsque l'attaque a commencé et je crains de l'avoir vu s'effondrer sous les coups de ces barbares.
Autumn eut l'air horrifié et ne sut quoi répondre. Vincente était au service de sa famille depuis 15 ans. C'était un homme discret dont elle savait peu de choses sinon qu'il avait presque toujours fait partie de son entourage. Elle laissa échapper quelques larmes puis se ressaisit.
— Tout n'est pas encore perdu, il suffit de laisser la garde en finir avec les combats et de défendre notre territoire si les nomades reviennent de ce côté. Nous ferons rapatrier ce pauvre Vincente. Je sais qu'il avait de la famille.
Elle parlait tout haut pour ne rien dire d'extraordinaire mais cela lui permettait d'affirmer sa voix et de prendre davantage de contrôle sur la situation.
C'est à ce moment qu'Autumn s'aperçut qu'elle avait toujours la dague de Soren à la main. Elle courut vers la sortie pour lui rendre.

Soren s'afférait à maintenir le cocher en place malgré ses protestations, déjà résigné à devoir casser la flèche dans la plaie en attendant que le calme ne revienne. Entendant des pas revenir vers lui, Soren se retourna pour voir Autumn, sa dague à la main. Il ramassa l'arme et la rangea habilement à sa ceinture, de nouveau dissimulée pour être rendue complètement invisible à la vue de tous.
— Merci...Dépêchez-vous de vous remettre à l'abri, les combats ne sont pas finis, même si j'ai comme l'impression que les nomades ont enfin une cible toute désignée. Nous devons être prêts à repartir si les gardes reviennent vers nous, je monterai à l'avant si notre ami ne se sent pas bien.

Soren semblait visiblement réellement concerné par la sécurité de la jeune femme, bien plus que la sienne en tout cas. Joignant le geste à la parole, il cassa sans ménagement la flèche pour éviter qu'elle ne soit encombrante, arrachant un cri de douleur au pauvre homme.
Autumn grimaça légèrement en avisant la situation du cocher. Puis elle observa Soren, ce jeune voleur devenu en quelques heures une sorte de héros protecteur. Elle eut un sourire et piqua un baiser sur sa joue.
— Ne vous faites pas tuer.
Pris de court par ce baiser inattendu, les joues de Soren rosirent tandis qu'aucun mot ne voulut sortir de sa bouche, le limitant à un sourire et un hochement de tête comme seule réponse avant qu'elle ne s'en retourne à sa cachette. Comme d'habitude, Soren se concentrait sur les angoisses des autres pour ne pas avoir à penser aux siennes, tel était son secret pour garder un semblant de sang froid malgré cette peur qui lui tordait le ventre à lui aussi. Se retournant vers le cocher, il examina la blessure de plus près.
— Mon gars, va falloir tenir le coup, je pense que tu vas m'apprendre à contrôler l'attelage sur le tas, si jamais on repart de cet enfer un jour.
Le cocher était blême, le front luisant et il hocha la tête avec reconnaissance.
— Faut déjà qu’on survive à ces sauvages. Moi c’est Gregor…
Il se tordit un peu sous l’effet de la douleur alors que Soren examinait la blessure de plus près.
— T’es guérisseur ?
Comme se l'imaginait Soren, impossible de retirer la pointe de la flèche sans un minimum de nécessaire. Sans être expert, le jeune homme savait qu'il ferai plus de mal que de bien à retirer le projectile de force.
— Soren... Je suis pas guérisseur non, j'improvise pour être honnête. Il va falloir attendre que l'on puisse utiliser une pince ou quelque chose du genre. En attendant, on va serrer un tissu dessus et tu vas piocher dans les réserve d'alcool pour oublier.
Tout en essayant tant bien que mal d'aider, le jeune homme scrutait les environ, peu désireux de se faire prendre surprendre par un nouveau groupes de nomades. Toujours concentré sur les autres, il sentit son calme vaciller de plus en plus

Le cocher devint un peu plus livide alors qu’on enserrait son bras douloureux dans un bandage de fortune mais il se contint pour ne pas crier et attirer l’attention sur eux. Les combats semblaient désormais se concentrer autour d’un chariot à la queue du convoi, on voyait surtout un chaos de chevaux et d’hommes hurlant en armes qui se faisaient harceler de toutes part par une horde de femmes et d’hommes à demi nus comme une nuée de frelons autour d’un repas.
Finalement, la horde finit par l’emporter alors que deux nomades plus téméraires sautèrent sur le dos des chevaux et les dirigèrent droit à travers les cavaliers qui tentaient de les protéger. Il y eut comme un fracas terrible et le chariot passa en trombe à travers les défenseurs et se dirigea vers la forêt non loin. Plusieurs gardes gisaient au sol et certains avaient perdu leur monture dans l’affolement. Les nomades sautèrent dans le chariot en route et disparurent bien trop vite dans des cris de victoire.
Certains cavaliers un peu trop téméraires tentèrent de suivre les nomades mais en furent quittes de quelques jets de lance, blessant l’un d’eux au passage. La poursuite s’arrêta là et bientôt le calme retomba sur le convoi, alors que le soleil se levait tout à fait.
Le spectacle n’était pas glorieux, deux voitures, dont celle d’Autumn étaient enfoncées dans la boue, l’une d’elles avait une roue cassée, bien des gardes ascaniens étaient blessés, le cocher qu’avait aidé Soren devait rapidement trouver un soigneur, et ils avaient surtout perdu leurs vivres pour le voyage.

Autumn et Rosa sortirent bientôt la tête de la voiture, la mine inquiète et échevelée et s’en extirpèrent finalement tout à fait voyant que les nomades s’étaient éloignés. Déjà le chef de la sécurité du convoi tentait de rassembler ses hommes et de faire le point sur la situation en compagnie des deux nobles Ascaniens qui dirigeaient l’expédition. Ils étaient restés bien à l’abri de leur voiture durant tout le combat.
Autumn se dirigea d’abord vers Soren. Les politesses et les conventions pourraient reprendre après.
— Êtes vous blessé Soren ? Votre visage… vous avez pris un coup, je crois.
Rosa qui avait plus d’un tour dans son sac en plus de manier le fouet avec un talent effroyable, s’approcha du cocher et commença à lui prodiguer des soins.
— J’ai l’habitude de ce genre de blessures, mon brave, mes maîtres se sont souvent esquintés de la sorte à la chasse. Laissez-moi voir.

Rassuré que le calme soit revenu et pas vraiment concerné par tout ce qui était matériel en général dans la vie, Soren s'autorisa à se détendre un peu, réduisant la crispation dans ses épaules en s'étirant le dos, avant de poser ses yeux sur Autumn qui venait de le rejoindre. Instinctivement, le jeune homme porta à nouveau sa main sur la zone endolorie de sa joue et poussa un bref soupire
— C'est pas le premier et ça sera surement pas le dernier, un simple coup perdu...Et vous… Est-ce que ça va ?
Elle hocha la tête en passant une main sur son cou endolori. Sa peau blanche et délicate marquait vite et arborait déjà des teintes bleues et violacées.
— Ça devrait aller… je donnerais cher pour un bain.
Il balaya la zone du regard, voyant les mercenaires s'affairer à se remettre en ordre, rassemblant tout leur effectif au même endroit
— Je crois que cela devra attendre d'arriver jusqu'au fleuve, j'espère que nous n'allons pas trop traîner par dans les parages.
Malheureusement, il ne pouvait avoir plus tort. Il fallait réparer les voitures endommagées, rassurer et récupérer les chevaux égarés, faire l’inventaire des vivres volés et du matériel. Ils perdirent la matinée et une partie de l'après-midi avant que le convoi ne se décide à repartir. Toutes les mains furent mises à contribution et Autumn étonna ses clients en participant de son mieux à l’effort collectif. Rosa poussait des cris chaque fois qu’elle portait un sac ou une caisse.
— Mais voyons, mademoiselle, ce n’est pas votre place ! Reposez vous !
— Rosa, nous sommes en pleine nature, ma place est ici à œuvrer à notre survie ! Et puis il n’est pas l’heure de la sieste !
Dans un autre contexte, Soren se serait amusé des habitudes des nobles, notamment en entendant qu'il y avait une heure pour faire la sieste, mais il préféra se concentrer sur sa tâche, à savoir se mettre à contribution partout où il pouvait être utile, que ça soit pour tenter d'attraper les rênes de chevaux apeurés ou pour aider les blessés à gagner la zone de regroupement mise en place pour sécuriser le groupe. Peu à peu, les réparations avancèrent, faisant apparaître l'accablant constat des pertes qu'avait subies le cortège. Sans vraiment savoir comment se comporter pour la suite, le jeune homme se rapprocha à nouveau de la jeune femme pour l'assister avec un énième sac qu'elle empilait à l'endroit désigné pour l'inventaire.
— Je crois qu'on en voit le bout, vous devriez peut-être aller vous restaurer un peu, vous êtes encore bien pâle...
— Vous allez faire une pause vous aussi ?
Autumn voyait bien tout ce monde se démener, s’ils pouvaient tous contribuer parfois en étant blessés, elle pouvait elle aussi user de ses bras et de ses jambes. Bien que ceux-ci commencent sévèrement à la brûler. Elle n’avait jamais fait tant d’efforts mais gardait bonne figure comme son Ascanienne de mère lui avait enseigné. Avec grâce et dignité.
Soren émit un petit rire innocent en se massant l'arrière du crâne.
— Je crois que je prendrais une pause lorsque nous serons prêts à repartir, sinon Rosa risque de m'étriper.

En effet, la vieille servante rôdait autour du jeune homme depuis le début de la matinée. Cependant elle semblait porter sur lui un regard moins péremptoire que la veille encore, lorsqu’il n’était qu’un voleur opportuniste. Autumn lui sourit en retour.
— Alors dans ce cas, je peux encore aider un peu.
Finalement, un autre valet prénommé Édouard arriva pour interrompre leur échange, esquissant une petite courbette, rendue ridicule par sa mise déchirée et couverte de boue. Le maintien de l’étiquette demeurait cependant, aux yeux de ce valet ascanien.
— Dame Dellinger, vous êtes invitée dans la voiture de tête auprès de mon maître, sieur Galatius, vous pourrez y trouver quelque rafraîchissement et mon maître ainsi que son associé aimeraient vivement s’entretenir avec vous.
La jeune femme soupira.
— Est ce vraiment nécessaire ?
Le valet s’inclina de nouveau.
— Il semblerait ma dame.
La jeune femme reprit un peu de ses airs mondains et acquiesça.
— Dans ce cas, vous pourrez leur signifier que j’accepte gracieusement. Je serai là dans quelques instants.
Lorsque le valet fut parti, la jeune femme dédia une clin d’œil à Soren.
— Vous avez faim, Sebastian ?
Soren mit un temps à la mention de Sebastian, avant de se rappeler qu'il était censé répondre au dit prénom.
— Pardon? Je...Oui j'ai un peu faim mais...Vous voulez que je vous accompagne ? Dit-il, incrédule.
Elle sourit malicieusement.
— Voyons, une dame de mon rang ne se promène pas sans escorte, et vous m'avez défendue vaillamment aujourd'hui, je vous nomme protecteur ! Vous serez ma garde rapprochée durant notre périple.
Elle s'amusait de voir sa réaction, sachant que le jeune homme n'avait pas vraiment l'air d'un bretteur expérimenté. Une nouvelle fois pris au dépourvu par cette étonnante personne, le jeune homme perdit ses mots, gardant un petit moment un air ébahi sur le visage. Il se réserva d'émettre des doutes cependant, et son sourire finit par revenir avant qu'il ne s'incline d'une manière volontairement pompeuse.
— Qu'il en soit ainsi, Dame Dellinger, je serai votre gardien durant ce voyage.
Une voix aigre retentit dans son dos, alors qu'une main venait déjà souffleter l'arrière de son crâne :
— Vous avez intérêt à prendre votre titre au sérieux, fripon ! Il s'agit de la sécurité de ma maîtresse, dame Dellinger ! S'il lui arrive quoi que ce soit, je vous en tiendrai pour principal responsable !
La vieille Rosa n'était jamais loin et c'était de loin la phrase la plus longue qu'elle lui avait dédiée de tout leur périple.
Forcé à regagner son sérieux, Soren se tint droit comme un “I” devant la servante, se retenant de sourire comme à chaque fois que quelqu'un le sermonnait. Puis finalement, il se risqua à essayer d'adoucir les traits durs de la Rosa en lui adressant un léger sourire
— Rosa, je m'engage à assurer la sécurité de dame Dellinger, quoi qu'il m'en coûte.
La vieille servante, haute comme trois pommes mais à la constitution des plus robustes porta ses mains à ses hanches dans son habit noir de corbeau et plissa le regard devant l'attitude de Soren. Finalement, elle décrispa les lèvres et finit par hocher de la tête.
— Bien, j'aime mieux ça. Et bien qu'attendez vous ? Remettez un peu d'ordre dans votre tenue, jeune homme, vous allez vous présenter devant des gens de qualité. Ce n'est pas parce que nous sommes en pleine cambrousse que vous devez vous comporter comme un sauvage !
Autumn ne put s'empêcher de rire. Rosa était incorrigible. Elle aurait été parfaite dans un corps militaire.
— Rosa... Cessez de tourmenter mon garde du corps, il sait pertinemment que vous êtes l'adversaire le plus redoutable de ces contrées.
— Mademoiselle, la discipline est une chose qui se perd bien trop facilement... A ce sujet...
Elle reporta son feu sur la jeune femme qui n'avait jamais été plus débraillée et sale. Elle portait toujours sa chemise couverte de sang et ses cheveux formaient comme un nid autour de sa tête.



Dernière édition par Autumn Dellinger le Mer 18 Aoû - 0:52, édité 1 fois
Autumn Dellinger
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Mer 18 Aoû - 0:41

La jeune Autumn eut beau protester, elle fut poussée sans ménagement dans sa voiture, et la vieille servante boucla à double tour toutes les entrées, afin de créer un peu d'intimité dans ce chaos. Elle avait seulement oublié la présence du cocher sur son banc, ainsi que la fenêtre qui ne fermait plus depuis qu'Autumn l'avait forcée pour s'y faufiler.
Une manière bien agréable pour le pauvre Grégor d'oublier la douleur de son bras blessé.
Une main se posa sur l'épaule du voyeur convalescent, Soren venait de se faufiler non loin de lui afin de lui parler à voix basse
— Je serais toi, je m'abstiendrai de laisser trainer tes yeux, si Rosa te voit, sois sur que tu la supplieras de te livrer aux nomades avant qu'elle en ait fini avec toi
Gregor ravala sa salive tout en détournant le regard, tout à fait conscient que le jeune homme exagérait à peine en disant cela. Le cocher se réinstalla tant bien que mal pour tourner le dos à la fenêtre.
— C'est pas un crime d'apprécier les belles choses… dit-il en grommelant
A l'écoute des propos du cocher, l'imagination un peu trop fertile de Soren lui offrit une vision de ce que l'homme avait entrevu. Sentant le rouge lui monter aux joues, il secoua la tête pour chasser ces incongrues représentations mentales et détourna son regard lui aussi, bien qu'il n'avait aucune visibilité sur la fenêtre depuis sa position

La jeune femme fut vite changée et débarbouillée par la vieille Rosa. Frissonnant dans l’air frisquet, elle soupirait aux attentions de Rosa qui se mouvait dans cet espace confiné sans difficulté. Elle se retrouvait à nouveau la jeune fille ascanienne comme un vase de porcelaine rare qu’il fallait briquer et préserver de toute atteinte. N'avait-elle pas presque occis un nomade le matin même ? Pas que ça lui ait beaucoup réussi mais tout de même… bien vite, elle fut frictionnée et habillée d’une robe simple mais distinguée. Elle râla pour la forme.
— Rosa ! Une robe, vraiment ?
— Est ce que ça m’empêche de m’activer moi ? Il vous faut une tenue décente, enfin !
Ni une ni deux, la vieille servante s’attaqua ensuite au nid de guêpes que constituaient ses cheveux. Elle tenta bien d’y mettre quelques épingles mais la jeune femme sortit en trombe de la voiture, et jeta les épingles au passage. Elle en avait eu plus qu’assez pour ce jour-là. L’humeur assombrie, elle chercha Soren du regard.
— Sebastian ! Il est temps !
Sans plus attendre, elle retroussa ses jupes d’un bleu pâle qui ne tarderaient pas à se salir dans toute cette boue et se dirigea cahin caha jusqu’à la voiture de tête.
Soren sursauta en entendant la voix tout à coup autoritaire de l'Amaranthis. Lorsqu'il l’aperçut, il se réserva le commentaire à propos de l'emploi d'une robe en pleine nature, sentant qu'il valait mieux se taire dans l'instant. Sans un mot, le jeune homme prit la suite d'Autumn dont le pas semblait décidé.

Il put l’entendre ronchonner et se plaindre de sa robe tout le temps que dura leur traversée à travers la boue et l’équipage qui s’activait encore à ficeler tout le matériel après avoir réparé les voitures.
— A-t-on idée de s’affubler comme à la cour… On ne m’écoute jamais… quand serais-je libre enfin de m’occuper de moi même comme il me plaît ? A croire que les femmes sont moins habiles encore que les enfants…. je savais que c’était une mauvaise idée…
La suite s’échappait comme une noire volute de pensées disparates et orageuses.
Soren ne put retenir un léger rire, espérant qu'il eut été imperceptible
— Je suis sûr qu'elle ne pense pas à mal, après tout, elle s'occupe de vous depuis l'enfance n'est-ce pas ?
Elle se trouva piquée en réalisant que Soren l’écoutait soliloquer se donnant ainsi en spectacle devant un homme qu’elle ne connaissait pas encore la veille. Elle se reprit aussitôt dans une attitude plus raide et se trouva ridicule.
— Je me comporte comme une enfant. Pardonnez mon attitude, Sebastian. Nous arrivons.
Edouard les accueillit à l’entrée en posant un regard critique sur la mise de Sebastian. Lui même avait tenté de raccommoder son habit et le résultat lui donnait un air miteux malgré tous ses efforts.
— Dame Dellinger, ils vous attendent.
Soren chuchotta rapidement avant que la jeune femme ne s'élance en avant
— Dois-je vous accompagner pour la discussion, ou est-ce que j'attends là ?
Elle se tourna vers lui et lui dédia à nouveau l’un de ses sourires les plus lumineux.
— Venez ! Vous n’êtes plus un simple valet de chambre… à ces mots, elle lança un regard évocateur à Édouard qui avait si peu de considération pour la concurrence.
Ce dernier se renfrogna imperceptiblement et les laissa entrer dans la voiture.
Soren adressa un sourire entendu à la jeune femme avant de passer aux cotés d'Edouard sans même lui adresser un regard. Impressionné par l'espace disponible dans la voiture, le jeune homme resta silencieux à la seconde ou le binôme passa le rideau d'entrée, préférant ne pas créer de malaise en faisant un commentaire sur l'endroit
A l’intérieur deux hommes de haute lignée semblaient en plein échange, des plans sur une tablette très semblable à celle d’Autumn et disposant du même mécanisme pour se replier. Les deux portaient sur la quarantaine d’années bien entamée et l’un d’eux disposait d’une circonférence généreuse. Ils s’arrêtèrent aussitôt de discuter d’un air animé lorsqu’Autumn se présenta. Le plus enrobé des deux s’exclama :
— Quelle vision enchanteresse dans ce paysage de champ de bataille ma chère demoiselle Dellinger !
Celle ci se fendit d’un léger sourire poli à cette démonstration de flatterie.
— Sieur Octave, je suis ravie que la brutalité des combats ne vous ait pas atteint.
La remarque ne manquait pas d’une pointe de moquerie qui passa tout à fait inaperçue alors que le plus haut et le plus mince des deux l’invita à s’asseoir.
— Nous sommes également soulagés que vous soyez saine et sauve, dame. Louée soit Providence ! Mais qui est cet individu ?
Elle prit place sur la banquette d’en face et fit signe à Soren de faire de même. Après tout, on tenait difficilement debout dans le petit habitacle.
— Voici mon sauveur, Sebastian. Il est au service de ma famille et au vu de ses exploits et de son dévouement, je viens de le nommer garde du corps. Il me suivra dans mes déplacements désormais.
Sieur Octave se fendit d’un petit rire.
— Pardonnez demoiselle, mais n’est il pas un peu maigrelet pour être un combattant ?
Autumn releva un sourcil en direction de l’imposant Ascanien.
— Ce n’est pas la circonférence qui fait le courage, sieur Octave. Vous devriez le savoir.
Elle semblait se moquer de la façon dont serait prise sa remarque mais les deux notables choisirent d’en rire.

Soren passa sa main devant son visage, feignant de se masser l'arrête du nez afin de masquer le rire qu'il faillit exprimer également à la réplique d'Autumn. Les remarques concernant son physique ne l'affectait guère, pas plus que les regard dédaigneux des notables, une attitude qui avait même parfois eu tendance à l'amuser plus qu'autre chose par le passé. Il profita cependant des rires bruyant de la caravane pour chuchotter un mot à l'oreille de la jeune femme.
— Je comprends mieux pourquoi je trouvais le cortège assez lent durant le voyage...Au moins, si du lest doit être lâché, il fait une cible toute désignée...
Autumn se prit à rire de même, se mêlant aux rires des deux Ascaniens. Soren avait déjà tous les usages de cour, il ne lui faudrait pas longtemps pour se fondre dans ce milieu.
Néanmoins, sieur Galatius, le plus mince des deux et le plus sérieux semblait-il se reprit bien vite et reprit à l’attention d’Autumn.
— Nous vous avons priée de venir ma dame, à la fois pour nous assurer que vous étiez saine et sauve mais aussi pour vous faire part de détails… plus pratiques sur notre expédition.
Ces sauvages ont emporté toutes nos vivres et il faut que nous envisagions de les remplacer… hors dans le monde sauvage, il semble difficile de se procurer autant de denrées…
— Il nous faudra chasser, j’imagine, répondit aussitôt la jeune femme.
Les deux émirent un rire gêné.
— Oui… bien sûr… mais ça ne suffira pas, malheureusement.
Autumn papillonna des paupières, faisant mine de ne pas comprendre, laissant ses airs ingénus embarrasser les deux hommes.
— Croyez bien que la situation est exceptionnelle…
Autumn finit par étirer un sourire d’encouragement.
— Je vous en prie messieurs, allez droit au but, je suis persuadée de ne pas m’évanouir. Ou bien So… Sebastian me rattrapera.
Elle avait failli se confondre en essayant de faire la maline, elle se morigéna intérieurement mais garda le même visage imperturbable.
— Il n’y a tout simplement aucun lieu apte à nous renflouer à moins de faire un détour par Port-aux-échoués. C’est à une journée d’ici mais cela nous en prendra deux pour reprendre l’itinéraire prévu. Jusque là nous devrions survivre avec quelques produits de la chasse. Mais nos protecteurs doivent avant tout être employés à leur fonction initiale, comme vous avez pu le constater ce matin…
Le gros Octave finit par soupirer pour couper court à tout ce verbiage.
— En somme, notre associée Amaranthis étant restée à Claircombe nous ne disposons pas des fonds nécessaires ni des lettres de change pour acheter une telle quantité de vivres sur la route. Nous voulons vous emprunter la somme requise, que nous nous chargerons de vous rembourser sitôt de retour. C’est un détour coûteux mais indispensable si nous voulons mener à bien cette expédition.
La jeune noble fit mine de suffoquer un bref instant mais son œil pétillait de malice plus que jamais.
— Comment ? Devrais je vendre mes bijoux pour subvenir à nos besoins ?
Les deux Ascaniens semblèrent s’enfoncer plus que jamais dans leur banquette, mortifiés de devoir emprunter auprès d’une jeune étourdie.
— Non, non… sûrement que votre père a pourvu à vous laisser quelques lettres de change signées que vous pourriez utiliser pour vos besoins.
Elle laissa planer le doute, trop amusée de voir leurs mines avides et pleines d’espoir se tendre vers elle.
— Hmm… je crois que… je crois que je dois posséder quelques unes de ces lettres dans mon coffre… j’espère que ces sauvages ne les ont pas emportées.
Les deux poussèrent un lourd soupir de soulagement.
— En attendant je vous laisse rédiger la lettre de reconnaissance de dettes. Avec vos deux sceaux et datées du jour. Une estimation des frais serait bienvenue.
Galatius inclina galamment de la tête et Octave frappa dans ses mains. Édouard ne tarda pas à revenir avec quelques vivres qui avaient été épargnées sûrement la réserve secrète du gros notable.
— Sebastian prendra une assiette. Il a bien besoin de se remplumer n’est ce pas ?

Avec un sourire entendu, Soren échangea un regard complice avec la noble
— Assurément, mon nouvel emploi me laisse penser qu'il ne faut plus que je saute de repas, Dame Dellinger.
Il évita soigneusement le regard des autres notables cependant, faisant ainsi comprendre qu'il ne répondrai qu'à celle qui l'avait nommé à sa protection, et à personne d'autre
L'on servit un repas assez copieux, pour des gens qui n'avaient plus de vivres, et Autumn considéra un instant qu'ils auraient pu rationner toute cette nourriture pour s'éviter une disette précoce. Mais d'après ses calculs, Port aux Echoués n'était effectivement pas très loin, en tout cas, sans avarie majeure, ils devraient effectivement y être d'ici le lendemain, voire plus avant, mais il était trop risqué d'arriver la nuit dans une telle ville. Personne ne daigna interroger le nouveau protecteur de mademoiselle Dellinger, même si le regard de Galatius, emprunt de sévérité se faisait parfois suspicieux en glissant sur lui.
On mangea du jambon et du poulet froid, des pommes de terre froides en salade, des fruits et du fromage jusqu'à ce que chacun soit rassasié, et du vin sucré pour accompagner ce mets qualifié de "frugal" par Octave. Quant à Autumn, elle grignota pour faire plaisir à ses hôtes mais préféra emballer le reste par Edouard.
— Messieurs, je vous remercie pour ce repas. Il est temps pour moi de prendre congé, je crois que le convoi ne va pas tarder à repartir.


Soren profita de la demande d'Autumn pour faire emballer un peu de nourriture également. Il se garda de faire un commentaire et se contenta de récupérer le sac de vivre avant de quitter la voiture en premier, sondant par réflexe les alentours avant que la jeune Amaranthis ne descende à son tour. Libéré des yeux inquisiteurs et de l'opulence, Soren s'étira un peu bruyamment
— Ces personnes ont pas l'air de vraiment savoir s'amuser, n'est-ce pas ?
La jeune femme sourit à la remarque de Soren, tout en avançant prudemment pour ne pas salir sa robe.
— S'amuser ? Hm. Cela dépend si vous aimez les dîners à rallonge ou les thés dansants.... C'est un art de convenances et de secrets chuchotés, de petits ragots de bonne société plus que d'activité physique.
Elle trébucha un peu et se rattrapa à son épaule avant de reprendre son équilibre devant quelques regards de gardes qui les suivaient tandis qu'ils passaient.
— Maudits jupons...
Toujours avec ses réflexes, Soren avait tendu les bras devant elle pour la rattraper en cas de chute. Voyant que tout allait bien, si ce n'est qu'elle semblait avoir envie d'arracher sa robe, il s'autorisa un sourire.
— J’appuierai votre plaidoirie auprès de Rosa pour qu'elle vous autorise à reprendre un pantalon dès demain, pour votre sécurité ! dit-il avec un air malicieux
Elle commença par lui jeter un regard de reproche à son air moqueur puis finit par en rire, comme sa bonne humeur reprenait invariablement le dessus.
— Vous êtes décidément bien brave de vous frotter ainsi à Rosa. Je ne regrette pas de vous avoir nommé à ce titre... Cela dit... Profitons de cet arrêt forcé pour remédier à certaines choses.
Elle l'inspecta du regard d'un air critique tout en poursuivant son chemin, ayant glissé tout naturellement son bras sous le sien pour ne pas trébucher de nouveau. Rosa pousserait des cris si elle la voyait ainsi, mais Autumn ne se sentait plus dans son carcan habituel. Ici le grand air battait sa chevelure en désordre, les grands espaces se donnaient à voir sur des lieues à la ronde, il était difficile d'imaginer des cloisons et des frontières.

A nouveau, la proximité de la jeune Amaranthis le prit au dépourvu. Il n'était pas rare pour lui de fréquenter des gens tactiles et amicaux, mais jamais il n'aurait imaginé donner le bras à une noble, encore moins en pleine nature, dans la boue. Lorsqu'il vit qu'elle l'observait minutieusement, il prit un petit air inquiet.
— Remédier à certaines choses...attendez...vous ne parlez pas de mes cheveux j'espère ?
Elle prit une expression taquine pour lui répondre sans cesser de l’observer.
— Si vous voulez être mon protecteur, il va vous falloir vous en donner les moyens…
Elle restait énigmatique à dessein mais nul doute que le jeune homme saurait très rapidement de quoi il était question.
Soren s'amusait des mystères, sauf quand il s'agissait de choses qui l'impliquait, encore plus physiquement. Dans son monde à lui, ce genre d'acte plein de malice finissait toujours par avoir des conséquences rocambolesque. Il se rassura tout de même en s'imaginant qu'il devait en être autrement avec une noble Amaranthis
— Je vais tâcher de vous faire confiance et ne pas vous asséner de question avant de savoir de quoi il en ressort dans ce cas.

Autumn fut très satisfaite de cette réponse. Décidément ce Soren s’avérait plus dévoué que beaucoup de gens qui avaient véritablement voulu rentrer au service de sa famille. Ils arrivèrent en vue de la voiture et Autumn se détacha de son bras afin d’éviter le courroux de Rosa, une fois encore. Quand celle ci parut, Autumn déclara.
— Il va falloir fournir un équipement décent à Sebastian, qu’il ait l’air d’un protecteur et non d’un simple valet.
Rosa y mettrait tous ses efforts et malgré le nombre limité de leurs moyens elle se retira rapidement avec une petite bassine d’eau et une paire de ciseaux bien aiguisés. Elle alla également chercher des vêtements pour homme. Probablement tirés des bagages du vrai Sebastian en partie.

A la vue des ciseaux, Soren eut une soudaine envie viscérale de détaler, mais l'idée de perdre la face devant la servante inquisitrice l'arrêta net. Non, il était bien trop ancré dans son rôle pour se détourner. Et puis, il s'en serait réellement voulu si celle qu'il était censé assister avait été gravement blessée pendant l'attaque, alors autant se consacrer à fond dans le rôle. Timidement, il s'approcha de Rosa qui semblait l'attendre, jetant un nouveau regard méfiant sur les ciseaux.
— Rosa, pour toutes les choses que je vais mal faire selon vous, pardonnez-moi, mais s'il vous plait… Ne coupez pas tout...

Autumn regarda s’avancer le jeune homme comme s’il allait à l’abattoir et elle eut du mal à réprimer un nouveau rire. Rosa quant à elle resta impassible et lui ordonna de s’asseoir tout simplement. Une fois fait, le vrai travail commença. Autumn assista Rosa dans sa tâche, donnant quelques indications après que le jeune homme eut les cheveux propres et lavés comme il fallait. Les ciseaux commencèrent leur office et le travail fut terminé rapidement, quelques mèches de cheveux et des poils parsemant le sol de la voiture. Rosa n’avait pu s’empêcher de retailler sa barbe au passage.
Autumn observa le jeune homme et parut satisfaite.
— Vous êtes bien mieux ainsi !
Rosa avait fait un excellent travail de taille. Elle avait laissé les cheveux longs sur le dessus du crâne et retaillé légèrement les côtés afin de structurer la coupe et éviter au jeune homme cet effet « serpillère » que lui avait reproché Autumn à leur rencontre. Mais il conservait assez de cheveux pour pousser quelques mèches en arrière de son crâne.

Dès que possible, Soren passa la main dans ses cheveux, constatant en effet qu'ils étaient bien plus doux et soignés qu'ils ne l'avaient jamais été, sans pour autant qu'il ne se sente à nu au niveau de sa tête. Pas vraiment sûr de vouloir affronter le petit miroir portatif, il s'y risqua malgré tout et ne put retenir un sifflement admiratif.
— Eh bien, si j'avais su ! j'aurai fait ça plus tôt… Quoique non… le résultat aurait été horrible, je...il se tourna vers Rosa et Autumn avec un sourire presque enfantin, merci pour le rafraîchissement!
Autumn et Rosa semblaient particulièrement fières du résultat. Autumn pencha la tête.
— Je n’avais pas remarqué que vous aviez les yeux bleus…
Elle se reprit ensuite comme on dit une banalité.
— Mais il reste encore du travail ! Rosa ! Nous avons besoin du reste !
Et Rosa s’activa de nouveau, ressortant pour revenir un peu plus tard avec un ensemble assez bien taillé pour le jeune homme. Des vêtements civils mais adaptés à un bretteur avec un gilet renforcé de cuir.
Soren jaugea les vêtements et se trouva satisfait de se débarrasser de sa tenue de valet, d'autant que l'ensemble semblait des plus approprié au voyages et que les vêtements semblaient ne pas avoir été porté avant, à la différence de ceux qu'il avait sur lui. Une hésitation le gagna cependant juste avant qu'il ne s'apprête à se changer.
— Vous... Êtes sur de vouloir me donner tout ça ?
Autumn n’avait pas l’habitude de se poser ce genre de questions.
— Voyez ça comme un emprunt honnête !
Vous avez l’air bien plus sérieux ! Il ne manque qu’un chapeau et une arme et vous seriez parfait !
Soren se gratta pensivement la barbe, réalisant seulement maintenant que les coups de ciseaux de Rosa avaient également soigné sa pilosité faciale pendant qu'il fermait les yeux d'appréhension, rendant le contact agréable.
— Il est vrai que j'ai sûrement l'air davantage dans mon rôle ainsi. En revanche, peut-être pourrions-nous nous passer du chapeau? Surtout maintenant que j'ai une coupe soignée.

Le jeune homme ressemblait vraiment à un jeune garçon à qui on venait d'offrir des cadeaux, le visage plein d'innocence et de bonté, le sourire aux lèvres.
— Tout gentilhomme se doit d’avoir un chapeau, Soren ! Mais vous pourrez l’ôter !
Elle esquissa une moue malicieuse alors que Rosa revenait avec tout le nécessaire pour rafraîchir la tenue de Soren incluant aussi une bonne paire de bottes et un manteau contre les intempéries.
Conscient qu'une fois lancé de la sorte, il ne pouvait se résoudre à refuser un peu de bonne humeur à Autumn, Soren se plia à la volonté de sa protégée. De nouveau entre les mains de Rosa, il la laisse ajuster sa tenue, l'entendant maugréer contre des faux plis et autres détails que le jeune homme ne remarquait même pas. Une fois totalement habillé de sa nouvelle tenue dont le confort le surprenait au plus haut point, il adressa un regard interrogateur à la jeune femme.
— Par pitié, dites-moi que j'ai pas l'air ridicule
Il avait l’air d’un jeune bretteur tout à fait prometteur, et Autumn avait dû se souvenir de se détourner pour le laisser se changer, toute à son art de composition. Elle sourit de toutes ses dents.
— Vous n’êtes pas ridicule… vous êtes superbe !
Rosa souffla du nez pour montrer son approbation.
— Nous allons maintenant vous trouver de quoi attacher quelque chose à votre ceinture. Un protecteur sans arme, on n’a jamais vu ça !
L'idée d'avoir une arme n'enchantait pas Soren, mais une nouvelle fois il s'abstint, car sa seule dague avait été quelque peu limitée pour se défendre correctement en cas d'attaque. Après un nouvel examen de sa tenue, il adressa un sourire aux deux femmes
— Si on m'avait dit ce matin que je me retrouverai à devenir la garde personnelle d'une personne comme vous, j'aurai demandé ce que mon informateur avait consommé comme drogue je pense.
Autumn sourit de plus belle.
— Et la journée ne fait que commencer ! Venez !
Elle l’entraîna auprès des gardes du convoi et s’arrangea avec le chef du convoi pour lui fournir une dague longue et un sabre assez léger et maniable. L’homme lui dédia un regard critique.
— Et vous savez manier ce genre d’arme ?
Habile avec le bluff, Soren parut suffisamment sur de lui pour que le bluff opère, il ajouta.
— Si j'ai été nommé au rôle de garde personnelle de Dame Dellinger, il doit y avoir une raison vous ne croyez pas ?
Le milicien haussa les épaules d’un air assez dubitatif mais Autumn fit un signe de tête qui l’encouragea à lui laisser les deux armes sans plus insister.
— Comme vous voudrez, dame. Mais mes hommes et moi sommes prêts à vous défendre à chaque instant.
Autumn répondit d’une voix chantante :
— Je n’en doute pas capitaine Garett !
Le milicien se gaussa un peu :
— Anciennement capitaine, dame.
Cela eut le don de clore les échanges et de tirer un petit sourire à l’homme d’arme, qui laissa Soren en paix.
Soren attendit patiemment sur le milicien leur fausse compagnie pour finalement entreprendre de boucler les armes à sa ceinture. Tout en s'affairant à la tâche, il parla d'une voix amusée.
— L'avantage quand on est sous estimé à longueur de temps, c'est que l'on peut toujours surprendre, bien que cette fois il ait un peu raison, je ne suis pas bretteur.
Autumn rit de sa remarque.
— Moi non plus, nous serons deux ainsi ! Et cela vous fera une occasion d’apprendre, n’est ce pas merveilleux ?
Cette fois c'est un rire assez franc qu'exprima Soren.
— Dame Dellinger, si seulement les nobles étaient tous aussi optimistes que vous, je chercherai peut être un peu plus à faire connaissance avec eux !
Elle ne put s’empêcher de rire avec lui, tant sa bonne humeur était contagieuse. Ils contrastaient tous les deux avec les mines fatiguées et inquiètes de leurs compagnons de voyage non loin, attelés aux derniers préparatifs du départ.
— Mon père m’a appris qu’il faut voir une opportunité dans chaque obstacle.
— C'est marrant que vous disiez ça, car c'est aussi ce que le vieux Grim m'a enseigné.
voyant les préparatifs s'accélérer, Soren effectua une courbette volontairement
exagérée.
— Dame Dellinger, je crois qu'il va être temps de retourner en voiture.
— J’aurais aimé rencontrer votre père adoptif, ce devait être un homme intéressant ! Dit-elle en remontant ses jupes pour rentrer dans la voiture. Vous croyez que nous pourrons prendre un bain à Port aux Échoués ? Je rêve d’un bain…
Elle se rassit en soupirant tandis que Rosa reprenait elle aussi sa place mais cette fois à l’intérieur se calant à côté de Soren avec un œil de cerbère.
Soren hésita presque à passer son bras autour des épaules de la vieille servante pour la taquiner et surtout la dérider, mais l'idée de se faire rosser ne l'enchantait guère.
— D'ailleurs... Concernant Port-aux-echoués je...enfin... Doit-on tous rentrer en ville vous croyez ?
Autumn haussa les épaules.
— On ne pourra pas dormir dehors avec tout ces anthropophages en goguette la nuit…
Pourquoi cette question ?
Rosa posa un regard inquisiteur sur le jeune homme. Soren hésita un long moment avant de répondre, faisant passer son regard d'Autumn à Rosa :
— Disons qu'il m'est arrivé des... Mésaventures la bas... Et il se pourrait que je sois encore recherché.
Cette fois ses yeux se plongèrent dans ceux d'Autumn :
— Je vous promets cependant que je méritais pas ce qui m'incrimine, car mes raisons étaient tout à fait louables...
Rosa claqua de la langue avec désapprobation mais Autumn plongea son regard vert dans celui de Soren.
— Encore un emprunt à long terme ?
— C'est bien plus compliqué que ça malheureusement...je ne vais pas rentrer dans les détails mais...je m'occupe de deux orphelins, et ils ont été enlevés et conduits à Port-aux-echoués pour devenir esclaves… La voix de Soren se teinta d'amertume à la simple pensée des complications liées à cette histoire il y a eu des complications lorsque nous les avons retrouvés.
Pour quiconque capable d'un peu d'observation, il était évident que Soren relatait un fait douloureux plein et dénué de tout mensonge, mais il était prêt à recevoir des reproches, fuyant le regard des deux femmes quelques instants. Autumn écouta avec attention, empêchant une nouvelle fois Rosa de faire le moindre commentaire acerbe.
— Vous dites « on », vous faites partie d’un groupe ? Avez vous réussi à sauver les enfants ?
Cette fois Soren manqua de perdre ses moyens, hésitant un instant à la façon dont il devait présenter son acolyte, puis il dit simplement
— Meryl, elle s'appelle Meryl, c'est une amie d'enfance qui m'a aidé à les retrouver. Nous les avons sauvé, mais pour cela, nous avons dû prendre nombre de risque
Voyant que Rosa se retenait une nouvelle fois de le juger, le jeune homme lui adressa un sourire triste :
— Croyez-vous que ces orphelins Amaranthis méritaient ce qu'il leur est arrivé lorsqu'il se sont retrouvés tous deux à la rue à voler à l'étalage pour trouver un peu de nourriture ? Ou alors peut-être méritaient-ils de se faire enlever afin de devenir esclave, dites-moi donc...
Il paraissait plus amer que sur la défensive, mais il n'avait put retenir cette dernière phrase malgré tout et ce même s'il savait que Rosa n'avait pas un mauvais fond. La servante souffla du nez.
— Évidemment, présenté sous cet angle… mais au contraire de mademoiselle Dellinger, je ne prends pas tout ce qui sort de votre bouche pour argent comptant ! Vous avez pris la place de l’un de nos gens, un garçon de bien ! Et nous devons croire qu’il ne lui est rien arrivé de grave et que vous êtes doué des meilleures intentions ! Je ne suis pas née de la dernière pluie, moi…
Votre jolie frimousse n’a pas d’effet sur moi.
Autumn s’exclama, sourcils froncés
— Allons Rosa ! Calmez vous ! C’est moi qui l’ai invité à tenir ce rôle souvenez vous !
Soren s'interposa dans la conversation avant que Rosa n'en rajoute une couche
— Vous avez raison de douter Rosa, vous ne me connaissez pas et je n'ai rien pour vous prouver mes intentions.
Finalement un sourire illumina le regard du jeune homme, désireux de dédramatiser la situation.
— Gardez-moi à l'œil si vous le voulez, et je vous promet que j'arriverai à vous faire rire au moins une fois pendant ce périple
Autumn roula des yeux doucement à cette hypervigilance de Rosa mais celle-ci hocha du chef aux propos de Soren.
— Contentez vous de gagner mon estime.
Autumn balaya l’air de la main, pour en revenir au sujet qui l’intéressait.
— De fait, cette amie d’enfance… ne risque-t-elle pas de s’inquiéter de votre absence ?
— Je ne pense pas, elle doit tout juste finir sa convalescence après notre séjour... Mais c'est pas notre genre de s'inquiéter à la moindre seconde de distance entre nous.
Il se garda bien de parler du tumultueux passé qui liait les deux amis, préférant la version courte, d'autant qu'il venait seulement de calmer ses tenaces rancœurs vis à vis de son amie.
— Oh je vois...
Ce fut le seul commentaire intelligent que fut en mesure de prononcer Autumn. Elle se demanda pourquoi cette donnée provoquait un drôle de ressenti chez elle. Puis elle se dit qu'elle avait été bien naïve de songer que ce jeune homme tombé du ciel était réellement seul au monde et en quête d'une protection quelconque. Elle retrouva son sourire malgré tout. Elle s'en paraît quoi qu'il arrive.
— Nous veillerons à vous dissimuler le temps de notre séjour, vous ne risquez rien. Et vous avez un chapeau !
Il tapota de sa main la lame qui reposait désormais le long de sa cuisse et rit à la suggestion d'Autumn
— Avec cette nouvelle apparence et le chapeau, il y a des chances que personne ne me reconnaisse en effet. Et puis... Je doute que vous n'ayez besoin de vous confronter à la pègre de la baie, ce qui m'évitera de devoir vous sauver la vie au prix de ma discrétion !
— Nous n'y serons que très peu de temps de toute façon, tout devrait bien se passer, et vous aurez la protection du convoi. Personne ne devrait réellement faire attention à vous... Y-a-t-il des affiches à votre nom dans la ville ?
Autumn était repartie à réfléchir au meilleur moyen qu'elle aurait de dissimuler son nouveau garde du corps.
— Je ne crois pas, je doute qu'ils ne s'acharnent avec moi avec le temps passé. Aux vues de la taille de la ville, il y a fort à parier qu'ils abandonnent les recherche après avoir retourné toute la baie de fond en comble.
Autumn hocha de la tête sous le regard de Rosa et détourna les yeux un instant. Feignant d'ignorer l'air de sa gouvernante, elle se concentra plutôt sur Soren, lui dédiant un sourire qui se voulait rassurant.
— Tout ira bien, j'en suis persuadée.

Le jeune homme acquiesça silencieusement les dires d'Autumn avec un sourire, adressant son aimable expression également à Rosa malgré son regard noir.
Autumn reporta son regard à travers la fenêtre tandis que le convoi se dirigeait lentement mais sûrement vers l'Est. Ses pensées s'entrechoquaient les unes aux autres, et de tout ce qu'elle avait véçu depuis qu'elle était partie de Claircombe et de son quotidien si routinier.
Curieux de nature, Soren remarqua l'air penseur de la jeune femme.
— Quelque chose vous tracasse ?
— Moi ? Non ! Allons bon ! Qu'est ce qui pourrait me tracasser !
Son ton lui semblait étrangement peu naturel, mais Autumn ne se l'expliquait pas vraiment. Aussi fit elle de son mieux pour montrer son meilleur profil. Il fronça imperceptiblement les sourcil avant de reprendre.
— Je ne sais pas. Vous avez l'air songeuse tout à coup
Même Rosa y alla de son petit regard suspicieux, si bien qu'Autumn aurait voulu être dotée d'un éventail ou quelque chose pour cacher son visage qui savait trop bien afficher ses émotions. C'était exaspérant d'être transparente à ce point.
— Juste le contrecoup de cette intense journée.
— Bien que je sois assigné à votre protection et non plus aux tâches des valets, sachez que si vous avez besoin de quelque chose, demandez moi...
Sa timidité insoupçonnée et inhérente au regard de l'Amaranthis se réveilla tandis qu'il détournait le regard comme s'il venait de lui faire une déclaration
— C'est très aimable à vous, Soren. Sait-on jamais, je pourrais encore avoir les épaules tendues... fit-elle d'un ton légèrement moqueur, retrouvant sa verve habituelle, avant que Rosa ne la fusille du regard.
— Allons, demoiselle Dellinger ! Ce n'est pas digne d'une jeune fille de votre rang...
Soren eut un petit rire qu'il dissimula derrière sa main avant de couper l'herbe sous les pied à Rosa, adoptant un air charmeur un brin exagéré
—Protecteur et masseur personnel, mes mains sont à votre service, Dame Dellinger.
Il en fut quitte pour être foudroyé du regard à son tour.
— Ne vous approchez pas de ma maîtresse, où vous aurez affaire à moi, gredin.
Autumn rit de nouveau.
— Allons, Rosa, nous ne sommes pas à Claircombe, détendez vous ! Il n'y a personne ici pour juger de ce que je fais, ou de la manière dont je lève le petit doigt en buvant mon thé !
Après un rire plutôt franc, Soren brava une nouvelle fois la servante
— Pardonnez-moi Rosa, peut-être est-ce vous qui avez besoin d'un massage ?
Soren eut la satisfaction de voir Rosa s'empourprer et répondre avec colère :
— Allez vous cesser vos bêtises, petit insolent !
Par sécurité, le jeune homme s'éloigna de la portée de bras de la servante toujours en riant à moitié.
— Je vais me tenir à carreaux je vous le promets !
La servante se renfrogna de plus belle, mais retourna à bougonner dans son coin avant de déclarer qu'elle allait faire une sieste et ramener son petit bonnet de tulle sur ses yeux d'un air mécontent, les bras croisés. Autumn affichait un air rieur tout en observant la scène.

Soren se détacha de la servante boudeuse pour reporter son attention sur Autumn et lui adresser un petit clin d'œil, ponctué d'un sourire malicieux soulignant quelque peu sa satisfaction d'avoir fait rougir Rosa. Il resta silencieux cependant, laissant le temps à la vieille servante de s'assoupir tranquillement, car la fatigue des événements récents se lisait sur son visage. Autumn se laissa aller à lui rendre son sourire aussi, tout en gardant un œil sur la route de l'autre côté de la fenêtre. Ils devaient arriver dans peu de temps auquel cas la nuit arriverait et ils devraient attendre avant de rejoindre la côte, pour éviter d'éventuelles attaques.

Soren Grim
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Dim 22 Aoû - 21:29
Le cortège réorganisé ne prit que peu de temps avant de se remettre en route. Les décisionnaires avaient parlé, le cap était donc modifié pour amener la caravane à Port-Aux-Échoués, de préférence avant la nuit pour ne pas s'encombrer d'une installation de campement en retrait. Les règles d'arrivées à Port-Aux-Échoués étaient strictes, pour la simple et bonne raison que l'obscurité de la baie abritait des monstruosités anthropophages qui profitaient du déclin solaire pour se mettre en chasse, avec comme met favoris les égarés n'ayant pas respecté les normes de confinement que nul n'était sensé ignorer. Relancé à vive allure, il était peu probable que le groupe d'expédition ne se retrouve à nouveau attaqué, car les chemins qu'ils avaient retrouvé faisait l'objet de surveillance et peu de brigands ne se risquaient à s'attaquer aux charriots sur cette route commerciale qui reliait la baie à Claircombe.

Soren se laissa rêvasser en contemplant la lumière doucement décroissante à mesures qu'ils approchaient. Perclus de courbatures dues à la lutte et aux crispations, il s'installa confortablement pour pouvoir tendre ses jambes au maximum. Autumn et sa servante semblaient avoir trouvé le sommeil, elles aussi épuisées par les évènements choquant de la journée. Mis à part quelques regards épisodiques pour s'assurer que la jeune femme ne soit pas à nouveau mal installée, il minimisa ses mouvements pour ne pas la réveiller accidentellement. Une nouvelle fois, il avait glissé la seconde couverture roulée en boule sous la tête de la noble pour lui assurer un appui plus confortable, s'amusant de la voir marmonner de satisfaction dans son sommeil.

Un nœud s'était formé dans son estomac, à n'en point douter causé par le fait que le cortège faisait route vers Port-Aux-Échoués. S'il l'avait su avant, le jeune homme aurai déserté le voyage quoi qu'il lui en coute pour revenir. Les récents évènements qui l'avaient mené à explorer la baie de fond en comble pour y retrouver les enfants avaient laissé une amère trace dans son esprit, une succession d'évènements traumatiques où lui et Meryl avaient frôlé la mort à tour de rôle. Ce qui l'inquiétait surtout était qu'ils avaient réussi à s'enfuir de la ville alors que Soren avait plaidé coupable pour alléger les crimes partagés des deux compères. Évadé de prison ensuite, il était parvenu à négocier la clémence d'un membre de la garde pour l'aider dans sa fuite. Voyant la nuit approcher peu à peu, il se rappela également avoir du traverser la moitié de la baie en passant par les toits tandis que des dizaines de noyeurs semblaient prêt à le réceptionner. Cette dernière pensée le fit frissonner d'effroi, avant qu'il ne finisse malgré tout par s'assoupir en regardant le soleil décroitre.

Lorsqu'ils se réveillèrent, l'obscurité avait gagné les lieux et déjà l'activité à Port-Aux-Échoués s'était transformé. Chaque travailleur s'était affairé à réinstaller les palissade devant portes et fenêtre tandis que les plus courageux s'activaient pour finir de charger ou décharger des cargaisons. Les tavernes se remplissaient à bon train sous le son de tenanciers criant leurs derniers appels avant fermeture.

Tous désormais pied à terre, Soren utilisa le couvre chef que lui avait confié Rosa comme d'une couverture idéale avant de se planter à la gauche de celle qu'il était sensé protéger, regardant malgré tout le sol plutôt que devant lui. Les notables s'étaient affairés à discuter avec un nouveau venu bedonnant, surement le contact qui avait été mandé pour répondre aux besoins du convoi, tandis que deux garde inspectaient le convoi. Habile lorsqu'il s'agissait de se dissimuler, Soren s'affairait à ne jamais se retrouver dans le champ de vision d'un milicien. Par chance, ils semblaient plus concentré sur le contenu du convoi que sur ses passagers. Qui plus est, Soren était un second dans cette histoire, or tout les regard étaient attiré sur sa protégée et ses associés d'expédition. Intérieurement, il remercia Rosa pour le rafraichissement capillaire et la tenue, lui permettant de se faire discret.

Autumn découvrait la ville dont elle avait entendu parler dans les livres d'histoire pour la première fois. L'endroit n'était pas des plus reluisants, mais tout semblait exotique aux yeux de la jeune noble. Aussi, profitant que ses clients étaient occupés à régler les formalités, elle se détacha quelque peu du groupe et commença à lorgner sur quelques étals posés ça et là et proposant du poisson du jour, ou divers produits de la pêche. Elle avisa soudain une affiche sur un mur de planche derrière l'un d'eux. Le portrait en était étrangement familier. Elle reconnut alors le visage de son nouveau protecteur.

Ce visage m'est étrangement familier... Mais quelle coupe de cheveux atroce...Elle sourit en coin, adressant un regard par dessus son épaule. Vous ne trouvez pas ?

La mine déconfite, Soren ajusta son couvre chef pour la vingtième fois tout en suivant l'imprudente Amaranthis de près. Pas vraiment désireux d'être reconnu, il avait au moins une bonne excuse pour surveiller les imprudents avide de détrousser sa protégée. Lorsqu'il découvrit la fameuse affiche après avoir entendu l'allusion d'Autumn a propos d'une mauvaise coupe de cheveux, il devint tout à fait livide.

Moi qui croyais que la justice était pas fiable ici...Pourrions-nous rester non loin du groupe le temps qu'ils conviennent d'une auberge où nous rendre? A la fois parce que vous allez vite devenir la cible de voleurs à la tire, mais aussi parce que...enfin, vous savez quoi...
Oh déjà ?
Autumn paraissant déçue de ne pas pouvoir profiter d'une promenade après tout ce chemin en voiture. Voyant la mine semi abattue de la jeune femme, Soren poussa un soupire.
Bon...juste un petit tour, mais au moindre problème...faisons demi-tour. S'ils m'attrapent, je cours à la potence...
Autumn quitta son air maussade pour passer aussitôt à la plus radieuse des humeurs, tapant dans ses mains. Elle attrapa aussitôt le bras de son garde du corps glissant le sien par dessous et se pencha vers lui.
Aucune chance, vous êtes bien trop élégant.
Soren se gratta le coté du nez, pensif et une nouvelle fois un peu dérouté par tant d'innocence et d'aisance, il finit par lui adresser un petit sourire malgré tout, entrainé par l'innocence de la jeune femme.
Il est vrai que je suis méconnaissable, mais restons prudent malgré tout.

La noble opina d'un air entendu, l'entrainant sur les quais pour observer les bateaux. Déjà les marins s'affairaient à ranger leur matériel en vue de la tombée de la nuit. Rien ne semblait perturber la promenade des deux jeunes gens. Toujours sur ses gardes, Soren ne s'autorisa pas de repos, mais la présence de sa protégée l'apaisa quant à ses craintes, peu de monde faisait attention à lui à coté d'elle, et encore moins les éventuels gardes et miliciens, plus habitué à rapatrier peu à peu les gens.

J'espère que l'auberge sera tranquille et pas pleine de chasseurs de primes ou autre miliciens.
Vous êtes Sebastian, et personne d'autre, ce soir...
Vous n'avez pas tort, mais ne sous estimez pas le sens de l' observation des gens avide de toucher une récompense pour ma capture. Dit-il en poussant un petit rire discret à la mention du pauvre Sebastian. Elle hocha la tête d'un air un peu plus sérieux, tapotant sa main.
Je ferai de mon mieux pour qu'il ne vous arrive rien, je vous le promets. Rentrons à l'auberge, le soleil se couche, on dirait...

D'un acquiescement silencieux, les deux jeunes gens prirent la direction de l'auberge où semblait déjà se presser les mercenaires de l'expédition. Lorsqu'ils entrèrent à leur tour, les notables et commanditaires semblaient avoir investi les lieux pour occuper une grande partie de l'auberge, notamment un espace feutré muni de nombreux canapés qui se séparaient de la pièce principal par une cloison semi ouverte. Soren poussa un profond soupire en observant le calme de l'échoppe et resserra très légèrement le bras d'Autumn comme pour s'assurer qu'elle était toujours là

Me voilà rassuré, les lieux semblent être assez tranquilles pour le moment.
Voyant que les notables parlementaient avec l'homme ayant accueillit le cortège, accompagné cette fois de deux autre personnes, le jeune homme s'imagina que la nuit n'allait pas être pour tout de suite
Je donne cinq minutes avant que l'on ne vous convie à cette table, dame Dellinger.
Elle leva le nez, toute à ses pensées, et acquiesça avant de trouver le regard réprobateur de Rosa. Elle soupira :
Il va falloir probablement que je passe me changer, ma robe est couverte de boue et je me dois de paraître convenablement.

Octave ne tarda pas à la héler de son air bedonnant :
Ah ma chère ! Vous voilà ! En tant qu'invitée de marque et au vu de la situation, je vous convie à notre table dans une heure où nous prendrons le dîner ! Une suite vous a été réservée à l'étage afin que vous puissiez vous rafraîchir et vous reposer cette nuit ! Nous en aurons tous besoin après cette éprouvante journée.
Evidemment, tout cela serait aux frais de la famille Dellinger, jusqu'à ce qu'ils soient rentrés à la capitale, mais Autumn n'était pas d'humeur à parler chiffres.
Merci, sieur Octave.
Soren souffla du nez doucement, pas peu fier de ses prévisions. Pendant un instant, le jeune homme se demanda à quoi pouvait bien ressembler une suite à Port-Aux-Échoués, puis il se rappela que ce que son rôle pouvait impliquer.
J'imagine que je vous accompagne là-haut n'est-ce-pas?Le regard noir de Rosa se posa sur lui comme s'il venait de faire une proposition obscène à la jeune femme. Pour votre sécurité j'entend!
Elle sourit et acquiesça le plus naturellement du monde.
Effectivement, ça va de soi...

Ainsi, tout fut décidé très vite et ils montèrent à l'étage pour découvrir leurs appartements. Comme on pouvait se le figurer, on était loin du confort du quartier Ascanien, mais tout de même, l'établissement qu'ils avaient trouvé et choisi n'était pas trop rustique et des servantes s'évertuaient déjà à faire monter une baignoire et de l'eau chaude pour leurs clients. Une ribambelle de petites lavandières qui ne manquèrent pas de regards pour le jeune homme qui accompagnait dame Dellinger jusqu'à sa "suite", en réalité constituée d'un couloir de chambres les unes à côté des autres.

Bien voyons ça...
Autumn laissa Rosa passer devant qui lui désigna une chambre, la plus grande et la plus confortable, et où les lavandière déposèrent le baquet pour le bain.
Nous ne serons pas trop mal...
Autumn découvrit le mobilier un peu chiche sans snobisme, avec l'oeil de la voyageuse intriguée et testa le moelleux du lit. Celui-ci grinça sérieusement, et sentait quelque peu la poussière.
Nettement plus confortable que notre voiture !

Soren observa le petit manège des officiantes discrètement, s'évertuant malgré tout à fuir les regard appuyés de certaines à son égard en gardant un air relativement froid et ténébreux...ce qui ironiquement semblait empirer les regard qui suivaient sa progression dans le couloir. Tandis qu'ils arrivèrent dans la chambre, le jeune homme réprima un sifflement à la vu du confort de la pièce, comparé à tout ce qu'il connaissait. Il savait que ce n'était rien comparé aux demeures des éminences de Claircombe, mais quand même...Il s'arrêta cependant sur le pas de la porte, laissant Autumn faire le tour du propriétaire. Il repéra une banquette posée le long d'une fenêtre aux volet fermés et s'en approcha finalement pour s'y asseoir.

Je suis surpris de trouver une telle chambre ici. Voila qui devrait vous aider à vous reposer un peu plus sereinement, au moins pour cette nuit !
Autumn poussa un lourd soupir de satisfaction. Rosa posa les poings sur ses hanches, avant d'aviser les deux jeunes gens.
Très bien, il n'est plus temps de pavoiser jeunes gens, le diner est prévu dans une heure ! Il vous faut vous préparer, dame Dellinger !
La jeune femme grogna un peu mais très vite la baignoire fumante l'attira comme un papillon près d'une lampe.
Je devrais peut-être monter la garde devant la porte en attendant que vous... Que vous...Pourquoi diable se sentait-il si hésitant? Lui qui d'habitude rayonnait d'insouciance et d'aisance. Si vous avez besoin de moi, faites signes.
Autumn lui fit signe de loin, tandis que Rosa poussait le jeune homme dehors.
Allez ouste !

La porte se claqua rudement dans le dos du jeune homme, et bientôt lui parvinrent une mélodie fredonnée, une discussion enthousiaste d'où émergeait la voix d'Autumn, ainsi que des éclaboussures et des exclamations outrées de Rosa. Soren s'adossa à la porte d'abord nonchalamment sans pouvoir réprimer un sourire en entendant la vieille servante pester contre le comportement enfantin de sa maitresse. Plus en sécurité, il se défendit un peu avant de se rappeler que le rôle qu'il devait tenir impliquait un sérieux à toute épreuve. Il se força à garder un minimum d'allure, ce qui ne fut pas pour déplaire à deux lavandières qui chuchotaient en gloussant un peu plus loin dans le couloir sans vraiment être discrète. Habituellement, il leur aurait fait une remarque dont il avait le secret, mais rester dans son rôle était devenu une priorité. L'espace d'un instant où le silence avait regagné les lieux, Soren sentit une pointe d'inquiétude le forçant à tendre l'oreille. Un remous d'eau et une discussion à voix basse dont il n'entendait que les bruissement le rassurèrent aussi sec.

Dame ?
Rosa frottait le crâne d'Autumn avec délicatesse, celle-ci étendue dans l'eau chaude et enfin calmée de ses enfantillages. Elle soupira, les yeux fermés.
Oui, Rosa ?
Vous ne devriez pas laisser autant de liberté à ce jeune homme. Votre comportement... Votre mère n'approuverait pas et vous le savez. Vous allez vous compromettre et qui sait ce qu'il pourrait faire... Et même, pire encore, s'il se faisait remarquer ici... Vous pourriez être impactée, votre réputation pourrait en pâtir...
Autumn souffla du nez, rouvrant un œil alors qu'elle passait un éponge de bain sur ses bras blancs.
Rosa, nous n'allons pas avoir cette discussion sans arrêt. J'ai décidé de l'aider, et je suis en droit de décider pour moi-même.
Vous...
Rosa, il suffit.
Le ton de la jeune femme se fit plus dur. Elle en avait plus qu'assez d'être commandée, qui plus est, même si elle adorait Rosa, celle-ci n'était pas sa mère, seulement sa gouvernante. Et c'était à elle de donner les ordres. Rosa se tut et termina de rincer ses cheveux à l'aide d'une grande cruche d'eau chaude.
Merci, Rosa, ça sera tout. Je prends la suite.

Rosa voulut protester mais Autumn était catégorique et elle dut sortir, la tête basse, avant de jeter un œil noir à Soren, qui attendait à la porte. Voyant la servante lui adresser ce fameux regard noir qu'il finissait par prendre -à tort- pour de la sympathie, Soren esquissa un timide mais poli sourire à la vieille servante.

Avez-vous besoin de quelque chose Rosa ?
Celle-ci s'arrêta un instant pour essuyer ses bras sur son tablier et siffla entre ses dents serrées :
Si vous aviez un minimum de décence, jeune homme, quand nous repartirons demain, vous resteriez ici, sans faire d'histoires.

Elle le planta là et tourna les talons, le pas furieux. Soren poussa un profond soupire. En temps normal, il se serai presque amusé des propos de Rosa, mais sans qu'il ne puisse en expliquer les raisons, le fait qu'elle l'incite à ne plus s'approcher d'Autumn le contraria quelque peu. A croire que sa démonstration de bonne volonté et de gentillesse jouait encore plus en sa défaveur. Seulement, le jeune homme ne se voyait pas agir autrement. Il rumina pendant plusieurs minutes, considérant même un instant cette idée de ne pas aller plus loin dans cette folle aventure. Puis le visage tout sourire de sa protégée lui vint en tête, un visage qu'il imagina ensuite déçu s'il se décidait à la laisser en plan. Non, cette option demeura finalement impossible pour lui. Sans s'en rendre compte, son coeur s'était accéléré alors qu'il pensait à la noble toujours enfermée juste derrière lui.

Autumn Dellinger
Autumn Dellinger
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Lun 23 Aoû - 19:11

Autumn avait largement eu le temps de se préparer et de choisir ce qu’elle allait mettre pour le dîner. On n’était pas à Claircombe et elle hésita à choisir une des tenues confortables qu’elle avait choisies d’emporter. Mais elle aperçut alors dans une des malles bien autre chose et elle jugea que ce serait du meilleur effet et un joli pied de nez. Aussi, lorsqu’elle ressortit de sa chambre, elle était vêtue d’une somptueuse robe pourpre, de ces robes qu’on ne voyait que dans les galas et les salons mondains les grands jours. Elle se demanda un instant quelle idée saugrenue sa mère avait eue de mettre une tenue pareille dans ses affaires alors qu’elle s’apprêtait à faire un voyage des plus dangereux si loin de chez elle mais elle se dit que très sûrement - les gens de Port aux Échoués n’avaient jamais vu une telle toilette chez une cliente d’auberge. Elle trouva l’idée amusante de pousser le raffinement ascanien jusqu’au ridicule. Elle s’était accordé la liberté d’attacher ses cheveux en un chignon lâche dont de nombreuses mèches s’échappaient de manière artistique et que sa mère n’aurait clairement pas approuvé. Elle y ajouta un long collier muni d’une montre à gousset qu’elle glissa dans son décolleté. Elle ne possédait pas les formes les plus spectaculaires et cette robe aurait été probablement plus scandaleuse encore sur une silhouette plus féminine que la sienne mais la finesse de ses épaules et de son port compensaient un peu ce manque de volupté. Elle sortit avec un sourire malicieux. Pas peu fière de son audace.

Lorsque Soren entendit la porte derrière lui, il fut presque rassuré d'être tiré dans ses ruminations liées aux mots qu'avait eu Rosa pour lui. Il prit la parole tout en se retournant doucement vers la jeune femme
— Dame Dellinger, sachez que rien n'à été à signaler pendant votre...oh.
Il ne termina pas sa plaisanterie liée à son nouvel emploi, car ses yeux rencontrèrent la noble apprêtée qui dégageait désormais une élégance sans pareil. Il s'était attendu à la voir en tenue presque mondaine, mais jamais il ne se serait attendu à ça. Voir la grâce féline de sa protégée lorsqu'elle était dans son élément. D'ailleurs, il ne put s'empêcher de faire un commentaire pour palier son mutisme soudain.
— Vous êtes...ravissante.

Elle sourit en entortillant une mèche rousse entre ses doigts, presque un peu nerveuse soudain. Sûrement que cette nervosité de Soren déteignait sur elle. Elle avait peut-être « un peu » exagéré. Comme toujours. Elle se reprit bien vite cependant et relâcha la petite mèche de cheveux, manie qu’elle avait quand quelque chose la turlupinait. Ou la gênait en l’occurrence.
— Oh Soren vous avez fait le planton jusque là ? Vous êtes vraiment adorable.

Il l'avait fait, effectivement, en ne pensant pratiquement pas à sa propre sécurité d'ailleurs, un fait qui n'était pas rare chez lui.
— Je préfère rester prudent malgré tout et ne pas oublier les risques ! Que ça soit pour vous, ou pour moi. Mais surtout pour vous, se dit-il en cachant cette dernière idée derrière un sourire. Et puis, quand je fais un boulot, j'essaye de le faire bien !

— C’est tout à votre honneur…. Sebastian. Voulez vous m’escorter ?
Elle lui adressa un sourire aussi chaleureux qu’un soleil d’été. Rosa n’était qu’une vipère. Elle voyait en Soren bien plus de bonté qu’elle n’avait pu en rencontrer jusque là même chez les Ascaniens les plus respectables.

Le sourire de Soren s'étira un peu plus en réponse au sien. Avec une certaine élégance dans le geste, il fit une très légère révérence, s'amusant une nouvelle fois des courbettes nobles, sans pour autant se montrer irrespectueux.
— Ce serait un privilège que de vous conduire à votre table, dame Dellinger.

— Vous vous améliorez en matière d’étiquette ! Je vous donnerai bientôt les notions qui vous manquent encore…
Elle ne plaisantait qu’à moitié. Elle avait envie de lui apprendre son univers, alors qu’elle même le fuyait mais elle ne savait même pas pourquoi. Elle passa devant lui en effleurant son épaule d’une main légère comme un battement d’aile de papillon, laissant planer un parfum frais dans son sillage. Elle n’avait lésiné sur aucun détail et la parure de sa robe dessinait dans son dos un profond ovale, couvert d’un voile de perles translucides, comme une constellation brillante imprimée sur sa peau. Le tissu presque blanc se confondait avec la pâleur de sa peau, réalisant ce tour de force de paraître presque invisible.

Il mit un temps avant de suivre la marche lente de la jeune femme, car il lui fallut se tirer de ses rêveries contemplatives liées à ce qu'il voyait. Se sentant rougir en réalisant qu'il maintenait sur son dos à demi dénudé un regard presque insistant, Soren emboîta le pas d'Autumn en faisant deux enjambées discrètes pour rattraper son retard. Il s'adapta ensuite au rythme qu'elle donnait pour se placer comme son ombre, légèrement en retrait, gardant un œil sur les alentours plutôt que sur ce qui l'avait déconcentré il y avait quelques secondes. Les regards plein de jalousie qu'adressèrent les lavandières à la noble ne lui échappèrent pas, bien qu'aucune n'osa esquisser un geste avant d'être hors de vue
— Et moi, je vous apprendrai à vous soustraire à la vigilance de Rosa sans même qu'elle ne s'en rende compte.
Son ton malicieux soulignait la plaisanterie, qui au fond n'en était pas totalement une.

— Vraiment ?
Ce simple mot exprimait toute sa curiosité à cet égard et lui procurait un sentiment qu’elle ne définissait pas très bien. Comme une accélération soudaine de son pouls. La liberté promise mêlée à quelque chose de plus. La table avait été dressée dans les hauteurs de l’auberge, afin de privatiser une partie de celle-ci pour la soirée. Elle passa devant les clients habituels et remonta l’escalier qui permettait d’y accéder, ignorant les sifflets et les remarques. C’était une réaction prévisible et elle avait quelque peu cherché à la susciter avant de réaliser que cet étalage de richesse était peut être outrancier pour les gens qui vivaient ici depuis toujours.

— Assurément, chuchota-il avec une certaine conviction, avant de reprendre son rôle de garde du corps.
Il n'aurait su dire si les sifflets l'avaient agacé parce qu'il se sentait investi d'une mission de protection ou si les raisons étaient plus… personnelles, mais toujours est-il qu'il n'apprécia guère l'attitude de certains clients. Puis il se rappela des deux armes à sa ceinture, ainsi que de sa tenue, et de l'air froid qu'il avait adopté une fois qu'ils avaient gagné de nouveau la zone publique de l'auberge. D'un simple regard noir, Soren réalisa qu'il avait le pouvoir de faire taire les plus lubriques d'entre eux, une situation qui l'amusa, avant qu'il ne se remémore ce besoin de se faire discret pour lui-même. Suite à cela, il se dissimula à nouveau derrière son salvateur couvre-chef pour garder un semblant de discrétion.

Les quolibets ne durèrent pas, et Autumn fut surprise de voir le changement dans l’attitude de son protecteur, capable de se muer en bloc de glace au besoin. Le jeune homme avait un vrai talent pour la composition, et cette idée l’amusa. Elle gravit les quelques marches qui la séparaient de son objectif et atteint bientôt la table de ses hôtes, dont elle payait les notes. Ceux-ci demeurèrent un instant silencieux, coupés au milieu d’une discussion qui semblait sérieuse. Ils se dressèrent tous les deux pour la saluer avec toute la galanterie ascanienne requise.
— Demoiselle Dellinger… quelle splendeur.
Le ton mielleux d’Octave n’échappa pas à la demoiselle qui laissa s’évaporer sa main aussitôt qu’il en approcha les lèvres. Elle n’avait pas envie de sentir sa lippe humide sur sa peau plus que nécessaire.
— Je vous remercie.
Galatius se prit de contourner la table avec empressement pour lui tirer sa chaise, quitte à bousculer le pauvre Soren.

Mais en termes de rapidité, le jeune homme tirait son épingle du jeu, saisissant d'un habile mouvement la chaise pour prendre les devants, sans même effleurer le notable qui lui s'était contenté de considérer que Soren se pousserait de son chemin comme le faisaient probablement tous ses serviteurs. Le jeune homme savait qu'il jouait avec les nerfs d'une personne importante, mais il se souvenait aussi que son rôle n'était qu'à demi factice. Qui plus est, s'il devait répondre aux directives de quelqu'un ce soir-là, c'était uniquement à ceux de sa protégée à qui il adressa un regard en tirant délicatement la chaise, retenant son sourire moqueur en devinant la frustration de Galatius. Il demeura silencieux cependant afin de ne pas envenimer la situation inutilement non plus.

Autumn n’avait vu que Soren. Elle lui sourit en retour et s’installa avec grâce, prenant garde de ne pas appuyer son dos contre le dossier, comme toute jeune fille au port impeccable se devait de le faire. Elle finit par remarquer Galatius, bredouille et éperdu à côté de la table et haussa un sourcil.
— Sieur Galatius, vous avez perdu quelque chose ?
Le noble jeta un regard noir à Soren et fit demi tour en tirant sur sa veste de velours.
— Juste l’honneur de vous être agréable, ma dame. Octave a raison, vous êtes ravissante ce soir. Permettez moi de vous servir une coupe de vin.
Elle accepta gracieusement, le laissant remplir le verre à pied qui n’était pas de cristal loin de là.

Ignorant superbement le noble et afin de gagner une vue d'ensemble, Soren s'approcha de l'oreille de la jeune femme tandis qu'elle observait son verre se remplir pour chuchoter.
— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je reste juste derrière vous.
Il se recula ensuite de deux pas en arrière, pour ne pas se retrouver trop près de la tablée. Bien évidemment, tout n'était pas forcément amusant dans un tel métier, mais la découverte d'un tout nouveau monde l'amusait beaucoup intérieurement, ainsi, il pourrait bien faire l'effort de se prêter au rôle le temps d'une soirée.

— Merci Sebastian…
Elle tourna à demi la tête pour lui sourire encore et regretta de ne pas pouvoir partager son repas avec lui plutôt qu’avec les deux nobles qui l’ennuyaient déjà de leurs verbiages. Elle se laissa néanmoins prêter au jeu des convenances, mangea de bon appétit et endura les nombreux compliments et regards concupiscents que lui décochaient les deux comparses. Les deux étaient célibataires au demeurant, veufs de précédents mariages. Octave demeurait sans enfant, ce qui motivait très certainement sa galanterie excessive. Il cherchait sûrement un remariage et voyait une opportunité dans la jeunesse d’Autumn et les ressources de sa famille.

Rapidement, Autumn réprima quelques bâillements. Les deux hommes semblaient se chicaner pour la faire rire et lui tirer des compliments, et elle se contentait de sourire pour maintenir un minimum de conversation. Elle glissait de temps à autre des œillades en arrière, prétextant un besoin quelconque, un mouchoir tombé par terre, un verre à remplir, de façon à pouvoir glisser un petit mot à Soren qui lui paraissait bien plus intéressant que ces deux nobles oiseux. Finalement elle attrapa discrètement sa manche et lui chuchota :
— N’êtes vous pas spécialiste de l’évasion ? J’ai besoin d’une sortie…
Soren sourit intérieurement, car lui aussi commençait à sévèrement s'ennuyer à l'écoute des flatteries dont abusaient les deux nobles… Des courbettes qui d'ailleurs avaient le don de l'agacer peu à peu.
— Donnez-moi une dizaine de minutes, tout au plus.

Pour la première fois depuis un moment, le jeune homme s'éloigna de sa protégée pour descendre les escaliers. Une fois en bas, il ne fit rien de spécial, si ce n'est attendre dans un recoin de la pièce, à l'abri des regards indiscrets. Il prit tout de même le temps de s'adosser à un mur pour souffler et relâcher ses traits figés du visage en se massant les tempes. Lorsqu'il revint à la tablée, il posa sa main délicatement sur l'épaule d'Autumn avant d'interrompre une énième tentative de flatterie venant de Galatius.
— Pardonnez mon interruption, Dame Dellinger, le tenancier de l'auberge souhaite s'entretenir avec la personne ayant financé cette soirée, pour parler de formalités et vous remercier visiblement. Il insiste et souhaite vous faire part également de notre départ de demain et l'aide qu'il pourrait nous fournir.
Toujours dans son rôle froid et taciturne, le jeune homme en profita pour adresser un regard noir aux deux comparses qui semblaient dubitatifs quant à l'idée qu'Autumn accepte cette invitation plutôt que de rester avec eux, se gonflant l'un et l'autre d'une assurance qu'ils voulaient plus importante que leur rival de table. Le combat de coq n'interessa pas Soren qui reporta son attention sur la jeune femme et lui adresser un regard bien plus adouci, tranchant avec son rôle de garde du corps autoritaire l'espace d'un instant.

— Eh bien c’est fort mal poli de la part de ce rustre de me tirer ainsi de mon dîner… soupira Autumn mais ma foi, s’il le faut… Je ne voudrais pas que nous ayons d’autres difficultés dans notre périple ! Voyons ce que nous pouvons faire….
Galatius voulut protester arguant qu’il pouvait aller remettre en place le rustre mais Autumn l’apaisa d’un geste en se relevant avec grâce.
— Les affaires sont les affaires… poursuivez messieurs, je vous en prie.
Octave proposa de l’accompagner mais une fois de plus, Autumn contra la proposition en arguant que son garde du corps ferait amplement l’affaire et qu’elle ne voulait pas éveiller les suspicions de l’aubergiste en arrivant avec une escorte trop importante.
Elle se hâta ensuite en direction des escaliers de peur que l'un d'eux ne parvienne tout de même à la retenir encore. Octave et Galatius restèrent de marbre, mais décochèrent des flèches de leurs regards à Soren qui passait derrière elle.
A aucun des deux n'avait échappé que le jeune homme avait posé sa main sur l'épaule à demi-nue de la jeune noble et que celle-ci n'avait rien fait pour s'en offusquer.

Il prit la suite de la jeune femme dans les escaliers. Une fois en bas, il fut ravi de voir que les sifflements s'étaient fait bien moins bruyants, comme si son avertissement muet de tout à l'heure avait encore force de loi. Ce n'est qu'après s'être assuré que personne ne les avait suivit qu'il s'autorisa à adresser un sourire à Autumn
— Et voilà, ni vu, ni connu. Vous vous en doutez, personne ne vous attend pour je ne sais quelle obscure raison, vous êtes libre.
Elle sourit en coin, ravie de ce petit coup monté. Simple comme bonjour mais si efficace ! Elle revint sur ses mots lorsque soudain le tavernier - et patron de l’établissement qu’elle devait justement rencontrer - se mit à beugler sur un client et qu’une altercation éclata entre les deux - démentant le prétendu entretien qu’ils devaient avoir. Autumn entendit du bruit depuis les hauteurs de la mezzanine et nul doute que les deux nobles ne tarderaient pas à rappliquer pour voir ce qui se tramait. Pour arranger le tout, elle distingua le profil vindicatif de Rosa se frayant un passage parmi la foule des clients et Autumn saisit le bras de Soren pour l’attirer loin de leurs poursuivants, un rire au bord des lèvres.
— Vous êtes sur ??

D'abord accompagné par la jeune femme dont le rire se fit communicatif, Soren prit ensuite les devants pour l'accompagner dans la seconde salle avant de virer directement à gauche et investir une petite alcôve surélevée par une estrade de bois et munie d'une table assez sommaire, hors de vue de quiconque qui se contenterait d'un regard.
— Maintenant, vous l'êtes pendant encore quelques minutes, alors profitons ! Car j'imagine que Rosa nous retrouvera bientôt. Dommage, je nous aurais bien commandé un petit verre ! Ou deux...
— Commandez ce que vous voulez ! J’ai soif aussi…
Elle était tout sourire, ravie de cette petite aventure dans cette auberge dans laquelle ils étaient barricadés, même si cela compliquait sévèrement leur recherche de cachette.
Ils durent baisser la voix car déjà des voix familières se faisaient entendre non loin dont celle de Rosa.
— Je suis sûre de l’avoir aperçue par ici !!

Soren arborait désormais un grand sourire amusé. Il retira avec hâte sa veste pour la tendre à la jeune femme
— Mettez ça en vitesse, juste le temps de dissimuler votre remarquable tenue, en faisant comme si de rien était, vous allez être surprise de voir que Rosa a de grandes chances de nous passer à côté sans nous adresser un regard.
D'un geste vif, Soren étouffa de ses deux doigts les deux chandelles éclairant la table, les dissimulant ainsi suffisamment dans les ombres pour que la lumière de la pièce ne contraste avec leur cachette, mais pas assez pour qu'ils ne se voient plus.

Elle acquiesça et se dépêcha d'enfiler la veste de Soren, cachant ses cheveux dans le col, tout en se laissant envahir par le parfum du jeune homme, ce qui était troublant. Rosa passa sans les voir, accompagnée du chef de leur garde personnelle.
— C'est presque trop facile. J'espère malgré tout que Rosa ne va pas trop s'inquiéter.
La notable n'avait cependant pas échappé à une servante de l'auberge qui s'empressa de rejoindre la table des fugitifs. Lorsqu'elle voulut s'enquérir de leur éventuelle commande, Soren lui adressa un regard sombre, reprenant son rôle de protecteur aussi vite que possible, trahissant presque son amusement.
— Deux bières, et de votre meilleur fût, s'il vous plaît.
Il avait coupé la parole à la servante sans ménagement, mais visiblement sa nouvelle allure avait suffi à ce qu'elle ne se vexe pas, lui adressant un sourire presque lubrique à la place. Elle acquiesça silencieusement en laissant trainer un moment son regard sur le jeune homme
— J'espère que vous aimez l'amertume, dame Dellinger, nous venons sûrement de baisser un peu de gamme en comparaison à ce que vous buvez habituellement.
Soren fit comme si la soirée leur appartenait, bien qu'il sache pertinemment que Rosa les retrouverait à un moment où un autre, et qu'il passerait un sale quart d'heure à ce moment. Ce n'était pas grave, car son sourire venait de réapparaître et enfin Soren se détendait un peu.

La jeune femme regarda curieusement la servante. Qu'avait-elle à fixer Soren de la sorte ? C'était curieux, vraiment... Finalement elle haussa les épaules, et attrapa la chope de bière un peu collante sans trop se formaliser. Le goût en était fortement amer, mais elle s'en moquait. Le rouge lui monta aux joues, sous l'effet de la chaleur et de l'alcool et de cette liberté qu'elle s'accordait.
— Ce n'est pas si terrible... Et ça vaut le coup... On peut encore semer Rosa... Et je compte bien le faire.
Le regard de Soren souligna son sourire dissimulé dès lors dans cette pinte qu'il avait porté à ses lèvres, trop amusé par la situation pour penser à sa propre discrétion. Il reposa sa chope en expirant sa satisfaction.
—  N'oubliez pas que nous n'avons pas le droit de sortir malgré tout, il va falloir ruser !
— Est ce que ce n'est pas tout le sel de cette situation ?
Elle sourit en coin, comme une conspiratrice.
— Vous feriez une excellente vol...emprunteuse, dame Dellinger. Buvons à vous avant de prendre la fuite dans ce cas.

Elle rit et trinqua avec lui avant de se baisser de nouveau en redressant le col de sa veste.
— C'est bien plus trépidant que ce que j'imaginais...
— Tout dépend du contexte, lorsque l'on fait pas ça pour vivre, pas toujours, mais dans l'ensemble, je trouve cela aussi grisant, vous avez raison.
Soren jeta un furtif coup d'oeil autour d'eux avant de reporter son attention sur Autumn avec un air presque enfantin peint sur le visage, tant cette situation l'amusait.
— Si vous souhaitez rester discrète, il faut avoir l'air normal et ne pas trop s'attarder à surveiller ses arrières. Ensuite, vous attendez que votre poursuivant ne se détourne de votre chemin, pensant vous trouver ailleurs, à ce moment, vous bougez ! Je vous laisse me dire quand vous pensez que c'est le bon moment pour se déplacer sans que Rosa ne nous repère.

Autumn hocha la tête d'un air convenu puis guetta les alentours, suivant les préceptes de son nouveau maître en filoutage. Puis elle saisit sa chance, voyant que Rosa tournait à un angle pour parler à une serveuse. Elle lui fit signe.
— Venez !
Elle se dressa et se dirigea vers un couloir en direction de pièces de rez de chaussée. Il lui emboîta le pas souplement, voyant avec une certaine admiration qu'elle profitait du meilleur créneau pour prendre la fuite, soulignant un sens de l'observation hors pair. Cependant, il lui agrippa fermement le bras pour la ramener vers lui juste avant qu'elle ne passe complètement à découvert entre les deux salles. Sans trop le vouloir, elle se retrouva presque dans ses bras. Il chuchota en la regardant avec un sourire.
— Ne négligez jamais la dernière vérification.
Comme pour illustrer son propos, la voix de Rosa tonna dans la pièce adjacente à leur mur, maugréant visiblement contre une servante de la taverne avant de s'éloigner d'un pas lourd.
Autumn eut le souffle coupé par ce brusque retour en arrière, se laissant capturer avec le regard brillant. Elle hocha la tête néanmoins, le cœur battant avant de l'attirer à son tour sous un escalier, le temps que la serveuse houspillée par Rosa ne passe vers la cuisine.
Leur échange ressemblait presque à une danse, chacun s’entraînant successivement pour se dissimuler des fouineurs. Le sourire de Soren ne disparaissait plus tandis qu'il se demandait déjà quel serait leur prochain mouvement
— Croyez-vous que nous pouvons atteindre le placard à balais près du bar ?
Les yeux de Soren exprimaient maintenant un certain défi amical, répondant aux yeux pétillants de la jeune femme.

Ca n'allait pas être facile, l'endroit demandait de passer derrière le bar et donc passer près du tenancier, sans parler de ce rapide passage par un couloir très fréquenté vers les latrines à l'arrière de la boutique. Autumn inspira lentement, puis guetta le moment le plus propice, suivit un homme sur deux pas pour profiter de sa large stature, puis s'abaissa pour passer derrière le comptoir et finalement atteindre le placard tant convoité.
Désormais à l'abri du placard un peu moins spacieux que Soren ne l'avait imaginé, il laissa échapper un petit rire discret.
— Vous êtes rudement efficace dites moi, mais vous n'avez pas oublié quelque chose ?
Autumn jeta un regard inquiet par-dessus l'épaule de Soren.
— Oublié ?
Elle chercha frénétiquement ce qu'elle avait bien pu écarter. Soren écarta sa main de son dos pour y laisser apparaître une bouteille encore pleine qu'il s'était empressé de récupérer sur une des étagères du bar en passant. Son sourire s'étira alors à nouveau
— La récompense, dame Dellinger!  La récompense !
Il n'avait aucune idée de ce que contenait la dite bouteille, mais cela importait peu. Elle souffla longuement, avant de se prendre à rire.
— Je fais vraiment une terrible voleuse...
Elle lui piqua des mains pour faire bonne mesure, se lançant dans la dégustation. Elle faillit cracher et grimaça.
— Par Providence ! C'est du vinaigre....
Soren eut l'air sceptique, reprit délicatement la bouteille et en but également une gorgée. Il dut se retenir de tousser, mais son visage parla de lui-même.
— Pas du vinaigre dame Dellinger, seulement le vin du petit peuple ! railla-t-il gentiment

Elle afficha une mine piteuse et eut soudain un peu chaud, probablement l'effet du "vinaigre". Comment les gens pouvaient-ils boire ça ? Elle réalisa à quel point elle était... précieuse ?
— Oh. Navrée...
Voulant se rattraper en voyant la mine déconfite de la jeune femme, Soren s'enjailla de nouveau en riant doucement.
— Je vous taquine, c'est du vinaigre, et c'est infâme.
Elle lui flanqua une petite bourrade en réalisant qu'elle avait été abusée par l'air effarouché de Soren, avant de rouler des yeux.
— J'y ai cru....
— Bon, j'admets que j'espérais voler quelque chose de plus agréable, je fais bel et bien un piètre voleur, comme vous me l'aviez dit.
— Je trouve votre technique excellente pourtant....
Elle sourit à demi dans cette promiscuité du placard à balais, et sentit soudainement un double sens à sa répartie qui la poussa à se taire ensuite. Un brin troublé, Soren trouva l'interprétation avant le propos, rougissant presque dans l'obscurité. Peut-être que le sourire qui accompagnait cette phrase n'avait pas aidé. Il garda un sourire presque enfantin malgré tout.
— Vous savez que Rosa va me tuer n'est-ce-pas ?
Elle soupira lourdement.
— Elle nous tuera tous les deux....
—  Alors laissez-moi vous poser une dernière question, la plus importante de toute finalement.
Il marqua une petite pause, redevenant grave un instant juste le temps de réafficher son sourire malicieux à nouveau
— Vous êtes-vous amusée en prenant la fuite ?
Là, dans une si grande proximité, la jeune femme réalisa que nul mensonge ni demi-vérité n'étaient permis. Et sans raison apparente, elle avait toujours le souffle court et le cœur battant. Elle hocha imperceptiblement la tête.
— Si je me suis amusée... est-ce déjà terminé ?
—  Ce sera terminé quand nous l'aurons décidé, et pas avant. Relança-t-il avec une voix plus calme, comme s'il laissait la jeune femme reprendre ses esprit. Bienvenue dans ma vie, Dame Dellinger...
Il réalisa à son tour l'importante proximité entre eux, laissant planer un léger silence en se rappelant la tenue que portait la jeune femme sous la veste qu'il lui avait confiée, une nouvelle fois rassuré que ses rougissements soient en grande partie dissimulés par l'obscurité du lieu.

— Quel est le plan, maintenant, sieur Hors la loi ?
Malgré tous ses atermoiements, elle ne pouvait s'empêcher de se laisser prendre au jeu, et ne pouvait renoncer au frisson de ce danger fugace qu'il y avait à s'y laisser aller. Se faisant, elle n'avait nullement cherché à retrouver la moindre distance dans cet espace confiné et sombre, penchant la tête de côté pour l'observer.
— Il n'y a pas de plan, maintenant, on improvise. Si Rosa vous cherche dans les étages, il y a fort à parier que nous avons le temps de prendre un verre ou visiter les lieux ! On peut même tenter de remonter à l'étage sans se faire repérer pour lui faire croire qu'elle à la berlue, tout est possible.
Il avait repris son ton enjoué et souriant, vivant le moment comme un jeu, insouciant quant à ces avis de recherche pour lesquels visiblement personne n'avait fait le rapprochement avec lui.

C'est à ce moment qu'elle entendit un bruit non loin de leur cachette, une latte de parquet qui grinçait un peu trop près, un bout de chaussure apparaissant non loin de la fente de la porte du placard. Elle plaqua ses doigts sur les lèvres du jeune homme pour le faire taire à temps, lui indiquant la source du bruit. Elle dut retenir son souffle même, s'attendant à être découverte d'une seconde à l'autre, mais captivée par cet instant délicieux où tout pouvait basculer.
Soren ne put faire autrement que de s'interrompre lorsque son cœur manqua un battement en sentant les doigts de la jeune femme contre sa bouche. Immobile comme si leur vie en dependait, le jeune homme n'esquissa plus un mouvement, espérant que la personne s'éloigne

Les yeux fixés dans les siens, parfaitement immobile, il lui semblait qu'elle n'entendait plus que le bruit assourdissant de son cœur contre ses côtes, et le battement de son sang à ses tempes, alors que le bourdonnement d'une conversation se faisait entendre devant leur refuge. A ce qu'il semblait leur disparition causait quelque remue ménage parmi les gens de leur expédition, et ceux-ci n'avaient pas encore songé qu'il y avait une porte et un placard juste derrière eux, où les fugitifs se tenaient cachés.

Avec une infinie délicatesse, Soren saisit la main de la jeune femme pour la décaler lentement de ses lèvres, lui faisant comprendre qu'il ne parlerait plus pour le moment. Comme si cette main qu'il tenait dans la sienne était fragile, tous ses gestes semblaient mesurés et doux. Son regard ne put décrocher de celui de sa complice cependant tandis que dehors le tenancier semblait râler à propos du fait que l'on accusait ses employés de ne pas avoir bien barricadé les sorties. Soren repensa à son escapade nocturne dans la baie, un souvenir qui le remplit d'effroi. Non, jamais il n'aurait conduit sa protégée dans un tel enfer.

Autumn fut étrangement émue de la façon dont il la touchait, dans une proximité que tout Ascanien aurait jugé proprement indécente. Mais la jeune femme n’y songeait absolument pas. Elle commençait à espérer que les intrus qui leur empêchaient toute fuite demeurent encore un peu là. C’est alors qu’elle perçut un changement dans le regard de Soren, accroché au sien. Il semblait bien plus vulnérable tout à coup. Comme hypnotisée par ses propres sens, elle approcha étourdiment son visage du sien, et tant pis pour sa bonne éducation… elle posa ses lèvres sur les siennes, comme pour chasser cette fragilité soudaine qu’il arborait.

Si elle l'avait déjà pris de court plusieurs fois depuis leur rencontre, ce délicat contact des lèvres contre les siennes était d'un tout autre niveau, faisant faire une embardée à son cœur tandis qu'il accompagna le geste en appuyant très légèrement ce baiser, ne soulignant aucune envie d'interrompre le moment qu'elle lui offrait.
Il n'avait pas relâché la main de sa protégee, au contraire, il s'était même permis de loger la paume de la jeune femme dans la sienne, toujours en douceur.

Elle n’avait nullement réfléchi, ni à la raison de ce baiser ni à ses conséquences. Et désormais, elle se réjouissait de la douceur de ces lèvres qui lui répondaient et du contact de sa main qui tenait la sienne. Elle avait chaud et froid en même temps et elle n’entendait plus ce qui se passait au dehors. Elle glissa sa main libre contre le flanc de Soren, comme pour se retenir de flancher, priant Providence pour que rien ne vienne arrêter ce moment volé.

Il ne pouvait plus s'éloigner, il ne le voulait plus. Pour lui aussi tout autour n'était qu'exterieur au moment où l'odeur de la jeune femme se faisait entêtante, envoûtant ses sens au rythme des lèvres qui ne se detachaient plus des siennes. Lorsqu'il sentit cette main contre lui, un frisson remonta son échine, le poussant à  rapprocher Autumn un peu plus contre lui en passant une main délicatement dans son dos, l'enlaçant presque. Il ne savait pas réellement ce qu'il faisait, si ce n'est se laisser porter par la douceur de l'instant.

Elle s’était emballée, et tout était à la fois étranger et familier dans cette étreinte fugace dans l’obscurité. Elle réalisa de manière impromptue qu’elle avait eu terriblement besoin de ce contact et de cette chaleur et qu’elle l’avait ignoré jusque là. Elle ferma les yeux un instant et se fondit un peu plus contre ce voleur au grand cœur qui avait su s’emparer du sien dans ce moment sans même le savoir.

Tout ou presque était incongru et incorrect, leurs différences sociales, le placard à balais, cette étrange aventure qui commençait  à peine, rien de tout ça n'aurait pu être prévisible. Pourtant, Soren sentait comme un profond réconfort au contact de la féline Amaranthis, faisant courir tendrement sa main dans le dos de la jeune femme, sous cette veste qu'il lui avait confiée. D'une légère pression toujours mesurée, il la rapprocha encore un peu plus de lui, comme si cette proximité de leur deux corps était devenue nécessaire pour lui, le rendant fiévreux tandis qu'il se laissait aller encore un peu plus.

Ils avaient perdu le sens des convenances et de la réalité et Autumn perdit simplement la notion du temps, trouvant là quelque chose qu’elle n’avait pas cherché. Et pendant un moment, le petit monde de l’auberge et le reste de l’univers semblèrent les oublier, les laissant à leurs émois. Autumn finit par reprendre son souffle, les yeux brillants et esquissa un léger sourire à la fois confus et ravi.
— Au moins, Rosa aura une bonne raison de nous tuer…

Délicieusement perdu dans l'instant, Soren eut presque besoin de réitérer le contact de leurs lèvres, mais l'égarement qu'il trouva dans les yeux de la jeune femme le laissa un moment sans voix, baigné dans la douceur, contemplatif. Son cœur battait la chamade tandis qu'il détaillait le visage d'Autumn. La fièvre qui s'était emparée de lui redescendait trop lentement pour disparaître complètement. Le dos de sa main vint effleurer la joue de la noble en douceur.
— En effet… Je...
Il devint à nouveau timide, était-ce là un talent qu'elle avait de mettre à mal son assurance ? Il reprit malgré tout à voix basse, souriant
— J'espère que vous ne regrettez pas ce...

Elle se prit d’un léger rire nerveux, sans se dérober à cette douceur dont le jeune homme semblait déborder. Et elle secoua la tête.
— Ai-je l’air de regretter ? Ne suis je pas celle qui vous a embrassé ?

Elle sourit en coin, retrouvant sa malice alors que ses genoux tremblaient encore de ce rapprochement impromptu. L'expression qu'elle adopta le fit sourire également, avant qu'il ne vole un second baiser à la noble, plus court mais dont le simple contact lui arracha un nouveau frissonnement.
— Maintenant, nous sommes tous deux coupables.
Il chuchotait, comme si cela pouvait encore leur accorder un peu plus de temps dans ce placard à balais.

Elle se laissa saisir par ce nouveau baiser. Le placard à balais prenait figure de petit paradis alors qu’ils batifolaient hors du temps.
— Vous l’êtes en effet…
Il était difficile de faire plus explicite et elle noua ses bras autour de son cou comme pour répondre à ses pensées.
— Jusqu’à ce que nous décidions que c’est fini, n’est ce pas ?
Admiratif devant ce regard qu'elle lui adressait et ses bras fins autour de lui, Soren s'imprima se moment comme s'il savait qu'il allait en être privé sous peu. Noyé dans les yeux de sa protégée à nouveau, il mit un temps avant de répondre.
— Ou bien jusqu'à ce qu'on nous sorte de force...
Un nouveau sourire illumina son visage.

— Alors profitons du temps qui nous est imparti ?
Elle esquissa une petite moue à l’idée des ennuis qui l’attendraient bien assez tôt. Elle préférait se noyer dans ce regard brillant qui la fixait avec adoration. Elle se sentait infiniment bien dans ses bras. Elle pencha la tête avant de lui voler un nouveau baiser.

Sans vraiment le dire, Soren espérait qu'elle dise quelque chose de la sorte. Lorsqu'elle vint à la rencontre de ses lèvres à nouveau, le jeune homme sentit la chaleur s'emparer de lui une nouvelle fois. Habilement mais toujours en douceur, il prolongea ce baiser plus qu'elle ne s'y serait attendu, simplement en avançant son visage en même temps qu'elle reculait. De plus en plus fiévreux, logé ainsi contre elle, le jeune homme sentit que son désir s'accentuait. N'étant plus capable de penser aux conséquences, il remonta sa main dans les cheveux de la jeune femme, caressant sa nuque avec passion tandis que le baiser devenait fougueux.

Autumn frissonna sous ce regain de feu entre eux. L’atmosphère de leur petit refuge fut bientôt envahi par une fougue difficilement contenue, et la jeune femme ne faisait rien pour l’apaiser, cherchant ce contact comme un phalène recherche la lumière. Il lui semblait qu’elle ne s’était pas sentie aussi libre et aussi vivante depuis longtemps. Peut-être depuis toujours. Elle oublia même pourquoi elle était partie, la maladie de son père, ses angoisses. Sa robe et la veste ne lui facilitaient pas la tâche, et ses mains cherchaient fiévreusement les contours de cet amant qui devenait sien. Soudain la porte émit un craquement sinistre et elle sentit le vide derrière son dos, et il fut trop tard pour y résister...

Tout alla trop vite, et Soren n'eut qu'un seul et unique reflexe, celui de tenter de rattraper la jeune femme pour l'empêcher de chuter. Malheureusement, et aussi légère qu'elle soit, il étaient dès lors trop enlacés pour qu'il ne puisse faire autrement que de l'accompagner dans le mouvement. Dans un geste à demi désespéré pour ne pas qu'elle se blesse, mais aussi par pure intuition, il pivota en sur lui même en l'entrainant avec lui, résultant à ce qu'il heurte le sol de son dos, amortissant la chute d'Autumn qui se retrouva ainsi à moitié sur lui. Le fracas de leur chute sembla interrompre presque toute l'activité de la pièce.

Il y eut un moment de silence puis ce fut l’effervescence. Les clients s’esclaffèrent en poussant des sifflets et des gros rires gras, puis le tenancier donna l’alerte et l’ancien capitaine Garett se rua dans leur direction suivi par deux de ses hommes et de Rosa. Cette dernière poussa des cris horrifiés tandis qu’Autumn tentait de se relever aussi dignement que possible. Tout alla très vite. Rosa se saisit d’Autumn, l’entourant d’un bras autoritaire puis Soren fut alpagué par les hommes de Garett.
— Emmenez ce mécréant !

Et voilà que ce moment privilégié  prenait fin. Soren ne chercha pas à se débattre lorsqu'il vit que les hommes qui le maintenaient n'étaient pas de Port-aux-Echoués, un bien maigre réconfort tandis que son sourire disparaissait peu à peu. Il croisa le regard de la jeune femme une dernière fois et fit bouger ses levres sans un son, d'un mot qui semblait assez explicite.
— Désolé...

Autumn resta un moment sidérée par la vitesse avec laquelle les choses avaient dégénéré. Quand elle vit les hommes se saisir de Soren pour l’emmener en direction de la cave de l’auberge, le regard désolé du jeune homme, elle réagit enfin et se débattit furieusement pour se dégager de l’étreinte autoritaire de Rosa.
— Vous n’avez pas le droit ! Laissez-le !
Mais personne ne l’écouta et les deux nobles apparurent, l’air péremptoire.
— Cet homme est un criminel notoire, dame Dellinger. Ne vous compromettez pas davantage en défendant ce pauvre hère. Une demoiselle de votre rang ne devrait jamais être vue dans pareille position avec un individu de cette espèce !
Et sans qu’elle ait eu le temps d’en faire davantage elle fut traînée à son tour en direction des étages à la fois par Rosa et par le capitaine Garett.
— Je ne vous permets pas ! Lâchez moi !

Soren Grim
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Mar 24 Aoû - 16:44
Soren commença à reprendre le fil des événements. La réalité le rattrapait, elle se retrouverait interrogée quant au choc qu'était cet altercation avec Soren tandis que lui serait cuisiné vis à vis de ses motivations à agresser une noble au milieu d'une taverne, tel était la justice ainsi faite. L'air résigné, Soren se laissa traîner sans contester, conscient qu'il était inutile de prendre des coups pour rien.

J'espère qu'ils vous payent pas assez cher pour me faire du mal.

Les hommes le traînèrent sans répondre jusqu’à la cave située sous la taverne entre quelques fûts entassés en bon ordre, installant une chaise sur le sol en terre battue d’où émanait une odeur d’humidité et de vin bouchonné. On lui lia simplement les mains dans le dos avant que le capitaine Garrett ne revint pour les rejoindre. Il arborait une mine fermée et jeta un regard dédaigneux au jeune homme installé là, comme le début d’une mauvaise farce.

On sait tout, vermine. Alors ne te fatigue pas à nous mentir. Maintenant dis moi ce qui pourrait m’empêcher de te livrer ici et maintenant à la justice de Port aux Échoués.
Soren était étrangement serein, comme s'il n'était pas a son premier interrogatoire, ce qui était plus ou moins vrai.
-  Je sais pas, un semblant d'humanité peut-être ?

Son ton était acerbe et ponctué de résiliation. Malgré tout, il était déjà en train de réfléchir à une échappatoire, avec une désagréable impression de déjà vu. L’Ascanien prit la pose puis regarda ses hommes dans une mise en scène théâtrale digne d’un mauvais truand puis éclata de rire. Il revint vers Soren puis lui envoya un coup de poing d’une rare violence qui lui percuta la mâchoire avant de l’envoyer basculer en arrière avec la chaise.

Voilà pour l’humanité, chien.
Il lui décocha ensuite un coup de pied dans le ventre alors qu’il était encore au sol, vidant l'air de ses poumons en un seul coup.
Et ceci pour avoir souillé une dame de haute naissance. Et tu mériterais bien plus mais la justice du port t’attend, je ne veux pas trop t’abîmer.
Soren n'eut que la possibilité de se tordre de douleur au sol. Alors voilà donc ce qui l'attendait finalement, un passage à tabac avant d'être mis à mort. La douleur lui vrillait l'esprit et sa vue devint trouble tandis que ses oreilles bourdonnaient sous le choc. Il n'eut pas la force de contester.
- Dame Dellinger... supplia-t-il presque
L’Ascanien renifla de mépris avant de lui envoyer un nouveau coup de pied, faisant bonne mesure puis de se détourner avant de laisser ses instructions à ses hommes.
Tenez cette chiffe molle a l’œil, messieurs… et ne l’abîmez pas trop. Je le veux frais et dispo pour son rendez vous de demain.
Les hommes ricanèrent doucement et Soren entendit une porte claquer tandis qu’on le redressait sur sa chaise, avant de lui balancer un seau d’eau glacée en pleine figure.

Deux étages plus haut, un autre genre d’entretien se menait entre Autumn et Rosa. La première, rouge de colère, explosa à la figure de Rosa qui n’était pas moins remontée :
Comment avez vous pu me trahir de la sorte, Rosa ? Après toutes ces années de service !
J’ai fait ce que votre mère aurait voulu que je fasse, dame Dellinger ! Jamais elle ne permettrait que vous vous commettiez de la sorte avec un voyou ! Je l’ai fait pour vous protéger !
Jamais je ne vous le pardonnerai, Rosa, jamais ! Et je ne vous veux plus à mon service ! Considérez vous démise de vos fonctions à partir de maintenant !
Rosa parut choquée un bref instant puis la solide bonne femme reprit le dessus sur ses émotions et pointa un index accusateur vers la jeune noble.
Ce n’est pas vous qui m’employez mais votre mère, jeune fille et je ne rends des comptes qu’à elle !Je ferai ce pour quoi elle m’emploie dussè-je endurer votre colère pour les dix ans à venir ! Vous me remercierez plus tard !
Autumn voulut casser quelque chose, n’importe quoi. Elle n’avait jamais été si furieuse et ne trouvait aucun moyen de se défouler à la mesure de sa colère.
Hors de ma vue ! Immédiatement !
Rosa n’avait jamais vu sa jeune maîtresse dans un tel état. Elle voulut la calmer mais vit voler un vase dans sa direction et elle dut battre retraite au milieu des éclats de porcelaine de piètre qualité.
Vous avez perdu l’esprit, par la Providence…
Dehors !!

La gouvernante prit ses jambes à son cou en voyant la bête enragée qu’était devenue sa si jeune et pétillante maîtresse. Le silence se fit et Autumn se retrouva seule au milieu de sa chambre qui ressemblait davantage à un champ de bataille. Elle se laissa tomber sur le lit et se mit à pleurer.

Autumn mit un bon moment à se calmer, secouée de sanglots brusques et précipités. Elle était à la fois en colère contre Rosa mais aussi contre elle même. Par son insouciance, elle avait plongé Soren dans des ténèbres dont elle n’était pas sure de pouvoir le tirer. Elle n’avait songé à rien, et avait cru qu’il était tout comme elle immunisé de toute conséquence de ses actions. Mais ils ne vivaient pas dans le même monde et ce qui passait pour une fantaisie dans le sien était bien plus lourd de répercussions dans celui de Soren. Elle voulut s’enterrer sous les oreillers et disparaître, mais cela ne changerait rien à ce qui allait se produire.

Les réminiscences qui agitaient les sens de Soren étaient durs, froid, et le rappelait à la triste réalité. Des lors que ses mains avaient été liées, le jeune homme avait déjà tenté de se détacher. Il gagna du temps en restant silencieux, le souffle court à cause de l'eau froide jetée à son visage, lui provoquant des tremblements incontrôlables. Il se devait de ruser une nouvelle fois, encore et toujours...

- Hé les gars, vous savez que celle que je protège me paye mieux que votre foutu chef ?
Soit un coup, soit une menace... Soren avait contracté tout les muscles de son corp, prêt à encaisser n'importe quel coup que lui adresserai son surveillant. Son but voyait à plus long terme, il voulait insinuer le doute dans la tête de ses geôliers, les sachant influençables dès lors qu'ils pouvaient gagner de l'argent. Le premier voulut lever le poing pour lui faire passer l’envie de faire le malin mais le deuxième finit par l’interrompre d’un geste.
Qu’est ce que tu nous chantes là, chiffe molle ? T’en as pas eu assez pour aujourd’hui ?
Soren alla au bluff jusqu'au bout, se mettant à rire tout à coup, maintenant que son souffle le lui permettait. Il dut malgré tout se concentrer pour ne pas frissonner après la douche froide. Avant de prendre la parole, il cracha une petite quantité de sang qui s'était accumulé dans sa bouche.
- Depuis l'attaque des nomade, vos commanditaires sont venu ramper comme des chiens galeux auprès de dame Dellinger pour lui mander des sous. Vous êtes sur de servir le bon parti en sachant ça ? Et oubliez pas que j'étais juste derrière la table quand sont allé ramper dans ses jupons.
le visage de Soren devint presque insolent, il avait compris que son bluff prenait et désormais, il en jouait. Les deux se regardèrent un instant puis en revinrent à Soren.
Et quoi alors ? De toute façon, pour nous ça change rien. On reçoit nos ordres de Garrett et on se fera virer si on les exécute pas.
Tu t’adresses aux mauvaises personnes. Garrett va sauter sur la première autorité du coin pour te dénoncer des que possible. Et y’a rien qu’on puisse faire contre ça alors fais la paix avec tes dieux…Renchérit le deuxième.

Alors que Soren engageait une discussion théologique enjouée avec ses geôliers, Autumn, elle, se recomposait un visage devant le miroir, rajustant sa coiffure, la mine fermée. Quand elle fut prête, elle sortit de sa chambre la tête haute et le regard inflexible, drapée dans sa dignité. Elle se dirigea d’un pas sûr vers la chambre réservée par Octave et Galatius et qu’ils employaient déjà pour leur réunion. Elle frappa et débarqua sans plus attendre dans la pièce et les deux nobles la regardèrent avec des yeux ronds.

Dame ? Vous devriez être dans votre chambre à prendre du repos…
Je ne suis pas malade. Ni folle, messieurs.
Vous venez de subir une horrible agression, il est normal que vous ayiez besoin de temps pour vous remettre, dame Dellinger…
Le ton d’Octave était insistant et mielleux au point d’en devenir insupportable aux oreilles d’Autumn.
Si quelqu’un m’a agressée, ce sont vos gardes. Je suis venue ici exiger la libération de mon protecteur. Une libération immédiate et sans condition.
Les deux se regardèrent avec un air gêné puis Galatius reprit la parole.
Vous n’y songez pas, dame. Cet homme est un criminel recherché. Rosa nous a raconté par quel conte il était parvenu à subtiliser l’identité de l’un de vos valets et à vous manipuler.
Autumn s’efforça au plus grand calme.
Je n’ai pas été manipulée. Et si Rosa le croit, c’est elle qui est folle et non moi.
Mais enfin, ma dame, reprenez vous ! Cherchez vous donc à entourer notre expédition de scandale et d’opprobre ?
Octave s’était emporté et sa voix s’était envolée dans les aigus. Autumn fronça les sourcils et frappa sur la table du plat de la main.
Si vous n’aviez pas fait intervenir votre garde personnelle pour me violenter moi et Soren, il n’y aurait pas eu de scandale !
C’est sans compter votre disparition et votre chute de ce placard avec ce vaurien ! Un comportement digne d’une débauchée …
Elle frappa une nouvelle fois du plat de la main sur la table, faisant taire les deux hommes avant de reprendre d’une voix glaciale.
Les conséquences de mon comportement me regardent et moi seule. Je n’en discuterai pas plus avec vous. Voici mes conditions. Libérez immédiatement Soren ou vous ne verrez pas une lettre de change signée de ma main durant cette expédition.
Les deux parurent estomaqués mais Galatius fut le premier à se remettre.
Claircombe n’est pas si loin ma dame. Bien que cela nous engage à perdre encore plus de temps nous pourrions y faire un passage pour récupérer de quoi constituer un convoi et repartir. Prenez garde à ne pas trop nous pousser…
Elle haussa un sourcil et ajouta, sur un ton implacable.
Peut être mais vous devriez vous passer de la seule cartographe digne de ce nom dans cette ville.
Un moment de silence se fit et Octave reprit finalement.
Soit. Mais dans tous les cas il est probable que les gardes aient déjà parlé. A la première heure demain, les autorités risquent d’arriver et nous réclamer ce délinquant quoi que nous fassions pour lui sauver la mise.
Autumn roula des yeux.
Je me chargerai de cette partie là.
Nous serions complices d’un délit. Que nous offrez vous en échange de notre silence ?
Autumn n’avait pas vu les choses sous cet angle et dut improviser. Ça ne pouvait pas être une miette de pain jetée à ces deux requins.
Je m’engage à des fiançailles avec l’un de vous deux à la fin de ce périple. Celui qui m’aura été le plus dévoué gagnera mon affection.
Cette fois, les deux nobles semblèrent plus que surpris par cette proposition audacieuse. Mais finalement des plus réjouis par ce qu’elle impliquait. Galatius ajouta tout de même une condition avant de donner sa reddition.

Et plus de comportement scandaleux.
Bien entendu.
Et c’est ainsi qu’Autumn remporta une victoire aux accents doux amer.

Soren savait pertinemment que les deux guerriers chargés de le surveiller ne pouvaient rien pour alléger sa peine, inutile donc de les persuader de se rallier à sa cause. En soit, ce n'était pas son but, le jeune homme cherchait simplement à les amadouer, à la fois pour éviter de prendre plus de coups, mais aussi parce qu'il se tordait déjà les mains dans son dos pour tenter de se détacher sans se faire repérer. Sentant le silence revenir un peu trop vite, il reprit la conversation.

Du coup à votre avis, vous retrouver à me surveiller ici, ça fait de vous l'élite du groupe, ou le fond du panier ?
Un profond soupire indiqua à Soren qu'il risquait de devoir encaisser un coup, mais finalement, son aisance pour capter l'attention semblait avoir fait mouche après sa tentative de persuasion.
On ne donnerai pas à n'importe qui un criminel à surveiller. Surtout quand il est recherché.
Soren laissa échapper un petit rire.
Dans ce cas, ça fait de moi un invité de marque en quelque sorte.
Le second garde s'approcha et adressa un sourire narquois au jeune homme.
Je te trouve bien optimiste pour quelqu'un qui file tout droit à l’échafaud. Si j'ai bien compris, te livrer aux autorités, c'est signer ton arrêt de mort, si on en croit les affiches placardés partout en ville.
Le malandrin fixa le mercenaire sans faire disparaître son propre sourire, d'un regard plein d'une assurance feinte.
Ils ont essayé de m'y conduire une première fois, et pourtant je suis là, avec vous à tailler le bout de gras, ça semble valoir le coup d'être optimiste non?
Les deux gardes eurent un presque mouvement de recul lorsque Soren les regarda à tour de rôle, faisant sonner sa phrase presque comme une menace, ce qui eut don d'agacer l'un des deux guerriers qui arma son poing.
Espèce de...
Libérez-le !
Un grand silence tomba dans le sous sol alors que le capitaine Garrett venait d'y faire son entrée, les dents serrées et le regard haineux posé sur Soren. Comme s'ils n'avaient pas entendu, les deux sous-fifres restèrent immobile, ce qui sembla amplifier la colère du capitaine qui répéta plus fort.
Libérez-le, et plus vite que ça.
Mais patron vous.
On ne discute pas les ordres. Trancha finalement Garett.
Résilié à obéir, l'un des garde s'avança vers Soren pour détacher ses liens, sans un mot de plus. Lorsqu'il s'approcha, le jeune homme se releva de sa chaise, finissant de délier ses mains pour les lever devant lui avec un léger sourire avant même que le garde n'ait essayé de le libérer de ses entraves..
C'est bon, je gère, vous fatiguez pas.
Tire toi de là avant que je doive annoncer à ta protégée qu'il t'es arrivé malheurs en tombant de l'escalier.

Conscient que cette menace était à deux doigts de passer à exécution, Soren s'avança, passant à coté des hommes de main, toujours abasourdis par le tour de passe-passe du jeune homme. Lorsqu'il passa à coté du capitaine, son sourire disparut, bien que la satisfaction se lisait encore dans son regard.

Arrivé à l'étage, il prit une grande inspiration qui le mena à jurer dans sa barbe, rappelé à l'ordre par la douleur du coup qu'il avait encaissé dans le ventre. Jaugeant de ses blessures, le jeune homme cracha une petite quantité de sang qui avait gagné sa bouche à nouveau, se frottant ensuite la mâchoire elle aussi endolorie. Il ne perdit pas plus de temps malgré tout, prenant la direction des étages sans se soucier des regards de certain clients. Arrivé en haut, il hésita avant de progresser dans le couloir, préférant attendre un peu pour reprendre ses esprit. Il ne savait pas s'il pouvait se permettre d'aller simplement lui rendre visite, mais elle finirai bien par sortir.

Autumn s'était installée devant une petite table et patientait aussi calmement que possible, le temps que le capitaine Garett exécute les ordres qui lui avaient été donnés. Elle ne voulait pas penser à ce qu'elle avait dû faire et promettre pour en arriver là, mais elle se devait de sauver Soren, quoi qu'il lui en coûte. Par son inconséquence, elle avait failli le condamner, une erreur qu'elle paierait mais qu'elle refusait de lui faire porter. De fait, elle se mit à griffonner sur un carnet, fusain en main, afin de passer ses nerfs, mais elle n'eut pas à attendre beaucoup, car bientôt l'escalier qui donnait sur le couloir se mit à grincer. C'était le milieu de la nuit, et il y avait peu de chance pour que quiconque s'aventure dans cette aile de l'auberge, mis à part le principale intéressé. Etonnamment, Rosa n'était visible nulle part, et la jeune femme se dressa comme un ressort pour se précipiter vers la porte avant de chuchoter dans le couloir.

Soren ?

La voix de la jeune femme perça le silence avec douceur. Sans qu'il ne puisse le contrôler, Soren sentit son cœur battre plus fort dans sa poitrine. Il se retint de se presser cependant, comme si tout lui semblait trop facile. Après une brève hésitation, il s'avança vers l'endroit ou désormais une porte entrouverte laissait passer un filet de lumière. Gardant le pas léger, il arriva devant l'encadrement de la porte où il put trouver -non sans un certain réconfort- Autumn qui semblait l'attendre. Un timide sourire témoignant une certaine fatigue se dessina sur son visage.

Dame Dellinger...est-ce que ça va ?
Elle hocha la tête et l'invita rapidement à entrer, de peur qu'on les voit ensemble dans le couloir. Dans l'obscurité, elle ne distinguait pas bien ses traits, mais elle avait reconnu sa silhouette et se hâta d'ajouter.
Entrez vite...

Soren faillit lui demander si elle était sure d'elle en l'invitant à rentrer, mais son instinct tua cette considération dans l’œuf tandis qu'il s'avançait déjà dans la chambre, refermant doucement la porte derrière lui. Désormais seuls, tout deux semblèrent d'abord quelque peu hésitant avant de dire quoi que ce soit. Ce fut Soren qui fit le premier pas en parlant à voix basse, de peur d'être entendu. Malgré l'inquiétude et les blessures qui lui avaient été infligées, Soren trouva le moyen de sourire à sa protégée.

Je suppose que je vous dois cette libération soudaine n'est-ce-pas?
Elle le fixait avec une expression choquée. Elle avança finalement une main vers son visage, presque inconsciente de la question qu’il venait de poser.
Par la Providence, Soren, votre visage… Je suis tellement désolée…
La suite s’emballa dans son esprit tandis qu’elle sentait monter un nouvel élan de culpabilité et d’émotions.
J’aurais dû réfléchir… Je vous ai mis en danger… Je n’aurais pas dû…
Voyant que la jeune femme semblait submergée par la culpabilité, Soren posa une main sur chacune de ses épaules, toujours avec une certaine douceur. Il plongea ses yeux dans ceux de sa protégée et lui adressa un nouveau sourire
Vous n'avez rien fait de mal...Au contraire je...Je crois que vous avez fait ce que je n'aurais pas osé faire.
Malgré la douleur de sa joue, le contact de la fine main d'Autumn semblait le réconforter, il la laissa ainsi faire sans même esquisser un mouvement de recul. Elle secoua la tête vivement, tout en effleurant son visage, la mine soucieuse. Elle ne savait même pas comment aider dans ce genre de situation.
C’est si injuste…
Le contact de ses mains sur ses épaules l’apaisa un peu, réduisant la tension de ses muscles. Elle finit par tourner la tête en direction de la table.
Je ne sais même pas si j’ai de quoi vous soulager ici…
Soren massa fit rouler lentement ses mains pour apaiser encore un peu plus cette inquiétude qu'il lisait dans ses yeux.
Si vous avez un peu d'eau pour que je puisse nettoyer tout ça. Il se peut que ça apaise aussi la douleur...
Rappelé par la réalité, le jeune homme eut l'air soucieux à son tour.
Mais je ne veux pas vous attirer plus de soucis...peut-être devrais-je retourner en bas...Je
Il fut bien incapable de terminer sa phrase. Elle prit une de ses mains et l’attira sur le bord du lit pour qu’il s’y assoie. De l’eau, elle en avait. Elle devait bien avoir un linge propre pour sa toilette qu’elle pouvait utiliser pour nettoyer sa blessure.
Restez tranquille. Personne ne viendra nous déranger à cette heure… J’ai congédié Rosa.
Elle s’activa pour rassembler le nécessaire et s’assît à côté de lui pour passer le linge humidifié sur le coin de ses lèvres et sa mâchoire.
Soren grimaça de douleur lorsqu'elle frôla le coté de sa lèvre dont une partie avait été fendu par le coup, une blessure peu profonde mais douloureuse. Il la laissa faire cependant, s'autorisant à se détendre un peu en entendant que Rosa n'était pas là.
Elle finira par revenir voir comment vous allez, j'imagine qu'elle n'aimera pas me trouver ici. Mais après tout, elle ne fait que son travail...
Le visage d’Autumn de durcit à cette remarque. Elle ne pardonnait pas à Rosa et une nuit de sommeil n’y changerait rien. Elle tamponna avec précaution sa lèvre fendue.
Non, Soren. Elle nous a trahis, elle vous a dénoncé…. J’ai été négligente mais elle a été cruelle. Elle savait ce que vous risquiez et a tout de même donné l’alerte… C’est impardonnable.
Soren parut soudain pensif, mais aucune colère n'émanait de lui malgré l'injustice qu'il avait vécu
Elle se méfie de moi, et c'est bien normal. Après tout, vous ne me connaissez pas...Et même si vous semblez voir ce que d'autres ne voient pas, Rosa ressent le besoin de vous protéger des gens mal intentionnés...Ne la condamnez pas si vite, pas pour moi...
Elle laissa retomber son bras sur le lit, fixant Soren d’un air peiné.
Ne dites pas ça, Soren. Est ce si important que nous nous connaissions bien ? Votre vie a de la valeur. Ne faites pas comme si ce n’était pas le cas…
Les yeux du jeune homme se plongèrent dans ceux de la noble, l'air peiné qu'elle lui adressa lui fendit le cœur. Comme s'il souhaitait qu'elle s'adoucisse, ses lèvres s'étirèrent en un petit sourire, dans la limite de ce que sa lèvre fendue permettait pour qu'il ne souffre pas.
Ce n'est pas ce qu'elle pense de moi ni la valeur qu'elle accorde à ma vie qui m'importe....C'est ce que vous pensez de moi, et seulement vous.
Ce qui importe, c’est que vous quittiez cette ville sain et sauf, Soren.
Elle tentait de faire front face à la situation mais la journée avait été éprouvante.
J’ai fait mon possible pour que vous ne soyez plus inquiété… vous devriez vous reposer.
Comment avez-vous réussi à les faire changer d'avis ?
Cette question l'intriguait déjà depuis le début, ce n'était peut-être pas le moment, mais sa curiosité l'emportait. Elle souffla doucement tout en attrapant ses doigts avec délicatesse. Il lui faudrait y venir à un moment ou à un autre.
J’ai le pouvoir d’arrêter cette expédition. J’en ai usé. Et d’autre part, ce n’est pas le seul intérêt que me portent nos commanditaires.
Un frisson parcourut le dos de Soren alors qu'il interprétait déjà les propos de la jeune femme. La colère pouvait soudainement se lire dans les yeux du malandrin, une colère qui n'était nullement dirigé sur Autumn, mais bien sur les commanditaires de l’expédition.
Quel à été le prix de ma libération, ne me dites pas que...
Elle n’avait pas anticipé la colère qu’elle lut dans son regard. Elle chercha à l’apaiser en reprenant aussitôt.
Je me suis engagée à choisir l’un d’eux à la fin de ce voyage. En tant que fiancé.
Elle baissa ensuite les yeux, un peu honteuse sans savoir pourquoi. Comme si elle avait un peu trahi ce moment dans leur petit placard à balai. Je trouverai un moyen… j’ai acheté un peu de temps.
Désemparé par ce qu'il venait d'apprendre, le sourire du jeune homme avait dès lors complètement disparu, le laissant avec un étrange mélange de reconnaissance et de culpabilité.
- Il vous faut revenir sur vos engagement...je vais y retourner, je vais me livrer et trouver un moyen de partir, cela vous laissera libre de toute promesses...
il voulut bouger mais quelque chose le figea sur place, comme s'il ne se sentait plus capable de s'éloigner pour le moment. Elle saisit sa main avec plus de force, la mine plus résolue que jamais.
Vous n’allez rien faire pour ce soir. Entendu ? Vous m’avez dit d’improviser, c’est ce que j’ai fait. Le jeu sera terminé quand nous l’aurons décidé et je n’ai pas dit mon dernier mot. Mais ne ruinons pas ce que nous avons maintenant.
Le contact de la main d'Autumn dans la sienne l'apaisa peu à peu. Il laissa planer un léger silence, le temps de pouvoir voir la lueur de détermination qui luisait dans les yeux de la noble. Sans vraiment s'en rendre compte, il passa sa main libre sur le coté des cheveux de la jeune femme, dégageant en douceur une mèche rebelle.
Je vous aiderai s'il le faut, de quelque façon qu'il soit. A nouveau son expression devint plus lumineuse. Vous êtes aussi têtue que moi, si ce n'est encore plus.
Vous en avez déjà fait beaucoup. Et notre voyage n’est pas terminé.
Elle sourit en le voyant mon sombre.
Vous n’avez encore rien vu…
Elle pencha la tête en l’observant. Il se remettrait. Et il pourrait continuer son existence sans la menace qui planait au dessus de sa tête. Elle n’en était pas peu fière. Enfin le sourire revint sur le visage d'Autumn. Pendant un instant, il crut qu'il ne le reverrai plus tant la situation avait dégénéré, il continua son geste, tenant entre ses deux doigt la fameuse mèche de cheveux.
Je suis votre protecteur non? Alors il est hors de question que je ne vous aide pas à vous sortir de cette histoire, nous trouverons une parade, et vous resterez libre, comme vous devriez toujours l'être.
Elle sourit et frotta doucement sa joue contre sa main.
Mon statut et mon nom m’accordent bien des choses. Mais pas la liberté.Elle reprit d’un ton plus gai, ensuite. Cela étant ce qui ne nous est pas donné peut être emprunté à long terme non ?
Il se délecta de la douceur de la peau de sa protégée sous ses doigts, priant pour que ce moment dure un peu plus longtemps. Cette dernière phrase qu'elle lui adressa fut accueillie d'un petit rire discret.
Si vous le voulez, un jour à Claircombe, je vous montrerai que vous pouvez être libre, au moins le temps d'une soirée.
Voilà une proposition que je vais accepter et garder avec joie. Pour plus tard.
Elle saisit se main doucement et déposa un baiser dans sa paume comme on inscrit une promesse dans le marbre. Soren savait que tout ce qui se passait entre eux était interdit, dangereux et déjà banni par tout les membres de l'expédition. Pourtant, son cœur battant la chamade l'empêchait de réfléchir tandis qu'il sentait les lèvres de l'Amaranthis sur sa main. Lorsqu'elle rompit le contact, il s'avança en douceur pour lui voler ce qu'il espérait ne pas être leur dernier baiser.
Vous devriez vous reposer, demain la journée sera rude.
Elle sourit à son contact. La douleur et la peur de cette soirée ne l’avaient pas totalement privé de son audace. Elle n’en espérait pas moins. Elle lui rendit son baiser, qu’elle laissa perdurer quelques secondes salutaires de plus.
C’est vous qui avez été passé a tabac, c’est vous qui avez besoin de repos.

Dans le même temps, elle n’avait aucune envie de le congédier ni même de s’écarter de lui. Il ne restait que quelques heures à peine avant l’aube peut être même moins. Il avisa la banquette au coin de la chambre un instant avant de reporter son attention sur la jeune femme.

J'ai envie de dire qu'en tant que protecteur, je me dois de rester non loin, comme sur ce lit d'appoint. Mais j'ai peur de me faire étriper dans mon sommeil par Rosa, qu'en pensez vous?
La jeune femme regarda la porte puis en revint à Soren.
Il ne reste que quelques heures avant l’aube. Je considère que mon accord commence dès demain. Heureusement, il y a des clés sur ces portes.
Elle se redressa et alla fermer la porte à clé, laissant cette dernière dans la serrure. Si quelqu’un essayait de rentrer en usant d’une autre clé, la sienne tomberait par terre. Un bon signal d’alarme. Elle retourna vers le lit, satisfaite et s’étendît sur la courtepointe avant de tapoter la place à côté d’elle.
Il y a assez de place pour deux. Je prendrai la couverture et vous la courtepointe. Comme ça nous profiterons des oreillers tous les deux.

Soren observa la gestuelle gracieuse et féline de l'Amaranthis tandis qu'elle revenait vers le lit pour s'y installer. Hypnotisé, il mit un temps assez long avant de réagir. Lorsque finalement il parvint à se tirer de ses contemplations, le jeune homme se mit à rougir bêtement, un détail qui n'était que peu dissimulé par l'éclairage de la pièce. Il ne se fit pas prier cependant pour ôter ses bottes et tout ses équipements encombrant pour ne garder que les vêtements les moins encombrants, puis il s'installa doucement à coté de d'Autumn, plongeant à nouveau son regard dans le sien.

Je ne voudrais pas contrarier votre volonté, j'accepte donc votre invitation...Dit-il sur un ton assez léger
Elle commençait à faire la différence entre son ton léger et imperturbable et son émoi réel, trahi par le rouge de ses pommettes. Elle lui sourit en retour et se renfonça dans le lit qui grinçait en soupirant. Elle réalisa à quel point elle était fatiguée et pourtant elle faisait son possible pour ne pas succomber à l’épuisement.
Vous m’en voyez positivement ravie.
De nouveau perdu dans la contemplation, Soren remarqua l'épuisement qui s'emparait d'elle, faisant écho à la fatigue qu'il parvenait un peu mieux à contenir mais qui était bien présente. Lentement, le malandrin s'approcha d'Autumn pour passer un bras sous elle et l'autre au dessus, l'enlaçant avec tendresse contre lui. Son cœur battait toujours fiévreusement dans sa poitrine tandis qu'elle était désormais contre lui.
Merci de m'avoir tiré d'un funeste destin...
La teneur irréelle et invraisemblable de la situation le rattrapa soudain. Comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, il resserra très légèrement son étreinte.
Le contact était curieusement familier et encore plus agréable qu’Autumn avait pu l’imaginer. Elle soupira doucement une nouvelle fois, calant sa tête dans cette chaleur douce que diffusaient les bras de Soren autour d’elle. Elle n’avait plus froid ni ne souffrait de la tension dans ses épaules. Elle redressa le menton et posa ses lèvres sur les siennes et ferma les yeux tranquillement.
Je ne pouvais pas faire autrement…

Ce nouveau baiser diffusa une douce chaleur dans le corps de Soren qui se sentait isolé du monde l'espace d'un instant. Peut être que demain tout serai différent, Port-aux-échoués n'était pas un lieu dans lequel il pouvait s'autoriser trop de joie. Mais cette nuit, il s'arrêta de penser pour se concentrer sur le moment, s'imprégnant de chaque geste et chaque détail de ce moment de partage. Emportés par la fatigue, les deux jeunes gens s'endormirent enlacés l'un contre l'autre, apaisés et libres de tout ce qui pourrait les contrarier.
Autumn Dellinger
Autumn Dellinger
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Ven 27 Aoû - 12:00

Dans la fraîcheur matinale, l'agitation était de mise à l'entrée de la baie de Port-Aux-Échoués. Sous les ordres du capitaine Garett, les mercenaires préparaient les montures et vérifiaient les équipements indispensables à la sécurité du groupe. De l'autre côté, Octave et Galatius discutaient avec leur contact de la veille autour d'un nouveau chariot destiné aux provisions. Après l'expérience désagréable de l'attaque, il avait été convenu une séparation optimale et intelligente des ressources dans le convoi afin d'en limiter les pertes éventuelles.

Tout ce beau petit monde s'affairait à préparer l'expédition au plus vite, ce qui n'était pas pour déplaire à Soren, affublé de sa tenue de protecteur et de son couvre-chef, qui souhaitait quitter la ville au plus vite. Forcé à la discrétion, il tâchait malgré tout de se rendre utile, réalisant que l'information quant à sa présence n'était visiblement pas sortie de l'auberge. La milice de la ville ne semblait plus s'occuper des voyageurs, les laissant préparer leur convoi comme bon leur semblait. Le jeune homme gardait malgré tout un œil sur Autumn, respectant une certaine distance que lui imposait Rosa par sa simple présence.

Les deux jeunes gens s'étaient séparés aux aurores, laissant ainsi à Soren le temps de sortir discrètement de la chambre sans se faire remarquer et feindre avoir dormi ailleurs. Ils étaient ensuite restés relativement distants l'un de l'autre, pour le moment en tout cas.

Autumn regardait le monde s'agiter, de retour derrière sa petite lucarne qui filtrait une lumière grise et annonciatrice d'une journée morne sous les nuages. Elle était de retour du côté des spectateurs, de ceux qui observent mais n'agissent pas. Comme elle aurait aimé être parmi les hommes du convoi, à soulever des malles et des sacs de provisions. Tout lui paraissait plus enviable à cette vie de recluse. Elle n'avait pas pensé s'engager dans cette expédition pour faire partie des valises, comme un simple bagage utile qu'on trimballe d'un point à un autre. Pourtant voilà où elle en revenait. Même loin de Claircombe, elle en était réduite à ce rôle et toute son éducation, tout son savoir, tout l'esprit que lui avait insufflés son père n'y changeraient rien....

Elle se lamenta de la sorte un moment, perdue dans sa mélancolie, songeant à ce baiser perdu dans ce placard à balais, et cette nuit volée aux impératifs de la société. Cet élan de liberté avait été de courte durée, mais n'avait-elle pas dit elle-même que le temps imparti ne comptait pas ? Elle revivrait encore et encore ces moments dérobés, dans le secret de ses pensées. Puis elle se secoua, sous le regard peiné de Rosa. Elle ne leur laisserait pas l'occasion de la voir morose et abattue, comme une petite fille prise en faute. Évidemment, elle avait péché contre Providence, mais elle se sentait d'humeur profanatrice ce matin-là.

Elle redressa l'échine et le cou, quittant la lucarne du regard. Les paysages attendraient. Et du reste, elle ne parvenait pas à distinguer les contours du seul objet qui l'intéressait vraiment dans cette foule anonyme et bruyante. Elle posa son regard vert et froid sur Rosa, se transposant un instant avec le profil de sa mère.

— Rosa, mes carnets de croquis et mes fusains, je vous prie.

Soren ne se sentait pas l'envie de sourire non plus, ruminant la douceur des interdits pour atténuer la fraîcheur de l'extérieur qui le faisait frissonner. Resté à proximité de la voiture de sa protégée, le jeune homme avait aidé Gregor à sceller ses chevaux et atteler les bêtes avant de regagner le côté de la porte encore ouverte. Mis à part un bref regard à l'intérieur où il ne croisa malheureusement pas les yeux d'Autumn, il se contenta de se placer devant l'encadrement de la porte, appuyé contre l'emmarchement à scruter les alentours, reprenant ainsi les fonctions qui incombait à son rôle dans cette expédition.

Ils n'eurent pas beaucoup à attendre avant que le convoi s'ébranle, heureusement, et Gregor laissa une place à Soren en souvenir de la terrible journée qu'ils avaient vécue avec les nomades, quelque temps auparavant. Le voyage reprit en direction de l'ouest, à travers la Vallée de la Perdition, et le calme s'installant, Gregor se fit plus bavard avec le jeune homme, l'assommant de longs propos sur les chevaux, sa grande passion.

La tête ailleurs, le malandrin écoutait d'une oreille, fort heureusement, son nouveau compagnon de route n'avait pas besoin de relance pour se sentir loquace, car Soren n'aurait pas pu lui répéter grand chose ce que qu'il avait énoncé à propos de ses précieux canassons. La conversation l’intéressa soudain un peu plus lorsque Gregor changea subitement de sujet.
— Tu l'as vexée ? Demanda-t-il à voix suffisamment basse.
— Quoi ? De quoi tu parles ?
— La jolie dame, elle t'a jeté de la voiture et tu te retrouves sur le banc.
— C'est pas tout à fait...
Il s'interrompit dans ses propos, souriant avec une certaine amertume aux propos du cocher tandis qu'il constatait que cette fausse vérité était sans doute bien plus profitable à tout le monde.
— Ouai, en gros t'as visé juste, et me voilà sur le banc, comme tu dis.
— Au moins t'as une belle vue sur le paysage.
L'homme accompagna sa remarque d'une bourrade à laquelle Soren répondit d'un petit sourire. Croiser quelqu'un d'optimiste avait au moins tendance à adoucir sa morosité.

Autumn s'enferma dans ses croquis. Depuis toute petite, lorsque son père avait commencé à l'emmener avec lui dans son cabinet, elle avait commencé à singer ses cartes, et à dessiner mille lieux imaginaires, de mondes aux contours toujours neufs, aux reliefs inconnus et aux mille facettes qu'elle s'amusait à inventer. Un monde dans lequel elle serait libre. Elle reprit un ancien croquis qu'elle avait laissé entamé sur une des vastes pages de son carnet de dessin et en poursuivit les contours un moment, imaginant un vaste océan s'échouant sur les rivages brisés d'une côte arrachée par une main titanesque et invisible.

Elle y passa toute la matinée et ne prit qu'une tisane au déjeuner lorsque Rosa osa l'interrompre, et n'hérita en retour que d'un froncement de sourcils contrarié. Quand elle s'arrêta, le soir tombait et le convoi ralentissait. Les chevaux avaient besoin de repos et la nuit allait tomber, ils seraient contraints de dormir en dehors des murs d'une ville cette nuit, et ce n'était que le début. Elle se rendit compte soudain que les derniers contours du continent qu'elle venait d'imaginer avait le relief délicat du visage d'un jeune voleur aux mèches rebelles. Elle soupira et referma son carnet.

Le choix du terrain de campement avait été le sujet d'une longue conversation entre Garett et les commanditaires, préférant attendre d'avoir atteint un endroit suffisamment dégagé pour établir une surveillance, mais disposant également d'abris naturels autorisant des feux de camp sans risque de trop attirer l'attention. Le temps était resté gris toute la journée jusqu'à tard le soir, laissant apparaître le soleil seulement pour une ultime salutation avant que la nuit ne s'empare des lieux, créant un halo rosé sur la vallée qui, dans un autre contexte, aurait pu être idyllique.

Soren s'était activé à aider au dressage du camp, mais surtout à prendre soin des bêtes en compagnie de Gregor qui était pour l'heure l'une des rares personnes à qui il se sentait le coeur de parler. Certains mercenaires avaient été tolérants avec lui, notamment ses deux geôliers de la veille étonnement. Il ne s'était pas attardé à discuter avec eux, préférant écouter d'une oreille distraite les récits chevalins du cocher qui lui apprenait l'art de soigner une monture.

Lorsque tout fut installé, les nobles eux-même daignèrent sortir de leur voiture pour s'installer sur un espace de campement chichement aménagé pour eux autour d'un feu et d'une broche. Soren quant à lui était resté autour du foyer qu'occupait certains des gardes les plus conciliants et Gregor, non loin de là. Mâchonnant un morceau de viande un peu trop cuit, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de regarder en direction du campement des commanditaires, espérant y apercevoir une silhouette à la grâce féline qui ne s'était pas encore montrée.

Autumn se décida finalement à pointer le bout de son nez hors de la voiture, lorsqu'elle réalisa qu'elle avait terriblement faim. Des odeurs de viande et de légumes grillés parvenaient à ses narines et elle finit par sortir sous les instances de Rosa. De toute façon, Gregor aurait bientôt besoin que la voiture soit vide pour vérifier les essieux et les roues et s'assurer que la voiture serait en état de fonctionner le lendemain. Aussi, elle s'approcha du feu et salua poliment mais sans enthousiasme ses deux clients qui semblaient ravis de la voir se joindre à eux. Elle s'installa sur un petit banc et prit une assiette qu'on lui tendit, profitant des flammes plutôt que de s'attabler avec Octave et Galatius. L'un d'eux s'exclama :
— Eh bien madame, ne nous ferez vous pas le plaisir de votre compagnie, ce soir ?
Autumn redressa la tête et se tourna dans la direction de Galatius, gracieuse comme une statue de pierre :
— Navrée, messieurs, j'ai du travail. Je vous souhaite une agréable soirée.
Elle tira de côté un calepin pour faire bonne mesure et l'installa à côté d'elle tandis qu'elle entamait son assiette. S'il le fallait, elle était prête à retourner dans sa voiture. Mais les nobles parurent pris de court et ne répliquèrent pas. Elle fut fort satisfaite de voir son éducation si bien la servir et ignora tout bonnement ce qui ne concernait ni son repas ni son calepin.

Il l'avait suivie du regard, magnétisé par la vision de sa démarche souple et élégante tandis qu'elle approchait des nobles. En la voyant s'installer près du feu, il resta longuement figé dans sa contemplation. Il souffla du nez presque inconsciemment lorsque Gregor lui tapa sur l'épaule une nouvelle fois pour le tirer de ses rêveries, sans parvenir pour autant à lui faire tourner les yeux.
— Pourquoi tu vas pas la voir ?
Soren émit un petit rire sans joie, comme si la réponse était évidente pour tous.
— Ma place est pas là-bas.
— T'es pas son garde du corps? Tu devrais songer à faire ton boulot avant de te faire remonter les bretelles, dit-il en raillant le jeune homme avec une voix pleine de sous-entendue et en lui tendant une bouteille d'un alcool non identifié

Le malandrin se brûla la gorge avec cette liqueur que certains auraient qualifiée d'infecte, une bonne rasade pour calmer cette frustration qui l'empêchait de sourire. Puis il se leva en silence, rendant la bouteille à son propriétaire après lui avoir posé une main amicale sur l'épaule, sans un mot. Il prit alors la direction du feu de camp, serpentant doucement entre les regards indiscrets sans se faire remarquer. Mais alors qu'il s’apprêtait à entrer dans la lumière, Rosa arriva aux côtés d'Autumn pour lui dire quelque chose qu'il n'entendit pas, surement une banalité de servante. Poussant à nouveau un profond soupir, le jeune homme se ravisa et tourna le regard vers le chariot de provision dont il avisa la toiture en dur. Habilement, il grimpa l'essieu pour monter sur ce promontoire et s'asseoir, reprenant sa contemplation silencieuse avec un peu plus de tranquillité et toujours cette irrésistible envie de recouvrir les derniers mètres le séparant de sa protégée.

Autumn mangea dans le calme et la solitude la plus totale, jusqu'à ce que Rosa lui propose de rentrer pour un brin de toilette. La jeune femme la congédia simplement, estimant qu'elle pouvait s'occuper d'elle-même, ce qui tira une nouvelle moue à la gouvernante  désœuvrée.
— Si vous avez besoin de mon aide pour vos cheveux, dites le moi.
— Je n'aurai plus jamais besoin de votre aide, Rosa. Je vous garde seulement pour ne pas vous livrer à vous même dans la nature.
Le ton était tranchant et sans appel et la vieille gouvernante en resta interdite, avant de détourner les yeux, le regard brillant. Elle fit demi-tour et retourna dans l'obscurité d'où  elle était venue. Autumn souffla du nez pour se calmer, la mine revêche. Quelque chose en elle avait frémi en sentant Rosa se décomposer, mais la colère était trop vive encore, et elle se contenta de donner un coup de fourchette rageur dans son assiette.

Soren eut une moue à la vue de cet échange qu'il n'entendit pas. Perché sur son promontoire, Rosa ne le remarqua pas en passant à côté de lui. Poussant un profond soupir, il ne put s'empêcher de l'interpeller, sans faire d'excès de voix et sans descendre de son perchoir cependant.
— Elle ne comprend pas ce que vous avez fait, mais elle finira par l'accepter.
Rosa sursauta, et porta une main sur sa poitrine avant de froncer les sourcils en apercevant Soren.
— Comment osez-vous ? Dame Dellinger était une jeune personne aimante avant votre venue...
Elle secoua la tête néanmoins, l'air peiné, et finit par s'en retourner vers la voiture qui était dédiée à sa jeune maîtresse.

La peine qu'il lut dans le regard fuyant de la vieille servante lui noua l'estomac au moins autant que ses paroles. Finalement, n'y avait-il pas un fond de vérité dans les propos de Rosa ? Soren en était venu à se poser cette question, s’agaçant encore plus. Il sauta alors de son perchoir et s'avança de quelques pas vers la noble solitaire, arrivant de côté. Il s'arrêta à distance raisonnable pour ne pas attirer l'attention plus que cela sur lui.

— Dame Dellinger, avez-vous besoin de quelque chose ? s'enquit-il pour avoir une bonne raison de lui adresser la parole si Rosa se décidait à revenir.

Elle tressaillit légèrement en entendant sa voix. Plongée dans ses pensées moroses, elle n'avait pas entendu son pas léger dans l'obscurité. Finalement, le bonheur de l'apercevoir faillit lui tirer un sourire qu'elle réprima quelque peu, de peur d'être observée depuis la table de ses commanditaires. Elle hocha la tête doucement, le regard rivé sur celui qu'elle avait vu dans son esprit une bonne partie de sa journée.

— Pourriez-vous m'apporter une couverture ? La nuit tombe et il fait frais...

Aussi fugace qu'ait été ce début de sourire, le jeune homme l'avait entrevu, sentant son tumulte mental se tempérer quelque peu. Il peina à décrocher son regard des yeux d'émeraude qui le fixaient à la lueur dansante des flammes. Fort heureusement pour lui, l'aigreur que lui procurait toute cette situation était sûrement dissimulée dans les ombres où il se tenait, du moins, il l'espérait. Après avoir laissé passer un court silence, il reprit.

— Je vous apporte cela, voulez-vous mon veston en attendant ? Bien que je n'en aie pas pour longtemps...

Intérieurement, Soren se maudit de proposer de telles choses dans un contexte comme le leur, mais tant pis, il avait parlé sans réfléchir… Elle hocha de nouveau la tête, instinctivement et tendit la main.

— Je vous remercie, Soren…

Sans attendre, le jeune homme ôta son manteau et s'approcha d'un pas de plus. Il hésita un bref instant devant elle, et puis… au diable les convenances, le jeune homme ne donna pas le vêtement à Autumn, avec douceur, il passa le bras à demi tendu de la noble dans la manche du veston pour accompagner le mouvement et faire de même avec l'autre bras. Comme s'il savait qu'il provoquait un peu trop pour les yeux indiscrets pouvant flirter sur eux, Soren s'éloigna sans traîner, il se retourna une dernière fois.

— Je vais quand même vous chercher votre couverture, je ne voudrais pas que vous attrapiez froid.

Après un ultime regard, il finit par faire volte-face et se diriger vers la voiture d'Autumn pour lui trouver ladite couverture. Elle avait profité de ce court instant où ils avaient été si proches, sans bouger, appréciant seulement le déplacement de l’air autour d’elle, la présence de celui dont on la privait et qui de fait, devenait essentiel à un jeune cœur intransigeant. Elle sourit pour elle même en remontant ce col qui sentait son odeur, s’en imprégnant quelques instants fugaces puis une idée lui vint. Elle griffonna quelque chose au dos de la carte qu’elle avait mis la journée à dessiner et qui ressemblait si bien au profil du jeune homme et y rédigea rapidement une petite note, sans même songer que le jeune homme ne pourrait certainement pas la lire. Elle arracha discrètement le dessin de sa page, le roula et le plia avant de le glisser dans la poche de son manteau, là où ses mains ne manqueraient pas de se glisser une fois le froid de la nuit venu.

Dans la nuit, Soren se fit discret, car il n'avait envie de parler à personne d'autre que celle avec qui il ne pouvait échanger que quelques banalités. Il arriva assez rapidement au niveau de la voiture et posa un pied sur la marche pour passer la tête dans la voiture, en quête de la couverture de sa protégée. Il resta cependant un moment interdit dans l'encadrement de la porte en voyant Rosa, assise dans l'ombre, ne daignant même pas lui adresser un regard. D'abord conscient que lui parler serait une mauvaise idée, il s'avança dans la voiture pour récupérer la couverture en silence. Lorsqu'elle posa un regard noir sur lui, Soren se figea et poussa un petit soupire.

— Je ne vous embête pas plus longtemps Rosa, je viens juste chercher ça...

— Évidemment, tout ceci n’a rien d’un prétexte… répondit-elle d’un ton aigre.

— Un prétexte pour quoi, selon vous ?

Elle soupira, de guerre lasse.

— Je ne suis pas dupe de vos manigances, jeune homme. J’ai été jeune et amourachée tout comme vous à votre âge. Mais tout ceci n’aura pas une fin heureuse et si vous étiez un tant soit peu plus malin vous renonceriez à cette folie.

Le visage de Soren se teinta d'une certaine colère, mais il garda une attitude très calme malgré tout avant de s'avancer pour s'asseoir en face de la vieille servante.
— Oubliez-moi une seconde Rosa et pensez à vous un peu, pour une fois.

D'un geste vif mais précautionneux, il posa la couverture sur les genoux de Rosa

— Votre maîtresse dame Dellinger a froid, elle a besoin d'une couverture. Sachant quel allait être la remarque suivante, Soren reprit avant qu'un mot ne lui soit adressé Oubliez ce que je suis à vos yeux un instant, et dites lui que je vous ai demandé de lui apporter, j'ai bon espoir qu'elle ne vous congédie pas si durement cette fois.

La servante fut indéniablement surprise par sa proposition.

— Qu'essayez vous de faire, malandrin ? Obtenir ma clémence ?

Soren eut un air presque attristé de devoir encore prouver sa bonne foi, mais son visage s'était malgré tout adouci.

— Rosa... S'il vous plaît, allez lui porter cette couverture avant qu'elle n'attrape froid, et allez-y de ma part, juste cette fois.

La vieille gouvernante bougonna et choisit de s’exécuter non sans une dernière remarque qui manquait d’acidité toutefois.

— Et n’allez pas mettre vos pattes dans les malles, je le verrai s’il manque quelque chose !

Elle ne remarqua pas le sourire de Soren tandis qu'elle se précipitait déjà vers sa maîtresse. Le jeune homme resta une petite minute dans l'ombre de la voiture avant de sortir à son tour, prenant une grande bouffée d'air frais. Très lentement ensuite, il reprit la direction du centre du campement, afin d'avoir de nouveau une vue discrète mais lointaine sur celle qui occupait ses pensées depuis leur départ

Quelle ne fut pas le désappointement d’Autumn quand elle aperçut Rosa au lieu de Soren. Une fois de plus le cerbère avait frappé…

— Eh bien quoi désormais ? Soren n’a même plus le droit d’apporter une couverture ?
La vieille servante posa celle-ci sur le banc à côté d’elle en inclinant la tête.

— Non, c’est lui-même qui m’envoie.

Autumn en resta bouche bée un instant, ne sachant que penser. Le jeune homme essayait il de lui faire passer un message ? Soudain elle comprit à l’air penaud de Rosa que Soren essayait tout simplement de les rapprocher. Elle soupira puis ôta la veste sur ses épaules avant de lui tendre avec une once de regret.

— Rendez lui sa veste voulez-vous ? Il est capable de passer la nuit à grelotter si je ne le fais pas…

Le ton de sa voix s’était radouci et Rosa retrouva un demi-sourire avant de prendre la veste.

— Je veillerai à ce qu’il la récupère, ma dame.

Soren s'était adossé à un râtelier, bras croisés, contemplant silencieusement les expressions corporelles des deux femmes. Il ne vit pas le visage d'Autumn à ce moment, mais la lueur d'espoir dans les yeux de Rosa le fit sourire. Il observa alors la servante se relever et reprendre la direction de la voiture. Elle manqua de passer à côté de lui sans le remarquer, mais il l'interpella une nouvelle fois alors qu'elle allait le dépasser en tendant devant elle son bras tenant une pomme.

— Promis, je n'ai emprunté qu'une seule pomme dans la réserve, et rien de plus. J'espère que vous ne m'en voudrez pas.

Elle roula des yeux. Une fois de plus, il avait failli lui causer une crise cardiaque. Elle lui remit sa veste un peu brusquement mais sans réelle hostilité.

— Mangez une pomme si vous voulez mais cessez d’apparaître dans les recoins sombres, je vais finir par y laisser mon palpitant !

Le jeune homme ramena son bras tout en récupérant son manteau. Il ne sut si c'était son imagination, mais il crut voir une once de douceur dans le regard de la vieille servante. Lorsqu'elle fut repartie, il enfila son manteau à nouveau, bien que la fraîcheur ne l'atteigne pas encore. Bien entendu, le doux parfum de la jeune femme s'était immiscé dans le tissu de son vêtement, lui laissant un agréable sentiment de confort tandis qu'il restait immobile contre son râtelier, à regarder au loin. Il ne fallut pas longtemps avant qu'il ne plonge ses mains dans ses poches pour se protéger des premières fraîcheurs. Sa main vint à la rencontre du feuillet rapidement, objet inattendu qu'il sortit sans traîner, le tenant entre ses doigts pour l'observer de plus près. L'odeur que portait le papier ne trompait pas, si bien que Soren le déplia avec une infinie précaution. Il tomba d'abord sur le dessin qu'il observa avec attention, sans même se rendre compte de la similarité avec son propre visage. Tout en mangeant distraitement cette pomme empruntée à long terme, il contempla un instant la souplesse des traits, la douceur des dégradés, la précision des gestes, tant de détails qui soulignaient des choses qui lui donnaient envie de retourner auprès de sa protégée.

Après quelques minutes de contemplation distraite, il retourna la feuille pour y découvrir la note...se maudissant de ne pas savoir lire. Le besoin de connaitre les propos rédigés au dos de ce croquis devint une priorité. Sans attendre, le jeune homme se dirigea vers le feu de camp ou Grégor semblait encore monopoliser la conversation avec les trois gardes les plus agréable du cortège -selon Soren-. Avec un peu de chance, l'un d'eux saurait lire le contenu dudit message...

Gregor était occupé à vanter la qualité de ses cheveux d’attelage et de ses projets de monter une écurie digne de ce nom quand il aura réuni assez d’argent pour le faire. Il sourit au jeune homme et lui tendit une écuelle qui traînait près de leur feu.

— Ah voici notre joli cœur ! Je t’ai gardé une écuelle gamin !

Soren ne put s'empêcher d'esquisser un sourire, adouci par les récents évènements.

— Merci, je dois avouer que je crève la dalle… Il hésita avant de reprendre. Dis-moi, Gregor, tu sais lire ?

Gregor secoua la tête.

— Non mon vieux m’a appris les chevaux mais lire, il savait pas.

Soren claqua sa langue dans sa bouche de frustration avant de s'asseoir sur la caisse en bois qui lui était attribuée comme siège. Il releva la tête ensuite vers les gardes qui visiblement se sentaient un peu soulagé que Gregor ait fait une pause dans son récit.

— Et parmi vous...? Y'en a un qui sait ?

Avec un sourire goguenard, un garde s’avança, ayant l’âge de Soren à peu près.

— Moi j’ai appris, mes vieux voulaient que je devienne prêtre…

Les autres se mirent à rire.

— Vas-y montre moi !

N'ayant aucune idée du contenu du message, Soren hésita un petit moment et évita de se moquer du jeune homme et de sa vocation. Il lui tendit la lettre timidement, perdant soudain un peu de son assurance, tout en le remerciant silencieusement. Le jeune garde prit le papier avec un sourire en coin puis il sembla quelque peu déçu du contenu du message. Rien de très croustillant mais il finit néanmoins par ricaner.

— C’est un rencard ou je m’y connais pas ! Ça dit : « Retrouvez moi à l’orée du campement lorsque la lune sera levée. »

Il ricana de nouveau puis lui rendit son papier.

— Elle aurait pu donner des détails…

Un frisson parcourut l'échine de Soren qui s'efforça de rire avec ses compagnons de campement pour ne pas laisser le rouge lui monter aux joues, récupérant le papier pour le ranger avec une infinie précaution qui n'échappa pas à tout le monde.

— Elle en a donné bien assez, merci de m'avoir aidé.

Gregor lui envoya une bourrade si brusque dans l'épaule que le jeune homme laissa échapper un souffle sous le choc.

— Je sais pas ce que tu lui as fais, mais visiblement elle peut plus se passer de toi !

Cette fois les rires gras vinrent de tous les partis présents autour du feu, se moquant du jeune homme dans une ambiance somme toute assez détendue qui atténua les songes du jeune homme. De toute façon, même s'ils avaient fait preuve de méchanceté, Soren n'en aurait eu rien à faire, tant son esprit était déjà ailleurs. Ses yeux se levèrent vers le ciel pour y constater que la lune n'était pas encore présente, le rendant tout à coup impatient. Il laissa la conversation reprendre les sujets initiaux sans quitter le groupe, mais sans parler non plus. Les jambes agitées, il réalisa qu'une certaine inquiétude le gagnait tout à coup. Il passa sa main dans sa barbe puis détailla ensuite les plis de ses vêtements, comme s'il était soudainement important pour lui de bien paraître. Gregor s'interrompit dans son récit pour s'adresser à lui alors même qu'il ne semblait pas s'intéresser une seconde au malandrin.

— Rassure toi gamin, t'es beau comme un cœur, n'en fais pas trop !

Cette fois, Soren ne put que rougir et arborer une moue boudeuse avant de sourire aimablement.

— Occupe-toi donc de tes oignons ! Mais dis-moi, tu nous as pas raconté comment ni où est-ce que tu pensais ouvrir ton ranch, dis nous donc !

Tombé promptement dans la piège du jeune homme, Gregor se lança dans un nouveau récit avec un engouement certain. Le jeune homme eut un sourire un peu moqueur tandis que les gardes le regardaient avec une fausse colère dans le regard pour avoir relancé l'infatigable cocher.

Autumn remua doucement dans la tente dressée à son attention. Rosa non loin ronflait déjà, épuisée par le voyage et peut être la petite tisane qu’Autumn lui avait proposée. Rosa dormait systématiquement ensuite. Autumn remit en place quelques mèches éparses autour de ses épaules et ajusta sa chemise avant de sortir discrètement, usant des mêmes ruses que son amant lui avait enseignées. Elle se faufila jusqu’à la sortie du camp sans trop de difficultés, à proximité d’un petit bosquet naturel.

Soren était arrivé un peu en avance aux abords du camp en redoublant de discrétion, trop impatient pour observer l'apparition de l'astre lunaire sans se rendre sur place. Pendant un instant, il s'imagina qu'elle ne viendrait pas, qu'elle s'était ravisée et qu'il attendrait ici bêtement pour rien. Précautionneux, le jeune homme était allé vérifier que personne ne furetait dans le coin, notamment dans le bosquet. Dissimulé même des rayons de la lune par les branchages épais des arbres isolés, le jeune homme vit alors une silhouette se dessiner dans les ombres. Reconnaissable entre mille, elle semblait percer l'obscurité avec la grâce d'une créature mystique. Elle ne remarqua pas le jeune homme immobile qui s'était perdu à nouveau dans une contemplation silencieuse. D'une voix douce, il brisa le silence, parlant suffisamment fort pour qu'elle l'entende, mais assez faiblement pour qu'elle soit la seule.

— Est-ce bien prudent de sortir du camp sans votre protecteur ?

Le jeune homme sortit en douceur du bosquet pour se révéler à vue, un sourire plus que sincère peint sur le visage.

Elle ne sursauta pas cette fois-ci mais elle avait le cœur battant comme lorsqu’ils s’étaient retrouvés seuls dans le placard à balais. Sauf que cette fois ils étaient en pleine nature et que personne ne viendrait briser leur moment. Elle s’approcha à pas furtifs en essayant de ne pas accrocher ses cheveux dans des branchages épars. Elle finit par le rejoindre sans trébucher. C’était malgré tout assez périlleux sans autre lumière que la lune qui perçait à travers les nuages.

— Je me demandais justement où il était… ne devrait-il pas se trouver près de ma tente ?

S'il avait dû répondre à cette question, il aurait pu effectivement justifier qu'il s'était placé non loin de la tente de la noble pour somnoler, gardant ainsi un œil sur sa protégée. La seule chose qui l'avait dévié de sa mission était cette invitation, ainsi, Soren s'amusa de la situation en s'approchant lui aussi lentement d'Autumn, les yeux rieurs accompagnant son sourire.

— Il n'est jamais bien loin, croyez-moi...

Il resta soudainement figé devant elle, à nouveau tétanisé par cette timidité qui n'était pas coutumière chez lui. Elle lui sourit finalement et approcha doucement une main de son visage comme pour s’assurer de sa substance dans cette obscurité envahissante. Autumn se rapprocha encore un peu.

— Je n’en doute pas.

Elle ajouta :

— Et vous avez trouvé mon message.

Le contact de la main d'Autumn le fit frissonner, lui faisant réaliser à quel point il ressentait le besoin de passer du temps près d'elle. Un instant, il se demanda comment tout avait pu basculer ainsi, comme en témoignait son cœur qui tambourinait dans sa poitrine. Il contint cette irrépressible envie de l'embrasser pour lui répondre.

— Je l'ai trouvé oui...mais je...je...il toussotta un instant avant de passer sa main dans ses cheveux de gêne. Je sais pas lire à vrai dire...heureusement, je n'ai pas que des ennemis ici.

Elle parut surprise puis se morigéna intérieurement.

— Je l’ignorais…

A vrai dire, elle ignorait presque tout de lui.

— Je pourrais vous apprendre.

Mais là encore c’était une proposition qui semblait compliquée à mettre en œuvre. Pas que la difficulté retienne spécialement Autumn. L'intention allait au-delà de la réalité, si bien que le jeune homme acquiesça d'un hochement de tête en plongeant son regard dans celui d'Autumn.

— Si cela me donne une raison de passer plus de temps avec vous… alors avec plaisir.

— Nous trouverons un moyen. Je pourrais avoir besoin de communiquer avec vous… discrètement.

Elle pencha la tête avec un brin de malice.

— Est ce trop demander à mon protecteur de me donner un baiser ?

C'est une vague de chaleur qui s'empara de Soren cette fois tandis que les paroles de sa protégée lui résonnaient dans la tête comme une douce mélodie.

— Comment pourrais-je vous refuser une telle requête.

Lentement, le jeune homme prit le menton d'Autumn entre ses doigts et approcha son visage du sien pour y déposer un tendre baiser, joignant leurs lèvres avec une délibérée lenteur pour se délecter de chaque instant. Elle sourit en lui rendant doucement son baiser. C’était toujours la même sensation enivrante, seulement moins inédite que la première fois. Néanmoins, il s’était créé un besoin, une envie qu’elle ne contrôlait pas. Elle glissa ses bras sous sa veste pour partager sa chaleur et prolonger leur étreinte.

Il l'enlaça de ses bras à son tour, tout en se délectant du contact de sa protégée. Leurs corps s'attirèrent irrémédiablement, accompagnant un baiser qu'ils semblaient promettre de faire durer pour une petite éternité. Une des mains du jeune homme passa sous la chevelure de la jeune femme pour se loger dans sa nuque tendrement tandis qu'il ressentait ce besoin de contact devenir presque maladif. Dans le secret de ce bosquet, rien ni personne ne leur dictait leur conduite, ce moment leur appartenait.
Presque à contrecœur, ils mirent fin au baiser. Dans l'obscurité, seuls certains traits de lune laissaient entrevoir les visages des amants, un aperçu suffisant pour eux qui avaient déjà gravé l'image de l'autre dans leur tête. Soren caressa lentement la joue d'Autumn en souriant.

— Vous êtes si belle...

Elle ne pouvait s’arrêter de lui sourire, ni s’empêcher de loger sa joue contre sa main.

— Avec cette nouvelle coupe de cheveux, vous n’êtes pas mal non plus… je me demande qui en a eu l’idée…

Il laissa échapper un petit rire en remuant ses cheveux d'un petit mouvement de tête

— Je dois admettre que vous avez du goût et qu'un petit rafraîchissement n'était pas de trop.

Elle acquiesça le plus sérieusement du monde :

— Je trouve aussi…

Et elle se dressa à nouveau sur ses pieds pour lui dérober un baiser. Elle oubliait déjà les contrariétés des dernières heures, et la frontière que le monde voulait ériger entre eux. Il sentait sa morosité fondre comme neige au soleil à chaque contact renouvelé tandis que les baisers devenaient entêtants. Une main se posa délicatement sur la hanche de la noble alors qu'il prolongea l'échange en rendant le contact de leurs lèvres plus fiévreux, poussé par le désir qu'elle lui évoquait. Elle ne comptait plus le temps, se laissant étreindre de ce désir nouveau pour ce beau jeune homme au cœur si bon. Qu’en serait-il du lendemain et du jour d’après ? Elle n’en savait rien mais elle s’en moquait.

Les mains du jeune homme partaient à la découverte du corps d'Autumn lentement, sans pour autant passer certaines barrières du convenable. En revanche, les dictâts Ascaniens sur le comportement amoureux s'en retrouvaient bafoués, encore plus lorsque Soren laissa glisser ses baisers dans le cou de son amante.

Leur échange s’enflammait à mesure que les corps se liaient, c’était indéniable. Et Autumn se laissa guider sur cette pente dangereuse avec toute la fougue de son être, grisée par son propre emportement. Il ne savait si cela allait s’arrêter, ou quand tout allait s'arrêter, mais une chose était sûre, il ne le souhaitait pas. L'ardeur et la passion se mêlaient à la douceur, créant un doux mélange d'émotions dont Soren se nourrissait à chaque seconde, égaré dans l'addiction de cette personne qu'il ne connaissait pas il y a quelque jour de cela. L'interdit de leurs actes n'existait plus. Le jeune homme se redressa pour retrouver les lèvres de la jeune femme et l'embrasser bien plus langoureusement, enivré d'un désir devenu difficile a réprimer.

Tout cela risquait de dégénérer sérieusement mais Autumn n’en avait qu’une conscience imparfaite et du reste, quand elle était avec Soren, elle était dans un état second où elle était à la fois entièrement elle même et totalement à la merci de ses propres désirs qui brisaient toute volonté d’arrêter le jeune homme ou de contrôler ses mains qui parcouraient sa nuque et son dos, alors qu’ils s’agrippaient fiévreusement l’un à l’autre.

Ils finirent par s'écarter l'un l'autre, non sans rester enlacés, simplement comme si leurs yeux cherchaient le contact mutuel. Soren reprenait son souffle devenu haletant et plongeait son regard dans celui d'Autumn, reprenant des gestes tendres dans cette épisodique stase. Son regard trahit une inquiétude, l'espace d'une seconde.

— N'allez-vous pas regretter tout ce que nous faisons ?

— C'est moi qui vous ai invité ici, vous vous souvenez...? répondit-elle d'un sourire malicieux et tranquille, pourquoi aurais-je des regrets ?

Elle semblait tout à coup plus soucieuse, prenant mesure de l'inquiétude du jeune homme.

— Parce que les regrets arrivent le plus souvent lorsque l'on prend des décisions hâtives...

Soren prit délicatement les mains de la jeune femme pour les loger dans chacune des siennes

— Ironiquement, mauvais choix ou pas, je serais prêt à répéter les mêmes erreurs encore et encore pour vous.

Elle inspira pour tenter de se donner raison et reprendre le fil de la logique. Ce qui était difficile lorsqu’elle se tenait là, dans ses bras.

— Je ne sais pas si nous prenons les bonnes décisions. Il est probable que non… mais j’ai moi aussi envie de commettre cette erreur… encore et encore.

Elle sourit en coin et poursuivit.

— C’est la première fois de mon existence que je peux faire quelque chose de mon propre chef, et décider pour moi-même.

Le visage du jeune homme s'illumina d'un nouveau sourire, faisant disparaître ses airs soucieux avant de lui voler un fugace baiser, à peine un effleurement, reprenant juste ensuite le contact visuel

— Alors profitons de cet instant de liberté qui vous est offert, Autumn.

— C’est la première chose sensée que vous dites ce soir, Soren.

Elle lui sourit avec toute l’ardeur de sa jeunesse et son envie de vivre.

— Détrompez-vous, lorsque je constatais votre beauté, je faisais déjà preuve de bon sens.

Lentement, les mains de Soren désertèrent celle de la noble pour glisser sur ses hanches. Puis, d'un geste vif, le jeune homme plia les genoux pour soulever de terre la jeune femme et la ramener contre lui. Elle laissa échapper un petit rire à sa capture soudaine, et passa ses bras autour de son cou pour y trouver un nouvel appui.

— Est-ce un enlèvement ?

Toujours électrisé par chaque contact renouvelé, Soren souriant à son amante avant de lui déposer un baiser dans le cou.

— Possiblement… ou un emprunt à long terme… Allez-vous me dénoncer à la garde ?

— Vous savez bien que telle est ma faiblesse… je ne vous dénonce jamais.

Elle déposa à son tour un baiser contre sa mâchoire.

— Vous allez finir par avoir des crampes….

Après un petit rire, Soren avisa un rocher volumineux, visiblement bien ancré dans le sol et s'en approcha. Habilement, il pivota pour s'asseoir, permettant ainsi à la jeune femme de s'installer contre lui sans avoir à descendre de ses bras.

— Vous n'êtes pas si lourde, mais il est vrai que c'est bien plus confortable ainsi.

Sa main gauche était de nouveau partie caresser le dos d'Autumn tandis que l'autre reposait sur une de ses hanches, facilitant le maintien contre lui. Elle trouva l’endroit et la posture toute à son aise et le gratifia d’un nouveau baiser.

— Nous pourrions passer la nuit ici… personne ne viendra nous chercher tant qu’on ne fait pas de bruit…

Soren avisa les alentours avant de reporter son attention sur elle. et effleurer sa joue du dos de ses doigts.

— Tout dépend de si l'on vient vérifier que vous passez une bonne nuit ou non...mais cette idée me plait.

— Je doute que quiconque vienne dans ma tente avec Rosa en cerbère. Et la nuit est claire… ça ne durera peut-être pas.

— Vous avez raison, ça ne durera peut-être pas...

L'amertume de sa phrase créa à nouveau ce besoin de rapprochement, alors Soren enlaça la jeune femme, plus passionnément encore, la tenant contre lui comme si c'était la dernière fois.

— Je serai vôtre cette nuit, si c'est ce que vous souhaitez.

Elle frissonna sans que la brise fraîche y soit pour quoi que ce soit.

— Personne ne m’a jamais été aussi dévoué…

Soren ne savait pas ce qu'il faisait, mais en soi, il s'en fichait, seul comptait ce moment, éphémère ou éternel, interdit mais nécessaire. Tant pis pour les conséquences, il irait ou le guidait son cœur, une nouvelles fois jusqu'aux lèvres de la jeune femme, jusqu'à ce qu'il ne l’entraîne à nouveau dans son élan passionné et fiévreux, faisant gagner leur échange en intensité. Elle répondit au feu par le feu, entraînée volontaire dans cet élan de passion juvénile et sans autre arrière pensée que vivre cet instant, oubliant déjà les errements qui avaient failli condamner Soren à Port aux Échoués.

Perdus dans cet interstice temporel qui leur était offert, les passions s'harmonisèrent pour les couper du monde. Soren découvrait le corps de son amante et s'offrait aux mains de celle-ci. Leurs souffles se mêlaient régulièrement dans d'ardents baisers. Le rocher étant assez grand pour deux, ils s'allongèrent dessus comme s'il s'agissait du plus confortable des lit, rendant ce moment inoubliable. Le jeune homme brûlait de désir et sentait un retour de flamme à chacune de ses ardeurs. Les gestes s'étaient fait plus précis, plus insistant et plus interdit des deux côtés, ultime pied de nez à tous ces principes qui les empêcherait sûrement de revivre tout ça une seconde fois.

La nuit offrit sa protection aux deux amants qui se découvraient à la faveur des astres, sans le jugement du ciel ni les entraves des hommes. Autumn se laissa griser par ses sens autant que cet instinct primitif qui la poussait vers Soren et en qui elle remettait toute sa confiance. Le temps n'avait pas besoin de faire son œuvre, elle savait qui il était et noyée dans son regard, elle lui donna son innocence et son corps jusqu'à ce que l'aube les sépare.

Soren Grim
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Jeu 16 Sep - 1:34
Comme si le ciel accordait soudainement sa clémence, la mâtinée vit apparaître au loin les premiers rayons de soleil, réchauffant rapidement le large espace ouvert qu'était la vallée dans laquelle le convoi avait établi un campement. Il n'avait pas fallut longtemps pour que les plus matinaux d'entre tous ne s'extraient de leurs tentes pour chercher de quoi prendre un petit déjeuner au coin des dernières volutes de fumées des feux de camp. Parmi eux, les plus courageux avaient prit le temps de nettoyer leurs armes et équipements dès le réveil.

Soren émergea assez tôt également, sans vraiment avoir dormi après son discret retour. S'étant contenté de somnoler, le jeune homme se serait attendu à se sentir extenué, mais son esprit était apaisé, lui offrant un réveil fastidieux mais supportable. Les rayons du soleil le réchauffait déjà tandis qu'il s'étirait un peu, laissant divaguer son regard vers la tente chichement décorée près de laquelle il avait dormit. Un petit frisson remonta son échine avant qu'il ne se détourne finalement pour marcher un peu et se sortir définitivement de la torpeur. L'esprit dans le vague, il finit par se trouver sur le chemin de ce bon vieux Gregor qui lui adressa un sourire complice que le jeune homme ne comprit pas dans un premier temps.

Rien de spécial à signaler dans cette matinée où les deux amants n'eurent que l'occasion de se saluer brièvement. Soren s'était mit à contribution aux cotés du cocher tout en surveillant que sa protégée de manque de rien. Le cortège s'était bien vite mit en route malgré les multiples vérifications et l'envoi d'éclaireurs matinaux pour veiller à ce que la route soit dégagée. Sans être sur le qui-vive, l'expérience de l'attaque avait renforcé l'attention de Garett et ses hommes, ce qui en soit était assez rassurant.

Permit de monter en voiture en compagnie d'Autumn - En temps que protecteur évidemment - le jeune homme s'était retrouvé soulagé de partager la banquette avec elle, pour des raisons évidentes qu'il tentait tant bien que mal de dissimuler des regards de chien de garde de Rosa qui semblait avoir bien reprit son rôle de servante attitrée. Le fait qu'Autumn lui adresse la parole avait allégé la peine de la veille femme, et très légèrement adouci sa colère contre Soren, bien qu'elle le surveille toujours d'un regard noir. La matinée fut plutôt calme tandis que tout le monde se réveillait et reprenait le rythme du voyage.

Ce n'est qu'en fin de matinée qu'un peu d'animation eut lieu dans la voiture. Assis l'un à coté de l'autre, un nouvel échange se jouait entre les deux jeunes gens. Soren poussa une profond soupire de découragement.
Vous êtes sur que c'est bien utile d'apprendre tout ça ?
Autumn sourit tout en lui montrant une énième fois les signes :
Il faut bien commencer quelque part... Vous verrez, une fois que vous maîtriserez les signes, nous pourrons passer aux sons... Et tout deviendra limpide.
Soren suivit le doigt de la jeune femme tandis qu'il dessinait les contours des lettres qui lui étaient encore inconnues, nullement mal à l'aise par cette différence de connaissances. Son regard s'égara discrètement vers les yeux de la noble, mauvais élève qu'il était.
Mais il va me falloir une décennie pour apprendre tout ça non?
Elle voulait garder son sérieux comme un précepteur mais le regard effronté de son élève lui donnait bien d’autres idées qui la firent rougir elle-même. Elle se racla la gorge avec malice et prit son ton le plus sérieux.
Un peu de courage, Soren. La connaissance demande quelques sacrifices. Vous avez toutes les capacités pour y parvenir !
Soren s'étonna presque de ne pas subir une remontrance de la part de Rosa lorsque son regard croisa celui d'Autumn et que leur échange non verbal témoigna d'une marque d'affection plus qu'évidente. Malgré ce silence, il ne se risqua pas à jeter un œil dans la direction de la vieille servante et poussa un nouveau soupire, plus léger, ponctué d'un sourire retrouvé depuis la veille au soir.
D'accord, si vous le dites, je vais essayer! J'espère que vous arriverez malgré tout à toujours me supporter après ça...
S’il y avait pris garde, il aurait noté que la vieille gouvernante dodelinait de la tête depuis une demi heure au rythme des cahots de la voiture, vaincue par la torpeur d’un voyage de plusieurs heures. Autumn poursuivit sa leçon, imperturbable.
Vous supporter n’est nullement un problème…
Elle était ravie de ce petit prétexte pour conserver le jeune homme près d’elle, leurs mains se frôlant par intermittence.
Soren se força à ne pas détourner le regard des inscriptions qui lui échappaient encore, bien que l'envie de trouver les yeux de la jeune femme ne devienne entêtante, il ne put s'empêcher de sourire en contemplant sa main effleurer la sienne.
Je n'aurai pu espérer meilleurs professeure à vrai dire...
Elle lui sourit en retour, le cœur battant. Elle observa en coin la vieille servante endormie et se pencha audacieusement vers son élève, l’encourageant d’un rapide baiser, aussi léger qu’un battement d’ailes de papillon.
Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir…
Surprit par ce baiser finalement trop court à son gout, Soren releva la tête prestement en direction de Rosa pour finalement constater sa torpeur. Immédiatement après ses yeux vinrent trouver ceux de sa protégée.
J'imagine que je peux bien faire un effort de concentration.

Sa voix s'était faite plus basse, plus discrète, tandis que ses doigts effleurèrent le dos de la main d'Autumn avec douceur avant de s'en décrocher. Autumn se pencha de nouveau sur la feuille d’alphabet qu’elle avait dessinée pour lui et poursuivit sa leçon, parfois distraite par le parfum du jeune homme ou son souffle près de sa joue.

Les heures passaient et ne semblaient plus aussi terribles ou aussi ennuyeuses qu’elle se l’était figuré depuis le scandale de Port aux Échoués et Rosa dormit une bonne partie de l’après midi, ce qui leur offrit le meilleur des intermèdes. Autumn découvrait enfin la liberté quand bien même elle n’était qu’illusion. Soren faisait de son mieux pour suivre l'enseignement de sa préceptrice improvisée sans se déconcentrer. Être attentif à un tel exercice était nouveau pour lui qui avait plus tendance à se retrouver dans le feu de l'action. Il appréciait malgré tout cette nouvelle expérience, bien qu'il soit un peu plus concentré sur sa professeure que sur ce qu'elle s'évertuait à lui enseigner.

Le campement de l'escale suivante fut dressé avec un certain automatisme, tous avaient prit leur reflexes et chacun savait ainsi quel était son rôle dans le montage des tentes, installation des chevaux, préparation de la nourritures et autres activités de camp. Soren et Autumn passèrent en grande partie la soirée ensemble, mais en tant que protecteur et protégée, n'étant jamais vraiment seul. L'aspect dégagé du camp et l'insomnie de Rosa après avoir trop dormi dans la voiture ne leur autorisa pas une nouvelle rencontre nocturne, mais leurs esprit apaisés leur offrirent à chacun une nuit reposante et sans encombre.

Le trajet du lendemain avait eu des airs de déjà vu, reprenant le cycle de l'apprentissage de Soren. Un peu moins intensif, les deux jeunes gens s'autorisèrent plus de pauses pour discuter et le jeune homme prit aussi un moment pour s'installer à l'avant en compagnie de Gregor tandis que Rosa avait insisté pour s'occuper des cheveux de madame et qu'il n'avait ainsi rien à faire là dans ces moments. Un brin rêveur, Soren avait écouté d'une oreille distraite les infinis récits du cocher qui semblait avoir des histoires à n'en plus finir.

L'air s'était réchauffé toute la journée, si bien que les terres de la vallée frappées par le soleil renvoyèrent toute leur chaleur aux dernières lueurs du jour, offrant au campement de cette nouvelle soirée une température clémente. Arrêtés près du fleuve, le cortège avait installé le camp aux abords de cette frontière naturelle entre la vallée et les champs de feu, ultime étape avant d'entrer dans les terres convoités par l'expédition. Proche de l'eau, le groupe avait néanmoins poussé d'une petite heure supplémentaire le convoi pour éviter de s'installer trop près de la dense et inquiétante forêt des égarés. Malgré cela, certains trouvait encore sa proximité peu rassurante, à juste titre si l'on en croit les légendes à son sujet.

Après avoir profité de la pureté de l'eau pour se rafraichir le visage, Soren s'avança vers la tente de sa protégée, plus précisemment vers le feu de camp juste devant où la silhouette de la jeune femme. Cette couverture qu'il tenait à la main était un prétexte facile pour venir lui tenir compagnie et même si Rosa s'était adouci, il espérait qu'elle ne l'importunerai pas plus que ça. S'approchant en douceur, il contempla un instant la noble qui faisait courir son fusain sur un nouveau croquis, assise sur une souche d'arbre et absorbée par sa réalisation. Ne souhaitant pas lui faire peur, il marcha volontairement sur des racines pour faire craquer le sol sous ses pas et attirer un minimum son attention. Alors, il posa la couverture sur une petite caisse en bois juste à coté d'elle.
Juste au cas où vous auriez froid...
Autumn releva la tête au son de la voix de Soren. Elle l’avait entendu arriver mais avait feint la surprise au cas où quelqu’un les observerait. Elle cessa son griffonnage qui l’aidait à passer son impatience et attrapa un peu trop vivement la couverture avant de la passer autour d’elle.
C’est bien aimable, Soren. Vous pensez à tout.
Il la regarda pendant quelques secondes avant de répondre calmement et avec peut-être un peu trop d'affection dans la voix
Je crois que cela fait partie de mon devoir.
En penchant la tête, Soren observa le dessin avant de sourire à sa protégée tout en repensant à ce dessin derrière lequel était griffonné le mot et qu'il avait précieusement gardé sur lui.
Vous dessinez rudement bien, je suppose que cela fait partie de votre métier.
Elle sourit au compliment. Elle avait commencé à dessiner les paysages aux alentours en attendant le vrai travail.
Il ne faut jamais cesser de s’entraîner….
Le jeune homme la regarda avec une moue faussement contrariée que son sourire contredisait. Il croisa les bras devant lui
Ne seriez vous pas en train de juger mes attitudes de mauvais élève par hasard ?
Un professeur digne de ce nom se doit de stimuler et d’inspirer le goût de l’effort à son élève…
Elle souffla du nez en se rendant compte qu’il y avait un peu trop de malice dans son ton. Soren retint un petit rire dans un souffle face aux sous-entendus, puis son expression se fit plus posée
Puis-je me joindre à vous un instant ou...peut-être préférez-vous rester seule ?
Avez vous vraiment… Elle se reprit juste à temps, un peu de compagnie ne me fera pas de mal.
Il était évident qu’elle attendait sa visite depuis un petit moment déjà. Ce moment où ses clients et cerbères baissaient la garde, occupés à trouver le repos ou à préparer la journée suivante. Maintenir les apparences était important, ne serait-ce qu'en cas d'oreilles indiscrètes. Malgré tout, Soren se calma de cette très absurde appréhension que soudainement la noble ne souhaite plus le voir pour des raisons d'étique. Il s'installa assis en tailleur sur un rocher plat qui suffisait à ne pas salir ses vêtements dans la terre, non loin d'Autumn
Comment vous sentez-vous à l'approche de notre destination?
Nerveuse, excitée. C’est un territoire sauvage et les repérages sont assez flous encore. Il y a tant à faire. Je pourrais laisser ma pierre là bas…
Laisser votre pierre? Est-ce là une expression ?
Elle secoua la tête en souriant.
Une des tâches d’un cartographe est de poser des repères réguliers sur un territoire à quadriller. Grâce à ces repères on peut faire des calculs d’angle, qu’on appelle triangulation… ce qui permet de calculer les distances de manière précise et donc de situer des points importants. Ce sont bien des pierres que nous posons au sol…
Soren était captivé autant qu'elle semblait passionné, il posa son menton dans ses mains, appuyant ses coudes en support contre ses cuisses
Est-ce le fait de laisser votre marque qui vous tient à coeur?
C’est le rêve de tout cartographe d’avoir été le premier à identifier une nouvelle terre, a noter ses reliefs. Mais plus que tout… c’est le frisson de la découverte.
Elle opina les yeux brillants. Sa première aventure. Le sourire du jeune homme s'élargit tandis qu'il la contemplait.
Votre engouement est contagieux, je suis honoré d'assister à ces découvertes en votre compagnie...Et à vous voir y laisser une pierre.
Vous le serez moins quand il faudra porter les repères ! Dit-elle en riant.
Après un petit silence pendant lequel il l'écouta rire, Soren reprit, toujours souriant, les yeux incapable de se mouvoir.
Je pense m’accommoder de tout désagrément du moment que...
"Que vous êtes là" furent les mots que ses yeux finirent de prononcer pour lui qui venait d'interrompre sa phrase. Elle fut très tentée de lui voler un nouveau baiser mais elle ne pouvait se permettre une telle chose ici en plein campement. On pourrait aisément les surprendre et encore pire : rapporter leurs faits et gestes. Elle se contenta de lui retourner son regard avec la même intensité.
Du moment que vous êtes équipé d’un solide sac à dos et que vous avez pris un bon petit déjeuner. Comme nous tous.
De nombreuses questions hors sujet et basées sur l'avenir le démangeait tandis qu'il se noyait dans le regard de la noble, laissant transparaître un air presque inquiet qu'il chassa d'un nouveau sourire.
Je me dois d'être en forme ! Après tout, je suis votre protecteur
Tout à fait. Il vous faut être paré à toute éventualité…. Même la plus improbable.
Elle lui décocha un petit clin d’œil évocateur. Il lui répondit avec un regard emprunt de malice avant de fureter les alentours du regard. Pendant peut-être une minute ou deux, ils seraient probablement seuls, mais Soren s'interdit ce geste qui lui faisait au moins autant envie qu'à elle.
Je ferais en sorte qu'il ne vous arrive rien...Je ne le tolèrerai pas.
J’ai tout à fait confiance en vous. Répondit-elle en s'approchant dangereusement de lui.

Difficile de résister à cette attraction qui l'avait fait s'avancer de plus en plus vers elle. également, sans vraiment qu'il ne s'en rende compte. Au diable les convenance, Soren fit mine de se relever souplement et en profita pour s'avancer encore un peu plus vers Autumn jusqu'à ce que leur visage s'effleurent. Dans la foulée, il lui vola un baiser qu'il fit durer deux bonnes secondes en priant pour que personne ne les regarde ou que l'obscurité du camp leur serait favorable. Une fois debout, il épousseta ses vêtements et fit une révérence dans les convenance pour brouiller les pistes.
Je suis honoré de l'apprendre, Dame Dellinger.
Pendant un instant, elle demeura électrisée par ce baiser volé au temps et aux convenances, au frisson de l’interdît qui les entourait. Elle aurait voulu que l’instant dure bien plus mais en savoura chaque seconde. Elle sourit à son petit subterfuge, une pirouette assez crédible somme toute.
Je vais sous peu bien trop m’habituer à vos services, Soren.
Le jeune homme regarda le ciel pour y voir les premières étoiles apparaître au gré de l'obscurité grandissante., mais bien vite son esprit lui quémanda un autre spectacle, alors sa tête se baissa pour que ses yeux retrouvent ceux de sa protégée.
Voudriez-vous que je vous ramène quelque chose à manger, nous allons avoir besoin de force demain, plus encore qu'aujourd'hui j'imagine.

Elle hocha silencieusement de la tête. Elle n’avait ni faim ni soif, mais tout prétexte lui semblait bon pour gagner encore quelques minutes de plus avec lui. C'est les mains pleine de victuailles pour deux personnes que le jeune homme revint aux cotés de sa protégée. Avec soin, il déposa la nourriture sur un linge épais pour tout disposer proche d'Autumn avant de relever la tête vers elle avec un sourire gêné presque enfantin.

Je crois qu'il y en aura trop pour deux, mais on ne m'a pas laissé en prendre moins lorsque l'on a su que c'était pour vous.
Elle sourit à ses attentions, adhérant à son explication bien qu’elle se doutât qu’elle n’était pas tout à fait vraie.
C’est bien trop, en effet ! Vous allez devoir partager avec moi, je ne pourrais jamais tout avaler.

Et derechef, elle lui fit une place sur le côté, le repas les séparant assez raisonnablement. Malgré tout, en entamant ce copieux pique nique, elle ne pouvait s’empêcher de toucher ses doigts ou de se pencher au mauvais moment. Elle avait la sensation de ne pas pouvoir résister à la tension qui coexistait entre eux, ce besoin de se rapprocher, d’être en contact. C’était une chose qu’elle avait jamais expérimentée jusque là et elle avait terriblement envie de s’y brûler les ailes. Encore une fois. Soren était discret, mais cela ne l'empêchait pas de répondre aux fugaces attentions de la jeune femme et aux échanges de regard qui semblaient percer son âme. Une forme de désir brut s'était à nouveau emparé de ses pensées tandis qu'elle posait les yeux sur lui. Pendant un long moment, il resta silencieux, comme si parler viendrait briser ce moment. Il se décida finalement et parla à voix basse

Peut-être pourrions nous marcher un peu après le repas ? Sans trop nous éloigner bien sur...
Elle regarda par dessus son épaule et trouva Rosa qui les observait de loin. Elle soupira et mordit dans un grain de raisin pour passer sa frustration. Elle hocha la tête imperceptiblement et murmura pour être sure de n’être entendue que de lui.
Retrouvez moi, comme la dernière fois…
Elle désigna du menton une zone un peu plus loin ou de gros rochers affleuraient à l’opposé du bois qu’ils longeaient depuis un moment et qui commençait à être plongé dans la plus profonde obscurité. Une étendue d’eau semblait à proximité de ce champ de pierres, ce qui paraissait être une excellente cachette tout en restant proche du convoi. Imperceptiblement, Soren acquiesça d'un hochement de tête tout en fermant les yeux pour souligner qu'il comprenait.

Ils finirent le repas sans se presser, en veillant tout de même à ce que ce petit jeu ne devienne pas trop imprudent sous le regard de leur cerbère préféré. Il ne quitta le lieu que lorsqu'il fut bien sur qu'Autumn avait mangé à sa faim, emportant avec lui les victuailles restante pour les restituer tout en laissant quelques fruits en réserve à la jeune femme. Désormais, son esprit n'allait qu'au gré de ce nouveau rendez-vous, seule motivation qui l'avait poussé à se soustraire de la compagnie de la noble. C'est dans une attente interminable que Soren attendit que le temps file, et que la majeure partie du campement parte se coucher.

Autumn dut attendre que Rosa se mette à ronfler sous la tente pour se redresser tranquillement. Cette lenteur la tuait alors qu’elle avait simplement envie de se ruer dehors et retrouver Soren non loin de là. Sur son chemin, elle croisa Octave qui s’arrêta et parut surprise de la trouver dehors à cette heure avancée.
Eh bien, ma dame ? Vous ne devriez pas quitter votre tente…
Elle sourit avec toute la chaleur qu’elle put bien que sa respiration s’accéléra devant ce nouvel obstacle.
Un besoin… urgent. Vous m’excuserez, je suppose.
Oh bien évidemment… je ne voulais pas vous importuner…

Elle sourit de nouveau et se défit bien vite de l’importun. S’assurant tout de même qu’il ne la suivait pas du regard. Elle finit par atteindre le champ de pierres qu’elle avait désigné à Soren et commença à le chercher derrière les rochers hauts qui pouvaient dissimuler bien des secrets.
Soren s'était habilement substitué à la compagnie de Gregor qui l'avait alpagué comme il en était devenu habituel. Flirtant entre les tentes et équipement, le jeune homme se fit invisible aux regard indiscret des plus tardifs d'entre eux, les croisant parfois à moins d'un mètre sans se faire remarquer. Lorsqu'il arriva non loin des rochers, son regard scruta ce que les reflets de la presque pleine lune avait à lui révéler. Un mouvement capta son attention, une silhouette reconnaissable, l'objet de ses pensées. Avec un sourire, Soren s'avança prudemment. Lorsqu'il fut non loin, il s'appliqua à marcher uniquement sur les surface dures des roches pour masquer le bruit de ses pas. Il ne sut si elle l'avait entendu arriver lorsqu'il se posa souplement derrière elle pour l'enlacer de ses bras.

Elle s’était laissée surprendre, toute à sa recherche, sans savoir que son amant l’avait devancée dans ses projets. Elle sursauta légèrement mais se retourna vivement avec un regard d’alarme qui s’estompa aussi vite qu’elle reconnut Soren. Elle avait autant guetté qu’anticipé ce contact. Serait-il le même que la veille encore ou serait-il tout autre, étranger à elle même ? Elle résolut de trouver la réponse à ses questionnement par l’application de ses lèvres sur l’objet de son étude, passant à son tour ses bras autour de lui. Nul doute, elle le reconnaissait.
Lui qui pensait dire quelque chose fut totalement prit de court par cette démonstration aussi soudaine qu'enivrante. Il accepta le contact avec un certain réconfort tandis que les bras de son amante le faisait frissonner. Lorsque le baiser se termina presque à contrecœur, la main de Soren vint caresser le dos de la jeune femme avec douceur tandis qu'il lui souriait avec tendresse, se délectant de ce visage qui devenait addictif.
Voilà que nos rendez vous se font de plus en plus audacieux.
Ce n’est que le deuxième…
Elle était trop heureuse d’avoir réussi à déjouer les obstacles pour mener à bien leur histoire clandestine. Désormais, la nuit leur appartenait et qui savait ce que le lendemain leur réserverait ? Elle se pressa contre lui pour retrouver les gestes interdits qu’elle avait retenus tout le jour durant. Lorsqu'il parlait, Soren chuchotait presque de peur que quelqu'un ne vienne briser l'instant, mais ses sens virevoltaient déjà au contact de son amante, son odeur, son sourire, ses gestes qu'elle avait pour lui et qui témoignaient tant de choses. Au fond de lui, il se rassurait de voir que ce nouveau rendez-vous à l'abri des regards soit aussi passionné que la veille, chassant sa crainte que la réalité ne les rattrape un peu trop vite.
Et ça ne sera surement pas le dernier.

Lentement, le jeune homme vint explorer le cou de son amante de ses lèvres, s’enivrant encore un peu plus de ce parfum qu'était le sien.
Elle frémit en fermant les yeux. L’obscurité leur offrait un cocon protecteur qu’Autumn savoura pour ne se laisser porter que par ses sens, oubliant une nouvelle fois les contraintes du monde. Elle glissa ses mains sous la veste de Soren, pressée de retracer les contours d’une terre de moins en moins étrangère.

Alors que la fougue de la jeunesse les encourageait à braver une nouvelle fois ces interdit, protégé par l'obscurité et les roches, les deux jeunes gens durent s'interrompre après qu'un cri ne retentisse non loin, dans le camp. Difficile de voir ce qui se passait exactement dans la nuit, mais rapidement les claquement de lames et les hennissements des chevaux retentirent dans le camp. Au delà de ça, d'autres bruissements se mêlaient à la cohue naissante, des bruits bien moins familiers et pas vraiment rassurant. Un peu perdu dans l'instant, Autumn et Soren tendirent l'oreille jusqu'à ce qu'ils réalisent l'urgence de la situation.

Certes, le danger était présent sur le camps et ils semblaient bien à l'abri loin du tumulte, mais pouvait-on vraiment jurer que finalement cet isolement ne deviendrai pas leur principal problème face à ce danger qui leur était encore inconnu. Soren dégaina machinalement une épée et se plaça dans une attitude défensive, attentif au moindre mouvement, tout en entamant une avancée vers le camp avec l'espoir que cette alerte ne mène pas à un nouveau carnage.




Autumn Dellinger
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Mer 29 Sep - 14:53
Autumn se rhabilla prestement, les cheveux en pagaille. Tout à coup, elle revenait à une forme de réalité bien plus concrète et anxiogène. Les cris se transformèrent en hurlements et quelque chose se glaça dans son ventre. Le convoi était attaqué. Des nomades encore ? Elle ne distinguait rien à cette distance. Elle se contenta de suivre Soren, elle-même totalement dépourvue d'armes. Comme s'il avait lu dans ses pensées, Soren se tourna vers Autumn, rassuré de la voir juste à ses côtés. Il détacha la dague de sa ceinture et tendit le pommeau de celle-ci en la tenant par la lame.

— Prenez ça, j'espère que vous n'aurez pas à vous en servir.

Un nouveau cri sinistre vint passer au-dessus du tumulte ambiant tandis que le jeune homme dégainait sa seconde épée, celle qui lui avait été confiée avec sa nouvelle tenue.

— Je sais pas ce qui se passe là-bas, mais si on reste trop isolé, on devient des cibles faciles, essayons de nous rapprocher sans attirer l'attention. Restez...près de moi d'accord ?

Autumn sentait le frisson du danger et l’angoisse de l’inconnu. Elle attrapa néanmoins la lame que Soren lui tendait et se trouva rassurée au contact de celle-ci d’autant plus qu’ils étaient ensemble quoi qu’il arriverait. Elle prit sa suite et s’approcha comme lui à pas prudents, cherchant à se dissimuler parmi les pierres, le cœur battant.

— D’accord….

Le duo progressait avec une lenteur presque exagérée, mais il était impossible pour Soren de prendre des risques inconsidérés, pas quand il n'était pas là seule personne dans l'équation. L'imprudence était un défaut qu'il avait seul, sa prévoyance vis-à-vis de son entourage prévalait largement cette tare. Leur refuge rocheux était presque rassurant... Jusqu'au moment où Soren perçut un bruit non loin de leur position, un sinistre son qui le fit frissonner. Ce son n'était pas humain, il en avait presque l'intime conviction.

— Hâtons-nous un peu... Essayons de gagner le couvert d'une voiture  sans nous faire repérer et comprendre ce qui se trame autour de nous...

Sans attendre, les deux amants s'élancent en avant avec prudence. Autumn avait elle aussi perçu ce son angoissant et inconnu comme un crissement désagréable. Elle prit ses jambes à son cou, mue par un instinct de survie tout à fait primitif. Elle suivit Soren à la hâte et découvrit un véritable charnier, une scène de chaos qui lui retourna l’estomac. De gigantesques vers avaient surgi de cratères de terre retournée et s’étaient rués sur les chevaux et les hommes, engloutissant les premiers surpris à la tombée de la nuit. La milice s’était rassemblée comme elle avait pu et tentait de repousser les créatures avec des yeux exorbités par la peur. Certains disparaissaient dans des enroulements terrifiants, happés par de gigantesques gouffres garnis de crocs acérés. Un vrai carnage. Soren constatait l'étendue des dégâts tout en s'efforçant d'y adopter un œil neutre. Il y avait des victimes, c'était indéniable, mais le jeune homme remarqua également le cadavre d'un énorme ver muni de multiples pattes gisant au sol, visiblement mort. Ainsi, ces monstruosités avaient un point faible, une observation bien secondaire qu'il garda malgré tout dans sa tête, car dès lors sa préoccupation principale se situait juste derrière lui. D'un geste mesuré, il chercha le contact du bras d'Autumn pour s'assurer qu'elle était bel et bien toujours avec lui, comme si ses yeux étaient capables de lui jouer des tours. Sondant en avant, le jeune homme poussa un profond soupir.

— Ce n'est pas ragoutant, mais peut-être devrions nous nous placer proches du cadavre de la créature non loin, pour masquer nos odeurs ou...quelque chose comme ça.

Il n'était pas chasseur, cette idée lui était venue d'une vague histoire qu'il avait entendu d'un groupe de chasseurs dans une taverne, mais il n'avait pas grand chose de mieux à proposer, si ce n'est faire l'impasse entre ces monstruosités et sa protégée.

Autumn était restée figée un moment par l'horreur de ce qu'elle voyait. Son esprit ne voulait pas procéder à l'analyse des images qui défilaient sous ses yeux. Les horribles créatures et les bruits terribles qu'elles produisaient en réduisant leur convoi à néant. Heureusement, les hommes se défendaient et quelques uns tenaient encore vaillamment, profitant de cette faiblesse sous la carapace des immondes créatures. Autumn se prit à trembler, mais elle se fit soudain violence pour ne pas tomber ou fuir, ou même vomir. Elle hocha la tête vivement, livide et commença à courir pour trouver du couvert. Tant que les vers ne les remarquaient pas, ils étaient saufs. Mais était ce tout ce qu'ils pouvaient faire ? La pensée l'effleura mais elle se sentait si terrifiée qu'elle n'avait pas le courage de faire autre chose que se cacher.

Nullement assuré, Soren faisait tout pour ne pas subir la terreur généralisée qui régnait dans le camp. Les cris des hommes aux prises avec les centipèdes faisaient froid dans le dos, au moins autant que les bruit de lames s'enfonçant dans les carapaces chitineuses des monstruosités. Les deux jeunes gens progressèrent au milieu du tumulte, impuissant face au carnage. Il s'approchèrent peu à peu du cadavre d'une de ces créatures avachie au sol. Une vibration au sol les stoppa net dans leur progression. Comme si quelque chose bougeait sous leur pieds...Par un réflexe complètement instinctif et inesperé, Soren poussa Autumn sur le coté tandis qu'il plongeait à l'opposé, esquivant de peu les mandibules acérées de la créature sortant de terre juste sous leurs pieds. Guidé par son instinct, Soren abattit violemment sa lame dans la gueule de la créature sans réfléchir, lui arrachant un cri strident évoquant assez explicitement la douleur. A demi paralysé par la stupeur, le jeune homme réalisa seulement que la créature était encore vivace lorsqu'elle agrippa les pans de la lame encore logée en elle. L'horreur le gagna, mais il parvint à conserver sa prise pour ne pas se retrouver désarmé. Au prix d'un effort considérable, il parvint à extraire la lame tandis que l'immonde créature sortait désormais de terre, dévoilant une taille bien plus imposante que celle de ses comparses, aux prises avec les membres du camp.

Par "chance", Soren avait attiré son attention, il était ainsi devenu une cible de choix pour cet insecte aux allures dantesque. L'estomac noué, le jeune homme trouva à nouveau sa détermination dans l'observation de la silhouette fine non loin derrière la créature. D'un geste vif, le jeune homme recula de quelques pas, avec l'espoir d'éloigner encore un peu plus ce monstre souterrain de sa protégée.  La suite du plan, -celle qui impliquait sa survie-, il peina un peu plus à l'imaginer… Car désormais le monstre l’observait en faisant claquer ses mandibules.

Pleine d’effroi, Autumn avisait cet énorme monstre qui dardait son attention sur Soren. Le jeune homme semblait se tenir tel un fétu de paille face à la tempête, un cure-dent à la main. Le ver poussa un cri strident, probablement de douleur et s’apprêta à se jeter dans sa direction. Autumn ne réfléchit pas et serra sa lame de toutes ses forces pour tenter de percer une faille entre les écailles de là choses. Mais elle se sentit brutalement rabattue en arrière par une main ferme. Sans savoir d’où elle sortait Rosa lui passa devant, une épée bien trop grande à la main. Elle trancha dans le vif de la créature qui se retourna en poussant un autre cri. La vaillante gouvernante jeta un regard noir à la chose et affirma sa prise sur sa garde. L’épée devait bien peser la moitié de son poids et son envergure était incroyable, au vu de la carrure de la vieille femme. Le ver se jeta sur elle, et dans un mouvement sec, elle enfonça de nouveau la lame à travers l’énorme gueule, avec plus de succès que Soren. La chose se contorsionna, émit un hurlement terrible, puis s’écroula en se contorsionnant en tous sens. Alors que la vieille femme affichait un regard triomphant, elle fut fauchée par l’une des vrilles du ver agonisant et elle disparut alors que le poids de l’énorme bête s’abattait sur elle. Autumn mît un instant à comprendre ce qui se passait et poussa un cri :

— Rosa !

D'abord bouche bée par cette intervention héroïque de Rosa, l'effroi gagna bien vite Soren lorsqu'il vit la créature animée de soubresauts d'agonie s'écrouler sur Rosa. Ses pensées firent écho au cri d'Autumn. La créature mourrait probablement dans quelques minutes aux vues de cette énorme épée en travers de la gueule, mais en attendant, son corps massif reposant sur le côté glissait encore de vie, et la servante était en péril sous ces derniers éclats de vie. Le jeune homme raffermit sa prise et s'élança en avant. Il avait vu comment un garde s'y était pris pour mettre définitivement à terre l'une de ces immondes créatures, l'abdomen était un point faible fermement défendu par une carapace et un amoncellement de pattes aux allures mortelles. Mais grâce à Rosa, la créature reposait sur son flanc et semblait bien incapable de se reposer à nouveau sur ses pattes. Il arriva non loin de la mâchoire du monstre, entendant le claquement des colossales mandibules non loin de lui. Une vrille encore vivace lui heurta le flanc avec violence, mais à part un cri de douleur contenu par ses dents serrées, le jeune homme continua son attaque. De toutes ses forces, il enfonça la lame sur la base de l'abdomen de la créature, au milieu des chairs où se dessinait une sorte de jonction naturelle. Le cri sifflant de la bête lui cingla les tympans tandis qu'il sentit plusieurs pattes le frôler. La base pointue des excroissances le prit de court et il dut essuyer plusieurs coupures douloureuses sur les bras. De colère, Soren poussa un nouveau cri en faisant descendre son épée dans le corps de la bête, tranchant peu à peu le corps de la créature en lui ouvrant les entrailles. Une matière visqueuse et malodorante se déversa au sol et sur ses mains, mais il continua son entreprise jusqu'à ce que les attaques des pattes ne deviennent que des mouvements fébriles indiquant que cette fois, la vie quittait le centipède.

— Il faut sortir Rosa de là-dessous !

Le souffle haletant et les flancs couverts de coupures plus ou moins mineures qu'il ignorait pour le moment, Soren avait crié, dans l'espoir que quelqu'un aux alentours vienne les aider à sauver la pauvre servante, si cela était encore possible...
Autumn se servait de sa propre lame pour faire levier sous le corps de la bête, repoussant la sensation de nausée et de terreur que lui inspirait la créature. Les combats continuaient autour d’eux et peu semblaient encore disponibles pour aider sur d’autres fronts. Malgré tout, les créatures refluaient un peu. Les pertes allaient grandissant du côté des hommes mais Autumn ne s’en souciait plus. Elle ne pensait plus à fuir. Elle songeait à cette vieille gouvernante qui avait été sa deuxième mère. Et qui était ensevelie sous une tonne de carapace et de mandibules. Ses muscles là brûlaient quand à deux ils parvinrent à dégager quelques anneaux de la chose. Ils finirent par apercevoir le haut du corps de Rosa qui semblait évanouie… le reste de son corps bloqué par une masse bien trop importante pour être soulevée à deux. Il faudrait une dizaine d’hommes au moins ou un cheval. Autumn fit de son mieux pour dégager au moins les épaules de la vieille femme qui paraissait si pâle et faible. Elle la secoua gentiment d’abord avant que Rosa n’ouvre un œil laborieusement. Elle émit une plainte et tenta de s’exprimer mais la créature comprimait son abdomen et ses poumons et aucun son ne sortit de sa bouche. Autumn sentit qu’elle pleurait mais elle n’y prit pas garde, tentant de rassurer la vieille femme.

— Nous allons vous sortir de là, Rosa ! Tenez bon !

Elle jeta un coup d’œil désespéré à Soren. N’importe quelle idée était bonne à prendre. Soren croisa le regard humidifié par les larmes de sa protégée et partagea son inquiétude, impossible pour eux de soulever cette masse monstrueuse.

— Il faudrait que nous puissions attacher les chevaux pour l'extraire de là… mais avec le tumulte, je ne suis pas sûr qu'ils coopéreront...

Le jeune homme se forçait à rester calme malgré le torrent de pensées qui lui traversait l'esprit mais dont il ne parvenait à tirer aucune solution immédiate. C’est alors que la vieille femme souleva une main puis l’autre avec effort. Elle prit la main de Soren d’une part et celle d’Autumn de l’autre et leur jeta à tous deux un regard brillant d’intensité, sans parvenir à exprimer le moindre mot. Autumn caressa la joue de la vieille femme avec empressement.

— Nous restons avec vous Rosa… Tenez bon, nous allons trouver une solution…

Mais il était évident que celle-ci n’arriverait pas assez vite pour sauver la gouvernante. Soren sentit la faiblesse de Rosa au contact de cette main qu'il tenait désormais dans la sienne. Il dut lutter pour contenir ses tremblements tandis que ses yeux passaient de la servante à Autumn avec une certaine inquiétude. Son cerveau toujours en ébullition, il luttait intérieurement pour mettre de l'ordre et trouver cette salvatrice solution. Rien d'autre que sa solution initiale ne lui venait, alors Soren se décida à se mettre en mouvement, peut-être que s'il trouvait Gregor il pourrait… Quelque chose l’arrêta net dans son entreprise, une pression qu'il sentit dans sa main, celle de Rosa qui avait mobilisé le peu de forces qu'il lui restait pour raffermir sa prise sur Soren et l'empêcher de partir...Un geste qui fit frissonner le jeune homme d'effroi et de résilience. Il s'agenouilla à nouveau près de la vieille servante.

— Vous allez vous en sortir hein? Vous allez pas me laisser sans surveillance n'est-ce-pas, pas tant que je suis près de Dame Dellinger ?

Cette fausse touche d'humour sonnait avec beaucoup de désespoir, sans être pour autant malvenue. Le jeune homme cherchait simplement à se rassurer, à rassurer Autumn, mais il savait bien au fond que l'optimisme avait ses limites. Sans vraiment savoir pourquoi ni comment, Soren s'était pris d'affection pour cette femme autoritaire et protectrice qui l'avait d'ailleurs dans le collimateur depuis le début du voyage. Peut-être était-ce son attitude envers Autumn qu'il trouvait touchant, ou bien simplement cette débordante bonté qui émanait d'elle, bien au delà de ce regard noir qu'elle lui adressait si volontiers.

Mais la vieille servante ne répondit à ses inquiétudes que d'un très mince sourire, les yeux voilés d'agonie. Elle tourna ensuite son visage vers Autumn qui sanglotait sans savoir que faire, les traits tirés d'angoisse et de désespoir. Elle secouait la tête en refusant l'évidence. Mais la gouvernante lui retourna son geste, relâchant sa main pour caresser son visage inondé de larmes, dans un dernier effort pour la consoler. Puis elle fixa le ciel étoilé comme pour y trouver une réponse à un insondable mystère et poussa son dernier souffle, un mince filet de sang s'échappant au coin de ses lèvres. Elle demeura figée, les yeux grands ouverts sur la nuit.
Soren Grim
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Mer 29 Sep - 19:22
Un lourd silence semblait s'être abattu sur le lieu, malgré le chaos qui régnait encore autour d'eux, comme si une bulle les isolait tous deux autour de ce corps désormais sans vie. Soren sentit sa poitrine se serrer et sa gorge devenir sèche, mais il contint son émotion, car à côté de lui les sanglots d'Autumn dont les yeux ne se décrochent plus de Rosa lui brisèrent encore plus le cœur. Il posa la main de la vieille servante avec soin sur son cœur arrêté et s'approcha d'Autumn pour lui passer un bras autour des épaules.

Autumn je suis...désolé.

Son regard s'était autorisé une brève étude de leur entourage, mais rien ne semblait s'approcher de près ou de loin de leur position tandis que les humains semblaient prendre peu à peu le dessus. Autumn était étrangère au monde et au chaos ambiant. Elle fixait avec incompréhension et désarroi ce visage rassurant de son enfance qui ne bougeait plus. Elle ne comprenait pas, secoua la servante encore et encore sans rien en tirer. Elle finit par accrocher cette main qui ne l’avait jamais quittée et le tint longuement contre ses lèvres. Elle était si froide… Autumn refusa l’évidence mais fut contrainte de s’écarter de sa chère gouvernante quand les combats s’approchèrent bien trop dangereusement d’eux. Elle sentit une main martiale la faire reculer et atteindre un point plus sûr, comme dans une sorte de bulle vaporeuse de souffrance.

Un sentiment amer s'était emparé de Soren face à ce désastre. Impossible pour lui de s'enlever de la tête que Rosa avait détourné l'attention du monstre qui avait causé sa perte. S'il avait été plus efficace, peut-être aurait-il pu éviter ça et attirer la bête au loin. Cette conviction l'agaçait autant qu'elle l'attristait, car il ne pouvait s’empêcher de se sentir coupable.
Toujours aux côtés d'Autumn qui semblait absente mais au moins à l'abri, le jeune homme hésita à se lancer lui aussi dans la bataille, pour éventuellement venir en aide à quiconque et limiter la casse au moins une fois. Un des soldats - celui qui lui avait lu la lettre de la noble il y a deux nuits de cela - les avait rejoints avec son compère pour entraîner les jeunes gens en sécurité. Lorsqu'ils s’apprêtèrent à regagner le combat, le jeune guerrier se tourna vers Soren comme s'il avait lu dans ses pensées.

Ta place, c'est ici, avec elle. Et même si ta lame ne te sert plus à rien d'ici à ce que tout ça soit réglé, tu auras rempli ton rôle de la meilleure des façons.

Voilà qui mit fin aux tergiversations mentales du malandrin, qui était partagé entre partir se battre, jugeant qu'Autumn était bel et bien à l'abri, et rester à ses côtés. La deuxième option l'avait déjà quasiment emporté lorsque le soldat lui confirma son choix. Il acquiesça silencieusement alors que les deux guerriers partirent, lame à la main. Soren revint aux côtés de la noble qui semblait totalement absente, abritée sous une voiture assez haute pour se cacher dessous en étant accroupi ou assis. Appuyée contre la roue, les yeux dénués d'attention et plein de tristesse, la vision qu'elle offrait serra le cœur du jeune homme qui vint s'accroupir près d'elle tout en cherchant son regard. Il ne dit rien cependant, cherchant simplement à lui souligner sa présence, en cas de besoin.

Le temps passa, interminable alors que les combats s'éternisaient et que l'incertitude de l'issue de cette sanglante bataille se faisait sentir. Autumn s'était recourbée sur elle-même, les bras autour des genoux, inaccessible jusqu'à ce qu'elle redresse le menton et croise le regard inquiet de Soren. Elle était passée d'un visage atone et inexpressif au souci torturé.

J'ai été si cruelle envers elle... Je ne me rappelle plus les derniers mots que je lui ai dits, mais j'étais tellement en colère... Elle est morte et je ne lui ai pas dit...

Soren posa un main sur l'avant bras de la jeune femme qui entourait ses genoux et serra avec douceur.

Ne vous condamnez pas, elle ne vous en a pas tenu rigueur et les choses s'étaient arrangées. Elle ne souhaiterait pas que vous gardiez ce souvenir en pensant à elle.

Je ne pourrai jamais lui témoigner tout ce qu'elle a été pour moi...

Autumn était inconsolable mais elle s'essuya finalement les yeux, résolue à ne pas s'effondrer au milieu du carnage. Elle devait au moins faire en sorte que le sacrifice de Rosa ne soit pas vain.

Où en sont les combats Soren ?

Par automatisme, Soren sonda les alentours. Depuis leur cachette, difficile de dire ce qu'on voyait avec obscurité, mais la rencontre avec le mercenaire et l'intensité de bruit était pour lui sans équivoque.

Il semble qu'ils perdent peu à peu en intensité, et les combattants donnent toujours beaucoup de voix, j'imagine que notre groupe prend peu à peu le dessus. Du peu que j'ai vu, les autres créatures sont de plus petite taille, bien que suffisamment dangereuses pour être mortelles. J'espère qu'il n'en arrivera pas d'autre.
Il doit forcément y avoir un moyen de faire fuir ces saletés….

La jeune femme commençait à fouiller la voiture qui leur servait de refuge à la recherche de n’importe quoi qui pourrait l’aider. Soren se mit à réfléchir tout en observant les alentours. Il eut du mal à distinguer les créatures, constamment à l'offensive par le biais des zones sombres du camp. Un peu comme si... La lumière leur posait problème.

Peut-être que si nous pouvions avoir plus de feu sur le camp...
Du feu…

Elle était d’accord avec ce plan ! Elle trouva de l’huile pour les lampes du campement et tendit une ou deux bouteilles à Soren. Elle ne tarda pas à trouver de quoi créer l’étincelle, rangé dans la même caisse. Elle déchira un pan de sa chemise ensuite pour former de grossières bandes et les passer dans les bouteilles.

Ça devra faire l’affaire ! Si nous parvenons à enflammer la végétation…

Soren s'activa aux côtés de sa protégée dont la motivation redoublée donnait un peu de baume au cœur. Par précaution, le jeune homme prit une bouteille de plus.

La rivière va limiter la prise du brasier, nous devons tenter de faire des flammes un refuge pour tous nos alliés et repousser les créatures vers les abords du fleuve et de la forêt. Il va falloir viser juste...

Viser n’était pas vraiment la spécialité d’Autumn mais l’adrénaline aidant, elle suivit Soren une fois qu’ils eurent fini leurs préparatifs. C’était devenu sa mission sacrée. Sauver ce qui pouvait l’être et honorer la mémoire de Rosa.

Ne perdons pas de temps !

Il acquiesça silencieusement, mais avec détermination. Les deux jeunes gens se précipitèrent à la recherche d'un endroit idéal où procéder aux lancer. Difficile de couvrir une trop grande surface sans risquer que les flammes ne s'attaquent aux chariots. Après plusieurs minutes, ils parvinrent à se décider sur une zone qui leur permettrait de séparer le campement du fleuve sans que leurs projectiles ne deviennent de simples pétards mouillés.

Il faut que nous en lancions au moins deux en même temps pour maximiser nos chances que ça prenne. Nous n’aurons pas de deuxième chance.

Elle hocha la tête le cœur battant. Elle guettait les créatures occupées par les combattants. A tout moment l’une d’elles pouvaient les remarquer. Elle tremblait mais s’efforça au calme, armant son bras.

A trois…

Comme à son habitude avant d'agir, Soren prit une profonde inspiration tandis que ses yeux se posèrent sur la cible de leur lancer.

Un... Deux...Trois ! On allume !

D'un même geste, les projectiles de fortune des deux jeunes gens s'allumèrent au niveau du tissu. Sans attendre, ils lancèrent les projectiles en visant au mieux les zones préalablement choisies.
Autumn se vit lancer la bouteille enflammée comme si c’était quelqu’un d’autre qui agissait à sa place. Pendant un bref instant, elle crut qu’il ne se passerait rien, puis soudain un crépitement et une explosion de verre se fit entendre quand le feu prit la graisse dans la bouteille et soudain le chaos prit une autre dimension. Elle lança la deuxième bouteille dans la même direction et l’herbe séchée prit à une vitesse affolante, illuminant les ténèbres. Soren fit de même et arma la deuxième bouteille qu'il avait également pour répandre un peu plus de ce chaos incandescent.

Avec une certaine satisfaction, Soren observa la lueur dansante des flammes un instant, dévoilant à ses yeux la scène des combats. Si les mercenaires étaient réactifs face au brasier, cela était bien moins vrai pour les insectes géants qui semblaient instantanément fuir la source de lumière et de chaleur.

Son regard se tourna alors sur la droite et ce qu'il découvrit lui fit tirer sa lame hors de son fourreau à nouveau...une des créatures se tenait à quelques mètres d'eux et semblait toiser ses futures proies en faisant claquer ses mandibules. Ils n'avaient pas prévu ce petit détail... En se plaçant ainsi, ils se trouvaient assez largement éloignés du brasier. Immobile mais tenant fermement sa lame, Soren fixait le prédateur.

Autumn...cette bouteille supplémentaire que j'ai pris va nous servir... Je vais avoir besoin de vous pour fabriquer un projectile de plus... En vitesse...

Lorsque Soren fit deux pas sur le côté, la créature chargea à vive allure dans sa direction, ce qui rassura presque Soren qui venait de s'écarter d'Autumn pour que la bête ne jette pas son dévolu sur elle. Il allait devoir tenir quelques secondes contre cette monstruosité maintenant...

Oh. Oh !

Autumn venait d’apercevoir la menace et vite elle attrapa la bouteille de ses mains tremblantes, la fit tomber, la rattrapa et chercha fébrilement de quoi imbiber une nouvelle mèche. Elle dut faire un énième prélèvement à sa chemise et finit par parvenir à tremper le tissu dans la bouteille. Elle s’aperçut alors qu’elle avait perdu de quoi allumer le tissu. Submergée par l’angoisse, elle courut dans la direction de Soren qui faisait face à la créature et tandis qu’il s’apprêtait à se battre, elle fouilla ses poches pour trouver l’amadou et le briquet.

Pardon… pardon…

Un peu désemparé par les mains étrangement baladeuses de la jeune femme, Soren faillit faire une remarque complètement inappropriée à l'urgence de la situation. Fort heureusement - pour une fois - il parvint à rester concentré sur son adversaire et comprit ce qu'elle cherchait dans sa poche.

Poche de droite, poche de droite !

A ce moment, Soren enraya la tentative de charge de la bête en cinglant l'air de son épée devant lui, d'un geste somme toute mesuré mais qui bouscula quelque peu la jeune femme. Au moins, la bête recula son énorme tête et permit à Autumn de fouiller à nouveau

Par pitié, faite vite…

Autumn dut retenir un cri quand elle sentit le frôlement d’une écaille tandis qu’elle était penchée sur Soren. Elle se hâta sous ses indications, trouvant finalement ce qu’elle cherchait. Elle les brandit victorieusement.

Je les ai !

Elle mît un instant à souffler de soulagement puis s'aperçut qu’elle était loin d’avoir terminé et s’acharna à allumer la mèche. Après un temps qui lui parut interminable, elle parvint enfin à allumer la mèche et se prépara à viser de nouveau.

C’est bon !

Soren frappa la bête sur la carapace, faisant tinter sa lame contre la bête, sans se retourner, il s'adressa à Autumn

Reculez de cinq bons pas, et criez quand vous lancez, ne perdez pas de temps !

Le jeune homme vit arriver les vrilles de la bête sur lui. Il esquiva la première, mais la deuxième heurta sa tempe et lui vrilla la tête, créant un flash devant ses yeux pendant quelques secondes. Il mobilisa ses forces pour rester debout, car la tête de la bête était désormais plus proche de lui. D'un geste brusque mais vif, il porta une estoque au niveau de la mâchoire de la bête qui fit exactement ce qu'il s'imaginait. Les mandibules se refermèrent sur la lame avant qu'il ne puisse transpercer la bouche de la bête. Une vrille le frappa à nouveau au flanc, réveillant ses précédents coups encaissés. Il serra les dents, maintint sa prise, attendant d'entendre la voix d'Autumn...

Autumn voyait avec horreur la créature menacer le jeune homme dont elle s’était éprise. Elle recula comme il lui avait indiqué et cria avant de lancer.

Maintenant !

Et elle jeta la bouteille de toutes ses forces avec l’énergie du désespoir. L'appel résonna dans sa tête comme si sa vie en dépendait, ce qui, en soit, était un peu le cas. La pression qu'il maintenait pour garder l'épée dans sa main fut sa meilleurs alliée. Sans crier gare, Soren lâcha la lame, forçant ainsi le mouvement que la bête essayait d'entreprendre depuis quelques secondes. Dans ce laps de temps, la créature se déséquilibra tandis que l'épée volait déjà en arrière sous le mouvement de levier qu'elle venait de réaliser. Dans le même temps, Soren plongea en arrière de toute ses forces et se plaqua au sol en priant pour que son amante ait visé juste.

La bouteille vola, frôlant de peu le voyou des rues puis heurta la carapace de la créature dans un petit bruit sec. La jeune femme eut un moment de terreur pure en songeant que la bouteille allait s’éteindre mais au même moment elle s’embrasa et explosa juste sous la créature qui poussa un cri strident insupportable avant de reculer précipitamment.

Soren ne vit rien, mais ses oreilles l'orientèrent vers l'idée que la noble avait fait mouche. Par précaution, il se garda de bouger ou de se risquer à tourner les yeux pour le moment...qui sait, un projectile enflammé ou autre...
Étant donné qu'il ne sentit pas des dizaines de pattes grimper sur lui, il y avait fort à parier cependant que le combat était gagné. Finalement, le jeune homme tourna la tête en direction de sa protégée et croisa au loin son regard, illuminé par le brasier qu'ils avaient tous deux engendré.

J'imagine que je peux me relever ?

Elle s’était déjà précipitée vers lui et lui tendait un bras pour l’aider à se redresser. Les combattants reprenaient le dessus, encouragés par la lueur des feux et la peur des créatures.

On a réussi !
Autumn Dellinger
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Mer 6 Oct - 14:53

Il se redressa avec son aide et jeta un œil aux alentours. Les flammes, aussi colossales fussent-elle, avaient un côté sécuritaire appréciable dans le tumulte. De moins en moins d'insectes était visibles, et les derniers se faisaient d'ores et déjà chasser ou mettre à terre. Soren s'approcha de la jeune femme et posa une main sur son épaule tout en la regardant dans les yeux, ignorant les protestations de son corps et l'hématome sur sa tempe.

— Vous n'avez rien? Tout va bien ?

Elle secoua la tête, le souffle court, débraillée et couverte de suie, de poussière et de sang. Puis elle se pressa dans ses bras en relâchant son souffle. Elle avait envie de pleurer tout à la fois de tristesse et de soulagement. Rosa était morte mais ils avaient survécu.

Soren serra les dents lorsqu'elle se blottit contre lui. Ses flancs avaient bel et bien souffert mais la présence d'Autumn était une considération bien plus importante. Il passa ses deux bras autour d'elle et posa ses lèvres sur son front pour y déposer un baiser réconfortant.

Elle resta ainsi quelques minutes à savourer cette victoire en demi-teinte et pour la première fois, elle sut ce que c’était d’être en vie. Elle se moquait qu’on les voit. Toutes ces considérations paraissaient futiles et personne ne sembla même les remarquer. Le champ de bataille était plein de blessés, de restes de chariots et il fallait retrouver les chevaux affolés ou perdus.

Soren sentit ses nerfs se calmer pendant cette étreinte, rassuré de voir qu'Autumn n'était pas blessée. Il ne parvint pas à se détacher d'elle comme le voudraient les convenances, ce moment était à eux.

— Rejoignons les autres, rester seul n'est pas encore une décision très sûre.

Malgré sa suggestion, Soren ne bougea pas, resserrant même quelque peu son étreinte comme s'il avait peur qu'elle s'en aille. Son souffle était devenu plus régulier, et les douleurs se manifestaient de plus en plus.

— Vous avez raison…

Mais elle ne bougeait pas plus que lui, soufflant contre son paletot abimé. Ses doigts restaient obstinément accrochés à son col et s’y maintenaient pour ne pas sombrer. Ils restèrent ainsi de longues minutes, cherchant tous deux le réconfort d'une des seules choses qui les importaient à l'instant. Soren avait passé sa main dans les cheveux de la jeune femme tout en la tenant contre lui, sentant presque sa peine au travers des tremblements qui secouaient son être. Il tenta tant bien que mal de la rapprocher un peu plus contre lui. Voyant l'état de son chemisier ayant servi à concevoir leurs projectiles enflammés, il se dégagea de leur étreinte et lui confia sa veste, comme il en était devenu une habitude, et un peu comme si cela pouvait l'aider à se sentir en sécurité, ne serait-ce que quelques secondes. Il la ramena ensuite à nouveau vers lui.

— Vous savez quoi, rejoignons l'une des voitures plutôt, nous serons non loin du point de regroupement, mais avec un peu de tranquillité, juste quelques minutes.

Et le jeune homme était bien inspiré. Car dès lors qu’ils commencèrent à rejoindre un abri, une autre terrible besogne commença. Comme si le carnage ne suffisait pas, il fallait désormais que les survivants finissent une bonne fois ceux des morts qui se relevaient. Avant de subir une autre attaque des leurs. Autumn fit tout son possible pour ne pas imaginer ce que sa vieille gouvernante était devenue alors que des grognements commençaient à se faire entendre. Elle resta le visage enfoui dans la veste de Soren.

Les bruits infâmes que tout habitant de Claircombe cauchemardait un jour ou l'autre ne résonnèrent malgré tout pas longtemps dans la plaine. Garett braillait des ordres à tout va, s'acharnant à finir le travail proprement. Assis sur une caisse recouverte d'un tissu dans une voiture dédiée au matériel, les deux amants restèrent un instant en silence. Soren cherchait ce qu'il pouvait bien dire, mais à ce moment aucun mot ne lui vint, il n'avait qu'à lui offrir sa présence, ce qui pour le moment semblait suffisant à ce qu'elle s'accorde un peu de repos. Il n'en demandait pas plus, au moins Autumn n'était pas blessée, et cette idée le réconfortait. Sentant sa tempe pulser douloureusement, le jeune homme passa sa main sur le côté de son crâne, pensant y voir du sang, mais seule une douleur vive apparut sous le contact de ses doigts et lui fit arracher un petit son de surprise.

A l’abri du monde et de sa cruauté, Autumn échappa pendant quelques minutes à l’odieuse malédiction dont souffrait son espèce depuis des décennies. Elle finit par redresser la tête quand le calme revint peu à peu. Elle fixa alors Soren avec un peu d’inquiétude.

— Vous êtes blessé ?

Pour la première fois depuis un moment maintenant, un sourire timide se dessina sur le visage de Soren

— C'est pas la première gifle que j'ai prise de ma vie, mais c'est probablement la plus violente.

Ses doigts effleurèrent à nouveau sa tempe mais il les retira sous la douleur provoquée par la sensibilité de l'hématome. Il abandonna sa blessure pour passer sa main sur son flanc, et grimacer à nouveau.

— Ca pique un peu, je dois l'avouer.

Elle grimaça en écho aux souffrances de son amant. Elle se décida à risquer un œil au dehors. Les hommes se rassemblaient, certains cherchaient les victimes en tentant de les rassembler. Les clients eux restaient terrés dans l’une des voitures miraculeusement intactes. Peu porteraient de l’attention aux hématomes de son protecteur. Se focalisant sur sa nouvelle mission pour ne penser à rien d’autre, Autumn se mit en quête d’un nécessaire de soins qu’elle finit par dégoter à force de recherches, ignorant les questions sur son état ou toute autre considération. On finit par lui remettre ce qu’elle cherchait avec des regards quelque peu soucieux sur l’état second de là cartographe. Elle revint finalement triomphante à bord de la voiture.

— J’ai trouvé de quoi vous soulager…

Soren regarda la jeune femme avec un sourire attendri, mais également un air un peu inquiet

— C'est gentil... Mais vous devriez vous reposer un peu plutôt, ça va passer vous en faites pas.

Mais elle ne voulut rien savoir, ignorant les recommandations galantes de Soren, s’emparant d’un linge pour nettoyer ses tempes avant d’appliquer un onguent qui sentait fort la menthe.

Il comprit assez vite qu'il ne servirait à rien de lutter contre les soins, alors il se tut pour se laisser manipuler, en s'efforçant de ne pas grimacer.
La douleur était moindre sous le contact des mains de la jeune femme, appliquée et douce.

— Autumn je...pour ce...est ce que...

Le jeune homme prit une inspiration pour s'arrêter de bégayer, depuis quand une interaction sociale le rendait-il timide ? Probablement depuis que les yeux de son amante étaient devenus comme une drogue pour lui. Il toussota pour se donner de la contenance et reprit.

— Ce soir je resterai devant votre tente plutôt que de m'éloigner à une distance convenable... quoi qu'en disent d'éventuels détracteurs et... Si vous n'y voyez pas d'...aie !

il ne sut si elle avait appuyé ou si c'était simplement sa soudaine agitation nerveuse qui avait provoqué ce faux mouvement. Elle suspendit son geste, revenant peu à peu au présent, et se concentrant sur ce que Soren disait. Elle contempla ses doigts pleins d'onguent. Ils tremblaient légèrement, avant qu'elle redresse le regard vers lui.

— Pardon, je vous ai fait mal...

Elle se sentait si gauche et maladroite. Quelle aventurière ! Pas même capable de tenir une arme, ou de se défendre par elle-même...

— Je vais...

Qu'allait-elle faire au juste ? Elle ne savait pas, elle chercha de quoi reboucher l'onguent pour le ranger. Oui, c'était une bonne idée. Ainsi, la poussière n'aurait pas le temps de s'y loger. Ça pouvait servir.

Il vit son hésitation dans ses gestes et s'inquièta instantanément. Sa propre main vint se poser sur l'avant bras de la jeune femme tandis qu'il plongea son regard dans celui de sa protégée.

— Vous n'y êtes pour rien, je gesticulais sur place...mais en revanche, vous avez besoin de repos...

Lentement, les mains du jeune homme glissèrent dans la plus grande douceur sur ses épaules d'Autumn qu'il massa en exerçant une légère pression visant à détendre ses muscles. Elle eut bien du mal à calmer ses tremblements et se mordit la lèvre inférieure pour ne pas céder à la chute de ses nerfs, puis éclata en sanglots. Elle finit par fermer les yeux au contact des mains de Soren sur ses épaules, aussi rigides que du plomb. Sous le choc de l'après coup, elle mit de longues minutes à se calmer, et passant une manche déchirée sur ses yeux, elle finit par se ressaisir un peu.

Le jeune homme cherchait désespérément dans sa tête un moyen de rendre son sourire à sa protégée, mais il savait qu'elle était en grande partie inconsolable. Ainsi, il fit la seule chose qu'il savait faire, et déposa ses lèvres tendrement sur la joue humide d'Autumn avant de l'enlacer

— Je resterai avec vous le temps qu'il faudra, si tant est que cela vous aide...

Elle ne sut quoi répondre pour un moment, affligée par ce relâchement brutal de ses nerfs et du sentiment de perte qui envahissait tout, mais elle s'accrocha à Soren, jusqu'à ce qu'elle soit assez en mesure pour se redresser et reprendre son souffle. C'était un tourbillon qui l'avait traversée et l'avait laissée lessivée, sur le carreau.

L'affaiblissement de son amante lui serrait le cœur. Il connaissait cette peine, celle de la perte injuste d'un être cher... Il avait aussi que seul le temps atténuait les maux.

— J'imagine que le campement va être déporté plus loin dans la plaine, je vais aider à dresser votre tente et nous récupérer à manger pour que vous puissiez vous installer confortablement.

Elle opina faiblement avant de le laisser partir en avant, tandis qu'elle tâchait de se reprendre assez pour paraître présentable au dehors. Elle avait perdu la notion du temps, il lui semblait que tout avait tant dégénéré que cent ans s'étaient passés depuis qu'elle s'était retrouvée dans ce placard avec Soren à Port aux Échoués.

L'air extérieur réchauffé par le brasier ne fit pas spécialement de bien au malandrin, mais le fait de ne plus être cloisonné s'avéra quelque peu salvateur pour sa respiration qui tendait à devenir haletante. Comme d'habitude lorsqu'il était en présence de quelqu'un en souffrance, il s'efforçant toujours de contenir ses angoisses qui finalement ressortaient lorsqu'il se retrouvait seul. Adossé au chariot un instant, il serra les poings de frustration. Certes, Autumn était saine et sauve, mais Rosa n'avait pas eu cette chance, et il ne pouvait s'ôter ce sentiment de culpabilité de la tête. Sans elle, la bête l'aurait certainement éliminé, et aujourd'hui la vieille servante avait payé les pots cassés de son incompétence. Seul le fait qu'Autumn soit dans la voiture l'empêcha d'envoyer son poing contre la surface boisée brute sur laquelle il s'était appuyé.

Il se frappa finalement les joues en évitant son hématome, pour se donner un peu de contenance, puis il partit remplir sa mission. Assez rapidement, il croisa le visage familier de Gregor. Le savoir en vie réconforta le jeune homme qui ne put sourire malgré tout.

— Alors gamin, je te cherchais. T'as une sale mine, me dis pas que...
— Dame Dellinger va bien, je viens aider à remonter le camp et déplacer le matériel... J'aimerais qu'elle puisse avoir un endroit où se reposer dès que possible.

Il occulta volontairement la mention de Rosa pour ne pas empirer sa peine.

— Ca va prendre un peu de temps mais on va essayer de faire vite. Viens avec moi.

Soren adressa un regard plein de reconnaissance au cocher qui lui tapota l'épaule d'une manière bien plus douce que ses bourrades habituelles, passant même son bras autour de ses épaules pour lui faire une accolade qui manqua de faire lâcher les nerfs du jeune homme. Ils se remirent en marche peu de temps après, peu désireux de faire traîner la reconstruction du camp.

Autumn finit par réapparaître lorsqu’elle réussit à reprendre tout à fait ses moyens. Elle circula pour donner un peu d’aide bien que personne ne lui demande rien et errant de gauche et de droite elle finit par simplement s’asseoir sur une souche pendant qu’un semblant de camp s’établissait. Elle reprit un peu d’énergie en voyant les blessés rassemblés sous une tente unique et soignés avec les moyens du bord. Elle décida alors à se joindre aux hommes pour aider à nettoyer et panser les plaies dans la mesure de ses moyens. L’activité lui faisait du bien. Lorsqu’elle s’arrêtait l’apathie la reprenait aussitôt et le visage de Rosa dans ses derniers instants la hantait. Le temps passa à une vitesse foudroyante et la journée suivante était déjà bien entamée lorsque les hommes purent prendre un peu de repos. On avait veillé à sortir des alentours de la forêt dont semblaient émaner les créatures.

Le temps passait tantôt vite, tantôt lentement. Avoir dressé le campement dans une zone plus dégagée offrit au moins la satisfaction de s'éloigner de l'effrayante forêt qui leur avait causé tant de troubles. Soren ne prenait pas une minute de repos, ignorant les protestations de son corps. Si tout le monde aidait, il pouvait aussi s'y mettre sans rechigner. S'occuper les mains l'empêcha lui aussi de ruminer les erreurs de la veille...Jusqu'à ce qu'il passa à côté d'un parterre de tapisseries sur lesquelles reposaient des corps sous des draps souvent poisseux de sang. Son cœur fit un bon et il dut retenir un sanglot. Seuls trois corps étaient ici, et probablement que celui de Rosa en faisait partie...Soren s'approcha du soldat à proximité qui leva la tête en le voyant arriver.
— Qu'est ce que vous allez faire des corps ?
— On va les brûler, certainement.
— Parmi les trois juste ici...Il y avait le corp d'une femme âgée n'est-ce-pas ?
— Oui, c'est la servante de la noble, elle était dans un sale état, ça m'étonne pas qu'elle y soit restée. Il paraît qu'elle s'est battue comme un lion hier, triste fin pour elle.

Le détachement du soldat faillit énerver Soren, mais il conserva son calme en se mettant à la place du combattant qui avait aux côtés de Rosa deux compagnons d'arme reposant sous des draps mortuaires. Il relativisait, et c'était en théorie ce qu'il y avait de mieux à faire.

— La servante, ne brulez pas son corps avant que Dame Dellinger n'aie pu lui rendre hommage, s'il vous-plait
Le soldat eut l'air interrogateur, puis il se rappela visiblement qui Soren représentait avec cette tenue.
— C'est elle qui le demande ?
— Si tu veux mon avis, tiens-t'en à cette information ou tu risques de passer un sale quart d'heure. Et si tu te fais pourrir parce que toi seul est au courant, insiste quand même dans ce sens.

Le ton de Soren était presque autoritaire bien que sa voix ne témoigne aucune méchanceté. Ce manque de joie était bien entendu inhérent à la fatigue grandissante qui le gagnait, et à cette envie presque irrépressible de retrouver sa protégée, qu'il tentait de contenir afin de quand même se rendre utile au campement, mais aussi et surtout parce que cette culpabilité qu'il ressentait gagnait de plus en plus son esprit

Autumn se retrouva finalement dans une tente obscure à contempler le visage de sa chère Rosa pour la dernière fois. Alors qu’on préparait une cérémonie à la hâte, elle fixait ces traits reposés qui ne s’éveilleraient plus jamais. Elle serra sa main sous le drap, le cœur lourd de regrets.
— Je suis navrée pour tout, Rosa.
Une ombre se déplaça sous la tente sans qu’Autumn le remarque.
— Toutes mes condoléances, dame Dellinger.
La voix sirupeuse de Galatius la fit sursauter. Le noble posa une main sur son épaule, ce qui lui tira une vague grimace qu’elle dissimula de son mieux.
— La réalité de la vie se rappelle toujours à nous de manière si cruelle.
Autumn ne répondit rien mais dégagea son épaule doucement. Le noble fit comme si rien n’avait changé.
— Dès lors que nous en prenons conscience, nous devrions tous apprendre la leçon qui nous est donnée. La vie n’est pas faite de rêves et de fumée. Il faut songer à l’avenir, dame Dellinger.
Le ton était lourd de sens.
— Et à vos engagements.
Il ajouta :
— Car tous nos choix sont lourds de conséquences.
Autumn tourna finalement la tête vers Galatius. Son visage n’exprimait rien qu’une inexpressive neutralité.
— Merci pour vos mots pleins de sagesse, sieur.
L’homme sourit, se saisit de sa main avec délicatesse et y déposa un baiser avant de reculer.
— Je vous laisse à votre recueillement. Que la Providence vous guide.

Soren était non loin de l'entrée de la tente, immobile les bras croisés et les yeux levé vers le ciel, bien trop radieux pour l'ambiance générale à son goût.
Lorsque le noble ressortit, il porta volontairement un coup d'épaule au jeune homme en lui glissant un regard plein de dédain. Soren n'était pas dupe, cet homme n'était pas là uniquement par politesse. Il ne put rien dire malgré tout, après tout les histoires de ce monde qui était le leur ne devaient pas le regarder. La culpabilité ne le quittait plus depuis la mort de Rosa, si bien qu'il n'osa pas entrer malgré son inquiétude vis à vis. Il lui aurait bien rendu un dernier hommage, mais cette idée qu'il n'était pas à sa place le plantait au sol devant cette tente.
Il poussa un profond soupir tout en regardant par dessus son épaule au cas où la vision d'Autumn lui apparaisse ne serait-ce qu'une seconde.

Soren Grim
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Lun 25 Oct - 21:08
Soren finit par l'apercevoir quand elle quitta la tente pour un semblant de cérémonie. Les corps rassemblés avaient été amenés par les survivants vers un bûcher de fortune dressé pour l'occasion. Les lieux avaient été un peu dégagés et malgré l'odeur prégnante de fumée et de sang qui dominaient encore, chacun s'était approché avec respect du bûcher, les visages tendus de fatigue et de peine. Les deux nobles étaient restés à part, se tenant à distance des soldats et des serviteurs. Autumn ne les rejoignit pas. Elle s'avança seule, et se plaça non loin de l'endroit où l'on avait transporté Rosa. Tous les corps avaient été enveloppés dans des draps afin de faciliter leur inhumation et garantir un peu de leur dignité. Le but inavoué était aussi de dissimuler les terribles blessures que la plupart avaient reçu. Aucun prêtre n'était là pour officier alors Garett dit quelques mots respectueux en évoquant Providence et quelques prières qu'il connaissait par cœur. Les corps furent montés sur le bûcher, constitué en grande partie des débris de bois de la bataille et on ne tarda pas à y mettre le feu. Autumn tira son mouchoir et le garda près de sa bouche. L'odeur de fumée lui sentait insupportable.

Le cœur lourd, Soren assistait lui aussi au bûcher funéraire, les dents serrées. Comme il se devait d'après sa fonction, il s'était placé à deux pas de la jeune femme, sur sa droite et légèrement en retrait. Lui qui d'habitude était si à l'aise ne su comment se comporter à cet instant où les flammes emportaient avec elles le corps de la malheureuse servante. Il s'approcha malgré tout d'un bon pas pour se retrouver juste à côté de sa protégée, luttant encore contre sa culpabilité. Il ne se risqua pas à poser une main sur l'épaule d'Autumn, tant à cause des regards indiscrets que parce qu'il n'était pas sûr que sa présence ne lui soit d'un grand réconfort en ce moment. Il garda tous ses doutes bien au fond de sa tête et posa ses mains le long de ses flancs, se servant de sa ceinture comme d'un support pour y caler ses pouces. Il attendit patiemment la fin de la procession funéraire pour esquisser un mouvement de plus vers elle.

Si je peux faire quelque chose pour vous, Dame Dellinger, vous n'avez qu'à demander…

Autumn ne s'attarda pas devant le bûcher. Elle ravala sa peine et son amertume avec le plus de dignité possible, et adressa une prière à Providence avant de se détourner. Rien ne ramènerait sa chère Rosa. Elle hocha de la tête vers Soren. Sa présence même discrète était un réconfort qu'elle ne pouvait lui exprimer. Elle lui adressa un triste sourire en réponse et le dépassa pour rejoindre sa petite tente. Elle avait envie de s'isoler, et de se lamenter sur son sort encore quelques moments. La fatigue s'était emparée de ses nerfs malmenés et à cet instant précis, elle aurait tout donné pour se retrouver dans le confort douillet de sa chambre qu'elle avait tant voulu fuir.

Ce simple sourire plein de tristesse avait été suffisante pour qu'il comprenne que le moment n'était pas encore venu pour elle de redescendre sur terre. Il respecta son silence et la regarda s'éloigner vers sa tente. Lui-même croisa ensuite Gregor à qui il n'adressa qu'un simple regard fatigué, avant d'aller s'asseoir sur une caisse en bois non loin des quartiers de sa protégée. Il ne tint pas longtemps en place et préféra s'affairer à quelques tâches de camp non loin, comme la mise en place d'un foyer de bois pour le feu qu'ils allumeraient sûrement plus tard. Il ne pensait à rien, ignorant son corps qui protestait encore des coups encaissés plus tôt et de l'absence de sommeil. Lorsqu'il revint sur son siège avec l'évident constat qu'il n'avait rien de mieux à faire, le jeune homme préféra descendre au sol et s'adosser à la paroi boisée de la caisse. Le contact de l'herbe sauvage sous ses doigts l'occupa un instant, jusqu'à ce qu'il ne finisse par s'assoupir dans un demi sommeil dont il ne serait pas dur de le tirer, aux vues de sa nervosité.

La nuit passa comme un cauchemar hébété, puis le jour se leva de nouveau, dans une aube grise comme un lendemain de cuite. Autumn s’affaira à ranger ses affaires, désormais seule dans son petit univers domestique féminin. Plus que jamais, dans chaque rituel du matin, l’absence de Rosa se faisait sentir. Dans le campement, la même morosité régnait tandis que chacun s’activait à ranger les tentes et les paquets tout juste déballés de la veille. Mais aucun ne râlait ou ne bougonnait. Les deux clients restèrent dans leur voiture jusqu’au départ, et tout un chacun s’activa pour quitter ce lieu sanglant où ils avaient tant perdu. Garett rassembla l’escorte qui s’était réduite à portion congrue afin d’organiser la suite du périple. Il était visible sur tous les visages que les miliciens avaient envie de rentrer chez eux, en sécurité, à Claircombe. Mais Galatius mît fin aux doutes en promettant une solde plus élevée pour ceux qui resteraient et en définitive aucun ne voulut rentrer seul, ce qui résolut le bref conflit qu’il y aurait pu avoir.

Levé aux aurores, Soren avait profité du camp ensommeillé pour s'octroyer une marche visant à apaiser son esprit. De nature optimiste, il n'aimait pas se sentir dans de mauvaises dispositions, ainsi se retrouver seul à compter ses pas lui parut une activité suffisamment satisfaisante pour son lever. Attentif malgré tout aux alentours, le jour, bien que morose, semblait le protéger des prédateurs de la nuit. Il ne s'éloigna pas trop loin, seulement jusqu'à une mince coulée d'eau ressemblant à une ultime ramification du fleuve qui s'écoulait un peu plus loin. Il posa les genoux au sol non loin du point d'eau et en profita pour se rafraîchir le visage, puis finalement se débarrasser de ses vêtements et faire une toilette improvisée. Personne ne vint le déranger et le calme uniquement perturbé par le bruissement de ses pas dans l'eau lui offrirent un peu de réconfort. Il resta un long moment dans son coin à tenter de tempérer sa culpabilité et se remettre sur pied. Lorsqu'il eut nettoyé ses cheveux, il s'efforça de les replacer proprement, une entreprise assez aisée après le travail qu'avait fait Rosa...Il poussa un profond soupire à cette pensée et se laissa divaguer en regardant le ciel grisâtre avec l'espoir que le soleil ne perce finalement l'ombre qui planait sur cette aventure.

Un cor résonna dans l’air matinal, avertissant du départ. Soren allait devoir faire vite pour rejoindre le convoi qui ne tarda pas à s’ébranler. Certains chevaux avaient été blessés dans leur fuite éperdue et on les avait soignés au mieux, mais les voitures avançaient lentement, éprouvées par les derniers événements. Néanmoins, tout un chacun semblait pressé d’avancer, et le soleil ne tarda pas à pointer à travers les nuages, encourageant les bêtes à avancer.

Soren se rhabilla avec précipitation, tant pis pour le paraître, il réajustera sa tenue plus tard. Tout en courant vers le convoi, le jeune homme resserra sa ceinture et ses armes avec adresse, oubliant un peu ses cheveux dans la bataille. Lorsqu'il arriva aux côtés de la voiture de sa protégée, il vit une porte déjà rabattue et un Gregor assis à l'avant, sondant les environs tandis que les chevaux s'étaient mis au trot. Fort heureusement pour lui, la voiture de dame Dellinger faisait partie des voitures centrales et était donc encore sur place. Lorsque le regard du cocher se posa sur Soren, le gaillard s'exclama.

J'ai bien cru que tu t'étais perdu gamin, grouille toi !

Le jeune homme se hissa habilement à l'avant en s'accrochant aux prises improvisées de l'avant de la charrette, pour gagner la place passager au côté de son nouvel ami. Il reprit alors son souffle, soulagé. Son regard se dirigea naturellement vers l'arrière de la voiture, mais un voile occultait la vue de l'intérieur. Soren soupira avant de reporter son attention sur Gregor, l'air un peu abattu.

Excuse-moi, j'avais besoin de faire un petit tour à mon réveil.
Encore un peu et tu te retrouvais tout seul en pleine nature, couillon. Soren esquissa finalement un sourire sans grande conviction, accueillant malgré tout des rayons réchauffant du soleil sur son visage avec un certain plaisir.
Est-ce que je...

Son regard se tourna une nouvelle fois en arrière. Il se ravisa cette fois encore, toujours noué par la culpabilité. L'envie d'aller aux cotés d'Autumn était forte, mais il n'osa pas s'inviter comme il l'aurait fait d'accoutumée.

Non, rien...Chuchota-t-il pour lui-même. Plus tard. Oui, il ira la voir à un moment ou un autre…

Autumn passa une bonne partie du trajet qui suivit dans ses parchemins ou le regard perdu sur les paysages. Cette aventure avait pris une toute autre saveur après le drame de la veille. Elle comprenait enfin en quoi consistait la ligne tenue entre vie et mort, victoire et défaite. Ils étaient vivants mais plus jamais comme avant. Elle rumina une bonne partie du temps puis son esprit bouillonnant eut besoin de matière pour ne pas exploser, aussi se remit elle avec assiduité à son ouvrage, dessinant toujours ses cartes imaginaires, sauf que cette fois, elle s’imaginait des étendues arides et sèches, sans la moindre parcelle de vert, au milieu d’une faune hostile et menaçante. Scrutant parfois cette place vide en face d’elle.

Les éternelles tribulations équines de Gregor occupaient l'esprit de Soren, comme la répétition d'un voyage précédent, teinté de plus de tristesse. Pourquoi ne parvenait-il pas à reprendre les rennes de sa bonne humeur, comme il le faisait tout le temps? La perte d'une personne était toujours quelque chose de douloureux, mais Soren était ce genre de personne capable de ne jamais se laisser abattre. Pourtant, aujourd'hui et ici-même, la culpabilité le tenaillait comme elle ne l'avait presque jamais fait auparavant. Il savait qu'il n'était pas réellement responsable de tout cela, mais c'est précisément en ça que se créait ce biais cognitif frustrant dans sa tête. Les yeux perchés dans les cieux, le jeune homme ne réalisa pas qu'il n'écoutait plus le cocher. Celui-ci ne sembla pas s'en offusquer non plus. Sans prévenir, le jeune homme se frappa les joues pour se sortir de ses ruminations négatives, ce qui coupa la parole à Gregor qui fut pris de cours par ce geste.

Désolé vieux, j'étais en train de divaguer, j'ai un peu faim, pas toi?! L'empressement soudain de Soren souligna une impatience évidente.

Heu...nan pas spécialement je…

Écoute j'ai la dalle je tiens plus, il doit y avoir un truc à grignoter juste derrière, oui ! Surement !

Il n'attendit pas plus longtemps pour se retourner en posant les genoux sur son siège, faisant maintenant face au rideaux qui le séparait d'un petit espace chargé d'équipement et de vivres. Bien entendu, il y avait également Autumn derrière cet occultant... Le jeune homme ravala sa salive en hésitant un instant, la main sur le tissu. Puis il prit son courage à deux mains et tira finalement le rideau en s'avançant en avant, faisant mine de chercher quelque chose à manger. Son regard se posa assez rapidement sur Autumn. Son prétexte alimentaire devint rapidement désuet quand son regard se posa avec une certaine tendresse sur sa protégée. Après un sourire timide, il lui adressa la parole.

Dame Dellinger…

Elle fut tirée des ombres mouvantes et funestes du soir par le regard brillant de Soren, comme un phare dans la nuit dans laquelle elle était plongée. Elle frissonna et ses lèvres se fendirent d’un léger sourire teinté de tristesse.

Soren. Où sommes-nous ? J’ai perdu le fil, je crois…

Elle avait l’impression d’être piégée entre deux mondes, comme pour refuser l’évidence d’un choix impossible. Renoncer au souvenir d’un proche arraché trop tôt à la vie ou rester avec celui là dans les limbes pour toujours. Ce semblant de sourire qu'elle lui adressa eut dont de lui réchauffer un peu le cœur, c'était un signe positif bien maigre, mais c'était déjà ça. Toujours un peu perturbé par une timidité non contrôlée, le jeune homme hésita un instant avant de répondre. Puis, peu à peu, son sourire vint animer son visage, un rictus authentique et bienveillant. Si elle ne pouvait se réjouir, il ferait ce qu'il faut pour lui apporter des choses positives

N'est-ce pas là un comble pour une cartographe ?

Son ton était taquin, un peu plus sur de lui. Il reprit alors.

Si je devais vous répondre je vous dirais que nous sommes en pleine nature, voilà tout ! Mais j'imagine que nous approchons des champs de feu, à force…

Elle se reprit un peu à la taquinerie de Soren. Elle souffla un peu des narines et fit un effort pour distinguer les contours proches et estimer le temps qu’ils avaient passé en route.

Vous avez certainement raison… Espérons seulement qu’on ne trouve pas encore de ces monstres affreux ce soir. Le jour tombe…

Soren préféra occulter ces sombres pensées qui ne demandaient qu'à revenir au devant de la scène.

J'imagine que nous allons mieux préparer le terrain, peut-être en renforçant le camp au cas ou...En plus, nous nous éloignons de la forêt, c'est une bonne chose si vous voulez mon avis !

Réalisant qu'il était appuyé sur la caisse en étant incapable de détacher son regard de la jeune femme, Soren se reprit et fit mine de chercher de quoi manger, mais une nouvelle fois sa tête remonta vers Autumn, à la recherche du regard de la noble

J'arrive comme un cheveux sur la soupe...marmonna-t-il avec un petit sourire, vous préférez peut-être rester seule…

Elle lui adressa un nouveau sourire, légèrement teinté de sa malice habituelle que le jeune homme parvenait si bien à faire ressortir.

Soren, vous ne me dérangez jamais. Vous cherchiez quelque chose en particulier ?

Les mains dans la caisse à fouiller sans regarder, Soren se sentit un instant idiot, ce qui eut don d'élargir son sourire

Ah euh...J'avais...qu'est ce que je cherchais déjà... Ses yeux se posèrent sur le contenant de la caisse, Faim ! Oui j'avais un peu faim...Et puis...je voulais un peu savoir si vous n'aviez besoin de rien, je dois avouer…

Elle le laissa faire et esquissa un sourire en coin.

C’est mon matériel de dessin que vous fouillez…
Ah oui...en effet...

Son argumentaire démontée en une réplique, Soren dut s'avouer vaincu et parler franchement.

Puis-je vous tenir un peu compagnie pour cette fin de journée ? Il porta la tranche de sa main contre le coin de sa lèvre comme pour empêcher Gregor d'entendre la suite, un sourire malicieux sur la visage, Si je l'entend encore me raconter comment on selle un cheval, je vais m'évanouir…
Rien ne me ferait plus plaisir… La solitude ne me vaut rien aujourd’hui… Elle émit un bref soupir en tendant la main pour effleurer sa joue. Je m’en voudrais que vous vous évanouissiez…

Ce contact le fit frissonner tandis qu'un sourire plus radieux illumina son visage. Il se hissa avec souplesse vers l'assise pour se retrouver soudainement bien plus près qu'il ne l'aurait imaginé d'Autumn. Son cœur se mit un instant à battre la chamade, si sa présence était une source de réconfort, alors il ferait en sorte d'être là pour elle, et avec le sourire.
Vous me sauvez d'un ennui certain. ses yeux se posèrent sur l'un des croquis réalisé par la jeune femme, Vos dessins sont superbes et captivants, presque autant que vous...  

Il releva la tête et écarquilla les yeux pour fixer son regard devant lui, réalisant trop tard qu'il venait de penser à haute voix. Ses joues se teintèrent légèrement de rouge en même temps qu'il pinça les lèvres pour retenir son sourire gêné. Elle ne résista pas à ce petit air timide qu’il lui opposait. Elle le trouvait adorable et personne n’avait jamais été aussi doux et dévoué avec elle. Elle lui offrit donc un baiser, profitant de leur nouvelle proximité pour le retrouver.

Prit de court mais conquis à nouveau par ce geste, Soren se laissa aller à cet échange, posant sa main tendrement sur la joue de la jeune femme tandis que ses sens s'embrasaient. Lorsqu'il rompirent le contact, presque à contrecœur, Soren prit le temps de se noyer dans le regard de celle qui avait capturé son cœur, avant de joindre à nouveau ses lèvres à celle d'Autumn. Le réconfort de se trouver près d'elle dans un instant de quiétude apaisa sa nervosité qu'il cherchait à dissimuler. Il profita pleinement de l'instant pendant lequel une bulle réconfortante sembla se former autour d'eux. Il en vint presque à regretter de ne pas l'avoir retrouvé avant, repoussé par une culpabilité probablement un peu mal placée. Son cœur continuait de battre la chamade lorsqu'il l'enlaça avec beaucoup de tendresse contre lui. - Je...je suis content de me joindre à vous, ne serait-ce qu'un peu.

Elle se lova un peu contre lui, infiniment soulagée de retrouver sa chaleur et le monde des vivants. Elle ne dit rien, mais son silence exprimait toute la gratitude qu’elle éprouvait à cette tendresse qu’il lui manifestait. Même ces quelques minutes volées au temps valaient de l’or.

Il n'était pas à sa place, il savait que son statut social l'interdisait formellement d'agir ainsi, et ce même si la principale surveillante de son bon comportement n'était plus de ce monde. La promesse qu'elle avait fait n'avait certainement pas été oubliée, les commanditaires de cette expéditions étaient avide de conquérir le cœur de la jeune femme...Le cœur ou surtout la propriété maritale, tristement. Cette interdiction implicite n'eut aucune prise sur cet instant qu'il partagea avec Autumn, dans le secret de cette voiture. Il la sentit se détendre contre lui, et telle était sa principale préoccupation, les convenances pourraient attendre. Son amertume à ce sujet se dissipa lorsqu'il passa sa main dans les cheveux de son amante pour la masser doucement. Tant qu'ils étaient sur la route, personne ne viendrait les déranger dans ce petit moment de répit qu'ils s'étaient tous deux décidés à s'accorder.

Elle n'exprima pas grand-chose dans ce moment de parfaite quiétude, au rythme de la course des chevaux, et finit même, aux caresses répétées de Soren par s'endormir contre son paletot, réalisant un peu trop tard qu'elle n'avait presque pas dormi en deux jours. Les doigts accrochés à son col, elle se laissa emporter par la fatigue des derniers événements.

Immobile, la main de Soren continuait ses mouvements lents bien après qu'Autumn ait succombé, simplement pour maintenir cette accalmie au maximum. Pas vraiment désireux de dormir, le jeune homme écouta simplement la respiration apaisée de la noble avec satisfaction. Ce contact lui offrit également un instant de repos. Son regard se tourna vers l'obscurité extérieure, il n'y voyait rien mais avait l'impression de déceler un paysage dans les ombres. Il ne bougea pas d'un pouce jusqu'à ce que finalement Gregor leur signal depuis sa place qu'ils allaient devoir dresser le camp. Voyant que la jeune femme ne se réveillait pas, le jeune homme agita son épaule doucement et déposa un baiser sur son front. Il prit la parole sans être sur de l'avoir reveillé.

Autumn, nous allons dresser le camp pour la nuit.
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