Cela faisait plusieurs jours que Jezabelle remontait une piste plutôt intéressante sur son agresseur. Elle ne pensait pas trouver d'indices à Claircombe mais les faits étaient là et le fil qui se tissait permettrait sans doute d'y voir plus clair.

Elle avait juré que le jour où elle retrouverait ce type, elle lui ouvrirait le ventre jusqu'à la gorge sans aucun regret et le laisserait pourrir dans une ruelle aux mains des maudits. Rien qu'en y pensant, un large sourire se dessina sur son visage. Jezabelle n'était pas mauvaise, mais elle ne supportait pas qu'on se paie sa tête. Et ce qu'il lui avait fait subir... jamais elle ne l'oublierait. Comment le pourrait-elle d'ailleurs ? A cause de lui, ces douleurs qui lui tiraillaient les entrailles lui pourrissaient la vie depuis.

La jeune femme avait appris que son agresseur avait quelques amis de beuverie à qui elle pourrait demander des comptes. Elle espérait fortement qu'ils pourraient l'aider et surtout, que cet abruti ne soit pas déjà mort, lui gâchant ainsi la satisfaction de le tuer elle-même. Un de ces fameux collègues lui avait été indiqué par un habitué de la taverne. Et par son intermédiaire, elle l'avait donc fait mander histoire de le cuisiner un peu. Elle avait été prévenu du caractère un peu rustre de cet homme. Mais Jezabelle se disait juste que c'était un utgardien comme les autres en fait, pas très fin ni très romantique. Elle voyait plus ou moins à quoi il ressemblait suivant la description mais les clients étaient si nombreux, qu'elle pouvait très bien se tromper.

Théodore s'affairait à servir les quelques habitués et à converser avec eux, lorsqu'il entendit un homme le heler et réclamer une tournée pour sa table. Quelques hommes près d'eux eurent l'air déçu de ne pas en être mais finirent par reprendre leur activité : boire jusqu'à plus soif. Le tavernier lui porta donc sa commande et s'en retourna assez vite vers une autre table où deux hommes commençaient à s'agiter un peu trop à son goût.

Peu de temps après, Jezabelle surgit de la cuisine, s'essuyant les mains sur son tablier en soupirant. Elle détestait toujours autant faire la plonge et son frère se faisait un malin plaisir de lui donner cette corvée. Soudain, elle vit un homme se lever et se diriger droit vers elle. Elle ouvrit d'abord des grands yeux mais fronça légèrement les sourcils en voyant son air triomphant sur son visage. Plus encore quand il la détailla comme un bon gros gâteau.

Lorsqu'il lui toucha le nez en lui parlant d'un ton sûr, elle s'approcha de lui en souriant elle aussi de manière très complice. Quelques clients s'étaient retournés vers eux, un sourire en coin, bien content de voir la stupidité de cet homme et sachant très bien que la belle avait des griffes. Au demeurant, il n'était pas si désagréable à regarder, il correspondait plutôt au type de la demoiselle. Mais ce qu'elle détestait par dessus tout, c'était qu'on pose ses mains sur elle sans sa permission. Elle tira alors doucement sa dague de la poche de son tablier et la plaqua juste contre les précieux joyaux d'Eivor entre ses jambes.

"Écoute moi bien sombre abruti, si tu t'amuses encore à ça avec moi je tranche net ta virilité. Ma lame est très bien affutée alors ne refais jamais ça, c'est compris ?" lui dit-elle alors tout près de son visage.

Elle fixa l'homme dans les yeux quelques secondes avant que son comparse ne s'adresse à elle pour tenter de calmer le jeu.

"Hey Jez', c'est lui le fameux type dont je te parlais."

La jeune femme continua de le fixer un moment, gardant sa dague là où elle était avant de s'adresser à lui.

"Alors c'est toi ?" fit-elle en se détachant de lui, levant un sourcil et le détaillant comme il l'avait fait. "Ramène toi par ici, faut qu'on parle affaire. Et garde tes yeux et tes mains là où je pourrais les voir."

Son ton était ferme et sans appel alors qu'elle indiquait une petite alcôve un peu à l'écart dans l'auberge. Elle se retourna et entama sa marche, targuant sur le fait qu'il allait la suivre. Cependant, il n'avait pas l'air d'avoir été très touché par ce qu'elle avait fait juste avant. Toujours aussi sûr de lui, il se rapprocha près, tout près d'elle et sa main frola l'arrière-train de l'aubergiste. Il n'en fallut pas plus pour qu'elle se retourne et le fixe intensément. Ses yeux n'étaient plus que fureur et le coup partit tout seul. Un bon coup de genou entre les jambes de l'homme qui ne s'y attendait pas du tout.

"Personne ne me touche !" lui hurla t-elle alors qu'il se tenait ses précieuses bourses, appuyé contre une table.

La moitié de la taverne se tordit de rire en assistant à la scène. Les habitués étaient au fait du caractère de feu de Jezabelle depuis quelques temps, surtout envers la gent masculine. Ils finirent par reprendre leurs activités qui se constituaient de boissons et de discussions animées.

"Ramène-le chez lui, je crois qu'il se sent mal" dit-elle à l'homme avec qui il parlait un peu plus tôt.

Puis elle partit en cuisine, reprendre ses corvées, cela lui permettrait de retrouver sans doute un peu son calme. Visiblement, ce type-là n'était qu'un sombre abruti et n'avait aucune information intéressante à lui donner. Encore un coup dans l'eau pour la belle brune, mais elle ne perdait pas espoir de retrouver son bourreau un jour.